HISTOIRE
DE LA
NOUVELLE FRANCE.
TOME l
histoire
E T
DESCRIPTION GENERALE
NOUVELLE FRANCE,
A VE C ’
L Ej.J °„U E N * L HISTORIQUE
d un Voyage fait par ordre du Roi dans
l’Amérique Septentrionnale.
ParleP‘ De Charlevoi X,de la Compagnie de Jésus.
TOME PREMIER.
DU ROI,
SON ALTESSE SERENISSIME
MONSEIGNEUR LE DUC
DE PENTHIEVRE
ONSEIGNEUR
Otre Altesse Sérénissime a un droit
héréditaire aux hommages de la Nouvelle Fran¬
ce , dont je prends la liberté de lui consacrer
Tome I.
E P I T R E.
Thijloire : ils étoient dûs , MONSEIGNEUR ,
au P rince, qui vous a donné le jour, pour le s bon¬
tés & les marques d’efiime, dont il a honoré cette
Colonie pendant tout le tems , qu’il a bien vou¬
lu fe charger de la partie du Minijlere , dont
elle dépend , & qu’il lui a continuées jufqu’àfa
mort. Il fçavoit , & il ne le cachoit point , que
par la valeur , la fidélité , l’efprit & la poli-
teffe de fies Habituais , elle a toujours fiort bien
foûtenu fon droit d’aînejfie ; & comblée de fies fa¬
veurs , à qui , MONSEIGNE UR , doit-elle
en témoigner aujourd’hui fa reconnoiffance par
la plume de fon Hiflorien , & protejler de fon
parfait dévouement , qu'à l’héritier des vertus,
encore plus que des titres de fon illuftre Protec¬
teur ; à celui , qui feul , en le faifant revivre
tout entier en fa perfonne , a pu nous conjoler de
l’avoir perdu ?
Une fi parfaite rejfemblance avec un Pereji
accompli, n’a dû furp rendre , MONSEI¬
GNEUR , que ceux , qui n’ont pas été témoins
de l’attention de ce Prince à vous infpirer de
bonne heure tous fes fentimens , & de l’applica¬
tion d’une Princeffe , qui n’a voulu fe déchar-
E P I T R E.
ger fur perforine de votre éducation , à dévelop¬
per & à cultiver les grandes qualités, que l’un &
L’autre vous ont tranfmifes avec lefang. De-là
en effet ce fonds de pieté & de religion , que vous
aveifi bien compris être le premier devoir & le
principal relief d’un P rince Chrétien ; cette af¬
fabilité , cette inclination à faire du bien à tout
le monde , à répandre vos tréfors avec unepro-
fufion , qui n’a point d’autres bornes , que le be-
foin des Indigens ; cet efprit d’équité, cet amour
de l’ordre , vertus dont M. le Comte de Touloufe
étoit beaucoup plus jaloux , que de fon rang &
de toute fa grandeur ; cet attachement à la per-
fonne du Roi , ce fie fi noble & fi defintérejfé
pour fon fervice , cette valeur réfléchie SC de
fang-froid dans le plus grand feu de la mêlée ,
dont vous vene\ de donner des preuves fi écla-
tantes : en un mot tout ce qu'on admiroit dans le
P rince y que nous avons tant regretté y ce qui l'a-
voit rendu les délices de tous les bons François *
& ce qu’ils retrouvent en vous.
C’efl le bonheur , que j’ai eu, MO NS EI-
G NE U R, de voir croître & fe perfectionner
en vous dès votre plus tendre enfance un fi beau
E P I T R E.
caractère, & l’ accueil gracieux , dont vous aveç
toujours daigné favorifer mes ajjiduicés , qui
m’injpirent aujourd’hui la confiance de vous
offrir ce que M. le Comte de Touloufe avoit bien
voulu agréer pour lui - même , ce fruit de mes
veilles & du voyage , que j’ai fait fous fes aufpi-
ces. P ouv ois-je dé ailleurs trouver une occafion
plus favorable de publier le fincere SC rejpec-
tueux dévouement , avec lequel je fuis ,
MONSEIGNEUR „
De votre Altesse Sêrénissime,
Le très - kumbte &; très-
obéiffant ferviteur ,
P. Fr. X. de Charlevoix,
D.L.C.D.J.
t
A Paris j ce 15 Octobre 1743.
AFERTIS SEMENT.
O i c i le troifîéme Ouvrage , que je pre-
fente au Public , pour m’acquitter de la
promefle que je lui ai faite , de lui don¬
ner un Corps d Hiftoires du nouveau
Monde, fuivant le projet, que j’en ai an¬
noncé. On retrouvera ici ce projet , qu’il
faut encore moins perdre de vûë par rapport à la nouvelle
France , que dans les autres Hiftoires, qui fuivront, pour
fe regler dans le jugement qu’on en portera. On doit fur-
tout fe fouvenir que mon deflein eft de rapporter fur cha¬
que partie du nouveau Monde, tout ce que je pourrai dé¬
couvrir de curieux, d’utile & dmtereflant; par conféquènc
de ne rien omettre de ce qu’on a pû voir avec plaifir dans
les Hiftoires , dans les Relations & dans les Journaux
qui en ont traité , après en avoir démêlé le vrai d’avec le
faux.
On m’objeétera qu’une Hiftoire générale ne permet
point de petits détails , & qu’on y regarde comme des
nûnucies bien des chofes, qu’on fouffre volontiers dans une
Tome /. *
ij jjseRTISSEMEN T.
Relation. A cela je réponds qu il faut diftinguer deux lot¬
tes d’Hiftoires générales. Celle d un grand Empire , ou
d’une République célébré , veut être écrite d’un llyle, qui
fe fente de la majefte du fujet j rien n y doit entrer, qui dé¬
tourné de l’attention, qu on doit toute entière aux grands
événemens qu’elle prefente • mais il en eft, qui n offrent
rien d éclarant, 6c qui ne laifient pas de contenir une fui¬
te d’objets capables d interefler le LeCteur 6c de 1 inftruire.
On voit avec plaifir les Batailles d’Alexandre de M. le
Brun j en a-t’on moins a confiderer les Payfages du Pouf-
fin ? Un pinceau fort 6c hardi , conduit par une grande
imagination , frappe dans les uns > une belle nature , des
araces naïves , beaucoup de variété 6c de {implicite, une
fage diftribution , de l’harmonie entre les parties , 1 aflor-
timent 6c les proportions font le mérité des autres. D’ail¬
leurs ce ne font pas toujours les grandes révolutions , ÔC
les événemens les plus furprenans, qui fournirent a 1 His¬
torien les réflexions les plus judicieufes 6c les caraCteres les
plus Singuliers. La Comedie, qui prend toujours fes Sujets*
6c ordinairement fes Auteurs , dans la vie privée , neit-
elle point parvenue a une aufli grande perfection , n a-
t’elle pas été autant goûtee fous la plume de Moliere ,
que la Tragédie, qui n’admet que des actions 6c des Per-
fonnages héroïques , fous celles du grand Corneille 6c de
Racine ?
Il y a pour les Ouvrages de Littérature un goût de con¬
venance , que tout le monde n apperçoit peut - etre pas
d’abord ; mais auquel on revient tôt ou tard. La Répu¬
blique des Lettres n’a peut-être jamais eu en même tems
un plus grand nombre de Cenfeurs , qu elle en a aujour¬
d’hui j mais comme plufieurs confultent moins les lumie-
avertissement. Üj
tes de leur efprit,que la prévention, ou quelque autre motif
étranger, les Auteurs mêmes les plus dociles , &les moins
prévenus en leur faveur , feraient fouvent bien embarraf-
fés, s’ils vouloient avoir égard à toutes les Critiques, qu’on
fait de leurs Ouvrages. On me permettra de me citer ici
pour exemple.
Lorfque l'Hiftoire de Saint - Domingue parut , un Cen-
feur trouva tout le premier Tome inutile ; d’autres au¬
raient voulu que j’en eu fié retranché tout ce qui regardoit
les Flibuftiers & les Boucaniers: mais que feroit-ce qu’une
Hiftoire de 1 Ifle Efpagnole , ou l’on n’apprendrait ni ce
que c’eft que cette Ifle ; ni comment elle a été découver¬
te ; ni les Etabliflemens, que les Efpagnols y ont eus ; ni les
révolutions , qu’ils y ont efTuyées ; ni de quelle maniéré
cette piemiere de leurs Colonies dans le nouveau Monde
eft devenue la Mere de toutes les autres ; ni ce qui l’a ré¬
duite au pitoyable état,où nous la voyons aujourd’hui ; ni
enfin par qui , & comment les François y ont fait le plus
bel Etabliflement, qu ils ayent jamais eu dans l’Amerique ?
Si j’avois voulu écouter ces differentes Critiques , ne me
trouverois-je pas dans le cas de cet homme de la Fable , à
qui fes deux femmes arrachèrent tous les cheveux de 'la
tête ?
D autre part , j appris que quelques perfonnes me fça-
voient mauvais gré d'avoir coupé trop court fur certains
faits, ou je m etois boine a ce qui m avoit paru appartenir
a mon fujet : qu ils auraient voulu , par exemple , que je,
n eufie point laifle perdre de vue Fernand Cortez, qu’aptes
la conquête du Mexique ; comme fi fa qualité de Sujet de
1 Ifle Efpagnole m avoit donné droit, & mis même dans
1 obligation de faire connoître toute la vie de ce Conque-
iv avertissement.
ram. Sur ce principe il aurait auffi fallu fuivre Almagre
& Pizarre , Baldivia & tous les autres , qui avoient auffi
été habitans de San-Domingo , dans toutes leurs expédi¬
tions, & l’Hiftoire de Saint-Domingue aurait été celle de
prefque tout l’Empire Efpagnol dans le nouveau Monde.
J’ai eu à efl'uyer le même conflit de Critique au fujet de
l’Hiftoire du Japon. D’abord l’ Auteur de la Bibliothèque
raifonnée , eftimable par fon érudition , s’imagina que
j’avois voulu faire tomber l’Hiftoire de Kœmpfer. J ai tout
lieu de croire qu’un aufli habile homme que lui n avoir lu
alors ni l’Ouvrage du Do&eur Allemand , ni le mien ,
dont il aurait peut-être parlé autrement , s’il n’ avoir pas
été en mauvaife humeur. J’eftime l’Ouvrage de Kœmp¬
fer , Si on ne fçauroit me reprocher de ne lui avoir pas
rendu juftice ; mais fes deux volumes ne contiennent que
trois ou quatre faits hiftoriques , qui ne font meme racon¬
tés que fur des traditions ; & je crois avoir démontré qu’ils
font prefque tous défigurés dans les principales circonf-
tances. Il ne faut que voir ce qui fe pafla en Formofe au
fujet de Pierre Nuits : Kœmpfer en a fait un Roman, ou
la vraifemblance n’eft pas même gardée. Dans les Voya¬
is au Nord , que j’ai fuivis , c’eft un événement curieux,
bien circonftancié , qui fe lie parfaitement bien avec l’Hi¬
ftoire, &c où il n’y a rien que de croyable. A ces anecdotes
prés, qui ne font touchées qu en paflant , tout le Livre du
dode Médecin ne contient que la defeription du Royaume
,de Siam , les faites abrégés de l’Empire du Japon , une noti¬
ce fort ample de cet Empire , qui renferme le Gouverne¬
ment, la Police, la Religion, la Géographie & le Commer¬
ce des Hollandois, & les Journaux de deux Voyages , quil
a faits de Nangazaqui à Jedo , à la fuite du Préfident Hol-
AVERTISSEMENT. v
landois j Journaux , qui font voir un Voyageur attentif à
remarquer tout ce qui en vaut la peine 6e qui pouvoit en¬
trer dans les Mémoires d’un homme, qui ne voyageoit que
pour s’inftruire J’ai profité de tout cela pour donner au Pu¬
blic une Defcription exa&e du Japon , 8c j’en ai fait hon¬
neur à Kœmpfer, auffi-bien que de tout ce qu’il a écrit/oit
dans cet Ouvrage, foit dans fes Amcenit cites exoticœ, fur l’Hi-
ftoire naturelle de ces Mes. Mais pour i’hiftorique , je n’en
ai profité en rien , 8c alluré ment j’aurois bien eu de la pei¬
ne à en tirer une feüille d’impreffion, quand tout auroit
été exaét.
Quant à ceux qui ont trouvé mon Livre préliminaire
inutile 8c trop long, c’eft qu’ils n’ont fait attention qu’à
la moitié de mon titre , qui promet une Defcription 8c
une Hiftoire générale. Or d’avoir réduit à moins d’un
volume in- 1 1. en y comprenant même ce que j’ai ajoûté
a la fin de l’Ouvrage , ce qui remplit les trois quarts des
deux volumes in-folio de Kœmpfer ; ce n’eft affurément pas
être trop diffus.
Il a paru à quelques-uns que j’avois donné trop d’éten¬
due aux affaires de la Religion, d’autres au contraire, qui
eftimoient cette partie de mon Ouvrage le plus précieux
morceau de l’Hiftoire Lccléfiaftique de ces derniers Siè¬
cles, n’ont pas approuvé les retranchemens, que j’y ai faits.
J avois cru devoir prendre un parti mitoyen entre ces deux
extre mitez, 8c je le prendrois encore,fi j’avois à recommen-
cer.Pour ceux,qui ont avancé que je n’a vois traité l’Hiftoire
Civile 8c Politique , que comme en paffant 8c pour met¬
tre une forte de liaifon entre les faits } il eft évident qu’ils
auroient parlé autrement , s’ils avaient lû mon Livre de
fuite , ou s’ils avoient feulement parcouru les trois extraits
* h)
yj avertissement .
qu’on en a donnés dans nos Mémoires de Trévoux *. En
un mot , pour répondre à ces differentes Critiques, je n’ai
qu’à renvoyer leurs Auteurs au Plan, que je me fuis pro-
pofé, lorfque j’ai entrepris un Corps d Hiftoires du nou¬
veau Monde : ce Plan n’a point été defaprouvé , que je
fçache ; fi je l’ai exactement fuivi , je fuis en réglé ; lî je
m’en fuis écarté , ou fi je m’en écarte dans la fuite , on
me fera plaifir de m’apprendre en quoi , 6c je me cor¬
rigerai.
Il refte encore après cela un vafte champ à la Critique
dans la maniéré d’écrire 3 dans les réfléxions , dans les ca-
radteres , dans l’ordre 6c la diftribution des faits ; 6c fur
tout cela je ne ferai point furpris qu’on me cenfure. Obli¬
gé depuis un grand nombre d’années d’employer une par¬
tie de mon te ms à rendre compte au Public des Ecrits des
autres , 6c ufant , j’ofe le dire , avec modération , avec
impartialité , mais avec liberté , du droit que me don¬
ne , ou plutôt de l’obligation que m’impofe l’emploi
de Journalifte , je ne déliré rien tant que d’être traite de
mes confrères en Critique , comme je traite ceux, dont je
dis mon fentiment : Et refellere fine pertinaciâ , & refelli fine
iracundiâ parati furnus. ( Cicero i. Tufc. n. 5 . )
Il m’auroit été fans doute plus aife 6c plus agréable de
ne prendre , fi j’ofe ainfi m’exprimer , que la crème de
l’Hiftoire du nouveau Monde. J’aurois été bien - tôt à la
fin de ma carrière , 6c j’aurois eu apparemment plus de
Le&eurs * mais ceux , qui en veulent être inftruits à fond,
feroient obligés d’avoir recours à une infinité d’autres Li¬
vres, qu’on n’a pas aifément à la main, dont quelques-uns
font très-rares , où les chofes intereffantes font noyées dans
* Juin, Aoûc de Octobre 1737*
AVER TISSEMEN T. vij
des détails 8c des récits fort ennuyeux , 8c où il ffeft pas
facile de démêler le vrai d avec le faux ; outre qu’il en eft
plufieurs3 dont la le&ure n eft pas fans danger du côté des
mœurs 8c de la Religion.
Pour venir au fujet de l’Ouvrage, que je préfente aujour¬
d’hui au Public, j’en connois tous les désavantagés*, Il s’a¬
git d un pays immenfe , 8c qui après plus de deux Siècles,
qui fe font écoulés depuis que nous l’avons découvert, eft
encore moins peuple qu il ne l’etoit alors , quoiqu’il y ait
paffé affez de François pour remplacer au triple les Sauva¬
ges qu’on y trouva, 8c qu’on ne puiffe pas leur reprocher
de les avoir détruits. Cela n annonce point une Hiftoire
remplie de faits intereffans ; mais on la demandoit cette
Hiftoire , 8c on avoir raifon de la demander. C’eft celle
de toutes les Colonies Françoifes du nouveau Monde, qui
ont ete honorées du titre de la nouvelle France , ou qui
en ont fait partie j 8c elle nous manquoit. D’ailleurs elle ne
prefente , au moins dans l’origine du principal Etabliffe-
ment, que des objets capables de faire eftimer notre Na¬
tion, la feule, qui ait eu le fecret de gagner l’affe&ion des
Amériquains.
En effet , les Fondateurs de ces Colonies ont eu beau¬
coup plus à cœur, pour la plûpart, d’établir la Foi parmi les
Barbares , que de s’y enrichir : nos Rois n’ont tant rien
recommandé à ceux, à qui ils y ont fait part de leur auto¬
rité , que de protéger la Religion , 8c ont prefque toujours
facrifie leurs propres interets à cette vûë fi digne des Fils
aines de 1 Eglife. Le feul motif de procurer le Salut éter¬
nel de ces Peuples leur a même plus d’une fois fait rejet-
ter la propofition de renoncer à un Pays, qui leur étoit à
charge. Qui a donc arrêté le progrès de l’Evangile parmi
Jfc'v. ffjV jM
vjij avertissement.
ces Barbares, & d’où vient que la plus ancienne de nos
Colonies , celle qui naturellement devoit fe peupler da¬
vantage , eft encore la moins puiiïante de toutes ? C eft
ce que la fuite de cette Hiftoire dévoilera aux yeux de ceux,
qui voudront bien le donner la peine de la lire avec at¬
tention.
histoire
4
bicj^sc^bsc^bs S
PROJET
D'UN CORPS D'HISTOIRES
DUNOUVEAU MONDE-
Uoique l’on ne comprenne ordinairement fous le
nom de Nouveau Monde , que la feule Amérique , je
lui donne ici une lignification plus étendue ; car j’y
comprens tous les Pays , qui étoient inconnus aux Eu¬
ropéens avant le XIV. liécle. Or voici en peu de mots le Plan
de ce Corps hiftorique , que je n’ai pas crû devoir propofer au
Public , jufqu’à ce que je rulTe en état de lui annoncer que la pre¬
mière Partie eft déjà fous la PrefTe.
Je commence par faire ob fer ver que la plupart des Provinces
de ce que j’appelle le Nouveau Monde, n’ont entr’elies aucune
liaifon , 8c qu’il en eft même peu , dont fhiftoire puifïe natu¬
rellement entrer dans celle d’une autre. Quel rapport , par exem¬
ple , y a-t-il entre la Nouvelle Angleterre 8c la Nouvelle Efpa-
gne ? On ne peut gueres écrire fhiftoire d’un feul Royaume de
1 Europe , qu’on ne touche à celle de tous les autres : on ne s’avi-
feroit pourtant pas d’écrire une Hiftoire générale de toute cette
partie de 1 Ancien Monde ; combien à plus forte raifon feroit-il
infenfé de vouloir faire un Ouvrage fuivi de celle de l’Ameri-
que? Il en faut donc feparer les parties , qui n’ont aucune dépen¬
dance les unes des autres ; réunir celles , dont on ne pourroit par¬
ler feparement, fans tomber dans des redites , ou fans les mutiler
telles que font la Nouvelle France 8c la Loüifiane, 8c donner au*
Public toutes ces Hiftoires l’une après l’autre. Or voici ce que
j ai imaginé pour leur donner une uniformité , qui en fafTe un
tout lié par la méthode qu’on y gardera.
Je mettrai a la tête de chaque Hiftoire un Catalogue exaét de
tous les Auteurs , qui auront écrit fur le même fujet , ne l’eufTent-
ils fait qu’en paftant , pourvu que ce qu’ils en ont dit, mérite
qu’on y fa (Te quelque attention. Je marquerai en même tems îes
fe cours , que j’aurai tirés de chacun , 6c les raifons , que j’aurai
eues de les fuivre , ou de m’en écarter ; en quoi je tâcherai de faire
en forte , qu’aucune prévention , ni aucun autre intérêt , que ce¬
lui de la vérité , ne conduife ma plume.
A ce premier préliminaire j’en ajouterai un fécond , qui fera
une Notice générale du Pays. J’y ferai entrer tout ce qui regarde
le caraCtere de la Nation , Ion origine , fon gouvernement, fa
religion , fes bonnes 6c fes mauvaifes qualités , le climat 6c la na¬
ture du pays, fes principales richeftes ; mais je rejetterai à la fin
de l’Ouvrage tous les articles de l’hiftoire naturelle, qui deman¬
deront d’être traitez en détail , 6c toutes les pièces , qui n’auront
pu avoir lieu dans le corps de l’Hiftoire, 6c qui pourront néan¬
moins apprendre quelque chofe d’intérefiant : comme ce qui re¬
garde le Commerce 6c les Manufactures , les Plantes 6c les Ani¬
maux, la Médecine , êcc.
Pour ce qui eft du corps même de PHiftoire , j’y garderai le
même ordre, que j’ai fuivi en écrivant l’Hiftoire de Mlle de Saint
Domingue , 6c dont il m’a paru que le Public n’étoit pas mécon¬
tent. Je n’y omettrai rien d’elTentiel , mais j’y éviterai les détails
inutiles. Je fçai que la nature de cet Ouvrage en demande , que
d’autres Hiftoires ne foufïriroient pas. Des chofes allez peu inté-
relîantes en elles-mêmes font plaifir , quand elles viennent d’un
Pays éloigné, mais je comprends qu’il faut choifir 6c fe borner.
De cette maniéré on pourra avoir une connoilïance entière de
chaque Région du Nouveau Monde ; de l’état où elle étoit ,
quand on l’a découverte : de ce qu’on a pu apprendre de l’Hiftoire
de fes premiers habitans ; de ce qui s’y eft pâlie de confiderable ,
depuis que les Européens y font entrez 5 de ce qu’elle renferme
de plus curieux 5 6c l’on fçaura ce que l’on doit penfer de ceux ,
qui en ont écrit jufqu’à préfent. Ainfi l’Hiftoire du Nouveau
Monde ne fera plus en danger de périr par fâ propre abondance j
les chofes , qui font véritablement dignes delà curiofite des Le¬
cteurs , n’y feront plus noyées dans les inutilités , pour ne rien
dire de plus, ni embaralTées dans îes contradictions ; 6c il fera
aifé de faire un difcernement jufte de ceux d’entre les Auteurs
des Relations êc des V oyages , qui méritent feuls le décri , qu’ils
ont attiré fur tous les autres , d’avec les Ecrivains , qui par leur
fincérité , 6c leur application à s’inftruire , fe font rendus dignes
d’être regardés comme des guides fùrs êc des témoins irréprocha¬
bles,.
4
11J
Ait refte , il écoit bien tems de rendre ce fervice au Public , tan¬
dis que nous avons encore des réglés certaines de critique pour
diftinguer les Pièces légitimés &r authentiques, de ce nombre
prodigieux d’Ecrits bazardés , dont la plupart altèrent la vérité
julqu’au point de la rendre méconnoiffable , 6c qui en feroient
enfin perdre abfolument la trace, fi on laifToit aller le déborde¬
ment plus loin. Jamais en effet la demangeaifon d’écrire n’a été
plus loin qu’en cette matière. Qui pourrait nombrer les Rela¬
tions , les Mémoires , les V oyages , les Hiftoires particulières 6c
générales , qu’ont enfantés la curiofité de voir 6c l’envie de racon¬
ter ce que 1 on a vu , ou ce que l’on a voulu palier pour avoir vu ?
Mais il nous relie encore un rayon de lumière , à la faveur du¬
quel nous pouvons dégager la vérité de ce monflrueux amas de
fables , quH’ont prefqu entièrement éclipfée ; 6c dont la plupart ,
quoique foutenuës des agrémens du flile , 6c du pernicieux aflai-
fonnement de la fatyre , du libertinage 6c de l’irreligion, ne de¬
meurent en poffeflion d etre entre les mains de toures fortes de
perfonnes , au grand préjudice des mœurs 6c de la pieté, que parce
qu’on ne leur a encore rien oppofé de meilleur.
Si dans la revue , que je ferai de toutes les Pièces , qui ont quel¬
que rapport a mon Ouvrage , il m’en échappe quelques-unes , ce
fera pour l’ordinaire , parce qu’il n’aura pas été pofîible, ou que
je n aurai pas juge qu’il convînt de les tirer de l’obfcurité , ou
elles feront demeurees enfeveîies ; 6c mon filence à lein^égard fera
la feule critique , qui leur convienne. S’il m’arrive pourtant d’en
omettre , qui méritent de n’être pas oubliées , je reparerai ce dé¬
faut, des qu’on m’en aura averti. De cette forte , fi on peut re¬
procher avec fondement à ces derniers fiécles une licence effré¬
née d écrire , plus capable d’établir parmi le commun des hom¬
mes un vrai pyrrhonifme en fait d’hiftoire , que d’inflruire ceux ,
qui s adonnent a cette leéture , 6c plus propre à dégrader les Hé-
ros , qui ont rempli le Nouveau Monde de l’éclat de leurs ex¬
ploits , 6c de leurs vertus , par le fabuleux , qu’on y a mêlé , qu’à
leur procurer 1 immortalité, qui leur efl duë ; on trouvera dans
cet Ouvrage un remedeà ce défordre ; 6c ceux qui viendront
après nous, feront plus en état, qu’on ne l’a été jufqu’ici , de ren¬
dre juflice à tout le monde.
On me demandera peut être, fi je me fuis flatté de pouvoir
executer un deflein fi vafle, 6c pour lequel il femble que la plus
longue vie ferait encore trop courte. A cela je réponds que la
a ij
<9
IV
nature cîe cet Ouvrage ne demande pas que toutes les parties»
qui le compoferont , foient de la même main 5 qu’il ne fouffrira
point de la diverfité du ftile 5 que cette diverfité y aura meme fon
agrément j & qu’il ne fera queftion que de fuivre toujours le me¬
me plan , ce qui eft fort aifé. On peut dire de cette entreprife a
peu près la même chofe , que de la découverte de l’ Amérique. Le
plus difficile étoit fait , quand elle fut une fois commencée. H y
a donc tout lieu de croire qu’elle continuera après moi , & que u
j’ai l’avantage d’en avoir donné l’idée » ceux qui me fuccederont,
auront la gloire de l’avoir perfectionnée.
Il ne merefte plus qu’à prévenir le Public fur la depenfe inévi¬
table dans l’exécution d’un tel projet , afin que le prix des Volu ¬
mes ne le révolté point. Premièrement , on n’y doit épargner ni
les Cartes , ni les Plans , & je fuis perfuadé que cet article ne trou¬
vera point de contradicteurs. Rien n’eft plus nécefiaire dans 1 HL
ftoire , dont la Géographie & la Chronologie font les deux yeux ;
fur tout , lorfqu’il s’agit de Pays , qui ne font pas a fiez connus»
En fécond lieu , on fera graver tout ce que l’Hiftoire naturelle
fournira de plus curieux , mais on ne le fera que quand on pourra
s’afïurer d’avoir été bien fervi. Enfin , il y a dans les differentes
maniérés de S’habiller & des’armer de tant de Peuples ^divers ,
dans les cérémonies de leur Religion , ôc dans leurs coutumes ,
bien des chofe s, qu’on fera fort aife de voir reprefentees au natu¬
rel j mais on aura foin de retrancher tout ce qui ne ferviroit qu a
enchérir inutilement les Volumes»
Gvoen-
huui.
Guinée.
*£3* *0* ^3*^3*^2*Cl*sSlei
FASTES CHRONOLOGIQUES
DU NOUVEAU MONDE,
ET DES ETABLISSEMENS QUE LES EUROPEENS
Y ONT P À I T S l
CORRIGES ET AV G ME NT EX.
1 248*.
Uelq,ues-uns placent en
cette année les premières
navigations au Groen¬
land , que M. Savary nom¬
me la Groenlande ; mais ils fe trom¬
pent. Ce grand Pays étoit connu des
Norvégiens dès le neuvième fiécle, 8c
beaucoup plus qu’il ne l’eft aujour¬
d’hui.
1 3^5*
On ne fçait pas au jufte en quelle
année les François ont commencé à
trafiquer en Guinée , mais il eft cer¬
tain qu’en 1 364* des Marchands de
Dieppe avoient découvert cette Côte,
8c y trafiquoient. Leur mémoire y eft
encore très - chere aux habitans ,
qui fe la tranfmettent par tradition.
La bonne conduite de ces Naviga¬
teurs , 8c les maniérés fort oppo (ces
des autres Européens , qu’ils ont con¬
nus depuis , ont beaucoup contribué
à faire regretter les Dieppois. On a
eonfervé le nom de Petit Dieppe à un
endroit de la côte du G rain.
1383.
?ois font un établiftèment
toit de la même- côte , où
eft prefentement le fort de la Mine.
Les guerres civiles de France fous les
régnés de Charles VI. 8c de Charles
dans
Les Dieppe
ns un endn
VIL les obligèrent en 1410 de l’a*
bandonner.
1401 - 1405.
Les Iftes Canaries , que quelques-nns
prétendent, fans en apporter aucunes
preuves fuffifantes , être les l&zs For¬
tunées > fi vantées par les Anciens , ont
etc ignorées des Européens jufques
vers le milieu du XIV. fiécle. Des Na¬
vigateurs Génois 8c Catalans en ayant
eu quelque connoiftance vers l’an
1 3 4 5 » Louis de la Cerda , dont le Pe-
re avoit été déshérité par Alphon-
fe X. Roy de Caftille fon ayeul , fut
couronné peu de tems après Roy des
Canaries par le Pape Cernent VI 3
mais il ne prit point poftèftïon de ce
Royaume, & les Canaries retombè¬
rent dans l’oubli. Au commencement
du XV. fiécle, ou vers la fin du précé¬
dent ,. Henry III. Roy de Caftille , les
donna à Jean de Bethancourt, Gentil¬
homme Normand , d’autres difent à
Robert de Braquemont , depuis Ami¬
ral de France; lequel y envoya Jean de
Bethancourt, Baron de S. Martin le
Gaillard , fon parent.. Celui-ci fe ren¬
dit maître en 1401. ou en 1405. des
Ides de Lançarotte , de F uer te Eentu -
ra, & de Fer, 8c s’y fit reconnoître
pour Roy. Maciot de Bethancourt, fon
Parent 8c fon Succelfeur , céda dans
la fuite fon droit à l’Infant de Portu^
nies Ga»
aaiies.
I
Cap de
Bojador.
Porto
Samo.
vj FASTES CHRO
gai , D. Henri , Comte de Vifeo , le¬
quel y envoya Ferdinand de Caftro ,
Grand-Maître de fa Maifon. Les Au¬
teurs ne s’accordent pas fur le teins ,
auquel furent découvertes les autres
Mes. Ce qui eft certain , c’eft que le
Roy de Caftille ayant réclamé contre
la ceilion de Maciot de B.ethancourt,
en vertu du droit de* Souveraineté ,
qu’il prétendoit fur les Canaries , il y
eut entre ce Prince 8c l’Infant de Por¬
tugal un Traité , en vertu duquel ces
Ifles furent rendues à la Couronne de
Caftille j qui les poflède encore au¬
jourd’hui.
1412.
Première navigation des Portugais
le long de la côte d’Afrique. Leurs
courfes fe terminèrent long tems au
Cap de Bojador , qu’ils n’ofoient dou¬
bler.
1418.
Découverte de l’Ifle de Porto Santo
par Triftan Vaz 8c Jean Gonzalez
NOLOGIQÜES.
tempête y avoit jetté par hazard avec
fa femme. Ils ajoutent que Machin
étant devenu veuf, s’étoit remis en
avoit donné connoiflance de fa
mer
découverte aux Caftillans , & que fur
cet avis des Navigateurs Efpagnols 8c
François étoient allé croifer dans ce
parage, qu’ils n’avoient pu trouver
Madere , 8c qu’ils avoient fait plu¬
sieurs defcentes dans les Canaries.
Zarco, Portugais. Ils lui donnèrent ce
parce qu’ils y abordèrent le
Madere.
nom
jour de la Tounaints.
141 9*
Découverte de l’Ifle Madere parles
mêmes. Chacun donna fon nom à la
pointe, où il prit terre j 8c Gonzalez
ayant trouvé en abordant une grot¬
te , où fe retiraient des loups marins,
il nomma ce lieu Cambra de Lobos ma-
rinos , 8c prit le furnom de Cambra ,
& plus communément Camara , qui
eft demeuré à fon illuftre famille. Le
nom de Madera fut donné à cette Ifle,
parce qu’elle étoit toute couverte de
bois \ car Madera en Portugais flgni-
fle bois , d’où vient apparemment no¬
tre mot de Madrier. Quelques. Au¬
teurs Anglois ont avancé que Madere
avoit été découverte plus de Go ans
auparavant par un homme de leur
Nation , nommé Machin , que la
1 4 3 9*
Gil Ahez, Portugais, double le Cap Bojador,
de Bojador , accompagné d’Antoine
Gonzalez Baldaya. On prétend que
ce Promontoire eft le même , qui eft
marqué dans Ptolomée , fous le nom
de Canarea. Le nom de Bojador lui
fut donné par les Portugais , à caufe
que pour le pafler, il faut voguer aflez
loin a l’Oueft , puis revenir à l’Eft.
Bojar en portugais flgnifie voguer.
144°.
Nuno Triftan, Portugais , découvre
le Cap Blanc. Quelques Auteurs pla¬
cent auflî en cette même année la dé¬
couverte du Cap Ferd , mais ce n’eft
pas l’opinion la plus fuivie.
1442. 1443.
Antoine Gonzalez , Portugais , dé¬
couvre Rio de! oro. L’année luivante il
découvrit les IJlcs d’Arguyn , vis-à-vis
le Cap Blanc. L’Infant D. Henry y fit
bâtir un Fort , dont les Hollandois
s’emparèrent en 1 63 S.
Cap
Blanc.
Rio de
Oro. Ai
guyn.
J.44 5* .
Gonzalo de Cintra , Portugais , de-
Angra
couvrit fur la même côte de Nigritie
une grande Baye , où il fut tué. On
l’appella de fon nom Angra de Cintrai
c’eft-à-dire , Baye de Cintra. Peu à
peu on s’eft accoutumé à la nommer
tout Amplement Angra.
*444*
Nuno Triftan , dont nous avons déjà
parlé , découvre le Cap Ferd. Il pafla
devant l’embouchure du Senega , fans
Cap
Vci'd.
FASTES CH R O
le reconnoître , car le Cap Verd a le
Senega au Nord , & le Gambea au
Midi. Ces deux rivières font les prin¬
cipales branches du Niger. Quelques-
uns attribuent la découverte du Cap
Verd àDenys Fernandez j peut-être
accompagnoit-il Nuno Triftan.
1 447' .
3- Lançarote , Portugais , découvre le
S enega , que les gens du Pays nom-
moient Ovedéc. Lançarote lui donna
le nom de Senega , ou Sanega , qui
étoit celui d’un Negre de confidera-
tion , qu’il y fit efclave , ,8c qui fe ra¬
cheta. Le Portugais prit d’abord cette
riviere pour un bras du Nil. Quel¬
ques-uns rejettent cette découverte à
l’année fuivante.
1448.
Dom Gonzalo Vello , Comman¬
deur d’Almouros , partit cette année
de Portugal pour aller reconnoître les
Açorres, ainfi nommées de la quanti¬
té de Vautours , qu’011 y trouva. Car
u4çor en Efpagnol 8c en Portugais li¬
gnifie Vautour. On appelle aulfi ces
Illes les Terceres , du nom de la prin¬
cipale de toutes , laquelle étant la
troifiéme , qu’on rencontre en venant
de Portugal , fut nommée Tercera. Le
Commandeur ne reconnut que les If-
les de Fayal , de Pico , de S. George ,
la Gracia fa , la Tercera , Sainte Marie
8c Saint Michel. Cette dernier e eft cé¬
lébré par la fameufe bataille navale ,
que le Marquis dé7 Santa Crux y ga¬
gna en 1 5 82. fur Dom Antoine , qui
le difoit Roy de Portugal. Celle de
Flores 8c de Corvo n’ont été connues ,
que quelques années après. Toutes ces
Illes étoient fans habitans , lorfque le
Commandeur Portugais y aborda ,
excepte celle de Fayal , où des famil¬
les Flamandes étoient établies fur le
bord d une riviere. Boterus dit que
les Açorres ont été découvertes en
NO LOGIQUES* vif
1 43 9. mais il y a bien de l’apparence
qu’il fe trompe, &que les Flamands
y etoient même avant ce tems-là. C’eft
aux deux Illes de Flores 8c de Corvo ,
qui font Nord 8c Sud , que les Portu¬
gais avoient placé d’abord leur pre¬
mier meiidien , fur ce qu’ils crurent
avoir obfervé que l’aiguille aimantée
ne varioit point par leur travers*
D autres Navigateurs alïîirent que
cette obfervation eft faulfe. Ce qui eft
certain , c’eft que les Portugais ont
depuis fixé leur méridien au Pic des
Açorres , 8c que plufieurs Nations les
pnt fuivis en cela. Celui des François
eft à l’Ille de Fer , une des Canaries.
On trouva dans l’Ille de Corvo , lorf-
qu’ on la découvrit , une ftatuë eque-
ftre , dont on n’a pas bien pu diftin-
guer la matière , montée fur un pié
d’eftal de même , où il y avoit des ca-r
ràéteres , qu’011 n’a pû déchifrer , 8c
qu on n’a pas eu le loin.de conferver.
Les premiers Navigateurs n’étoient
pas curieux de ces fortes de monu-
mens. Le Cavalier montroit de la
main droite l’Occident , comme pour
faire entendre qu’il y avoit des Terres
de ce coté-ld. Le Commandeur d’Al¬
mouros commença un établiftement
aux Açorres.
1 449*
Decouverte des Ijles du Cap Verd nfe
par Antoine Nolli Génois , au nom Vei!
de 1 Infant D. Henry, Comte de Vi-
feo. La première , où il aborda , fut
nommee/ IJle de Mai, parcequ’il y prit
terre le premier jour de Mai. Il en re¬
connut en même tems deux autres ,
aulquelles il donna les noms de S.
Jacques & de S. Philippe , dont on
célébré la fête en ce jour. Le refte ne
fut découvert qu’en 14(30. par les Por¬
tugais , qui commencèrent alors d les
peupler toutes , le P. du Jarric fe
trompe , quand il dit , que les Portu-
S. Geor»
Congo
Bénin ,
Prêtre
Jean.
Ifles de
S. Tho-
mé èc du
Prince ,
Je Cap de
Sainte
Catheri¬
ne : la
Mine,
viij FASTES CHRONOLOGIQUES.
oais firent cette découverte en 1446. n’eftpas bien prouvé. Il eft certain
ôc Sanut , lorfqu il 1 attribue à Louys au moins qu’il n’y fit aucun etablille-
de Cadamofto , noble Vénitien , en- ment. On convient même aujour-
voyé, dit-il, par l’Infant de Portu- d’hui que l’Eftotiland eft un Pays chi-
gal pour découvrir de nouvelles Ter- merique.
res : à moins qu’on ne dife que Cada- ^ 1 1 • .
mofto commandoit l’Efcadre, qui re- Diego de Azambuja, Portugais, gesdela
connut en 1460. celles de ces Ifles , bâtit le Fort de S. Georges de la Mme Mme.
que Nolli n’avoit point vues. Quel- â l’endroit,où un fiécle auparavant les
ques Auteurs prennent ces Ifles pour François enavoient eu un.
les Gorgones de Pomponius Mêla: 1484. .
d’autres , pour les Gorgades de Pline : Diego Cam , Portugais , découvre
d’autres , pour les Hefperides , fi van- le Royaume de Congo , lequel cont¬
rées par les Anciens : d’autres enfin , prenoit alors ceux d'Angola , de Ma-
pour les IJles Fortunée* ■> de ces divers tamba , de plufieurs autres , qui en
fentimens ont quelque vraifemblan- ont été féparés depuis. Il paroit que
ce ; mais ils n’ont que cela. Je pan- c’eft à fon retour , dumoins c eft dans
cherois plus à croire que les Canaries le même voyage , qu il entra dans le
croient les Hefperides , de les Ifles du Royaume de Bénin. Il y eut avis que
Cap Verd, les Fortunées : mais le nom le Roy de Bénin recevoir d un nn-
de Fortuné convient beaucoup mieux ce plus puiflant que lui 1 inveftiture
au Cap Verd même, qu’aux Ifles, auf- de fon Royaume , par le Manteau
quelles il a donné le nom ; où l’air Royal, de un Bâton, ou il y avoir
n’eft pas fain , de qui n’ont rien de re- une Croix femblable a celle de Mal-
commandable. te -, & que les Etats de ce grand Mo-
narque croient éloignés de deux cent
Jean de Santaren , & Pierre de Ef- cinquante lieues du Bénin. Il en m-
covar , Portugais , envoyés par Dont ftruifit a fon retour le Roy ^on 1 ai-
Fernand Gomez , découvrent l’Ifle de tre, qui crut que c etoit le 1 retre Jean,
5. Thotnè , celle du Prince , de le Cap de de trois ans après Pierre de Covifiam,
Sainte Catherine , qui fut ainfi nom- de Alphonfe de Pay va furent en-
' parce qu’ils le reconnurent le voyes vers ce Prince ,^ quon ne dou¬
ai
me
jour
e la Fête de cette Sainte. Ils toit point qu’il ne fût l’Empereur des
r a 1 . _ a ^ r- t or. Upnnrpç allèrent
rftotï-
land.
Labra¬
dor.
Abyllins. Les deux Députes allèrent
s’embarquer à Adem , port de l’Ara¬
bie Heureufe •, puis s’etant fepares ,
Pay va prit la route d Abyflime , de
mourut en chemin. Covillam prit
celle des Indes , alla à Cananor , a
,u ... .. . . - — Go* , 1 Calicut , retourna en Afrique,
e de la circonftance du jour. On l’ap- prit terre au Royaume % de SofaU ,
pelle vulgairement Anno-bon. paflà de-là a Ormuz. , d ou il e ren it
r 5 1477. à la Cour de l’Empereur des Abyllins.
On prétend qu’en cette année Jean t 148(3^
Scalve, Polonois , reconnut YEftoti- Barthelemi Diaz , Pierre Diaz , Ion
Und, de la Terre de Labrador j mais cela frere , de Jean Infante , Portugais ,
dprnnvrpnf
trouvèrent fur toute cette côte beau
coup de mines d’or, ce qui lui fit don¬
ner le nom de la Mine .
1471.
Les mêmes découvrirent le pre-
d’Anno- mier jour de l’année fuivante une Ifle
bon.
qu’ils appelèrent Anno bueno , à cau-
ie
Cap
Bonn
efpt r
ce.
Fremie-
te décou¬
verte de
l’Ameri-
que.
Ligne
tic De-
marca.
îion.
Tetitcs
Antilles.
Tfabel-
le ,1a pre¬
mière
Ville du
H ou-
Fastes chko
découvrent le Cap de Bonne Efpcrance ,
Ils le nommèrent Cap des Tourmentes ,
parce qu’ils y elfuyerent de violentes
tempêtes ; mais le Roy de Portugal ,
qui comprit que cette découverte lui
ouvroit le chemin des Indes , chan¬
gea ce nom en celui , qu’il a toujours
porté depuis.
rq 5>z.
Chriftophe Colomb , Génois , dé¬
couvre l’onzième d’Octobre la pre¬
mière Terre de /’ Amérique , & en
prend poftelfion au nom de la Cou¬
ronne de Caftille. C’étoit une des If-
les Lucayes , qui fe nommoit Guana -
bani , ôc à laquelle il donna le nom
de San Salvador. Il en reconnut en-
fuite plufieurs autres , puis celle de
Cuba , & enfin l'IIle Hayti , qu’il
nomma l'Ijle Efpagnole . Les François
1 appellent S. Domingue , du nom de
fa Capitale.
I493-
Le Pape Alexandre VI. fait tracer
la fameufe ligne du Démarcation ,
pour mettre d’accord les Efpagnols &
les Portugais au fujet de leurs décou¬
vertes. Elle pafioit par le milieu de
l’efpace de mer , qui eft entre les
Açorres & les Mes du Cap Verd 5
mais dans la fuite elle fut reculée de
370 lieues à l’Oueft.
' Au mois d’Oétobre de la même an¬
née Chnftophe Colomb découvrit la
plupart des petites Antilles, & la
plûpart des noms , qu’il leur donna ,
le font confervés jufqu a prefent. Il
reconnut enfuite l’Me Boriquen , &
1 appella 1 Me de S . Jean-Baptijîe. O11
y a depuis ajouté le furnom de Puerto
Rie co. Les François la nomment Porto
Rico.
De-la il palfa à l’Me Efpagnole , où '
il bâtit la première Ville , que les Eu¬
ropéens ayent eue dans le Nouveau
Monde , de la nomma Ifabelle , en
N O LOGIQUES. ix
l’honneur de la Reine de Caftille, veau
qui portoit ce nom. Monde.
1494-
Chriftophe Colomb découvre la jamaiv
J 1. imaique le quatorzième de Mars. Il <îue*
lui donna le nom de Santyago : mais
celui de Jamàica , qu elle portoit , a
pievalu. Il s aftiira dans le même
voyage que Cuba étoit une Me.
1496'.
Le cinquième de Mars Henry VII. Terre.
Roy d’Angleterre, accorda une Paten- Labra’
te à Jean Cabot , ou Gabato , Veni- dor.
tien , & à fes trois Fils , pour aller à IanIfotî'*
la découverte des nouvelles Terres.
Les conditions étoient qu’après tous
les frais déduits , ils donneroient au
Roy le cinquième des profits. Ceci eft
certain par les Aétes publics d’An¬
gleterre. Ce qui fuit , ne l’eft pas au¬
tant. On prétend que les Cabots re¬
connurent l’Me de Terre Neuve , puis
une partie du Continent de Labrador
ou Laborador . Ils s’élevèrent , dit-on ,
jufqu’aux 5 5 degrés de latitude Nord,
& en ramenèrent en Angleterre qua¬
tre Sauvages. Cependant de bons
Auteurs ont allure qu’ils n’avoient
débarqué en aucun endroit , ni du
Continent , ni des Mes. D’autres ont
prétendu depuis que l 'Eftotiland ,
qu’on plaçoit au Nord ou à l’Oueft de
Labrador , avoir été découvert en
1390. par des Pêcheurs du Frijlend.
Antoine Zani , dit-on, noble Véni¬
tien , de Nicolas Zani , fon Frere ,
étant partis des côtes d’Irlande ,
avoient été pouftes par la tempête fur
le Frifland , qu on croit faire partie
du Groenland , & là eurent connoil-
fance de cette découverte. Ils font
dans leur relation une defeription
magnifique de l’Eftotiland 3 mais cet¬
te relation eft vifiblement un roman.
Le huitième de Juillet de la même Premiei
année, qui étoit un Samedi, Dom Vaf- vtva6*
b
)
Il i!
;
aux In¬
des par
mer.
Terre de
Natal.
X FASTES CHRONOLOGIQUES.
code Gama parut de Lisbonne, pour De-la il pafla au Golphe desPerRs*
aller en Ethiopie 8c aux Indes par le & découvrit trois Illes -, il nomma la
Cap de Bonne Efperance. Le jour de première la Marguerite , à caufe des.
Noël il découvrit une Terre , qu’il perles, qu on pechoit dans ce Golphe 2
.île de les deux autresfe nommoient Cochem
Riviere
dcsReix,
Mozam-
bic, Qui-
loa , &c.
LTfle
de la Tri-
cité.
Décou¬
verte du
Conti¬
nent de
l’Améri¬
que,
l'aria,
Oreno-
que. Ifle
des per¬
les.
nomma la Terre de Natal , à caui_
la circonftance du jour de cette dé- 8c Cuhagua : celle-ci , ou etoit la plus
couverte. grande pèche des perles , en a long-
1 49 8 . tems porté le nom.
Le lixiéme de Janvier il apperçut ^ 1499.
un grand fleuve , qu’il nomma la Ri - Le feiziéme de May , Alphonie de
viere des Roy s \ enfuite le Mo&ambic , Ojeda , Gentil-homme Efpagnol , ac-
puis les Royaumes de Qiiiloa , de compagne d Americ Velpuce , Flo-
Momhaça , de Melinde , & de Sofala : rentm , 8c de Jean de la Cola , le plus
il prit en plufleurs endroits poflèftîon habile Pilote , qui fut alors en Elpa-
du Pays au nom de la Couronne de gne , aborda au Continent de 1 Ame-
Portugal. Le vingtième de May il ar- nque a 200. lieues a 1 Orient de 1 O-
riva à Calicut. Barros dit qu’il partit renoque j parcourut la côte l’efpace
du Mozambique le 24. d’Aouft, ôe de 200 lieues jufqu a un Cap , auquel
qu’il arriva en 22. jours a Calicut. il donna le nom de la Vêla y de coti¬
sai dit vrai r ce fut le 1 fi. 8c. non le vrit le Golphe de Maracatho , 8c don-
20. qu’il mouilla devant cette Ville, na le nom de Vt eneauela , c eft-a-dire >
Il eft le premier qui ait pafle aux In- de petite Vemfe , a une Bourgade,
des par cette route. qu il trouva bâtie fur 1 eau, a peu près.
Le dernier jour de Juillet de la me- comme cette grande \ ille. Ce nom a
me année Chriftophe Colomb de- depuis ete etendu a toute la Province,
couvrit Plfle de la Trinité . Les uns di- Enfin il reconnut toute la côte de Lo¬
fent qu’il lui donna ce nom , parce tnana . Americ Vefpuce , qui n etoit
que d’abord elle lui parut comme une que Bourgeois fur l’Efcadre, que com-
Montagne à trois têtes. D’autres pré- mandoit Ojeda , publia la relation de
tendent qu’il avoit fait vœu de nom- cette découverte , dont il fe donna
mer ainfi la première Terre qu’il ap- tout l’honneur ; & pour perfuader au
percevrait. Le douzième d’Aofit il Public , qu’il avoit le premier de tous
defeendit à terre , & il fe eonvain- les Européens aborde au Continent,
quit bien-tôt que la Trinité etoit une du Nouveau Monde , il ofa avancer
* que fon voyage avoir été de vingt-
L’onziéme il avoit vu une autre cinq mois. Ojeda interroge juridi-
Terre , qu’il prit aufli d’abord pour quement fur ce fait , le , démentit ;
une Ifle , 8c qu’il nomma Ijla Santa , mais comme il en avoit ete cru d a—
mais il reconnut bientôt que c’étoit bord fur fa parole , on s etoit accou-
le Continent , & il donna à toute cet- tumé à donner fon nom au Nouveau
te côte , qu’il rangea à la vûë, le nom Monde , 8c l’erreur a prévalu fur la
de Paria , ou il trouva que les Habi- vérité.
tans la nommoient ainfi. Quelques Sur la fin de la meme annee Chri-
jours après, ayant couru un grand ftophe Guerra , 8c Pero Alonlo Nino
danger dans une des embouchures de découvrirent la pointe de Ayola , qui
TOrenoqttey ill’appelja Boca del Drago - eft Nord 8c Sud de la pointe occiden-
Lc Cap*
delà Ve-
la. Ve¬
nezuela ,
Curaa-
na.
Salines
d’Ayola_
fastes chro
taie de la Marguerite , 8c ils y trou¬
vèrent de fort belles falines.
Brefil.
Mara-
I5°°.
wara- Vincent Yanez Pinçon, Efpagnol ,
fikaoa. qui avoit accompagné Chriftophe Co¬
lomb à fon premier voyage , étant
parti d’Efpagne à la fin de Décembre
de l’année précédente , découvrit le
16. de Janvier un Cap du Brefil, qu’il
nomma le Cap de Confolation , & en
prit poflellîon au nom de la Couron¬
ne de Caftille. Les Portugais lui ont
depuis donné celui de S. .Auguflin.
Pinçon crut enfuite appercevoir l’em¬
bouchure d’une grande riviere , qu’il
nomma Adar agnaon ; on a depuis re¬
connu que ce n’étoit qu’une Baye ,
dans le fond de laquelle il y a une
Ifle , qui porte aujourd’hui le nom de
Maragnaon , qu’elle a donné à toute
une Province du Brefil. Trois Rivières
afiez belles fe déchargent dans la
Baye , mais aucune ne porte le nom
de Maragnaon. Le P. Chriftophe
d Acuna, dans la defcription de la Ri¬
vière des Amazones , prétend qu’une
Riviere, qu’il nomme Adaragnon, fort
de ce grand Fleuve , & va fe jetter
dans la Baye , dont nous venons de
parler : mais il fe trompe. Des Capu¬
cins François ont eu une Miffion dans
1 Ifle de Maragnaon , qu’ils écrivent
Maragnan , fuivant la prononciation
Portugaife , au lieu que les Efpa-
gnols écrivent & prononcent Ma-
ragnon.
Le huitième- de Mars de la même
année , & félon quelques-uns, le neu¬
vième , Dom Pero Alvarez Cabrai
partit de Lisbonne pour le fécond
voyage des Indes. La veille de Pâ¬
ques apres avoir effuyé une horrible
tempete , qui diffi^a une partie de fa
Hotte , & en fit périr quelques navi¬
res , il fut jetté avec le refte fur la cô¬
te de Brefil , entra dans un Port , qu’il
NOLOGIQUES. xj
appelle Porto fiecuro : il donna enfuite
à tout le Pays le nom de Sainte Croix ,
& en prit polfellion au nom du Roy
de Portugal , fon Maître. Le nom de
Brefil , ou , comme on difoit alors , de
Brafily eft celui, que lui donnoient les
naturels du Pays 5 & il a prévalu fur
celui de Sainte Croix. Cabrai reprit
enfuite fa route vers les In^es , arriva
â Calicut le 1 3 de Septembre , de-là
il pafTaàCananor, enfuite à Cochim.
Au refte rien 11’eft plus fabuleux
que le bruit , qui courut alors en Ef-
pagne, & auquel les envieux de Chri¬
ftophe Colomb donnèrent beaucoup
de vogue \ àfçavoir, qu’une caravelle,
qui portoit en Angleterre des vins
d’Efpagne , après avoir été long-tems
contrariée par les vents , fut contrain¬
te de courir au Sud , puis à l’Oueft ,
& fe trouva à la fin près d’une Ifle , où
l’équipage alla fe repofer des fatigues
de la Mer : d’autres difent que ce-
toit la côte de Fernambouc , mais tous
conviennent que c’étoit au Brefil. On
ajoûtoit que le Pilote Andaloux , Bif-
cayen , ou Portugais , car 011 varie fur
cela; étant repaüe en Europe , après
avoir perdu prefque tout fon équipa- *
ge , étoit mort dans Pille de Porto
Santo chez Cojomb , qui y étoit éta¬
bli , & à qui iliaifta tous fes mé¬
moires , dont celui-ci avoit profité
pour découvrir le Nouveau Monde.
Cette affaire fut dans la fuite exami¬
née au Confeil des Indes , <k l’impo-
fture y fut confondue. D’ailleurs Co¬
lomb , s’il avoit eu ces mémoires , au-
roit pafte la ligne équinoxiale , ce
qu’il ne fit jamais.
Cette même année Gafpard de Terre.
Cortereal , Gentilhomme Portugais , Ncuve*
aborda a l’Ifle de Terre-Neuve , dans
une Baye , à laquelle il donna le nom
de la Conception , qu’elle garde enco¬
re aujourd’hui j il vifita enfuite toute
bij
xif FASTES C H RO
la côte orientale de cette grande Ifle.
On lui attribue encore d’autres dé¬
couvertes dans le Continent voifm ,
où les anciennes Cartes placent une
Terre de Cortereal. Ce qui eft certain ,
c’eft qu’accoutumé à des climats plus
doux , 8c l’efprit rempli de l’idée des
richeffes de l’Afrique , 8c des Indes..,
il fe dégoûta bientôt d’un Pays , où il
ne voypit que des rochers affreux
couverts de neiges , des rivières , 8c
une mer glacée, 8c où il n’y avoit point
d’autre commerce à faire , que celui
d’un Poiffon , dont on ne connoilToit
point encore le prix, &; qui étoit même
apparemment inconnu alors. Il reprit
donc la route dePortugal , 8c périt en
chemin. Champlain prétend que Cor¬
tereal fit deux voyages en Terre Neu¬
ve , 8c périt au fécond , fans que l’on
fâche ni où , ni comment,. Il ajoute
que Michel de Cortereal , fon Frere,
ayant voulu continuer la même en,~
treprife , eut le même fort..
1501’...
Goiphe Au commencement de Janvier de
d’Ura- cette année Rodrigue de Baftidas, Ef-
pagnol , accompagné de Jean de la
Cofa , dont j’ai déjà parlé , partit de
Cadix pour faire de nouvelles décou¬
vertes , 8c après avoir paffé le Gol-
phe de Maracaïbo, découvrit plus de
cent lieues de côtes au-delà du Cap
de la Yela, qui avoit été le terme des
découvertes d’Ojeda *, entra dans le
Golphe d'Uraba , 8c pouffa jufqu’à
l’endroit , où fut depuis bâtie la Ville
de Carthagéne. Il n’eft pas bien cer¬
tain qu’il ait donné à la Baye de Car-
thagene le nom , qu’elle porte au¬
jourd’hui , comme quelques-uns l’ont
cru.
Dans le même tems Dom Juan de
Juan de£ Nova partit de Lisbonne pour le troi-
t4oya. féme voyage des Indes , 8c chemin
faifant découvrit, par les vingt dé gréa
NOLOGIQÜES.
de latitude Nord , une Ifle, qu’il nom¬
ma la Conception. Ayant enfuite dou¬
blé le Cap de Bonne - Efperance , il
découvrit une autre Ifle , vers les fept
ou huit dégrés de latitude-Sud , 8c lui
donna fon nom , qu’elle porte encore
aujourd’hui..
I 5 O IV
Dom Juan de Nova , revenant des
Indes , découvrit la fameufe Ifle de Hclene..
Sainte Helév.e ,.à laquelle il donna ce
nom. Quelques Cartes en marquent
une fécondé du même nom , fous les
mêmes parallèles , 8c beaucoup plus
à l’Orient , découverte, dit-on , de¬
puis peu , mais les plus habiles Navi¬
gateurs la croyent rabuleufe.
Au mois de Mars de la même an- p0^e
née , D. Vafco de Gama , qui avoit
fait le premier voyage des Indes par
Mer , partit pour le quatrième. Etant
arrivé a Cochim, il y reçut des Am-
baffadeurs des Chrétiens de Melia-
por, qui lui demandèrent à être reçus
fous la prote&ion des Rois de Portm
Au mois d’Août Chriftophe Co- ras>
lomb découvrit le Ca^ 8c le Golphe Jorto*
de Honduras. Le douzième de Septem- e °*
bre il reconnut un autre Cap , qu’il
nomma Gracias d Dios , 8c le fécond
de Novembre un Port , qu’il appella
Puerto bello : communément appellé
Porto belo. Il entra enfuite dans queL
ques autres Ports de la meme cote ,
dont quelques-uns ont depuis change
les noms , qu’il leur avoit impofes.
1503.
Le fixiéme de Janvier fuivant il en- ver*.
tra dans une Riviere , à laquelle il sua*
donna le nom de Bethleetn , en mé¬
moire de l’entrée des Mages à Beth¬
léem de Juda. De-là il paila dans cel¬
le de Veragua , qui n’en eft qu’à une:
lieue , 8c où il trouva des mines d’or..
La Province de Veragua fut dans, lac
Socoto-
ta.
Guarda-
fu.
Grand
Banc de
Terre-
Neuve.
Mono-
Qiotapa.
fastes chro
fuite érigée en Duché en faveur de
JLouys Colomb , Petit-fils de Chrifto-
phe , 8c ce Duché eft tombé par
les Filles, premièrement dans la mai-
fon de Bragance, 8c en dernier lieu
dans celle de Liria-Barwich.
La même année D. Alphonfe d’Al-
buquerque , furnommé le Grand ; D.
François d’Albuquerque, Ton Frere 5
8c D. Antoine de Saldana partirent
chacun avec une Efcadre pour le qua¬
trième voyage des Indes. Dans ce
voyage Diego Fernandez Pereyra ,
qui commandait un des Vaifleaux de
l’Efcadre de Saldana , découvrit Pille
de Socotora. Alphonfe d’Albuquer¬
que mouilla lui -même au Cap de
Guardafu , le plus oriental de l’Afri¬
que , 8c étant arrivé aux Indes , il bâ¬
tit dans Pille de Cochim une Forte-
relfe , à laquelle il donna le nom de
Sant-Yago„
A r5o4.
Des Pécheurs Bafques , Normands
8c Bretons faifoient alors 8c depuis
quelque tems, la pêche des morues fin¬
ie grand banc de Terre Neuve , & fur
les côtes de cette Ille , du Continent
voifin , 8c de tout le Golphe de Saint
Laurent. On ne fçait pas au jufte en
quel tems ils commencèrent à fré¬
quenter ces Mers, ni quand on décou¬
vrit le grand Banc.
1 , „ r5°5-
Pedro de Anaya , Portugais , étant
dans le Royaume de Sofala , eut cet¬
te année la première connoilfance de
l’Empire de Monomotapa en Afrique.
Cette même année une Compa¬
gnie de Marchands de Rouen , arma
quelques vailfeaux pour aller aux In¬
des Orientales , 8c en donna le com¬
mandement au fieur Binet Paulmier
de Gonneville. Ce Capitaine étant
arrive au Cap de Bonne elperance ,
le courant , & les tempêtes de. cette
NO-LOGIQUES. xiij
Mer orageufe , le poullerent fort loin
vers le Pôle Auftral. Il y découvrit un
tres-beau Pays , dont les Flabitans le
reçurent avec refpeél 8c admiration.
Selon la relation de ce voyage , ces
Peuples font doux , lociables , bien¬
faits. Gonneville amena en France le
Fils d un de leurs Rois, auquel il avort
promis de le remener dans vingt Lu¬
nes. Mais les guerres civiles Pempê*-
cherent de tenir fà parole 3 8c pour 11e
point lailfer fuis apuy un jeune hom-
me, qui lui avoiterc confié de fi bonne
grâce, il en fit fon Gendre 8c Ion héri¬
tier. L Auteur du voyage dans les Ter¬
res Auftrales etoit né du mariage de la
fille de Gonneville avec cet Etranger.
15 06.
En cette année Jean Denis de Mon- Ccin AcîiG
fleur publia une Carte des côtes de
Plfle de Terre Neuve 8c des envi¬
rons.
La même année D. Laurent d’Al- Maidi-
meyda , Fils du Yiceroy des Indes , D. ves-
François d’Almeyda , ayant eu ordre Cey
d’aller reconnoître les Maldives , fit
d’abord la découverte de Cejlan. On
prétend qu’il découvrit enfuite les
Maldives , 8c cela eft beaucoup plus
vraifemblable , que ce qu’on ajoute ,
qu’il découvrit la même année Plfle
Madagafcar , 8c lui donna le nom de
S. Laurent. Car il paroît certain que
depuis la découverte de Ceylan ce
jeune Seigneur 11’a point quitté les
Indes.
Quelques Auteurs prétendent que
1 Ifle de Madagafcar fut découverte en Mada- •
1505. mais ils ne dilent point par qui mes de
elle le fut.. Ce qui eft certain, c’eft
que fur la fin de cette année 1 5 o 6. D. 3 Liru'
Triftan da Cuna , Portugais , fur le
rapport , que lui fit Rui Pereyra , un
de Tes Capitaines , qu’il avoit touché
à Madagafcar , 8c qu’on trouvoit du
poivre dans cette Ifle, s’y tranfporta.
xiv FASTES CHRONOLOGIQUES,
en perfonne. Marc Pol de Venife a ordre 8c au nom de l’Amiral des In-
parlé de Madagafcar, quelesChinois
connoifloient long - rems avant les
Européens. On afîiire meme qu’ils y
ont envoyé des Colonies. Plulieurs
des , Dom Diegue Colomb , Fils aîné
8c fuccelTeur de Chriftophe Colomb.
1510.
Le feiziéme de Février de cette'
Goa*
croyent que cette Ifle eft la Cerné de année le grand Albuquerque fe ren-
Pline, 8c luMamutbias dePtolomée. dit maître de la Ville de Goa. Cette
Lorfque D. Triftan da Cuna paflaà Ville fut reprife par les Indiens juf-
Madagafcar , il commandoit la cin- qua deux fois toujours reconqui-
quiéme flotte , que le Roy de Portugal fe par les Portugais , qui en ont fait
envoya aux Indes : avant que de dou- la Capitale de leur Empire dans les
bler le Cap de Bonne Efperance , il ' Indes.
Ytîca-
tan.
découvrit des Ifles , qui portent en¬
core aujourd’hui ion nom.
La même année Jean Diaz de So-
lis ,8c Vincent Yanez Pinçon péné-.
trerent dans le fond de la Baye de
Honduras , 8c lui donnèrent le nom
La même année Jean Ponce de PorCon^
Leon , Efpagnol , fit la conquête de
Plfle de P-ortorico , par ordre de D.
Diegue Colomb.
La même année Alphonfe de Oje
da 8c Diego de Nicuefla partirent de
de la Nativité. Ils reconnurent enfuite Plfle Efpagnole pour aller établir , ce-
une partie de VTucatan , dont Chri- lui-ci la Caftille d’or , celui-là , la non -
ftophe Colomb avoit eu quelque con- velle Andaloufie , qui leur avoient été
noiflance , lorfqu’il découvrit la Baye concédées à cette condition } 8c dont
de Honduras -, mais ils 11e firent que ils avoient été nommés Gouverneurs.
Nouvel¬
le Anda¬
loufie.
Caftilla
d’Or.
Suma¬
tra.
Malaca.
le ranger à la vue.
O
1 508.
Dom Diego Lopez de Siqueyra dé¬
couvre Plfle de Sumatra , qu’on croit
allez communément être l’ancienne
Trapobane. De-là il pafla à Malaca.
La nouvelle Andaloufie devoir com¬
mencer au Cap de la Vêla \ la Caftille
d’or devoir fe terminer au Cap de
Gracias à Dios. Le milieu du Golphe
d’Uraba devoit faire la féparation de
l’une 8c de l’autre. Ojeda bâtit la mê-
Canada.
querque.
La même année on vit en
On prétend qu’il découvrit aulfi alors me année la Ville de S .■ Sebafiien de
le Cap de Guardafu •, peut - être en buena vijla : Nicuefla commença un
prit-il une connoiflance plus exaéte , petit établiflement à Nombre de Dios.
que n’avoit fait D. Alphonfe d’Aibu- Quelque tems après le Bachelier En-
cifoj un des Capitaines d’Ojeda , fon¬
da la Ville de Sainte Marie /’ Ancien¬
ne fur les bords du D arien , qui fe dé¬
charge dans le Golphe d’Uraba. Cet¬
te Ville , qui a été la première du
Continent de l’Amérique honorée
du titre de Ville Epifcopale , n’a fub-
fifté que neuf ans , au bout defquels
tous les Habitans , 8c le fiége Epifco-
un Sauvage du Canada
nommé Thomas Aubert
France
qu’un Pilote
S. Seba*
ftien de
Bonne
vûe.
Sainte
Marie
l’ancien¬
ne.
de Diepp
y avoit amené.
1 5 09.
Jean Diaz de Soîis, 8c Vincent
Yanez Pinçon , paflent la ligne , co-
toyent la Terre du. Bre fil , 8c mettent
par tout des marques de pnfe de pof- pal ont été tranfportés à Panama. Au
feflîon pour la Couronne de Caftille. refte Ojeda 8c Nicuefla n’ayant pas
La même année Jean de Efquibel réuflî dans leur entreprife , le nom de
fit un établiflement à la Jamaïque par Caftille d’or eft tombé avec celui-ci.
*
Cuba
Malaca.
Java.
Amboi-
ne
lu
FASTES CHRONOLOGIQUES. xv
, c’elt une erreur des Géographes de Lucayes , fe trouva par hazard à la
le marquer fur les Cartes. Celui de vue dune grande Terre ; il y aborda
nouvelle Andaloùfie a été tranfporté , & la nomma Florule , L uns difem
du moins par quelques Géographes , parce quon étoit dans la femaine de
vers la cote de Cumana- Pâques fleuries , félonies autres,
r 1 ^ 1 1 ’ , . - parce qu il en trouva les campagnes
Diego Velalquez s empare de 1 Me emaillées de fleurs. Il découvrit en-
de Cuba au nom de 1 Amiral D. Diego fuite plufleurs petites Mes , qu’il a p-
Colomb , qui lui en donna le Gou- pella les Martyrs. Elles font à l’entreo
versement. ^ du nouveau Canal de Bahama, &bor-
, mols Aout de cette même an- dent la partie occidentale du Cap de
nee le grand Albuquerque fe rendit la Floride. Le Canal de Bahama eft la
maître de Malaca, & y reçut des Am- décharge du Golphe Mexique dans la
bafladeurs du Roy de Siam , qui ve- Mer du Nord , & tire fon nom d’une
noient le complimenter fur cette cou- des Mes Lucayes. Il n’y a point de
qner‘- i r, • Rivière, dont le courant foitauffi fort
Amboi- ^miute de ce fiege François Serrano, que celui de ceCanaLL’Me deBaha-
Mo- Diego de Abreu, qui y avoient fer- ma forme deux canaux. On pafloit
lCLUSS‘ f1 avec diftindion , furent envoyés à d’abord par celui , qui eft à l’Eft &
la decouverte des Moluques. Ils fe fé- c’eft ce qu’on appelle le vieux Canal ;
parèrent , Abreu prit d’abord terre à le courant n’en eft pas fi fort , mais il
1 Ille de Java , puis découvrit l’Ifle fft dangereux par les écueils , dont il
d Amboine , laquelle eft environnée eftfeme. C’eft ce qui l’a fait abandon-
d autres petites Mes , qu’on appelle ner.
les Amboines . Il paflà enluite aux Mes 1 5 1 > •
de Banda, & n’alla pas plus loin.. Ser- Le vingt-cinquième de Septembre
ranopenetra.jufqu’a Ternate. On di- Vafco Nugnez de Balboa, qui com-
vile les Moluques en grandes & pe- mandoit à Sainte Marie l’Ancienne de
tires. Celles-ci font les Moluques Dari en , découvrit la Mer du Sud. Il
proprement dites: les principales en prit pofleflïon le 29. au nom de la
lont Ternate , Tidor ou Tadura , Mo- Caftille , y étant entré jufqu a la cein-
r 5 ¥ BachUn' Les gmndes turc, tenant fon bouclier d’une main,
font Gtloloy ou l’Ifle du Maure ; les Por- ôc fon épée de l’autre. Le meme jour
tugais la nomment auflï Patocbine : il donna le nom de S. Michel , dont
les petites Moluques, qui en font on célébroit la Fête, â un Golphe, que
proche font marquées dans les Car- fait la Mer du Sud en cet endroit? Il
tes lous le nom à* Archipel du Maure, y découvrit aufli plufleurs Mes ou
Les autres grandes Moluques font l’on pêchoit des perles , & il les nom-
Ambotne , Banda Timor ; & C elebes , ma IJles des perles. Il avoir eu quelque
ou Macaçar , ainfi nommée des deux teins auparavant connoilfance du Pe-
Kovanmpç nm lo _ -r K ^ - .
Mtr dut
Sud.
Golphcr
de S. Mi¬
chel.
Ifles des.
Pelles.
Royaumes , qui la partagent.
1512.
floride Jean P on ce deLeon , 1 e Conque-
tyrsMar" ra.nt Ae Porcoric 5 cherchant une fon¬
taine de Jouvence, qu’on lui avoit dit
A . J _ . f 5T /I 1 _ .
rou. En retournant à Sainte Marie, il
reconnut toutes les Terres, qui font
entre cette Ville & la Mer du Sud.
I5I4*
Un Ambafladeur de David, Em-
a i |,T/-| j d uu iiiuudiitiucui CIC UcLvlCi y tllTl-
erre dans lifte de Bimini , une des pereur des Abyflins, arrive àLisbonne.
Ambafl
fadeur ,
Abydan-.
à Lisbon¬
ne.
Sainte
Marthe.
Cartha»
gène.
(Pérou.
Le Cha-
gre.
Nata ,
première
Ville Es¬
pagnole
Sur la
Mer du
Sud.
Rio Je-
neyro.
Rio de
la Plata,
Yuca-
tan.
Campé-
«he.
xvj FASTES CHR
La même année Dorn Pedi'arias,
ou Pedro Arias Davila , Gouverneur
de la Province de Darien , commen¬
ça des établiflemens dans les Provin¬
ces de Sainte Marthe & de Carthage-
ne , dont il découvrit la plus gr ande
partie.
1515.
Alonzo Perez de la Rua , Efpagnol,
commence la découverte du Pérou.
La même, année Diego de Albitez,
Efpagnol , découvrit la Riviere du
Cbagre , qui eft: navigable allez loin
au-delfus de fon embouchure, qui
prend fa fource alfez près de la Mer
du Sud, & qui traverfe en tournoyant
la plus grande partie de L’Ifîhme de
Panama .
1516.
Le Licencié Efpinofa fonde la Ville
de Nata dans la Province de Vera-
gua. C’eft: la première Ville , que le^
Elpagnols ayent eue fur la Mer du
Sud.
Le premier jour de la même annee
Jean Diaz de Solis , dont j’ai déjà
parlé, entra <lans une Riviere du Bre-
fil ,fqu’il nommai Genero ou Enero.
Riviere de Janvier- Les Portugais,
qui font aujourd’hui maîtres de tout
ce grand Pays , la nomment Rio Ja¬
neiro. Diaz découvrit enfuite une au¬
tre Riviere beaucoup plus grande ,
qu’il appella de fon nom , Rio de So¬
lis , & qui dans la fuite fut nommée
Rio de la Plata. Etant defeendu à ter¬
re , il fut tué par les Sauvages. A pro¬
prement parier Rio de la Plata n’eft
qu’une longue Baye, formée par le
confluant du Parana & del 'Uruguay.
Le Parana reçoit deux-cens iieuës plus
haut le Paraguay -
-1 5 1 7-
Le huitième de Février François Fer¬
nandez de Cordouë s’embarqua a la
Havane par ordre de Diego V elafquez
ONOLOGIQUES.
Gouverneur de Cuba. Il découvrit en*
fuite toute la côte de PTucatan , de¬
puis le Cap de Cotoche , jufqu’à Pe*
tonchan. Il trouva dans cet intervalle
une Bourgade nommée Kimpech , oïl
depuis l’on a bâti la Ville de Campe *
çhe .
Au mois d’Août de cette même an¬
née Fernand d’Andrada , Portugais ,
arriva à la Chine. C’eft: le premier
voyage , que les Portugais ayent fait
dans ce grand Empire , dont la par¬
tie la plus occidentale & la plus fep-
tentnonale portoit autrefois le nom
de Catay. Cambalu , Capitale du Ca-
tay,eft la même que Pékin.
1518.
François Fernandez de Cordouë
étant mort à Ion retour de 1 Yucatan ,
Jean de Grijalva fut envoyé par V elaf¬
quez pour continuer les decouvertes.
Il découvrit d’abord l’Ifle de Coz.umely
& la nomma l’Ifle de Sainte Croix >
puis la Riviere de Tabafco , a laquelle
il donna fon nom ; enfuite 1 Ifle , ou
la Caye des Sacrifices , ainfl nommee ,
parce qu’il y trouva des hommes , qui
venoient d’y être facrifies aux Idoles.
Un peu plus loin il découvrit Pille
d’Ulua , à laquelle il donna le nom
de S. Jean , & qu’on appelle encore
l’Ifle de S. Jean d’Ulua. Elle eft: vis-à-
vis de la Fera Cruz. , dont elle forme
le Port. Il s’avança enfuite jufqua la
Province de Panuco , de donna a tou¬
tes ces nouvelles découvertes le nom
de Nouvelle Efpagne .
La même année D. Pedrarias Da¬
vila envoya le Licencié Diego de Ef¬
pinofa à Panama , pour y fonder une
Ville, ou plutôt pour y tranfporter les
Habitans de les matériaux de Sain¬
te Marie P Ancienne du Darien. La
Ville de Panama a depuis changé de
place , on l’a un peu reculée à l’Oueft.
Son Evêque prend la qualité de Pri
Les Por¬
tugais à
la Chi¬
ne. Ca¬
tay.
Camba*
lu.
Nouvel¬
le Elpa-
gne.
Tanama.
FASTES C H R O
tnat de Terre-ferme, quoique fuffra-
gant de Lima , parce que Sainte Ma¬
rie 1 Ancienne, dont Panama a pris la
place , étoit le premier Evêché du
Continent du Nouveau Monde : ce
qui n’empêche point que l’Archevê¬
que de San Domingo , dans Pille Ef-
pagnole , dont le liège eft encore plus
ancien , ne loit reconnu pour le Pri¬
mat de toute 1 Amérique Elpagnole.
1519.
la vera , Le dixiéme de Février de cette an-
c ^ nee Fernand Cortez partit de la Ha¬
vane pour la conquête de la nouvelle
Efpagne. Il alla débarquer endeçà de
S. Jean d’Ulua , y fonda dans le Con¬
tinent une Ville , qu’il appelle Villa
Ricca de la vera Cruzc, parce qu’il y ar¬
riva le Vendredy Saint. C’eft ce qu’on
appelle aujourd’hui P Ancienne Vera
Cruz.. Lanouvelle eh: trois lieues plus
al Eft, vis-a-vis de l’IIle de S. Jean
d Ulua. Etant arrivé la même année à
Mexico il envoya Diego de Ordas
reconnoître le Volcan de Popocotapec,
dans la Province de TUJcala.
1510.
vcutC°dUü Ferd*nand de Maghaillans , plus
Détroit connu fous le nom de Magellan , Ca-
gcikn." P]mnf Portugais , qui avoit fervi au
Terre *ege de Malaca fous le grand Albu-
rie feu. querque , 8c qui s etoit depuis donné
au Roy d’Efpagne pour quelques mé-
contentemens , qu’il avoit reçus de la
Cour de Portugal , propofa au Roy
Catholique la conquête des Molu-
ques , & la propoûtion fut acceptée.
On lui donna quelques vaifleaux avec
le {quels il fit voiles le dixiéme
d Août 1 51 9. Au mois de May de
1 annee fuivante il découvrit une Me ,
qu’il appella Plfle de los Tuberones ,
des Chiens marins , Plfle de 5. Pierre*
1 Ifle des Cocos , qu’il appella les Ides
infortunées , parce qu’il les trouva de-
fettes 8c incultes. Arrivé à l’entrée du
NO LOGIQUES. xvij
fameux Détroit , qui porte fon nom ,
il donna le nom de Cap des Vierges à
la première terre , qu’il y découvrit ,
parce qu’il la reconnut le jour de
fainte P/rfule. le 7. de Novembre il
entra dans le Détroit: le 27. il fe
trouva dans la Mer du Sud , qu’il
nomma la Adler pacifique . Le nom de
Terre de feu , qu’on a donné au Pays ,
qui borne ce détroit au Sud , paroît
plus moderne. Il vient , dit-on , de ce
que des Voyageurs y ont apperçu
quantité de feux. C’étoit peut - être
des éclairs , car tout ce Pays eft fujet à
de grands tonnerres, àcaufe des va¬
peurs , que le foleil y attire des deux
Mers , 8c fans doute aufli à caufe de
la nature du terrein. Il paroît par les
Mémoires des Hollandois , qui ont
voyagé de ce côté-là , que ce n’eft
qu’un amas d’Ifles , entre lefquelles il
y a paflagepour des navires.
La même année Fernand Cortez Mincs
envoya Gonzalo de Umbria recon- duMexi-
noitre la côte méridionnale de la que’
Nouvelle Efpagne , & François Piza-
rro avec Diego de Ordas, pour vift-
ter la côte feptentrionnale. On décou¬
vrit en même tems des mines dans ce
Pays , & (Motezuma , Empereur du
Mexique , fe reconnut vaflal du Roy
d’Efpagne , & lui envoya un tribut.
Le Licencié Luc Vafquez d’Ayllon FIorid„
entreprit cette même année de conti¬
nuer la découverte de la Floride : il
découvrit en effet le Cap de Sainte He~
lene , 8c la Province de Cbicora. Ce
Cap de Sainte Helene eft à l’entrée
d’une aflez grande Riviere , qui a été
depuis nommée le Jourdain.
1 5 2. 1 -
Découverte des Ifle s des Larrons par Mes Je?
Magellan. Il les appella encore lAr- cebuCns’
chipel de S. Lazare. C’eft ce qu’on ap- Matan.
pelle aujourd’hui les /fies' Mari an es.
Magellan reconnut enfuite l’Me de
Mexico.
Mcchoa-
can.
Nicara¬
gua. '
S. Tho-
Jné.
Premier
voyage
lie Vera-
lani.
xviij FASTES C H R
Cebu , puis celle de Matan , ou il fut
tué. Après fa mort Gonzalo Gômez
de Efpmofa fut reconnu Chef de l’Ef-
cadre. Il ne garda de fes navires, que
la Trinité & la Victoire , & ayant ren¬
contré un Jonc Chinois, qui alloit aux
Moluques , il en reçut un Pilote , qui
le conduisit àTidor, où il arriva le
huitième de Novembre : Oforio dit
que ce fut fur la fin d Octobre. De-la
il repaffa en Efpagne par les Indes
avec la Victoire . C’eft le premier na¬
vire , qui ait fait le tour du monde, &
il fe conferve encore à Seville.
Cette même année Fernand Cortez
fe rendit maître de Mexico , &c la
conquête de cette Capitale mit fin à
l’Empire des Mexiqiiains.
1 5 ai.
Un Soldat de l’Armée de Fernand
Cortez , nommé Parillas, découvre la
Province de Mechoacan . Cette décou.
verte fut fuivie la même année de
plusieurs autres dans la nouvelle Ef¬
pagne , Sc en particulier de celle du
Nicaragua \ Gil Gonzalez Davila y
étoit entré quelque tems auparavant
par la Province de Darien , ôc avoit
découvert le Canton de Nicoya.
La même année le corps de S. Tho¬
mas Apôtre fut trouvé a Meliapor ,
& tranfporté à Goa par ordre d’E¬
douard de Menefez, ce qui n’empê¬
cha point qu’on ne rebâtit la Ville de
AFehapor fous le nom de S* Thome -
MM- . . „
Jean Verazani , Florentin , qui s’e-
toit mis au fervice de François I. Roy
de France , fit en cette annéjp un pre¬
mier voyage dans l’Amerique Sep-
tentrionnaïe. Peu d’ Auteurs ont par¬
lé de cette expédition , dont on n’a
eu connoilfance , que par une lettre
de Verazani même au Roy , dattéede
ONOLOGIQUES*
Dieppe, du huitième de Juillet ; ou
il fuppofe que Sa Majefté étoit infimi¬
té du fuccès de cette première tenta¬
tive. Il fe pourroit pourtant bien fai¬
re que ce fut moins une tentative
pour faire des découvertes , que des
courfes fur les Efpagnols. 3 car on fçait
qu’il en a fait plus d’une.
I52,4*
Verazani repartit l’année fuivante •
pour commencer , ou pour continuer
les découvertes. Il arriva au mois de
Mars àlavûëdes Terres de la Flori¬
de i il fit enfuite 5 o lieues au Sud , &
fe trouva par les 3 4 dégrez de latitu-
de-Nord. Il remonta au Nord, ran¬
gea toute la côte jufqu’à une Ifle , que
les Bretons av oient découverte , Sc
qu’il dit être par les 50 dégrez. Si c e-
toit Fille dé Cap Breton , aujourd’hui
ITfie Royale , il fe trompoit dans fon
eftime 3 mais il fe peut bien faire qu il
ait abordé à Fille de Terre-neuve ,
où les Bretons faifoient la peche de¬
puis plulieurs années.
Au mois de Novembre de cette
Second
voyage.
Peroar*
année François Pizarro partit de Pa¬
nama pour achever la decouverte , ôc
tenter la conquête du Pérou.
1 5 1 5 •
Troifiéme voyage de Verazani. On
n’a point fçu quel en avoit été le fuc¬
cès , parce qu’il y périt. On ignore par
quel accident. Un Fliftorien moder¬
ne (a) s’ eft allurément trompé endi-
fant que Verazani fut pris en 1524..
près des Canaries par les Efpagnols,
& pendu comme Pirate. Si ce mal¬
heur lui eft arrivé , ce ne peut etre
qu’en 1 5 2 5 . au retour de fon troifie-
me voyage.
La même année D. Garcias de Loy- s. ^
fa, Efpagnol , découvrit 1 Ille de S. thiei*..
Matthieu , à l’Oueft de celle d’Anno-
Iflc de
Mat-
( a ) D. Andrés Gonzalez de Barcia , Enfayo Cronologico para la Hiftoria de la Florida,
Me Ma-
caçar
Yucataft.
La Ver»
mude.
FASTES CHRONOLOGIQUES. xix
bœ' °"LtrOUVa ’ dlC"°n’ fur un ar' y avolent d<da P™ terre » mais iis
bie , une infcripnon , qui portoit que n’en avorenc donné aucune notice.
07. ans auparavant des Portugais y M2.7
avoient aborde. ' . François de Montejo , Efpagnol ,
riaueK°lriprt^e Blltt°3 ^ Oarcias Hen- nommé Gouverneur de VTucatan ,
nies de Wez ’ 1 0ttfuSals 5 <IU1 comman- partit cette année pour en faire la
Mey. dotent aux Moluques , envoyèrent conquête , & y établir une Colonie,
c rte annee a la decouverte de Pille Tout cela fut exécuté avant la fin de
Celebes , ou Macaçar . Ceux qui furent l’année fuivante.
c arges de cette com million, voulant. Ce fut cette même année , ou peu
]ÆoInnnI011/XeCUtee ' re8*8ncr ies de tems auparavant , que Jean Ber-
les vents S v T ^ ^ 1 ^ par mudez » Elpagnol, découvrit une pe-
Dliifienrs & “T™ & U ^ ^ ^ Ifle 5 â lacïuelle 11 donna &>n nom.
p ulieuis llles , ou ils ne purent pren- On l’appelle communément ta Ver-
de 5 & CS nommerent les JPes mnie > quoiqu’on écrive quelquefois
p. . . Ber mude*
a 1C^° f ^ magro partit aulli la La même année Pizarro , après
eme annee de Panama, pour aller avoir découvert environ zoo. lieues
nuêre1^ ^ A&aC à k C°11_ de la côte du Perou » jufqu’au Port de
q u erou. Sant a , au-delà du diftriét de Quito ,
1 retourna à Pammi
tien ont a v " / 1 p . Bantam , dans liile de Java eft con- 8am"“
R ov A T- tVOU qmJK . e ■ feî VICe du par D. Pedro Mafcarefias. Cette
Rnvr fSetene>&setoit donné au Ville fut peu de tems après rendue à
dans Rild° P/Ue ’ e"ua Cette annee Gn Roy , à condition de payer tribut
dans Ru de SoUs , qu d nomma Rio de à la Couronne de Portugal.
A le p 1 emonta le & me- V ers le même tems Edouard Conil,
I 1 a&l,a-\' Ce qui lui fit donner Portugais, découvrit les Ifles & le Dé-
Fleuve "TC16"/ f Slnt 7e Pnd ?oit ie U Sonde ’ Ce Capitaine étoit
eft Sue fur les bords du Pa- fous les ordres de François Sa , lequel
emreL °UVa ,beallc°uP d’arSent s’étoit embarqué pour faire cette dé-
de quelques Sauva- couverte; mais dont le vailTeau fut
ges ’ 1 c,lut que cet argent fe tiroir du écarté par la tempête,
l a vs mémo . s-n-no rar. c _ _ _ n 1 t
Pérou.
Quitd.
Parana,
Para-
ÿuay.
Détroit
de la
Sonde.
Minda¬
nao.
Pays meme, mais ces Sauvages l’a- icz8.
enlevé à des Po^ugais du Expédition de Pamphile de Nar-
de Tn rT reV£Tent dC la Province vaés > Efpagnol, dans la Floride. Le 5 .
T’ i déi lona(^re du Pérou, de Juin il découvrir le Pays des Apu^-
J a déjà obferve , que dans la rigueur lâches.
on n appelle Rio de la Plata , que la La meme année André da Vidane-
Baye , ou le Parana , déjà joint au Pa- ta , Efpagnol , découvrit la Nouvelle
^rieÇ°ltenCOre a §randeRl- Guinée, entre l’Afie & l’Amerique.
■w j rU^taG On ne fçaic pas encore bien certaine-
Ffn ' T YVaezd{^ Corqmzano , ment fi ce Pays eft un Continent ou
Finî0 ^LdeC°Tr.1C 1 me‘?e an“e une !fle> Toutefois quelques Auteurs
fie M ndanao. D autres Efpagnols , ont avancé qu'on en avoic depuis peu
qu, eu 1 5 a 1 allô, ent aux Moluques , fait le tour par Mer. Jean ‘de Lacé
c ij
Apala*
chesi
Nouve!-
lc Gui-
née.
I
Vene¬
zuela.
Pérou.
Nouvel¬
le Gali¬
ce,
Culua
ton.
Chiap
|>a.
Oreno
que.
Cinal'oa
Cartha
gene.
xx FASTES C HR O
prétend que ce fut en r 5 1 7 que la
Nouvelle Guinée fut découverte par
Alvare de Saavedra , qui y fut jetté
par la tempête » en revenant des Mo-
luques , ou Cortez l’avoit envoyé.
1519.
Découvertes d’Ambroife Àlfinger ,
Allemand , dans la Province de F e-
nezuela , qui avoit été concédée par
l’Empereur Charle- Quint aux Vel-
fers , riches Négocians d’Ausbourg.
1530.
François Pizarro s’embarque a
Nombre de Dios , pour continuer la
conquête du Pérou.
La même année D. Nuno de Guz¬
man fit plufleurs découvertes dans la
Nouvelle Efpagne ducôté de la Mer
du Sud. Chriftophe de Onate , un de
fes Capitaines , fonda par fon ordre
la Ville de Guadalaxara dans, la Nou¬
velle Galice , qui étoit une de ces nou¬
velles découvertes, de qui porte quel¬
quefois les noms de Guadalaxara de
de Xalifco , fa principale Province.
Guzman étoit natif de Guadalaxara
en Caftille. Il fit dans le même teins
la découverte de la Province de Cu-
luacaiu
Vers le même teins Diego de Or-
das , Efpagnol , découvrit la Provin¬
ce de Chiappa , dans la Nouvelle EI-
pagne.
M 32*
Le même Diego de Or d'as entra
peu de tems après dans l'Orcnoque , de
fit quelques découvertes en remon¬
tant ce Fleuve. Elles furent continuées
les années fuivantes par d’autres- Ca¬
pitaines Efpagnols.
Cette même année Dom Nuno de
Guzman découvrit la Province de Ci -
naloa ,. dans la nouvelle Galice.
Vers le même tems, Dom Pedro de
Heredia , Efpagnol , bâtit la Ville de
Carthage ne . Il lui donna ce. nom. à cau-
Acapul-
co.
Canada;
N O L O G I Q U E S.
fe de la relïemblance de fa fituatiou
avec celle de Carthagene d’Efpagne.-
Ce lieu fe nommoit auparavant Ca*
lernori. Ojeda de Nicueüa s’y étoient
battus avec les Indiens du Pays.
1 5-3 3-,
François* Pizarro lait mourir Ata- Perour.
hualpa , Roy du Pérou , de met fin a
l’Empire des Inc as .
1 5 34-
L’année fuivante il entra dans la euzeo.
Province de Civlco de la fournit.
La même année Fernand Cortez fit
découvrir toute la cote de la Mer du
Sud , où eft fitué le Port X Acapulco.
Ce fut aufli cette même année que
Philippe de Chabot, Amiral de Fran¬
ce , ayant engagé le Roy François I. a
reprendre le delfein des découvertes ,
commençées par Verazani. , en donna
la commiiîion à Jacques Cartier , Ma-
loin , habile Pilote. Cartier s’embar¬
qua à S. Malo le vingtième d’ Avril ,
de le dixiéme de May il arriva au Cap
de Bonne Fifie dans Fille de Terre-
Neuve , par les 48. dégrés de latitude
Nord. Puis ayant fait cinq lieues au
Sud Sud-Eft , il entra dans un autre
Port, qu’il nomma Sainte Catherine .
De-là il vogua au Sud , traverla le.
Golphe , de entra dans une grande
Baye , où il fouffrit beaucoup du>
chaud , de qu’il nomma Baye des cha¬
leurs. Quelques Mémoires difent que-
des Efpagnols y étoient allés avant
lui , de il eft certain qu’on l’a quelque¬
fois appellé la Baye des Efpagnols. Il
côtoya enfuite une bonne partie du
Golphe , prit polTelfion de tous les
Pays, qu’il avoit reconnus , de retour¬
na en France..
1 5 3 5 ^
François Pizarro fonde la Ville de
Lima le jour de l’Epiphanie , de la
nomme la Fille des Roix. C eft le
nom , qu’elle porte encore dans les
FASTES CHRONOLOGIQUES.
â(5tes publics : Lima eft le nom de la. conte Tille. On ne connolt point de
vallee , ou elle eft lituee. Fleuve, qui conlerve aulli long-tems
Buenos ^Pedio de Mendoça , .Efpagnol, une fi grande largeur , ni qui foitaufîT
Ayres* bâtit la Ville de Buenos ^ iyrés fur la long-tems naviguable pour les plus
rive occidentale de la Plaça, On la grands vaiffeaux , que celui-cy. Les
nomme auftï la Ville de la Trinité, navires de 60. canons le peuvent re-
Elle a été deux fois abandonnée y ôc monter jufqu a Quebec, qui eft à fîx-
ce n’eft qu’en 1 5 82. qu’on Ta rebâtie vingt lieues de la. Mer , & de gran-
comme elle eft prefentement. des barques peuvent aller encore 60-.
Caiifor- La même annee Cortez s’étant mis lieues au-delà , jufqu a Tille de Moud
lui-même en mer , découvrit la Cali- réaL
fcrnie , à laquelle il donna le nom de
S. Philippe. On a cru jufqu’ au com¬
mencement de ce Hécle que c’étoit
une Me.
canada. Le dix-neuviéme de May de cette
même année Jacques Cartier partit
de S. Malo pour continuer fes décou¬
vertes. Le dixiéme d’Août étant entré
dans le Golphe , qu’il avoit parcouru
Tannée précédente , il lui donna le
nom de S. Laurent , en mémoire du
S. Martyr , dont on célébré la fête en
ce jour. Ce nom s’eft depuis étendu
au Fleuve , qui fe décharge dans ce
Golphe. Celui de Canada , qu’il p or-
toit , eft celui que donnoient les Sau¬
vages à tout ce Pays.
Le quinziéme il découvrit à l’en¬
trée du Fleuve une Me fort longue ,
que les Sauvages nommoient Natif-
cotec , ôc il lui donna le nom de PAf-
fomption. Elle porte plus communé¬
ment celui d'AnticoJly , qui vient , à
ce qu’on croit , des Anglois. Cartier
remonta enfuite le Fleuve 5 & le pre¬
mier de Septembre , après y avoir vo¬
gué 90. lieues, il fe trouva à l’embou¬
chure du Saguenay , grande Riviere ,
qui vient du Nord. Il navigua encore
90. autres lieues fm* le Fleuve , & ar¬
riva à Hochclaga , grande Bourgade
de Sauvages , bâtie dans une Me , au
pied d’une Montagne , qu’il nomma
Mont-royal. On l’appelle aujourd’hui
Montreal , de ce nom s’eft étendu à
1 556.-15 3 7.
Diego de Almagro , un des Con- a r,
querans du Pérou , fait la découverte ^
du Chili.
Sebaftien Belalcaear , Efpagnol , ...
découvre la Province de Popayan y leGrena>-
qui fait partie de la Nouvelle Grena- de‘
de y communément appellée Nuevo
Reyno . Il découvrit en même tems la
fource de la grande Riviere de la.
Magdeleine , dont tout le cours fut re¬
connu quelque tems après par D. Fer¬
dinand de Lugo , Amiral des Cana¬
ries. Cette découverte , de celle , que
le même Amiral lit du refte de la
Nouvelle Grenade , ne. furent ache ¬
vées que Tannée fuivante 1537. Ni¬
colas Ferderman , ou Uredeman , Al¬
lemand , y étoit entré Tannée précé¬
dente par le Coriane ,. qui eft un Cam
ton de la Province de Venezuela.
Jean de Ayola , Efpagnol , conti- para<1,
nue les découvertes fur le Paraguay , gUay’'
&c dans les Provinces des. environs de
ce Fleuve..
1 539;
Le P. AFarc de Niza, Francifcaiâ cibolâ*.
Efpagnol , étant parti cette année de
S. Michel de Cuîuacan , dans la Nou¬
velle Galice * découvrit le Royaume
de Cibola. O11 ne fit .pas grand fond
fur les Mémoires de ce Religieux ,
mais ils donnèrent occalion à. de nou¬
velles découvertes.
Le douzième de May de cette mê- Florida
îiie
xx.j FASTES CHR
me année Ferdinand de Soro fit voiles
de la Havane pour achever de décou¬
vrir , &pour conquérir la Floride. Il
s’acquitta fort bien du premier de ces
deux projets •, mais après trois ans de
courfes, il mourut fans avoir conquis
un pouce de terre.
La même année Fernand Cortez
Califor- pan^m: pour l’Efpagne, envoya Fran¬
çois de Tello achever le découverte
de la Californie , dont ce Capitaine
Efpagnol rangea prefque toute la co-
re occidentale. Il fit enluite plufieurs
autres découvertes en ces quartiers-
là.
1 548.
Rivière Gonzales Pizarro, Gouverneur de
des Ama- la Province de Quito, la plus Septen-
trionnale du Pérou » découvre le
Pays de los Quixos , dans l’intérieur de
cette Province , puis celui , qu’on ap-
pelloit la Canelle.
A la fuite de cette expédition Fran¬
çois Orellana, Lieutenant de Pizarro,
ayant été envoyé pour chercher des
vivres , découvrit un grand Fleuve,
qu’il defcendit jufqu’à la Mer, fans
s’embarralfer de fon Commandant,
il donna fon nom à ce Fleuve , connu
depuis fous les noms des Amazones
6c de Maragnon.
ciboIa ? La même année François Vafquez
Quivira. Cornero , ou Cornedo , Efpagnol ,
envoyé par Dom Antoine de Mendo¬
za , Viceroy de la Nouvelle Elpagne ,
pour continuer la découverte de la
Californie , découvrit les Royaumes
de Cibola 6c de Quivira.
1 5 4 1 •
ch;i; Pedro de Valdivia continue la de-
couverte du Chili , 6c y fait plufieurs
établilTemens.
Cette même année Jean -François
de la Roque , Seigneur de Roberval ,
Gentilhomme Picard , fit un etablif-
fement dans Fille de Cap Breton, au-
Canada.
ONOLOGIQUES.
jourd’hui ïljle Royale , 6c envoya un
nommé Alphonfe , reconnoitre le
Nord du Canada , au-delfus de La¬
brador : maison n’a point fçû le détail
de ce voyage*
Antoine de Faria y Soufa , Portu- Cam-
gais, découvrit dans le même tems les
Royaumes de Camboje 6c de Chain - pea. , It-
pea , Fille de Poulocondor , celles de l“ Pc'
1 « GU1QS y
Lequios , 6c d’Uaynan , avec quelques Haynan.
autres plus petites, qu’on appelle
Puertas de Liampo.
Enfin ce fut cette même année, que p^l!P-
Ruy Lopez de Yillalobos , Efpagnol , F‘ncs'
fit la découverte des llles de Luçcn ,
que Magellan avoit commencé de
découvrir. Il donna à tout cet Archi¬
pel le nom de Philippines, en 1 honneur
du Prince d’Efpagne , qui fut depuis
Philippes II.
1 541*
Le fixiéme de May de cette annee Japon.
S. François Xavier arriva a Goa, 6c
dans le même tems on découvrit le
Japon , dont il devoitêtre le premier
Apôtre. Cette découverte fut faite
dans la même année par deux en¬
droits differens. Fernand Mendès
Pinto , Diego Zeimotto , 6c Chrifto-
phe Borello , d’une part ; Antoine
Mota , François Zimotto , 6c Antoi¬
ne Pexota de l’autre, tous Portugais ,
arrivèrent à l’infçù les uns des autres -,
les premiers, venant de Macao, à Fille
deTanuxima, d’où Pinto pénétra juf-
ques dans le Royaume de Bungo. Les
féconds étant partis de Fille Macaçar,
furent jettés par la tempête dans le
Port de Cangoxima , au Royaume de
Saxuma. Aucun d’eux n’a marqué ni
le jour, ni le mois de leur avanture.
Mais par le récit de Pinto on voit
qu’il arriva au Japon au mois de May.
Ces llles font les mêmes, dont parle
Marc Pol de Venife fous le nom de
Zipangri.
Nouvel
le Grena
de.
Para
guay.
Cap
Mendo-
£tao.
Tuai'
man.
Floride
Midffî-
pi.
Potofi.
îilippi-
s.
Santa
_ FASTES CHR.ON
Etabliüement 6c nouvelles décou¬
vertes dans le nouveau Royaume de
Grenade par Fernand Perez de Que-
fada.
La même année Alvare Nugnez
Cabeça deVaca rétablit pour la Fé¬
condé fois la Ville de Buenos Agrès \
remonta le Parana & le Paraguay , &
it quelques etablilTemens dans ces
Provinces.
Dans le même tems Jean Ruys
Cabrillo , Portugais , qui étoit au Fer-
vice de Charle-Quint, fit plufieurs dé¬
couvertes Fur les côtes de la Califor¬
nie. Il arriva jufqu a un Cap , qui eft
par les 44 dégrés de latitude Nord ,
& qu il nomma Mendocino , en l’hon¬
neur de D. Antoine de Mendoça, Vi-
ceroi de la Nouvelle Efpagne. Nos
Cartes Françoifes l’appellent Cap
Mendoce. r
Découverte du Tucuman , par Die¬
go de Rojas , Efpagnol.
t r r54G
Louys de Mofcofo de Alvarado ,
qui avoir Fuccedé à Ferdinand de So-
ro, mort a l’embouchure de la Riviere
rouge dans le Micifiipi , & dont le
corps fut jette dans ce Fleuve , le deF-
cendjuWàlaMer. GarcilalTo de là
v ega , dans fon Hiftoire de la con-
quête de la Floride , donne à ce Fleu¬
ve le nom de Cuc„gM , & les Efpa-
gnols de la Floride le nomment en¬
core aujourd’hui laPalifade.
1 545.
Découverte des mines du Potofi au
mois d’Avril de cette année, par Vil-
aroë! , Efpagnol , qui commença dès
a meme année à y faire travailler.
1 546.
Michel Lopez de Lagafpi , Bif-
cayen ^commença cette annee à Faire
des etablilTemens dans les Philippines .
1 543.
Nuflo de Chavez , EFpagnol , dé-
OLOGIQUES. xxüf
couvre plu heur s Provinces à l’Oueft
de Rio de la Plata & du Paraguay &
fonde l’ancienne Ville de Santa Cruz,
de la Sierra , elle a été depuis placée'
plus au Nord, & eft devenue la Capi¬
tale d un des quatre Gouvernement
particuliers , qui partagent le Para¬
guay., Les trois autres font le Tucu¬
man au Midi, P A jfiompt ion du Para-
??a7- cV °rient 5. & Rio de U Plata au
Midi de ce dernier.-
Crra? de
la Sierra.
I549.
Ce fut en cette année, que l’on
commença des établilfemens dans le
Tucuman , 6c dans les Provinces voi-
fines.
T irc-i-
mon.
* I5 5 2.-
Jean de Villagas , Efpagnol , Gou¬
verneur de la Province de Venezue¬
la pour les V elfers , découvre tout le
Pays , ou Fut depuis bâtie la Nouvelle
Segovie .
n ■ I55-5'
1 remiere tentative pour trouver un
palfage à la Chine par le Nord , par
le Chevalier Hugh Willougby, An-
glois. Ce Chevalier Fut obligé par le
mauvais tems d entrer dans un Port de
la Lapponie, nomm oArz.ena , où il
mouiut dt, fioid avec tout fon équipa¬
ge. On a Fçu par Fes Journaux que se-
tant éle ve julqu’au 7 2 dégrés de latitu¬
de Nord , il avoir vu une Terre , qui
Fe trouve marquée Fous Fon nom dans
quelques Cartes 1 quelques - uns la
nomment Terre de Willops -, mais on
l’a depuis inutilement cherchée a
1 endroit , où elle de voit être fuivant
l’indication : c’étoit à l’Oueft de la
Nouvelle Zemble, qui n’étoit pas en¬
core connue.
Notrvef.
le Ser¬
vie.
Terrar
de tVil-
lops , oa
XVil-
Iougbjr.
. 1 5 5 4*
François de Ybarra , Efpagnol , dé¬
couvre les Mines de Sainte Barbe , de
S. Jean, 6c plufieurs autres dans la
Nouvelle Bifcaye . Il fît enfuite plu-
Mines
de Sainte
Barbe &c
de Saint
Jean.
Nouvel-*
xxiv FASTES CHRONOLOGIQUES.
le b if- fieurs établifiemens dans les Provin- quelles il donna les noms de plusieurs
caye' ces de Tapi a 8c de Cmaloa , qui ap- Rivières de France. Enfin arrivé à une
partiennent , aufii-bien que la Nou- derniere , qu’il appella Port Royal , il
velle Bifcaye , à la Nouvelle Galice. y bâtit un Fort , qu’il nomma Charles-
1 5 55 . fort. C’eft allez près de-là qu’eft au-
François Nicolas Durand de Villegagnon , jourd’hui la Ville de Charles Town
auBrefii. François , Chevalier de Malte , par- dans la Caroline.
tit le 14 de May de cette année du 1564.
Havre de Grâce , pour aller faire un René de Laudonniere , François ,
établilfemenr au Brefil , & le 10 de arriva dans la Floride Françoife , qui
Novembre il arriva à Rio Janeyro , avoit ere abandonnée 1 annee prece-
que les Naturels du Pays nommoient dente par les gens, que Ribaud y avoir
Ganahara. Il y établit une Colonie laifïès» Le 29* de Juin il entra dans la
Françoife, toute compofée de Hugue- Riviere de May , ou il bâtit une For-
nots , mais qui ne fe conferva pas terefle , qu’il nomma la Caroline.
lontems , après que lui-même Peut A .
abandonnée , 8c fut rentré «lans le Michel Lopez de Lagafpi , bâtit
fein de l’Eglife Romaine. dans Pille de Cehu , la première des
1^6. Philippines découverte par Magel-
Waeï. Etienne Barroug , Anglois , cher- Lan , une Ville du meme nom.
gatz- chant un pafiage à la Chine par le *5^7*
ÏÏTemt Nord, découvre le Detroit de Waei- Le 10. Janvier 1567. Alvaro de
,bie. gatz,, entre la partie meridionnale de Mendagna , coufin du Licencie Cajtro,
la Nouvelle Zemble , & le Pays des Gouverneur doPerou , partit du Cal-
Samojedes. Il s’imagina qu’un Gol- lao, ayant pour premier Pilote Her-
phe , qui <eft à l’Eft de ce Detroit, étoit nand de Gallego. Après avoir couru
une Mer libre, & crut avoir trouvé 1800. lieues a lOuell , il decouviit
le palfage, qu’il cherchoit -, mais le par les 7. degrés 30. minutes de lati-
peu de luccès des tentatives fuivantes, tude méridionale une tres-grande II-
a fait voir qu’il fe trompoit. le , il y mouilla dans un Port qu il
1 ^ (p 2., nomma Santa'Ifahella de la Eflrella. Il
* Floride Jean de Ribaud, François , part de y fejourna longtems , & envoya re-
Françoi. j)ieppe avec une commillîon de l’A- connoître plufieurs Ifies voilines de
mirai de Coligni , pour aller faire un differentes grandeui s. lien vit une
établiffement en Floride. Il mouilla entre autres , qui lui parut fort gran-
d’abord à un Cap , qu’il nomma Cap de, 8c dont il ne reconnut que la Co-
François vers les 30. degrés d’éleva- te du Nord. Il nomma celle quil
tion de Pôle. Cetoit le même en- aborda la première , ITfle de Sainte
droit, où Verazani avoit pris terre à Elifaheth , eftimant quelle pouvoir
fon fécond voyage. Le premier jour avoir 95. lieues de longueur , & ap-
de May il entra dans une Riviere , pella l’autre ITp de Guadalcanar. Il
qu’il nomma la Riviere de May , & il donna des noms à plufieurs autres des
y arbora les armes de France. Il vifita Ifies voifines, & toutes ces Ifies enfem-
enfuite la Cote Pefpace de 60. lieues , ble furent nommées les Ifies de Sale -
remontant toujours au Nord , & de- mon . ^ .
couvrit plujfleurs autres Rivières , aul- On peut voir la-delius 1 Hiuoire du
1 Marquis
t?
Cebu.
Ifles d
Salo¬
mon.
. FASTES CHRONOLOGIQUES. xxv
Marquis de Canete Viceroy du Pe- nom d'Angleterre Occidentale. Upté
rou
Maniie.
I57I.
Fondation de Maniie dans Pille de
nies de
Jean Fer¬
nandez.
Détroit
de Fro-
kislicr.
Oueft-
frite.
Fridf-
Und.
Luçon. C’eft aujourd’hui la Capitale
des Philippines.
1574.
Découverte des IJles de Jean Fer¬
nandez. dans la Mer du Sud , ainli ap-
cendit que c’étoit la même Terre , que
les deux Freres Zani , Vénitiens ,
avoient nommé Fridjland.
r • I57^'
François DracK , Angîois , décou- Nouvej,
vre la Nouvelle Albion au Nord de la Ie ai-
Californie. Les Anglois prétendent ^Loit
qu elle forme un même continent d'Anian.
pellées du nom de PEfpagnol , qui les avec le Detroit d 'Tejfo ; mais on croit
découvrit. On n en compte ordinai- allez communément aujourd’hui que
rement que deux: mais les Cartes en . la Nouvelle Albion eft fabuleufe.
marquent deux autres plus au Nord , DracK alfûra auffi à la Reine Eliza-
ous les noms de S . Félix & de S’. Am- beth, qu’il étoit entré cette même an-
/ 1 1 1
broife , & on les comprend quelque
fois fous le même nom d’Ifles de Jean
Fernandez. Les premières font par les
3 4- degrez de latitude Auftrale , par
le travers du Chili. Les Elpagnols
née dans le Detroit d’ Aman, 8c qu’il y
avoir pénétré vingt lieues. On ne con¬
vient pas encore de la fituation de ce
Detroit , dont on parle diverfement.
1 Mais il a bien de l’apparence , s’il
nomment celle , qui eft plus au lar- exifte , qu’il eft à l’Eft d’YelTo , 8c peu
ge , IJle de Fuera , 8c l’autre , IJle de éloigné de ce grand Pays.
Tien a , 8c toutes deux Defaventura -
d.asJ c’eft-fdire Infortunées. Jean de Artur Part , 8c Charles JacKman ,
Laet par oit etre du fentiment que ces Anglois , fuivent , par ordre de la
deux Mes , 8c les deux autres font Reine Elizabeth , fa même route .
les mêmes.
t , . 1 57^«
Le Chevalier Martin de Frobisher
Anglois , découvre entre le Nord du
Groenland , 8c une grande Me , qui
eft au Sud , un Detroit , qui porte Ion
, quipc _
nom. Il en rapporta en Angleterre de
la Mine.
1 577*
Frobisher fit dans un fécond voya¬
ge dans les mêmes Mers , plufieurs
découvertes au-delà de fon Detroit ,
&Tleur impofa les noms s qui font
marqués dans les Cartes.
• , 1 57^
Troifieme voyage de Frobisher. Il
partit d’Angleterre le dernier jour de
Mây avec quinze Vaifteaux. Le 20. de
Juin il
reconnut la Terre d'Oueftfrife ,
1 580.
Nouvel¬
le tenta*
tive des
_ Anglois
qu’avoit tenue vingt-quatre ans aupa-
ravant Eftienne Burroug ; paftent le chLe
Detroit de Vaeigatz , entrent dans la £fr ,lç
Mer à l’Eft de ce Detroit , 8c la trou- °*
vent tellement couverte de glaces ,
qu’après y avoir couru de grands dan¬
gers , ils font contraints de retourner
fur leurs pas , fans avoir rien fait. Le
mauvais tems les écarta enfuite, on
n a point depuis entendu parler de
Part. r
1582,
I.eFrere Auguftin Ruys, Francif- Nou_
quain Efpagnol , ayant fait en 1 580. veau Me.
& 8 1 . plufieurs découvertes au Nord xl<lue*
de la Nouvelle Efpagne , Antoine de
Efpejo , Efpagnol , les continue , dé¬
couvre plus de quinze Provinces , 8c
q . I .SJ • * v p — ■ •* * ■* * — ‘ a x. V_/ y X 2 X V W ^
C -en prit pofleftîon au nom de la Rei- donne à tout ce grand Pays le nom de
ne Elizabeth , après lui avoir donné Nouveau Mexique.
d
Terre-
Neuve.
Anglois
en Flori¬
de.
Virgi¬
nie.
Cap de
Défola-
tion.
xxvj
FASTES CHR
1585.
Gilbert Humphrey , Chevalier An-
elois , fait voiles vers l’Ifle de Terre-
O ,
Weuve à l’inftmation du Secrétaire
d’Etat Walfingham ; en prend poflef-
fion au nom de la Reine Elizabeth ,
8c y établit la pêche des Morues , dont
l’Angleterre a tiré plus de profit , que
fi cette Ifle avoit été remplie de mi¬
nes d’or. D’ailleurs on ne perd point
d’hommes en faifant ce commerce ,
8c rien n’eft plus capable de former
de bons Matelots.
Richard Grainville , Anglois , fait
par ordre delà Reine Elizabeth un
établiflement en Floride , un peu au-
deflous de A. Juan de P inos* Il n’a pas
duré longtems.
ONOLOGIQUES.
efiuya bien des tourmentes , 8c courut
de grands dangers. Il le nomma Cap
de Defolation ,
M8 7-
II découvre un Détroit , auquel il
donne fon nom , 8c qui le porte enco¬
re aujourd’hui.
1589.
Dom Pedro de Sarmiento , Efpa-
gnol , envoyé par Dom François de
Tolede , Viceroy du Pérou, contre
François DracK , quidefoloit toute la
Mer du Sud , découvre toute la Côte
depuis les 49. degrés de latitude Auf-
trale jufqu’au Détroit de Magellan ,
qu’il pafla. Il prit par tout polfelfion
du Pays pour la Couronne de Caf-
tille.
1 584. 1585.
Philippes Amidas 8c Arthur Bar-
low , Anglois , envoyés par le Che¬
valier Walter Raleig , partirent au
mois de Mars 1584, 8c prirent terre
à l’Ifle de Roënoque . A leur retour en
Angleterre , ils dirent tant de biens
de ce Pays-là , que la Reine Eliza¬
beth lui donna le nom de Virginie ,
pour immortalifer la mémoire de fon
célibat. L’année fuivante on fit un
établiflement dans l’Ifle de Roëno-
que , mais il n’a pas duré , le Pays ne
s’étant pas trouve auifi bon, qu’on l’a-
voit cru d’abord. Et le nom de Virgi¬
nie ne luieftpas demeuré j car l’Ifle
de Roënoque eft du Gouvernement
de la Caroline Septentrionnale.
Cette même année 1585. Jean Da¬
vis , Anglois , eut ordre de la Reine
Elizabeth de continuer les Découver¬
tes du Chevalier Martin Frobisher •>
ce qu’il fit avec fuccès cette année 8c
les îuivantes.
L586..
Après plufieurs découvertes de ce
qu’on appelioit alors la Mer d ’Ejloti-
land , il avança jufqu a un Cap , où il
1590.
La plupart des Auteurs Anglois
placent en cette année la découverte
du Détroit de Davids. Ce Détroit eft
fitué entre le Groenland, & une Ifle ,
que Davis nomme Cumberland..
1 5 91*
On prétend qu’en cette année un
Danois , nommé Frédéric Anfchild,
hyverna dans la Baye d’Hudfon , y fit
un grand commerce de Pelletries , 8c
retourna en Dannemarc richement
chargé , mais fans avoir fait aucun
établiflement.
1 5 93 •
Le Chevalier Richard Piawidns ,
Anglois , ayant entrepris de faire le
tour du monde , découvrit au Sud-
Oueft du Détroit de Magellan , par
les 48. degrés de latitude Meridion-
nale , une grande Terre , qui seten-
doit d’un côté au-delà du Détroit de
le Maire , 8c de l’autre jufques vis-à-
vis le Cap de Bonne -Elperance. Il
reconnut aufli , ajoute-t-on , que les
Terres, qui font au Sud du Détroit de
Magellan, ne font qu’un amas d’If-
les,,
Détroit
de Davis.
Déçoit
vertes
vers le
Détroit
de Ma¬
gellan.
Détroit
de Da¬
vids.
Cum¬
berland»
Baye-
d’Hud¬
fon.
Terres
Aultra-
les.
fastes CHRONOLOGIQUES. xxvii
. t , i594* -le 16. d’Août au Nord d’une Ifle
reprifnel^aUT^Na*Uay|nt qU’lls aPPellerent ^ Ba-
rn a P î 1 j j " abandonlle P11' les rentsz les rejoignit en cet endroit
mJL. ^ngl“s > de découvrir un chemin à s’étant élevé juffu’aux 7 8. degrez, &
la Chine par le Nord , y deftina trois ayant reconnu la plus grandi paît^
Vaillèaux lous le commandement de des côtes de la Nouvell? Zemble Les
. Coinens Cornehsznay quimontoit glaces l’avoiept empêché d’aller plus
Lféfv'V Veereen ^lande : le loln s & il cherchent un paffageLu
econd \ aideau nomme le Mercure Sud. Cotnelis lui dit qu’il crovoit l’a-
dEnchufe , «oit commandé par voir trouvé par le Déuoit de Naffiiu
Brandt-Y sbrandtz , ou Tergales ; & Au Nord deT’Ifle Maurice il y en a
dam°tou “■ EOt d 'ri61'' * & % nommée IVjle d’O-
dam , avoir pour Capitaine Guillau- range. Ces Ifles font vers les L de-
meBarentsz de Ter Schellings , Bout- grél jo. minutes. La Terre , ouitft
O Ois d Amfterdam. Jean Huighen au-delà du Golphe , plus à l’Eft fut
Mercu,f|h T6" etolt Commis fur le appellée Nouille Frife Occidentale.
îcuie , N nous a donne le Journal L’Ifle de Vaeigatz , fut appellée VI (le
de ce voyage. Ils partirent du Texel cTEncbufe , & tout le Pays oui eft au
le cinquième de Juin. Le 24. ils re- Midi du Détroit de Æ E
mouillèrent 'plledi “T ’ A' A FleUiVe °hj ' U N°'müe Le
mouillèrent. Elle eft par les 6c,. de- 1 5. de Septembre , ils mouillèrent au
grès 40. minutes à peu près de latitu. Texel. moumerent au
de-Nord. Ils y établirent leur rendez- i s 9 c .
SamferretOUr’ & le Bot d'A“- Alyaro de Mendana part le n.
îé de h Novell P7Ut u,”11” d“ d'AvrU du Callao P°ur aIler a“ Mes
déjà connue V dn T* V SU1 de Salomon avec 4. VailTeaux, ayant
} , ‘ & dont quelques Geo- pour premier Pilote Pierre Fernand
graphes attribuent mal à propos la dé- de Quiros. Après avoir fait plus de
BâWn^LeTflèTirrd “ IIOO’lleuesa l’Oueft , ils délouvri-
v ‘i, S Le 1 1 . de Juillet les deux rent par la latitude de 1 o. dégrés plu-
VailTeaux appelèrent une Terre , (leurs Ifles peu confiderables , qu'ils
8™ ’ Ulvanpeur eftime , devoir être nommèrent les Mar quifes de Meldoçax
Ifle , ou la Terre de Waetgata. , & le continuant leur route à l’Oueft %
z z. une ouverture , qu ils crurent être rencontrèrent encore quelques petites
JemC ™‘£^nom. Rentre- Ifles, & enfin le 7. Se^XeT^n
JValfau II v r n°mmei jnt DetT\ de Couvrirent une grande , où ils abor-
cerfpar j/s ^UUieidt de §rancis da.I:J- derent dans une Baye, & ils la nomme-
g Pal les glaces. Au fortir de-la ils rent la Gracieufe. Dans le fejour qu’ils
entrèrent dans la Mer de Tartane , firent dans cette Ifle , ils en palcou"
terentZs ™netflèbd r “ f™' rm'ent les Côtes’ Elle le“r P« « avoir
Al 'ire .“SLÎ'Ôhy'.’pî, Ti;:
kDé’tr^deNsr ’ *ï aLan”,ePa® Expédition & découverte du Che-
le Detroit de Naffau , ils mouillèrent valier Walter Raleig dans la Guyane.
d ij
Marqué
fes de
Mendo-
ça , la
Gracieu¬
fe , Ifles
de Sain¬
te Croix.
Guyane*
xxviij FASTES CHRONOLOGIQUES*
Les trois Officiers nommés dans, baldde Wert au fortir du Détroit, dé-
l’article de l’année précédente , par- couvrit le 24. Février , trois Ides , qui
tirent du Texel le 2. de Juillet avec portent Ton nom. Il s’eftimoit par les
fept Navires, pour continuer leurs 50. dégrés 50. minutes de latitude-
découvertes, mais ils trouvèrent beau- Sud. Quelques Auteurs mettent cette
coup plus de glaces, & retournèrent découverte en 1600.
Spitx-
fcerg.
en Hollande avec moins d’efperance
de trouver ce qu’ils cherchoient.
1 5 96.
Guillaume Barentsz entreprend de
s’étant
Le Marquis de la Roche , Breton ,
fait donner par Henry IV.
Roy de France , la commiffion de
continuer les découvertes commen-
Ifb de
Sable ,
Acadie.
palfer à la Chine par le Nord de la cées paq Jacques Cartier , découvrit
Nouvelle Zemble : mais après avoir cette même année l'Ip de Sable , &
découvert A Spitzberg , qu’il crut être une partie des Côtes de l'Acadie. O11
une Ifle , & que les Anglois regardent prétend que Gilbert Humphrey, dont
comme une partie du Groenland , il ) ai déjà parle , avoit perdu ti ois Na-
perdit fon Navire dans les glaces , &
hyverna dans la Nouvelle Zemble. Il
voulut enfuite gagner Cola en Lappo-
nie, 3c il mourut en chemin, toujours
perfuadé qu a 20. lieues au Nord de la
Nouvelle Zemble il n’y a plus de gla¬
ces , ni rien, qui empêche de pénétrer
jufqu’à la Chine. En effet , h ce que
dit l’Auteur d’une relation du nau-
d’un Vaiffeau Hollandois
frage
ar-
vires à Fille de Sable en 1 5 8 1 .
1 599*
Dom Jean de Onnate fait de gran¬
des conquêtes dans le Nouveau Mexi¬
que j bâtit la Ville de S. Jean , 3>c dé¬
couvre beaucoup de mines.
1 60 2.
Les Etats Généraux réunifient en
une toutes les Compagnies particu¬
lières du Commerce , 3c en forment
ÎMotr»
veau Me¬
xique, S.
Jean.
Compa¬
gnie des
Indes eo
Hollan¬
de. *
rivé en -165 3. fur l’Ifle de Quelpaerts, la fameufe Compagnie des Indes
eft vrai j à fçavoir , qu’on a vu dans Orientales,
la Mer de Corée des Baleines, qui 1604.
avoient dans le corps des harpons de Pierre de Guaft , Sieur de Monts , Acadie,
Gafcogne , dont on fe fert dans la pê- 3c Samuel de Champlain , François ,
che fur les côtes du Groenland , on ne achèvent la découverte de l'Acadie y
peut douter que Barentsz n’ait con- commencée par le Marquis de la Rq-
jeéturé jufte.
1598.
ïfle de
Seb; Id
AeWcti.
Jacques Mahu , Simon de Corde ,
Sebald de Wert, 3c quelques autres
che , puis découvrent la Côte Meri-
dionnale du Canada , qui eft feparée
de l’Acadie par la Baye Françoffe . Ils
firent la même année un établiffement
à l'IJle de Sainte Croix. L’hyver fuivant
Hollandois ayant voulu tenter le paf- Champlain pouffa cette découverte
fage du Détroit de Magellan , furent jufqu’au-delà de Pentogoet .
obligés par les vents contraires de re¬
tourner fur leurs pas , fans avoir pu
gagner la Mer du Sud , excepté le
Vaiffeau, oùétoit Guillaume Adams ,
Anglois , en qualité de premier Pilo¬
te de l’Efcadre , lequel alla échouer
fur la Côte Orientale du Japon» Se-
16 05
Les mêmes, continuant leurs decou¬
vertes , reconnoiffent le Quinibequi f
ou Canibequi , Riviere des Canibas ,
Nation Abenaquife , puis le Cap
Malebare , vis à vis du Cap , que les
François appellent Cap Blanc , 3c les
Cap Ma¬
lebare ,
Cap
Codd.
7
- . "mr V»’
VirgU
nie-
Les Hol-
lnndois
s’établif-
fent dans
les Indes.
Terre de
Quir.,
FASTES CHRONOLOGIQUES, xxix
Angîois Cap Cood , auprès duquel a Continent, qu’il nomma Terre Au-
été depuis bâtie la Ville de Bojîon , ftrale du S. E/prit. Il y mouilla dans
que les François prononcent Bafion , plufieurs Ports, aufquels il donna des
aujourd’hui Capitale de la Nouvelle noms. C’eft ce qu’on nomme commu-
Angleterre. Champlain planta une nément Terre de Qiùr.
Croix au Cap Malebare, & en prit II eft aifé de connoître que ces Ter-
polTelIîon au nom du Roy Ton Mai- res font au Sud de l’extremité Orien-
tte* taie de la Nouvelle Guinée , Ôc for-
1 . . ment les Côtes de l’Eft de la Terre de
Jean Smitz , Anglois , découvre la Carpenterie .
Baye de Cbefapeal » , ôc la Riviere de 160S.
Pojvatan , qui s’y décharge. Il bâtit Le troiliéme de Juillet de cette an-
Iul la Riviere un Fort , qui eft deve- nee Samuel de Champlain fonda la
nu une Ville , nommée Jameftorvn , Ville de Quebec , Capitale de la Non-
aujourd’hui Capitale de la Virginie, velle Fratice , fur la Rive Septentrion-
11 donna aufïi â la Riviere le nom de nale du Fleuve S. Laurent, à fix-vinm
James en l’honneur de Jacques I. Roy lieues de la Mer , entre une petite Ri¬
de la Grande Bretagne mais fon viere, qui porte le nom de S. Charles,
premier nom eft plus en ufage.
Cette même année les Hollandais
chafferent les Portugais de l’Ifle d’Am-
boy ne , une des grandes Moluques
& un gros Cap , qu’on appelle le Cap
aux Diamants , parce qu’on y trouvoir
alors quantité de diamans allez fem-
blables à ceux d’Alençon. Les- Sauva-
® w w ** '*• v 1 z iienvoiii l , e j vJ
ôc y firent leur premier établiffement ges donnoient â cet endroit le
nom
de Quebeio ou Quelibec , qui dans les
Langues Algonquine ôc Abenaquife
lignifie Retreeiffement , parce que le
Fleuve s y rétrécit , jufqu’â. n’avoir
plus qu’un mille de large , au lieir
dans les Indes Orientales
1 6o6 .
Le Capitaine Dom Pierre Fernand
de Quiros, Efpagnol , partit du Cal-
la° le ai. Décembre 1605. pour dé- f _ ^ _ _ _ , rtU 11CU
couvrir les Terres Auftrales avec deux qu’immédiatement au-defïbus de /’//C
VaifTeaux. Il fit route à l’Oueft Sud- le d’Oreans , c’eft-â-dire , à dix lieues
Ouefl , ôc Iç 26. Janvier 1606. fe fai- au-deffous , il a encore quatre ou cinq
fant â 1000. lieues des Côtes du Pe-
rou par la latitude Méridionnale de
2 5 . dégrés, il apperçut une Ifle d’en¬
viron 4. lieues de tour. Il continua de
voir plufieurs Ifles ôc des Terres affez
étendues pendant l’efpace d’environ
400. lieues, &jufquespar les 10
lieues.
1 6057,
Henri Hudfon , Anglois , après
avoir parcouru les Côtes de la Virgi¬
nie ôc de la Nouvelle Angleterre ,
trouve que le Cap Codd étoit â vingt'
. ' - , x L ' - lieues plus a 1 Ouefl , qu’on ne l’avoit
1 1 . degrés de latitude, mais détachées cru. Il découvrit enfuite par les 40..
Ôc éloignées les unes des autres : ainfî dégrés de latitude Nord une mande
mal à propos quelques Géographes Baye, dans laquelle fe décharge une
ont-ils marqué en cet endroit une grande Riviere , qu’il appella Man-
continuité de Côtes d’environ 800. batte , du nom des Sauvages , qu’il y
lieues. . trouva. Ce Capitaine étoit au fervice*
Il dirigea enfuite fa route â l’Oueft:, des Hollandois , qui ont été pendant
& le 2 5 . Avril il découvrit un grand quelque tems en poflèflion de ce Pays,
Qu e bec.
Nonvet-
le York.
Baye £c
■Détroit
d’Hu-
dfoii.
Tro-
quois ,
lac-
Cbam-
plain.
Rivière
du Nord.
Baye de
Butcon.
xxx FASTES CHR
qu’ils appellerait Nouvelle Belgique
Ce furent eux , qui bâtirent la Ville
de Manhatte 6c le Fort à' Orange lut la
même Riviere. Ce Pays porte aujour¬
d’hui le nom de Nouvelle York 5 & ap¬
partient aux Anglois , qui donnent
aulïi le même nom à la Ville de Man-
hatte.
On lit dans quelques Mémoires ,
qu’en 1609. un Navire parti d’Aca-
pulco, Port du Mexique fur la Mer du
Sud , fut furpris d’une violente tem-
Eête, qui lui ht perdre fa route : qu’au
outde deux mois il fe trouva à Du¬
blin en Irlande , d’ou s’étant rendu à
Lisbonne , le Roy d’Efpagne ht jetter
au feu tous les Journaux des Pilotes ,
afin doter aux Etrangers la connoif-
fance de la route , qu’avoit tenue ce
Bâtiment, qu’on fuppofe être venu,
par le Nord du Canada.
Enfin la même année Henri Hu-
dfon, 6c Guillaume BafHngs, Anglois,
pénétrèrent fort loin vers le Nord-
Oueft au-deftus du Canada , oh l’an¬
née fuivante ils découvrirent , à
ce que prétendent les Anglois , les
Pays , qui portent encore leur nom j
mais il eft certain qu’ils n’y firent au¬
cun établifïement ; que Nelfon , Pi¬
lote de Hudfon , n’a poiot pris alors
pofîeflion de ce que les Anglois ap¬
pellent le Port Nelfon à la Côte Occi¬
dentale de la Baye fî Hudfon.
1611.
Samuel de Champlain pénétre
dans le Pays des Iroquois , 6c décou¬
vre fur fa route un grand Lac , qui
porte encore aujourd’hui fon nom.
Dom Jean de Onnate , Efpagnol ,
découvre la Riviere du Nord , que
quelques-uns appellent Rio Colorado ,
6c le Lac des Conibas , au-deffus du
Nouveau Mexique.
Dans le même tems Thomas But-
ton , Anglois , découvrit au Nord du
O N O L O G I Q U E S.
Canada un grand Pays , qu’il appella
New Wales , Nouveau Pays de Gal¬
les , il parcourut enfuite toute la
Baye , qui porte fon nom , puis l’ifle
de Diggs , 6c enfin un autre Pays très-
vafte , qu’il nomma Carys Swans
Nef.
l6ll.
Jacques Hall , Anglois , découvre
le Détroit de Cockin au Nord du Ca¬
nada , par les 6 5 . dégrés de latitude.
161 3.
Des Anglois découvrent au Nord
du Groenland une Ifle , qu’ils appel¬
lent Pljle d’ Efperance. Quelques-uns
ont cru que c’étoit la même que Wil-
lougby avoit découverte en 1553.
mais cela ne paroît pas vrai.
1 61 3.
Samuel de Champlain entre dans
le Pays des Hurons en Canada , 6c
employé Phyver à le parcourir.
C’eft en cette même année que les
Hollandois commencèrent à s établir
fur la Riviere de Manhatte , 6c don¬
nèrent à ce Pays-là le nom de Nouvel¬
le Belgique .
Le quatorzième de Juin Guillaume
Schouten , 6c Jacques ou Jacob le
Maire , Hollandois, partirent duTe-
xel pour chercher un nouveau pafïa-
ga à la Mer du Sud , 6c le troifiéme de
Novembre ils découvrirent l’ifle de
P Afcerfion . Schouten dit dans fon
Journal que cette Ifle eft une de celles
de Martin Vues , dont je n’ai pu fça-
voir ni en quel tems , ni par qui elles
ont été découvertes.
1 61 6.
Le 2 5 . de Janvier Schouten 6c le
Maire fe trouvèrent a l’entrée d’un
Détroit au Sud de celui de Magellan.
Des deux Terres, qui bordent cette
entrée, ils nommèrent celle, qui étoit
à leur gauche , à l’Eft-Sud-Eft , Terre
des Etats ; 6c celle qu’ils avoient à leur,
Détroit
de Coc-
kin.
Ifle d’Ef-
peiance.
Hurons,
Nouvel¬
le Belgi¬
que.
Ifle de
l’Afcen-
fion.
Détroit
dele
Maire.
1
rfle
,’Edger.
Ifle de
riches.
ources
Nil.
[ouvel-
|Hol-
de.
F A S T E S CFîROEJOLOGTOTTpc
* aLV- u II °Ueft ' Tem\ de ™Mrke res de Ianz Ta^e“ > de Diamant Tl
deNaffau. Ils penetrerentlemêm<5 jour Nouvelle Zeknd- /, r é. -
dans le Détroit. Le z9. ils découvri- & la Nouvel e Gui^l C"tentm* *
rent plulîeurs petites Mes, qu’ils ap- Terre de la Nn II
pellerent IJles de Barneveld, en l’hon- aubnaDDemir fuvelle ^°ilande *
neur de Jean Van Orden Barneveld , Concordé 5 3ppe ke Te‘Te de
Conleiller Penhonnaire de Hollande, T ^ n
& d Ouelt-Friie. Le même jour ils ap¬
pel çiuenr un Cap , que Schouren ap- Jean Munie , Danois , ayant entre-
pelle Cap de Horn , du nom de fa Pa- Pns de c‘ierc^er un palTage à la Chi-
trie. Le il. de Février ils fe trouve- ne auMelIiisdu Canada par leNord-
rent hors du Detroit , qu’ils appelle- pae^ 5 ^ut la route de Frobisher, s’é-
rent Détroit de le Maire , pareeque ieva ju^lu aux 64. degrés Nord , où il
Ilaac le Maire , pere de Jacob- , étoit fut ari'«é pur les glaces. Il hyverna
le principal interelîe dans l’arme dans une anfe , OU fp rlppl','orm=> ~
mpnr C „ _ _ _ 1 _ . .
Nbi&
veau.
Danne-
marefc,,
Mer
Chriftiai-
ne.
a - ««...J j. tri r i r 1^-
ment. En retournant par les Molu-
ques en Europe , ils découvrirent plu-
heurs Mes, la plupart habitées, 8c
toute la Côte Septentrionnale de la
Nouvelle Guinée. A leur arrivée en
Hollande , après avoir fait le tour du
Monde , ils trouvèrent qu’ils comp¬
ilent un jour de moins qu’il ne fai-
loit , car félon leur compte ils fe
cioyoientau Lundy , 8c ils étoient au
Mardy.
Cette même année Thomas Ed-
| ^ v vu m .JL A L X J \ ^ F J. I
dans une anfe , où le décharge une
Riviere, à laquelle il donna fon nom..
Il appella enfuite cette Mer , la Mer
Chrtftiane , & tout le Pays, qu’il dé¬
couvrit , le Nouveau Danemark -
Terre d’Edels , découverte dans la
Nouvelle Hollande , elle porte appa¬
remment le nom de celui, qui la dé¬
couvrit.
1 Cio.
Le P. Jerome de Angelis , Jefuite
Sicilien , entre dans le Pays d’r jfc,
que ce Pays croit un Continent.
Ann-p ti7p u ' I7’ mi, , fondation de parlesHoî-
Autre Me decouverte au Nord du landois dans l’Me de Tivi fi,r ]L
Groenland par un Gentilhomme An- ru, nés de l'ancienne VMe de iai
glms, nommé Wiches, qui lui donna tra. de jaca-
aulhlonnom. a 1 • ■ , ^
Des Anglois partis du Port de Pley-
T p n n- il 61 b* .. mouth, au mois de Septembre de cer-
Portons Tant J°“ te mème ann& ’ fondent le Nou^u
tu&ais , étant a le au Royaume de Pleymoutb , qui fut la première Ville
Gojam a la fuite de l’Empereur des de là Nouvelle AngleK
Abyffins , y découvrit les fources du 1 T
Nil* 1 1 #
On Jar. a , Le P. de Angelis étant retourné à
découverte6 de f' aTT 1,1 MatfumV ’ «>* dans « fécond vova-
près des xLe/
Terre
d’Edels.
Yelfôa
*
Batavia*
Non.
veau-
Pley-
moutb»
Yeiîo»
xxx ij
Baye de
Baffiugs.
Terre
de l.e-
wins.
Source
du Gan¬
ge. Thi-
bec.
Caycn-
üe.
S. Chri
ftophe.
Terre de
Nuits.
Nouvel¬
les dé-
couver-
FASTES C H RO
1622.
Guillaume Baffings , félon la plus
commune opinion , ne découvrit
qu’en cette année , de non pas en
1617, comme l’ont crû quelques-
uns , la Baye qui porte fon nom , de
qui eft au Nord du Détroit de Davids.
Découverte de la Terre de Lcrvins
dans la Nouvelle Hollande.
162.4.
Le P. Antoine de Andrada , Jefui-
te Portugais , découvre la fource du
Gange , &enfuite leThibet. MarcPol
de Venife a parlé de deux Thibets ,
qui fe touchent , mais on ne fçavoit
pas où ils étoient fitués. C’eft le grand
Thibet, que le P. de Andrada décou¬
vrit.
1625.
Premier établilfement des Fran¬
çois dans Hile de Cayenne . Ils en ont
été plaideurs fois châties par les Hol-
landois , mais depuis l’an 1 677. que
le Comte d’Etrées la reprit , elle leur
eft demeurée , avec tout le Continent
de la Guyane proprement dite.
Cette même année des François de
des Anglois abordèrent à l’Ifle de S,
Chriftopbe , le même jour en differens
quartiers , fans avoir connoitfance les
•uns des autres , de s’y établirent. Ils en
furent châtiés peu de tems après par
les Efpagnols j mais ils y retournè¬
rent bientôt. Les François commen¬
cèrent aufli alors un etabliflement a
l’Ifle de 5. Euftacbe , de peu de tems
après d’autres dans les Ifles voiflnes.
\6z 7.
Pierre de Nuits, Hollandois , dé¬
couvre entre la Nouvelle Hollande
& la Nouvelle Guinée une Terre, qui
porte fon nom. Tous ces Pays font
encore très-peu connus.
16$ 1.
Le Capitaine James , Anglois , dé¬
couvre plufieurs Terres au Nprd de
NOLOGIQUES.
la Baye d’Hudfon . Il appella tout ce
qui eft à l’entrée de la Baye Ntw canada.
Souts Wales. Il reconnut enfuite le
Cap Henriette Ai une , l’Ifle de Mi¬
lord Wejlon , l’Ifle du Comte de Bnflol ,
l’Ifle du Chevalier Thomas Ro'é , l’Ifle du
Comte de Danbj , l’Ifle de Charleton .
Cette dernier e eft à la hauteur de 5 2.
désrés Nord.
O
1633,
Cecile Calvert , Anglois Catholi-
que, Lord Baltemore, ayant obtenu du an '
Roy de la Grande Bretagne , Charles
I. la propriété d’un grand Pays, qui
eft auNord de la Baye de ChefapeaK,
entre la Virginie de la Caroline , y
envoya fon Fils , qui y commença en
.cette année un établilfement. Ce Pays
fut nommé Mariland , en l’honneur
de Marie de France , Reine d’Angle¬
terre.
1637. 38. 39.
Deux Freres Francifquains , nom- Rivière
niés Dominique de Britto de André
de Tolede , étant partis de Quito , de
s’étant embarqués fur une Riviere ,
qui en eft fort proche, felaiflerent dé¬
river au gré du courant , de entrèrent
par-là dans le Fleuve des Amazones ,
qu’ils defeendirent jufqu’à la Mer. Sur
leur rapport, qui ne donna point de
grandes lumières, D. Pedro de Te-
xeyra partit de Para, Province du
Brefll , le 2 5 . de Décembre de la mê¬
me année , pour remonter ce Fleuve ,
dont il prit une plus grande connoif-
fance.
Les Efpagnols voulant encore mieux
connoître le cours de cette grande
Riviere, le Gouverneur de Quito en¬
gagea les PP. Chriftophe d’Acuna,
de André d’Artieda , Jefuites , à
accompagner D. Pedro Texeyra a
fon retour à Para. Ces deux Million¬
naires , après avoir exactement obfer-
vé tout le Pays, qu’arrofent le Fleuve,
de
fastes chron
& les Rivières , qui s’y déchargent,
en allèrent rendre compte au Roy Ca¬
tholique. Nous avons le Journal de ce
voyage par le P. d’Acuna , traduit en
François par M. de Gomberville de
l’Academie Françoife. J’ai déjà obfer-
vé que le P. d’Acuna s ’étoit trompé en
marquant dans fa Carte une Riviere ,
ou plûtôt un bras , qui fort de ce Fleu¬
ve tous le nom de Maragnon , 8c qui
fe décharge dans la Baye de Mara-
gnaon au Brefil.
On avoir été jufqu’ici dans une er¬
reur touchant la fource de ce grand
Fleuve , qu’on croyoit être auprès de
Quito , mais on avoir pris une Rivie¬
re , qui s’y décharge , pour fa fource.
Le P. Samuel Fritz, Jeluite Allemand,
la découvrit en 1707. au Pérou , dans
un Lac , appellé Laurichoca , alfez
près de la Ville de Guanuco , par les
onze dégrés de latitude Auftrale. Sui¬
vant ce Millionnaire , le vrai nom de
ce Fleuve , dont il nous a donné une
O L O G,r Q U E s, xxxiij
tems iis fe brouillèrent, mais en 1 65 5 .
Jean Rihng, qui en étoit Gouver-
neui pour les Suédois , fit à Pierre
Stuyveland , Gouverneur pour les
Provinces-Unies, un tranfportde tous
fes droits.
tres-belle Carte , qu’011 trouve dans
le douzième Recueil des Lettres édi¬
fiantes & curieufes , eft Maragnon. Au
fortir de fa fource elle coule au Nord
environ cent lieues , puis tourne à
1 Hft , 8c fe décharge dans la Mer du
Nord par 84. embouchures , qui font
une laigeur de 84. lieues. Il ajoute
qu’il conferve fes eaux douces plus de
trente lieues dans la Mer.
Nouvel. Fondation de la Nouvelle Suède 8c
suf.ie. Je ja Yine de Criftina , entre la Virgi¬
nie & la Nouvelle Yorit , alors nom¬
mée la Nouvelle Belgique , 8c oc¬
cupée par les Hollandois. Ceux-ci
avoient même des établilTemens dans
la Nouvelle Suède , lorfque les Sué¬
dois y arrivèrent , 8c ces deux Nations
y vécurent d abord allez tranquille¬
ment. Les Hollandois sattachoientau
Commerce , 8c les Suédois à la cul¬
ture des terres. Au bout de quelque
1641.
Découverte des Terres de Die-
meus 8c de Tazjnann par Abel Taz-
mann , Hollandois. On prétend que
la Côte Septentrionnale de la pre¬
mière avoit déjà été découverte par
un autre Hollandois, nommé Ze-
chaen.
Cette même année les François al¬
lèrent a 1 Ifle ACadagafcar , 8c y firent
un établilïèment. Ils donnèrent à cet¬
te Me le nom d’IJle Dauphine , mais
ils l’ont abandonnée au bout de quel¬
ques années.
1643.
Palfage de Brouwer , à PEU; du Dé¬
troit de le Maire , entre la Terre des
Etats , 8c une autre grande Terre. Ce
palfage porte le nom de celui , qui l’a
découvert. On l’appelle fimplement
Patfagc i parce qu on ne fçait pas en¬
core bien , fi c’eft: un nouveau Dé¬
troit , ou s il ne rentre pas dans celui
de le Maire.
La meme an 11e e Martin Heritfzoon
de Uriez Hollandois , montant le
Caflricoom , Vailfeau de la Compa¬
gnie Hollandoife des Indes, entreprit
de reconnoitre le Pays à'TeJfo. S’étant
eleve au-delïus du Japon julques vers
les 45 . dégrés de latitude Nord , il dé¬
couvrit deux Terres féparées par un
Detroit de 1 4. lieues de large, auquel
il donna fon nom, 8c que l’on appelle
encore Détroit d'Uriez. Des deux Ter¬
res, qui le bordent, l’une fut nommée
IJles des Etats , 8c l’autre Terre de U
Compagnie .
1656,
Le fieur Bourdon , Habitant de la
Terre de
Diemcnr
Sc de
Taz-
mann.
Mada»
gafear.
Paffage
de Brou¬
wer.
Yefla ,
Ifles des
Etats ,
Terre de
îa Com¬
pagnie ,
Détroit
d’Uriez.
Bap:
d’Hud¬
fon.
Caroli¬
ne,
Baye
d’Hud-
foQ,
Rîvrere
Danoife..
Baye
d’Hud-
ion.
xxxiv FASTES CHR
Nouvelle France, envoyé par le Gou¬
verneur General dans le Nord, entra
dans la Baye d’Hudfon , où perfonne,
que l’on fçache , n’avoit encore péné¬
tré , Sc en prit polTeflion au nom du
Roy Très-Chrétien.
1 660.
Charles IL Roy de la Grande Bre¬
tagne, concède au Duc d’Albemarle,
Georges MoncK Sc à cinq autres Sei¬
gneurs Anglois cette partie de la Flo¬
ride , qui s’étend depuis la Virginie ,
jufqu’à ce qu’on appelle aujourd’hui
la Nouvelle Géorgie. Ils partagèrent
entr’eux tout ce Pays , Se. lui donnè¬
rent le nom. de Caroline .
l66?-
Zacharie Ghillam , Anglois , s’e-
tant élevé dans la Baye de Baffings
jufqu’à la hauteur de 7 5 . degrés, del-
cenditenfuite jufques dans le fond de
celle d’Hudlon , entra dans une Ri¬
vière, qui s’y décharge venant du Ca¬
nada , Sc qu’il nomma Riviere de Ru¬
pert. Peu d’années auparavant quel¬
ques Anglois avoient remonté cette
Riviere jufqu’au Lac Nemifeau,
1 66 8..
Deux Navires Danois tentent un
établifTement au Nord de la Baye
d’Hudfon , & découvrent une Rivie¬
re , qu’ils nomment Riviere \Danoife*
Son embouchure eft par les 59. de¬
grés Nord. Ils l’abandonnèrent l’an¬
née fuivante..
1671.
Le P. Charles Albanel , Jefuite
François , Sc le Sieur Denys de S. Si¬
mon , Gentilhomme Canadien , en¬
voyés par le Gouverneur Général de
la Nouvelle France dans le Nord du
Canada , pénétrent dans la Baye
d’Hudfon par un chemin , qui n’avoit
point encore été pratiqué , Sc en pren¬
nent pofTeffion au nom du Roy Très-
Chrétien,
ONO LOGIQUES,
167^
Le P. Pierre Marquette , Jefuite
François , Sc le Sieur Joliet , Habi¬
tant de la Nouvelle France , décou¬
vrent le Mïcijfipi. Ils y entrèrent par
la Riviere Ouifconfing , qui s’y déchar¬
ge , venant du Canada , Sc le dépen¬
dirent jufqu’aux Akanfas.
1674,
Les PP. Griller Sc Bechamel , Je-
fuites François, pénétrent dans l’in¬
térieur de la Guyane , à l’Oueft de 1 Ifi
le Cayenne , où aucun Européen n’e-
toit encore allé , Sc y font pluEeurs
découvertes.
1 675-'
Vers ce rems-là le P. Cyprien B ara-
ze , Jeluite Efpagnol , entra dans le
Pays des Moxes , fitué entre les dix Sc
quinze dé grés de latitude Auftrale ,
dans l’intérieur du Pérou. Un Frere
Jefuite , nommé del Caftiilo , y avoir
fait une courfe avant ce Millionnaire.
On alfura au P. Baraze , qu’à l’Orient
des Afoxes il y avoit un Pays habite
par des femmes belliqueufes. Il entra
enfuite dans le Pays des Baures , qui
confine à celui des Moxes , Sc il y fut
martyrifé en 1682. après avoir établi
un très- grand nombre de Millions
dans ces vaftes Provinces.
i6j6.
Les Capitaines Jean Vood, Sc Guil¬
laume Flawès , Anglois , voulant Cui¬
vre le PalFage indiqué par Barentsz ,
pour aller à la Chine par le Nord , fu¬
rent arrêtés tout court par les glaces.
Vood prétend dans Ion Journal qu il
n’y a point de pafiage entre la Nou¬
velle Zemble Sc le Groenland, & que
ces deux Terres ne font qu un meme
Continent } car , dit-il ,s il y avoit un
palfage , il y auroit un courant réglé ,
Sc il n’y trouva qu’une marée , qui
monte environ huit pieds , Sc qui
porte à l’Eft-Sud-Eft..
Micilîi-
pi.
Guyane,
Moxes j
Baures.
Nouvel¬
le tenta¬
tive poui
aile r à la
Chine
par le -
Nord,
FASTES CHRONOLOGIQUES.
1 68 o.
Micifli- Robert Cavelier, Sieur de la Salle,
? l* natif de Rouen , ayant entrepris de
continuer la découverte du Aficijfipi,
envoyé un Canadien , nommé Da-
can , accompagné du P. Louys Hen-
nepin. Recollet Flamand , pour re¬
monter ce Fleuve , depuis la Riviere
des Illinois jufqu’à fa fource. Ces
deux voyageurs allèrent jufqu’au 46e.
degré Nord, 8c fe trouvèrent arrêtés
par une chute d’eau fort haute , qui
occupe toute la largeur du Fleuve , 8c
qu’ils nommèrent le Sault de S. An¬
toine de P adoue*
t fies Je Cette même année & la fuivante le
Capitaine Sharp, Hollandois , ayant
inutilement efiayé de palier par le
Detroit de Magellan , par celui de
le Maire , & par le palïage de Brou-
w er dans la Mer du Sud , chercha un
chemin plus au Sud , mais il y trouva
plulîeurs Ides couvertes de glaces,
beaucoup de neiges , & quantité de
Baleines. Après s’être arrêté quelque
tems dans une Ille , qu’il nomma ÏJle
du Duc d’York^ , il courut plus de 800.
lieues à PEU , puis autant à l’Oüeft ,
Sc découvrit une Me, à laquelle il
donna le nom de Barbadoës.
1681.
Penfyi- EtablilTement de la Penfylvanie ,
ïrauic. dans le Pays , qui avoit porté le nom
de Nouvelle Suède. Cette Colonie a
reçu fon nom de fon Fondateur , le
Chevalier Guillaume Penn, Anglois,
a qui Charles IL Roy de la Grande
Bretagne , concéda ce Pays en 1 680.
8c qui cette année 1681. y mena les
Quaxers , ou Trembleurs d’Angle¬
terre , dont il étoit le Chef. Lorfqu’il
y arriva, il y trouva un grand nombre
■de Hollandois 8c de Suédois. Les pre¬
miers pour la plupart occupoient les
endroits fitués le long du Golphe ; 8c
les féconds , les bords de la Riviere
de Laware , ou du Midi. Il paroîtpar
une de fes lettres , qu’il n’étoit pas
content des Hollandois ; mais il dit
que les Suédois étoient une Nation
fimple, fans malice , induftrieufe,.ro-
bufte , fe fouciant peu de l’abondan¬
ce , 8c fe contentant du nécelfaire.
D. Antoine de Saravia premier
Gouverneur des IJles Mariannes , en
prend pofiefiion au nom du Roy Ca¬
tholique dans l’Me de Guahan qui en
eft la principale. Magellan avoit
fait la première découverte de ces If-
les en 1 5 2 1 . 8c les avoit nommées
d’abord /’ Archipel de S. Lazare , puis
les IJles des Larrons , parceque quel¬
ques Infulaires , qui n’a voient jamais
vu de fer , lui volèrent quelques inf-
trumens de ce métal. En 15 63. l’A¬
miral Dom Miguel Lopez de Lagaf-
pé en prit pofiefiion au nom du Roy
d’Efpagne , mais il n’y fit point d 'éta¬
bli fiement. On les nommoit alors
las de las Vêlas , parceque toutes les
fois que les Infulaires apercevoient
des Navires Efpagnols , ils alloient
en fort grand nombre leur porter des
rafraichilfemens , 8c que la Mer pa-
roifioit couverte de petits Bâtimens ,
qui alloient à la voile. En 1668. le
P. Diego Louys de San Vitorés, Je-
fuite Elpagnol , accompagné de plu-
fieurs autres Religieux de fa Compa¬
gnie , y entra & y fit un fi grand nom¬
bre de converfions, que dès l’an 1 67 1 .
les principaux Habitans fe mirent
fous la protedion du Roy Catholi¬
que. Dès l’entrée du P. de San Vito¬
rés ces Mes furent nommées IJles Ma¬
riannes , en l’honneur de Marianne
d’Autriche Reine d’Efpagne. Enfin le
huitième de Septembre 1 6 8 1 . D. An¬
toine de Saravia reçut le ferment de
fidélité des Gouverneurs 8c des prin *
Ifles
Marian¬
nes.
xxxvj FASTES CHRONOLOGIQUES.
cipaux Officiers de l’Ifle de Guahan , lui qui eft à l’Queft d’Yeflb , porte
& les autres fuivirent peu après le toujours au Sud , en conclut de meme
même exemple. Dès l’année 1671. que ce Millionnaire , que cette Mer
le P. de San Vitorés avoir arrofé l’Ifle communique avec une autre. Depuis
de Guahan de Ton fang > 3c couronna ce tems-la , mais on ne dit pas en
• ~ " ‘ ~ * un glorieux quelle année, un autre Navire Jap^on-
nois fut encore envoyé pour le même
ainfl fon Apoftolat par
Martyre.
1681.
Louyfia. Le Sieur de la Salle defcend le Mï-
ne* cijfipi jufqu’à la Mer , 3c prend poflef-
deflein , 3c celui , qui le montoit ,
ayant apperçu un grand Continent ,
il s’en approcha, 3c paflal’hyver dans
un Port , qu’il y trouva. A fon retour
‘'tZ/T" > *7 r 7 r un rort , qu n y trouva, n tou iuulu-
lîon au nom du Roy Trés-Chrétien de ^ rapp0rta que la Terre s etendoit
rnnc Ipc Tî-ivc mip rp crranrl Fleuve i _ _ \t _ 1 Eâ Rr io
l'ort
Nelfon ,
Fleuve
Bour¬
bon, Ri¬
vière de
Sainte
Iherefe.
* - **"■“•*■' — * — } - 11 rappuna que ta j. v-j.iv- o ui-uuuii.
tous les Pays , que ce grand Fleuve beaucoup au Nord -Eft , 3c conje-
arrofe , aufquels il donna le nom de £ura ^ue c^to[z [e Continent de,l’A-
Louyfiane. Cette Province , qui forme meriqUe.
aujourd’hui un Gouvernement indé- Depuis les dernieres découvertes
pendant de celui de la Nouvelle Fran- des Ruffiens, on croit que le Pays
ce, eft borné au Septentrion par l’em- ^Teffio eft la partie Meridionnale de
bouchure de la Riviere des Illinois , Kamtscbatka, qui forme un même Con-
qni fe décharge dans le Miciffipi. tinent avec la Sibérie. Cependant
Dans la même année deux François quelqlies_yns placent Kamtfchatica
Habitans de laNouvelle France, nom- au Nord-Eft d’Yeflb j ce qui ne paroît
més des Grofelliers 3c Radilfon , de- ^as s’accorcler avec ce que difent les
couvrirent le Fleuve Bourbon 3c la Ri- Rulpiens s que la partie meridionnale
viere de Sainte Therefe , qui fe dé*- ^ ce gran£j pays eft habitée par les
chargent enfemble dans une petite Kurnsîjs } originairement Jàponnois.
Baye de la Côte Occidentale de la o_ i-v
Baye d’Hudfon, par les 5 6. dégrésde
latitude Nord. C’eft ce que les An-
glois appellent Port Nelfon , préten¬
dant' que Nelfon , Pilote de Henri
Hudfon , l’avoir reconnu en 1 6 1 1 . 3c
en avoit pris poflèflion au nom de la
Couronne d’Angleterre j ce qui n’a
aucune apparence.
Yeflo
Kamtf-
•chatka.
& tributaires de l’Empereur du Ja-
\
pon.
Le 28. de Décembre de cette an¬
née , des Sauvages inconnus , arrivè¬
rent à l’Ifle de Samal , une des Ifies
de los Pintados , dépendante des Phi¬
lippines. Ils y avoient été jettés par un
mauvais tems *, ils y rencontrèrent
deux Femmes de leur Nation , qu’un
Un Navire Japonnois , envoyé par pareil accident y avoit dégradées
l’Empereur du Japon , pour recon- quelques années auparavant , 3c l’un
noître tout le Pays d’Yeflb, entre d’eux avoit déjà été obligé de la mê-
dans le Canal , qu’on croit féparer me maniéré de prendre terre à l’Ifle
l’Ifle de Matmanska ou de Matfumay , fle Caragene , voiftne de Mindanao,
d’avec le Continent d Yeflo. Ce Ca- On fçut d’eux que leurs Ifles fe nom-
pitaine ayant obfervé que le courant moient Palaos qu’elles étoient au
y portoit toujours au Nord , au lieu nombre de 3 2. & ils marquèrent leurs
qu’au rapport du P. de Angelis, ce- noms ? leur grandeur , 3c la diftance>
1 6 84*
Ifles VU
laos.
FASTES CHRONOLOGIQUES. xxxvij
où elles font les unes des autres. Elles ne cependant pour la Mer. En 1 7 1 1 .
font fîtuées à l’Eft des Philippines , tk le Vaiftèau le S. Jean-Baptifte , com-
au Nord-Eft des Moluques. On crut mandé par le Capitaine Doublet , du
d’abord que c’étoit une de ces Mes , Havre de- Grâce , les côtoya de plus
qu’un Navire Efpagnol avoir apperçue près, qu’on n’avoit encore fait, 8c
en 16S6, 8c que le Capitaine avoit cherchant à palier dans un allez °rand
nommé Caroline , en l’honneur de enfoncement, qu’il appercevoit au
Charles IL Roy d’Efpagne, 8c que milieu , il trouva plufieurs petites If-
d’autres avoient appellé l’Me de S. les cachées prefque à fleur d’eau , qui
Barnabe , parce quelle avoit été dé- l’obligerent à revirer de bord. Cette
couverte le jour , qu’on célébré la Fê- fuite d’Ifles font les mêmes , que M.
te de cet Apôtre ; mais la fuite a mon- Fouquet de S. Malo découvrit , 8c
tré, qu’on- fe trompoit. La langue qu’il appella les IJles d’Anican , du
des Infulaires , dont il eft queltion , nom de fon Armateur,
eft très-differente de celle des anciens La partie Septentrionnale de ces
Habitans des Philippines , 8c même Terres fut découverte le 16. Juillet
de celle des Mes Mariâmes, qui en 1708. par le Capitaine Peré,de S.
font plus près , 8c qui font les Mes Malo , commandant le Vaiffeau L'.Af
des Larrons , ou /’ Archipel de S. Laça- fomption , dont il donna le nom à cet-
re. Leur prononciation approche de te Côte. Il la parcourut deux fois pour
celle des Arabes. On les a nommées la mieux reconnoître , 8c jugea qu’el-
Nouvelles Philippines 3 mais les ten- le pouvoir avoir 50. lieuës°Eft-Sud-
tatives qu’on a faites en 1 7 1 o. 8c en Eft , 8c Oueft Nord-Oueft. Il y a lieu
1 7 1 1 . pour les reconnoître , ont été de croire que ces Mes font les mê-
inutiles , 8c ont coûté la vie à plu- mes , que le Chevalier Richard Haw-
fieurs Jefuites , qui ont péri , les uns xins découvrit en 15 93. Ce Che-
fur Mer , 8c les autres en abordantà valier étant à l’Eft de la Côte deferte ,
quelques-unes de ces Mes. ou des Patagons , par les 50. dégrés de
ï 700. latitude Auftrale , fut jetté par une
tempête fur une Terre inconnue, 8c
nies On a donné le nom dVJlcs Nouvel - courut le long des Côtes environ 60,
ks^'ou" /«à plufieurs Terres, dont on a eu lieues.
d’Ani- les premières connoiffances en cette Quelques-uns ont cru que ces Ter- seblid^
année , & qui font fituées parles 51. res& les Mes de Sebald étoient la
à 52. dégrés de latitude Meridion- même chofe , 8c que les trois, oui
nale 3 environ à 50. ou 55. lieues au portent ce nom , étoient ainfî mar-
Nord Nord - Eft du Détroit de le quées à volonté, faute d’une connoif-
Maire. Les Vaiffeaux de la Compa- lance plus parfaite : mais le Vaiffeau
gnie des Indes le Maurepas 8c le S. 1 Incarnation, de S. Malo, a reconnues
Loups en 1707. 8c 1708. partant de celles-ci en 1 7 1 1 . par un très-beau tems,
l’Me des Etats, rangèrent la partie Ce font effectivement trois petites
Meridionnale de ces Terres 3 le S. Mes , d’environ une demie-lieue de
Louys y mouilla même du côté de long , rangées en triangle. Ce Vail-
1 bfl s 8c fit de l’eau à un petit Etang feau n’en paflà qu’à trois lieues , &
peu éloigné du bord de la Mer. Cette n’eut aucune connoifîance d’autres
eau etoit un peu rouffe 8c fade > bon- Terres , quoique le Ciel fût très-fe-
— ~
xxxiij FASTES CHRONOLOGIQUES.
rein. Ce qui prouve quelles font fé- de Mars 171 6. Dans le vrai il n’y a
parées des Ifies Nouvelles , au moins qu’un Thibet, qu’on appelle auffi Tou-
defeptà huit lieues. M. de Beauchê- bet , Tangout , Barantola , Boutan.
ne relâcha en 1701 . aux Ifles de Se- Lorfque le P. de Andrada y entra en
bald, fans avoir connoiffiance des If- 162.4» ce Pays obeilïoit a un Roy fort
les Nouvelles , dont la partie Occi- puiffant, & qu on croit etre de la race
dentale eh encore inconnue. du fameux Prete-Jan , ou du moins
fon fucceiTeur. Depuis , le Grand La-
I701, ma devint comme le Souverain du
Califor- Le P. Eufebe François Kino , Je- Thibet , & : faifoit fa refidence à Laf-
Hie- fuite Allemand , étant parti en 1 69 8 . la , ou Lafa , le lieu le plus facie du
des Millions de Cinaloa &c de Sonar* , Pays , a caufe de la grande Pagode ,
au Nouveau Mexique , s’avança au qu’on y vient vifiter de toutes parts.
Nord le-lons de la Mer , jufqu’à la Prefentement le Thibet releye de la
Montagne de Sainte Claire , & voyant Chine. Il eh auffi quelquefois nom-
que la Côte tournoit de l’Eft à l’Oueft, mé le Royaume des Eluths .
au lieu de la fuivre , comme il avoit IyI8.
fait jufques-là , il avança dans les . . .
Terres , marchant du Sud-Eft au Voici une decouverte , qui a bien
Nord-Oueft. En 1699. il découvrit l’air d etre imaginaire. Un Vailleau
la Riviere bleue , ou Rio a^ul , qui, Marchand , dit-on , commande par
après avoir reçu les eaux de la Hila , le Sieur Perrin , étant parti cette
va porter les Rennes de l’Eft à l’Oueft année de la Rochelle pour aller a
dans le grand Fleuve du Nord , ou Quebec , fit naufrage *, un nomme
Rio Colorado. Il paffia enfuite ce Fieu- Jean - Baptifte Loyfel , de Rennes
ve , & en 1701. il fe trouva dans la en Bretagne , fe fauva dans une Ille
Californie. Il y apprit qu’à 30, lieues inconnue, ou il fut bien reçu &
de l’endroit , où il étoit , Rio colora- bien traité des Habitans , & y mou-
do fe décharge dans une large Baye à rut vers l’an 17 3 1. IJn Navire An-
la Côte Occidentale de la Californie, glois , ajoûte-t-on , étant parti d An-
laquelle n’eft ainfi féparée du Nou- gleterre au mois T Août 173 3. pour
veau Mexique, que par ce Fleuve. la Nouvelle Géorgie , fut auffi jette
La même année le Sieur le Moine par la tempête fur la même Me. Le
Micifli- Alberville, Gentilhomme Canadien, Capitaine, qui fe nommoit Lew* s
PU Capitaine de Vaiffieau, découvrit l’em- fut conduit dans une Cabane , où une
bouchure du Mtcijfipi , que le Sieur infeription tracée avec un couteau ,
de la Salle avoit manquée en 1684. l’inftruifit de 1 aventure de Loylel ,
dont on lui montra les habits & la fe-
1 7 1 pulture. On 11e nous dit rien de la fi-
Thibet. Le P. Hippolyte Defideri , Jefuite tuation de cette Me , à laquelle le Ca-
Florentin , entre dans le fécond Thi- pitaine Lewis donna fon nom , apres
bet. Ce Millionnaire étoit parti le 1 7. en avoir pris pofleffion. Loylel, dans
d’Août 1 7 1 s . de Ladak , où refide le l’infcnption , dont ; ai parle , dit
Roy du Grand Thibet , découvert en quelle lui paroit avoir 10. lieues d e-
itf 14. par le P. de Andrada , & arri- tendue ; qu'il croit qu’on y trouvera
va à Lafi, Capitale de celui-ci, le 18. des mines , quelle produit plulieurs
Ifle de
Lewis.
Ifîes Ca¬
rdin es.
Nouvel¬
le Geor-
FASTES CHRONOLOGIQUES. xxxix
plantes précieufes ; 8c que le terrein
en eft fort bon. *73 2*
i71Q, Etabliffèment de la Nouvelle Geor-
A . Sie par M. O.glethorpe , au nom du
Deux Batimens remplis de Sauva- Roy d’Angleterre , entre la Caroline gie-
ges inconnus , abordent à Fille de ôc la Floride Efpagnole. Tout ce Pays
Guahan la plus grande des Ides Ma- étoit de la Floride Françoife , qui s’é-
nannes , en deux endroits difFerens , tendoit vers le Nord jufqu a Cbarles-
lun le dix-neuf , & l’autre le vingt- ToWn dans la Caroline. Cette Nou-
unième de Juin. Ils étoient partis en- velle Colonie eft bornée au Septc'n-
femble d une Ifte , qu’ils nommoient trion par la Riviere de Savanah , & au
sarrejlop , pour aller à une autre. Midi par celle d ’Alatamaha, & n’a
quils appelloient Vlee. Après qu’on que 60. a 70. milles d’Angleterre de
les eut interrogés a loifir, on reconnut Longueur fur la Côte entre les 3 1 . dé-
que leur Pays étoit un alTez grand Ar- grés & demi 3 & les 3 2 . 4 5 . minutes
chipel , ou etoit compnfe PMe , qui d’élévation du Pôle : mais elle s’élar-
enM8 6. avoit été nommée l’Me Ca- git à mefure qu’on remonte dans les>
rohne , & l’Ifle de S. Barnabe 3 & que Terres,
cet Archipel eft divifé en cinq Pro¬
vinces. Le P. de Cantova, Jefuite Ef- 1 7 38.39.
pagnol , en a dreffe une Carte , qui fe Au mois de Juillet de l’année 1738 Terre*
trouve dans le xvme. Recueil des deux Vaifteaux François de la Corn- Auftra-
Lettres édifiantes & curieufes des pagnie des Indes , commandés par le ks*
Millions de la Compagnie de Jefus. Sieur Bouvet , partirent du Port de
Il place toutes ces Mes entre le fixié- l’Orient pour découvrir les Terres
me , 8c Ponzieme dégrés de latitude Auftrales , & le premier de Janvier
Septentrionnale, de maniéré quelles 1 7 3 9 . ce Capitaine apperçut par les.
courent par les 3 o. dégrés de longitu- 5 4. dégrés de latitude Meridionnale*
de a 1 Eft du Cap du S. Efpnt. Il y a & les a 7. à 2 8. dégrés de longitude ,
parmi ces’ Infulaires beaucoup de une Terre fort haute , couverte de
Noirs , que l’on conjecture y être ve- neiges, & fort embrumée, qu’il nom-
nus de la Nouvelle Guinée 3 des Me- ma le Cap de Cotisation . Les brumes-
Itices , & des Blancs. On juge que & les glaces Pempêcherent d’y abor-
ceux-ci font defcendus de certains Ef- der, & de la ranger même alfez près
pagnols , qui allant de la Nouvelle pour fçavoir fi c’étoit une Me , ou un
Efpagne aux Philippines en 15 6 6 An- Continent. Il remarqua feulement
rent dégradés dans une de ces Mes , quelle s'étendait huit à dix lieues.
pour avoir confpiré contre leur Com
mandant. On le préparait en 1722.
aux Mariannes à reconnaître plus
particulièrement ces Mes , aufquelles
on a donné le nom dTjles Carolines :
mais on n’a eu aucune nouvelle du
dans l’Eft-Nord-Eft.
J7 39*
Au commencement de l’année 1740.
on eut avis à Petersbourg que le Ca¬
pitaine Spanberg naviguant au Nord
r \ 1 opaiiucrg naviguant au iNorc!
UCCjCS A cecjce entreprife. On pré- du Japon avoit découvert 3 5 . Mes, de
tend qu il y a des mines d’argent dans differentes grandeurs , dont les Ha-
une de ces Mes. hirmc i>« - «»
Ditans, des quils 1 apperçurent, ien-
\
xi FASTES CHRONOLOGIQUES.
voyerent reconnoître par fix Chalou- montré une grande quantité d or &C
pes. Il alla lui-même prendre terre à de cuivre. Il envoya en même tems a
une de ces Ifles , & fut reçu des Infu- la Czarine quelques-unes de leurs
laires avec de grandes demonftra- monnoyes. On n’a point encore mar¬
rions de joye. Il marque dans Tare- qué précifement la fituation de ces
lation que ces Peuples relfemblent Ifles.
fort aux Japonnois , &c qu’ils lui ont
LISTE
Le grand
Atlas de
Blaeu.
LISTE ET EXAMEN
DES AUTEURS
QUE J’AI CONSULTES POUR COMPOSER
CET OUVRAGE.
Omme nous n’avons point
encore d’Hiftoire fuivie 8c
complette de la Nouvelle
France , & que les rela¬
tions de ce grand Pays , qui ont eu le
plus de cours , ne font pas les plus
exactes, ni les plus fidèles , il n’eft pas
furprenant que les Cofinographes ,
les Géographes, 8c les Dictionnaires
Géographiques 8c Hiftoriques en
ayent parlé peu correctement. Ce
qu’il y a de fingulier , c’eft que les
plus anciens font pour l’ordinaire
moins remplis de fautes , que les mo¬
dernes. Il eft vrai que lorlqu’ils ont
paru, les Colonies Françoifes de l’A¬
mérique Septentrionnale étoient très-
peu de chofe ; mais , toutes propor¬
tions gardées , ils en ont plus exacte¬
ment parlé que ceux , qui les ont fui-
vis , & qui ont voulu les corriger.
C’eft qu’ils n’avoient devant les yeux
que peu de Mémoires , dont les Au¬
teurs fe bornoient prefque à rappor¬
ter ce qu’ils avoient vu , ou appris de
témoins oculaires , 8c ne pouvoient
guère être taxés que de quelque exag-
geration.
Ainfi le grand Atlas imprimé à Amf-
terdam chez Jean Blaeu en 1(377.
ayant été compofé particulièrement
fur ï India Occidentalis de Jean de
Laet , qui n’avoit guère travaillé lui-
même que d’après Jean Verazani ,
Jacques Carthier , Samuel de Cham-
plain, René de Laudonniere, 8c Marc
Lefcarbot , tous Auteurs , communé¬
ment parlant , alfez véridiques , étoit
pour le tems ce qu’on pouvoir avoir
de meilleur en ce genre. Il eft vrai
que ceux, qui l’avoient précédé, com¬
me le Theatre du Monde de Jean 8c
Guillaume Blaeu , l'Arcano del Ma¬
re de Robert Dudley Duc de Nor-
thumberland 8c Comte de WarwicK,
l'Atlas de Gérard Mercator \ le Mon¬
de de Davity 8c la Géographie de The-
vet , «Sec. loit que ces Auteurs ayent
voulu trop abréger, foit qu’ils n’ayent
pas étudié à ce fujet toutes les fources,
où ilspou voient puifer, font beaucoup
plus imparfaits , tant dans les Cartel,
que dans les difeours j mais par cela
meme quils nous apprenoient très-
peu de chofes , ils ne pouvoient pas
nous jetter dans de grandes erreurs.
M. Corneille dans fon Dictionnaire
Géographique ayant voulu ajouter à
ce que M. l’Abbé Baudrand 8c Maty
avoient dit de l’Amérique Françoife,
s eft principalement attaché aux Voya¬
ges du Baron de la Hontan , mauvais
guide , comme nous le verrons bien¬
tôt : cependant comme il s’eft fur-
tout appliqué à faire connoître les
differens Peuples , qui habitent ce
grand Continent , 8c qu’il a beau¬
coup abrégé ce qu’en a dit la Hon¬
tan, il eft arrivé , par une efpéce de
hazard, qu il 11 en a tire que ce que ce
£
Legrand
Théâtre
du Mon¬
de. Ar-
cano del
Mare.
Merca¬
tor. The-
vet. Da-
vity.
Thomas
Corneil¬
le.
xlij LISTE DES
Voyageur a écrit de plus p affable , 8c
fon article du Canada n’eft pas le plus
défe&ueux de fon Didionnaire. Il
n’en eft pas de même de plufieurs au¬
tres articles particuliers , où il n’a pas
bien choifi fes garants. On ne com¬
prend pas même comment il a pu fe
faire que le Micifïipi étant à la Louy-
fiane , ce que le Nil eft à l’Egypte ,
l’Auteur en parlant de la Louyfiane ,
ne fait nulle mention du Micilîipi , 8c
dans l’article de ce Fleuve ne nomme
pas même la Louyfiane.
Dans le fixiéme Tome de ï Atlas
de Geudreville , imprimé en 1719. a
Amfterdam chezl’Honnore 8c Châte¬
lain , on trouve d’abord une Difier-
tation générale fur V Amérique , ou il y
a des fautes d’Hiftoire 8c de Géogra¬
phie , qu’on ne pardonneroit pas a
un Ecolier. Eft-il permis , par exem¬
ple , a un homme , qui fait imprimer
a ft grands frais un cours entier de
Géographie , de dire que la Guade¬
loupe , qu’il appelle Gardeloupe , eft
environ à dix lieues des Mes Lu-
cayes ? La differtation, qui fuit fur le
Canada » n’eft pas plus exade ; ce
n’eft qu’un abrégé mal digéré des
Mémoires de la Hontan , 8c on y re-
conpoît fans peine le ftyle informe ,
fouvent barbare , 8c les termes indé¬
cens de ce Voyageur. Auffi palïe-t-il
pour confiant que c’eft Geudreville
lui-même , qui a retouché la dernier e
Edition de fes Voyages. Enfin une
troifiéme Differtation , qui traite de
la Louyfiane , eft fi fuperficielle , 8c
l’Auteur y confond tellement le vrai
& le faux , qu’il n’y a que ceux , qui
connoiffent bien le Pays , qui puiffent
entendre ce qu’il veut dire. Les noms
propres y font furtout entièrement
défigurés.
;» M. Robbe 8r. M. la Martiniere
partagent la Nouvelle France en deux
AUTEURS.
Provinces, qui font le Canada parti¬
culier , 8c la Province du Saguenay.
Ce partage eft imaginaire , 8c d’ail¬
leurs fort mal imaginé. i°. En ce que
la Ville de Quebec > Capitale du Ca¬
nada François , y eft placée dans la
Province du Saguenay. 20. En ce que
cette prétendue Province de Sague¬
nay fe trouve enclavée d<ms celle du
Canada particulier , que M. Robbe
étend au-deffous de la Riviere de Sa¬
guenay , jufques dans le Golphe de S.
Laurent , 8c au-deffus de Quebec juf¬
ques par-delà les Lacs.
M. la Martiniere s eft beaucoup
plus étendu que M. Corneille dans
tous les articles, qui ont rapport a mon
Hiftoire , 8c cite prefque toujours fes
Auteurs , mais pour l’ordinaire iln eft
pas heureux dans le choix, M. l’Abbe
Lenglet du Frefnoy l’a jette dans 1 er¬
reur par la diviûon du Canada en
partie Orientale & Occidentale y ou.
Louyfiane . Cette divifion fuppofe que
cette derniere Province eft à l’Occi¬
dent du Canada , ce qui eft faux >
puifqu’elle eft terminée au Nord par¬
la Riviere des Illinois , qui fe jette
dans le Micilîipi vers les 39. degres
de latitude Septentrionnale , 8c que
ce qui eft au-delà vers le Nord eft de
la Nouvelle France y d’où il s’enfuit
que la Louyfiane eft au Sud 8c au Sud-
Oueft du Canada. Je ne fçai pas non
plus fur quel fondement le Géogra¬
phe du Roy d’Efpagne compte parmi
les Provinces , qui appartiennent aux
Anglois dans ce Continent , les No-
rimbegue : ce qu’on nommoit ainfi au¬
trefois eft entre l’Acadie 8c la Nou¬
velle Angleterre y or ce grand Pays
n’a point été cédé à la Grande Breta¬
gne, comme il le fuppofe, par le T rai-
té d’Utrecht.
Il nous donne enfuite une Table des.
Nations Sauvages de la partie Orien-
liste des
taie du Canada , c’eft-à-dire , de rou¬
tes celles , que nous connoiftons en
deçà du Micilîîpi. Cette Table eft
copiée des Voyages de la Hontan , 8c
auroit befoin d’un bon Errata , aullî-
bien que ce que l’Auteur a tiré de la
même fource par rapport à l’Hiftoire
naturelle du Pays , aux mœurs 8c au
caraétere des Peuples, qui l’habitent,
a l’Etat de la Colonie Françoife , aux
revenus 8c au pouvoir du Gouver¬
neur général 8c de l’Intendant. Dans
1 article du Cap Breton M. la Marti-
niere reprend fort bien M. l’Abbé
Baudrand , qui a voit avancé que Gaf
pe eft le véritable nom de cette Ifle.
Mais en 1 7 5 o. qu’il imprimoit le Vo¬
lume de fon Dictionnaire , où cet ar¬
ticle eft contenu , il devoit Içavoir
quelle a changé fon ancien nom en
celui d’IJle Royale .
M. l’Abbé Lengl et du Frenoy ,
dans la première édition de fa Mé¬
thode pour etudier la Géographie , avoit
dit que la Caroline doit fon nom à
Charles II. Roy de la Grande Breta¬
gne , fous le régné 8c avec le confen-
tement duquel cette Colonie a été
fondée par quelques Seigneurs An-
glois. M. la Martiniere lui a repro¬
che, de s erre trompé , & il a été allez
docile pour corriger cette prétendue
faute, en marquant dans une fécondé
édition que c etoit en l’honneur de
Charles IX. Roy de France , qu’on
1 avoir ainfi nommée : mais il peut en
toute fureterevenir à Ion premier fen-
timent. Excepté la partie Meridion-
nale de la Caroline , ce Pays n’a ja¬
mais appartenu à la France. L équivo¬
que vient d’une Fortereiïe bâtie dans
la Riviere de May par M. de Laudon-
mere , & qui porte aujourd’hui le
nom de^ San Mattheo. La Colonie
Françoife établie fous Charles IX. 8c
qui comprenoit la partie Meridion-
AUTEURS. xliii
nale de la Caroline Angloife , la
Nouvelle Géorgie d’aujourd’hui ; San
Mattheo , S. Auguftin , 8c tout ce que
les Elpagnols ont lur cette côte juf-
qu au Cap François , n’a jamais été
appellee , ni par Champlain , quoi-
qu en dile M. la Martiniere , ni par
aucun Auteur François , autrement
que la Floride Françoife , ou la Nou¬
velle France , ou la France Occidenta¬
le.
M. la Martiniere s’eft encore trom¬
pe lorlqu ’il a dit que M. de Ribaut
avoit bâti un Fort dans la Riviere de
Alay , 8c lui avoit donne le nom de
Charles : la vérité eft que Ribaut étant
entré dans la Riviere de May , y plan¬
ta une borne, où il mit les armes de
France , mais il ne s’y arrêta point. Il
remonta au Nord , 8c entra dans une
autre Riviere , qu’il nomma le Port
Royal ; il y conftruifit une Forterelfe ,
à laquelle il donna le nom de Charles-
fort. Cette Riviere eft dans la Caroli¬
ne Angloife. Deux ans après M. de
Laudonniere bâtit la Caroline dans la
Riviere de May , qui n’a jamais été
dans la Caroline Angloife, par confé-
quent n a pu lui donner Ion nom.
Je luis bien aife aullî d’avertir ici
qu’aucun Efpagnol , ni même aucun
Européen, n’ayantparu dans ce Pays,
avant les François , qu’y mena M.
de Ribaut en 1 5 61 . il eft lurpre-
nant que le fçavant Géographe du
Roy Catholique ait prétendu que les
Elpagnols avoient droit de regarder
ces François de la Floride, qui avoient
commilïion du Roy leur Maître ,
comme des Pirates, 8c qu’on n’au-
roit rien eu à leur reprocher , s’ils les
avoient traités en prifonniers de
guerre. Premièrement il y a ici une
contradi&ion , qui faute aux yeux ,
car fi les Efpagnols avoient eu droit
de regarder les François de la Floride
xliv LISTE DI
comme des Pirates , on n auroit pu
leur reprocher de ne les avoir pas
traités comme tels. En fécond lieu, en
vertu de quoi auraient- ils regardé
comme Pirates des Sujets envoyés
par leur propre Souverain dans un
Pays , que des François avoient re¬
connu les premiers , 8c ou aucune
mitre Nation ne s’étoit établie avant
eux? Suffit-il qu’il leur ait plu d: ap¬
pelle!- Floride prefque toute l’Ame-
rique Septentrionnale , pour traiter
d’ufurpateurs&t de Pirates tous ceux,
qui le lont établis dans quelques Can¬
tons d’un Pays immenfe , dont ils. ne
connoifFoient point la dixiéme par¬
tie , & où ils n’av oient jamais.eu au¬
cun établiffiement l
J’aurois bien d’autres remarques à
faire fur quantité d’articles du nou¬
veau Dictionnaire Géographique ,
où il y a d’ailleurs beaucoup d excel¬
lentes chofes^En général 1 Auteur eft
fort mal inftruit des Pays, dont j’écris
lldiftoire. La feule infpedion des
Cartes auroit cependant du 1 empê¬
cher de dire, par exemple, que le Lac
du S. Sacrement reçoit les eaux du.
Lac Champlain , puilque c’eft au con¬
traire le Lac Champlain qui reçoit
celles du Lac du S. Sacrement. Il ne
paraît guere mieux au fait des grands
Lacs du Canada , & il a tort de placer
le Lac Champlain dans le Pays, des
Iroquois. Ce qui l’a trompe , c eft que
ce Lac eft formé par la Riviere de So-
rel, qu’on appelloit autre fois la Riviè¬
re des Iroquois ; mais on ne l’avoitainfi
nommée , que parce que les Iroquois
defeendoient îouvent par cette Ri¬
viere dans la Colonie Françoife. J’ai
auffi été fort furpris de trouver deux
articles fur Alichtllimakimac 8c Adif-
filli makinac , lefquels ne lignifient
que la même chofe. L’erreur vient de
s e que quelques faifeurs de Relation
S AUTEURS.
ont voulu adoucir le mot propre quî
eft MichillimaKinac , 8c on écrit
MiffillimaKinac.
M. de Lille a fait dans fon Atlas Lj J*- *
bien des recherches , 8c d’affiez heu-
reufes découvertes Ç mais fa Carte du
Canada eft bien défedueufe : celle de
la Louyfiane l’eft un peu moins j ce¬
pendant il avoit bien raifon de n’ê-
tre content ni de l’une ni de l’autre ,
8c je fçai que quand il mourut, il pre^-
no.it de très - bonnes mefures pour
nous en donner de meilleures-
L’article du Canada dans les deux Morîri*
dernieres éditions du Didionnaire
Hiftorique de Moreri , 8c celui de la
Louyfiane , approchent beaucoup du
vrai , & il y manquerait peu de cho-
fes,. fi les Imprimeurs avoient mieux
profité des. Mémoires , qu’on leur
avoit donnés. L’article de la Caroline,
8c quelques autres articles particuliers:
y font entièrement défigurés.. chaiius
Dte Gallorum expeditione in Flori - Benzonii
dam , & clade ab Hijpanis non minus -
injufia , quam immamter ipfis Mata arm. * 57^
1 5 (j 5 ^ brevis H.i florin. Cette relation
eft tirée en bonne partie d’une Hi-
ftoire Françoife , qui paraît être d’un
nommé Nicolas.Challus.. On la trou¬
ve imprimée à la fuite d’un Ouvrage
de Jerôme Benzoni , traduit de l’Ita¬
lien en Latin, par Urbain Cauveton,
fous ce titre y Nova, novi orbis Hijîo-
ru ; Généra , apud Eufiachium Yignon
1578. Elle eft fuivie d’un brief dif-
cours de la Floride , qui dit à peu près
les mêmes chofes. On a fait en 1 6 oo.
une nouvelle édition de ce Livre à.
Genéve.
Hifloire de la Floride , contenant les Laudbî
•J . , • j t j . niere.
trois voyages faits en icelle par des Capi- _
raines & Pilotes François en 1 562. 158&
1 5 64. & t ) 6 5 . décritte par le Capitai¬
ne Laudonniere. Plus un quatrième fait
par le Capitaine Gourgues : mis en ln>~
Liste des
fe par Bazanier : oétavo. Paris 1 580.
On peut compter fur tout ce que le
Sieur de Laudonniere a vu par lui-
même. Je dirai dans la fuite ce quon
doit penfer du relie.
De Bry. Dans le premier Volume de I India
r' D‘ Occident alis , imprimé aux frais de
~ Théodore de Bry en 1 <90. on trou-
ve i°. Brevts narratio eorumyqua m Flo¬
rida America Provincia Gallis accide-
runt fecundd in illam navigatione Duce
Renato de Laudonniere clajfis Prœfe -
ïïo , anno 1564. Addita figura & inco -
larum icônes ibidem ad vivum expref-
fa. Brevis item declaratio Religionis, ri-
tuum , vivendique rationis ip forum. Au-
tore Jacobo le Moyne de Morgues ,
Laudonierum in bac navigatione fccu-
to : nuncpriniumgallico fermone xThto-
doro de Bry Leodienfe in lucem édita v
Latio vero donata a C C A -
i°. Libellas , five Epifiola fupplica-
toria Régi Gallorum Carolo IX. ablata
per viduas , orphanos , cognâtes , affines ,
& ipfi Francia Occident alis Régi fubdi-
tos , quorum confanguinei per Hifpanos ,
in ed G allia Amarctica parte , qua vul-
go Florida nomen invertit , crudeliter
trucidatiperierunt. Anno 1 5^5.
30. De quand Gallorum in Floridam
navigatione fub Gourguejio anno 1567-
L’Auteur n’en efb pas connu.
4°. Parergon continens quadam , qua
ad precedentis narrationis elucidationem
non erunt for fan inutilia. Tout ce qui
regarde ce fujet a été traité avec plus
d’ordre, & alfez aulong, par Marc Lef-
earbot , dont je parlerai bientôt , 3c
plus en abrégé par Champlain , fur
les mêmes Mémoires. Mais ces deux
Auteurs n’ont eu garde de donner à la
Floride Françoife le nom de France
Antar étique , comme a fait l’Auteur
de la. Supplique adrelîee à Charles
IX.
’3°lis is çe ^ regarde la funelte cataftro-
AUTEURS. xlv
phe des François de la Caroline ,
après que cette Place eut été prife par
D. Pedro Menendez , a été conté d’u¬
ne maniéré bien differente dans les
Ouvrages, que je viens de citer, 3c par
le Doéleur Solis de las Meras , Beau-
frere de Menendez même , 3c qui
l’accompagna dans fan expédition.
Sa relation , qui étoit demeurée ma-
nufcritte , a été inferée toute entière
dans /’ Enfayo Chronologico para la FU¬
JI or i a de la Florida , imprimé à Ma¬
drid en 1723. dont je parlerai en fon
lieu-
La Florida del Ynca , 0 Hijloriadcl
Adelantado Hernando de Soto Go-
vernador y Capitan General del Reyno
de la Florida , y des otros beroicos Ca¬
valier os , Efpafioles e Indios , efcrita por
el Ynca GarcilalTo de la Vega , Capi¬
tan de Sa Magefiad , natural de la
gran Ciudad del Cuz.ce , Cabeça de los.
Reynosy Provincia del Peru , dirigida al
Serenijfimo Principe , Duque de Bra-
gança , en Lisbona emprejfa por Pedro
CrasbeecK 1 605 . in-oélavo.
La même , traduite en François par
Pierre Richelet en deux volumes hz-
douze à Paris chez Cloufier 1 6jo. Cet
Ouvrage eft eltimé par la maniéré ,
dont il eft écrit en Efpagnol , 3c mê¬
me pour le fond des chofes ; c’eft-a-
dire , pour la fuite 3c l’ordre des ex¬
péditions de Ferdinand de Soto , 3c
de Louys de Mofcofo, fon fuccefleur ”,
mais l’Auteur y a vifiblement exag-
gere les richelïes 3c la puiflance des
Peuples de la Floride. Ils font aujour¬
d’hui fort connus des François du Ca¬
nada 3c de la Louyfîane ; 3c quoique
nous convenions que du tcms de - So¬
to ils étoient plus nombreux, qu’ils ne
le font aujourd’hui , comme il eft ar¬
rivé à tous ceux de ce Continent,
nous fçavons , a n’en point douter.,
quils.nont jamais été à beaucoup
Las Me¬
ras. .
Gard*-
lafïo de
la Vega.
I6o3>-
Riche»
let.
rera
xlvj ' LISTE DE
près aullî riches , ni aulîi puilfans que
l’Hiftorien les reprefente.
Antonio Hifioria general de los Hechos delos
de Hcr- Caflellanos en las IJlas y Tierra firme
_ de l Mar Oceano , éfcntaper Antonio
itfoi. de Herrera , Cororitfta major de Sa
Magefiad de las Indias ,y Coronifia de
Caftilia , folio , Madrid en la emprejfa
real. 1(705. Cet Ouvrage ell en qua¬
tre volumes , qui contiennent huit
décades , mais il n’y a que les deux
premiers volumes, qui forent de l’Im¬
primerie Royale, 8c de 1601. Les
deux derniers furent imprimés à Ma¬
drid en 161 5 . par Jean de la Colle.
On en a fait depuis quelques années
une nouvelle édition en cinq volu¬
mes , mais fans y ajouter qu’un index
très-détaillé , qui manquoit. Les deux
premières Décades ont été traduites
en François fans nom d’ Auteur. L’Hi¬
ftorien Efpagnol eft un Annalifte
exad , cenfé , judicieux 8c impartial.
Son Ouvrage finit , par rapport à la
Floride, à la Million des PP. de S. Do¬
minique en 1549. fix ans après la re¬
traire de Louys de Molcofo.
Ramu- Dans le troifiéme volume du grand
_ _ Recueil de Jean-Baptille Ramulio ,
1 6o6 imprimé à V enife en 1 60 6 . in-folio ,
on trouve i°. Difcorfo fopr a la Terra
ferma de II’ Indie Oc ci dent ali dette del
Laborador , de los Baccallaos , & délia
Nuova Francia. C’eft très-peu de cho-
fe.
yeraza- 20. Al Chrifiianiftno Ré di Francia
nu Francifco Primo Relatione di Giouan-
ni de Verazzano délia Terra da lui fco-
parta in nome di fua Maefia , fcritta in
Dieppa a di Ottavo di Luglio 1 5 1 4 . On
n’apprend gitere par cette lettre que
la datte du premier voyage de Vera-
zani.
50. Difcorfo d'un gran Capitano di
Mare , Francefe, del Luogo di Dieppa ,
fopr a le Navigations fatte alla Terra
fio
S AUTEURS.
Nuova dell’ Indie Occidentali , chia-
mata la Nuova Francia , dagradi qua-
ranta , fino a gradi quaranta fette fotto
il Polo Artico , & fopr a la Terra del
Brajil , Gumea , Ifola di San Lorenz^o ,
aquella di Summatra , fino aile quali
banno navigato le caravalle & navi
Francefe. Ramulio fait grand cas de
cette pièce , dont il regrette de n’a¬
voir pu connoître l’Auteur.
4°. Prima relatione di Jacques Car-
thier délia Terra Nuova , detta la Nuo¬
va Francia , trovata nell’ anno 1534.
Cette datte n’ell pas jufte , puifqu’il
ell certain que le premier voyage de
Verazani fut en 1 5 2 3 . & que dès les
premières années de ce liécle - là les
Bretons , les Normands 8c les Baf-
ques faifoient la pêche fur les Côtes
de Terre-Neuve «Se du Golphe de S.
Laurent. Il ell pourtant vrai que Car-
thier ell le premier s qui ait pénétré
dans ce Fleuve.
5 o. Secunda , breve & fuccinta nar-
ratione dellanavigationefatta per ordine
délia Maefia Chrifiianijfima ail’ Ifole di
Canada, Hoche laga, Saguenay & altre ,
al prefente dette la Nuova Francia , cou
particolari cofiumi & cerimonie degli
habitanti. Ce dernier article fe réduit
à très-peu de chofe. Carthier n’a voit
pas eu le tems de bien connoître des
Peuples , dont il ignorait la langue ,
8c avec qui il avoir eu très - peu de
commerce. Il ell aullî très-furprenant
que ce Navigateur donne le nom
d’ille à un Pays , dans lequel il avoit
remonté 180. lieues un Fleuve tel
que celui de S. Laurent. On avoit
imprimé à Rouen en 1 5 98. un de fes
Ouvrages in-oiïavo tous ce titre : D if-
cours d’un voyage fait par le Capitaine
Jacques Carthier aux Tertes neuves du
Canada , ou Nouvelle France.
Hifioria natural y moral de las In¬
dias i en que fe tratan las cofas notables
Car.
thier.
De Acof,
fa.
1608.
LISTE DE A
del Cielo y Elementos , Met des.. Plan -
tas, y Animales délias : y los Ritosy
Ceremonias , Leges,y Govierno,y Guet¬
tas de los Indios. Compuejla pot el P Or¬
dre Jofeph de Acofta Religiofo delà
Compania di Jefus , dirigida a la Sere-
nijfima Infante Doua Ifabela - Clara-
Eugenia de Auftria , oftavo 1608. Im-
preffa en Madrid en cafa de Alonfo
Martin. Je 11 ai parle de cet Auteur ,
qui efttrès-eftimé 3 qu a l’occafion de
l’origine des Amériquains.
Hijloite de la ]\!ouvelle France , con -
tenant les navigations , decouvertes , çfi
habitations faites par les François es
Indes Occidentales & Nouvelle France
fous l’aveu & aut otite de nos Roix Très-
Chrétiens , & les nouvelles fortunes d'i-
ceux en l execution de ces chofes depuis
cent ans jufqu a hui: en quoi ejl com-
prife l Hijloite morale , naturelle &
géographique de ladite Province, avec
les Tables & figures d’icelle , par Marc
Lefcarbot , Avocat en Parlement , té¬
moin oculaire d’une partie des chofes y
recitées . o&avo , a Paris chez. Jean
Milet , fur les dégrés de la grand’ S de
du P alais 1 609. Cet Auteur a ramaiïe
avec beaucoup de foin tout ce qui
avoit été écrit avant lui touchant les
premières découvertes des François
dans l’Amerique : tout ce qui s’eft
pâlie dans la Floride Françoife , l’ex-
pedition du Chevalier de Viliegagnon
au Brelil , 3c le premier établilFement
de^ l’Acadie par M. de Monts. Il pa-
roît fincere , bien inftruit , cenfé* &
impartial.
Les vojages de la Nouvelle Fran¬
ce Occidentale , ditte Canada , faits
par le Sieur de Champlain , Xainton-
geois , Capitaine pour le Roy en la Ma¬
rine du Ponent , & toutes les découver¬
tes , qu il a faites en ce Pays depuis l’an
1603 .jufqu a l an 1629. ou fe voit com¬
me ce Pays a été premièrement découvert
UTEURS. xlvij
par les François fous l’ autorité de nos
Roix Tres-Chrétiens jufqu à ce régné de
Sa Majeftéd prefent Régnante Louys
XIII. Roy de France & de Navarre ,
avec un traité des qualités & conditions
requifes a un bori & parfait Navigateur,
pour connoitre la diverfité des eftimes ,
qui fe font en la navigation , les marques
& enfetgnemens , que la Providence de
Dieu a mifes dans la Mer pour redref-
fer les Mariniers en leurs routes , fans
lefquelles ils tombercient en de grands
dangers , & la maniéré de bien deffwer
les Cartes Marines , avec leurs ports ,
rades , Ifies , fondes & autres chofes né-
cejfaires a la navigation . Enfemble une
Carte generale de la defeription dudit
Pays en fon Méridien , félon la déclinai -
fon de la Guide Ayman , & un Catechi fi¬
nie ou Inftruttion traduite du François
en langage, des Peuples Sauvages de quel¬
que contrée , avec ce qui s’efi pajfé en la¬
dite Nouvelle France en l’année 1631.
a Monfeigneur lé Cardinal Duc de Ri¬
chelieu. In-quarto. A Paris chez Pier¬
re le Mur dans la Grand’ Sale du Pa¬
lais 1632.
M. de Champlain eft proprement
le fondateur de la Nouvelle France 3
c ’eft lui , cjui a bâti la Ville de Que-
bec. Il a été le premier Gouverneur
de cette Colonie , pour letablilTe-
ment de laquelle il s’eft donné des
peines infinies. Il étoit habile Navi¬
gateur , homme de tête 3c de refolu-
tion , défin ter elFé , plein de zélé pour
la Religion 3c pour l’Etat. On ne
peut lui reprocher qu’un peu trop de
crédulité pour des contes , qu’on lui
faifoit ; ce qui ne l’a pourtant jet¬
te dans aucune erreur importante.
D’ailleurs fes Mémoires font excel-
lens pour le fond des chofes , 3c pour
la maniéré fimple 3c naturelle, dont
ils font écrits. Il n’a prefque rien dit,
qu’il n’ait vû par lui-même , ou que
—
xlviij LISTE DES
fur des relations originales de perfon-
nes fûtes ; comme ce qu’il a rapporté,
d’une maniéré plus abrégée que Lef-
carbot , des expéditions de MM. de
Ribaut , de Laudonniere , 8c du Che¬
valier de Gourgues dans la Floride
Françoile.
Dès l’année iûi 3. il publia fes
premiers voyages en un volume in-
quarto , divifé en deux livres , 8c im¬
primé à Paris chez Jean Berjon. En
1 610. il en donna la continuation en
un petit volume in-odtavo , imprime
à Paris chez C. Collet. Enfin dans
AUTEURS.
polEeflion la même année. La rela¬
tion , dont il s’agit contient des dé¬
tails alTez intéreilans.
Dans celui de 1 6 3 3 . on trouve une
relation de ce qui s’eft pajfe en la Nouvel¬
le France , ou Canada ; 8c une autre re¬
lation du Sieur de Cbamplain de la N ou *
velle France , ou Canada.
Brieve relation du voyage de la Nou¬
velle France , fait au mois d Avril der¬
nier par le P. Paul de Jeune de la Com¬
pagnie de Jefus , brochure in-octavo. A
Le P. ie
Jeune.
Fran¬
çois.
l’édition, dont je viens de donner le
titre , il reprend toute l’Fliftoire de¬
puis les premières découvertes deVe-
razani , jufqu’à l’an 1631. Il y a joint
un Traité de la navigation 8c du de¬
voir d’un bon Marinier , 8c un abré¬
gé de la Doétrine Chrétienne du P.
Ledefma Jefuite , traduit en Fiuron
par le P. Jean de Brebeuf, avec le
François à côté.
On trouve dans le Mercure Fran-
Mcrcure ç0js 4e pannée 1 616. une lettre du
P. Charles Lallemant écritte de Que-
bec le premier d’Aout de cette an¬
née , dans laquelle ce Millionnaire
donne une notice abrégée 8c fort
exaéte de ce Pays , où les Jefuites ne
faifoient que de s’établir.
Dans celui de 1 61 8 . 1 eredion d’u¬
ne nouvelle Compagnie pour le com¬
merce du Canada , 8c la révocation
des articles accordés au Sieur de Caen.
C’eft ce qu’on a appellé la Compa¬
gnie de cent Aftociés , qui avoient
a leur tête le Cardinal de Richelieu.
Dans celui de 163 1. il y a une rela¬
tion du voyage fait en Canada pour la
prife de pojfejfion du F ort de Quebec.
Les Anglois s’étoient rendus maî¬
tres de Quebec 8c de tout le Canada
en 1619. Iis le reftituerent en 1632.
8c les François en furent remis en
l
Rcla-
f — --- .. - . . tiondes
Paris chez. Sebaftien Cramoifi , Impri- Jefuites
meurdu Roy 16 31. C’eft la première
des relations, que les Jefuites ne dif- jufqu’en
continuèrent point d’imprimer fur la
Nouvelle France depuis cette annee
jufqu’en 1672. Comme ces Peres
étoient répandus dans toutes les Na¬
tions , avec qui les François etoient
en commerce 3 8c que leurs Millions
les obligeoient d’entrer dans toutes
les affaires de la Colonie , on peut di¬
re que leurs Mémoires en renfer-
moient une Hiftoire fort detaillee. Il
n’y a pas même d’autre fource , ou
l’on puilfe puifer pour être inftruit des
progrès de la Religion parmi les Sau¬
vages , 8c pour connoitre ces Peu¬
ples , dont ils parloient toutes les
langues. Le ftile de ces relations eft
extrêmement fimple 3 mais cette fim-
plicité même n’a pas moins contribue
à leur donner un grand cours , que
les chofes curieufes 8c édifiantes, dont
elles font remplies.
Novus or bis , feu deferiptionis I ndia De La*
Occidentalis libri XXIII • Autore Joan- —
ne de Laët Antuerpienfi , novis tabulis l65î*
Geographicis , & vanis animantium ,
plantarum , fruttuumque iconibus illuf-
trati , folio j Lugdun. Batavorum apud
Elzeverios. 1633. Cet Ouvrage, qui
fut bientôt traduit en François , 8c
imprimé chez les mêmes Elzevirs
1640. eft rempli d’excellentes re¬
cherches;
LISTE DES .
cherches , tant par rapport aux éta-
bliflemens des Européens dans l’A¬
mérique > que pour i’Hiftoire natu¬
relle , le caractère 8c les mœurs des
Amériquains. L’Auteur a puifé dans
les bonnes fources. Il étoit d’ailleurs
habile homme , 8c fait paroître par
tout un grand difcernement , 8c une
très-bonne critique .5 excepté en quel-
ues endroits , où il n’a confulté que
es Auteurs Proteftans , 8c s’eft trop
livré aux préjugés de fa Religion.
Il traite dans le fécond Livre de
Tille de Terre-Neuve, du grand
Banc , de i’Ifle de Sable , de Tille de
Cap Breton , aujourd’hui l’Ifle Roya¬
le , 8c qu’il appelle l’Ifle de S. Lau¬
rent , ou des Bretons : des autres Mes
du Golphe de S, Laurent, 8c en parti¬
culier de celle d’Anticofty , du Port
de T adoulfac, 8c de la Riviere de Sa-
guenay : du grand Fleuve du Canada,
ou de S. Laurent , dont il donne une
delcription allez exaéte pour le tems :
de la Ville de Quebec , des Sauvages
les plus connus alors ; de l’Acadie ,
de toute la Côte Méridionnale de la
Nouvelle France , 8c de tout ce qui
s etoit palfe dans ce Pays-là jufqu’à Ion
tems entre les François 8c les Anglois.
Dans le quatrième Livre il fait une
allez bonne defcription de la Floride,
qu’il a tirée principalement des Anna¬
les d Antoine de Herrera. Il nous ap¬
prend toutes les tentatives des Efpa-
gnols , pour s’y établir fous la condui¬
te de Jean Ponce de Leon, du Licen¬
cie Luc V afquez d’Ayllon, de Pamphi¬
le de Narvaez, de Ferdinand de So-
to 5 ôc de Louys de Molcofo : les ex¬
péditions des François dans cette par¬
tie de la Floride , qui eft aujourd’hui
partagée entre les Anglois & les Ef-
pagnols ; Tétabliffement de S. Augu-
ftin par D. Pedro Menendez , après
que ce Général eut chalTé les Fran-
\ UT EU R. S. xlix
çois de la Floride , 8c la guerre qu’il
eut a foutenir contre le Chevalier
François DracK , Anglois.
Hiftoire du Canada , & Voyages, que
les Freres Mineurs Recollets y ont fait
pour la converfwn des Infidèles ; ou eft
amplement traité des chofes principales
arrivées dans ce Pays depuis l’an 161
jufqua la prifte , qui en a été faite par les
Anglois : des biens & commodités , qu’on
en peut efperer : des mœurs , cérémonies ,
créances , loix & coutumes merveillcu-
fes de fes Habitans : des converftons &
Bapteme de plufteurs , ch des moyens né-
cejftires pour les amener d la connoijfan-
ce de Dieu : l'entretien ordinaire de nos
Mariniers , & autres particularités ,
qui fe remarqu'ent en la fuite de ! Hif¬
toire. Fait & compofé par le Frere Ga¬
briel Sagard Théodat , Mineur Recol¬
le t de la Province de Paris , oétavo. A
Paris chez. Claude Sonnier 1686.
L’Auteur de cet Ouvrage avoir de¬
meuré quelque tems parmi les Hu-
rons , 8c raconte naïvement tout ce
qu’il a vu , 8c oui dire fur les lieux ,
mais il n’a pas eu le tems de voir af-
fez bien les chofes , encore moins de
vérifier tout ce qu’on lui avoir dit. Le
Vocabulaire Huron , qu’il nous a laif-
fe, prouve que ni lui , ni aucun de
ceux , qu’il a pu confulter , ne fça-
voient bien cette langue , laquel¬
le eft très-difficile ; par conféquent
que les converfions des Sauvages
n’ont pas été en grand nombre de
fon tems. D’ailleurs il paroît homme
fort judicieux , 8c très-zélé , non-feu¬
lement pour le falut des âmes , mais
encore pour le progrès d’une Colo¬
nie , qu’il avoit prefque vu naître , 8c
qu’il a vue prefque étouffée dans fon
berceau, par l’invafion des Anglois.
Du refte il nous apprend peu de cho¬
fes intérelfantes.
Hugonis G rôti i de origine gentium
Sagard.
Grotius.
1641.
1643.
Laët
1^43.
I644-
Poiflon
1*44.
le Blanc.
1644.
1 LISTE DES
Americanarum differtatio. In-quarto ,
1 64a. Le fentiment de Grotius.ne fut
pas approuvé , 8c dès l’année fuiv an¬
te on en vit paraître une critique
fous ce titre. Joannis de Laët Antuer-
pienfis nota ad differtationem Hugonis
Grotii de origine gentium Americana -
mm , & obfervationes aliquot ad melio -
rem indaginem dijfcillimœ hujus queftio -
nis. Parïfiis , apud Viduam Guillelmi
Pelé , via Jacobeâ, fub figno Crucisau-
reœ 1 <3 4 3 • Jean de Laët ne s’en tient
pas àla’cenfure de l’opinion de Gro *
tius , il rapporte les fenrimens du P.
Jofeph de Acofta , JeluiteEfpagnol ,
de Marc Lefcarbot , 8c d’Edouard de
de Brerevood Anglois , fur le meme
fujet , 8c les réfuté pareillement.
Grotius répliqua avec hauteur , 8c
dès la même année il publia fa répli¬
qué fous ce titre , Elugonis Grotii de
origine gentium Americanarum dijjïr-
tatio altéra adverfus obireltatorem. Pa-
rifîis apud Sebaftianum Cramoify ,
Ârchitypographum Regium , via Jaco-
baâ,fub Ciconïis 1643. Laët répondit
en 1644. par un écrit intitulé, Joan¬
nis de Laët Antuerpiani refponjio ad
differtationem fecundam Hugonis Gro¬
tii de origine gentium Americanarum ,
curn indice ad utrumque libellant , Amp
telrodami apud Ludovicum Elzeve-
rium 1643.
La même année on imprima à Pa¬
ris un petit Ouvrage fous ce titre.
Animadverfio Joannis B. Poiffonis ,
Andegavi ad ea , qua celeberrimi viri
Hugo Grotius & Joannes Lahetius
de origine gentium Peruvianarum &
Mexicanarum fcripferunt : five Prodro-
mus Commentant in decimum-ottavum
caput Efau. Parifüs 16 44. Mais c’eft
très-peu de choie , que cet écrit.
Les voyages fameux du Sieur Vin¬
cent le Blanc , Marfeillois , qu’il a fait
depuis l’age de douze ans jufquà foixan-
AU T EU RS.
te aux quatre parties du Monde : a fça-
voir , aux Indes Orientales & Occiden¬
tales , en Perfe & Pegu ; aux Royaumes
de Fez, , de Maroc & de Guinée , &
dans toute l’Afrique intérieure , depuis
le Cap de Bonne - Efperance jufques en
Alexandrie , par les Terres de Mono -
motapa » du Prête- J an ,& del Egypte ;
aux If es de la Méditerranée , & aux
principales Provinces de l’Europe , &c»
rédigés fidèlement fur fes Mémoires &
Regifires , tirés de la Bibliothèque de M*
de Peirefc , Confeiller au Parlement
de Provence , & enrichis de três-curieu-
fes Obfervations , par Pierre Bergeron
Parifien , in-quarto , a Paris chez, Ger-
vais Cloufer , au Palais , fur les dégres
de la Sainte Chapelle . 1 648. Dans la
troifiéme partie de cet Ouvrage il eft
parlé de prefque tous les Pays , dont je
donne l’Hiftoire , mais en très -peu
de mots, d’une maniéré confufe, peu
exaéte , 8c fans ordre.
GeorgI HornI de Originibus Anu¬
rie anis Libri quatuor . Haga Comitis ,
fumptibus Adriani Ulacq. 165t. Cet
Auteur réfuté alTez bien les opinions
de ceux , qui avoient traite ce fujet
avant lui , mais pour établir fon pro¬
pre fiftême il donne dans des conje¬
ctures fi frivoles , 8c fi dénuées de
vraifemblance , qu’on eft furj^ris
quelles ayent pu fortir de la tête
d’un Homme , qui fait paraître dans
fon Ouvrage beaucoup de capacité.
Breve relatione d’alcune Miffioni di
Padri délia Compagnia di Giefu nella
Nuova Francia del P • Francifco Giu-
feppe Breftani délia medefima Compa¬
gnia , ali Eminentijfmo & Revcren-
diffinio Signor Cardinale de Lugo. In
Macerata , per gli heredi d’Agoftino
Grifci. 1653. in-quarto. Le P. Bref-
fani, Romain de naiftance, fut un des
plus illuftres Millionnaires du Cana¬
da , où il a fouffert une rude captivi-
Horniu!
Bref! an
f
LISTE DES AUTEURS. Ij
té, & des tourmensinouis.il parle peu Mabre Cramoify , Typographes Re-
de lui dans fon Hilloire , qui eft bien gios , via Jacobaa , fub Ciconiis , anno
eente , mais qui ne traite guère que 1 66 4. Cet Ouvrage extrêmement dif-
de la Million des Hurons , où il a tra- fus a été compofé prefqu uniquement
vaille avec beaucoup de zélé , tant fur les relations des Jefuites. Le P.
qu elle a fubfifté. Après la deftruéfcion du Creux n’a pas fait affez d’atten-
prefque entière de cette Nation , & tion , que des détails , qu’on voit avec
la difperfion de ce qui reftoit , il re- plaifir dans une Lettre , 11e font point
tourna en Italie , où il a prêché juf- fupportables dans une Hiftoire fui-
qu a fa mort , avec d autant plus de vie , furtout quand ils ont perdu l’a-
fruit , qu’il portoit dans fes mains grément de la nouveauté,
mutilées de glorieufes marques de Claros Varones de la Compania de Andra,
ion Apoftolat parmi les Infidèles. Jefii en Santitad > letras zelo de las t*a‘
jucher. Hijioire véritable & naturelle des aimas ,por el Padre Alonfo de Andra-
664. mœurs Cf productions du P ays de la N ou- da , de la mifma Compatiia. Folio , Afa-
velle France , vulgairement ditte le Ca- drid. 1 666 . Dans les deux Volumes de
nada. Petit in - douane , a Paris , chez, cet Ouvrage il eft parlé de prefque
Florentin Lambert rue S. Jacques a tous les Jefuites , qui ont facilité
l’Image S. Paul 16S4. L’Auteur de leurs vies pour le falut des Peuples
ce petit Ouvrage , neft pas le P. du Canada ; mais en très-peu de mots,
Pierre Boucher , Jefuite , comme l’a 8c fans aucun détail. Il n’en eft pas de
cru M. 1 Abbe Lenglet du Frefnoy , même de l’Ouvrage fuivant.
mais le Sieur Pierre Boucher, Gou- Afortes illujlres & gefia eorum , de Afcr-
verneur des Trois Rivières , un des Societatc’jzûi , qui in odium Ftdei ab fadad,'
premiers Habitans de la Nouvelle Ethnicis, Hareticis, vel aliis, igné , fer- - - —
France , qu imitateur de la fimplicité ro , aut morte ali a necati , arumnifve l66y'
& de la pieté des Patriarches, il a par- confetti funt j Autore Philippo Ale-
ticipe aux bénédictions , que Dieu a gambe, Bruxellenji ; exeadem Societa-
repandués fur eux , ayant vû fa nom- te .* extremos aliquot annos, mortefque il-
4 breufe & flonflante poftérité jufqu’à luftres , ufque ad annurn 1664. adjecit
? la cinquième génération. Il eft mort Joannes Nadafi , eju/dem Societaüs
âge de près de cent ans , 8c fa veuve , Jefu , Ronu 1 66 7. Folio,
qu^ lui a fut vécu de quelques années , Toutes ces vies font écrites avec
a vu les petits Fils de fes petits Fils. Il beaucoup d’ordre , 8c fur de bons
avoir ete député à la Cour pour repre- Mémoires -, piufieurs mêmes font fort
enter les befoins fpirituels 8c tempo- détaillées. On y trouve prefque tou-
relsdela Colonie, 8c ce fut dans ce tes celles des Jefuites, qui ont péri
voyage , qu il fit imprimer la petite d’une mort violente dans l’exercice
relation, dont il s’agit , & qui ne de leur Miniftére au Canada,
comprend qu une notice affez fuper- Description géographique & hiflori- Denys.
naelle , mais fort fidèle du Canada, que des Cotes de P Amérique Septen- - -
h, Htjtoria Canadenjîs , feu nova Fr an- monnaie , avec P Hiftoire naturelle du l67U
dX' cu * Libri decem ad annum ufque 16 $6. Pays ; par M. Denys, Gouverneur ,
é4. y^utore Creuxio é So- Lieutenant Général pour le Roy y pf pro -
cietate Jefu , in-quarto, Parijiis , apud prietaire de toutes les Terres c ’f Ijles ,
Sebajhantm Cramoify, & Sehajlianum qui font depuis le Cap de Campfeaux\
g ij
—
Hudfon.
1673.
Tanner,
**73.
LISTE DES AUTEURS.
üj.
jufquaa Cap des Rofiers. Deux Volumes
in- douze , à Paris chez Claude Bar-
bin 1672. L’Auteur de cet Ouvrage
étoit un homme de mérite , qui eût
fait un très-bon établiffement dans la
Nouvelle France , s’il n’eût point été
traverfé dans fes entreprifes , 8c qui
ne dit rien , qu’il n’ait vû par lui-mê¬
me. Il nous donne dans fon premier
Volume une defeription fort exaéte
de tout le Pays , qui s’étend depuis
la Riviere de Pentagoct , en fuivant
la Côte, jufqu’au Cap des Rofiers, qui
eft la pointe méridionnale de l’em¬
bouchure du Fleuve S. Laurent. Le
fécond Volume comprend l’Hiftoire
naturelle du même Pays , 8c en par¬
ticulier tout ce qui regarde la pêche
de la morue. L’Hiftorien y traite en
peu de mots des Sauvages de ces
Cantons, de la nature 8c des richefîes
du Pays , des Animaux , des Rivières,
de la qualité des bois : 8c il y a ajoûté
quelques traits hiftoriques touchant
les établiffemens de ceux , qui parta-
geoient avec lui la propriété & le
Gouvernement de l’Acadie 8c des en¬
virons.
Defcriptio ac delineatio geographica
détection is Freti , fivetranfitûs ad Occa -
funi fupra terras Americanas in Chinam
inventi ab Henrico Fludfon. Amfielo-
dami 16 73 . in quarto. L’Auteur, com¬
me il paroît par le titre de cet Ouvra¬
ge , fe flattoit que le paffage à la Chi¬
ne étoit trouvé par le Détroit d’Hud-
fon. Mais on a reconnu dans la fuite
qu’il étoit encore bien loin de fon
compte.
Societas Jefu ufque ad fanguinis pro-
fufionem in Europa , A fia , Africa &
America militant , five vit a & mortes
eorum , qui in causa Fidei inter empti
funt , cum iconibus fingulorum. Autore
Mathiâ Tannero S. J. Pragœ. 16 j 3.
folio. On trouve dans cet Ouvrage
l’Hiftoire plus abrégée, ou plûtot l’é¬
loge de quelques-uns des mêmes Mil¬
lionnaires du Canada , dont les PP.
Alegambe 8c Nadafi ont parlé plus
amplement 8c plus hiftoriquemenr.
Motifs de la Société de Montreal . ^ Soci
Brochure in-quarto. A Paris , fans nom l(faL 0
d’imprimeur. 1674. Cette brochure -
expofe les motifs , qui ont porté plu- l6n
fleurs perfonnes de pieté à faire à
Montreal un établiüement , lequel
avoit pour objet principal la conver-
fion des Sauvages, 8c la confervation
de ceux , qui étoient déjà Chrétiens.
La Vie de la vénérable Mere Marie
de l’Incarnation , première Supérieure tin.
des Urfulines de la Nouvelle France , ti-
rée de fes lettres & de fes écrits , in- 1671
quarto , a Paris , chez Louys Billaine
1 677. L’Auteur eft D. Claude-Mar¬
tin , fils de la Mere Marie de l’Incar¬
nation *, fon Ouvrage n’a d’autre dé¬
faut , que de contenir bien des cho-
fes étrangères au fujet. C’eft ce qui
m’a engagé en 1724.de publier une
nouvelle Vie de . cette excellente Re-
ligieufe , qui fut nommée la Sainte
Therefe de France , 8c dont nous
avons plufieurs ouvrages. Cette nou¬
velle Vie fut imprimée à Paris chez
Briaflon in-ottavo. Au refte dans l’un
8c l’autre Ouvrage c’eft prefque tou¬
jours la Mere de l’Incarnation , qui
raconte elle - même tout ce qui s’eft
paffé entre Dieu 8c elle , 8c qui rap¬
porte les divers évenemens de fa vie ,
à ppu près comme a fait Sainte The¬
refe.
Lettres de la Mere Marie de Fin- , f*3
carnation , première Supérieure des IJr- Carna-
fulines de la Nouvelle France , in-quar- tion’
to, a Paris , chez Louys Billaine 1 68 1 . '
Ces letttes , qui font bien écrittes & 1
dignes de la grande réputation de
fainteté , d’efpnt , 8c d’habileté dans
toutes fortes d’affaires , 8c furtouc
LISTE DES
dans la vie fpirituelle de cette Fem¬
me admirable , contiennent plufieurs
faits hiftoriques , arrivés pendant les
trente-deux années , qu’elle a vécu au
Canada , où elle prit terre en 1640.
Citry ie Hijloire de la conquête de la Floride
^Gucc' par un Gentilhomme de la Fille d’El-
JL _ _ vas , traduite en François par M. Citry
168,-. de la Guette , à Paris in-douz.e 1 6^ 5 5 .
Cet Ouvrage contient à peu près les
mêmes choies, que celui de Garcilafib
de la Vega , dont j’ai parlé plus haut ,
ôc n’eil pas moins eftimé. La tradu¬
ction l’eit auiîi beaucoup.
Mar- Découverte de quelques Pays & Na-
«juccre. fions de P Amérique Septentrionnale.
“ C’eft le Journal , que fit le P. Mar-
7‘ quette, Jefuite, de ion voyage du Mi-
cilîipi , lorfqu’il découvrit ce grand
Fleuve en 1673. avec le Sieur Joliet.
On le trouve dans un Recueil des voya¬
ges de M. Thevenot dédié au Roy , &
imprimé a Paris chez. Thomas Moette ,
rue de la Fie Ole Bouderie à S. Michel.
in-quarto 1687.
Henn’. Defcription de la Louyfiane nouvelle ?
pin. ment découverte au S. O. de la N. Fran-
ce par ordre du Roy , avec la Carte du
Pays des moeurs & la maniéré de vivre
des Sauvages , dédiée à Sa Majejlé par le
P. Louys Hennepin Miflionnaire Re¬
collet & Notaire Apoftolique. In-douze,
a Paris chez, Amable Auroy , rue S.
Jacques a P Image S. Jerome 1683.
Le P. Hennepin avoir été fort lié
avec M. de la Sale , & l’avoit fuivi
aux Illinois , d’où ce Voyageur l’en¬
voya avec le Sieur Dacan remonter ie
Micillipi. C’eft ce voyage , qu’il dé¬
crit ici. Le titre, que porte cet Ouvra¬
ge , n’elt pas jufte ; car le Pays , que
le P. Recoller ôc le Sieur Dacan décou¬
vrirent en remontant ce Fleuve, de¬
puis la Riviere des Illinois jufqu’au
Sauit Saint Antoine , n’eft pas de la
Louyfiane, mais de la Nouvelle Fran-
A U T E U R S. lüj
ce. Celui d’un fécond Ouvrage du P.
Hennepin , qui fe trouve dans le V.
Recueil des voyages au Nord, ne l’eft
pas davantage , il porte : Foyage en
un P ays plus grand que P Europe entre la
Mer glaciale & le Nouveau Mexique.
Car fi loin qu’on ait remonté le Mi-
cifïîpi, on a encore été bien éloigné de
la Mer glaciale. Lorfque l’Auteur pu¬
blia cette fécondé relation , il étoit
brouillé avec M. de la Sale. Il paroîc
même qu’il avoit défenfe de retour¬
ner dans l’Amérique , & que ce fut le
chagrin , qu’il en conçut , qui le porta
à s’en aller en Hollande , où il fit im¬
primer un troifiéme Ouvrage inti¬
tulé : Nouvelle defcription d’un très-
grand Pays fitué dans l’Amérique en¬
tre le Nouveau Mexique & la Mer
glaciale , depuis Pan 1670. jufquen
1 682. avec des Reflexions fur les entre -
prifes de M. Cavelier de la Sale , &
autres chofes concernant la defcription &
P H ifloire de l’Amérique Septentrionna¬
le. In-douze, d JJtrecht 1 697. L’année
fuivante on le réimprima au même
endroit en deux Volumes, fous le ti¬
tre ,• F oyage , ou decouverte d’un très-
grand Pays , ôcc. Au relie l’un & l’au¬
tre ne font que des éditions augmen¬
tées du fécond Ouvrage de l’Auteur.
Il n’y décharge pas feulement fon
chagrin fur le Sieur de la- Sale , il le
fait encore retomber fur la France ,
dont il fe croyoit maltraité , & croit
fauver fon honneur en déclarant qu’il
etoit né fujet du Roy Catholique.
Mais il devoit fe fouvenir que c’étoit
aux frais de la France , qu’il avoit
voyagé dans l’Amérique , & que c’é¬
toit au nom du Roy Très-Chrétien ,
que lui & le Sieur Dacan avoient pris
poffellïon des Pays , qu’ils avoient dé¬
couverts. Il ne craignit pas même d’a¬
vancer que c’étoit avec l’agrément du
Roy Catholique , fon premier Sou-
M. de S
Valier.
1688.
liv LISTE DES AUTEURS.
verain, qu’il dédioit ion Livre au Roy
d’Angleterre Guillaume III. de qu’il
foliicitoit ce Monarque à faire la con¬
quête de ces vaftes Régions , à y en¬
voyer des Colonies , & à y faire prê¬
cher l’Evangile aux Infidèles -, démar¬
che , qui fcandalifa les Catholiques ,
de fit rire les Proteftans mêmes , fur-
pris de voir un Religieux , qui fe di-
foit Millionnaire de Notaire Apofto-
lique , exhorter un Prince Hérétique
à fonder une Eglife dans le Nouveau
Monde. Du refte tous ces Ouvrages
font écrits d’un ftyle de déclamation ,
qui choque par fon enflure, de ré¬
volté par les libertés , que fe donne
l’Auteur , de par fes inventives in¬
décentes. Pour ce qui efl du fond
des chofes , le P. Hennepin a cru pou¬
voir profiter du privilège des Voya¬
geurs : Aulli eft-il fort décrié en Cana¬
da , ceux qui l’avoient accompagné ,
ayant fo uvent protefté qu’il n’étoit
rien moins que véritable dans fes
Hiftoires.
j Etat prefent de l’ Eglife & de la Co¬
lonie Françoife dans la Nouvelle Fran¬
ce , par M . l'Evêque de Québec , oéta-
vo , à Paris , chez, Robert Pepie , rué-
S. Jacques à S. Bafile. 1688. M.deS.
Valier ayant été nommé à l’Evêché de
Quebec , vacant par la démillion de
M. de Laval , voulut, avant que d’ê¬
tre facré , prendre connoilfance de
fon Diocéfe , de s’embarqua en 1685.
pour le Canada. L’année fuivante il
retourna en France , de compofa en
forme de lettre une relation de fon
voyage, où il expofoit la fituation pre-
fente de la Nouvelle France. Ce pe¬
tit Ouvrage eft bien écrit , de digne
de fon Auteur , qui a gouverné plus
de quarante ans cette Eglife , de y a
laide d’illuftres marques de fa chari¬
té , de fa pieté , de fon défintéreffe-
ment de de fon zélé.
Premier etablijfement de la Foy dans te
la Nouvelle France , contenant la pu - Ciercq‘
blication de l’Evangile , l’HiJloire des l6?u
Colonies Françoifes , & lesfameufes dé¬
couvertes depuis le Fleuve S. Laurent ,
la Louyfiane , & le Fleuve Colbert , juf
qu au Golphe Mexique , achevées fous la
conduite de feu M. de la Sale, par or •
dre du Roy j avec les victoires remportées
en Canada par les armes de Sa Majefté
fur les Anglois & les Iroquois en 1690.
dédié à M. le Comte de Frontenac ,
Gouverneur & Lieutenant Général de
la Nouvelle France s par le P. Chré¬
tien le Clercq , Mijfionnaire Recollet
de la Province de S. Antoine de Pade en
Artois , Gardien des Re collets de Lens ,
deux volumes in-douze , a Paris , chez,
Amable Auroy , rue S. Jacques à S.
Jerome . 1691. Cet Ouvrage, où l’on
a lieu de croire que le Comte de
Frontenac a mis la main , eft com¬
munément aflez bien écrit , quoiqu’il
y régné un goût de déclamation , qui
ne prévient pas en faveur de l’Au¬
teur. Le P. le Clercq n’y traite guère
des affaires de la Religion , qu’autant
que les Religieux de fon Ordre y ont
eu part \ de l’Hiftoire de la Colonie ,
que par raport au Comte de Fronte¬
nac ; de des découvertes , que de cel¬
les , où fes Confrères avoient accom¬
pagné le Sieur de la Sale.
Nouvelle Relation de la Gafpefie , qui
contient les moeurs & la Religion des
Sauvages Gafpefiens , porte - Croix ,
adorateurs du Soleil , & d’autres Peu¬
ples de l’Amérique Septentrionnale ,
ditte Canada , dédiée à Madame la
Princefie d’Epinoy , par le P. Chrétien
le Clercq, Miffionnaire Recollet de la
Province de S. Antoine de Pade en Ar¬
tois, & Gardien du Couvent de l,ens, in-
douze , a Paris , chez, Amable Auroy ,
rué S. Jacques a l’image S. Jerome. 1691.
Une Cote déferte, quelques petites
LISTE DES
Ifles , 8c des Havres, où l’on fait la
pêche y des Sauvages , qui vont 8c
viennent de l’Acadie 8c des envi¬
rons j voilà ce que c’eft que la Gaf-
pelîe , 8c les Gafpefiens , que l’Au¬
teur appelle Porte - Croix , fur une
faulfe tradition ; 8c ce n’eft pas de
quoi remplir un Volume de 600. pa¬
ges de chofes fort intérelfantes.
La lion- Voyages du Baron de la Hontan
ua- dans l’ Amérique S eptentrionnale , qui
~ contiennent une relation des dijferens
Peuples , qui y habitent ; la nature de
leur Gouvernement , leur commerce , leurs
coutumes , leur Religion , & leur maniè¬
re défaire la guerre : P intérêt des Fran¬
çois & des Anglais dans le commerce ,
qu'ils font avec ces Nations : l’avantage ,
que l’ Angleterre peut retirer de ce Pays
étant en guerre avec la France. Le tout
enrichi de Cartes & de figures. In-i z.
Mémoires de l'Amérique Septen-
trionnale , ou la fuite des voyages de M.
de la Hontan , qui contiennent la def-
cription d'une grande étendue de Pays de
ce Continent , l’intérêt des François &
des Anglais , leur commerce , leurs navi¬
gations , les mœurs & les Coutumes des
Sauvages , &c. avec un petit Diiïion-
naire de la Langue du Pays . Seconde
édition augmentée d'une converfation de
l'Auteur y avec un Sauvage diftingué ;
Volume in-douze , a Amjlerdam ,par
Jonas l’Honnoré a la Haye 1705.
L’Auteur, quoi qu’homme de con¬
dition, fut d’abord Soldat en Canada.
Il fut fait enfuite Officier , 8c ayant
été envoyé en Terre-Neuve en qua¬
lité de Lieutenant de Roy de Plai-
fance , il fe brouilla avec le Gouver¬
neur , fut cafte , 8c fe retira d’abord
en Portugal, enfuite enDannemarcK.
La grande liberté, qu’il a donnée à fa
fdume, a beaucoup contribué à faire
irefon Livre , 8c l’a fait rechercher
avec avidité par tout , où l’on n’étoit
AUTEURS. Iv
pas à portée de fçavoir que le vrai y
efl tellement confondu avec le faux ,
qu’il eft néceftàire d’être bien inftruit
del’Hiftoire du Canada, pour l’en
demeler , 8c que par coniéquent il
n’apprend rien aux uns , & ne peut
que jet ter les autres dans l’erreur. En
effet prefque tous les noms propres y
font eftropiés , la plupart des faits y
font défigurés , 8c l’on y trouve des
épifodes entiers , qui font des pures
fictions , tel qu’eft le voyage fur la Ri¬
vière Longue , auffi fabuleufe que l’If
le Barataria , dont Sancho Panfa fut
fait Gouverneur. Cependant en Fran¬
ce 8c ailleurs le plus grand nombre a
regardé ces Mémoires comme le
fruit des voyages d’un Cavalier , qui
ecrivoit mal , quoi qu’aftez legere-
ment, 8c qui n’avoit point de reli¬
gion , mais qui racontoit affez fincé-
rement ce qu’il avoit vu > d’où il eft
arrivé que les Auteurs des Diétion-
naires Hiftoriques 8c Géographiques
les ont prefque toujours fui vis & cités
preferablement aux autres Mémoi¬
res plus fidèles , qu’ils ne fe font pas
même donné la peine de confulter.
On leur a rendu plus de juftice en Ca¬
nada , ou l’Auteur pafte communé¬
ment pour un Romancier.
On a retranché dans cette édition
le voyage de Portugal 8c de Danne-
marcK , où le Baron de la Hontan fe
fait voir auffi mauvais François , que
mauvais Chrétien , 8c l’on y a retou¬
che fon ftyle embarrafte 8c fouvent
barbare. Il s’en faut pourtant bien
cjue ce foit encore un Ouvrage bien
écrit. C’eft peut-être la conformité
de ftyle , qu’on y remarque avec ce¬
lui de l’Atlas de Geudreville, qui a
fait juger que c’étoit par les mains de
ce Moine Apoftat , qu’il avoit pafte.
Le Dictionnaire de la Langue du
Pays , annonce dans le titre , comme
iyn-
I7js.
îvj LISTE DES AUTEURS.
s’il n’y avoit qu’une Langue en Ca- fus. Volumes in-douze. Dans le dixie- “
nada , n’eft qu’un alTez méchant vo- me volume imprimé à Pans chez
tabulaire de la Langue Algonquine 3 Jean Barbou , rue S. Jacques aux Ci-
&les converfations avec le Sauvage gognes 1712- R y a une lettre du P,
Adario , n’eft qu’une fuppofttion de Gabriel Marée , ou il décrit le voya-
p Auteur , qui a voulu nous appren- ge , qu il avoit fait en 1694. avec M.
dre ce qu’il penfoit fur la Religion. d Iberville a la Baye d Hudfon , <X
jOUVen- HiftorU Societatis Jefti pars quinta , cette lettre contient plufieurs parti -
1. Tomus pofterior ab anno Chrifti 1591. cularites touchant ces quartiers Sep-
ad annum 1616. Autore Jofepho Ju- tentrionnaux. ^ ^
Î7I0‘ vencio , Societatis ejufdem Sacerdote. Dans l’onzieme , imprime a Pans
Folio , Rom& 1710. chez Nicolas le Clerc , rue S. Jacques
On ne trouve dans cet Ouvrage , en 1 7 1 5 . Il y a une autre lettre du
par rapport à mon Hiftoire , que l’ex- même Millionnaire , dattée du neu-
pédition des Jefuites en Acadie 8c à viéme de Novembre 1712. du Pays
Pentagoet en i6n> C’eft au livre des Illinois. Elle contient diverfes
XV. à k fin duquel l’Auteur donne en circonftances de l’établiflement des
abrégé une notice du Canada 8c des François, 8c de la Religion Chrétien-
Sauvages , tirée des relations des Je- ne parmi ces Sauvages , dont une par¬
fîtes. . tie étoit deflois fur le Miciftipi.
joutei. Journal hiftorique du dernier voyage , Dans le douzième , imprime chez
- - 1 que feu M.. de la Sale fit dans le Gol- le même en 1717. on en trouve une
171 ** phe Mexique pour trouver T embouchure du P. le Cholenec, Millionnaire par-
de la Riviere de Miciftipi , nommée d mi les Iroquois , fur la vie 8c la iain-
prefent la Riviere de S. Louys , qui tra- teté de Catherine Tegahkouita , Vier-
verfela Louyfiane ; ou l'on voit lJ Hiftoi- ge Iroquoife, furnommée la Bonne
re tragique défit mort , ô* plufeurs cho- Catherine , 8c dont le tombeau eft
fes curieufes du JVouveau JUonde par devenu célébré par un grand nom**
M. Joutei , l’un des Compagnons de ce bre de miracles.
voyage i rédigé & mis en ordre , par AJ. Dans le treizième, imprime chez
de Michel , petit in-douze. A Taris , le même en 1720. il y en a une autre
chez. Etienne Robinot , Quay des Au- du P. le Cholenec , où ce Miflion-
guftins , d l’Ange Gardien 171 3. J’ai naire rapporte la mort précieufe de
vu M. Joutei à Rouen en 172 3 . C’étoit quelques Néophytes Iroquois.de l’un
un fort honnête homme , 8c le feul 8c de l’autre fexe , qui ont enduré les
de la Troupe de M. de la Sale , fur fupplices les plus affreux , 8c donné
qui ce célébré Voyageur pût comp- leur fang pour J. C.
ter j auffi Joutei lui a-t-il rendu d’im- Dans le dix - feptieme , imprime
portans fèrvices. Il fe plaignoit qu’en chez le même 8c chez le Mercier Fils
retouchant fon Ouvrage , on Pavoit en 1736- on trouve une lettre du P.
un peu altéré. Mais il ne paroît pas Sebaftien Rafle, écritte de la Million
qu’on ait fait de changemens eflen- de NarantfoaK, où il y a un détail cu-
ûols, rieux de ce qui s’eft pafle entre les
Lettres édifiantes & curieufes écritte s Anglois 8c les Sauvages Abenaquis
tdifian-* ^es Afifïons étrangères par quelques au lujet du Traite d Utrecht ,jufqu a
«s. JWiJfionnaires de la Compagnie de Je- la mort de ce Miftionnaire , qui avoit
déjà
: ; LISTE DES
déjà été tué par les Anglais , lorfque la
lettre arriva en France. Une autre let¬
tre du P. de la Chafle, Supérieur gé-
neral des Millions de la Compagnie
de Jefus dans la Nouvelle France ,
écritte de Quebec le 29. Oéfcobre
1724. & qui eft inférée dans le mê¬
me Volume , nous apprend les cir-
conftances de cette mort.
Le vingtième Volume , imprimé
chez les mêmes Libraires en 1731.
nous inftruit dans l’Epitre dédicatoi-
re du P. du Halde , & dans une lettre
du P. le Petit Supérieur des Jefuires
delà Louyfiane, delà mort de deux
Millionnaires Jefuites , mafïacrés par
les Yafous & les Nathez avec un très-
grand nombre de François. Le P. le
Petit nous y donne aulîi une notice
alfez détaillée de la Nation de Na¬
thez.
Dans le vingt-troifiéme, imprimé
chez G. le Mercier rue S. Jacques au
Livre d’or en 1738. il y a une lettre
du P. Rafles, écritte quelque tems
avant fa^mort , ou il rapporte plu-
fieurs coutumes & maniérés de diffe¬
rentes Nations Sauvages , parmi lel-
quelles il avoit vécu.
ZS. Rccueil des voyages au Nord , conte-
— nam divers Mémoires nés - utiles au
f. commerce & a la navigation. Trois Vo-
lûmes in-douze a Amjlerdam chez, Fré¬
déric Bernard 1715. réimprimé chez
les memes avec une augmentation de
cinq autres Volumes. On trouve par
rapport aux fujets, que je traite ; dans
le troifiéme Volume , 10. une relation
de Terre-Neuve traduite de PAngloisde
V'hite , enrichie Tune très-belle Carte
de Guillaume de l’Me de tout l’hémif-
pherc Sypientrionnal. Cette relation eft
aflez mftrudive pour la pêche des
Moi ucs 5 qui fait toute la richeflede
1 Ifle de Terre-Neuve. L’Auteur parle
enfuite de 1 Ifle Royale, nommée alors
fuie de Cap Breton , mais il 11’en pa-
A U T EUR S. Jvij
roît pas bien inftruit. 2°. Un Mémoire
touchant Terre-Neuve & le Golphe de
S. Laurent , extrait des meilleurs Jour¬
naux de Mer par r Auteur de la Rela¬
tion precedente. Ce Mémoire eft: pa¬
reillement accompagné d’une Carte*,
& il n’eft proprement lui-même qu’un
routier , où le gifementàsts Terres pa¬
raît aflez exactement marqué.
Tout le cinquième Volume a rap¬
port à mon Hiftoire , mais je n’en ai
pas tire beaucoup de fecours. Il com¬
prend 1 o. une relation de la Louyfiane >
ou Micijjipi , écritte à une Dame par
un Officier de Marine , fçrt honnête
homme , & qui ne dit guère que ce
qu il a vu , ou appris fur les lieux ÿ
mais il n’a pàs eu le tems de s’inftrui-
re beaucoup de la nature du Paysj
encore moins de l’hiftoire de la Co¬
lonie.
20. Relation de la Louyfiane , ou du
Micijfipi par le Chevalier deTonti,
Gouverneur du Fort de S. Louys aux
I llinois. Cet Officier étoit bien capable
de nous donner de fort bons Mémoi¬
res touchant cette Colonie , à 1 eta-
bliflèment de laquelle il a travaillé
plus que perfonne ; mais il a défavouc
cette Relation , qui ne lui ferait hon¬
neur par aucun endroit.
3 °- V juge en un Pays plus grand que
PEurope , &c. J’ai parlé ailleurs de
cet Ouvrage du P. Hennepin,
4°. Relation des voyages de Gofnol ,
Prince & Gilbert a la Virginie en 1602,
& 1605. Ce n’eft qu’un Journal de
Marine , qui peut être de quelque
utilité aux Pilotes.
5 °. Relation du Détroit & de la Baye
d Hudfon par M, Jeremie. J’ai con¬
nu l’Auteur , qui étoit un fort hon¬
nête homme , & un habile voyageur.
Ce fut lui , qui après la paix d’U-
trecht remit aux Anglois le Fort Bour¬
bon , ou Port-Nelfon , dans la Baye
d Hudfon 3 ou il commandoit depuis
h
LaPo-
thcrie.
1711.
Laffiiau
17x3.
Iviij LISTE DES
fix ans. Sa Relation eft fort inftru&i-
ve , 6c judicieufement écritte.
6°. Les trois navigations du Cheva¬
lier Martin Frobisher. Ce Navigateur
avoit été chargé par la Reine d’An¬
gleterre Elizabeth de chercher un
chemin au Japon & à la Chine par le
Nord du Canada : il fit pour cela à
grands frais trois tentatives très-inu¬
tiles , fi ce n’eft qu’il découvrit plu-
lieurs Pays au Nord de la Baye d’Hud-
fon.
Hifioire de l’Amérique Septentrion-
nale par M . de Bacqueville de la Po-
therie , né à la Guadaloupe dans l Amé¬
rique Méridionnale , Aide-Major dans
ladite Ijle. Quatre Volumes in-douze
enrichis défigurés : a Paris chez, Jean
Luc Nion au premier Pavillon des qua¬
tre Nations , a Sainte Monique , &
François Didot , a l’entrée du Quay des
Auguflins a la Bible d’or 1712. Cet
Ouvrage , qui eft écrit en forme de
lettres, excepté le fécond Volume ,
qui eft diftribué par Chapitres, renfer¬
me des Mémoires alfez peu digérés 6c
mal écrits fur une bonne partie de
PHiftoire du Canada. On peut comp¬
ter fur ce que l’Auteur dit comme té¬
moin oculaire ; il paroît fincere 6c
fanspaftion , mais il n’a pas toujours
été bien inftruit fur le refte.
Mœurs des Sauvages Amériquains
comparées aux mœurs des premiers tems ,
par le P. Laffitau de la Compagnie de
Jefus. Ouvrage enrichi défigurés en tail¬
le douce. Deux Volumes in-quarto : a
Paris chez. Saugrain l’aîné , & Charles -
Eftienne Hochereau 172}. L’année
fuivante cet Ouvrage fut réimprimé
à Rouen alfez mal en quatre Volumes
in-douze , au nom des mêmes Librai¬
res. On y trouve un grand détail des
mœurs, des coutumes 6c de la religion
des Sauvages de l’Amérique , furtout
de ceux du Canada , que l’Auteur
avoit vus de plus près, ayant été Mif-
AUTEURS.
fionnaire parmi les Iroquois. Auflî
n’avions-nous rien de fi exaét iur ce
fujet. Le parallèle des anciens Peu¬
ples avec les Amériquains a paru fort
ingénieux , 6c fuppofe une grande
connoilfance de l’antiquité. I
Enfayo cronologico para la Hifioria
general de la Florida defde el ado de
1512. que defcubrio la Florida Juan
Ponce de Leon , hafla al de 1722. ef-
critto por D. Gabriel de Cardenas Z.
Cano. de die ado al Principe nueftro Se -
nor. En Madrid en la ojficina Real y à-
cofta de Nicolas Rodriguez Franco
Imprefor de Libros. Folio. Ado de
1 7 2 3 . Le nom de l’Auteur, que porte
ce titre , eft un nom feint *, l’Ouvrage
eft de D. André Gonzalez de Bar-
cia de l’Academie Efpagnole , Audi¬
teur du Confeil Suprême de la guerre,
6c Préfident de la Sale, un des plus fça-
vans hommes d’Efpagne. Comme il
comprend fous le nom de Floride
tout le Continent 6c les Mes adja¬
centes de P Amérique Septentrion*
nale , depuis la Riviere de Panuco ,
qui borne le Mexique a 1 Orient ,
il rapporte par année tout ce qui eft
arrivé dans ces vaftes Contrées de¬
puis 1512. jufqu’en 1722. Ainfi il
parle de tous les Pays, dont je donne
l’hiftoire.
Chryjîs del Enfayo cronologico para la sato
hifioria general de la Florida , por un F 0- ”
rafiero. In-quarto. EnAlcala de Hena-
rez 1725. C’eft une critique peu me-
furée de l’Ouvrage précédent. L’Au¬
teur y reprend allez bien quelquefois,
mais il paroît picqué 6c ne ménagé
point les termes 1 cet Auteur , degui-
fé fous le nom d’un etranger , eft D.
Jofeph de Salazar , Chevalier de S.
Jacques , du Conleil des Ordres du
Roy , Hiftoriographe d’Efpagne ÔC
des Indes. Garc
Origen de los Indios de el Nuevo Mon- Barcia.
do ÿ e Indus Occidentales , ayeriguado
17**
LISTE DES
€ûH difcurfo de opimones , por el Pedro
pre font ado Fr. Gregono Garcia de la
Orden de Predàcadores. Tratan fe en efie
Libro varias cofasy puntos curiofos , to¬
cantes à diverfas ciencias , y facultades ,
conque fe varia hiftoria de nrncho gufto
para el ingenio y entendimientodehom-
bres agudos y curiofos. Segunda impre-
fion emendada , y anadida de algunas
opiniones , o cofas notables , en mayor
prueba de lo que contiene , con très ta¬
blas mui pontuales de los capitulos , de
las materias ,y Autores , que las tra -
ten : dirigido al Angelico Dottor S.
Thomas de Aquino , con privilegio
real. En Madrid, en la imprefa de
Francifco Martinez Abad. Folio.
1729.
L’Ouvrage du Pere Garcia impri¬
mé en 1 6 07. à Valence en Efpagne ,
en un volume in-quarto,vcvtc les addi¬
tions de l’Editeur , qui eft l’Auteur de
l’Enfayo Cronologico para la Hijloria
general de la Florida , eft devenu un
Volume in-folio à deux colonnes. Aufti
tout ce qu’on a jamais imaginé fur
l’origine des Amériquains , ôc fur la
maniéré, dont ce Nouveau Monde a
été peuplé , s’y trouve ramafté , & ex-
pôle avec une érudition infinie , mais
qui n’eft pas toujours nécelfaire.
'S- Methode pour étudier I Hijloire , avec
y. K un catalogue des principaux Hiftoriens ,
■ ' & des remarques fur la bonté de leurs
Ouvrages , & fur le choix des meilleures
éditions , par M. l’Abbé Lenglet du
Frefnoy , nouvelle édition , augmentée &
ornée de Cartes géographiques. A Paris
chez. Pierre Gandouin, Quay des Au-
guftins , a la Belle Image. Quatre Vo-
lumes in-quarto. Tout ce que l’on peut
dire de cet Ouvrage par rapport à
mon fuiet , c eft que l’Auteur eft bien
peu au fait de l’Hiftoire du Nouveau
Monde , & de ceux , qui en ont écrit
efty. julqu’a prefent.
3 ». The natural Hiftori , ôcc. Hijloire
AUTEURS. Jix
naturelle de la Caroline ,’de la Floride &
des IJle s Bahama , contenant les Dejfeins
des Oifeaux , Animaux , Poijfons , Ser-
pens, Infedes & Plantes : & en particu¬
lier des arbres des Forets , arbrijfeaux &
autres Plantes , qui n ont point été décri¬
tes jufqu à prefent par les Auteurs , ou peu
exactement dejfmés , avec leur defeription
en François & en Anglois ; a quoi on a
ajouté des Obfervations fur l’Air , le Sel
& les Eaux i avec des Remarques fur
l' Agriculture , les Grains , les Légumes,
les Racines , &c. Le tout eft précédé d’une
Carte nouvelle & exacte des Pays, dont i!
s’agit , par M. Catelby , de la Société
Royale. T. I. Londres 1731. & fe vend
à Paris chez. Hippolyte - Louis Guérin ,
rue S. J acques, a S. Thomas. Il en a paru
depuis un fécond volume. Les Figu¬
res font toutes avec les couleurs natu¬
relles. La plupart des Animaux &c des
Plantes , dont il y eft parlé , fe trou¬
vent dans la Nouvelle France,ou dans
la Louyfiane.
Introduction a l’Hiftoire de l’Afte , de
l Afrique & de l’ Amérique , pour fer vir _ -
de fuite a l Introduction a l’ Hijloire du »7$f«
Baron de Pufendorf , par M. Bruzen la
Martiniere , Géographe de Sa Majefté
Catholique. A Amfterdam , chez. Za¬
charie Châtelain , deux volumes in-dou-
ze 1 7 5 5 . Dans le fécond volume de
cette continuation l’Auteur parle
avec beaucoup de précifion & d exa¬
ctitude des découvertes 8c des éta-
blilfemens des François , Anglois,
Hollandois, Suédois , & Danois dans
les Ifles & le Confinent de l’Améri¬
que Septentrionnale. Il tranche néan¬
moins un peu court fur l’Hiftoire de
la Nouvelle France. Il n’a pas non
plus fuivi les meilleurs Mémoires fur
la découverte du Miciftipi , non plus
que fur les découvertes ôc les établit-
lemens des Anglois dans le Nord du
Canada , Sc Spécialement dans la
Baye d’Hudlon.
h ij
\
Lenglet
du F ref-
noy.
J7J6.
LeonPi
nelo
Barda.
J737'
Ix LISTE DES AUTEURS.
Aiétkode pour étudier la Géographie , critique des Auteurs , qu'il ne sftrft
ou l’on donne une defcriptionexatte de IV- pas permife. Il eft étonnant que , cet
nivers, formée fur lesobfervations del’A- article retranché, l’Ouvrage ait fi
cadémie Roiale des Sciences, avecunDif- prodigieufement groffi entre fes
cours préliminaire fur l’étude de cette mains j mais il auroit pu s’épargner
fcience, & un catalogue des Cartes géo- au moins les trois quarts de la peine >
graphiques, desrelations, vdiages, & def qu’il a prife , en fe bornant aux Ou-
criptions les plus nécejfaires pour la Géo- vrages imprimés 8c manufcrits, qu’on
graphie. Par M. l’Abbé Lenglet duFref- doit s’attendre de trouver dans une
noy , cinq volumes in-douz.e , fécondé pareille Bibliothèque , en lui otant
édition. A Paris chez. Rollin fils & de même le titre d’Ejaitome , qui ne con-
Bure l’aîné , Quay des Auguftins 173 6. vient nullement a celle ci. Au relie
Il s’en faut bien que l’exécution de on y trouvera beaucoup d’ordre. Les
cet Ouvrage réponde aux promelfes Auteurs y font aifés à trouver dans les
annoncées dans le titre , 8c aux re- Tables , & rangés dans le corps du
flexions judicieufes de l’Auteur dans Livre fous le titre des Pays , dont ils
fon difcours préliminaire. M. l’Abbé ont parlé ; mais les noms propres y
Lenglet du Frefnoy femble n’avoir pas font fouvent défigurés,
même lu les Livres, qu’il cite tou- Principes de l’Hifloire pour V educ a-
chant l’Hiftoire du Nouveau Mon- tion par années & par leçons , par M. noy.
de, 8c ne choifit pas bien toujours l’Abbé Lenglet du Frefnoy. Six volu -
ceux , qu’il doit citer. mes in-douze. Première année a Paris
Epitome delà Bihliotheca Oriental y chez. Mufle r Pere , Quay des Auguf t
Occidental , nauticay geograpbica de I). tins à l’Olivier 1736. Seconde & trot-
’ Antonio de Leon Pinelo , del Confejo fiéme année , chez, le même deux volumes
de Su Mageftad en la Cafa de la Con- 1757. Quatrième année , chez. Rollin
tractation de Sevilla,y Coronifla May or Fils , Quay des Auguf ins a S . Athana-
de las Indtas y anadido y enmendado fe 1737. Cinquième année , chez, de
nuevamente , &c. trois volumes in-fo- Bure l'aîné , Quay des Auguf ms a S.
lio a trois colonnes , a Afadrid de Pim - Paul 1737- Sixième année , chez, le mê-
primerie de François Martinés Abad. me 1739. Ce font des abrégés d’Hi-
Rué del’ Olivo baxo. 1737. ftoire aflez bien faits. Mais par rap-
L’épitome de D. Antonio de Leon port à mon Ouvrage , je n’y ai rien
Pinelo fut imprimé à Madrid en trouvé. L’Auteur y a fait moins de fau- •
1 619. in-quarto . il y déclaroit dans fa tes au fujet du Nouveau Monde, par-
préface que ce netoit que l’abregé ce qu’il n’en a prefque point parlé
d’un plus grand Ouvrage, qu’il fe pas même dans le dernier volume, qui
promettoit de donner au Public , 8c regarde l’Hiftoire Ecclefiaftique , à la-
dans lequel il fe propofoit de dire fon quelle le Nouveau Monde fonrnifloit
fentiment fur tous les Ecrivains , qui cependant une aflez ample matière,
ont écrit fur les IndeS. Les grandes J’ai encore profité de deux manuf-
affaires , dont il fut toujours occupé crits , dont le premier m’a été com-
dans la fuite , ne lui ont apparent- muniqué par M. Begon, Intendant du
ment pas permis d’exécuter fon pro- Havre , lorfqu’il etoit Intendant de
jet , 8c il ne l’a été qu’en 1737. parle la Nouvelle France. Il eft d’un voya-
fçavant 8c infatigable D. André Gon- geur de Canada , nommé Nicolas Pe-
zalez de Bar cia , à l’exception de la rot , qui a parcouru longtems preC
I
\
LISTE DES
cjue toute la Nouvelle France, qui y
a été fou vent employé par les Gou¬
verneurs Généraux , à caufe de fon
habileté à manier l’elprit des Sauva¬
ges , dont il parloit toutes les lan¬
gues , ôc qui s’étoit inftruit avec foin
de leurs ulages. Il étoit d'ailleurs hom¬
me de beaucoup d’elprit.
J'ai reçu l’autre de M. d’Artaguet-
te , qui a été Commiflàire Ordonna¬
teur de la Louyhane , & qui le tenoit
d’un nommé Penicaut , lequel a de¬
meuré 20. ans dans ce Pays , & y a
voyagé pendant tout ce tems-là. Ce-
toit un homme de bon le ns, qui s’étoit
acquis un grand crédit fur la plupart
des Sauvages de ce Continent , ôc qui
a rendu de bons fervices à la Colonie.
J’ai trouvé dans ces deux manufcrits
bien des éclairciftemens , que j’avois
envain cherché dans les Livres impri¬
més.
Cependant il y auroit eu de grands
vuides dans mon Hiftoire , lî je n’a-
vois trouve de quoi les remplir , dans
les pièces originales , qui fe confer-
vent au dépôt de la Marine , dont
la garde étoit confiée à feu M. de Cle-
rambaut Généalogifte des Ordres du
Roy- J’en ai encore tiré une grande
utilité , c’eft qu’elles m ont fervi de
guides pour pouvoir prendre Pure¬
ment une vraye route , lorfque les
Auteurs , que je confultois , me met-
toient en danger de m’égarer. A la
vérité toutes ces pièces ne font pas
egalement autentiques } mais outre
qu’en les lifant avec attention , Ôc
confrontant les unes avec les autres ,
ontrouve aifémentà quoi s’en tenir,
h y en a un très-grand nombre , dont
fi n eft pas poihble de révoquer en
doute 1 autorité. Telles font en parti¬
culier les lettres , que M. le Cheva¬
lier de Callieres écrivoit régulière¬
ment chaque année aux Miniftres
dans le tems , qu’il étoit Gouverneur
AUTEURS. kj
de Montreal , ôc après qu’il eut été
charge du Gouvernement générai de
la Nouvelle France. On y voit un
Officier intelligent , fincere , impar¬
tial , allant uniquement au bien , ôc
l’on y trouve ordinairement l’éclair-
ciflement des doutes , qui fiirvien—
nent en lifant les dépêches des Gou¬
verneurs Généraux ôc des Intendans ,
prefque toujours peu d’accord entre
eux. Ces mêmes dépêches , furtout
celles des premiers Gouverneurs , de
MM. de Denonville , de Frontenac ,
de Vaudreuil , de Champigni, de
Beauharnois , Raudot ôc Begon font
d’ailleurs le véritable fond, ou j’ai
puifé tout ce qui regarde le Gouver¬
nement politique ôc militaire de la
Nouvelle France ; ôc je puis dire à
proportion la même choie des Com-
mandans particuliers, ôc de ceux, qui
ont gouverné la Louÿlîane , depuis
quelle fait un Gouvernement indé¬
pendant.
Le dépôt des Plans delà Marine
ne m a pas ete moins utile, pour ce
qui regarde la partie géographique
de mon Ouvrage. Il m’étoit même
encoie plus neceftaire , parceque je
n aurois pas trouvé ailleurs dequoi y
fuppléer . On jugera par le grand nom-
biede Plans ôc de Cartes, dont cet
Ouvrage eft enrichi , quel thréfor
renferme ce depot. J ai obligation de
ce que j ai tire de 1 un ôc de l’autre ,
premièrement a M. le Comte de Mau-
repas , qui a bien voulu m’en permet¬
tre l’entrée , enfuite à M. de Cle-
rambaut pour le premier ; à M. le
Chevalier d Albert, qui à la direétion
du fécond. Le Public comprendra
auffi-bien que moi que toutes les ri-
cheftes de ce dernier avoient befoin
pour êtte mifes en ordre d’une auffi
habile main , que celle de M. Bellin
Ingénieur en Chef dans ce dépôt.
TABLE ALPHABETIQUE DES AUTEURS.
ACofta. xlvj
Alegambe. 1]
Andrada. lj
^ Arcia. Iviij. lix
Bellin. Ixj
Benzoni. xliv
Blaeu. xlj
Le Blanc. 1
Boucher, lj
Brebœuf. xlviij
Breflani. 1
Artier. xlvj
Caresby. lix
Challus. xliv
Champlain. xlvij
De Charlevoix. ij
De la Chafle. Ivij
Le Cholenec. Ivj
Citry de la Guette, liij
Le Clercq. liv
Corneille, xlj
Du Creux, lj
£)Avity. xlj
De Lille. xliv
Denys. lj
Dudley, xlj
Du Halde. Ivj lvij
f Robisher. Iviij
G Arcia. ix
Garcilaflo de la Vega. xlv
Geudreville . xlij
Gilbert, lvij
Gofnol. lvij
Grotius. xlix
p^Ennepin. mi
Herrera. xlv
La Hontan. lv
Hornius. 1
Hudfon. lij
jEremie. lvij
Jefuites. xlviij
Le Jeune, xlviij 1
Joutel. Ivj
Jouvenci. Ivj
La*. xlviij
Laffitau. Iviij
Laudonniere. xliv
Lenglet du Frefnoy. xliij Ix
Lefcarbot. xlvij
M Arets. Ivj
Marie de l’Incarnation. lij
Marquette, liij
Martin, lij
La Martiniere. xlij. lix
Maty. xlj
Mercator. xlj
Mercure François, xlviij
Le Moyne de Morgues, xlv
Moreri. xliv
N Adafi. lj
Pe nicaut. Ix
Le Petit. lvij
Perrot. Ix
Pinelo. Ix
PoilTon. 1
La Potherie. Iviij
Prince, lvij
Amufio. xlvj
Rafle. Ivj lvij
Richelet. xlv
Robbe. xlij
SAgard. xlix
S. Vallier. liv
Salazar. Iviij
Société de Montreal, lij
Solis de las Meras. xlv.
X Anner. lij
Thevet. xlj
Tonti. lvij
*\^ Erazani. xlvj
De Whire. lvij
#
PERMISSION DV R. P. PROVINCIAL .
JE fo ufligné Provincial de la Compagnie de Jefus en la Province de France
iuivant le pouvoir, que j ai reçu de notre R. P. Général , permets au P
Pierre-François-Xavier de Charlevoix , de la même Compagnie , de faire im*
primer un Livre intitulé Hiftoire & D e fer ipt ion générale de la Nouvelle France
qu il a compofe & qui a été approuvé par trois Théologiens de notre Corn"
pagine. En foi de quoi j’ai ligne la prélente. A Moulins ce 1 3. Juillet 1740.
JEAN LAVAUD
de la Compagnie de Jésus.
approbation .
T A 1 lu par ordre de Monfeigneur le Chancelier un Manufcrit, qui a
J poui tme , Hiftoire & Defcnption de la Nouvelle France , par le P. de
If & ] ^ CrU qU °n Cn Pouvoit permettre l’impreffion. A Verfailles
üe revuer 1741. . HARDION.
PRIVILEGE D V ROT
L
, rnYJ' n Par Z3 5raCC de Dieu ’ Roi de France & de Navarre , à nos amez & féaux
p v autres nos Jufitcters qu il appartiendra, Salut. Notre bien amé
fane m 1 ? neceilanes. A ces Causes, voulant traiter favorablement ledit expo-
oTvrWe cidela;rümiS& ^ ces Prefe™es de faire imprimer Tedk
autantgde fl ou- fcfÆf ? m°U Plurfîeurs volumes conjointement ou fepLément , &
impiimt & at,«hfc Dôür m“î^rar’ Çap‘Cr 31 caraûcres conformes à ladite feuille
faiL vYndY ÏIk P°Urmodele fousIc Contre-Scel des Préfentes, & de le vendre
tives à ImnYYî par tout notre Roiaume pendant le tems de neuf années confecu-
perfonnY deP \ U,Cmr r*' 3 date deldices Pfeiêntes ifaifons defenfes à toutes fortes de
£ e & d’en introduire d’impreiliot tan!
IStres f ^ -C °l’ClfranCC 1 C°mme anflIà tolls Libraires , Imprimeurs &
Ouvrage ci -«E ! ’ impUmer> venirf faire vendre , débiter ni contrefaire ledit
pretexfe que ce fnir!î>P° C° tOUt "l 60 Fame J ni d en faire aucuns extraits, fous quelque
fa permiflion exor <T a“gme?tatl°n \ corrcftion , changement de titre , ou autrement, fans
deconfîfcation & pa.r ?cm dudlt FxPofant> ou de ceuxJ 4U1 auront droit de lui, à peine
deconfîfcation des Exemplaires contrefaits, de trots mille livres d’amende contre chacun
des Contrevenais , dont un tiers à nous , un tiers à THôtei-Dieu de Paris , l'autre tiers au¬
dit Expoifant, & de tous dépens, dommages & interets, à la charge que ces Prefentes feront
en régi urées tout au long fur le Regiftre de la Communauté des Libraires 5c Imprimeurs de
Paris dans trois mois de la date d’icelles-, que l’impreflion de cec Ouvrage fera faire
dans notre Iloiaume 8c non ailleurs , 5c que l’Impétrant fe conformera en tour aux Regle-
mens delà Librairie ,& notamment à celui du dix Avril mil fept cens vingt cinq , &
qu’avant que de l’expofer en vente, le Manufcrit ou Imprimé , qui aura fervi de copie
a l’impreflion dudic Ouvrage , fera remis dans le même état où l’Approbation y aura été
donnée , ès mains de notre très-cher & féal Chevalier , le Sieur DaguefTeau , Chancelier de
France , Commandeur de nos Ordres , & qu’il en fera enfuite remis deux Exemplaires dans
notre Bibliothèque publique , un dans celle de notre Château du Louvre , Sc un dans celle
de notre très-cher 8c féal Chevalier le Sieur DaguefTeau , Chancelierde France, Comman¬
deur de nos Ordres , le tout à peine de nullité des Prefentes ; du contenu defquelles vous
mandons 5c enjoignons de faire jouir l’Expofanc ou fes aiant-caufe , pleinement 5c paifi-
blement , fans fouffrir qu’il leur foit fait aucun trouble on empêchement: vou ons que la
copie defdites Prefentes, qui fera imprimée tout au long au commencement ou a la fin dudit
Ouvrage, foit tenue pour duëmenc fignifiée , 5c qu’aux copies collationnées par l’un de
nos amez’ 8c féaux Confeillers & Secrétaires foi foit ajoutée comme à l’original. Cora-
mandons au premier notre Huiffier , ou Sergent de faire , pour l’execution d’icelles, tous
aéfes requis 5c neceflaires , fans demander autre permiflion , 5c nonobltant clameur de
Haro , Chartre Normande , 5c Lettres à ce contraires , Car tel efl: notre plaifir. Donne’ à
Paris le trentième jour de Mars l’an de grâce mil fept cens quarante-un, 5c de notre Règne
le vingt-fixiéme. Par le Roi , en fon Confeil. S A I N S O N.
Regifiré furie R egiflre dix de la Chambre Royale des libraires & Imprimeurs de
4Î>J. fol. 49 1. conformément aux anciens Reglemens confirmés par celui du 18 février lyt)-
y{ Paris ce 8 May X741. SAUGRA1N, Syndic.
TABLE
/y»
HISTOIRE ABRÉGÉE,
ou
TABLE DES SOMMAIRES
DU PREMIER TOME.
LIVRE PREMIER.
]T\ E s s E i N de cet Ouvrage, Découverte de Terre- Neu-
ve* Première navigation des François en Amérique, P re-
n ùer voyage de Veraqani . Son fécond voyage. Son pre¬
mier debarquement . Aventure fmguliere F un de fis Matelots. Ve-
r^am périt dans un troifiéme voyage , fans quonfiache comment .
premier voyage de Jacques Cartier. Il retourne en France. Son
J econd voyage. Defcription du Port de S. Nicolas. Origine du
nom de S. Laurent 3 que portent le Golphe & le Fleuve de Ca¬
nada. De rifle dé Anticofly & du Saguenay. De rifle dOr-
jnns\ ^ RlVLere de Sainte Croix , ou de Jacques Cartier,
fie de Montreal. Du Vfillage d Ho chelaga. Réception , quon y
If J François. Cartier vifite la Montagne 3 qui e fl dans cette
J e. O/igine du nom de Montreal. Le fiorbut fait périr une par¬
tie des François. Idée 3 que Cartier donne à François 1 . duCa-
nada. Jugement fur fis Mémoires. On néglige en France le Ca¬
nada. Remarques fur quelques endroits des Mémoires de Car¬
tier. hommes noirs dans le Nord du Canada. Des Pygmées de
lerre-Neuve. Des Habitans du Notd de la Baye dHudfon ;
de leur manière de naviguer ajfil femblahle d celle des Eskimaux.
çî adl une Efilave de la N ztion de ceux - ci raporte de quelques
Hommes monftrueux. M. de Roberval eft nommé Viceroy du
Umada. Son premier voyage en ce Pays. Son fécond voyage,
yn dernier voyage où lui & fin Frere périffent. Expédition °au
jyu1 1 f. ^ ce T11 faR zdiouer , . L Amiral de Coligni entreprend
d établir une Colonie Franc oifi & Calvinifte en Floride. Eten-
/r /r ** fa?S’J¥'^e Rlhaut CIief de VEntreprifi. Il prend
pojfijfiofi de la Floride Françoifi . Ses découvertes . Il bâtit un
lome I. c i
j
x T’AB L E
Fort . Defcription de la Floride Franco ife. D’où venoient les ri¬
che (Tes des Floridiens. Caractère de ces Peuples . Leur Religion
& leurs mœurs . Honneurs , qu’ils rendent a leurs Chefs. Des Mi¬
nières de la Religion. Des Animaux 3 qifo on trouve dans le 1 ays „
Des Arbres , qui lui font particuliers. DuSaffafras. Des Sim¬
ples. M. de Ribaut retourne en France. Fete (inguhere des rlo-
ridiens, Mauvaife conduite du Capitaine Aloert s qui comman¬
dait en Floride à la place de M. de Ribaut.il eft tue par fes Gens .
Extrémité , où la Colonie eft réduite. Les François s embarquent
pour retourner en France. Ils mangent un demreux. Ce qu ils
deviennent. Nouvel armement pour la Floride. M. de Laudonme-
re arrive en Floride. Vénération des Sauvages pour les Ar¬
mes de France. M. de Laudonniere fait reconnaître les environs
de la Riviere de May. Beauté du Pays. Les François Je laijjent
perfuader qu’il y a des Mines en Floride. Ils s’engagent mal a
propos dans une guerre. Ils continuent a découvrir le Pays. Ils
délibèrent Curie lieu de leur Etabliffement. Fort de la Caroline.
Erreur des Hiftoriens & des Géographes^ a cefiujet. Defcription
de la Caroline. Conduite des Sauvages a l egard des François.
livre second.
AT OuVELLES découvertes dans la Floride Françoifte. Biqarre
i V coutume des Sauvages. M. de Laudonniere refufe d’ accom¬
pagner un Chef Sauvage a la guerre. Cérémonie des Floridiens
pour Ce difoofor a entrer en Campagne. Vicloire de Saturiova. Ce
qui Je paffe entre lui & M. de Laudonniere au fiujet des Pri-
fonniers de ce dernier. Tonnerre extraordinaire & fis effets . Idee
des Sauvages for cela. Comment Mi. de Laudonniere en pioftte.
M. d’Erlach avec dix François fait gagner une grande vicloire
a un Chej Sauvage. Sédition a la Caroline. Fermete de JM. de
Laudonniere. P lufteurs François difparoiffent. Les Mutins veu¬
lent aller en courfe. Ils forcent M. de Laudonniere a leur ftgner
une Commijfton. Ils fe divifent ; une partie fe perd. Les autres
font quelques prifes. Ce qui leur arrive a la Jamaïque. Retour de
quelques-uns a la Caroline. Punition des plus Coupables. Nou¬
velles découvertes . Aventure de deux Efpagnols. Diverfes notices
fur les Habitans du Cap de la Floride. M. de Laudonniere f ait
'la paix entre les Sauvages : il fe précautionne & fe fortifie. Nou¬
velles découvertes. La guerre recommence entre les Sauvages. M.
DES SOMMAIRES. xf
de Laudonniere envoyé du fecours à un Chef Allié. Victoire de
Cdufrhîl la’]k moXm rde.s n9°f-. Extrémité, oà la famine ré¬
duit la Colonie. Confeil violent donné à M. de Laudonniere. Les
faites , qu il eut Des Anglois arrivent en Floride: ce qui Ce
paiïe entr eux f ies François. Arrivée de M. de Ribauten Flo¬
ride. Motifs de fan voyage. Chefs d’accufation contre M. de
Laudonmere. Rangers, que courut la Flotte , avant que d' ar¬
river en Floride. M. de Laudonniere veut repaffier , en France
ïau7tlUn/ F /y0!*1?15 ’ Ve Es Sauvages font à M.deRi’.
haut. Une Efcadre Efpagnole arrive a la vue de celle de Fran-
ce Caractère de celui , qui la commandait. Occafion de fan voïage,
h$e!t-S fndmon.s, lL. trram ave<s le Roy fan Maître. On reçoit
Fhridc" RénnVtde dufi,C0UrS > UfapFparoît en France pour la
1 , fit ReJiUUo" > quony prend â ce fui et. Départ du Gé¬
néral Menendeq ; état de fis forces. Sa Flotte eft dijperfée II dé¬
libéré far ce qu'il doit faire. Il découvre la AorJ.Ilale, nd
des nouvelles des François II donne à la Riviere des Dmphins
François C Auëfia'nfaJ/fi, « attaquer les Vaijfeaux
tfifi C qmfe pafte entr eux & M. Il attaque les Navi¬
res François, qui lui echapent , &fa retire dans la Riviere de
MdWh" Confed der faerre t^uà la Caroline, & [on avis.
M. de Ribauten propofe un autre. Il s'entête , quoiqu'il fait feul
de fan avis. Il s embarque pour aller chercher les Espagnols. Me-
nender prend pojfeffion de la Riviere de S. Augu/in Les Fran¬
çois font furpns d un furieux ouragan dans le moment , que les
Efaagnots ne pouvaient leur échaper. Difcours de Menendt à [es
Officiers. Son plan pour l attaque de ta Caroline. Ses Troupes
J mutinent ; fa réfaction. Conduite feditieufe d’un de fis Capi-
taines Menendeq marche vers la Caroline. Ce que fan Annie a
adMhLPeKantlraTrC le; 11 confulte fis Officiers fur ce qu'il
doit faire. Reponfe de quelques-uns. Il eft d’avis d’attaquer la
dTïaPl S°nfiT fraPProfvég 11 fi difpofe à l’attaquer. Etat
de la Place. Elle eft farpnfe. Ce qui fcpaffe au fa et de trois
Navires François , mouillés devant il Caroline. U qui arrive
diftèd, Iaudo"nlere aP>.es iaprife de fan Fort. Maïvaife con-
Les Fr UW] ^^aut‘ M. de Laudonniere arrive en France.
Pendffi Plufleurs François. La Caroline efa
mee San Mattheo. Menendeq retourne à S. Augutlin II y
eft reçu en triomphe. Incendies à San Mattheo. Le Navire le S
Pelage enlevé cardes François. Menendeq apprend deZuvliPe's
nouvelles de /a Flotte. Naufrage de M. VLatu. uIZÉl
b» * •
IJ
xij ' T AB LE
clion entre les Hiftoriens des deux Nations . Aventure finguliere
d’un Matelot . Verfion des Espagnols fur ce qu’il arriva après le
naufrage de M. de Ribaut. Indifférence de la Cour fur ce qui
étoit arrivé en Floride . Qui étoitle Chevalier de Gourgues ? Ses
premières aventures . Il Je dijpofe à chaffer les Ejpagnols de la
Floride . Son départ de France. Il arrive a l Ifle de Cuba.. DiJ-
cours , qu il tient à fes Gens. Il ainve en Floride. En quelle
difpofition il trouve les Sauvages. Ligue conclue entreux & les
François. Difpofition pour l’attaque de San Mattheo . On mar¬
che au premier Fort. Sa prife. Relie aéhon d un Sauvage . Le
fécond Fort efi abandonne à l’approche des Sauvages. Prépara-
3 tifs pour l’attaque de San Mattheo. On marche vers la Place..
Sa prife. Butin, qu’on y fit. Les Prisonniers fontpendus. Ecri¬
teau mis au lieu de leur Jupplice. Réfléxions fur cette conduite.
La Floride efi évacuée par les François. > Le Chevalier de Gour¬
gues arrive en France. Il court rifque d être enleve par les EJpa—
gnols. Il efi oblige de Je tenir cache. Sa moit%
LIVRE TROISIEME.
TENTATIVE du Marquis de la Roche pour établir le Cana¬
da , dont il avait été nommé Nice-Roy. Sa Commijfion. Son
Entreprife échoue \ D efcnption de l Ifie de Sable , ou il aboi da.
Fautes , qu’il fit. M. Chauvin lui fuccéde. Ses, voyages. Fautes ,
qu’il fit. Le Commandeur de Chatte lui fuccéde , & forme une
Compagnie. Il meurt peu de tems après. Premier voyage de M.
de Champlain en Canada, M. de Monts entre dans les droits du
Commandeur de Chatte. Il pafiè en Acadie. Defcription de ce
Pays. Mauvais Etabliffement à l’ Ifle de Sainte Croix . Incom¬
modités , qu’on y fouffre. M. de Monts tranfporte fa Colonie au
Port Royal. Defcription de ce Port, de la Baye Françoife #
de la Riviere de S. Jean. Arbre fingulier. Le Port royal concédé
à M. de P outrincourt. M. de Monts perd fin Privilège exclufif
Extrémité , ou la Colonie efi réduite. Elle efi fecourué à pro¬
pos. Fautes & malheurs de M. de Monts. Defcription du Port
de Camceaux. M. de Monts Je relève un peu. Fondation de Que-
bec. Le Roy Henry IN. veut qu’on envoyé des Jefuites en Aca¬
die. Oppofitions à l’exécution de cet ordre. Deux Jejiiites arri¬
vent au Port Royal. Caractère , mœurs & coutumes des Sauva-
oes de l’Acadie. Mauvaife conduite de quelques François à leur
DES SOMMAIRES.
XUJ
\ fe trouvent les Mifiionnaires à fo >;
fujet . Sa mort édifiante. Le P. B i art vfite les Canibas , ou Abé-
fionnaires quittent le Port Boy al , & font uu nouvel Etablif-
fement nommé S. Sauveur. Defcripdon de Pentago'ét. Obfirva-
tions fur les Bois de ce Pays. Situation de S. Sauveur. Coutu¬
mes extravagantes des Sauvages de ce Canton , nommés Malecites.
Un Enfant moribond guéri par la vertu du Baptême. Onqe Na¬
vires Anglais à Pentago'ét. Ils fe rendent les Maîtres de S. Sau¬
veur. Friponnerie du Commandant. Ce que devinrent les Fran¬
çois de S. Sauveur apres laprife de ce Pojle. Le Commandant An-
glois avoué fa friponnerie pour fauver la vie aux François. Il
s’empare du Port Royal. Diverfes aventures des François de A.
Sauveur . Belle action de trois Je fuites. Comment ils font reçus
en Angleterre. Fautes , que firent tous ceux 3 qui avaient eu part
à V Etabli ffement de I Acadie.
LIVRE QUATRIEME,
Belgique. Suite de I Expédition ... _
de Champlain. Peu de précaution des Sauvages pendant la guer¬
re. Fourberie des Jongleurs. Réfléxion à ce fujet. Découverte
d’un Lac , auquel M. de Champlain donne fon nom. Lac du S.
Sacrement. Les Alliés & les Iroquois fe rencontrent y & fi recon-
noifiént. Ils en viennent aux mains. Victoire des Alliés , & la
part , qu y eut M. de Champlain. Cruautés des Vainqueurs. Ré¬
ception des Montagneq dans leur Village après leur victoire . M.
de Champlain retourne en France. Le nom de Nouvelle France
donné au Canada. Seconde Expédition de M. âe Champlain &
de fis Alliés contre les Iroquois. Ceux-ci fe défendent bien , &
font défaits. Le Comte de Solfions fe met A la tête des affaires du
Canada. Sa mort. M , le Prince lui fuccéde , & prend la qua¬
lité de Vice-Roy de la Nouvelle France. Arrivée des PP. Re¬
collets à Quebec. Troifiéme Expédition de Champlain contre les
Iroquois. Maniéré 3 dont il faut je conduire avec les Sauvages.
XIV
TABLE /T
Attaque du Fort des Iroquois ; M. de Champlain y efl blefle 9
1 7 9 t \ ^ A n M- .J* «4-/1 "F / -«4 /* /T/» / ^ A //• > /I «4 /■ -«A /I / /» Ê} ^ ^ — /.
4?
s^oLuruc. j-.u x^uu-vc^ jl , u,,^ ejl fort négligée. Le Maréchal de
Montmorency Vice-Roy de la Nouvelle France . Les Iroquois
' 7 ncoife . La ^
’£<?c. Ze L
Cinq Jefu
en Canada. Un Pere Recollet fe noyé 3 & on foupçonne les
Hurons , qui le conduiraient s F être les Auteurs de fa mort. Les
Jefuites effuyent de grandes contradictions en Canada. Mauvais
état de la Colonie. Compagnie de cent AJfociés pour I Etablijfe-
ment de la Nouvelle France ; à quoi elle s'engage & fes Pri¬
vilèges. Hoflilités des Anglois. Quebec ejl Jommé de fe rendre
à eux ; Réponfe de M. de Champlain. Les Anglois fe rendent
Maîtres d'une Ef cadre Françoife. Embarras , ou fe trouve M. de
Champlain. Quebec efl Jommé de nouveau par les Anglois. A
quelles conditions la Place leur ef rendue. Ils en ufent bien .
La plupart des Habitans demeurent dans le Pays. Emery de
Caén , qui venoit au fecours de Quebec 3 efl pris par les An¬
glois. Calvinifle François Auteur de ! Entrepnfe des Anglois y &
fur Guide. Il meurt P hrén étique. Mauvaife foy de I Amiral An¬
glois. Quelques-uns font Lavis de ne point redemander la refli-
tution du Canada. Réponfe s à leurs raifons. Sentiment de M .
de Champlain. Le Canada efl rendu à la France. En quel état
il étoit alors. Pourquoi les Anglois avoient négligé I Acadie.
LIVRE CINQUIEME.
71 MONSIEUR de Champlain efl nommé Gouverneur Gêné-
jL Y A. rnl si p In Nnn-vpHe France. Caractère des Ur/rnnç. T. a. Cnm -
pagnie des cent AJJociés ne veut point permettre que les PP*
Recollets retournent en Canada. La conduite des Anglois avec
les Sauvages avait fait regretter a ceux-ci les François. Plu-
flieurs Jefuites arrivent à Quebec : fuccès de leurs premiers tra¬
vaux. Les Religionnaires font exclus de la Nouvelle France .
Choix judicieux des premiers Colons. Caractère des premiers Mif-
flonnaires. Projet d'un Etabliffement au Pays des Hurons. M.
de Champlain veut obliger les Sauvages de mener cheq eux des
Mijflonnaires. Ils le ref ufent ; caufe de ce refus . Défauts & bon -
- , DES SOMMAIRES, xv
nés qualités des Hurons. Origine de cette Nation. Etendue &
nature de leur Pays Raifons , qui engageaient M. de Cham-
plain a vouloir établir une Colonie parmi eux, & celles des Mit
Jionnaires pour en faire le centre de leurs Méfions. Deux Je
J f tes s y transportent. Un troifiéme les fuit : ce qu’ils eurent à
foufnrdans le voyage. Première Mifion fixe parmi les Hu-
rons. Difficultés , qu on rencontre à la converfion de ces Sauva
ges. Conduite des Hurons à V égard des MijJionnaires. Efforts des
Jongleurs pour empêcher le progrès de la Foy. Autre f difficul¬
tés. Merveilles opérées & leurs effets. Conduite des Miffiwnnai-
tes. Ce quije pajje dans un Confeil. Nouvelle perfécution . qui
s appaifi d abord. La parole de Dieu commence à fructifier par¬
mi les Hurons. Pourquoi on diffère le Baptême de quelques Chefs
Ce qui rend ce Peuple plus docile. Caractère des autres Nations
Sauvages. Progrès de la Religion. Fondation du College de Que-
bec. Premier effet de cette fondation. Monde M. de Ôiamplain.
Son caractère & fin eloge. Le Chevalier de Montmagni lui fuc-
cede. Projet dun Séminaire pour les Enfans des Sauvages.
Grand nombre de Mifionnaires cheq les Hurons. La Co&nie
languit par la faute de la Compagnie des cent .A ffociés. Les Iro-
quois trompent les Hurons par une paix fimulfe. La guerre re¬
commence. Diver Ces courfes des Mifionnaires. Les lroquois in-
Ju lent les Trois Rivières. Maladie umve, fille parmi les Hurons.
On s mtereffe en France a la, converfion des Sauvages. Etablif-
fement de Syllen. Conduite édifiante des Habitans de Quebec.
Etabhffement des Hofpitaheres & des Urfulines. Receftion
qu on leur fait. Leur ferveur. Courage de Madame de ta Pei¬
nte fondatrice des Urfulines. Premiers travaux des Religieu-
Jes. La Compagnie de la Nouvelle France continué à négliger la
Colonie. Continuation de la guerre entre les Hurons & leî Iro-
quois. Hiftotre du premier lroquois Chrétien. Situation de la
Mifion Huronne. Aventure finguhere du P . Jerome Lallemant.
Souffrances desMijfionnaires : leurs occupations : leur maniéré
lN*T' Rjeflefilons fur Us conventions des Sauvages. Etat de
C //,n deS Jrois ,Rlvlms , de Tadouffac , des environs du
vrolphe. Du culte nretendn ^ ^
. table
TJ J un Etablifi'ement à Montreal. On commence à I exécuter:
Tradition fur les Anciens Habitans de cette IJle.
LIVRE SIXIEME.
TORT de Richelieu. Converfions en grand nombre parmi les
pHurons. Hifioire d'un fameux Capitaine de cette Nation
<■ vacation au Chri (liant (me. Son Baptême &Ja ffreur. Re-
IxJX leTHaralgues J des Sauvages Excur/on des Miffion-
•1 lires 'cher les Saulteurs. Les Hollandois fournirent des armes
'& des munitions aux Iroquois Indolence des
l'ont furpris parles Iroquois. P lufieurs font pris , & avec eux
T JoLsl deux autres François, qui fi la fnt prendre De
miidlernaniere ils font traités. Rencontre d’un Parti , alajureur
df ; / 1 sJnrtrtp T P P J O °~UCS tcfllfc de TLOUVCdU de S C-
duquel on les abandonne. Le . ^ • Villages fuc-
vnLr Les P Pionniers font tourmentes dans trois V Mages juc
r#„ iL#* fetefc «j.
fato «Jif. M?yr, *
T) > r* 7 T ? P Tnpues profite de fa captivité pour faire con-
ces Sauvages , fuivie de plufieurs autres. Nation Neutre détruite
parles Iroquois. Fruits de la Grâce dans cette Nation. Juflice
he Dieu fur un Village Huron. Beüe adion dé un Chrétien de la
même Nation ■ les fuites , quelle eut. Avis , que kP. Jogi
2 Z au Gouverneur GénérLl. On fait £ inutiles fg P^a
délivrance. Il apprend que Ja mort eft refolue. Un Officier iiol
landois lui offre de kfluver. Il accepte I offre. Son evafion.il ar-
fd Ândterre & y e/l dépouillé par des Vokurs. Il paffe en
France. ltdemandfaNapeTlaperJjfionde dire la Méfié avec
fes mains mutilées. Réponfe du Pape. Son
Tourne en Canada. Nouvelles , qu il y apprend de fa Mifiion.
Ferveur & fainteté des Hurons. Converfion miraculeufe d un Chef
Alsonquin. Faveur des Mtfiions Algonquines. Calomnies Juf
fiZ en France aux Jefuitcs. La Compagnie de la Nouvelle
France les juflifie. Le P. Breffam s’expofe aun grand danger. I
efl pris par les Iroquois. Ce qu’il eut a jouffnr pendant fa capti¬
vité IU fl délivré, & paffe en France. Tri fie fituation de la Co¬
lonie. LJe Gouverneur Général tâche de faire la paix
pois. Ce qui fe paffe à cefujet entre lut F quelques Hurons a Ceux-ci^
DES SOMMAIRES. xvij
s engagent a. traiter de la paix. Les Iroquois femblent s’y prêter
de bonne grâce. Audience publique donnée à leurs Députés , & ce
qui sy pajje. La paix eft ratifiée par les Cantons, Le P? Bref-
fini retourne aux Durons, Mort des PP, Ennemond Mafie &
ylnne de Noue . Les Soh.ok.is tachent de rompre la paix , Les Iro-
quois la ratifient de nouveau. Le P, J o gués fait deux volages
aux Iroquois, Les hofiilités recommencent entre les Iroquois &
les Hurons. Etendue & fituation du Pays des Iroquois. Origine
de leur nom. Ce que chaque Canton a de particulier. Des Arbres
fruitiers. Des Animaux & des Diamans. Les Iroquois attaquent
un Village Huron. Belle action de trois Hurons. Progrès de la
Religion pendant la paix . Le P . Jogues retournant aux Iroquois
ejt abandonne de fes Conducteurs. Il eft reçu des Agniers 3 comme
s il eut ete Prifonnier de guerre. Ce qui avoit indijpofé ces Sau¬
vages contre lui. Sa mort. Son Meurtrier fè convertit. Les Ag¬
niers recommencent la guerre. Hiftoire finguliere Lune Algonqui -
ne Chrétienne . & fon évafion des mains des Iroquois. Qui étoient les
Abenaquis. Ils demandent & obtiennent un JVLiJJionnaire. Leur ca-
îactere. Accueil y que les PP. Capucins font au P . D reuillettes .
Les premiers travaux de ce Mijfjionnaire . M. de Montmagni eft
rappelle. M. d Aillebout luifuccéde. Caractère de lun & de Vautre.
LIVRE SEPTIEME.
JI^Tat de la Colonie en 1648. Mauvafie manœuvre des Hu-
rons. La Bourgade Huronne de S. Jofeph détruite par les
Eoquois. Mort héroïque du P. Antoine Daniel 5 Je fuite. Projet
Alliance ' entre les Colonies Angloifes & franco fies de
l Amérique. Députation du P . Dreuillettes 3 Je fuite & du Sieur
Godefroi 3 Confeiller au Confeil de Québec a Bafion. Indolence
des Hurons. Deux Bourgades Huronnes font détruites par les Iro¬
quois. Les PP. de Brebeuf & Lallemant font pris. Divers com-
nats entre les Hurons & les Iroquois. Les PP. de Brebeuf &
Lallemant font brûles. Difperfion des Hurons. La plupart fe re¬
tirent al IJle de S. Jofeph. Ce quils y ont a fouffrir. Leur fer-
vffr' Témérité des Hurons de la Bourgade de S. Jean. Une
Bourgade eft détruite par les Iroquois. Mort héroïque du Pere
Garnier, qui en étoit le Pafleur. Mort du P. Chabanel. Des
Huions confpirent contre tous les Mifiionnaires. La fermeté de
deux de ces Peres déconcerte leurs méfures. Traits finguliers de
la Providence en faveur des Chrétiens. Nouveaux malheurs ar-
lome I. '
xvm — -
rivés aux Hurons . Plufieurs defcendent à Québec. De quelle ma¬
niéré ils y font reçus. Ce que devinrent les autres . Abandon 3 ou
fe trouvent les Premiers. Leur peu de conduite . Expédition mal-
heureufe 3 où périrent quantité de Sauvages Chrétiens. Hiftoire
d’un Algonquin brûlé par les Iroquois . Ferveur des Chrétiens.
La Traite de l’Eau-de-vie commence à caufer de grands défor-
dres dans quelques Misions. M. de Laufon ejl nommé Gouver¬
neur Général de la Nouvelle France. Le Gouverneur des Trots
Rivières efl tué par les Iroquois . Ravages de ces Barbares dans
le Nord. Progrès de la Foi parmi les Nations Ab énaquifes. Le
P Buteux part pour le Nord avec un preffentiment qu’il n’en
reviendra point. Il efl tué par les Iroquois. P lufieurs Mijfionnai-
res repafjent en Europe. Progrès de la Colonie de MontreaL
Nouvelles négociations de paix. Prife du P. Poncet par les Ag-
niers 3 & ce qu’ils lui firent fouffrir. Il efl délivré . Dangers ,
qu’il court en retournant à Quebec. La paix efl conclue. Le r .
le Moyne va à Onnontagué pour en ratifier le Traité. Ferveur
des Hurons Captifs parmi les Iroquois. Aventure du P. le Moy¬
ne par la perfidie des Agniers. Piete des Hurons dans l IJle
dû Orléans. Les Agniers cherchent à rompre la paix . Ils recom¬
mencent leurs hoflilités 3 & afjajfinent un Frere Jefuite. Belle
action Tune Algonquine. Les Agniers renouvellent la paix 3 è*
on leur donne un Miffionnaire. Deux autres Miflionnaires vont
à Onnontagué. Ils s’y établiffent ; fruits de leurs premier s tra¬
vaux. Defiruchon de la Nation des Ene’qpar les Iroquois. Pio-
jet Tune Colonie Françoife à Onnontagué. Hoflilités des Ag¬
niers. Ils enlèvent une partie des Hurons del’Ifle d’Orléans . Aven¬
tures des Outaouais après la defiruction des Hurons. On donne a
quelques-uns Tenu eux. des Miffionnaire s. Ils font attaques par
les Agniers. Le P. Garreau bleffe a mort. Les François ai ri¬
vent à Onnontagué. Réception 3 qu on leur fait. Une partie des
Hurons de l’Iffe d’Orléans offre de fe donner aux Agniers 3 &
s’en répent. Fierté de ceux-ci. Embarras des Hurons. Toute une
Tribu fe livre à eux. Les Onnontagués arrivent a Quebec dans le
même deffein ; réponfe 3 qu’on leur fait*
LIVRE H U I T I F M E.
TABLE
DES SOMMAIRES. xix
Ladoption des Sauvages. Retraite des François d’Onnontagué.
Les Iroquois recommencent leurs hojlilités . M. le Vicomte dAr-
genfon Gouverneur Général Arrivée du premier Evêque de la Nou¬
velle France . Changement dans le Gouvernement Ecole fia flique du
Canada . Des Cures de la Nouvelle France. L’IJle de Montreal cé¬
dée au Séminaire de S . Sulpice. Etablissement du Séminaire de
dhJPnPF TJrvprc r? PorJpmpn? fi/r lac 7” . Yh t
. j ~ M,* o jl jl L'LcvL ll j.v-LUfï ireaù •
Injtitution des F dles de la Congrégation. On découvre plufieurs
Nattons Converfion de quelques Eskimaux. Plufieurs découvertes
CequtJepaJJi entre les S toux & les Hurons. Particularités tou¬
chant les S toux Extrémité , où eft réduite la Colonie. Hoflilités
des Itoquots. Maladies & Phénomènes. On apprend de bonnes
nouvelles du Pats des Iroquois. Députés Iroquois à Montreal. Le
F . le Moyne confent a les accompagner dans leur Pais. Le Ba¬
ron d Avaugour fuccéde au Vicomte d’Argenfon. Volage de deux
Jejuites dans le Nord. Defcription du Lac de S. Jean. Maladie
P 'Ve tf/J Te /$/*/> -m f- 1 s\ -v* D / 7f Æ~ \
- - IV II-
cours du P le Moyne dans un Confeil de trois Cantons. Réfolution
de ce Confeil. Eloge du Sieur Hertel. Garakonthié arrive à Mont-
rea Réception qu on lui fait. La paix paroît s éloigner. Nou¬
velles hofttlites des Iroquois. Aventures du P. Mefnard. Sa mort
Idee qu on avait par tout de fa fainteté. Mort tragique de Ion Do-
me (tique. Le P .le Moyne retourne à Montreal avec tous les P ri-
Jonnters François. Conduite de Garakonthié. M. Boucher va en
Cour reprefenter les befotns de la Nouvelle France. Le Roy y en¬
voie dufecours. Abus de la Traite de l’Eau-de-vie. Conduite irre-
df Baron d Avaugour. Calomnies intentées à ce fujet con¬
tre l ±L veque & les Mtfjïonnaires. Scandales arrivés parmi les Sau¬
vages. L’Evêque de Petrée en porte fes plaintes au Roy . Phéno-
menes Jurprenans. Prédictions d un Tremblement de Terre. Il com¬
mence ; fes effets. Perfonne ne périt y & tous fe convertirent. Nou¬
velles proportions des Iroquois. Arrivée déun nouveau Gouver-
neur General & dun Commiffatre à Quebec. De quelle maniéré la
Juffiee avait ete admtnijlrêe jufques-là dans la Nouvelle France.
r°rme prefente du Confeil Supérieur ; fur quels principes on y juge.
Des Juflices Jubaltemes. Eloge & mort du Baron d’ Avaugour
Nouvelles courfes des Iroquois dans le Nord. Contretems fâcheux.
CottiMite de Garakonthié. Nouvelles proportions de paix. Réponfe
de NI. de Mejy. Les Anglois s’emparent de la Nouvelle Belgique.
c ij
X
XX
TABLE
\
Nouveaux troubles en Canada. Conduite violente de Al", de NIefy .
Jl Je défend mai II ejl révoqué .
LIVRE NEUVIEME.
LE Roy cède le Canada , que la Compagnie des cent Affociés
lui avait remis, à une nouvelle Compagnie . Le Marquis de Tra-
cy ejl nommé Viceroy de l Amérique par Commijjion. M. de Cour -
celles eft nommé Gouverneur Général de la Nouvelle France , & M.
Talon Intendant . Grand fecours arrivé en Canada . Les Iroquoisfe
retirent. Forts conjlruits fur la Riviere des Iroquois. Mémoire de
M. Talon envoyé à M. Colbert. Garakonthie a Quebec. La gueire
ef refoluè contre les Agniers & les Onneyouts. Ceux-ci Je foumet-
tent. Brutalité d'un Chef A gnier punie fur le champ. Expédition
de M. de Courcelles contre les Agniers. M. de Tracy marche contre
le même Canton . Succès de fon Expédition. Pourquoi il ne suf¬
fire point du Pais. La Cour ne veut pas quon étende trop la Co¬
lonie. M. de Tracy retourne en France . Changement dans les af¬
faires par raport a la Religion. En quel état elle fe trouvait alors
parmi les Sauvages <S* les François. On veut fra.nci£cr les Sau¬
vages. P ourquoi ce projet ne reufjit point. Des Mines^ de fer.
Liberté du commerce publiée en Canada. N ouveau v otage a l Ouef
& au Nord. Superf irions des Outaouais. Dangers & fatigues ,
queffuia le P. Alloueq dans ce volage. Croïance des Outaouais.
_ _ _ ri fi
Diverfes cou f es du P. Alloue q. MiJJionnaires parmi fs Iro¬
quois. Ce qui a empêché la converfion de cette Nation. Progrès de
la Colonie. Tremblement de Terre . Maladies. Religieufe Hofpi-
taliere morte en odeur de fainteté. Occupation des Mijfionnaires
parmi les Iroquois. Eloge du P. de Carheil. Plufieurs Miffions
établies parmi les Nations Algonquines. M. Talon retourne en
France . Caractère de M. de Courcelles. Erection de lEglife de
Quebec en Evêché . Le Gouverneur de Montreal obtient des Pro¬
vif ons du Roy. Volage de M. de Courcelles aux Iroquois , &
quel en fut le motif. Affaires de l'Acadie. Belle action du Sieur
de la Tour. Partage des Provinces , qui compofent le Gouverne¬
ment de l'Acadie. Guerres civiles entre les François. Action in¬
digne de M. de Charnijè. Suite des divifions de l'Acadie. Les
Anglois s'en emparent de nouveau. Leur mauvaife foi. Aventures
DES S O M M A I R E S. xxj
du Sieur Denys. Toutes ces Provinces font reflituèes à la France
par le Traité de Breda . Affaires de Terre-Neuve . Description! de
la Baie de P laifance. Du petit Nord . Du climat de cette Ifle 3
& de la nature du Pais . De fes Habitans. De la grande Baie.
Premier Gouverneur de P laifance. M. Talon retourne en Cana¬
da. Il y mene des Recollets. Il fait naufrage avec eux. Son arri¬
vée à Quebec avec des Recollets. Sauvages nffaffinés par des
François. Ce qui en arrive. On en fait jujtice 3 Çf on appaife les
Sauvages. M. de Courcelles oblige toutes les Nations à demeurer
enpaix. Baptême de Garakonthié. Mortalité dans le Nord. Eta-
bliffement de la Bourgade Huronne de Lorette. Ce quife paffe en¬
tre des Hollandois & des Iroquoifes Chrétiennes. Inctuftrie dé un
Miffonnaire s & quel en fut le fuccês. Le Chriflianifme fait de
grands progrès dans le Canton T A gnier. Etat de la Religion dans
les autres Cantons 3 & dans les Nations Algonquines.
LIVRE DIXIEME.
f~PllERRE entre les Sauvages. Conduite de M. de Courcelles
en cette occafi on. B dptême du Grand Chef des Goyogouins. Les
Iroquois Chrétiens fongent à fortir de leur Pais. Converfion fingu-
liere Tune Iroquoife. Commencement de la Miffion du Sault S.
Louis. Mefures 3 que prend M . Talon pour affûrer à la France
tout le N ord du Canada . Du grand Chef des Miamis ; récep¬
tion j qu il fait à un Envoié du Général. Prife de poffeffion de tous
les environs des Lacs. Des Anglois sétabliffent fur les Terres des
François & quoiqu'ils vécuffent en bonne intelligence avec eux ,
on engage le Roy dé Angleterre à les en rappeller. Les Hurons à
Michillimak inac. Phénomènes Jinguliers ; obfervations fur les
Marees & fur les Courants des Lacs. Projet dé un Fort a Cataro -
coui. M. de Courcelles retourne en France. Son Succeffeur bâ¬
tit le Fort de Cataro coui. M. Talon demande fon rapel en
France & pourquoi / Caractère de M. de Courcelles. Caractère
du Comte de Frontenac 3 fon Succeffeur. Découverte du Miciffipi.
Defcription du Pais des Outagamis , & de celui des Mafcoutins.
Erreur des Géographes fur ces derniers. Réception 3 que les Maf¬
coutins font a deux Mifjionnaires . Excurfon du P. Alloue % che%
les Outagamis. Mort du P. Marquette. Affaires de ! Acadie. Les
Anglois s emparent de Pentago 'et & du Fon de la Riviere de S.
Jean. Violences du Comte de Frontenac. Les Hollandois inquiet -
tent les Miffonnaires des Iroquois. Prétention de M. de Frontenac
XXII
au fui et de la fonction de Préfident du Confeil Supérieur. Lettres
du Roy à F Intendant & au Gouverneur Général . La Traite de
F Eau-de-vie recommence en Canada. On prévient la Cour en faveur
de ce commerce. Edit du Roy a, ce fujet. Arrivée de M.. dt la Suie
en Canada ; fon caractère. Il entreprend dé achever la découverte du
Micijfipi. Iipajfe en France , & ce quil obtient de la Cour. Le
Chevalier de Tontife joint à lui. Diverfes aventures de M. de la
Sale. Il fait une perte confiderable. Les Illinois font défaits par
les Iroquois. Fermeté de M. de la Sale dans fes malheurs. On veut
F empoifonner. Il fait remonter le Micijfipi par le P . Hennepin &
le Sieur Dacan. Il bâtit un nouveau Fort. Nouvelle ho ftilité des
Iroquois contre les Illinois. Les Andois font foupçonnès dé animer
les Sauvages contre nous & nos Allies . L Acadie tejlituee a la
France, fées Anglois s en emparent de nouveau. Le Chevalier de
Tond efl obligé cF abandonner la Riviere des Illinois. Un P ere Re¬
collet efl tué par les Kicapous . M, de la Sale defcend le Micijfipi
jufauâ la Mer. Il repajjè en France. MM. de Frontenac & du
Chefneau J ont rappelles. Leurs Succejfeurs 3 & les infruclwns ,
qu on leur donne. Origine de la guerre des Iroquois. Propofmons
indolentes de ces Barbares àM.de Frontenac. Réponfe de ce Géné¬
ral. Le parti 3 quil prend. Expédient , que lui fuggére l'Intendant,
& pourquoi il le refuje. D eputes Iroquois a JAontreal. Lé) eputes des
autres Nations. Arrivée de MM. de la Barre & de Meules. M. de
la Barre écrit en Cour contre M. de la Sale. Effet , que produifnt
fes Lettres. Affemblèe des Notables de la Colonie. Elle injlruit
le nouveau Gouverneur de la fituadon des affaires. > Le Roy envoie
des Troupes en Canada. D efcription de la Baie d Hudfon. Obfer-
vations fur les glaces de ces Mers. Phénomènes dans F air. Manié¬
ré de voiager fur les glaces. Prétentions des Anglois & des Fran¬
çois fur la Baie d' Hudfon. Deux Transfuges François y condui -
fent les Anglois. Volage du P. Albanel & de M. de S. Simon à la
Baie dé Hudfon parle Saguenai. Quatrième prife depoffejfion de la
Baie dé Hudfon. Les deux Transjuges François retournent en Ca- -
nada. Ils entreprennent de chaffer les Anglois de la Baie. Ce qui
fe paffe entreux & les Anglois. Ils livrent de nouveau la Baie
aux Anglois .
TABLE
des sommaires.
XX LL J
LIVRE ONZIEME.
JYJAufaise foi des Iroquois . M. de la Barre demande du fe-
cours au Roy Fierte des Iroquois. Intrigues du Gouverneur
de la Nouvelle York . Conduite étrange de M. de la Barre. Les Iro¬
quois pillent des François Voiageurs . Ils font repou (les du Fort de
S. Louis. M* de la Barre fe refout à la guerre. U engage avec peine
nos Allies afe joindre a lui . Ces Sauvages ne rencontrent point
l Armee^ au rendez-vous , qu on leur avoit marqué. Leur méconten¬
tement a la nouvelle de lapaix. M. de la Barre traite avec le Gou¬
verneur de la Nouvelle Y ?rk. Ses préparatifs. Etat de I Armée
rrançoije. Avis , que M. de la Barre reçoit dans fa marche. Une
mauyaife manoeuvre du Colonel Dongan fauve la Colonie. Extré¬
mité j ou fe trouve M.de la Barre. Il fait la paix à des conditions
peu honorables. Ze Roy envoie des Troupes en Canada. M. de
L ailier es ejt nomme Gouverneur de Montreal , & M. Perrot pa(fe
au Gouvernement de l Acadie. On compte peu fur la paix en Ca¬
nada. Divers avis 3 quon reçoit au fujet des Iroquois. M. de Dé-
nonville arrive en Canada en qualité de Gouverneur Général. Il
croit la guerre necejfaire avec les Iroquois. En quel état il trouve la
Aiir Fort â Niagara. Lettre du Gouverneur de la
Nouvelle York a M. de Dénonville. Réponfe de ce Général. En-
tîeprije du Colonel Dongan. Les Anglais font récusa Michilli-
rnaktnac. Forces de la Colonie. Le P. de Lamhetiille empêche les
Iroquois de commencer les hoftilités. Difpofition, où [toit cette
Nation. Affaires de la Baie dHudfon.On fe difpofe eu Canada
a en chaffer les Anglais. Succès de cette Expédition. Projet d'un
accord pour le Port Nelfon jugé impratiquable. Traité de Neu¬
tralité entre les François & les Anglais dans l' Amérique. Les An¬
glais y contreviennent. LeGouvemeur Général fe difpofe à marcher
contre les Iroquois. Onfefaifit par furprife des principaux Chefs
iroquois G onles envoie aux Galères. Mauvais effets de cette dé-
marene. Captivité du P . Milet. Conduite noble & genereufe des
Onnontagues a legard du P. de Lamberville. Plan de la Cam-
Pfgne contre les Tfonnonthouans. Les Mifjionnaires empêchent les
urons les Outaouais de fe joindre aux Iroquois. Ceux-ci s en-
ormentJaT nos préparatifs. Le Colonel Dongan les reveille de cet
ajjouyiffement. L Armée Françoife fe met en marche. Lettre du Co¬
lonel Dongan à M. de Dénonville . Réponfe de ce Général Des
XXtV — — ...
Anglais . font défaits dans le Lac Huron. Fort des Sables. ^ Combat
contre les Tfonnonthouans. Suites de ce combat. Fort ban a Niaga¬
ra & peu de tems après abandonné. Nouvelles intrigues du U to¬
nd Dongan. Un Iroquois Chrétien travaille utilement pour la Ke-
ligion & pour la Colonie. Belle adion de deux François ajisla.
Baie d’Hudfon. Entreprifi des Angloisfur l Acadie. Avis de M.
de Meules fur ce qu'il convenait de faire pour ce P aïs. U qui
empêche M. de Dénonville démarcher une fécondé fois contre les
Tfonnonthouans. Reflexions fur la conduite de ce General, bon
éloge. Fautes , qu'il a faites. Diverfis holhlites des Iroquois.
Proportions du Colonel Dongan a M. de Denonvdle. Celui-
ci lui envoie le P. Vaillant. Le Gouverneur Anglais s explique
avec ce Pere , & lui donne un Guide pour l empecher de page
dans le Canton d'Agnier. Avis , qu'il donne aux Iroquois. Les
Sauvages recommencent leurs hoflilités , & attaquent le Convoi.
Négociations avec les Onnontagués. Ils propofent la paix avec
hauteur. Confternadon de la Colonie. Les iroquois bloquent Ca-
tarocouy , & fi retirent , après avoir fait beaucoup de depat. Nou¬
velles proportions de paix. Elles font acceptées. M. de Denon-
yille écrit en Cour pour faire revenir les Chefs des Iroquois , qui
étoientà Marfiille. Mauvaife foi du Colonel Dongan. , A quoi M.
de Dénonville attribuait lefalut du Canada. Il fait rétablir les Je-
fuites dans les Mijfions Abenaquifes , maigre la Compagnie des
Pêches fèdentaires. Le Colonel Dongan efl révoqué. Lettre de M.
de Dénonville fur les défordres de la Colonie. Reflexions fur cette
Lettre . Nos Alliés font mécontens de la paix , & en ont honte,
pour nous.
TABLE
LIVRE DOUZIEME,
/N I/elques-uns de nos Alliés attaquent les Iroquois . Ac-
dation hardie & perfide d’un Chef Huron pour rompre la paix 3
& brouiller plus que jamais les François avec les Iroquois. lljait
retomber furM.de Dénonville ce qui était le fruit de J a yrahi-
fon. Le 'Gouverneur de la Nouvelle York empêche les Cantons
d’envoler des Députés à ce Général. Etat du commerce dans la Nou¬
velle France. On reprend le deffein d établir des Péchés f den¬
taires le long du Fleuve S . Laurent. Abondance de Morues e
Baleines dans ce Fleuve. Ce qui empeche les François de prof -
ter de ces Pêches fur les Cotes de l Acadie. Les Anglois jont de
grands
DES SOMMAIRES. xxv
•grands efforts pour détacher les Nations Abenaquifes de nos inté¬
rêts . Le Chevalier de Callieres paffe en France , & pourquoi . Il
prefente à la Cour un Mémoire y & ce qu'il contient. Le Roy
Jonge à rappeller en France le Marquis de Dénonville 3 & pour¬
quoi ? Ce qui détermine Sa Majejté a rétablir le Comte de Fron¬
tenac dans le Gouvernement général de la Nouvelle France. Les
infimclions , quelle lui donne au fujetdela Baie F Hudfon. Ce
quelle lui recommande pour I Acadie. Ce quelle lui ordonne tou¬
chant TE ntreprife fur la Nouvelle York , propofée par le Cheva¬
lier de Callieres. Plan de cette Entreprise . Mefures prifes pour y
réujjir. Ce qui devoir fe faire apres la conquête de cette Province.
Ce qui la fit échouer. Inflruàions données par M. le Comte de
Frontenac à M. de la Caffiniere , Capitaine de Naiffeaux , &
qui devoit ajjieger Manhatte par Mer. Ce Capitaine ne peut ra¬
vitailler y ni fournir de munitions de guerre le Port Roial. M.
de Frontenac & le Chevalier de Callieres arrivent à Montreal 3 &
en quel état ils trouvent cette Lfle. Les Iroquois y font une ir¬
ruption y y exercent des cruautés inouïe s & font un grand nom¬
bre de Prifonniers. Ils attaquent un Fort , & prennent le Com¬
mandant , apres avoir tué toute la Garnifon. Ils font battus. Pro¬
jet de ces Sauvages en faifant cette irruption. MM. J de Dénon-
ville & de Champigny font F avis F abandonner & de ruiner le
Fort de Cataro„couy : Leurs raifons. Celles de M. de Frontenac
pour le conferver. Il fait de grands préparatifs pour le ravitailler
& en renfoncer la Garnifon : autres vûés , quil avoit en cela. Il
s y prend trop tard : il apprend que Catarocouy eft évacué dans le
tems , que fon Convoi étoit fur ie point de partir. Nouvelles pro-
pofitions du Chevalier de Callieres pour la conquête de la Nou¬
velle York. Ce qui empêche la Cour de les accepter. Expédition
de M. d Iberville dans la Baie d Hudfon & ce qui y donne lieu .
Succès , quelle eut. Les Canibas entreprennent F enlever aux An-
glois le Fort de Pemkuit. Avec quelle pieté ils fe préparent à
cette Entreprife. Ils s en rendent les Maîtres. D'aunes Abena-
quis chaffent les Anglais de quatorze autres Forts. P lufieur s de
ces Sauvages fongent a fe tranfporter dans la Colonie. Mémoire
de M. de Denonville fur la fituation où fe trouvoit la Nouvelle
France y & fur les remedes, qu il fallait apporter aux déj ordres y
qui s y etoient introduits. Le Roy veut qu'on s'y tienne fur la dé¬
fensive 3 & qu on réunifie les Habitations en Bourgades. AI. de
Frontenac travaille à gagner les Iroquois. Réponfè des Cantons
aux propofitions y qu'il leur avoit faites. Il refufe de donner au-
Tome I.
xxvj TABLE DES SOMMAIRES.
dience à leur Député s parce que le Chef de la Députation lui
avoit manqué derejpecl. Un Chef Goyogouin leur répond en fin
propre nom „ mais de concert avec lui » Ce qui autonfoit le Gou¬
verneur Général à le prendre avec eux fur un ton fi haut. Les Ou -
taouais traitent avec les Iroquois fans la participation des Fran¬
çois. Ce qui les y engage. Diligences de M. de la Durantaye &
des Mijjionnaires à ce fujet. Lettre du P. de Carheil au Comte
de Frontenac fur le même fujet. Effet 3 quelle produifit dans Fefi
prit de ce General. Hifloire de Catherine Tegahkouita 3 Uierge
Iroquoife morte en odeur de fiainteté. Hifloire de quelques Iro¬
quois Chrétiens 5 de F un & de F autre fixe , brûlés par les Infidè¬
les en haine de leur Religion. Action héroïque de toute une Fa¬
mille Iroquoife du Sault S. Louis . Quelques exemples de la fer¬
veur & de la pieté de divers autres Sauvages dans les MiJ/ions
Algonquines.
Fin de la Table des Sommaires.
HISTOIRE
r
HISTOIRE
i fi « 'ET
DESCRIPTION GENERALE
DELA
NOUVELLE FRANCE;
OU L’ON TROUVERA TOUT CE QUI REGARDE
les Découvertes & les Conquêtes des François
dans l’Amerique Septentrionnale.
LIVRE PREMIER.
N parle fl diverfement parmi nous des Eta-
bliffemens, que nous avons faits en divers tems
dans FAmerique Septentrionale , que j’ai cru
faire plaifir au Public , de rendre même quel¬
que lervice à ma Patrie , fi aux obfervations ,
que j’ai faites en parcourant ces vaftes Pays ,
où la France poflede plus de terrein , qu’il n’y
en a dans le Continent de l’Europe , je joignois une Hiftoire
exa£le & fuivie de tout ce qui s’y eft pâlie de mémorable depuis
plus de deuxfiécles.
Tome I.
BdTèîn de
cet Ouvrage»
A
2
histoire generale
Mais ce motif n’eft pas le feul , qui m’a engagé dans ce travail;
Perfuadé , que fi je me dois à la République comme citoyen *
ma profefiion m’oblige aufii à fervir l’Egîife , & à lui confa-
crer du moins une partie de mes veilles ; je me fuis encore
déterminé à entreprendre cet Ouvrage , par le defir de faire
connoître les mifericordes du Seigneur , & le triomphe de la
Religion fur ce petit nombre d’Elus , prédeftinés avant tous
les hecles , parmi tant de Nations fauvages , qui jufqu’à l’en¬
trée des François dans leur pays , étoient demeurées enfevelies
dans les plus épaiffes ténèbres de l’infidélité. Enfin j’ai aufii eu
en vûë de tirer de l’oubli plufieurs perfonnes illuftres , dont
les noms meritoient bien de paffer à la pofterité , & de faire
comprendre que l’obfcurité , où ils font refiés jufqu’à prefent *
ne vient point de la médiocrité de leur mérité.
J’accorderai fans peine aux Efpagnols que nous n’avons
point eu dans le Nouveau Monde de Voyageurs , de Conque-
rans , de Fondateurs de Colonies , qu’on puiffe mettre en pa¬
rallèle avec ceux de leur Nation , qui ont paru avec le plus
d’éclat fur le théâtre du Nouveau Monde , fi avec leur mérité
perfonnel on met dans la balance la grandeur de leurs conquê¬
tes , & la richeffe des Provinces , dont ils ont augmenté leur
Monarchie. Mais fi on les dépouille de tout ce qui leur efi étran¬
ger , & dè ce qu’ils doivent aux conjonctures favorables , où
ils fe font trouvés ; fi l’on fçait difiinguer dans ces Hommes cé¬
lébrés ce qui leur appartient en propre , je veux dire , leurs
vertus , leurs talens , leur valeur , leur bonne conduite , nous
pourrons peut-être produire des Navigateurs aufii habiles , aufii
hardis , aufii confians que les Colombs , les Americs Vefpu-
ces & les Magellans ; & des Conquerans , qui avec toute la
bravoure & l’intrépidité des Balboas , des Cortez , des Alma-
grès , des Pizarres & des Valdivias , n’en ont point eu les vi¬
ces. Je ne poufferai pas ce parallèle plus loin , c’eff au Public
à juger du mérite de ceux, dont on lui rapporte les aftions ; le de¬
voir d’un Hifforien efi de lui faire un récit fidele , & de lui four¬
nir avec exactitude & fans préjugé les pièces , fur lefquelles il
peut porter fon jugement ; & c’eft ce que je vais tâcher de
faire avec tout le foin & toute la fincerité , dont je fuis capable..
On a toujours regardé en France comme une des vifions de
Guillaume Poffel , qu’une bonne partie des Côtes de l’ Améri¬
que Septentrionnale ait été fréquentée , même avant J. C. par
les Peuples des Gaules , qui ne les avoient abandonnées % difoit-
Découve -rc
de Terre neu-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lir. I. 3
il , que parce qu’ils n’y trouvèrent que des terres incultes , 8c de
vaftes régions , fans aucune ville , 8c prefque fans habitans ;
comme fi la pêche , dont il affûte au même endroit que les
Gaulois tiroient un profit immenfe , n’auroit pas dû fuffire pour
les engager à continuer ce commerce. ( a )
Quelques Auteurs ont avancé qu’en 1477. Jean Scalve,Polo-
nois , reconnut XEftodland , 8c une partie des Terres de Labra¬
dor ou Laborador ; mais outre que l’Effotiland eft aujourd’hui
regardé comme un pays fabuleux , 8c qui n’a jamais exifté que
dans l’imagination des deux frétés Zani , nobles Vénitiens , on
ne fçait rien de particulier de l’expedition du Voyageur Polo¬
nais 5 qui n’a eu aucune fuite , 8c qui n’a pas fait beaucoup de
bruit dans le Monde. Il eftplus certain que vers l’an 1497. un
Vénitien, nommé Jean Gahot , 8c les trois fils (b) , qui
avoient armé aux frais , ou du moins fous l’autorité de Hen¬
ry VIL Roy d’Angleterre , reconnurent Fille de Terre-Neuve 8c
une partie du Continent voifin. On ajoûte même qu’ils rame¬
nèrent a Londres quatre Sauvages de ces contrées ; mais de bons
Auteurs ont écrit qu’ils n’avoient débarqué en aucun endroit , ni
de l’Ifle , ni du Continent. .
Il en eft à peu près de même du voyage d’un Gentilhomme
Portugais , nomme Gafpar de Cortereal , qui en ifoo. vifita
toute la Cote orientale de Terre-neuve , 8c parcourut enfuite
une bonne partie de celles de Labrador. A la vérité on ne fçau-
roit nier qu il n’ait mis pied à terre en plufteurs endroits , 8c im-
pofe des noms , dont quelques-uns fubfiftent encore ; mais il
ny a nulle preuve que ce Navigateur ait fait aucun Etabliffe-
ment. Les Portugais accoutumes à des climats plus doux , 8c
bientôt après tout occupés à recueillir les tréfors de l’Afrique, des
Indes Orientales 8c du Brefil , mépriferent fans doute un Pays
couvert de neiges plus de la moitié de l’année , où il n’y avoit
crue du poiffon , dont on ne connoiffoit point encore le prix , 8c
dont les habitans peu fociables, 8c mal aifés à dompter, n’avoient
pour toute richeffe , que les peaux , dont ils fe couvroient.
Quoiqu il en foit, dès l’année 1 504. des Pêcheurs Bafques ,
Hormands 8c Bretons , faifoient la pêche de la Morue lur le p. .
jrand Banc de Terre-neuve , & le long de la Côte maritime du vigatTon^d»
Ganada; 8c je trouve dans de bons Mémoires qu’en i<o6. un François en a-
' mericjuc.
I 504-08.
Premières na-
( a ) Terra ilia : ob lucratiffimam fifeationis
Wilttatem fummâ litteramm memortà a Gal-
Lis adirt fo Itt a , & a*te mille jexcemei antuu
frequermri caepta eft , fed eo quod urbibus ta.
c ali a , & vafta , /prêta eft.
[_b) Cabot , on Gabato.
\
4 HISTOIRE GENERALE
habitant de Honfïeur , appelle Jean Denys , avoit trace une
carte du Golphe , qui porte aujourd’hui le nom de S. Laurent.
Vincent le Blanc raconte dans fes Voyages que vers le même
tems un Capitaine Efpagnol , nommé Velafco , remonta deux
cent lieues le Fleuve , qui fe décharge dans le Golphe , & au¬
quel on a donné le même nom ; qu’il s’éleva enfuite le long de
la terre de Labrador jufqu’à la riviere Nevado } découverte , dit-
on , par Cortereal , & qu’on ne connoït plus prefentement.
Mais les récits de cet Auteur font fi confus , fi embarraffés y
fi dénués de dattes , & de tout ce qui peut donner du jour à
une Relation , que fouvent on n y trouve pas même de quoi
apuyer une conjeélure , qui ait de la vraifemblance. Il y a
d’ailleurs mêlé des chofes fi évidemment fabuleufes , comme ce
qu’il dit de la taille gigantefque des naturels du pays , qu’on efi
étonné de voir de pareils contes dans un Ouvrage , qui a d’ail¬
leurs quelque réputation. Ce n’efl pas affez pour un Voyageur
d’être hncere , s’il juge à propos de fuppléer par d’autres Mé¬
moires à ce qu’il n’a point vû par lui-même , il ne fç aurait trop
s’étudier à en faire le difcernement.
En 1508. un Pilote de Dieppe, nommé Thomas Aubert,
amena en France des Sauvages de Canada ; mais il paroît qu’on
a avancé fans fondement que ce Navigateur avoit fait la decou¬
verte de ce pays par l’ordre de Loiiis XII. il paffe pour confiant
dans notre Hifloire , que nos Rois n’ont fait nulle attention à
l’Amerique avant l’année 1523. Alors François I. voulant exci¬
ter l’émulation de fes Sujets par rapport à la Navigation , & le
Commerce , comme il avoit déjà fait avec tant de fuccès pour
les Sciences & les beaux Arts , donna ordre à Jean Verazani ,
qui étoit à fon fervic'e , d’aller reconnoître les Nouvelles Terres,
dont on commençoit à parler beaucoup en France. Sur quoi je
ne puis me difpenfer de faire en paffant une remarque ; c’efl qu’il
efl bien glorieux à l’Italie , que les trois Panïances , qui parta¬
gent aujourd’hui prefque toute l’Amerique, doivent leurs pre¬
mières découvertes à des Italiens ; à fç avoir , les Caflillans à un.
Génois (a) , les Anglois à des Vénitiens (b) , & les François
à un Florentin (c) ; je joindrais à ces hommes illuftres un au¬
tre Morentin (d) , qui a rendu de grands fervices aux Caflillans
& aux Portugais dans le nouveau Monde , s’il devoit à fon mé¬
rité , & non à une fupercherie indigne d’un honnête-homme ?
(a) Chriftophe Colomb.. j ( e ) Verazani.
4^) Jean Gaboc & tes fils. j (d) Amexie Velpuçej
voia-
1 5 23
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. I. 5
la gloire qu’il a eue, de donner fon nom à la plus grande des qua¬
tre parties du Monde connu. Premier
Yerazani fut donc envoyé en 1523. avec quatre vaiffe aux , Yctaza
pour découvrir l’Amerique feptentnonnale ; mais nos Hiftonens ni.
n’ont point parlé de cette première expédition , & on 1 ignore- - - - -
roit encore aujourd’hui (a) , fi nous n’avions ças une Lettre de
Verazani même , que Ramufio nous a confervee dans Ion grand
Recüeil Elle eft adreffée à François I. & dattee de Dieppe du
huitième de Juillet de l’année 1524. L’Auteur y fuppofe que Sa
Majefté étoit déjà inftruite du fuccès & des particularitez de fon-
voyage ; de forte qu’il fe contente de dire qu’il etoit parti de
Dieppe avec quatre vaiffeaux, qu’il avoir heureufement ramenés
dans ce Port. Il en fortit au mois de Janvier 1 5 24. avec deux
bâtimens , la Dauphine & la Normande 3 pour aller en courte
contre les Efpagnols.
Vers la fin de la même année , ou au commencement de la
fuivante , il arma de nouveau la Dauphine , fur laquelle il em¬
barqua cinquante hommes , avec des provifions pour huit mois,
& fe rendit d’abord à l’Ifle de Madere. Il en partit le dîx-feptieme
de Janvier 152-5* avec un petit vent d Eft , qui dura jufqu au
vingtième de Février , & lui fit faire , fuivant fon eftime , cinq
cent lieues au Couchant. Une tempete violente le mit enfuite
à deux doigts du naufrage ; mais le calme étant revenu , il con¬
tinua fa route fans aucun accident , & fe trouva vis-à-vis d’une
terre baffe. Il s’en approcha , mais ayant reconnu qu elle etoit
fort peuplée , il n’ofa y débarquer avec fi peu de monde. Il tour¬
na au Sud , & fit cinquante lieues, fans apercevoir aucun havre,
où il pût mettre fon navire en sûreté , ce qui l’obligea de rebrouf
fer chemin. Il 11e fut pas plus heureux du côté du Nord , de for^
te qu’il fut contraint de mobilier au large , & d’envoyer fa cha¬
loupe pour examiner la Côte de plus près.
A l’arrivée de cette chaloupe, le rivage fe trouva bordé de ^ _
Sauvages , en qui l’on voyoit tout à la fois des effets de la fur- quemens
prife ,°de l’admiration , de la joye & de la crainte ; mais il n’eft
pas aifé de juger fur la Lettre , que Yerazani écrivit au Roi de
Son fécond1
voyage.
1525.
Son prc-î
mier débar«
(a) L’Auteur moderne de YEnJayo Chrono¬
logie 0 p tra la Hijlorta de la Florida , place ce
premier voyage de Verazani , qu’il traite de
Corfaire , en i j 14. mais il fe trompe. Il pré¬
tend auiïi mal-à-propos qu’ayant été pris cecte
meme année par des Bizcayens , il fut mene
juifonnier à Scville , 6c de- là à Madrid , où ri
Rit pendu. Il eft d’ailleurs certain queYera-
zani fit plufieurs années la courfe contre les
Efpagnols , avec com. ni filon du Roi de Fran¬
ce , qui étoit alors en guerre contre Charles-
Quint. De quel droit, s’il avoir été pris , l’au-
roit-on traité en voleui' , ôe non en prilonnier
de guerre l
A iij
I 5 25*
Aventure fin
guliere d'un
Matelot.
6 HISTOIRE GENERALE
francê aU retour de fon voyage , par quelle hauteur il décou¬
vrit d abord la terre , ni precifement jufqu’où il s’éleva au Nord.
Lefcarbot dit qu il découvrit tout le pays , qui eft entre les tren-
te & les quarante degres de latitude feptemrionnale , mais il ne
cite point fes Auteurs. Verazani nous apprend feulement que
de 1 endroit , ou il apperçut la terre pour la première fois , il la
rangea a vue pendant cinquante lieues , allant toujours au Midi,
ce qu il n aurait pu faire , vu le gifement de la Côte , ff ce nre-
niier atterage avoit été plus au Nord que les trente-trois degrés.
dit meme en termes formels , qu’après avoir navigué quelques
tems il fe trouva par les trente-quatre degrés. De là , ajoûte-
til, la Cote tourne a l Onent; quoiqu’il en foit , ayant repris
fa route au Nord , & n aperçevant point de Port , parce qu’ap-
paremment il n aprochoit point alfez de terre , pour diftinguer
es embouchures des nvieres , le befoin, où il Lit de faire de
eau , 1 obligea d armer fa chaloupe , pour en chercher ; mais
mais aforder. trouverent > «T* la chaloupe ne pût ja-
Cependant les Sauvages invitoient par toutes fortes de dé-
. mor-ftratlons les François à s’approcher ; & un jeune Matelot,
qui fçavoit fort bien nager , fe hazarda enfin à fe jetter à l’eau,
apres s être charge de quelques préfens pour ces Barbares II
n etoit plus qua une portée de moufquet de terre , & il n’avoit
plus de 1 eau , que jufqu a la ceinture , lorfque la peur le prit •
il jetta aux Sauvages tout ce qu’il avoit, & fe remit à la na’
ge , pour regagner fa chaloupe. Mais dans ce moment une va¬
gue , qui venoit du large , le jetta fur la côte avec tant de fu¬
rie , qu il relia étendu lur le rivage fans connoiffance. Vera¬
zani dit qu ayant perdu terre , & les forces lui manquant il
courait nfque de fe noyer, lorfque des Sauvages coururent à
fon fecours , & le portèrent à terre.
Il paraît qu’il fut quelque tems entre leurs bras fans s’en ap¬
ercevoir. Lorfqu il eut repris fes fens , il fut faifi de frayeur
& fe mit a crier de toute fa force. Les Sauvages , pour le
raturer , crièrent: encore plus fort , ce qui produifù un effet
tout contraire a celui qu ils pretendoient. Ils le firent enfin a f-
feoff au pied dune colline , & lui tournèrent le vifage vers
e Soleil ; puis ayant allumé un grand feu auprès de lui , ils
le depouillerent tout nud. Il ne douta plus alors qu’ils neuf
fent deffein de le brûler & il s’imagina qu’ils alloie^it le facri-
fier au Soleil. On eut la même penfée dans le navire , doit
I
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. T. 7
Ton voyoit tout ce manège , mais où l’on ne pouvoit que
plaindre fon fort.
Il commença néanmoins à mieux efperer , quand il vit que
Ion faifoit fécher fes hardes , & qu’on ne l’aprochoit lui-mê¬
me du feu , qu’autant qu’il étoit néceffaire pour l’échauffer.
Il trembloit à la vérité de tout fon corps , mais c’étoit affûré-
ment plus de peur, que de froid. Les Sauvages de leur côté lui
faifoient des careffes , qui ne le raffûroient qu a demi , & ne fe
laffoient point d’admirer la blancheur de fa peau ; fa barbe
& le poil , qu’ils lui voyaient en plufieurs endroits du corps’
où ils n’en ont pas eux-mêmes , les étonnoient encore davan¬
tage. A la fin ils lui rendirent fes habits , lui donnèrent à man¬
ger ; & comme il marquoit une grande impatience d’aller re¬
joindre fes Compagnons , ils le conduifîrent jufqu’au bord de
la Mer , le tinrent quelque tems embraffé , témoignant par-là
d’une maniéré , qui n’avoit rien d’équivoque , le regret qu’ils
avoient de le quitter. Ils s’éloignèrent enfuite un peu pour le
laiifer en liberté ; & quand ils le virent à la nage , ils montè¬
rent fur une emmence , d ôu ils ne c efferent point de le re¬
garder , qu’il ne fût rentré dans le navire.
Le refie du détail de ce voyage n’a rien de fort intereffant,
& n’efl pas même trop intelligible. Nous connoiffons beau-
coup mieux les pays , que V erazani parcourut , qu’il ne les con— •
noiffoit lui-même , lorfqu’il rendit compte au Roi fon Maître
de cette fécondé expédition , & les endroits , où il débarqua*
ne portent plus aujourd’-hui les noms , qu’il leur avoit donnés.
Il finit le Mémoire , qu’il préfenta à François L en difant , qu’il
s etoit avancé jufques fort près d’une Ifle , que les Bretons
avoient découverte , & qui eû fituée par les cinquante degrés
d élévation du Pôle. S il ne s’efl point trompé dans fon effi-
me , il eft hors de doute que fille , dont il parle , efl celle de
I erre-neuve , où les Bretons faifoient la Pêche depuis lon^-
tems . d ailleurs il affûre , qu’avant que d’arriver à cette Ifle>,
YY™ c°toye Continent fefpace de fept cens lieues , ce qui
elt bien loin du compte de Lefcarbot.
Peu de tems après fon arrivée en France , il fît un nouvel
armement a deflein d établir une Colonie dans l’Amerique. n
1 out ce qu on fçait de cette entreprife , c’eft que s’étant em- g
barque , il n’a point paru depuis , & qu’on n’a jamais bien fçû
ce qu il etoit devenu : car je ne trouve aucun fondement à ce
que quelques-uns ont publié , qu’ayant mis pied à terre dans
1525
: YOia
g histoire generale
- - un endroit , où il vouloit bâtir un fort , les Sauvages fe jette*
1 J 2 ^ * rent fur lui , le maflacrerent avec tous fes gens , & le man¬
gèrent (a) Ce quil y a de plus certain , c’eft que le malheureux
tort de Verazani fut caufe que pendant pluueurs années, ni le
Roi , ni la Nation ne fongerent plus à l’Amerique.
Premier voïa- Enfin dix ans après Philippes Chabot, Amiral de France, en-
ge de Jacques gagea le Roi à reprendre le deffein d’établir une Colonie Fran-
Cartîer. ç0ife dans le Nouveau Monde , d’où les Efpagnols tiroient tous
^77777" les jours de fi grandes richeffes ; & il lui prefenta un Capitaine
) * ’ Maloin , nommé Jacques Cartier , dont il connoiffoit le méri¬
té , & que ce Prince agréa. Cartier ayant reçu fes inftru&ions,
partit de S. Malo le vingtième d’ Avril 1534. avec deux bâti-
mens de foixante tonneaux , & cent vingt-deux hommes d’équi¬
page. Il prit fa route à l’Ouefl , tirant un peu fur le Nord , oc il
eut les vents fi favorables, que le dixiéme de Mai il aborda au cap
de Bonne Vifie en Fille de Terre-neuve. Ce Cap eft fitué par les
quarante-fix degrés de latitude ; Cartier y trouva la terre encore
couverte de neiges , & le rivage bordé de glaces , deforte qu’il
11e put , ou qu’il n’ofa s’y arrêter. Il defcendit fix degrés au Sud-
Sud-Eft , & entra dans un Port , auquel il donna le nom de
Sainte- Catherine.
De-là il remonta au Nord , & gagna des Mes , qu’il appelle
dans fes Mémoires les Ijles aux Oijèaux. Elles font , dit-il, éloi¬
gnées de Terre-neuve de quatorze lieues , & il fut bien furpris
d’y voir un Ours blanc de la groffeur d’une Vache, qui avoit fait
ce trajet à la nage. Dès que cet animal eut aperçu les chaloupes,
qui alloient à terre , il le jetta à la mer , & le lendemain Car¬
tier l’ayant rencontré allez près de Terre-neuve , le tua & le prit.
Il côtoya enfuite toute la partie du Nord de cette grande Me , 8c
il dit qu’on 11e voit point ailleurs ni de meilleurs ports , ni de
plus mauvais pays ; que ce ne font par-tout que des rochers af¬
freux , que des terres fteriles , couvertes d’un peu de moufle ;
point d’arbres , mais feulement quelques buiffons à moitié def-
fechés ; qu’il y trouva néanmoins des hommes bien faits , qui
avoient les cheveux liés au-deflùs de la tête , comme un paquet
de foin , c’eft fon expreflion , avec quelques plumes d’oileaux ,
entrelaffées fans ordre , ce qui faifoit un effet aflez bizarre.
Après avoir fait prefque tout le tour de Terre-neuve , fans
pouvoir néanmoins encore s’aflùrer que ce fût une Me , il prit
(a) Voyez les Faftes Chronologiques dç la Découverte du nouveau Monde fous l’année
cpj. ..
fa
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. I. 9
fa route au Sud , traverfa le Golphe , s’aprocha du Continent, “7^77^
& entra dans une Baye fort profonde , où il fouffrit beaucoup
de chaud , ce qui la lui fit nommer la Baye des Chaleurs . Il fut
charmé de la beauté du pays, & fort content des Sauvages, quil
y rencontra , & avec lefquels il troqua quelques marchandifes
pour des Pelleteries. Cette Baye efl la même, que Ton trouve
marquée dans quelques cartes fous le nom de Baye dès E/pa-
gnols , & une ancienne tradition porte que des Cafiillans y
étoient entrés avant Cartier , & que n’y ayant aperçu aucune
apparence de Mines, ils avoient prononcé plufieurs fois ces deux
mots Aea Nada ici rien , que les Sauvages avoient répétés de¬
puis ce tems-la aux François , ce qui avoit fait croire à ceux-ci
que Canada etoit le nom du pays (æ). Nous avons déjà vû que
Vincent le Blanc a parlé d’un voyage des Efpagnols en ces quar¬
tiers-là ; le refie efi fort incertain. Quoiqu’il en foit , la Baye des
Chaleurs efi un allez bon Havre , & depuis la mi-Mai jufqu a la
fin de Juillet on y pêche une quantité prodigieufe de loups
marins.
Au fortir de cette Baye , Cartier vifita une bonne partie des Il retourne
Côtes , qui environnent le Golphe , & prit pofleflion du Pays cn Frauce'
au nom du Roi Très-Chrétien , comme avoit fait Verazani dans
tous les endroits , ou il avoit débarqué. 11 remit à la voile le
quinziéme d’Août , pour retourner en France , & il arriva heu-
reufement à S. Malo le cinquième de Septembre , plein d’efpe-
rance que les Peuples , avec qui il avoit traité , s’aprivoife-
roient fans peine , qu on pourroit aifément les gagner à J. C. &
par ce moyen établir un commerce avantageux avec un grand
nombre de Nations diverfes.
Sur le raport qu’il fit^ de fon voyage , la Cour jugea qu’il fe- Son fécond
*7^1, a France d avoir un EtablifTement dans cette partie vo^aBe*
de 1 Amérique ; mais perfonne ne prit plus à cœur cette a flaire kk "
que le Vice-Amiral Charles de Mouy , Sieur de la Mailleraye.
Ce Seigneur obtint pour Cartier une nouvelle Commiflion plus
ample que la première , 8c lui fit donner trois navires & de bons
équipages. Cet armement fut prêt vers la mi-May , & Cartier ,
qui avoit beaucoup de religion , fit avertir tout fon monde de
le trouver le feizieme , jour de la Pentecôte , dans l’Eglife Ca¬
thédrale , pour y faire fes dévotions. Perfonne n’y manqua,
oc au fortir de 1 Autel , le Capitaine , fuivi de toute fa troupe ,
(a) Quelques - uns dérivent ce nom du mot Iroquois K annata ,
ca , & lignine un amas de Cabarjnes.
Tome /.
qui fe prononce Canna»
v-
B
ÎO
*535
Defcription
du porc de S.
Nicolas.
Origine du
nom de Saint
Laurent , que
portent leGol-
phe & le Fleu¬
ve du Canada.
De l’ïfled’An-
ticofty & du
Saguenay.
histoire generale
entra dans le Chœur , où l’Evêque les attendoit revêtu de fe£;
habits Pontificaux , & leur donna fa bénédi&ion.
Le Mercredy dix-neuf ils s’embarquèrent, Cartier montoit un
navire de fix vingt tonneaux , nommé la grande Hermine 3 8c
avoit avec lui plufieurs jeunes Gentilshommes , qui voulurent
le fuivre en qualité de Volontaires. Ils mirent à la voile par un
très-beau tems , mais dès le lendemain le vent devint contraire,
le Ciel fe couvrit , 8c pendant plus d’un mois toute l’habileté
des Pilotes fut prefque toujours à bout. Les trois navires , qui
s’étoient d’abord perdus de vûë , elfuyerent chacun de leur côté
les plus violentes tempêtes , & ne pouvant plus gouverner , fe
virent enfin forcés de s’abandonner au gré des vents 8c de la mer.
La grande Hermine fut portée au Nord de Terre-neuve , 8c
le dix-neuf de Juillet Cartier fit voiles pour le Golphe , où il
avoit marqué le rendez-vous , en cas de léparation. Il y arriva le
vingt-cinq , 8c le jour fuivant fes deux autres bâtimens le rejoi¬
gnirent, Le premier d’Août un gros tems le contraignit de fe
réfugier dans le Port de S . Nicolas , fitué à l’entrée du Fleuve du
côté du Nord. Cartier y planta une croix , où il mit les armes
de France , 8c il y demeura jufqu’au fept.
Ce Port eft prefque le feul endroit du Canada , qui ait con-
fervé le nom , que Cartier lui donna : la plûpart des autres en
ont changé depuis, ce qui a répandu beaucoup d’obfcurité dans
les Mémoires de ce Navigateur, Le Port de S. Nicolas efi: par
les quarante-neuf degrés vingt-cinq minutes de latitude Nord :
il efi allez sûr , 8c on y mouille par quatre brades d’eau , mais
l’entrée en efi difficile , parce quelle efi embarraffée de récifs.
Le dixiéme les trois vaille aux rentrèrent dans le Golphe , 8c
en l’honneur du Saint dont on célébré la Fête en ce jour , Car¬
tier donna au Golphe le nom de Saint Laurent , ou plutôt il le
donna à une Baye , qui efi entre fille d’Anticofty 8c la côte fep-
tentrionnale , d’où ce nom s’efi étendu à tout le Golphe , dont
cette Baye fait partie ; 8c parce que le Fleuve , qu’on appelloit
auparavant la Riviere de Canada , fe décharge dans ce même
Golphe , il a infenfiblement pris le nom de Fleuve de S . Laurent ,
qu’il porte aujourd’hui.
Le quinziéme , Cartier s’approcha de fille d yAnticoJly , pour
la mieux reconnoître , & à caufe de la célébrité du jour , il la
nomma f IJle de T Affomption 3 ( a ). Mais le nom d’Anticofiy a
(a) Des Sauvages l’a^pelloient Natifcotec. Le
nom d’ Anticofty paroit lui avoir été donne par
des Anglois. Jean Alphonfe s’eft trompé en lz
nommant Ylfie de l'AJeenfion,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. I. ,
prévalu dans l’ufage ordinaire. Enfuiteles trois Navires remon -
terent le Fleuve , & le premier de SenfemKr» ;i., _ , n~ i
f rvr, * & canuiteies trois IN avires remon —
terent le Fleuve , & le premier de Septembre ils entrèrent dans' 1 ï 3 ï-
le S aguenay .Cartier ne Ht que reconnoïtre l’embouchure de cet-
te Riviere , & apres avoir encore rangé la Côte pendant quinze
lieues , il mouilla auprès d une Ifle , qu’il nomma X I(leaux Cou-
in’j > Parce qu 'ly trouva beaucoup de Coudriers. Ainfi ceux
la fe font trompes qui ont cru que cette Me avoit été formée
par le erand^ Tremblement de Terre, dont je parlerai en fon
lieu , & qui a la vente 1 augmenta confidéraMement.
Cartier le voyant alors, engagé bien avant Hanc un D
z:z •/' t z ch“,î“ ” p“ • »” & s sjss; ar
e re en furete pendant l’hyver. Huit lieues rlus loin que rifle
aux Coudres , il en trouva une beaucoup plus belle & plus gran
cL , toute couverte de Bois & de Vignes : il l’appelFa l 'A l
CAuÎu/dTlaR^n?maité Changé en celul J O Jeans.
I. Auteur de la Relation de ce voyage, imprimée fous le nom
de Cartier , prétend que le Pais ne commence qu’en cet endroit
a s appeller Canada, mais il fe trompe affûrément ; car il eft eer
tout?eUpSvseameft fe I tems,les Sauvages donnoientee nom à
CDeél’Meede B^h fon embouchure lufq^’au Saguenay. Pan''
^Lma6!' ^"em duPNoer?7 Hk-
me de Septembre Jûx^à^ZJZ TomiiémFm k
i Ja?KSf ^ Le lenAerin de arrivée il y reçut
teurdeh R , ■ f Sauvage nommé Donnacona , qui VA u-
teur de la Relation de ce voïage qualifie Seigneur du Canada
en France Ane i 7?mer. » ^ d ne vouloir pas retourner aga*
nâr r?nn^ : la VO,r- Ce 1U1 de la peine 5 Donnacona
ItoInlT 1 Ce VÏPge ’ c’eft <îue les Habitans d’Hochelaea
filer feuf Z *ati°n Ve la «enne , & qu’il vouloit pro- '
ripe F es avantages , quil fe promettoit de tirer du féinnr
Tome I q U‘ re“OK afalfe Pour gagner cette Bourga-.
* B ij
M35
Réception ,
■qu’on y fait à
Cartier»
histoire generale
\Z , . , » „ ...ni ne nenfoit , & qu’il y rencontreroit
de èrandesPdTfficulfés ; mais Cartier , qui pénétra fans doute le
motif, 'qui le faifoit parler , ne changea point de refolutmri.
Tlramtde Sainte Croix le dix - neuvième avec la grande Hcr-
“Suie , & deux Chaloupes , laiffant les deux autres Navi¬
res dans la Riviere de Sainte Croix , ou la grande Hermine n a
Vl?vintnneuf fffût arrêté au Lac S. Pierre . que fon Navire
jLe vint neui ’ nnarPmment il n avoit pas bien enfile
ne put paffer , parce ÆhS Pdeux Chalou-
pef 3& de s’yembàrquer.îl arriva enfin à Hochelaga le deux.e-
PoMMERAYE & de Goyelle UjOisoe encemtes de Pa-
cmre rie cette Bourgade etoit ronde , & trois enceintes
fiffades y renfermofent environ cinquante Cabannes , longues
de plusse cinquante pas chacune , larges de quatorze ou
miinze & faites en forme de Tonnelles. On y entrait par
Sne fetde porte, au deffus de laquelle , auffi-bien que le long
une leuie porte, ^ resmoitune efpéce de Galerie , ou
de la première enceinte Ol regn0 -Pétoit abondamment
l’on montoit avec des ech Ue & qu^
P°reI Hab.unsTeÏeue BourgadePparloient la Langue Hu-
ron. Ils reçurent très-bien les François , ils leur donnèrent
des Fêtes à leur maniéré , & on fe fit réciproquement des pre-
fens L’é onnement de ces Sauvages fut extreme a la vue des
Européens"” leurs armes à feu , leurs trompettes G &£uaa£
très inftrumens de guerre leurs iongues ba bes leu haM
lement furent lontems le fujet de 1 admiration oc aes e
tieTs de ces Barbares , qui ne fe laffoient pomt de queftionner
leurs Hôtes ; «>ais comme de part & d’autre on ne pouvoir fe
parler que par fignes , les Nôtres ne donnèrent & ne reçurent
Îue bien peu de fumieres fur ce qu’on fe demandoit mutuelle-
01 Un jour Cartier fut fortfurpris de voir venir i à . lui le Chef
de la Bourgade , qui lui montrant fes jambes & fes bras , u
fit entendre au’il V fouffroit quelque incommodité , & qud ui
ht entendre qun y l’aftion de cet Homme fut auffitot
feroit plaifir de le guérir. L. action t
imitée de tous ceux , qui etoient prefens , iL peu de tems
M Champlain prétend que cette Riviere
«fl celle de s. Charles ; mais d le tiorapc , mmnir les dix lieues du bas de l'IHc.
«uifque des ISâtimens beaucoup plus grands , <pu il comptoir les dix lieues au
'Poitiie daNord
'ascjuembec
Cocagne
[quil"n&at
rt Cl'""*"'
'rccaàtf
uifte . .
- S.T'erT
n j'rattchemvnty™
jgT^^^~ APointe de L'E&t
\tZes 3 . Rivières
c «ï .
Tonriaemn^
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Cap de 17 Pcnser%Â
Cap des Jfi/ie^
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P. ■ Rùehibouetou
Dressee sur les Manuscrits du Depost
des Cartes et Plans de la Marine.
Par N. j B. lmp et H i/o. de la Marine.
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Echelles
Lieues) Communes de Fra/icc de 2,2.81. T cts es
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Lieues Marine d 8e France et d’Anq/efrrre de 2.853 -Ibis cd
Longitude Occidentale du Méridien de Paris
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. I. 13
après d’un plus grand nombre encore, qui accoururent de toutes
parts , & parmi lefquels il y en avoit ,^qui paroiffoient véritable¬
ment fort malades , & quelques-uns dune extrême vieillefîe. La
{implicite de ce peuple toucha le Capitaine , qui s’armant d’une
foi vive , récita le plus dévotement qu’il put le commencement
de l’Evangile de Saint Jean. Il fit enfuite le figue de la croix
fur les malades , leur difiribua des chapelets & des Agnus Del ;
& leur fit entendre que ces chofes avoient une grande vertu
pour guérir toutes fortes d’infirmités. Cela fait , il fe mit en
prières , & conjura infiamment le Seigneur de^ ne pas laifier
plus long-tems ces pauvres Idolâtres dans les ténèbres de l’in¬
fidélité ; puis il récita à haute voix toute la Faffion de J . C.
Cette le&ure fut écoutée avec beaucoup d’attention & de ref-
pecl de toute l’afliftance , & cette pieufe cérémonie fut termi¬
née par une fanfare de trompettes , qui mit ces Sauvages hors
d’eux-mêmes de joie & d’admiration.
Le même jour Cartier vifita la Montagne , au pied de la¬
quelle étoit la Bourgade , & lui donna le nom de Mont-Royal ,
qui efi devenu celui de toute l’Ifle (u). Il découvrit de-là une
grande étendue de pays , dont la vûë le charma , & avec rai-
fon , car il en. efi: peu au monde de plus beau & de meilleur.
Il comprit que difficilement il auroit pû trouver un lieu plus
propre à faire un établiffement folide , & Feiprit rempli de
cette idée , il partit d’Hochelaga le cinquième d’Oelobre , &
arriva l’onzième à Sainte Croix.
Ses gens s’étoient fait autour de leurs barraques une ma¬
niéré de retranchement , capable de les garantir au moins
d’une furprife : précaution fouvent néceffaire avec les Sauva^
ges , & dont on ne doit jamais fe repentir , lors même qu’on
n’a pas eu occafion d’en reconnoître la néceffité. Il y auroit
même eu ici de l’imprudence à 11e pas prendre ces mefures ,
parce qu’il s’agifîoit de palier l’hyver dans le voifinage d’une
Bourgade fort peuplée , & où commandait un Chef, dont on
avoit plus d’une raifon de fe défier. Je trouve dans quelques
Mémoires , & c’eft une tradition confiante en Canada , qu’un
des trois navires fut brifé contre un rocher , qui efi dans le
fleuve S. Laurent , vis-à-vis de la riviere de Sainte Croix , tk
que la marée couvre entièrement , lôrfqu’elle efi haute ( b ) ; mais
la Relation , d’ou j’ai tiré ce récit , ne dit rien de cet accident.
( a ) On l’appelle aujourd’hui Montreal.
. \b) On l’appelle encore préfentement la Roche de Jacques Cartier.
B ii)
1 5 3 5 *
U vifite la
montagne , &C-
lui donne- le
nom de Mont-
royal.
i53<5.
Le fcorbut
fait périr une
partie des
François.
Idée, que Car¬
tier donne au
Roi du Cana¬
da.
Son retour
en France.
1536.
M HISTOIRE GENERALE
Un plus grand malheur fit bientôt oublier celui-ci , & cela
d autant plus alternent , que ce bâtiment perdu, il aurait fallu
labandonner , faute de Matelots pour le reconduire en France.
e ut une efpece de Scorbut , dont perfonne ne fut exempt,
& qui aurait peut-etre fait périr jufqu’au dernier des François ,
s ils nyeuflent, quoiqu’un peu tard, trouvé un remede , qui
opéra jur j champ. C etoit une ptifanne faite avec la feuille
, . 1 ecorce de 1 epinette blanche pilée enfemble. Cartier étoit
lui-meme attaque du mal , quand les Sauvages lui enfeigne-
ent ce fecret ; il avoir déjà perdu vngt-cinq hommes , & à
peine lui en reftoit-il deux ou trois en état d’agir. Mais huit
jours apres quil eut commencé de faire ufage de ce remede
tout le monde etoit fur pied. Quelques-uns mêmes , dit-on !
qui avoient eu le mal de Naples , & qui n’en étoient pas bien
guens , recouvrèrent en peu de tems une parfaite fanté. C’eft
bkimdu Canada/1111 F°dUlt k Teteba^ ’ ™ k Baume
Cartier , dans le Mémoire, qu’il préfenta à François I. fur fon
lecond Voyage , n attribue point à la fréquentation avec les
auvages , comme plusieurs des liens avoient fait d’abord le
ma , qui avoit ete fur le point de le faire périr avec tout fon
monde ; mais a la faine antife de fes gens , & à la mifere , où
elle les avoir réduits. En effet les Sauvages du Canada n’ont
jamais ete fujets au fcorbut. Auffi ce Capitaine , malgré fes
pertes & la rigueur du froid , dont il avoit eu d’autant plus
a louftrir , qu il avoir moins fongé à fe précautionner contre
un inconvénient , qu’il ne prévoyoit pas , ne craignit point d’af-
furer a Sa Majefte qu on pouvoir tirer de grands avantages des
pays , qu il venoit de parcourir. 6
Il lui dit , que la plûpart des Terres y étoient très-fertiles *
que le climat y etoit fam , les habitans fociables , & fort aifés
a tenir en refpea ; il lui parla fur tout des Pelleteries , com¬
me d un objet confiderable. Mais fur quoi il infifta davanta¬
ge , celt qu il etoit bien digne d’un grand Prince comme lui,
qm portoit la qualité de Roi Très-Chrétien , & de Fils aîné de
i ligule de procurer la connoiffance de J. C. à tant de Na-
tIOnAun-/r -r ’ ne Par°iff°ient pas difficiles à convertir
au Chrffiiamfme.
# Quelques Auteurs ont prétendu néanmoins que Cartier ,
degoute du Canada , diffiiada le Roi fon Maître d’y penfer
davantage , & Champlain femble avoir été de ce fentiment.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv.L i5
Mais cela ne s’accorde nullement avec la maniéré , dont Car- -
tier lui-même s’exprime dans fes Mémoires , ni avec ce qu’on 1 ^6’
lit dans les autres Relations de fes Voyages. On ajoûte qu’en
partant de Sainte Croix pour retourner en France , ce qu’il fit,
dès que la navigation du Fleuve fut libre , il avoit embarqué
par lurprife Donnacona , qu’il le préfenta au Roi , & qu’il lui
fit répéter devant ce Prince tout ce qu’il avoit dit lui-même
de la bonté du Pays ; mais ce fait n’efi point certain.
Si les Mémoires de Carti er ont long-tems fervi de guide à Jugement far
ceux , qui ont navigué après lui dans le Golphe & fur le Pes Mémoires*
Fleuve de Saint Laurent , il efi certain qu’aujourd’hui ils ne
font prefque pas intelligibles , parce qu’outre que la plûpart
des noms , qu i! avoit donnés aux Mes , Rivières , Caps , &c.
ont ete changes depuis , on ne trouve dans aucune des Lan¬
gues du Canada les termes , qu’il en cite , foit qu’il les ait lui-
même efiropiés , pour les avoir mal entendus , ou parce qu’ils
ont vieilli avec le tems , comme il arrive à toutes les Lan¬
ges vivantes : beaucoup moins cependant , à ce qu’on m’a
allure fur les lieux , parmi les Sauvages , que parmi nous. Dans
la vente , la plûpart des noms , que les Voyageurs nous don¬
nent comme des noms propres , quand ils ne font pas tout-à-
rait de leur invention , n’ont pour l’ordinaire d’autre fonde¬
ment que des mots mal compris , ou entendus dans un fens
tout -different de celui , qui leur efi: propre.
Cependant Cartier eut beau vanter le Pays , qu’il avoit dé- On néglige
couvert , le peu qu’il en raporta , & le triffe état , où fes gens en pjrance Ic
y avoient été réduits par le froid & par le feorbut , perfuade-
rent a la plupart , qu’il ne ferait jamais d’aucune utilité à la
b rance. On mfifta principalement fur ce qu’il n’y avoit vû au¬
cune apparence de Mines , & alors , plus encore qu’aujour-
d hiu , une Terre étrangère , qui ne produifoit ni or ni argent,
lierait comptée pour rien. Peut-être auffi Cartier décria -t’il
la Relation par les contes , dont il s’avifa de l’embellir ; mais le
moyen de revenir d’un pays inconnu , & de n’en rien raconter
d extraordinaire . Ce n’efi: pas , dit-on , la peine d’aller fi loin
pour n y voir que ce que l’on voit par-tout.
entablement la condition d’un Voyageur eft bien triffe ,
quand il n a point rapporté de quoi fe dédommager par quelqu’a-
vantage folide , de les fatigues , & des rifques qu’il a courus! S’il
s a vile de faire une Relation de fon voyage , il trouve tous fes
Lecteurs en garde contre lui 3 pour peu qu’il dife des chofes extra-
1536.
Remarques
fur quelques
endroits des
Mémoires de
Cartier.
16 histoire generale
ordinaires , il ne trouve aucune croyance. D’autre part , fi une
Relation eft entièrement dénuée de merveilleux , on ne la lit
point ; c ’eft-à-dire , qu’on exige d’un Voyageur qu’il nous amu-
fe , même aux dépens de fa réputation ; on veut le lire avec
plaifîr , & avoir le droit de fe mocquer de lui.
Je ne fçai fi Jacques Cartier fit toutes ces réfléxions , en écri¬
vant fes Mémoires , mais il y a mis du merveilleux , & de plus
d’une forte , tout n’en eft pourtant pas tellement fabuleux ,
qu’on 11’y entrevoye quelque chofe de réel , que fon ignoran¬
ce , ou fon peu d’attention ont défiguré ; & ce qu’il rap¬
porte fur le témoignage d’autrui , n’eft pas toujours fans quel¬
que fondement. C’eft ce qui m’a fait juger qu’on me pardonne-
roit de m’y être un peu arrêté , pour avoir lieu d’examiner quel¬
ques points d’Hiftoire , qui ne font pas tout-à-fait indignes de
l’attention des perfonnes curieufes.
Notre Auteur nous allure donc qu’étant un jour à la chaffe ,
il pourfuivit une bête fauve à deux pieds , & qui couroit avec
une viteffe extrême. Il aura vû fans doute à travers les broffail-
les un Sauvage couvert d’une peau , dont le poil etoit en de¬
hors , & peut-être l’aura-fil entendu contrefaifant le cri de quel¬
que animal , pour l’attirer dans fes pièges félon l’ufage ordi¬
naire de ces Peuples. Le Sauvage de fon côte , qui pouvoit bien
n’avoir jamais vû d’Européen , apercevant un homme extraordi¬
naire, aura pris la fuite : Cartier, qui ignoroit que ces Barbarès ne
le cedent point en vîteffe aux Daims mêmes & aux Cerfs , fort
étonné de voir fa prétendue bête fauve courir aufîi vite fur fes
deux pieds , que s’il en avoit eu quatre , fe fera perfuadé que
c’étoit un animal d’une efpece particulière. Et c’en peut-être de
la même fource que vient tout ce qu’on a débite des Faunes &
des Satyres. Mais voici quelque chofe de plus admirable.
Donnacona , fi nous en croyons la Relation du Capitaine
Maloin , lui raconta que dans un voyage , qu’il avoit fait dans
un pays fort éloigné du fieu , il avoit vû des hommes , qui ne
mangeoient point , & n’avoient au corps aucune iffuë pour les
excrémens , mais qui buvoient & urinoient. Que dans une
autre Région il y en a qui n’ont qu’une jambe , une cuiffe &
un pied fort grand , deux mains au même bras , la taille extrê¬
mement quarrée , la poitrine & la tête piattes , & une très -pe¬
tite bouche : que plus loin encore il avoit vû des Pigmées , &
une Mer , dont l’eau eft douce : enfin qu’en remontant le Sague-
nay , on arrive dans un Pays , où il y a des hommes habillés
comme
DE LA NOUELLE FRANCE. Liv. L t7
Comme nous , lefquels demeurent dans des Villes , 8c ont beau¬
coup d’or , de rubis 8c de cuivre.
Il efl certain que nos Millionnaires ont voyagé avec des Sau¬
vages aulîi loin qu’il efl poffible en remontant le Saguenay , 8c
la plûpart des Rivières , qui s’y déchargent ; qu’ils n’y ont vû
eue des Pays affreux 8c impratiquables pour tout autre que
des Sauvages errans , dont plulieurs mêmes y périment de faim
& de mifere : mais il efl bon d’obferver qu’un Sauvage , pour
qui fept ou huit cent lieues de marche ne font pas une grande
affaire , peut bien , en prenant fa route par le Saguenay , tour¬
ner enfuite à l’Oiiefl , pénétrer jufqu’au Lac des Affiniboils ,
qui a, dit-on , lix cent lieues de circuit, & de -là paffer au
Nouveau Mexique , où les Efpagnols commençoient en ce
tems-là à s’établir.
^ Il efl d ailleurs affez fingulier que le conte des Hommes, qui
îi ont qu une jambe , ait ete renouvelle depuis peu par une jeu¬
ne Efclave de la Nation des Eskimaux , qui fut prife en iyiy.
& menée chez M. de Courtemanche à la Côte de Labrador *
où elle étoit encore en 1720. lorfque j’arrivai à Quebec. Cette
Fille voyant un jour des Pêcheurs fur le bord de la Mer , de¬
manda s il n y avoit parmi nous que des Hommes faits comme
ceux-là ? On fut furpris de fa demande , mais on le fut encore
bien davantage , quand elle eut ajoûté quelle avoit vû dans
fon Pays deux Hommes d’une grandeur & d’une groffeur mon-
flrueufes , qui rendoient leurs excremens par la bouche , & uri-
noient par-deffous l’epaule. Elle dit encore que parmi fes Com¬
patriotes il y avoit une autre forte d Hommes , qui n’ont qu’une
jambe , une cuiffe , 8c un pied fort grand , deux mains au mê¬
me bras , le corps large , la tête platte , de petits yeux , pres¬
que point de nez , 8c une très-petite bouche ; qu’ils étoient tou¬
jours de mauvaife humeur ; qu’ils pouvoient refier fous l’eau
trois quarts d heure de fuite , 8c que les Eskimaux s’en fer voient
pour pêcher les débris des navires , qui faifoient naufrage à la
Côte. &
Enfin elle affûra qu’à l’extrémité feptentrionnale de Labra¬
dor , il y avoit un Peuple tout noir , qui avoit de greffes lé- Nord,
vres , un nez large , des cheveux droits 8c blancs ; que cette
Nation etoit très-mauvaife , 8c qu’encore qu’elle fût mai armée ,
n’ayant que des couteaux & des haches de pierre , fans aucun
ufage du fer , elle s’étoit rendue redoutable aux Eskimaux , 8c
gu elle fe fert de raquettes pour courir fur la neige ce qui n’eft
Tome I, C
5 3 <>-
Hommes
noirs dans le
ts HISTOIRE generale
- point en uiage parmi ceux-ci. Il faut avouer que ce feroit une
1 5 3 6- chofe affez étrange que des Hommes noirs fi près du Pôle , &
fous un climat , où les Ours mêmes font blancs : cependant la
jeune Efclave de M. de Courtemanche n’eff pas la feule , qui
ait avancé ce fait,
♦ L’Auteur de la Relation du Groenland, înleree dans les voya-*
ges au Nord , après avoir parlé des Naturels du Pays , qu’il re-
prefente comme affez femblables aux Eskimaux , grands & mai¬
gres comme eux , vêtus de la même façon , ayant des canots
comme les leurs ; ajoûte qu’on voit auffî parmi eux des Hommes
noirs comme les Ethiopiens. Après tout il n’y a rien là d’im-
poffible , des Nègres peuvent avoir été tranfportés par hafard ,
ou autrement dans le Groenland , s’y être multipliés , & leurs
cheveux blancs être un effet du froid , qui en produit de fem¬
biables fur la plûpart des animaux du Canada.
Des Pygmées. L’Efclave parla encore des Pygmees , qui font , dit-elle , uns
Nation particulière , n’ont pas plus de trois pieds de haut , &
font d’une extrême groffeur. Leurs Femmes , ajoûta-t’elle , font
encore plus petites , & il neft point au Monde de Peuple plus
malheureux : les Eskimaux , dont ils font Efclaves , les trait-
tent fort durement, & prétendent leur faire une grâce fort ligna-
lée , quand ils leur donnent un peu d’eau douce à boire. La Re¬
lation , que j’ai déjà citée , dit la même chofe , & affaire qu’en
bien des endroits de ce Pays-là on n’a point d’aütre eau dou¬
ce , que de la neige fondue : en quoi il n’y a rien que de fort
croyable , le froid pouvant refferrer de telle forte les veines de
la terre , qu’il n’y ait point de paffage pour les fources , qu’à une
certaine profondeur.
Cette conjecture fe confirme par ce que des Voyageurs ont
éprouvé dans le Nord , où ils ont vû fur le rivage même de la
Mer des glaçons énormes d’une eau très-douce. Onlitauffi dans
quelques Mémoires que les Eskimaux font accoutumés à boire
de l’eau falée , & que fouvent ils n’en ont point d’autre. Cette
eau n’eff pourtant pas celle de la Mer , mais de quelques Etangs
fâumatres , tels qu’il s’en rencontre quelquefois affez avant dans
les terres.
Nous apprenons encore par les Voyages au Nord , que des
vaiffeaux Danois, qui en 1605 . s’élevèrent fort haut au-deffus de
la Baye d’Hudfon , y rencontrèrent de petits Hommes , qui
avoient la tête quarrée , la couleur bazannée , les lèvres groffes
& relevées , qui mangeoient la chair & le poiffon tous cruds 3
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. I. i9
.qui ne purent jamais s’accoûtumer , ni au pain , ni aux viandes — — — -
cuites , encore moins au vin ; qui avaloient l’huile de Baleine , 1 5 6. 3*
comme nous ferions l’eau, & en mangeoient la chair par délices;
qui fe faifoient des chemifes des inteffins de Poiffons , & des fur-
touts de cuirs de Chiens ou de Veaux marins. L’Auteur ajoute
qu’on amena plufieurs de ces Pygmées en Dannemarc , qu’ils
moururent tous de chagrin d’avoir quitté leur Pays , mais qu’il
en reftoit encore cinq , lorfqu’un Ambaffadeur d’Efpagne étant
arrivé à Coppenhague , on lui donna le divertiffemenr de voir
cespetits Hommes naviguer fur la Mer avec leurs batteaux.
Ces batteaux avoient la figure d’une navette de TilTerand , &
dix ou douze pieds de longueur. Ils étoient fabriqués de barbes
de Baleines , de lepaiffeur d’un doigt , couverts par-deffus &
par-deffous de peaux de Chiens ou de Veaux marins , coufuës
avec des nerfs ; deux autres peaux couvroient le deffus du bat¬
te au , de maniéré qu’il n’y reftoit qu’une ouverture au milieu ,
par laquelle le Batelier entroit , & qu’il refermoit comme une
bourbe autour de fes reins ; qu’étant affis , & ainft refferrés par
le milieu du corps, ils ne recevoient pas une goutte d’eau dans
leur batteau , quoique les vagues leur paffaffent par-deffus la
tête , & qu ils en fanent quelquefois environnés de toutes parts.
La force de ces machines confifte dans les deux bouts , où les
baleines font bien liees enfemble par les extrémités ; le tout
eft b bien joint , fi bien coufu , que ces petites voitures peuvent
réfifter aux plus violens orages , & qu’au milieu même du nau¬
frage leurs condu&eurs fe rient de la tempête.
Ilny a jamais qu’un Homme dans chacun de ces batteaux,
& il y eff affis , les jambes étendues , les poignets des mânehes
bien ferres , & la tête enveloppee dune efpece de capuce , qui
tient au fur-tout , de forte que quoiqu il arrive , l’eau n’y péné¬
tré point. Ils tiennent des deux mains un aviron à deux palettes,
long de cinq à ftx pieds , qui leur fert en même rems de rame ,
de gouvernail S v de balancier , ou de contrepoids. Les Pygmées
de Coppenhague divertirent beaucoup l’Ambaffadeur Efpagnol ;
ils fe croifoient , & faifoient toutes leurs autres évolutions avec
tant d’adreffe , qu’ils demeuraient toujours à la même diffance
les uns des autres , & ils paffoient fi rapidement , que les yeux
en etoient éblouis. Ils joutèrent enfuite contre une chalouppe
legere , ou 1 on avoit mis feize bons Rameurs , & en moins de
rien ils la laifferent bien loin derrière eux. Les Eskimiux , qui
fervent des mêmes batteaux , ont encore d’autres bâtimens ,
Cij
i 3 6-
M. deRober-
val eft nommé
Vice Roy du
Canada.
i 540.
ÎO histoire generale
plus grands , & à peu près de la même forme que nos chaloupé
pes pontées ; le gabari en eft de bois , mais ils font couverts des
mêmes peaux que les autres ; ils portent jufqu’à cent cinquante
perfonnes , & vont également à la voile & à la rame.
Mais pour mettre fin à cette digreftion , qui n’eft pourtant
pas étrangère à mon fujet , ces Pigmées du Nord de F Améri¬
que me paroiffent être de la même race que les Lappons & les
Samojedes , & prouvent alfez bien , ce me femble , un p ada¬
ge facile de l’Europe en Amérique par le Groenland. Pour ce
qui eft des Hommes monftrueux, dont l’Efclave de M. de Cour-
temanche & Donnacona ont parlé, & de F Acéphale, qu’on pré¬
tend qu’un Iroquois tua il y a quelques années , étant à la cliaf-
fe ; il eft naturel de croire qu’il y a en cela de Fexageration ,
mais il eft plus aifé de nier les faits extraordinaires , que de les
expliquer ; d’ailleurs eft-il permis de rejetter tout ce dont on ne
fçauroit rendre raifon ? Qui peut s’affûrer de connoître tous
les caprices & tous les myfteres de la Nature ? On fçait com¬
bien l’imagination des Meres a de pouvoir fur le fruit quelles
portent. L’experience , le témoignage même de l’Ecriture , en
font des preuves fans réplique : ajoûtons à cela les figures bizar¬
res , où certaines Nations trouvent une beauté , dont elles font
fi jaloufes , qu’on y met les corps des Enfans à la torture pour
achever ce que l’imagination des Meres n’a pû finir , & l’on
comprendra fans peine qu’il peut y avoir des Hommes aiïez dif-
ferens des autres pour donner lieu à certaines gens , quLfaififient
vivement les objets , & ne fe dorment pas le tems d’examiner
les chofes , de faire des contes abfurdes , qui ne font pourtant
pas faits quelque réalité. Je reviens à mon Hiftoire.
J’ai dit que Cartier avoit par fon rapport prévenu , fans le
vouloir , bien des gens contre le Canada ; mais quelques per¬
fonnes de la Cour penfoient autrement que le Commun , & fu¬
rent d’avis qu’on ne fe rebutât point fi-tôt d’une entreprife , dont
le fuccès ne devoit pas dépendre d’une ou deux tentatives. Ce¬
lui qui parut entrer davantage dans cette penfée , fut un Gen¬
tilhomme de Picardie , nommé François delà Roque , Seigneur
de Roberval , fort accrédité dans fa Province , & que Fran¬
çois I. appeüoit quelquefois le Petit Roy du Vimeu. Il deman¬
da pour lui-même la Commiftion de pouriuivre les découvertes,
& il l’obtint ; mais une fimple Commiftion étoit trop peu de
chofe pour une perfonne de cette confidération , & le Roy par
fes Lettres Patentes ? qui font inférées dans l’Etat ordinaire de#
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. L u
Guerres en la Chambre des Comptes de Paris , dattées du 1 5 e
Janvier 1540. le déclare Seigneur de Norimbegue , fon Vice-
Roy & Lieutenant General en Canada , Hochelaga , Sague-
nay , Terre-neuve 5 Belle-Me , Carpon , Labrador , la Grande
Baye & Baccalaos , & lui donne dans tous ces lieux les mê¬
mes pouvoirs & la même autorité, qu’il y avoit lui-même.
Ce n’étoit pas beaucoup dire , car tout étoit encore à faire
pour affiner à la France la poffeffion de tous ces lieux. M. de
Roberval partit l’année fuivante avec cinq vaiffeaux , ayant
fous lui Jacques Cartier en qualité de premier Pilote. Quel¬
ques Auteurs ont avancé que Cartier avoit eu bien de la peine
à fe déterminer à ce nouveau voyage , mais qu’on lui fit des
offres fi avantageufes , quelles le tentèrent. La navigation fut
heureufe ; M. de Roberval bâtit un Fort , les uns dilent fur le
Fleuve Saint Laurent , d’autres dans l’Me de Cap-Breton , &
y laiffa Cartier en qualité de Commandant , avec une Garnifon
nombreufe , des provifions fuffifantes , & un de fes vaiffeaux ;
après quoi il retourna en France , pour y chercher de plus
grands fecours.
Il y a bien de l’apparence qu’il avoit mal choifi fon polie ,
8c peut-être auffi que le choix de ceux, qu’il y avoit laiflés , ne
fut pas fait avec affez de difeernement ; ce qui efl certain , c’efl
que le froid & les autres incommoditez du Pays rebutèrent bien¬
tôt la Garnifon du nouveau Fort ; les Sauvages de leur côté pri¬
rent ombrage de ces Etrangers , & commencèrent à les molef-
ter , & tout cela joint enfemble , outre que M. de Roberval
tarda peut-être un peu trop à revenir , obligea Cartier à s’em¬
barquer avec tout fon monde , pour retourner en France : mais
ils rencontrèrent près de Terre-neuve le Vice-Roy , qui leur
amenoit un grand convoi , & qui partie par fes bonnes maniè¬
res , partie en les menaçant de l’indignation du Roy , les obli¬
gea de le fuivre.
Dès qu’il eut rétabli toutes chofes dans fon Fort, il y laiffa
encore Jacques Cartier, avec la meilleure partie de fes gens ;
puis il remonta le Fleuve S. Laurent , entra même dans le Sa-
guenay , & envoya un de fes Pilotes , nommé Alphonfe , né en
Portugal , félon les uns , & en Galice , félon les autres , cher¬
cher au-deffus de Terre-neuve un chemin aux Indes Orienta¬
les. Alphonfe s’éleva jufqu’aux cinquante-deux degrés de Lati¬
tude , & n’alla pas plus loin. On ne dit point combien de tems
R employa dans ce voyage , mais il y a bien de l’apparence qu’il
C iij
I 5 42.
Son dernier
voyage.
i 5 49*
Expédition
auBrefil, & ce
qui la fait é-
chéoir.
1 5 5 5-
îî HISTOIRE GENERALE
ne retrouva plus M. de Roberval en Canada , puifque ce fut à
Jacques Cartier , qu’il rendit compte de fes découvertes.
Il paroît que M. de Roberval fit encore quelques autres voya¬
ges en Canada , mais de bons Mémoires affûrent que la guerre
déclarée entre François I. & l’Empereur Charles-Quint l’arrê¬
ta pendant quelques années en France , & qu’il fe diftingua
même dans cette guerre , comme il avoit déjà fait en plufieurs
autres occafions. Tous conviennent au moins qu’il fit un nou¬
vel embarquement en 1549. avec fon Frere, qui pafloit pour un
des plus braves hommes de France , & que François I. avoit
furnommé le Gendarme d’ Annibal. Ils périrent dans ce voyage ,
avec tous ceux, qui les accompa^noient , & on n’a jamais bien
fçu par quel accident ce malheur étoit arrivé. Avec eux tombè¬
rent toutes les efperances , qu’on avoit conçûës de faire un Eta-
bliflement en Amérique , perfonne n’ofant fe flatter d’être plus
habile , ou plus heureux que ces deux braves Hommes.
Au refie , je ne vois pas à qui l’on puifle attribuer une Rela¬
tion fans datte & fans nom d’ Auteur , qui fe trouve dans le
troifiéme volume du Recueil de Ramufio , & qui porte ce titre.
Difcours F un grand Capitaine de Mer , François , de Dieppe }fur
les Navigations faites d la Terre-neuve des Indes Occidentales
appellée la Nouvelle France , depuis les quarante jujqu aux
quarante - fept degrés , vers le Pôle Arctique ; & Jur la Terre du
B refil y la Guinée , ITfie de Saint Laurent , & celle de Summa -
tra , jufquoà les navires & les caravelles François ont navigué .
R amufio , dans la Préface , qu’il a mife à la tête de ce Difcours,
diftingue deux voyages de ce Capitaine ; le premier en 1539.
en Canada , en Afrique & au Brefil ; le fécond aux Indes
Orientales , mais fans marquer en quelle année. Ce Difcours >
ajoûte-t’il , nous a paru véritablement très-beau , & digne dé être
lû F un chacun , & ?ious regrettons beaucoup de ne pas Jçavoir le
nom de fon Auteur , parce que fi nous le connoijfions > nous Sau¬
rions pu manquer à le nommer ^ fans faire injure d la mémoire F un
fi brave Homme , & F un Cavalier fi accompli .
François I. ne parut donc plus s’interefler à l’Amerique après
la mort de MM. de Roberval. Sous le Régné fuivant les voya¬
ges de quelques François au Brefil ayant donné en France une
grande idée des richefles de ce Pays-là , l’Amiral de Coligni
propofa au Roy Henry IL de les partager avec le Roy de Por¬
tugal. Son deflein fut approuvé , aufli-bien que le choix qu’il
fit pour l’exécution , de Nicolas Durand de Villegagnon , Che-*
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. I. 25
vaiier de S. Jean de Jerufalem , & Vice- Amiral de Bretagne.
C etoit un homme de mente , mais qui ayant eu le malheur de
s’engager dans les nouvelles erreurs , n’eut point de honte de
fe prêter à un projet , dont le but était bien moins d’acquérir
à la France une partie du Brefil , que d’y affûter une reffource
au Calvinifme , profcrit & perfécuté par le Souverain. Heureu¬
sement pour la Religion , il ouvrit enfin les yeux, mais ne s’é¬
tant pas trouvé, après fa converfion , en état de foûtenir fon en¬
treprise avec les feuls Catholiques , toute cette expédition s’en
alla en fumee. Les Portugais allarmes de la préférence marquée
des Brafiliens pour les François , profitèrent de la divifion , que
le retour de Villegagnon à FEglife avoit caufée parmi les fiens ;
& pour fe mettre une bonne fois l’efprit en repos de ce côté-là ,
ils egoi gerent, comme Corfaires & gens fans aveu, tous les Fran¬
çois, qui étaient refiés au Brefil après le départ du Vice-Amiral.
La France fous les Régnés de François IL & de Charles IX.
ebianlee jufques dans les fondemens par des guerres domefii-
ques , fembla d’abord avoir entièrement perdu F Amérique de
vue. Toutefois au milieu de tant d’orages il y eut quelques
jours de calme , ex 1 Amiral de Coligni en profita encore , pour
eilayer de faire ailleurs ce qu’il ne pouvoit plus efperer d’exé¬
cuter au Brefil. Il jettà les yeux fur cette partie de la Floride ,
que Verazani avoit decouverte , & ce Pays lui fembla d’au¬
tant plus propre à recevoir une Colonie , telle qu’il la projet¬
ât , qu’outre la bonté du climat , & la fertilité de la terre , il fe
atj°Jf filie \es François 11’y trouveraient perfonne , qui pût leur
en dnputer la pofielfion , ni meme les inquiéter.
La Floride efi toute cette partie du Continent de l’Amerique
qui efi renfermee entre l’un & l’autre Mexique , la Nouvelle
r rance , & la Caroline Septentrionnale. Selon les Efpagnols , '
elle comprend tout ce qui efi à l’Efi de la Province de Panuco ;
Lema1ire’ e^C na P°*nt bornes au Nord, à l’Orient & au
Midi , & que tout ce que les François & les Anglois poffedent
dans 1 Amérique Septentrionnale, efi de la Floride , & a été
envahi fur la Couronne d’Efpagne. Un Auteur moderne (a)
appuyé cette prétention fur un fondement bien ruineux , puif-
qu il 1 établit fur les découvertes de Ponce de Leon , de Luc
V ai que z d Ayllon ; & fur les expéditions de Pamphile de Nar-
vaez & de f erdinand de Soto. Or Ponce de Leon ne décou¬
vrit la floride qu en l’année 1512. & plufieurs années aupara-
(a) D. André Gonzalez de Barda, Enfayo Chronologie o para U Hi/toria de la Florida, '
1555.
L’Amiral de
Coligni entre¬
prend d’établir
une Colonie
en Floride.
I562,
Etendue dç
la Floride.-
24 HISTOIRE GENERALE
— - - yant des François , des Anglois , & Cortereal Portugais avoienf
1 ^ 2* £a|t Jes découvertes dans l’Amerique Septentrionnaie : Ponce
de Leon non-feulement ne fit aucun Etabliffement en Floride ,
mais toutes les deux fois qu’il y débarqua, il fut obligé de fe rem¬
barquer fur le champ , & les François dès l’année 1504. étoient
en commerce avec les Peuples du Canada. Si donc le Canada
efl de la Floride , la France efl la première en datte pour la pof-
fefîion de la Floride , & il feroit ridicule que l’impofition de ce
nom faite par Ponce de Leon à un Pays,fitué fur le Golphe Me¬
xique , donnât à fa Nation un droit fur les trois quarts au moins
de f Amérique Septentrionnaie , à l’exclufion des François , qui
y faifoient le commerce , & qui avoient fait alliance avec des
Peuples éloignés de cinq ou fix. cent lieues de fa découverte.
Luc V afquez d’ A y lion découvrit en 1 5 20. les environs du
Jourdain , qui font aujourd’hui partie de la Caroline ; fon ex¬
pédition 11e fut pas plus heureufe , & n’eut pas plus de fuite que
celle de Jean Ponce de Leon. Quelques années après Pamphile
de Narvaez obtint de l’Empereur Charles-Quint le Gouverne¬
ment de la Floride : il parcourut prefque toute la Côte Septen-
trionnale du Golphe Mexique , eut plufieurs rencontres avec
des Sauvages , qui lui tuerent bien du monde , & il périt mife-
rablement , fans avoir feulement bâti un Fort.
Enfin Ferdinand de Soto fit pendant trois ou quatre ans bien
des courfes dans la Floride , dont il avoit été fait Capitaine
Général ; mais il n’avança guéres plus vers le Nord , que juf-
qu’à la hauteur de la Caroline , & mourut fur les bords du Mi-
cifîipi , fans s’être feulement mis en devoir de fe fixer en un feul
endroit. Louis de Mofcofo fon fucceffeur , ramena bientôt après
au Mexique les trilles débris de fon armée , & dès-lors il ne
' refia pas un feul Efpagnol dans la Floride , qui fe trouva par
conféquent à peu près dans le même état, où elle avoit été avant
que Ponce de Leon en fît la première découverte.
Elle y étoit encore vingt ans après , lorfque l’Amiral de Co-
ligni forma le deffein d’y établir une Colonie toute compofée
de gens de fa Religion ; deffein que , félon toutes les apparen¬
ces , il ne découvrit pas au Roy Charles IX. à qui il ne fit
envifager fon projet, que comme une entreprife extrêmement
avantageufe à la France. Ce Prince le laiffa maître de tout ,
& lui permit d’ufer de toute l’étendue du pouvoir, que lui don-
noit fa Charge. Il parut même dans la fuite qu’il n’ignoroit point,
& qu’il fut fort aife de vôir que M« de Coligni n’employoit à
cette
CARTE DES COSTES DE LA FLORIDE
FRANÇOISE
Suitrttnf/espremieres decouverte,
35
Eclellede Lieues communes de France de aSauBeg.
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3o
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au-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lrv. I.
Cette expédition que des Calvinihes , parce que c eto
tant d’Ennemis , dont il purgeoit l’Etat.
i La Pr,incipale attention de l’Amiral fut à choifir un Chef, fur
lequel il pût compter pour l’exécution de fon projet , &ce choix
tomba fur un ancien Officier de Marine , nommé Jean de Ri-
haut, natif de Dieppe, Homme d’expérience, & zélé Huguenot
il partit de Dieppe le même dix-huitiéme de Février de l’année
i 5Û2. avec deux Bâtimens , de ceux, qu’on appelloit alors
Ko berges , & qui differoient peu des Caravelles Efpagnoles • il
avoit des Equipages choifis , & plufieurs Volontaires , parmi
leiquels il y avoit quelques Gentilshommes. 1
La première Terre , qu’il reconnut , fut une pointe allez baffie ,
bieiiboifee , & fituee par les trente degrés Nord , à laquelle il
donna le nom de Cap François ; mais il ne s’y arrêta point &
ayant tourne à droite , il aperçut quelque tems après une Ri-
viere , qu il appella la Riviere des Dauphins , mais où il n’entra
point, rourfuivant toujours la même route , il en découvrit
une autre eioignée d’environ 1 5 . lieues de la première , & qui
lui parut beaucoup plus grande ; il y entra le premier de Mai, &
la nomma la Riviere de Mai. Il y rencontra des Sauvages en grand
nombre , & s étant aperçû que fon arrivée leur faifoit plaifir , il
mit pied a terre , & commença par dreffer fur une butte de fa-
e une petite colonne de pierre , fur laquelle il ht graver les
Armes de France. Il alla enfuite vifiterle Chef des Sauvages ;
ü lui ht quelques prefens , & en reçut de lui.
llavoit en tête le Jourdain, découvertpar Luc Vafquez d’Ayl-
3n 5 c elt pourçruoi , acres avoir nri« /tu d-t.™ _ ^ _
5 6 2,
Jean de Ri-»
bauc Chef de
cette entrepri»
fc.
II prend poft
feflion de la
Floride Fran.
çoiLc.
VmR’ c e“ P5g?.uo'.’ aPfès avoir Pris poÎTeffion du Pays au nom
A™°.y.& 1 ^miral de France , il fe rembarqua, & continua
î ~ „ A • • A t* ••
Ses décote
vertes.
r “ xt i iu“vw î , oc. continua
dpi R^aU <K^eant la côte à la vûë. A quatorze lieues
o n!fre 1 en trouvaune troihéme , qu’il nomma la
eine, 11 donna enfuite à toutes celles, qu’il aperçut dans l’ef-
pace e oixante lieues , les noms des principales Rivières de
rance , mais on reconnut dans la fuite qu’il avoit pris pluheurs
es pour des embouchures de Riviere. Enfin il crut avoit ren-
6 <?urc^n 5 ma^s il fe trompoit , le Jourdain lui reftoit
h n?/UkSeiïenï011 5 & la Riviere » où 11 entra , & où il moiiil-
1 • iX Jafeesdeau , a depuis été appellée par les Efpagnols
bordsla Vi Mais,les Anglois » qui ont bâti fur les
; Ê de S. Georges } ou le Nouveau Londres , ont encore
change ce nom en celui d’Edifcow, & elle eh marquée dans quel-
ques-mies^de^nos Cartes fous celui de Riviere des Chaouanom*
i j 6i.
Il bâtit un
Tort.
Defcription
«le la Floride
Françoife.
Dou ve-
noient les ri
che fies des
Fioridiens.
i6 HISTOIRE generale
M. de Ribaut, qui ne doutoit point que ce ne fût le Jour¬
dain, donna le nom de Port Royal à l’endroit ou il avoit mouille
l’ancre * il y fit enfuite arborer les Armes de France , puis il tra-
ça dans une Ifle un petit Fort , qui fut bientôt en état de loger
fout le monde , & qu’il appelia Charles-Fort. Il ne pouvoit gue-
res le placer mieux ; les Campagnes des environs font belles , le
Terrein fertile, la Riviere abondante en Poiffons, les Bois rem¬
plis de Gibier , les Lauriers & les Lentifques y répandent une
odeur très-fuave & les Sauvages de ce Canton ne firent pas
moins d’amitié aux François , que ne leur en avoient fait ceux
de la Riviere de Mai. Cependant M. de Ribaut en ayant voulu
engager quelques-uns à le fuivre en France , periuade qu ü ne
pouvoir pas faire un prefent plus agréable a 1 Amiral & a la
Reine Mere du Roy , il ne put jamais en gagner un feu!. .
Ce que nous avons dit des environs du Port Royal , convient
affez à tout le Pays , qui a depuis porté le nom de Floride tran-
coife , & qui eftfitué entre les trente & les trente-cinq degres de
Latitude-Nord, depuis le Cap François jufqu a Charles-Fort. Plu-
fieurs Relations lui donnent même le nom de Nouvelle France.
Le Terroir y efi communément fertile , bien arrole , coupe Ncie
plufieurs Rivières , dont quelques-unes font allez coniidera-
bles , & toutes fort poiffonneufes. On a cru long-tems qui Y
avoit des mines d’or , d’argent & de cuivre , des perles & des
pierres précieufes ; mais à mefure qu’on a vu les choies de près ,
on a reconnu qu’à la vérité il y a du cuivre en quelques endroits,
& dallez méchantes perles dans deux ou trois^ Rivières , mais
que le peu d’or & d’argent , qu’on avoit aperçû entre les mains
des Sauvages , venoit des Efpagnols , dont un affez grand nom¬
bre avoient fait naufrage à l’entrée du Canal de Bahame , oc e
long des Côtes voifines de la Floride. . . VA
Leurs navires prefque toujours chargés des nchelles de i A-
merique demeuroient fouvent échoués fur des bancs de la¬
bié , dont tout ce parage efi; femé , & les Sauvages etoient ort
attentifs à profiter de leur malheur ; aufîi a-t-on remarque que
les plus voifins de la Mer, étoient beaucoup mieux foui ms ,
que les autres , de leurs dépouilles. Ces Barbares ont la cou eur
plus foncée & plus tirant fur le rouge , que les Sauvages du Ca¬
nada ; ce qui efi: l’effet d’une huile , dont ils fe frottent le corps ,
& dont on n’a jamais pu connoître la nature. La ctifierence pour
le refte entr’eux & les autres Peuples de l’Amerique Septentnon-
n&le n’eff prefque pa$ fenfible. Ils fe couvrent moins , parcQ
DELA NOUVELLE FRANCE. Liv. I. 27
lTursSrtUn^ayRPl|USChaï!;iJs fontPlus dépendans de
leurs Chefs , que les Relations Françoifes nomment Pamoufïis
n 'l™\aTC°r^l-S ’ &..aur<ïue1^ les Caftillans donnent le titre gé-
neial de Caciques. Mais quelque idée , que les Hiftoriens Ffna
gnols ayent voulu nous donner de la nuance , & des ricÆ
chofè. CaCIqUêS ’ dles fe redulfent dans le fond à très-peu de
Du relie ^ les Floridiens font bien faits , braves , fiers , allez J
aita£ ês n®anm°lns , quand on fçait les prendre par la dou- df
ceur & par la raifon. Ils ne font pas auffi cruels envers leurs prl P''
fomners , que les Canaaois , & quoiqu’ils foient Anthropopha-
ges comme ceux-ci , ils ne pouffent pas l’inhumanité iulnu’à fe
tore un plaifir de voir fouffnr un Malheureux , ni ™ ait de le
SrF f fe cont,e"tent de retenir dans l’efclavage les Fem-
Hommés au Soleil’ Çre"n“ guerre ; ils immolent les
ger la chair de ces vilnîes! ““ “ deV°‘r d® reI'gl°n de man'
iou«aà ktêm deC!leS&TanS 1CS C°mbatS Ies Pafa°uft« font tou-
3 " . latet® de leurs Troupes , tenant un caffetête , ou uneef-
E eaee eftnorf arme/Tmain,’ & de 3 W une’flêch “ le
nombre dans « Hermaphrodites, dont il y a un grand
/ , ns,ce Pays » on en croit un Auteur , qui a été lonu-
cher huïcaul p6 l'Xf Pf PeuPles fo«t auffi dans^’ufage d’arrl-
1 la peau cie la tete de leurs ennemis, après les avoir tu»’ fie
dans les rejouiffances, quifuiventla viftoire ce font les^ied-
Jes prendront bande> Parées de ces chevelures. On
pf ^ /i r0 t a ors Pour vrayes Meqeres , ou des Furies I es
diem T qUfkP'e faÇ°n Punique Divinité des Flori-
t «s,1 "S1 s; nSirn6"^“i '• “>«. Æ
mal honteux quefeTifT tOUte la Flor,de » &Ve le
que , vert très lll Pies de 1 Amérique nous ont communi-
proche de la Fln-T ' 1 eft certam du moins que plus on ap-
Dii
i j 6z,
Du caraderc
de ce s Peu-
Leur Reli¬
gion & leurs
mœurs.
1 5 <5 2,
i« histoire generale
?rm!3
droit à la focceffion de leur Père. pendant leur vie ,
Honneurs , On rend de grands h°nneursa^ jjpeu de leur fépul-
font eit brulee , avec tour. i ^ . après lui. Enfuite
comme fi perfonne n eto> tfcJs^1^feBLt fur le tern¬
ies Femmes fe coupent les che , nenHant fix mois pleurer
beau , où plufieurs vony°Up* ftis des Bourgades voifines
©t- *- ïrÆïïc“f. . « « fâgizfiiïz
adonnés aux fortileges : auffi ont-ik a faire a g
perftkieux. Prefque toute 1 éducation qu on de ^ ^
ils fe fervent â la guerre avec fucces. Enfin ils «g" de leurs
extrême viteffe , les femmes me , ■ 9 g- ® de grandes
Enfans , quelles portent entre leurs bras , parlent ue g
RLes Animaux à quatre pieds les plus communs cejlte(P^'_
Léopard, tePau > ft/lpRatde bois ; mais tous ne fe
le Lapin , le Chat (auvage &le Ratde b ^ ^ utk
trouvent pas dans les memes ^ <■ . y /r; Kien aue
nlûnart de nos Oifeaux de proye, & de Rrneres; auffi-bien que
• Des AnI-
jmaux.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. I. ±9
les Perdrix , les Tourtes , les Ramiers , les Cigognes , les Pou¬
les dinde 9 les Grands Gofiers 9 cjuantite de Perrocruets 9 di¬
vers petits Oifeaux. L’Oifeau-Mouche du Canada n’y paroît
point en Eté , mais il s’y retire pendant l’hyver , ce petit Ani¬
mal ne pouvant fouffrir apparemment ni le grand chaud , ni le
moindre froid. Les Rivières y font remplies de Caïmans , les
Campagnes & les Bois 9 de Serpents 5 furtout de ceux 5 qu’on
appelle Serpents à fonnetes. ' ~
Les Forêts font pleines de Pins , mais qui ne portent point de
fruits , de Chênes , de Noyers , de Merifiers , de Mûriers , de
Lentifques 9 de Latamers ? de Châtaigniers 9 de Cedres de Cy-
çres ? de Lauriers , de Palmiers & de Vignes. On y voit suffi des
Mefhers , dont les fruits font plus gros & meilleurs qu’en Fran¬
ce , & des Pruniers , dont les prunes font fort délicates : il fe
pourroit bien faire que ces prunes ne fu/fent autre chofe que les
riakimines , dont j’ai parlé dans mon Journal. Mais l’arbre le
plus eftinjé dans ce Pays eff le SafFafras , que les Floridiens ap¬
pellent Palamé ou Pavama. r
Il ne vient jamais plus grand qu’un Pin médiocre , il ne jette
point de branches , fon tronc eft tout uni , & fa tête touffue
forme une efpece de coupe. Ses feuilles font à trois pointes !
comme celles du Figuier , d’un verd , obfcur , & d’une bonne
odeur , furtout quand elles fontféches : lorfqu’elles ne font que
de naître , elles ont la figure de celles du Poirier. Son écorce
a F° 'e ’ "J1 Pe" r?u§eâtre ’ & a un petit goût d’anis. Son bois
eft leger , a le goût & l’odeur aromatique, aprochant du fenoüil.
Sa racine eft plus dure & plus pefante , & ne s’étend qu’en fu-
perficie. Cet arbre croit fur le bord de la Mer & fur les monta¬
gnes, mais toujours dans unterrein, qui n’eft ni tropfec , ni
trop humide. Son bois eft chaud au fécond degré , fon écorce
1 eft prefque au troifieme. Lorfqu’ily a plufieurs de ces arbres
de kCaTeîie611’1 S)e“ent °dêUr’ qui dlffere Peu de celle
Des Efpagnols de San-Matheo & de S. Auguftin , c’eft-à-dire,
de la Riviere Dauphine & de la Riviere de May , étant prefque
tous attaques de fievres caufées par la mauvaife nouriture , &
es eaux crues & troubles , qu’ils bûvoient , des François leur
apprirent a ufer du Saffafras , comme ils l’avoient vû pratiquer
aux Sauvages ; ils ; en coupoient la racine en petits morceaux .
<ju i s faifoient bouillir dans l’eau , ils bûvoient de cette eau à
feun & a leurs repas , & elle les guérit parfaitement. Ils en
5 6 z.
Des Arbres
Du Saffafras
I 5 6 2.
Des Simple:
,o histoire generale
ont depuis fait bien d’autres expériences ; & fi on les en croit ,
il n’y a'prefque point de maladie , qui réfifte a cette boiffon :
elle etoit leur remede & leur préfervatif uniques & univerlels
dans la Floride. Mais quand les vivres leur manquaient , ils n en
ufoient point , parce quelle leur caufoitune faim plus mfuppor-
table encore que quelque maladie que ce fut. On ajoute que le
Saffafras eft un fpécifique admirable contre les maux venenens ;
mais il paroit que les Sauvages ont plus fouvent recours al -
quine , non-feulement contre ce terrible mal , mais encore con¬
tre tous ceux , qui font contagieux. _ .
Dans plufieurs maladies on coupe en petits morceaux les rac -
nés les^petites branches & des feuilles du Saffafras, & on en fait
une déco&ion en cette maniéré. On en laiffe tremper une once
toute une nuit dans douze livres d’eau , puis on fait cuire tout
cela à petit feu , jufqu’à ce que l’eau foit diminuée d un tiers.
Mais en cela il faut avoir égard au temperamment du Malade ,
qui doit garder un grand régime pendant tout le term, quffuje
de ce remede. On affaire même qu’il eft fort nuifible .quand la
maladie eft invétérée , ou le Malade trop foible. Quelques-
uns , avant que d’uferde ce remede , fe font beaucoup Purg®r »
& c’eft le plus sûr ; mais d’autres fe contentent dufer de cette
déco&ion pour leur breuvage ordinaire , en y mêlant un peu de
vin , & ne fe purgent point auparavant.
Il eft certain que le Saffafras a toujours paffe pour être un ex¬
cellent remede contre les maux d’eftomac & de poitrine , gé¬
néralement contre tous ceux, qui proviennent du froid. Fran¬
çois Ximenez dit que s étant rencontre auprès de la Baye de
Ponce de Leon dans une grande difette d’eau , il s avifa de cou¬
per du Saffafras en petits morceaux , de le tremper dans une
eau prefque auffi fallée que celle de la Mer ; qu au bout de huit
iours il but de cette eau , & la trouva fort douce.
Parmi les arbriffeaux de ce Pays le plus remarquable eit la
Caffine , ou Apalachine , dont j’ai parlé ailleurs ; & parmi les
Simples , on vante furtout l’Apoyomatfi , ou Pfllfiran“a -> Hue
François Ximenez décrit en cette manière. Ses feuilles font sem¬
blables à celles des Poireaux , mais plus longues & plus deliees.
Son tuyau eft une efpece de jonc , plein de pulpes , noueux ,
d’une coudée & demie de haut. Sa fleur eft petite & étroite , fa
racine déliée, fort longue , femée de nœuds, ou boffettes, ron a
& velue. C’eft ce que les Éfpagnols appellent Chapelets de , atn •-
te Helene & les François , Patenotes . Ces boulettes coupees Gt
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv.I. „
expoféesau Soleil , deviennent très-dures , noires au dehors
& blanches en-dedans. Elles ont une odeur aromatioue 7™
chante du Galanga. Elles font féches & chaudes au troVifme
degie & plus , un peu aftrmgen tes & réfineufes ; cependant elles
ne le tiouvent que dans les lieux humides & aquatiques
Les Sauvages , après avoir broyé les feüilles de cette niante
entre deux pierres en tirent un foc , dont ils fe frottem tout
le corps , quand ils fe font baignés , perfoadés qu’il fortifie la
peau ,& lui communique une odeur agréable. Les Efpa<mols
ont aulîî apris d eux a réduire ce Simple en poudre , qu’iÇs pren¬
nent dans du vin , lorfqu’ils font attaqués de la Pierre , ^ des
maux de reins caufes par quelque obftruaion. Ils le broyent &
le prennent en bouillon pourles maux de poitrine. iH’a’fo
S TZr? -’pr/rfer kH ’ P°ur fortifier l’£-
Enfi ôr,S ‘nr CS d°U £UrS ’ ^ lurv*enil£nt à la matrice.
£.nnn on prétend que fur toute cette Côte de la Floride on ra-
maife quelquefois de l’ambre gris. ’
M. de Ribaut fort fatisfait de fon établiffement , ne penfaplus
J a retourner en France. nn„, „■ . ’ Pema pms
1 5 6 2,
qu’à retourner en France nmrvrl, u e ment ’ ne Penla Pius Ribaut re-
Ï1 donna nnnr Tl f ' f P° chercher un nouveau renfort. tourne en
èmméTBEÎi l rTTm C°lonie un de fes Capitaines,
lbert , & il lui laiffa autant d’Hommes au il lui en
fio!"ePn°^e mr kS SaUV3geS- 6,1 11 ’fo données pZ-
au plutôt unZaPetl^e 'P11111111® > mais il lui promit de lui amener
quoi U mit 4 lf 111 1 C°’f 01 de vivres & de munitions , après
? , a la v°l!® > & arriva à Dieppe le vingtième de Juil-
ouvrage?qTlu"lftode f°fCÔté eu£ à Peine aievé quelques
f„h g V? reftoient a faire pour mettre fa Place hors d’in-
folte , qu .1 partit pour aller découvrir le Pays , foivant l’ordre
a ,!r
es Loixdu P™*? “!MeUr d UnC Dlvln«e, nomméeToYA.
T pc T ‘ j n “limeur a une Uivn
tre & H £& ^Permettent point aux Etrangers d’y paroi!
»Ôii " tzss+ p>ï V f,i«
j&s&s* ■ r*n! v'i’ «- çszzsz, r
Femmes netfn^anS UnG ëranc^e Place de figure ronde, que les
du jour quanVrédeV^ Un grand ^ ’ le lencIemain au point
ornés de^nlnm Sauvages 5 peints de differentes couleurs, &
oin^s ae plumages « forurent dU U - r» _ n- ’
Fête /întru-
liere des Flo-
ridiens.
ornés de ni™ ^UVd&c:> > Peints ditterentes cou eurs, &
don noi fur la pTS ’ fortlrent de,la Cabanne du Paraoufi, , qui
noitiur la Place , autour de ]aquellells fe rangeren£ en bqon
histoire generale
HST
dit fur le meme ton. , . f • •„ 1es uns & les autres
Cela recommenîa >.ufqu comme fi quelque terreur pa-
prenanttom àcoup ^ e^nJ àcourir déboutés leurs forces
mque les eut fa "s ’ 1 vinrent alors prendre la place de leurs
vers le Bois. Les * e™»^vi> b lafflenter. De tems en
Maris , & ne firent le re J J* en fureur , fe jettoient
T leur Falfoifnt des incifions aux bras avec des
^Ur -fw i Moules rempliffoient leurs mains du fang , gui for-
eCal£ îves & îeTe'ttoient en 1 air en s’écriant par trois fois ,
rn fcfft*. . i» ““ «K*
avoit placés dans un petit réduit , ouo ks ape cev £ ^
fouffroit beaucoup, quand il les voyoït rire , mais n
témoigna rien pour lors. . ^ deux nuits dans le
Les Hommes demeurèrent deux jours « is ils dan.
Bois, & en étant revenus au lieu, dou^e lu ai. Us
ferent de nouveau , & chanteren , j;vertiffans le tout fe
firent enfuite quantité de tours a avec excès . auflj
termina par un grand feftin , . . Commencement de la
les Afteurs n’avoient rien pris depui e “"em ^
Fête. Un d’entr’eux raconta deptns aux tra ç q
1 i’ ip nplir He s’attirer l’indignation des lonas.
entendu , de peur de s att . p Albert , pouvoient avoir
Mawalfe Les courfes , que faifoit le Caprine A n ffé à fai.
conduite du leur utilité » mais il y avoit quelque f P b Terres *
capitaine AU à oi p ne penlbit point. C etoit d enfemen
pour avoir de tjuoi remplir fes magafit,. L Amiral de Co^gm
n’avoit rien tant recommande , mai P
cher des Mmes & on ne pouvo, ^^^^ïonit. Tant
feul Canton de 1 Amérique , mn apportéesPde France
que durèrent les provnipns » quoi unnne chere ; la
% qu’on eut de la poudre & du plomb , on .& bonne chère , •
Pêche fol suffi pendant quelque tems dune grande r^ourc^
i
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. I ,,
mais tout cela manqua prefqu’à la fois , parceque lePoiffôn ne
donne dans ces Rivières que dans certaines faifons
Un eut recours enfuite aux Naturels du Pavs m.i «««* j
leur mieux parcequ’on en ufoit bien avec eux7 mais cet e four®
cetantaufli bientôt. Le fuperflu des Sauvages efl bien peu dè
ô Cflk f "°^t P0" des gens, qui ne font pas accoutumés
a la fobriete de ces Peuples , encore moins a fe paffer Cmn
me eux , de manger plufieurs jours de fuite. Pou/comble
malheur, après qu’on eut fait un aflW . comble de
1563.
malheur , après qu’on eut fait un affez grand amas de^Maiz
ou on avoitete othgé d’aller chercher fort loin , le feu prit an
Fort, qui fut confumé en peu d’heures avec les maeafins Per
e perte fut néanmoins affez oronmrrm™,™ maga|ms. Cet-
~unac-
qui
te perte fut néanmoins affez"
.
Le Commandant de Charles-Fort étoit un homme de main Rr
ÏÏ'Æ ™TZ£ *S**r de “"J"“ ■ «* *
féancel Tant mi’il ’ ■ ,n? fÇav'OIt Pas m^me garder les bien-
leances. 1 ant qu il avoit ete fubalterne , ce défaut n’avoit mW
que point paru ' ; l’autorité le mit dans tout fon jour ou Ka
point mérité la mort , fl en dégrad^unauTe SÜe^veî^ffi
e Si -
siilg ttë&tg&ïfe
ne devoit l’attendre de Gens * JL * i n • ^ut.P us ’ qu’on
S" y'1' “ p'“ de “» '*
i i?Æ‘ lvt““ z r * -°w ,
à la difrrptirt J c t0utes *es horreurs de la Famine : on était ou la Colonie
veau CoTumf des Sauvages pour avoir des vivres , & °"“u
b“» *1“ «*■» ponviii pi
E
France.
histoire generale
V “ fans que Ton courût rifque d’effuyer de la part de
- - p - lontems , lans que «inc fâcheux encore que la di-
M <5 3 • ces Barbares quelquechofcde plus^ach^ux ^
fette. Plein de ces afflige P bientôt réduit, & ce qu’on
y expofa l'extrémite, °V ^^s^ce te repréfentat.on A n’y
avoir à'cramdre pour 1 fJ differer d-un feul
€Ut conduire un Bâtiment , & fitôt qu’il feroit ache-
IT^tn Êvir pour retourner en France , fi on n en avoit pas
reçu de fecours. . • t pans Confirufteurs , fans
Tou! *m- Mais comment ex PJ Agrez ? la néceffité , quand
SCC ÆT“”*ful.éS , & rend facile ,out
elle eft e«remf ’.f ^oîtroit impoffible. Chacun mit la mam a
ce qui , hors ’ P - i ^eur vje navoient manie la hache *
l’œuvre ; des Gens , fi tr‘ouverent devenus Charpentiers &
ni aucune forte douu , de fliaffe , • croît (ur ies
Forgerons. La mou 1^ ^ pionde 5 fervirent d’étou-
Arbres dans une gra P . chacun donna fes chemifes &
pes nour S des Voiles ; on fit des cordages
les draps de fon 1 p & n de tems le Navire lut
T oL induftrie & de c„e
achevé ex lanc , fait trouver les moyens de fubhf-
deur, mieux appliquées, «»«>*»» dé - deyIa Fioride, &
ter encore quelque tems ma rec|voirle fecours , après
l’onauroit peut^etre ete^ alors det^^ ^ ^
pou ^ reveiller ce fond d’fffeâion , qu’il confeîrve pour fa Patrie ,
61TNqavi œ éqîipé’ 'Sne XTpas d’un feul jour à s’embar-
nuer & avec il même confiance , qui avoir fait entreprendre
kcoÂftruaion de ce Bâtiment fans Ouvriers & fans matériaux ,
fnrto & manœuvre par des bornais. v>e qu yt _ y
iorte , Cv m y qu’on vouloit éviter , fut le
Us mangent Cette modique îation ne ciuia [ .
n recours aux fouliers , & tout ce qu il y avoit de eu
DE LA NOUVELLE FRANCF Lrv T
Vaiffeau , fut dévoré. L’eau douce manqua auffi to ?' à f 3 3 _
quelques-uns voulurent boire de l’eau de la Mer Rr ’ i e 6 5
r«». Outre c.l, le Bâtiment ÉuTot. «*£• -g** ’
tjuipage extenue par la diette, n’étoit gueres en étaf He fr-i u
Dans ce defefpoir quelqu’un s’avifa de dire qu’un feul non
voitfauverlaviea tous les autres aux dépens <?e hûennl t
une fi étrange propofition , non-feulement ne fut pas reiettée
avec horreur mats fut extrêmement applaudie. OnloiS!
que convenu de tirer au fort pour fçavoir Quelle fernir I Pq.-
me , qu’on immolerait au Falut des amres orlo' Vu "
nommé Lachau celui là m*L 1 , 5es ». loriquun Soldat
jSst ■<« “se;
s**» üsjar s?
»c -
=#a=sa=?
SBüsssïr&'s?
ssssgs&i I f? fi^asass
cœur. ’ otablilfement lui tenoit toujours fort au
Roy , lorfqu’if hrUrQ cll°fe « dont l’Amiral parla au Nouvel 3r_
lesfX. luilccorda troK N 15 de 1,ePar?ltre k, h Co «r , & Char- P««
Eij
5 6 4*
Les François
arrivent en
Tîoxide.
Vénération
des Sauvages
pour les Ar¬
mes de Fran¬
ce»
Laudonniere
fe.it reconnoî-
tre les envi¬
ron^ de la Ri-
•viere de May.
(j histoire generale
avoit même fervi fur Terre avec diftinRion. D’ailleurs âco&
noiffoit déia la Floride , où il avoir accompagne M. de Kibaut
deus ans auparavant. On lui donna des Ouvriers habiles dans
tous les Ans , qui peuvent être de quelque utihte c ans une Co¬
lonie naiffante. Quantité de jeunes Gens de VT®’
fleurs Gentilshommes voulurent faire ce voyage a leurs dépens,
& on y joignit des Détachemens de Soldats choifis dans de-
vieux ^Corps. L’Amiral eut foin furtout qu il n y eut aucun Ca¬
tholique dans cet Armement. Le Roy fit compter cinquante
milleqécus à Laudonniere , & il y a bien de 1 apparence Qie Jac¬
ques le Moyne de Morgues, qui fut de cette
tromne quand il fait monter ce prefent de Charles 1 A. a cent
millePécùsq. Ce n’eft pas le feul article de la Relation de ce Voya¬
geur où il n’eft pas d’accord avecM.de Laudonniere.
ë Les trois Navires firent voiles du Havre-de-Grace le vingt-
deuxd’ Avril 1 564. les deux premiers ayant pour Pilote deux
Freres , Michel & Thomas le Vaffeur , deux des plus habiles
dansTeùr Art , qui fuffent alors en France. Laudonniere prit fa
route par les Canaries , côtoya la plupart des petites Antilles,
& le vingt-deux de Juin il aborda en Floride : quelques jours
après il jetta les Anchres à l’entrée de la Riviere des Dauphins ,
dans laquelle il entra avec fa Chaloupe , mais il en fomt d abord
an grand regret des Sauvages , qui firent tous leurs efforts pour
le" retenir. Êe-là il paffa à fa Riviere de May , & y trouva s fou
débarquement le Paraoufti SatuRiova , avec un grand nom-
^LatffûpartVe reconnurent, & tous , après lui avoir fait bien des
amitiés ,1e conduifirent à l’endroit , 011 M. de Ribaut av°'t ar¬
boré les Armes de France fur une Colonne de pieire. Ces B“"
bares s’étoient imaginé qu’il v avoit quelque chofe de myfte-
rieux dans ce Monument, & dans cette penfee ils y,alloient
faire des Offrandes , dont il étoit encore tout environne , ils lui
rendirent même en préfence des François des refpeRs , qui
avoient tout l’air d’un culte religieux . Il y a bien de 1 aPP^re^e
que Laudonniere fut alors mftruit de 1 abandon de Lhar es-
Fort puifqu’il s’arrêta dans la Riviere de May ; car il paroit qu il
ravoir ignoré à fon départ de France» . , ..
Quoiqu’il en foit , le lendemain de fon arrivée il rendit une
vifite à Saturiova , & lui témoigna qu’il ferait bien aife de con-
noître le Pays , qu’arrofoit la Riviere. Le Paraoufti y confen-
tit , à condition qu’il ne feroit pas lontems dans ce voyage.
i 5 <54.
Beauté du
DË LA NOUVELLE FRANCE. Liv. I. 37
Une Troupe de Sauvages accompagna même les François pen-
dant quelque te ms , marchant le long des deux bords du Fleu¬
ve 9 & répétant fans ceffe le mot à9 Ami. Laudonniere n’alla pas
fort loin , & ayant fait dreffer fa tente au pied d’une petite Col¬
line , il ordonna au Sieur d’Ottigny , fon Lieutenant & an
Chevalier d’Erlach ( a) fon Enfeigne , de remonter la Riviere
pendant quelques jours.
Ces deux Officiers rencontrèrent bientôt des Sauvages ' qui b«
ne dependoient point de Saturiova , & qui , après s’être un peu Pays'
remts delà frayeur , que leur avoit caufée la première vûë des
François , les menèrent chez un vieux Paraoufti , qu’ils difoient
etre âge de deux -cent cinquante ans, & Pere de fix généra-
fions , ce qui étoit bien peu pour un fi grand âge. Cet Homme
etoit en effet fort decrepite & aveugle , & n’avoit plus qu’une
peau hvide collee fur les os , mais celui , qu’on difoit être fon
xils , paroiiloit un Homme de foixante ans au plus.
D Ottigny & d Erlach ne pouffèrent pas plus avant leurs dé¬
couvertes & retournèrent au lieu, où ils avoient laiffé leur
Commandant. Dès qu’ils l’eurent rejoint , ils montèrent tous
enlemble fur la Colline , au bas de laquelle M, de Laudonnie-
re etoit campe, & ils découvrirent de-là un Pays fort agréa¬
ble. La Riviere toujours d’une belle largeur , autant que la vûë
pouvoit porter , arrofoit de grandes Plaines , qui avoient toutes
les apparences detre fertiles. Ces Plaines étoient bordées de
forets , dont les Arbres extrêmement hauts étoient entremêlés
S ’ dS LaUrlerSC de Lentifques , dont l’odeur embau-
f Âa « c,ett,f vue Amante etoit terminée d’un côté par
la Mer , & de 1 autre par une chaîne de Montagnes , où des
de^Mmes "rênt °ntems accroire aux François qu’il y avoit
• P” Perffiade aifément ce qu’on fouhaite , & les moindres i« r
imhces deviennent des affûrances. Tous ceux qui dévoient
compofer la nouvelle Colonie, n’étoient venus en Floride que Pcrf“a*r
f,berrtiLge & d6' f" ^ T f* 1 ' ^ & tandis «P* hefpn^e L'j&ÏT
libertinage & de faineantife leur rendoit infupportable le tra¬
vail de la culture d’une Terre, qui leur auroit bientôt rendu
au centuple ce qu ils y auroient femé, ils comptoient pour rien
les fatigues & les dangers , qu’il falloit devorer pour aSer cher¬
cher bien loin ce qu’ils n’étoient nullement affûrés de trouve^
.J"CS ReIatlot\s écriVent d’Arîach , c'eft tilhomme étoit Suiflè &ilnV,««; u •
1 eff« d UüCimttvaife ptononemion. Ce Gen. fon de Smile plus $ S
5 6 4*
Ils s’enga¬
gent mal à
propos dans
une guerre.
Ils conti¬
nuent à décou
vrir le Pays.
Ils délibèrent
furie lieu d’un
Etablillement.
g histoire generale
Ce qu’il y eut encore de plus fâcheux , c’eft que par ce frivole
armas ils fe laifferent fottement engager dans une aftaire , qui
feule étoit capable d’étouffer la Colonie naiffante dans fonber-
C@ Laudonniere de retour chez Saturiova , lui demanda d’où
venoit un morceau d’ Argent , dont ce Chef lui avoit fait pre-
fent àfon arrivée. Celui-ci , qui avoir fes deffeins , & qui avoir
déia reconnu le foible des François , lui répondit qu on le tiroir
d’un Pays affez éloigné , & que le Paraoufti , a qui ce Pays ap-
partenoit , & qui fe nommoit Timogoa, etoit fon ennemi mor¬
tel. Laudonniere donna dans le piege , que lui tendoit le rufe
Paraoufti & lui dit que s’il vouloit faire la guerre a Ion En¬
nemi , il s’offroit de l’accompagner avec une partie de fes Gens.
Santuriova le prit au mot, & lalTura de fon cote. qu apres la
défaite de Timogoa , dont il ne doutoit point , s il etoit fécon¬
dé des François , il lui feroit trouver autant d or & d argent ,
Malgré ces promeffes réciproques , Laudonniere , foit qu i
fe repentît de s’être trop legerement engage , ou qu il voulut
voir, s’il ne pouvoir pas fe rendre maître des Mmes, fans en
avoir obligation aux Sauvages , fe rembarqua des le lendemain
avec tout fon Monde , & fortit de la Riviere de May , entra
d’abord dans la Seine , puis dans le Somme , ou il rencontra
le Paraoufti de ce Canton avec fa Femme , & quatre grandes
Filles, qui ne lui parurent pas trop mal faites pour des Flo-
ridiennes. Le Paraoufti le reçut parfaitement bien , & parmi
les prefens , qu’il lui fit , il y avoit une petite Boule d Argent. 11
invita enfuite les François à paffer quelques jours avec lui ,
mais M. de Laudonniere s’en exeufa , & ie rembarqua fur le
ClTtint enfuite Confeilpour délibérer fur le parti, cju’il avoit
à prendre ; il commença par expofer les ordres précis , ^u il
avoit de faire un Etabliffement folide , & il ajouta qu il n etoit
oueftion que du choix d’un Emplacement. Il reprefenta enfuite
que le Cap François lui paroiffoit un Pays trop bas & trop
mouillé ; que Charles -Fort avoit été bâti dans un Port tres-
commode , mais qu’il n’en croyoït pas le Terrein auffi fertile ,
que celui de la Riviere de May ; & que d ailleurs , autant qu il
en pouvoit juger , cette Riviere etoit la route la plus facile &
la plus courte, pour pénétrer jufqu’aux Mines , dont on leur
avoit parlé. Dans les difpofitions, où etoittout le Monde, cette
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. I. J9
•dermere raifon étoit concluante , chacun fut de l’avis du Com¬
mandant. On reyira de bord fur le champ , & le lendemain
vingt-neuvieme de Juin les trois Navires fe trouvèrent de bon
matin à l’embouchure de la Riviere de May.
Le jour fuivant le Fort fut dreffé dans un lieu très-avanta¬
geux , environ à deux lieues de la Mer : on y travailla avec une
diligence extrême , & il fut nommé la Caroline (a). Ce nom a
trompé bien des Auteurs, qui fe font perfuadés que c’étoit là
lorigine de celui , que porte aujourd’hui une des plus belles
Colonies Anglolfes de 1 Amérique. Quelques-uns ont même
cru que des ce moment-là on avoit communément appellé Ca¬
roline^ ce qu auparavant on appelloit la Floride Francoife , ce
qui n elt pas vrai. La Caroline d’aujourd’hui doit même fi peu
l'on nom à Charles IX. Roi de France, quelle ne comprend
pas tout ce que nous appelions la Floride Francoife , ou la
ouvelle France , ainfi que je l’ai déjà remarqué , & que le Fort
de la Caroline de Laudonmere ell prefentement de la Floride
Hipagnole , comme nous le verrons bientôt.
Cette Forterefle étoit de figure triangulaire : le côté de l’Oc-
îj'-yr ®t01t celui de la Terre, fut fermé d’une tranchée ,
boi dee d un Parapet de gazon de la hauteur de neuf pieds • les
deux autres avoientune Paliffade gabionnée ; & à l’angle , qui
regardent la Mer , il y avoit un Baftion, dans lequel étoit le Ala-
ga m. Le tout étoit confiant de fafeines revêtues de gazon, le
milieu etoit une Place de d.x-hu.t pas en quatre , fj laquelle
n y avoit vers le Nord une Maifon afl'ez haute , que les Lnts
abatn eut bientôt ; & vers le Midi , un Corps de garde. Le Four
uit place hors de 1 enceinte de la Citadelle , pour éviter les in¬
cendies, que les Vents , qui font frequents & impétueux fur ces
Cotes, auraient rendu d’autant plus difficiles à arrêter , qu’on
n avoit pu couvrir ks Barraques , où tout le Monde étoit Lé
q LL r HeS de Palmiers & de Lataniers. S ’
oui s’eftLir'ld° r7‘er! ’ s' lm)eS Relations , qu’il a écrites de ce
font Sf !" F 0nt f°US (f -îeux > * fort de Satunova,
v,yue - f.s Sujets 1 aidèrent beaucoup dans les tra-
reprefent!ceUp °b 'S® ,de faire’ ?e Morgues au contraire nous
reLr. J® f Paraoi;fo prenant de grands ombrages d’une For-
tereffe bâtie fur fon Terrein , & fort choqué de la maniéré haute
564.
On bâtit îc
Fort de la Oï-
roline. Er¬
reur des Hî-
ftoriens & des
Géographes
fur ce fujet»
Defcription
de la Caroline.
( *) Un Auteur Efpagnol moderne con¬
fond la Caroline avec Charles-Fort, ou plu-
tor prétend que le Fort de Ribaut fut nommé
Caroline , & celui de Laudoniyere , Charles-
Fort.
i 5 6 4-
Conduite des
Sauvages à l’é¬
gard des Fran¬
çois.
40 HISTOIRE generale
& indépendante , dont le Commandant des François fe com- .
portoit à fon égard. II n’y a rien dans cette diverfite de ienti-
mens , qui doive nous étonner : ne voit - on pas tous les jours
des Perfonnes , qui vivent enfemble , penfer diversement iur le
chapitre de ceux, avec qui ils ont à traiter ; les uns s en defier, OC
les autres leur donner toute leur confiance ? Tout ce qu’on peut
conduire ici du récit de ces deux Hiftoriens , c eft que le Cher
des Sauvages gardoit avec celui des François des mefures , que
ce dernier prenoit pour des marques d’une amitié iincere , oc
que ceux , qui examinoient de plus près les choies , attribuoient
à la crainte , ou à la politique.
Ce qui paraît certain , c’eft que les Sauvages ne difconti-
nuoient point d’apporter à la Caroline des Farines de Man , des
Viandes boucanees , d’une efpece de Lézard , que ces Peuples
mangent par délices ; des Racines , dont plufieurs etoient
médicinales , & d’autres fort nourriffantes : quelquefois de
l’Or de l’Argent , des Perles , des Pierres precieules ; Oc que
M de Laudonniere fut obligé d’ordonner à fes Gens , fous çei-
ne de mort , de porter dans le Magafin public tout ce qu on
recevrait des Naturels du Pays en Métaux , en Perles , Oc en
Pierreries. Mais la fource de tous ces Threfors tarit bientôt.
HISTOIRE
t
mm 'smmmm
histoire
E T
description generale
DELA
NOUVELLE FRANCE.
livre second.
j] FS que la ForterefTe fut achevée, M. de
| Laudonmere renvoya en France un de fes
V aille aux , pour y demander du renfort &
ht travailler en diligence à deux grands Bat-
teaux , dans le deffein de s’en fervir , pour
allei chercher des vivres dans les Rivières
- 1 p ~ V0, 1?es< rePrit enfuite le deffein de faire
remonter la Riyiere de May par d’Ottigny , auquel il recom
Panda penetrer dans le Pays le plus^ avant qu’il pourroit
Ltrtout de bien reconnoître celui , où commandoit fimayoa ’
IturiôtaT1 negllgf P°Ucr S'affL!rer de la ^rité de tout cf que’
Satunova lm avoit dit aufujet des Mines. 1
dans de fa : il entra /«
dans le J îmogoa , car dans cette partie de la Floride chaoue dccouv
dueTftKhefmêmen°mAU? !ejChef O) , & apparÜm
va n. or ni CH f ’ qUI Prend,celui de fon petit Etat. Il n’y trou-
à la découverf11 l’ maiS Un d® feS S°idatS ’ ClU’il aVO,t ^VOyé
a la decouverte , lui raporta environ lix livres d’argent , & de
Sot o/ Ga‘cllairo<,'la Vcga dit la meme chofe des Quartiers , où aborda Ferdinand de
Tome /. t-,
1 5 6 4,
Nouvelles
’ertes.
HISTOIRE generale
— — grandes efparences d’en tirer beaucoup davantage d’un Pays-
4' foC’eftIinfi que les Mines fembloient s’éloigner à mefure qu’on,
crovoit s:ën approcher , femblables à ces prétendus Efpn* fol¬
lets oui aprèEvoir bien fatigué ceux , qui courent pour le*
joindre , difparoiffent au moment qu’on s imagine ^«nir. Ce¬
pendant nos Aventuriers ne fe rebutotent point , & le
I procurées précieux que les Mines.,.
!PquXr auraient ilins Es
;;r t àgPeU de
Ces Barbares n’étoient pas meme d accord entr eux u
lieux, où il falloir aller chercher ces Mines. Toutefois la ph par
affûroient que dans les Montagnes d Apalack r 1 *
Fer tanne» On avoir dit la meme chofe aux Efpagn ?
prétend qu’en effet on y a trouvé du Cuivre 5 &
grains d’Or parmi les fables , qu entraînent les 1 5 ^
cendent de ces Montagnes. t . w U arriva ur>e
Bizarre coû- A l’occafion du Voyage, dont ,e viens de parler fl
mmedcs Sau- hore affeZj finguliere a un des deux Freres le
il revenoit deïimagoa , .1 paffa chez un Paraoufti qui etoit
en guerre contre cette Nation , & qui lu, demanda s i avoir dé¬
truit fes Ennemis ? Le Pilote répondit <ju al en m
ques-uns , & que fi le Chef n’avoit pas ete averti delamarche,
& ne s’étoit pas mis en sûrete dans les Lois , 1 i P
échapé un feul. Il n’y avoir Ças un mot de vrai dans ce qu U
difoit ; mais il s etoit imaginé nues, avoir pat rleautr.
Paraoufti l’auroit pris pour un Allie de Timagoa , & lu auro
feit immauvais parti. Le Paraoufti lui demanda enfuîte s il avoir,
levé quelques chevelures ? Non , reparut le \ affeur , ce n ejtpas.
la coutume parmi les François. F]A , oui émit
Alors un des Gens du Paraoufti prend une ec , q
plantée en Terre , & en va frapper un de fes Camarades qui.
etoit affis un peu plus loin , en criant Hwu , remet en u te
Flèche , où il l’a prife , la reprend un moment apres , e P
de nouveau le même Sauvage , en réitérant le meme cri Auffi-
tôt le Bleffé s’étend à Terre tout de fon long , paraît fans mou
vement & fans vie , les jambes & le corps roides , & dans l["'
ftantfes Freres , fes Sœurs, & fa Mere viennent Ple"rer
lui. Pendant toute cette Corne die le Paraoufti 3 & la p up
vages
DE LÀ NOUVELLE FRANCE. Liv. II. 43
ceux de fa fuite beuvoient force Apalachine , fans fe dire un
leul mot & fembloient même ne faire aucune attention à ce
qui lepafloit. Le Vaffeur étonné de tout ce qu’il voyoit , s’aoro-
cha du Chef, & lui demanda ce que tout cela fignifioit , &ACe-
lui-d pour toute réponfe répéta d’un ton allez languiffant Tima^
go a , Timagoa. °
Le Pilote s’adrefla à un autre Sauvage , pour être mieux inf-
truit ; mais ce Barbare , après lui avoir fait la même réponfe
le pria de ne lui en pas demander davantage. On avoit c’epen-
dant tranfporté ailleurs le Blelfé , & le Valfeur fut curieux de
voir ce qu on en faifoit. Il le trouva environné d’une foule de
Sauvages des deux Sexes , qui pleuraient , & il aperçut de jeu-
nes billes , qui faifoient chauffer une efpece de mouffe , dont
elles frottoient le corps du Malade. Enfin au bout de quelque
tems il parut revivre , & dans le vrai il n’avoit pas eu beaucoup
e mal. Le Paraouffi dit alors au Pilote., que quand un Parti de
Guerre reven oit fans rapporter des Chevelures, le plus chéri
des Enfans du Chef devoit être ainfi frappé avec des armes pa¬
reilles a celles , dont l’Ennemi fe fervoit , afin de renouveller &
de mieux imprimer la mémoire des maux, qu’on en avoit recûs,
de s animer de plus en plus à la vengeance.
ces entrefaites Saturiova fit demander à Laudonniere ,
5 64.
- - .u miiiojiun rt i^auuunmere , twilonnîere
sillefouvenoitdelaparole, qu’il lui avoit donnée, d’être Ami rcfl,fi: d'ac'
de fes Amis , & Ennemi de fesfnnemis , & s’il étoit difpofé à SÏÏK&Tà ü
I accompagner dans une expédition , où il venoit de s'engager Guclrc-
avec fes Vaffaux contre Timagoa? Le Commandant lui fît ré-
çonle qu il n avoit pas oublié fa promelfe , mais que fa prefence
etoit encore neceffaire dans fon Fort ; d’ailleurs qu’il n’avok pas
allez de proviens pour un pareil voyage , & que s’il vouloir
encore attendre deux Lunes , il marcherait avec li
r çii - , 77”” ; - “ 9 “ lierait avec lui à la tête de
les ooldats. Ce delai n accommodoit point le Paraouffi, dont les
roupes etoient dejaaffemblées ; il fe douta même que les Fran¬
çois ne cherchoient à gagner du tems , que pour fui manquer
impunément de parole ; mais il n’en témoigna rien pour lors ;
1 partit avec foiiArmée, qui étoit de cinq cent Hommes au plus,
y compris les Troupes auxiliaires , ce qui ne donne pas une
grande idee de ce prétendu Souverain, que quelques-unes de nos
Relations appellent le grand Roy Saturiova.
Avant que de fe mettre en campagne , il rangea tout fon Mon- Cérémonie
£.e.en or“re Bataille , & s’étant avancé au bord de la Riviere £ou< fe dlfpo"
il fît alte pour s’acquitter d’une Cérémonie , dont la Religion de lia
F ij
aa histoire generale
- 7 — ces Peuples ne leur permet pas de fe difpenfer. Il commença par
1 5 6 4‘ s’affeoir a Terre , & les V afl'aux fe placèrent autour de lui dans
la même pofture II demanda enfuite de l’Eau , qu on lui aporta
dans mi Vafe , & à peine l’eut-il à la main , qu’il parut entrer
dans des agitations allez, femblables à celles , où les Poetes nous
reprefentent les Pithoniffes & les Sybilles. Les yeux lui rou-
lofent dans la tête d’une maniéré afreufe , & il les tournoitfans
celle vers le Soleil , ce qui dura une demie heure avec une vio-
friant de toute fa force. Hé Timagoa.T oute lÂrmee répéta au -
fitôt le même cri , & à ce lignai les Chefs fe leye enf ? ' L, cé_
s’embarquèrent furie champ. On expliqua ans ,
rémonial aux François : on leur dit que Saturiova , pend
tout le tems de fon enthoufiafme , n avoit ceffe de demandei au
Soleil la Viâoire fur fes Ennemis , & que c etoit la ferveur me¬
me de fa Priere , qui l’avoit mis dans 1 état , ou °n 1 ajoit vu.
O u en verfant de l’eau fur la tête de fes V affaux , faifoit
Vœux pour obtenir qu’ils revinffent avec les Cheve.ures de
Ennemis , & qu’en jettant le relie de lEau dans lf Feu , il
moignoit le defir , qu’il avoit de répandre jufqua la dermere
goûte du fang de Timagoa. #
Les Guerriers arrivèrent en deux jours de navigation a dix
lieues du Village , qu’ils voulaient attaquer. La ils tinrent Con-
feil , & il fut refolu que la moitié de i’Armee continuerait le
Voyage par Eau , que l’autre iroit par Terre , & que les deux
Troupes entreroient au point du jour par deux endroits dans la
Bourgade Ennemie; qu’on ferait main oade fur tous les Hom¬
mes , mais qu’on épargnerait les Femmes & les Enfans , pour en
faire des Efclaves. Tout cela fut exécute ponâuellement , 1 En¬
nemi fut furpns , & tout ce qui étoit capable de faire reliftance,
fut taillé en pièces ; mais on ne fit que vingt-quatre Prisonniers.
Les Vainqueurs craignant qu’on ne leur coupât la retraite , e
donnèrent à peine le ioifir de lever les Chevelures des Morts
& de rendre grâces au Soleil pour un fi heureux fucces. Ils re¬
gagnèrent en diligence leurs Pirogues , & le rembarquèrent *
après avoir fait le partage des Captifs ; car pour e utin 5 ces
Peuples ne font pas accoutumes a s en chargei , & i y a ien
peu de chofes à gagner avec des Gens ? qui combattent tou
Vidloîre de
Saruriova.
DE LA NOUELLE FRANCE. Liv. II. 45
nuds , & qui ont toujours un grand foin de cacher leurs Dro- - -r -
vidons. 1 M<M.
Saturiova , qui avoiteu pour fa part treize Prifonniers, arri- qui fe paf-
va chez lui le lendemain de l’aèlion , & dès que les Chevelures ? e jtre !ui &
qu il avoir apportées , parurent a fa porte , ornées de Lauriers , au fujet des
fui vaut la ooûtume , toute la Bourgade fut en pleurs jufqu’au Prir°nnicrs,
foir. Alors la Scene changea , & toute la nuit fe paffa en ré-
jouiflances. Le jour fui van t Laudonniere envoya complimen¬
ter le Paraoufii fur fa Victoire , & le fit prier de lui ceder deux
de fes Prifonniers. Son deffein. étoit de les renvoyer à Timagoa ,
afin de s’affeftionner cette Nation : car, toutes reflexionf fai¬
tes , il avoit très-fagement jugé qu’il étoit de l’intérêt de la Co¬
lonie de bien vivre avec tous ces Peuples , & de les réconcilier
même entr’eux , s il étoit poffible. Heureux , s’il s’en étoit tou¬
jours tenu à cette refolution.
La reponfe de Saturiova fut un refus , accompagné de quel¬
ques reproches. Le Commandant crut qu il y alloit de fon hon¬
neur de ne pas mollir avec ces Barbares. Il partit fur le champ
avec quarante Maîtres armés de toutes pièces , & alla chez le
ParaOufh. Il entra feul dans fa Cabanne , après l’avoir fait en- •
vironner par fes Soldats , s’affit à côté de lui fans le faluer , de¬
meura quelque temsdans cette fituation , fans lui dire un feul
mot , puis demanda ou etoient fes Prifonniers ? Saturiova fur-
pris de fe voir ainfi brave jufques dans fon Logis , demeura auffi.
quelque tems fans répondre , puis il dit d’un ton allez fier, qu’à
la vue nés François les Captifs effrayés s’en étoient enfuis dans.
Je bois , & qu il ne fçavoit où les aller chercher..
Laudonniere fit femblant de n’avoir pas entendu , & haufiant
la voix , il dit qu’il voulait voir ces Prifonniers , & qu’on les fît
venu a 1 heure meme. Alors Saturiova ordonna à un de fes Gens
de les aller chercher , & un moment après ils parurent. Ces
Infortunes comprirent d’abord à l’air du Chef des François ,
que ion deflem n etoit pas de leur faire du mal , & ils voulurent
le jetter a fes pieds ; mais il ne leur en donna pas le tems ; il fe •
ieva , lortit de la Cabanne , & leur commanda de le fuivre. Il les
mena dans fon Fort , où il les regala bien ; puis les mit entre
les mains de M. d’Erlach , & d’un des deux le Valfeur , qu’il
chargea de les reconduire dans leur Pays. Il donna en même
tems avis a Saturiova de ce qu’il venoit de faire , ajoûtant qu’il
en uloit ainfi pour rétablir la Paix entre lui & Timagoa. Les in-
Itruttions de ces deux Envoyés portoient auffi de ne rien omet-
I 5 6 4-
Tonnerre
extraordinaire
Se les effets.
Comment
Laudonniere
en profite.
46 histoire generale
tre pour s’affûrer de la fidélité de Timagoa, d aller enfuite trou¬
ver un grand Chef, nommé Outina, dont il paroît que Tima-
goa relevoit , & dont on lui avoit fort exagéré la puifiance , de
le faluer de fa part , & de faire alliance avec lui.
Cependant Satufiova ne pouvoit digerer la maniéré, dont il ve-
noit d’être traité , mais il fut affez maître de lui pour* diffimuler
fon reffentiment jufqifà ce qu’il eût trouve une occafion favora¬
ble de fe venger. Il fit même dire au Commandant de la Caroline
qu’il pouvoit négocier avec Timagoa , comme il le jugermt a
propos, & qu’il en pafferoit par tout ce qu’il auroit réglé. Il anec-
ta de lui donner plus de marques de confiance que jamais , & il
lui fit plufieurs prefens. Son deffein étoit d ecarter de lui toute
défiance, afin de le furprendre plus aifément ; mais un accident
des plus étranges , que je ne raporte meme que fous la garantie
de ceux , qui prétendent en avoir été témoins , fit juger au ra-
raoufti que le plus sûr & le plus avantageux pour lui etoit de
bien vivre avec les François.
Le vingt-uniéme d’Août il tonna d’une maniéré fi lui prenan¬
te à une demie lieue de la Caroline , que non feulement 1 Air ,
mais les Campagnes mêmes parurent en feu. Ce premiei orage
fut fuivi de plufieurs autres , qui fe fuccederent de fort près pen¬
dant trois jours , & ce qu’il y eut de particulier , c eft que la Ri¬
vière en fut tellement embrafée , qu’on la voyoit bouillonner ,
& qu’une quantité prodigieufe de Poiffons en moururent. Les
Forêts prirent aufii feu en plufieurs endroits , & fi fubitement ,
que tous les Oifeaux n’eurent pas le tems de fe fauver , & qu 1
1 périt un grand nombre.
Les François ne fçavoient que penfer de ce qu’ils voyoïent ,
quelques-uns s’imaginoient que les Sauvages pour les contrain¬
dre de fortir de leur Pays , avoient mis le feu à leurs Campa¬
gnes & à leurs Forêts , afin de leur ôter toute reffource , & de
les faire périr de faim , s’ils s’obftinoient à refier chez eifx. Mais
ces Barbares fe mirent bien d’autres imaginations dans la tête ,
& Laudonniere , qui s’en aperçut , n’eut garde de les defabuier.
Ils ne doutèrent point que tout ce fracas ne fût un effet du Ca¬
non des François , & ils envoyèrent prier le Commandant de
le faire ceffer au-plûtôt , afin d’arrêter l’embrafement general ,
dont ils fe croy oient menacés. _ , . _ . ,, ,
Ceux qui vinrent lui faire cette priere , etoient Sujets d un des
Yaffaux de Saturiova , auquel Laudonniere avoit aulh deman¬
dé fes Prifonniers ? & qui s’obftinoit a les refufer : ce Gommait»
en
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL 47
dant répondit à fes Envoyés que les malheurs , dont ils crai- - -
gnoient les fuites avec tant de fondement, étoient le jufte châti- 1 ^4*
ment du mauvais procédé de leur Maître , & que fon deffein
étoit de l’aller brûler lui-même dans fa Cabanne , s’il perfiftoit
dans fon refus. Ce firatageme eut tout le fuccès , que Laudon-
niere s’en étoit promis : leParaouffi , fans différer d un moment
lui envoya fes Prifonniers , & peu de tems après le Feu s étei¬
gnit. Les François l’avoient bien prevû , mais le Chef Sauvage
étoit encore fi effrayé , qu’il s’enfuit à vingt-cinq lieues de-la ,
& fut deux mois , fans reparoître. Cependant l’Air étoit fi
échauffé , & 1 Eau de la Riviere fî infeéfée de la prodigieufe
quantité de Poiffons morts , dont elle étoit couverte , que la
plupart de ceux , qui en burent alors , tombèrent malade ; mais
aucun François n’en mourut.
Le dixiéme de Septembre M. d’Erlach & le Vaffeur partirent m. cfÊrfad,
fvcF ul? Argent & dix Soldats , pour remener à Timagoa tous fec cinci
les Prifonniers, dont nous avons parlé. Après sëtre acquitté gZT’mf
e leui commimon , ils allèrent jufques chez Outina , qui de- grande vidoi-
meuroit à quatre-vingt dix lieues de la Caroline , & ils furent <c à un cw
reçus de ce Paraoufti avec de grandes demonftrations de joye. ^
e préparait a marcher contre un de fes Ennemis, nommé Po-
Tanou, & il engagea M, d Erlach a 1 accompagner dans cette
expédition ; mais cet Officier ne fe fit fuivre , que de la moitié
de Ion Elcorte , & renvoya le refte au Fort avec le Vaffeur. Il
ciaigea celui-ci dune Lettre pour le Commandant , à qui il
demanda fes ordres , par raport au féjour , qu’il devoit faire
auprès d Outina. 1
Ce, P^aOU,ftl fe mit Peu de j°llrs aPrès en campagne avec
peu de Monde , parce qu’il croyoit furprendre fon Ennemi :
mais il fut fort déconcerté de le voir venir à fa rencontre avec
toutes fes Forces. O Erlach le raffûra , & ayant du premier
coup de Fufil jette par Terre Potanou lui -même, toute cette
grande Armee perdit coeur & tourna le dos , quoiqu’un Fran-
çois eut auffi ete tue dune Flèche à la première décharge. Ileft
vrai qu il fut bien vengé ; d’Erlach & Outina firent un grand
carnage des Fuyards , 8e emmenerent quantité de Prifonniers.
A peine etoient - ils de retour chez Outina , qu’un Batteau en-
voye par Laudonniere vint chercher d’Erlach, auquel le Paraou-
i t de tort beaux prefens , il en envoya auffi au Commandant
oes rrançois , & parmi ceux-ci il y avoit des morceaux d’Or &
d Argent. Enfin il donna fa parole à d’Erlach , que fi les Fran-
s 64-
Scdition à la
Caroline.
48 histoire generale
cois avoient befoin de fes Sujets , ils en trouveroient toujours
fix-cent difpofés à les fervir envers & contre tous.
Ce qui avoir obligé M. de Laudonmere a rappeller d Lr-
lach , c’eft qu’il avoit été averti d’une intrigue , qui fe tramoit
fourdement contre lui. Les Volontaires , dont] ai dit que plu¬
sieurs étoient Gentilshommes , trouvoient fort mauvais que e
Commandant les employât aux mêmes travaux , que les plus
vils Manœuvres , & tout le Monde fe plaignent de ce qu
voit pas amené en Floride un feul Mmiftre de forte quil nefie
faifoit aucun exercice public de Religion. Mais ce Su‘
furtout le mécontentement du grand nombre , tell quonle
vovoità la veille de manquer tout-a-faitde Vivres. A quoi il
faut ajouter qu’un Aventurier avoir perfuade a k PluPartÆJl
avoit un fecret pour trouver des Mines dOr, & que le Cou
mandant ne lui avoit pas voulu permettre d en faire leflay.
Cette conduite de Laudonmere , toute fage qu elle e oit , av o.t
été regardée comme une vraye tyrannie : on difoit hautement
que intention du Roy & de l’Amiral étoit qu on ne négligeât
rien pour découvrir tout ce que le Pays pouvoir renfermer
de richeffes , & on ne çeffoit de repeterque , ni M. de Coligni ,
ni Sa Majefté n’avoient pas prétendu envoyer tant d honnêtes
Gens en Amérique , pour y etre traites en Efclaves , & pou y
mourir de faim. Ces difeours pafferent bientôt des Entretiens
particuliers dans les Affemblées publiques & des murmures
on en vint jufques à confpirer contre la vie du Commandant
qui n eut pas peu à faire pour fe garantir des piégés, quon lui
tendit à diverfes reprifes. . „„„„
Sa fermeté en II jugea néanmoins que le plus mauvais parti , qu il put pren-
cette oeçafion, dre dans une conjon&ure fi délicate , feroit de mollir. I
mença par faire juftice d’un Malheureux , qui abufoit de fa con¬
fiance pour le trahir. Il renvoya enfuite en France ceux des Mu¬
tins , dont il croyoit avoir le plus à craindre , & il profita pour
cela d’un Navire , qui étoit arrive en Floride au mois de Septem¬
bre & qui remit à la voile le dixiéme de Novembre. Il crut
alors qu’il lui ferait plus aifé d’être le Maître mais il fe trom¬
pa : le feu de la fédition , non-feulement ne s éteignit point ,
mais fit au contraire d’autant plus de progrès , que le Comman¬
dant fe perfuada trop tôt que les Faftieux n avoient plus de
Chefs. Il ne tarda pas à reconnoître fon erreur , & il put d au¬
tres mefures pour faire avorter tous ces complots. U choilit
tous ceux , dont il jugeoit devoir fe défier davantage > 1 es
w VOY4
U 6 4-
Plufieurs
Les Mutins
veulent aller
en courfe.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL 49
yoya fous la conduite d’un Gentilhomme, nommé la Rochefer-
riere , à Outina, avec ordre d’achever la découverte de ce Can¬
ton ,& retint auprès de lui MM. d’Ottigny & d’Erlach Tes
deux premiers Officiers , & qu’il fçavoit être très-affe&ionnés
à fa perfonne.
, Ces précautions étoient fagement prifes , mais Laudonniere
n avoit pas connu tous les Mécontens. Peu de jours après le Fran?ois dif
départ de la Rocheferriere , treize Matelots enlevèrent une des paroiîIcm'
deux Barques , dont on fe fervoitpour aller chercher des Vi¬
vres , & difparurent. Deux Charpentiers , nouvellement arri¬
ves de France ,, fe faifirent de 1 autre , & on n’a jamais pu fca-
voir ce qu’ils étoient devenus. Comme on ne pouvoit le paf-
fer de femblabies Bâtimens , Laudonniere en fit conflruire deux
autres , mais ils n etoient pas achevés , lorfqu’une révolte
déclarée priva encore le Commandant de cette reffiource , &
£t perdre à la Colonie la moitié de fes Habitans.
Un Genevois nommé Etienne, &r deux François, qui avoient
nom des Fourneaux & la Croix , mirent en tête à quelques Vo¬
lontaires , & à un grand nombre de Soldats , d’aller faire la
coude fur les Efpagnols , en leur perfuadant que la prife d’un
Vaffieaude cette Nation , ou le pillage de la moindre Bicoque,
iuffiroient pour les enrichir à jamais. La partie fut bientôt liée ,
& le nombre de ces nouveaux Corfaires fut de foixante-fix
parmi lefquels il y en eut quelques-uns , qui s’enrôlèrent plu¬
tôt par la crainte des mauvais traitemens, dont les Séditieux les
avoient menacés , que par ledefir & l’efperance d’une meilleure
fortune. Les préparatifs fe firent avec beaucoup de fecret ; &
un jour que le Commandant étoit au lit malade , cinq des plus
détermines entrèrent dans fa Chambre bien armés ; quatre s’ar-
reterent a la porte , & un feul s’aprochant de fon lit , lui déclara
qu ils etoient refolus d’aller croifer le- long desIflesEfpagnoles.
leur répondit qu avant que d’exécuter un pareil projet , il
y avoit bien des reflexions à faire , & qu’ils ne pouvaient igno¬
rer les defenfes expreffes , qu’il avoit du Roy & de la Reine
Kegente , de fouffnr qu’aucun de ceux , qui étoient fous fes
ordres, entreprît rien fur les Colonies Caftillanes. Tout eft
con i ere, Moniteur, répliqua le Séditieux , c’eft un parti pris
lans retour , & vous vous y oppoferiez envain. Desjuremens
exécrables fuivirent cette infolente répliqué, & les quatre au¬
tres s étant avancés en jurant auffi , ils fe mirent à fureter dans
tous les coins & recoins de la Chambre , op ils ne laifferent
Ils forcent le
Commandant
à leur ligner
une Commit-,
fion.
«
«
«
c
î
tQ histoire generale
- - rien , qui pût leur être de quelque utilité. Ils blefferent .même?
1 5 6 4- un Gentilhomme , qui étoit accouru au bruit , & qui le met-
toit en devoir de reprimer ces violences.
Ils firent plus , ils fe faifirent de la perfonne de leur Comman¬
dant Sc le transportèrent dans un Bâtiment , qui etoit a 1 An-
cre vis-à-vis du Fort , où ils le gardèrent à yûë pendant quinze
ours , avec un Valet, qu’ils lui avoient laiffe pour e fervir.
Ils en vouloient furtout à un Sergent nomme la Caille , & ils.
avoient réfolude s’en défaire; mais il leurechapa, & sa a
cacher dans le Bois. Enfin ils drefferent une Commiffion, telle
qu’ils la vouloient , pour aller croifer dans le Golphe Mexi¬
que , & ils la portèrent au Commandant , qu ils forcèrent , le
Poignard fur fa gorge , de la ligner. Ils contraignirent de la
même maniéré un des deux le V affeur a leur livrer fon pavil¬
lon , & un autre Pilote , appellé Trenchant , a les accompa-
iisfe divi- ^ Ils avoient armé les deux nouveaux B atteaux , & ils mirent
feiu , une par- àla Voile le huitième de Décembre. Leur deffein etoit daller
“ k Pcrd- droit à l’Ifle Espagnole , & de piller Yaguana , Ville alors con-
fidérable , dont on voit encore quelques ruines à deux lieues de
Leosane & ils comptoient de prendre fi bien leurs melures ,
qu’ils y arriveroient la nuit de Noël pour faire leur attaque,
tandis que tout le Monde feroit àl’Eglife. Mais ils etoient en¬
core dans la Riviere de May , que la divifion fe mit parmi eux ,
comme il arrive prefque toujours à ceux , qui ont fecoue le joug
de l’autorité légitimé. Après de grandes conteftations les deux
Batteaux fe feparerent ; l’un fuivit la Côte, pourtraverfer a llfle
de Cuba , l’autre tira droit au large pour ranger les Ailes Lu-
cayes & il y a bien de l’apparence que ce dernier pent en
Mer , du moins on n’en a jamais eu la moindre nouvelle.
Le premier , où étoit le Pilote Trenchant , & qui etoit com-
tc! ,utres mandé par un nommé d’Oranger , rencontra au bout de quel-
font quelques ques jours un Brigantm Efpagnol , charge de Vin & de Caffa-
ptifo. ve dont il fe rendit Maître , & dans lequel d Oranger fit palier
tous ceux, qui lembarraffoient dans fon Batteau, avec une par¬
tie des Vivres. Enfuite nos Aventuriers gagnèrent la Cote Oc¬
cidentale de l’Ifle Efpagnole , s’y rafraîchirent dans un Havre
proche d’Yaguana, y radoubèrent leur prife, quifailoit eau ,
pafferent à Baracoa , dans l’Ifle de Cuba. Ils trouvèrent dans ce
Port une Caravelle de cinquante à foixante Tonneaux , ou il
n’y avoir perfonne , s’en emparerent , & laiHerent leur Batteau
&
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. II. ,,
a fa place. De-la ils rabbatirent fur l’Me Eïpagnole , & enleve- . . .
rent près du Cap Tiburon , une Patache richement chargée , où 1 5 ^ 5 •
étoit le Gouverneur de la Jamaïque avec fes deux Fils , qu/de-
meurerent leurs Prifonniers. 5 4
Ils comptoient bien d’en tirer une bonne rançon , mais com¬
me ils fe furent aprochés de la Jamaïque, le Gouverneur s’avifa, Ce qui leur
pour le tirer de leurs mains , d’un ilratagéme , qui lui réuffit. Il anive * la Va¬
leur propofa d’envoyer à fa Femme un de fes Fils , avec une Let- maKÎUC,
tre , qui lui apprendrait fa captivité , & rapporterait la fom-
me , dont il étoit convenu avec eux pour fa rançon. Ils donne-
rarr* 3115 Un ^ gtoffier , & le Gouverneur ayant montré
a d Oranger une Lettre , qui ne contenoit que ce que je viens de
dire , donna au P orteur des ordres fecrets , dont l’exécution
fut promp te. Quelque tems après , à la petite pointe du jour ,
nos^Corfaires furent bien étonnés de fe voir inveïHs par trois
Jiatimens bien armés , & où il y avoit beaucoup de Monde. La
partie etoittrop inégale pour tenter un combat": la Caravelle
ou etoit d Oranger avec le Gouverneur Caffillan, fit obligée de
le rendre ; le Brigantin , qui portoit vingt-cinq Hommes , eut
le tems de couper fon Cable , & de prendre le large ; il fut pour-
luivi , mais un peu tard, & il ne put être joint. Il doubla le Cap
de b. Antoine, qui eh la pointe Occidentale de Cuba; puis il
langea toute la Côte Septentrionnale de cette Me.
Alors le Pilote Trenchant , qui le commandoit , s étant con¬
certe avec quelques Matelots , du nombre de ceux , qu’on avoit Rc
embarques par force , auffi-bien que lui , prit le tems de la Nuit ?ucIci
pour traverfer au Canal de Bahame , dans lequel il entra avant a kC
que les autres s en aperçurent. Ils furent bien étonnés , lorf-
quils reconnurent les Terres de la Floride, mais il n’y avoit plus
moyen de s en dedire. Ils manquoient de Vivres , & ne fça-
voient ou en aller chercher ; ce fut donc une nécefïïté pour
eux de fe ladfer conduire , & ils lieraient plus qu’à quelques
heues de la Riviere de May , lorfque M. de Laudonniere fut
averti par des Sauvages, qu’il paroiffoit un Bâtiment , fur lequel
il y avoit des François. 4
Peu de tems après le Brigantin mouilla l’Ancre à l’entrée du
fleuve , & la nouvelle en étant venue à la Caroline , le Gou-
verneur envoya ordre à Trenchant de s’aprocher du Fort. Les
editieux voulurent s’y oppofer , mais un Détachement de tren-
e soldats étant venu faiïir les quatre plus mutins , les autres fe
iaiflerent prendre, & on leur mit les fers aux pieds & aux mains.
G ij
Retour de
ues-uns
Caroline.
52 HISTOIRE GENERALE
- 771 — Le Procès des premiers étôit déjà inftruit, & le Confeil de guerre
* 5 5 ‘ ^s avoir condamnés à être pendus. Dès que le Brigantin eut jetté
l’Ancre devant le Fort , on fit débarquer tout le Monde , & M.
de Laudonniere parut à la tête des Troupes , pour faire exécuter
la Sentence portée contre les quatre Chefs de la révolte.
Ces Malheureux ne voyant plus d’efperance d’éviter le fup*
Punition des püce ? qU’ils avoient fi bien mérité , fe mirent à prier Dieu. Il y
plus coupa- eut p0urtant un ■ qui fe tournant vers les Soldats , leur tendit
bcs* les bras en s’écriant, Hé quoi , mes Camarades 3fouffrireq-vous
que nous périjjions de la- forte ? Le Commandant lui répondit que
les Soldats du Roy ne reconnoiffoient point de rebelles pour
leurs Compagnons. Il ne laiffa pourtant pas de fe faire un petit
mouvement parmi les Trouppes , & plusieurs demandèrent que
la peine des Criminels fut commuée. Laudonniere fe fit beau¬
coup prier , avant que d’y confentir : enfin il accorda qu’ils fuf-
fent paffés par les Armes, à condition néanmoins qu’après leur
mort leurs cadavres feroient attachés à un -gibet. L’exécution fe
fit fur le champ. Le Genevois Etienne , la Croix & des Four¬
neaux étoient du nombre de ces quatre \ je n ai point trouve le
nom du quatrième. . „ r
Tandis que la Floride Françoife fe depeuploit ainii , elle le
découvroit de plus en plus. La Rochefernere avoit pénétré juf
qu’à des Nations voifines des Montagnes d Apalache , avoit fait
alliance avec plufieurs Paraouftis , & fans Vembarraffer beau-*
coup d’Outina , à qui ces négociations ne faifoient point de
plaifir , il étoit revenu à la Caroline avec de fort beaux préfens
pour M. de Laudonniere, de la part defes nouveaux Alliés. Ce
Commandant conçut de grandes efperarices de ces découver¬
tes , d’autant plus que parmi les préfens , qu’il jenoit de rece¬
voir , il y avoit des chofes allez précieufes.^ C’étoit de petites
Plaques d’Or & d’ Argent , des morceaux prétendus des Mines ,
des Carquois bien travaillés , des Peaux fines , des Flèches ar¬
mées d’Or , des Tapis d’un tiffu de plumes d’Oifeaux , dont le
travail étoit allez délicat , des Pierres bleues & vertes figurées ,
des Haches faites de ces Pierres , & d’autres raretés dans le mê¬
me goût. Un Soldat , nommé Pierre Gambie , étoit aufli aile
avec la permiffion du Commandant, découvrir le Pays d’un
autre côté , mais comme il s’en revenoit allez bien fourni de
Marchandifes , qu’il avoit troquées avec des curiofités d’Euro¬
pe, il fut affafîiné dans fa Piroque par deux Sauvages, qui se-
toient offerts à lui pour le conduite*.
Nouvelles
découvertes.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Livffï. 53
On apprit en même tems qu’affez loin de la Caroline vers le
Sud , il y avoir deux Européens chez un Paraoufti , appelle
O N a T H A c A , & Laudonniere les lui envoya demander en
payant leur rançon. Le Paraoufti ne fit nulle difficulté de les lui
remettre à cette condition , & ils furent amenés au Fort. Ce-
toit deux Efpagnols , qu’on prefenta au Commandant tout nuds,
ayant des cheveux , qui les couvraient affez bien jufqu’aux ge¬
noux. On commença par les habiller , on leur coupa enfuite les
cheveux , qui étoient fort fales, & mal en ordre ; un des deux
avoir caché fous les ftens un morceau d’Or , qui valoit environ
vingt-cinq écus , & ni lui, ni fon Compagnon ne voulurent pas
fouffrir qu’on jettât les cheveux , qu’on leur avoit coupés : ils
les confèrverent précieufement , pour les envoyer à leurs Fa¬
milles , comme un monument de la longue captivité , qu’ils
a voient foufferte.
Ces deux Hommes racontèrent qu’outre Onathaca , qui fai-
foit fa réfidence fur la Côte Orientale de la prefqu’Ille de la Flo¬
ride , il y avoit à la Côte Occidentale un autre Cacique , nom¬
mé Calos O), lequel n ’étoit pas moins puiffant que le premier,
& le furpafloit beaucoup en richeffes. Auffi étoit-il à la fource
des Mines , d’où fortoient tout l’Ôr , l’Argent & les Pierreries ,
qu’on avoit trouvés dans la Floride ; la plûpart des Vaiffeaux ,
qui avoient fait naufrage en revenant de l’Amerique , ayant
échoué près de fon Canton. Les deux Efpagnols affûrerent que
ce Sauvage avoit creufé une foffe de fix pieds de profondeur
fur trois de large , qu’il avoit remplie de toutes fortes de richef¬
fes : qu’il y avoit aâuellement dans fa Bourgade quatre ou cinq
Femmes de condition avec leurs Enfans , qui avoient fait nau¬
frage avec eux , il y avoit environ quinze ans ; que ce Barbare
avoit trouvé le moyen de perfuader à fes Sujets que toutes fes
richeffes étoient le fruit du pouvoir , qu’il avoir de les faire pro¬
duire à la Terre, & que tous les ans , au tems de la récolté, il fa-
crifioit un Homme , qui étoit ordinairement un de ceux , que
quelque tempête avoit livrés entre fes mains.
Ils avertirent enfuite les François de ne fe point fier aux Flo-
ridiens , que ces Sauvages n’étoient jamais plus à craindre , que
quand ils faifoient plus de careffes. Ils ajoûterent qui' s répon-
doient bien de fe rendre Maîtres de tous les thréfors de Calos , fi
on vouloit leur donner cent Hommes bien armés. Un des deux
(a) Ces Calos ou Carlos font Antropopha-
ges , & fort cruels , ils demeurent dans une
Baye , qui porte également leur nom , & celui
de Ponce de Leon.
1565.
Aventure de
deux Efpa¬
gnols.
Diverfes no¬
tices fur le Cap
de la Floride.
5 65.
Laudonniere
fait la paix en¬
tre les Sauva¬
ges.
Il fe précau¬
tionne 6c fe
fortifie.
Nouvelles
découvertes.
54 histoire generale
dit encore qu’ayant fouventété envoyé par Onathaca , fon Maî¬
tre, à ce Cacique , il avoit découvert fur la route , à peu près à
moitié chemin, un grand Lac d’Eau douce, appellé Serropé ,
au milieu duquel il y avoit une Ifle , dont les^ Habitans faifoient
un très-grand commerce des Dattes de leurs Palmiers , & plus
encore d’une certaine racine , dont on faifoit du Pain , & dont
il ne fçavoit pas le nom.
Peu de tems après l’arrivée de ces Efpagnols Saturiova ht fol-
liciter de nouveau M. de Laudonniere de fe joindre à lui pour
aller combattre Outilla & Timagoa , ou dumoins de rappeller
les François, qui étoient demeurés chès le premier , & dont la
feule confideration , difoit-il , l’empêchoit depuis quelque tems
de porter fes Armes de ce côté-là. Plufieurs autres Paraouftis
apuyerent fa demande ; mais le Commandant jugea plus con¬
venable à la fituation , où il fe trouvoit , de travailler à reconci¬
lier ces Nations entr’elles , que de prendre parti pour les unes
contre les autres, & il vint enfin à bout de leur faire conclurre
un Traité , dont il fongea aufii-tôt à profiter pour fe fortifier
contre ceux, qui voudraient entreprendre quelque chofe contre
les intérêts de fa Colonie.
Son premier foin enfuite , & c’étoitpar où il aurait dû com¬
mencer en arrivant dans la Floride , fut de remplir fes Maga-
fins , perfuadé par une trop fâcbeufe expérience , que le plus sûr
moyen de prévenir les mutineries parmi de nouveaux Co¬
lons , eft de les entretenir toujours dans l’abondance , & de les
occuper à des exercices , qui tournent à leur profit. Il fit en mê¬
me tems ajoûter de nouveaux Ouvrages à fon Fort , & il le
mit entièrement hors d’infulte de la part des Sauvages , les feuls
Ennemis , contre lefquels il croyoit devoir fe précautionner.
Après quoi il envoya de nouveau le Sieur d’Ottigiry, fon Lieu¬
tenant , à la découverte du Pays.
Cet Officier pénétra jufqu’au bord d’un Lac , dont on ne
voyoit point l’extremité , même de la cime des plus grands Ar¬
bres , & que Lefcarbot s’eft imaginé avoir communication avec
4a Mer du Sud. Erreur pardonnable dans un tems , où l’on ne
connoiffoit encore que les Côtes de l’Amerique Septentrionna-
le.Le Lac, que découvrit d’Ottigny, eft apparemment le même,
que Ferdinand de Soto aperçut en approchant des Montagnes
d’Apalache , & qui n’eft pas encore aujourd’hui bien connu ,
non plus qu’un autre plus petit, qui fe trouve , dit-on, entre
ces Montagnes mêmes , affez loin au Nord-Eft du premier &
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL
où l’on prétend que le Sable eft mêlé de quelques grains d’Ar-
gent : fi cependant l’un & l’autre n’eft point fabuleux. D’Otti-
gn y en retournant à la Caroline , fit plufieurs détours dans un
très-beau Pays , puis fe rendit chez Outina , à qui fon arrivée fit
beaucoup de plaifir , & à qui il ne put fe défendre de laiffer quel¬
ques-uns de ceux , qui l’accompagnoient.
. Deux mois après un de ces François , nommé Groutaut, ar¬
riva au Fort & fit à M. de Laudonniere , de la part d’un Paraou-
fti voifin d’Outina , une proportion fort fpécieufe. Ce fut de
rendre les François Maîtres des Montagnes d’Apalache , s’ils
vouloient l’aider à en chaffer un de fes Ennemis , qui en étoit en
polfefiion. Le Commandant eut bien voulu profiter de cette of¬
fre , car il avoit toujours dans l’efprit que ces Montagnes renfer-
moient des Mines ; mais comme il ne lüireffoit guéres de Mon¬
de , que ce qu il lui en falloit pour garder fa Place , il crut devoir
attendre le fecours , qu’on lui avoit fait efperer de France 3 avant
que de répondre à ce Paraoufti ; il ne fongeoit donc plus à fe mê¬
ler des affaires des Sauvages , lorfque des Envoyés d’Outina
vinrent lui demander de la part de leur Maître douze ou quinze
de fes Gens , pour les mener contre Potanou (a) , avec qui il
venoit de rompre de nouveau.
Il ne voulut rien décider fur cette demande , fans avoir con-
fulté fes principaux Officiers, dont le plus grand nombre fut
d avis qu il falloit contenter Outina. Ceux qui parloient de la
forte, s’apuïoient de l’exemple des Efpagnols, qui n’avoient fait,
difoient-ils , de fi grandes conquêtes dans le nouveau Monde ,
qu’en affoibliffant les Naturels du Pays les uns par les autres. Ils
ajoutei ent même qu au lieu de douze Hommes , que demandoit
Outina , il falloit lui en envoyer trente , afin qu’ils fuffent en état
de feloûtenir par eux-mêmes au milieu des Sauvages ; ajoûtant
qu’il ne falloir jamais compter fur l’amitié & la bonne foi de ces
barbares, lors meme qu on leur rendoitfervice, qu’autant qu’on
etoit affez fort , pour ne rien craindre. 1
Laudonniere goûta cet avis , & d’Ottigny fut commandé avec
trente Hommes , pour aller joindre Outina , lequel n’eut pas
plutôt reçu ce renfort , qu’il fe mit en campagne avec trois cent
de tes Sujets. Après que cette petite Armée eût marché deux
jours , Outina eut avis qu’il étoit découvert , ce qui l’inquieta
beaucoup. Il confulta fon lonas , pour fçavoir s’il devoit aller
(a) Nous avons vûque Potanou avoit été I qu’en Floride le nom du Chefeû toujours ce¬
rne dans un combat , mais il faut fe fouvenir 1 lui de la Nation.
1 565-
La guerre re¬
commence en¬
tre les Sauva¬
ges.
Laudonniere
envoyé du fe¬
cours à Outi¬
na.
Viéloire
d’Outina par
le moyen des
François.
1 5 6 5 •
J (J histoire generale
plus loin, ou retourner fur fes pas. Le Jongleur après bien des
grimaces & des contorfions , lui dit que Potanou l’attendoit avec
deux mille Hommes ,& des cordes pour le lier , lui & tous fes
Gens ; fur quoi il ne balança point a ordonner la retraite.
D’Ottigny au défefpoir de manquer une fi belle occafion de
faire connoitre aux Floridiens la différence , qu’il y a entr’eux
& les François , après avoir inutilement épuifé toute fon élo¬
quence pour faire reprendre cœur à ces Barbares , leur^ dit ,
que puifqu’ils l’abandonnoient amfi dans une occafion , ou il ne
tenoit qu’à eux d’acquérir beaucoup de gloire , il alloit avec fa
feule Trouppe attaquer Potanou , & quil ne de mandoit qu un
Guide pour le conduire à l’Ennemi. Ce difcours produifittout
l’effet, que d’Ottigny en avoit efperé ; Outina eut honte de fa
lâcheté ; on marcha à l’Ennemi , & on le rencontra precifement
à l’endroit , & avec le même nombre de Trouppes , que le Jon¬
gleur avoit marqué. On ne balança pourtant point a charger
d’abord , & la Moufqueterie des François fit une fi terrible exe¬
cution fur les premiers rangs de Potanou, que toute fon Àrmee fe
débanda en un inflant. Outina, maigre un fuccès fi peu efpe¬
ré , n’ofa pourfuivre les Fuyards , & d’Ottigny voyant qu il n y
avoit , ni honneur , ni profit à efperer avec de tels Guerriers ,
laiffa douze Hommes à fon Allié , & regagna en diligence la
Caroline.
extrémité , Il trouva M. de Laudônniere dans un grand embarras . ce
ù la famine Commandant avoit compté de recevoir des fecours de r rance
Mait les au plus tard dans le mois d’ Avril, & n avoit de Provilîons , que
ce qu’il lui en falloit pour attendre ce terme. Pour furcroit de
difgrace les Sauvages commençoient a ne plus faire tant de cas
des curiofités d’Europe , & vendoient fort cher tout ce qu on
étoit obligé d’acheter d’eux. Cependant le mois de May fe paf-
fa , fans qu’il vînt aucune nouvelle de France ; alors la famine
fut extrême dans la Caroline , le Gland y etoit devenu la nour¬
riture ordinaire , il manqua même bientôt , & l’on fut réduit à
chercher dans la Terre des Racines , qui fuffifoient à peine pour
traîner une vie languiffante. Il fembloit que tous les Elemens
euffent çonfpiré contre ces infortunés Colons , le Poiffon difpa-
rut de la Riviere , & le Gibier des Forêts & .des Marais.
Les Sauvages , à qui l’on ne pouvoit cacher cette extrémité ,
& qui n’avoient guéres eux-memes que le neceffaire 9 mirent a
un prix exorbitant le peu , dont ils voulurent bien fe priver ,
& quand ils n’eurent plus rien à vendre p ils s éloignèrent. On
Extrémité ,
où
réduit
François
j<55
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. II. 57
alla les chercher dans les Bois, on fe mit à leur difcretion , & on
en effuya plus d’une fois des rebuts & des infultes. Il arriva mê-
me qu un Paraoufti ayant feu qu’un François avoit de l’Or , le fit
aliailmer , & enleva fa dépouillé. Laudonniere ne crut pas de¬
voir laiffer impuni cet attentat , & il envoya brûler le Villaee
où demeuroit ce Barbare : celui-ci s’y étoii bien attendu & on
ne trouva que des Cabannes vuides , fort aifées à réparer.
Dans le defefpoir , où tant de malheurs mirent tout le Mon- r r.f .
(le , il fin propofe par quelqu’un d’aller fe faifir d’Outina , pour i=n?£?à
le contraindre a donner des vivres. Le Commandant s’oppofa Laudonaisre‘
autant quille put , aune réfolution, dont il prevoyoit les fui-
tes ; mais des Gens , que la faim gourmande , n’écoutent rien.
Laudonniere voyant donc qu’une plus longue réfiftance ne fer-
viroit qu a compromettre fon autorité ; faifant d’ailleurs’ refle¬
xion que fes meilleurs Soldats étoient tombés dans une lan-
gueui , qui les rendoit incapables du moindre fervice ; que les
maladies , caufees par les mauvaifes nourritures , augmentoient
chaque jour & que plufieurs en étoient déjà morts , fe vit com-
me force de fe charger lui-même de l’exécution d’un projet ou’il
deteftoit , & dont il n’auguroit rien de bon. ^
Ses preffentimens fe trouvèrent juftes : Outina fut enlevé
mais on n y gagna rien , toute fa Nation prit les armes & on fê ^ £Ut’
vit au moment d’avoir fur les bras une guerre , qu’on n’étoit nul!
ement en état de foûtenir II fallut négocier , l rendre la liber¬
té a Ouuna pour tres-peu de chofe, & l’on ne tarda point à ref-
fentir les mauvais effets d une démarche, fur Tin juffice & le dan
ger de laquelle le défefpoir avoit fermé ks yeux^'une muSe'
affamee. Laudonniere fut attaqué dans fa retraite on lui tua
deux Hommes , on lui en bleffa plus de vingt , & k peu dé vk
vres, qu on lui avoit donné pour la rançon d’Outina, fut repris
deejudkta£&ksPsrefqUe t0UtiÊ }°Ur ’ <*ui fut le vingt-feptieme
de J uukt , & les Sauvages y firent paroitre une conduite & une
réfolution , dont on ne les avoit pas encore cru capables Dè!
?ur ïe vent™!°S Mouf(îuetaire,s Pr«s à tirer, ils feœuchoient
îur le ventre avec une promptitude fans pareille, & ils nerHi-
rent en effet peu de Monde , MM. d’Ottigny & d’Erlacffirent
p.usSnXr°re deS/a;°nS di8n“ d’une pbis'jufte & d’une
p us noble expédition , & fans eux Laudonniere, qui de fon
nrer , eut eu bien de la peine à fe
Vne£ïnne pr0vifion de Mil » qu’un des deux le Vaffeur
H
Les Anglois
I
5 é5-
arrivent
floride.
en
Cequi fepaf-
{e entr’eux &c
les François.
eg histoire generale
lui amena peu detems après fon retour à la Caroline , de la Rr-
viere de Somme , le confola un peu de fon malheur ; mais co -
me il n’ofoit pas le flatter de recevoir fouvent de pareils fecour »
il refolut de profiter de celui-ci pour repaffer en France. Il co
mençoit déjà à difpofer toutes chofespour ce voyage , lorfque
le troifiéme d’Août quatre V oiles parurent a la vue de la Ca
line La oye fut grande à cette vûë, parce qu’on ne douta point
que ces Bâtimensne vinffent de France -. mais on ne fut pas lo
mms dans une fi agréable erreur ; c’etoient des Anglois , qui
cherchoient à faire° de l’eau , dont ils avoient un extreme befoin.
Ils étoient commandés par un Officier nomme : Jea
fort honnête Homme , & qui bien loin d abufei du irrite état o
il trouva les François , fit au contraire tout ce qu il put pour les
foulager furtout quand il reconnut qu’ils etoient Proteftans.
I ^^^ommenca par envoyer demander au Commandant de la
Caroline^ la penniffion de faire de l’eau , & l’ayant obtenue
fans nefoe il vint feul & fans armes lui rendre vifite. Laudon-
niere le reçut , comme le demandoient de fi bonnes maniérés
l rèeaîa fonHôtede quelques Volailles , qu’il avoit .referyees
pour le plus preffant befoin ; & Hawkins de ion cote fourmi
Pain & le Vin , dont aucun des nôtres , pas meme le Coi
dant , n’avoit goûté depuis fix ou feptmo.s. Cene bonne int -
licence entre des Gens, qui parurent aux Sauvage etre de la
mime Nation, rendirent ces Barbares plus ht= & fo t
crainte , foit intérêt , ils fe rapprochèrent , &- apportèrent des.
K» dtj. acheté de. A.tgloh .«en
des Munitions & des Hardes & non-feulemen Hawl uns ut
en avoit fait un bon prix , mais il y avoir ajoute quantité de pie
feus II lui avoit offert de plus delepaffer en France avec tout
fon Monde. Un peu de défiance peut-etre , ou quelque autre
lïïo,!??. je nef,., point r.mp'éch.r.».
fre mais comme il étoit perfuade que , ni la Cour , ni M. ïAm
ral ’ ne s’intéreffoient plus guéres à la Floride , il continua de tra¬
vailler à mettre le Brigantm Efpagnol , dont nous avons par
en état de tenir la Mer , réfolu de s embarquer au plu ot.
Hawkins , «qui il ne diffimula point ce deffem , vifita ce B&
tintent , & le trouva tort mauvais ; il renouvella fes o ,
Laudonniere perfiftant dans fon refus , il le .preffa d acheter t
defes Vaiffeaux. Le Commandant fit d’autant moins de difficd-
té d’y confentir , que fa Garnifon lui déclara nettement qu elle
I
i 5 ^5
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL 59
ne vouloir pas différer davantage à fortir d’un Pays , où elle fe-
roit toujours en danger de mourir de faim. Chofe étonnante
que parmi tant de moyens de fubfiffer, que la difette extrême
des vivres avoit fait imaginer , il ne fût venu en penfée à perfon-
ne de s aflurer de ne jamais retomber dans ce fâcheux état en
cultivant la Terre! Tant la fainéantife , quand elle eff paffée en
habitude , eff difficile a furmonter. D’ailleurs on avoit perdu
toute elperance de découvrir des Mines dans la Floride & on
s etoit dégoûté d un Pays , où l’on ne pouvoit compter de vi-
travail nai^ ? autant qu’on le feroit valoir par un pénible
Cependant les Anglois mirent à la voile peu de jours après Arrivés de
que leur Général eut livré un de fes Vailîêaux à M de Lan M'dc Ribant
donniere , & les François ne fongerent plus qu’à fe difpofo à “ F‘°ndC'
leur voyage. Tout fut en état le quinziéme d’Août , & lonn’at-
tendoit plus que le vent pour apareiller ; mais par malheur ce
vent fi defire ne vint que le vingt-huit. On fe hâta d’en profiter ,
n V011 etv nCCT a Iever les Ancres ’ lorfqu’on découvrit
plufieurs Voiles. Laudonmere envoya auffitôt une Barque pour
les reconnoitre ; mais la Barque ayant' abordé le Commandant
ne revint point , ce qui donna à penfer à tout le Monde. Lau-
donniere rentra , fans différer , dans fon Fort , & fit travailler
avec une extreme diligence à fe mettre en état de pouvoir s’y dé-
rendre , au moins quelque tems. ^
Ce n etoit pas une chofe aifée , car avant que d’évacuer cette
Place , on en avoit ruine prefque toutes les défenfes , dans la
amte que les Efpagnols , ouïes Anglois ne vinffent s’y établir
ou que les Sauvages mêmes ne s y cantonnalTent poû empê-
F7TS dy re!nrer‘ Le lendemain matin on aperçut
alentree deia Rivierefept Barques, toutes pleines deTens
armes , le Monon en tête & l’Arquebufe en état. Elles remom
ViIS'a‘VJS de la Carollne , voguant en ordre de
’ & quelque demande , que fifléntles Sentinelles*, per-
fonne ne répondit On leur tira quelques coups de Fufils , m js
cinons01Torf °rS ^ ’.?n alloit Ieur lâcPher “ne volée de
Ribaut! ’ ^ qU£ q“ un S etant levé ’ cria que c’ étoit M. de
que cramte.^Laufon1*'6 111113 16 ^0IV la î°y e, mêlée de quel- Motifs*
• .j , ‘ onniere croyoït n avoir rien à fe reprocher *°n voyage,
ma s ,1 „ y a qu’au Tribunal de Dieu , que t<tmoi Pa ^ ’
c onfcience raffure parfaitement , & cette façon d’agif d’unHom-
Hij
i 5 6 5
Chefs d’ac
cufation con
tre Laudon-
aiere»
Dangers, que
courut la Flot¬
te , avant que
d’arriver en
ïloride.
. histoire generale
60 il avoit toujours été en bonne intelligence , ne
me , avec qui n avolt J » pei\t ddTervi auprès de
lu, permettoit pas de douter qu on ne la Wche
M. l’Amiral , ou du Roy meme. PP f car Payant
de M. de Ribaut . que fa J fan& déguifement ,
prié en particulier de s exP1KqU®n I tout ce qui avoit été dit
ce Général lui fit un grand detail de tout ce qv
& mandé à la Cour à ion de- avap[?g a' cboit tellement du Sou-
■ *•? v
dres ; qu il regardoit ce Pa> s , , perdre fion vouloit le
maine ; qu’il n’y ^aitpasun^^ * c|ffai.re pour cela d’avoir
conferver au Roy ; qu il etoit meme wce £ craindye , fi. Sa
la force en main ; & que e m . % . J ^ Qjt que les François
Majefté differoit de prendre ces melures , et° q
de la Floride , nefe fiffenteux-n e ; I A[bert ? & ne cher-
rivé à Charles-Fort au fujet u P . dans ja révolte , en fe
S* ““ —
Sjüür&Ribra. U réputation ,où JJSÏSÎ
France ; le bruit d’un Armement :fi véritable em-
ce , que l’on avoit au Généra , ja pa;x laiffoit
preffement ày prendre paru , d autant X hol?lffles & d’Officiers,
fans employ un grand nombre de Gentib ^ perdre le
qui furent charmes de tr^verd®“e °a ^ême dans^a Fuite que
fruit de leurs fervices paffes. _ fois ci la même attention
l’Amiral de Coligny n avoit pas eu cet Armemens. , au-
à exclurre les Catholiques , que dans les autres ai
moins parmi les Soldats & les Matelots- ^ furent as heu.
Les commencemens de cette exped , , RadedeDiep-
reux : la Flotte étant encore mornUee ^f^igée L
ne effuva un coup de vent il runeux , q . ~ nGnViit
& :^rre Quelle Fald
de la tempête. Elle en partit fp^smornh Elle
conde tourmente la contraign Floride & M. de Ri~
fut enfuite plus de deux mois a gagner ’ endroits de
haut s’amufa encore plus de deux mois en ditierens
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. II. 61
la Côte , avant que d’entrer dans la Riviere de May. Peut-
être vouloir - il s’aflurer des Sauvages de ces Cantons , au cas
qu’il trouvât de la réfiftance de la part du Commandant de la
Caroline.
Quoiqu’il en foit , dès qu’il fe fut ouvert à celui-ci des foup-
çons de la Cour , il demeura convaincu par fes réponfes , &
par le témoignage des principaux Officiers , qu’on en avoir im-
pofé au Roy & a M. l’Amiral . Il n’oublia rien enfuit e pour en¬
gager Laudonniere à demeurer avec lui en Floride , jufqu’à lui
ofeir de lui laiffer le commandement de la Caroline , & d’al¬
ler fe placer ailleurs : mais il le trouva ferme dans la réfolution
de palier en France , pour s’y juffifier , & il n’infifta pas davan¬
tage ; il lui rendit même une Lettre de M. de Coligni , par la¬
quelle ce Seigneur , fans lui rien témoigner des accufations ,
qu’on a voit faites contre lui , l’invitoit à venir informer le Roy
& fon Confeil des moyens , qu’il jugeoit les plus propres pour
établir folidement la nouvelle Colonie.
Cependant au premier avis , qu’avoient eu les Sauvages de
l’arrivée de la Flotte Françoife , ils s’étoient rendus en grand
nombre à la Caroline. Quelques-uns ayant reconnu M. de Ri-
baut à fa barbe , qu’il portoit toujours fort longue , lui témoi¬
gnèrent une grande joye de fon retour , & lui firent quantité
de préfens , parmi lefquels il y avoit un très-gros morceau de
Mine , qui fe trouva d’un bon Or. Ils ajoûterent que , s’il vou-
loit j ils le meneroient à des Montagnes , oiiil y avoit de ce mé¬
tal en abondance. Le Général étoit bien réfolu de s’affûrer une
bonne fois de la vérité fur des points de cette importance , mais
il eut bientôt d’autres occupations , que celle d’aller vifiter les
Montagnes d’Apalache. Il avoit fait fonder la Riviere , & il ne
s’y étoit pas trouvé affez d’eau pour fes quatre plus gros Na¬
vires , qu’il fut obligé de laiffer dans la Rade , & il fallut fe fer-
vir des Chaloupes pour en tirer les provifions , dont on avoit
befoin dans la Caroline. Cela fait il fongea à reparer le Fort >
& comme il mit prefque tout fon Monde en œuvre , les travaux
avancèrent beaucoup en peu de jours.
Ils n’etoient point encore achevés , lorfque le quatrième de
Septembre , vers les quatre heures du foir, fix Navires Efpa-
gnols vinrent mouiller dans la Rade , affez près des quatre Vaif-
feaux François , qui y étoient reliés. Cette Efcadre étoit com¬
mandée par D. Pedro Menendez de Avilez, Chevalier de S.
Jacques , Commandeur de Santa Cruz de la Carça : mais pour
1565.
Laudonniere
veut repayer
en France.
Réception 3
& propofi-
tions , que les
Sauvages fonc
à M. de Ri-
baut.
/
Une Efcadre
Efpagnole ar¬
rive à la vûg
de la Flotte
Françoife»
1 565.
Quel étok le
Général.
Occafion de
fon voyage.
6i histoire generale
entendre ce que j’ai à dire dans la fuite , il faut reprendre les
chofes de plus haut. . ,r
Cet Officier , que les Hiftoriens de fa Nation nous repreien-
tent comme un des plus grands Hommes , qu’elle ait eus dans le
nouveau Monde , fe trouvant à la Cour d Efpagne embarraffe
dans des affaires fâcheufes , que fes Ennemis lui avoient lulci-
tées , fut affez étonné de recevoir de la bouche meme du Roy
Philippe 1 1. fon Maître , un ordre de fe tranfporter en b londe ,
d’en viffter exa&ement toutes les Côtes, & d en dreffer une Carte
exafte , pour être mife entre les mains de tous les Pilotes , qui
iroient déformais en Amérique , pareeque les frequens naufra¬
ges , qui fe faifoient au Canal de Bahame , & fur les Cotes voi¬
lures , étoient uniquement caufés par le peu de connoiffance ,
cru’on avoiteu foin de prendre des atterrages.
1 1 r • _ A C.4.
de z.
L un cL v un tu AWJ.AX va-v» ma ’ o ^
Un commandement fi imprevû fft reprendre cœur a Menen-
qui fe croyoit difgracié ; mais la Commiffion , que le Roy
»
»
»
A quelles
conditions il
traite avec le
Roy.
lui donnoit , lui parut trop limitée , & pour en étendre les bor¬
nes , il dit à Sa Majefté , qu’il ne connoiffoit rien de plus impor¬
tant pour fon fervice , que la conquête & letabliffement de la
Floride ; qu’il feavoit que ces immenfes Régions jouilioient
d’un climat fort fain , & que les Terres en etoient extrême¬
ment fertiles ; mais que quand bien même îlny auroit aucun
avantage folide à tirer pour l’Etat de la poffeffion de ce beau
Pays , il étoit habité par des Peuples enfeve is dans es plus
épaiffes ténèbres de l’Infidélité ; que Sa Majefte etoit obligée en
confcience , comme légitimé Souverain de toute la Floride, de
leur procurer la connoiffance du vrai Dieu , panique c etoit a
cette condition que les Souverains Pontifes avoient donne a les
Ancêtres le Domaine du nouveau Monde . Pour moi , Sire ,
» aioûta-t’il , l’aveuglement de tant de milliers d Idolâtres ma
» touché àun point , que de tous les Emplois , dont \ otre Maje¬
fté peut m’honorer , il n’y en a pas un feul, auquel je ne prere-
rafle celui de conquérir & de peupler la Floride de véritables
Le Roy loua fon zélé , & agréa fes offres; il fut réglé qu il
conduirait cinq-cent Hommes en Floride avec des vivres pour
un an le tout à fes frais , & fans que Sa Majefte , ni fes Succe -
feurs fuffent tenus à fon égard à aucun dedommagement: que
dans l’efpace de trois ans il auroit conquis la Floride , & auroit
fait une Carte exacte de toutes les Côtes : qu outre les cinq-cent
Hommes deftinés à peupler la Floride ? & parmi lefquels 1 y au
DELANOUVELLEFKANCE.Liv.il. <?3
roit cent Laboureurs , & quatre Prêtres Jefuites , il y porterait _
des Chevaux & des Cavalles , & de toutes les efpeces de 'gros 1 5 ^ 5 •
& de menu Bétail ; qu’il y établiroit une Audience Royale ,
' dont il feroit Alguafil May or : qu’il formeroit deux ou trois
Bourgades , chacune de cent Habitans, & qui feroient défendues
par de bons Forts ; qu’il pourrait aller , quand il le jugerait à
propos , à FHle Efpagnole , à Portoric , à Cuba , & venir même
en Efpagne , fans payer de droits , ni pour les vivres , ni pour
les provifions , ni pour les marchandées , excepté l’or , l’argent
& les pierres précieufes : que pendant fix ans il pourrait armer
deux Galions de cinq à fîx-cent Tonneaux, & deux Pataches
de cent cinquante ou de deux-cent : que toutes les prifes , qu’il
feroit avec ces Batimens , feroient à lui : qu’il aurait le titre per¬
pétuel & héréditaire d’Adelantade de la Floride, avec les mêmes
prééminences & prérogatives , dont joüiffent ceux de Caffille ,
& deux mille Ducats d’honoraire , à prendre fur le revenu de
la Province ; & que celui de fes Enfans , ou de fes Gendres ,
qu’il nommerait pour fon Succeffeur, jouirait des mêmes pri¬
vilèges : quil auroit un quinziéme de tout ce qui appartiendrait
à Sa Majeffé , des revenus , des Mines , de l’Or , de l’Argent ,
des Perles , & des fruits de la Terre dans toutes fes conquêtes»
Enfin le vingt-deux de Mars de cette année le Roy lui fit déli¬
vrer des Provifions de Capitaine Général de l’Armement deffi-
né pour la Floride.
Sur ces entrefaites on eut avis pour la première fois en Ef¬
pagne que les Huguenots de France seraient établis depuis trois
ans dans la Floride , qu’ils y avoient confirait des Forts , &
quon etoit fur le point de leur envoyer un grand fecours
d’Hommes , de Vivres , & de Munitions. L’Adelantade étoit
allé faire un tour en Bifcaye , & dans les Afiuries fa Patrie ,
afin d’engager fes Parens & fes Amis à lui fournir l’Argent , &
les Cautions néceffaires pour les frais de fon entreprife ; il fut
mande a la Cour , & il s y rendit en diligence , laiffant le foin
de fes affaires entre les mains d’Effevan de las Alas , & après
avoir nomme D. Pedro Menendez Marquez, fon neveu , Ami¬
ral de fa Flotte , avec ordre de faire voiles inceffamment pour
les Canaries , & de l’y attendre.
Il apprit en arrivant à la Cour les nouvelles , qu’on venoit de On reçoit
recevoir de France , & le Roy lui dit, qu’ayant befoin de plus nouve!ies à
grandes forces , pour chaffer les Hérétiques de la Floride il Madrit du ,fe~
Il etoit pas julte que cette augmentation de dépenfes fût fur fon préparoit ça
1 5 6 5 • vât prêts dans les Indes aeux-tein n -
France pour la & trols Navires de fa Flotte , dont la paye pour qua
"TnéçeZïrel feraiem fournies’ fur fon Thréfor -Menendez
£ f^dS-cIplme fî "qu’l llu . paroiffo^plu" expédient au jervtce
de Sa Maiefté quelle lui donnât deux Galeies , & deux a
Ss de ceTlef^ui étoient fous les ordres de Dom W Baça„ à
qu'avec ce renfort il partirait au premier bon vent » & Pr£v‘®
aroit lefecours de France ; qu’il entrerait dans le Port k p£s
proche de celui , qu’occupoient les François, qu d s y torntie
irS; s-,,..*™ . ? z*$
2m“«tm™rcS!pïme , & d'attaquer l'Ennemi avec avenu-
ge , ou de l’obliger à abandonner le Pays.
Départ de Son
Menendez. E- gjQps ]_’
rat de khi- d.affoiblir lon Armee navaie , or - e o-..- ■ - Gé é.
pour fuppléer d’ailleurs à ce que demandoit le Capitaine ute
Fal. Ces ordres , quoique précis , ne fu«nt pour p ffi
tés en entier ; Menendez effuyameme de la part des w
du Confeil des Indes , plufieirs contretems acheux £ n put
mettre à la voile que le vingt-neuf de Juin. Sa Flotte re.yingt
nofée du Galion le S. Peteduportde neuf-cent quatre vi g
Feize Tonneaux, & de dix Navires , dont équipages inon-
toient à neuf-cent quatre-vingt-quinze Hommes , y ■ P .
Gens de guerre & les Mari“Q ^ une très-nombreufe
t^X^O&SSi. poulies Forts, que ton
devoit conftruire en Floride. Tout cela étoit aux frais de ^A-
delantade , à l’exception de deux-cent quatre- vingt -dx- neuf
Soldats , de quatre-vingt-quinze Mariniers , & du ™ en
rVief C’étoit auffi le Roy , qui avoit trette le S. relage. _
Cette Flotte fortit du Port de Cadix le vingt-neuf de Juin ,
mais une grande tourmente 1 obligea tento a y ’ c puc|
affligea beaucoup le Capitaine General, qui td £^s
6a HISTOIRE general e
romnte • ainfi qu’il feroit expédier des ordres , pour qu il trou-
r £êrs dansées Indes deux-cent Chevaux, quatre-cent Fan-
vat prêts dans if lunes acu quatre
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL
cès de fon entreprife dans la diligence , mais il en fut un peu con-
lole par un renfort d’Hommes , que ce retardement lui procura,
de orte qu étant arrive aux Canaries , fon Armement fe trouva
compote de quinze-cent quatre Perfonnes , parmi lefquelles il y
avoit pluueurs Gentilshommes des meilleures Maifons de Bii-
caye , de Galice & des Afturies. Deux jours après fon départ
de Gadiz le Capitaine Luna y arriva avec quatre - vingt - dix
Hommes , & s embarqua fur une Caravelle , qu’on lui fournit
toute équipée. D’autre part Dom Eftevan de las Alas i”
nant de Menendez Ht auffi embarquer dans les Ports d’Avilez
& de Gijon deux-cent cinquante-ièpt tant Matelots que Sol¬
dats fur trois Navires , fous les ordres de l’Amiral Dom Pedro
Menendez Marquez, lequel fut encore pourvu de la Charge de
I hreloner General du Roy dans la Floride.
Enfin , comme on avoit donné à cette expédition tout l’air
d une guerre famte , entreprife contre les Hérétiques -, de con-
cert avec le Roy de France , qui défavoüoit , difoit-on , l’éta-
blilfement de fes Sujets de la Religion Prétendue Reformée
dans la Floride , tant de Gens fe préfenterent pour avoir part à
cette efpece de Croifade , que toutes les forces réunies du Ca¬
pitaine General , fe trouvèrent monter à deux mille fix-cent
Hommes , parmi lefquels il y avoit douze Religieux de S. Fran-
çcus , onze Pretres & un Laïc , un Religieux de la Merci , cinq
Ecclefiaïhques , & huit Jefuites. De forte qu’avec ce que ul
nendez avoir reçu du Roy fon Maître , en moins de quatorze
mois il fe trouva avoir depenfé du fien un million de Ducats.
II ne s arrêta point aux Canaries , mais il s’étoit à peine remis
en Mer , quune tempete diffipafa Flotte. La Capitane & une
f,nraChddlfpa,rUDnt’ Une Srande Chaloupe fut contrainte de
rentrer dans le Port, parcequ’elle faifoit eau de toutes parts;
les Navires , qui etoient fous les ordres d’Eftevan de las Alas
avoientpns une autre route ,& il n’en demeura avec le Capi¬
taine General que cinq , qu’une fécondé tourmente , qui furvint
le vingtième de Juillet , obligea de jetter à la Mer une parue
de Porronr86' ^ neuvlé?le d’Août Menendez prit terre àP l’Ifle
à l’Ifle Ff^V afresT,avoirfa“ en paffant de nouvelles provifions
a Hile Efpagnole.il y enrôla quarante-trois Hommes , & il y
appntque M. de RiÉaut avoit pris les devants fur lui/ma*
3amnn|aI°^ rfmar<ïué. ^ ce Capitaine s’étoit amufé pen-
Flonde de deUX m°1S en dlfférens endroits de la Côte de la
Tome L t
5
Sa Fîottc efl
difpcrféc.
I 5 6 5 -
II délibéré
fur ce qu'il
doit faire.
Il découvre
la I lande.
,, HISTOIRE GE N.E RALE
6 Menendez fe trouvoit alors réduit à la troifiéme partie de fo»
Monde6, & 1. P'Y’offiSrf :
ss,; U iu.
J^S*a»ÏSSSA* b Mr inrci:
li j r„n uras & que fon avis étoit que fans délibérer davan
taee on fîï vode poqur la Floride , où il efperoit furprendre les
Hérétiques avant que le fecours qu’ils attendoient, les eut
ioint • q& remporter fur eux une viftoire complette.
V iTnrS néanmoins le Confeil de lui dire ce qui penfoit de fa
Il pria n^ ai p pedro de Valdez , qui etoit
& P “f.p»"«rî. parole , & fur de fon ™ ; Uplù;
rvartdes autres opinèrent de même; mais quelques-uns, qui
avoient S leur ,ê,« uu Cg»m. ,
B„J“'lS «SreX que de vouloir airf, bn.f,»«r feurre-
onde avec Leu de Monde, c’étoit fe mettre en un péril évi¬
dent delà faire échoüer. A la fin cependant , comme ils virent
que le plus grand nombre perfiftoit Sans l’avis contraire , ils fi¬
rent au moins femblant de s’y rendre.
L’Adelantade au comble de fa }oye fe remit en _ ,
vinst-huit d’ Août découvrit la Terre delà Floride. La difficulté
étoft de fçavoir, fi l’on étoit au Nord , ou au Sud des François ,
cette incertitude , on ne fit autre chofe pendant quatre
jours que de courir des bordées au large &a Terre. Le cin-
tmiémeLur l’Adelantade aperçut quelques Sauvages a la Cote ,
% envoya fon Meftre de Camp , avec vingt Arquebufieis, pour
orendxe^angue. Dès que ces Barbares virent approcher les Cha¬
loupes ilsfe mirent ‘en devoir .de s’oppofer a leur debarque¬
ment puis fe retirèrent au petit pas , ayant toujours leurs Arcs
bandéslv aidez n’ofa les pourfuivre , appréhendant quelque em-
bufeade mais comme il ne vouloit pas s en retourner , fai
avoir eu quelques nouvelles des François , il appeUa un de fes
Gens oïl avoir mérité la mort , & qu’on avoir referve dans le
deffein <?e s’en fervir pour de pareilles occafions ^^îordon
de quitter fes Armes , il lui mit en main quelques Marchand!-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL fi7
fes , lui dit de fuivre les Sauvages , & lui promit fa grâce , s’il
pouvoit tirer de ces Barbares quelques lumières fur ce qu’on
vouloit fçavoir. a
Le Soldat s’acquitta parfaitement de fa commiffion , & ap¬
prit que les François étoient à vingt lieues de-là , en tirant au
Nord. Il engagea même quelques Sauvages à le fuivre iufqu’au
lieu , ou le Mettre de Camp s’étoit arrête , & ils en furent bien
reçus. Ils lui demandèrent où étoit le Général, & Valdez leur
répondit qu’il étoit relié fur fon bord ; il les invita à l’y aller trou¬
ver , mais ils s’en excuferent , ils ajoûterent que s’il vouloit dé¬
barquer , & fe repofer chez eux , il n’auroit pas lieu de s’en re¬
pentir. Sur cette réponfe Valdez leur lit amitié , &fe rembar¬
qua. Le Capitaine Général fur fon raport ne balança point à
mettre pied a Terre , il prit cinquante Maîtres , & s’embarqua
avec eux dans fes Chaloupes. Les Sauvages ne l’eurent pas plu¬
tôt aperçu, qui s avançoit vers le rivage, qu’ils ietterent leurs ar-
mes , & s approchèrent en chantant , & levant les mains au Ciel.
Menendez les carelfa beaucoup , il leur diltribua de petits pré-
lens , qu us reçurent avec reconnoiffance , &leur fit donner à
manger ; niais il ne put rien tirer d’eux , que ce qu’ils avoient
déjà dit au Meftre de Camp.
Il retourna donc à fon bord , remit à la voile , & après avoir
u C e"'i 'r,°noUlt 1,e“es i'1 fe trouva le 28. d’Août à l’embou¬
chure de la Riviere des Dauphins. Elle lui parut fort belle, & il
6 nc01" ce‘^ Av-euftin , parceque ce jour on célébrait
a ete de ce S. Docteur. Ibne s’y arrêta pourtant point , il con¬
tinua fa route , & le lendemain il aperçut quatre Navires à l’An¬
cre , ce qui lui fit juger que les François avoient reçu le fecours,
qu ils attendoient. iTaffembla auffitôt fon Confeil , qui fut d’a-
vis de retourner a 1 Me Efpagnole , & d’y attendre que toute fa
Flotte s y fut reunie. Cette refolution le chagrina d’autant plus,
qu il avait ete découvert , qu’il ne faifoit point de vent , que fes
ùr!1ll!pref!ntxrd°?cqu illui Paroiffoit plus à propos defurpren-
RaH® q“; ltre , Y aiffeaux François , qui étoient mouillés dans la
’• 011 d n etoient apparemment reliés , que parce qu’ils ne
K3E K Sûr ■ •* *• A r
, le
1565.
Il apprend
des nouvelles
des François,
Il donne à la
Riviere des
Dauphins le
nom de S. Au,
guftin.
Il Ce rélout à
attaquer les
VaiHeaux
François,
(58 HISTOIRE generale
*,Wnit dus d’entrer dans la Riviere de S. Auguftin , ou il fe
(Fortifieroit , tandis que quelques-uns de ceux"^
l’Me Efoaanole , pour y donner avis de la lituation a ceux ae
fa Flotte , qui s’yLoient rendus , & pour y prendre les vivres.
& les munkions, dont on aurait befoin : que quand toutes fes
forces fërôlênt réunies dans la Riviere de S. Auguftin , .1 pour-
roit attaquer les François par Mer & par Terre , & que ceux-ci ,
après k perte de leurs grands Vaiffeaux , ne pourroient mrefi,
fier à de fi puiffans efforts , ni même retourner en France.
Ces raifons parurent convainquantes a tout le Confeil ,
^ iugeflë projeté. Capitaine Général digne de fon courage & de
£ nrudence ; on éventa fur l’heure toutes les voiles , & 1 Elca-
dreP Vétok plus qu’à trois lieues des Navires François , lorfqu un
cdme profond ?u.vi de pluyes & de tonnerre , empecha les Ef-
couvrit ^kvent devte bô«! maTf Adelanwdë fit reflexion
ft- , ÆaSHdrÆ^;^: “RfeVrot
voient ërop foibles pour le combattre , fe laifferoient peut-etre
accrocher pour brûler les Navires Efpagnols, duflent ils per¬
dre les leurs &fefauver à Terre dans leurs Chaloupes. Il avoit
remarqué d’ailleurs que tous les matins , & jufqu a midi , la Mer
. • >, ia Côte & à l’entrée des Rivières , qui ont toutes
d «'barres ; & fur cene obfervation il forma le deffem de mouil¬
ler les Ancres le plus près qu’il feroit poffible des Ennemis ,
nuis de filer du cable , afin de fe trouver au milieu deux a
no'inte duiour, lorfqu’ils ne pourroient , ni manœuvrer , ni «ce-
?dr du fecours de ceux de leurs Yaiffeaux , qui etoieut mou.l-
^ donnés enconféquence , l’Ade-
lantadë vogua à petites voiles J
demie • alors il letta fes Ancres , & «la tous les cames , en
forte qu’il fe trouva hientôt par le travers de la Capitane Fran¬
co^ Nos Hiftoriens difent qu’il demanda des nouvelles de M.
rie Ribaut & de fes principaux Officiers, qu’il nomma tous r
Ju’il affina enfuite que fon arrivée dans cette Rade ne devoir
point inquietter les François , & qu il n avoit pas meme deffem
5e “y arrêter ; qu’en effet ilapareillaà la pointe du jour ma s.
qu’au lieu de prendre le large , .1 arriva tout court fur les Navi¬
res François f qui n’eurent que le tems de couper leurs Cables »
& de faire voile au plus vite».
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL 69
Un Auteur Efpagnol {a) , & lefeul , que je fâche , qui ait " l g”
écrit le détail de cette expédition , affine au contraire que les ; 1 *
François voyant les Navires des Efpagnols s’aprocher dans
l’obfcurité de la nuit , firent un feu continuel fur eux ; mais
fans aucun effet ; que Menendez ne tira pas un feul coup ,• &
fit mettre tous fes Gens ventre à Terre : qu’au point du jour
fon Vaiffeau fe trouvant engagé entre les deux plus grands Na¬
vires ennemis , il fit fonner les Trompetes , comme pour faluer
la Capitane Françoife , qui lui rendit le falut : qu’enfuite il pa¬
rut & demanda d’où étoient ces Navires , & ce qu’ils venoient
faire dans la Floride ? Qu’on lui répondit qu’ils étoient de Fran¬
ce , & qu’ils étoient venus porter des munitions & des Hom¬
mes pour un Fort , que le Roy Très-Chrétien avoit dans la Ri¬
vière de May , & pour quelques autres , qu’on avoit deffein de
conftruire dans le Pays : que Menendez leur demanda , s’ils
étoient Catholiques ou Luthériens (b) , qu’ils répondirent qu’ils
étoient Luthériens ; qu’ils demandèrent enfuite à celui , qui leur
parloir , qui il étoit , & quel était fon deffein ; & qu’il leur dit :
Je fuis Pedro Menendez Général de cette Flotte du Roy Ca- <<r
tholique Dom Philippe 1 1. Je fuis venu dans ce Pays , pour y
faire pendre,, ou égorger tous les Luthériens , que j’y trouverai,
ou que je rencontrerai en Mer , fuivant les ordres , que j’ai re- <v
çus du Roy mon Maître ; & ces ordres font fi précis , qu’il ne *
m’efi: pas permis de faire grâce à qui que ce foit : je les exécute-
rai donc à la lettre , mais lorfque je me ferai rendu Maître de 44
vos Navires , fi j’y rencontre quelque Catholique , je le traite- “
rai avec bonté : pour les Hérétiques , ils mourront tous. "
A ces mots , continue l’Auteur Efpagnol , l’Adelantade fut 11 artriCltie î‘-*3’
interrompu par des huées accompagnées d’injures atroces , & £”^15
indécentes contre lui & contre le Roy Catholique. Outré de co- échapent, & f&-
1ère il fit prendre fur l’heure les armes à fes Gens , acheva de fi- j^Terf de s*
1er fes Cables , & donna ordre d’aborder ; mais les Cables s’é- A^uftin/
tant embarraffes dans les Ancres , les François eurent le tems
de prendre le large ; les Efpagnols les pourfuivirent , & leur ti¬
rèrent quelques volées de Canon , mais de trop loin pour les
atteindre. Alors Menendez defefperant de les pouvoir joindre ,
le rapprocha vers les dix heures du matin de la Riviere de May ,
à deffein d’y entrer. Il changea bientôt de réfolution ; car ayant
(a) D. André Gonzalez de Barcia, Enfayo
Ç.hronologico para la Hijtona de la Elorida.
G ) Les Efpagnols appelaient communé¬
ment Luthériens tous les nouveaux Héréti¬
ques.
"Mi
1565.
M. de Ri
haut en
70 HISTOIRE GENERALE
aperçu cinq Bât.mens à l’ancre , & deux Bataillons rangés en
bon ordre lür la pointe de la barre , qui firent feu fur fes ^ aif-
feaux lorfqu’ils parurent , il comprit que s’il s opmiatroit a vou- -
loir forcer le paffage, les autres Vaiffeaux François pourraient
revenir fur lui , & le mettre entre deux feux. Ainfi il jugea plus
à propos de reprendre la route de la Riviere de S. Auguitin.
Confeil de les quatre Navires François , qui ne l’avoient point perdu de
guerre tenu à ^ le voyant s’éloigner , revirerent auintot de bord , oc re
£ fon'av'is"' ’ tournèrent à leur premier mouillage , les vents contraires ne
' leur ayant pas permis de s’approcher davantage de la Riviere
de Mav Dès qu’ils eurent mouilles les ancres , Collet , qui les
commandoit , écrivit à M. de Ribaut pour l’mftruire de ce qu.
s’étoit paiïe , & fur cet avis ce General affembla le Conleil de
euerre. Tous jugèrent qu’il falloir travailler fans relâche a forti¬
fier la Caroline , & envoyer par Terre un gros Détachement
dans la Riviere des Dauphins , pour tomber fur les Lfpagnols ,
avant qu’ils euffent eu le loifir de fe retrancher,
le ri- M. de Ribaut , après avoir écoute tout le monde , tira de fa
rropc poche une Lettre, qu’il avoit reçue de l’Amiral de Coligm peu
Ic un autre. jje jours avant fon départ de France , par laquelle ce Seigneur
lui mandoit qu’un Officier Efpagnol , nomme D. Pedro Menen-
dez fe difpofoit à aller attaquer la Nouvelle France , & lui recom-
mandoit expreffément de ne pas fouffrir qu’il entreprit rien , qui
pût préjudicier. aux droits de Sa Majefte. Il n y avoir rien en
cela , qui dût obliger le Général de s’éloigner de 1 avis , qu 011
venoit de propofer d’une maniéré fi unanime; il en conclut
néanmoins qu’il devoit aller avec fes quatre plus grands Navi¬
res fondre fur trois de ceux d’Efpagne , que Collet lui avoit
mandé être reliés au large , difant que quand il les auroit en
fa puiffance , il lui feroit facile de faire des autres ce quilvou-
11 s’entête M. de Laudonniere , & un Capitaine , nomme la Grange ,
qui avoit beaucoup de part à la confidence de M. 1 Amiral,
feui de fon ^efuterent fans peine ce raifonnement , & le premier ajouta que
cette Côte étoit fujette â des ouragans , qui duraient quelque¬
fois plufieurs jours , & que fi par malheur il en furvenoit un ,
tandis que prefque toutes les forces delà Colonie ferment en
Mer rien n'empêcherait les Efpagnols , qui etoient dans la Ri¬
viere des Dauphins , de venir s’emparer de la Caroline. Ils eu¬
rent beau dire , Ribaut perfifta dans fon deffein , quoique per-
fonne ne l’approuvât ; il obligea même Laudonniere , a qui U
avis.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL 71
avoit laiffé le Commandement de la Caroline, de lui donner
toute fa Garnifon , & prefque tous fes vivres. La Grange ne
vouloir pas s’embarquer , & fut deux jours à fe rendre ; à la fin
ilfe laiffa gagner.
Il ne relia dans le Fort avec M. de Laudonniere , qui étoit
malade , que le Sieur du Lys Ingénieur , deux Gentilshommes ,
nommés la Vigne , & S. Cler, & cinquante perfonnes , d’autres
difent quatre-vingt-cinq , quelques autres en font même monter
le nombre jufqu’à deux-cent quarante ; mais tous conviennent
qu’il n’y en avoit pas vingt en état de tirer un coup de Mouf-
quet : les autres étoient des Soldats , qui avoient être bielles
dans l’expédition contre Outina , de vieux Artifans , des Vivan¬
diers 9 des Femmes & des Enfans. Ce fut le fixiéme de Septem¬
bre , que le Général s’embarqua pour aller chercher les Efpa-
gnols ; mais les vents contraires l’arrêterent en Rade jufqu’au
dix , qu’il mit à la voile.
Le fept D. Pedro Menendez étoit entré dans la Riviere des
Dauphins , à laquelle nous avons vû qu’il avoit donné le nom
de S. Auguftin , & que je nommerai toujours ainfi dans la fuite.
Il fit aulfitôt débarquer trente Hommes fous la conduite d’André
Lopez Patino , & de Jean de S. Vincent , tous deux Capitai¬
nes , à qui il donna ordre de choilîr un lieu avantageux , & d’y
faire quelques retranchemens , en attendant qu’on y pût con-
ftruire un Fort. Le lendemain à midi il mit lui-même pied à ter¬
re , troiiva àfon débarquement quantité de Sauvages , à qui il
fit amitié , & qui lui confirmèrent tout ce qu’il avoit appris de
la fituation de la Caroline. Le neuf il fit celebrer les divins my-
fleres , & prit de nouveau poffefiîon du Pays avec toutes les
formalités requifes , & obligea fes Officiers de jurer qu’ils lui fe-
roient fidèles jufqu’à la fin de fon expédition.
Il alla enfuite vifiter remplacement , que fes deux Capitaines
avoient choifi , il 1 approuva , puis il fe rembarqua , & faifant
réflexion qu’il étoit à craindre que , quand toutes fes Trouppes
feroient a terre , les François ne vinfient attaquer fes Varde aux,
qui etoient mouilles à une lieue & demie au large ; il fit travail¬
ler en diligence à en tirer toutes les chofes , dont il avoit befoin
pour 1 etabhffement , qu il méditoit , & les Trouppes, dont il
vouloit fe fervir pour prendre la Caroline. Le jour fuivantil eut
avis que M. de Ribauts’approchoit pour le combattre , fur quoi
il donna ordre à celui , qui commandoit le S. Pelage , & à un
autre VaiiTe au , d’appareiller à minuit pour l’Ifle Efpagnole ; il
1565.
U s’embar¬
que pour aller
chercher les
Efpagnols.
Menendez
prend poflef-
fion de la Ri¬
viere de S.
Auguftin,
ï ï <5 5-
Les François
fontfurpris
d'un furieux
ouragan , loi'f-
qu ils fe difpo-
foient à atta¬
quer les Elpa-
gnols.
Difcours de
Menendez, à
fçs Officiers.
histoire generale
s’embarqua lui-même dans un grand Batteau , mit cent cin¬
quante Soldats fur un Navire de cent Tonneaux ,& avec ces
deux Bâtimens il alla mouiller fur la Barre a deux braffesd eau.
A la pointe du jour les Navires François parurent a 1 endroit
même , d’où les deux Efpagnols étoient partis , & un moment
après il y en eut un , qui s’avança vers a Barre avec trois Cha-
louppes. L’Adelantade comprit toute la grandeur du péril , ou
il fePtProuvoit , mais par bonheur pour lui il fallut que les I ran- -
çois attendiffent deux heures entières le retour de la maree ,
nour entrer fur la Barre. Il faifoit un très-beau tems , & la Mer
etoit fort belle , lorfque tout à coup il s’éleva un vent de N ord
fi violent , & la Mer devint fi orageufe , que M. de Ribaut fut
contraint de s’éloigner de la Côte, & d’abandonner fa proye ,
au moment que , félon toutes les apparences , elle ne pouvoir
1U] 'Menendez ne douta point que cet orage , qui le fauvoh t , ne
Çut un effet des Prières , qu’il avoit faites au fort du danger ,
aô.r3 fcv oy« r, “ ° «Kfil
mi’à Drofiter de l’éloignement des François. Il fat dire une Melle
du SPEfprit , au fortir de laquelle il affembla le Confeil de guer¬
re. Il y déclara que s’il ne s’agiffoit que du fervice du Roy , per¬
fore ne devoit être furpris qu’ils renonçaffent a une entrepnfe,
où ilfe rencontroit tant d’obitacles ; mais que c etoit la caufe de
Dieu & qu’on ne pouvoir l’abandonner , fans encourir la ma-
lediffion du Tout-Puiffant. „ Nous fournies, ajouta-t il, environ¬
nés d’Ennemis , les vivres commencent à nous manquer , mais
c’eft dans ces grandes extrémités , que paroit le véritable cou-
ragA ces mots l’Affemblée l’interrompit, en l’affûrant qu’ils
étoient tous difpofés à le féconder de leur mieux : alors plein
d’une nouvelle confiance , il reprit la parole , & dit que le Ciel
fe déçlaroit fi vifiblementpour eux , que le fucces de leur expé¬
dition étoit sûr , s’ils ne fe manquoient pas a eux-memes , qu af-
sûrément l’Efcadre Françoife , qui trois jours auparavant fuyoït
devant eux , n’avoit ofé les venir attaquer, que parce quelle
avoh renforcé fes Equipages de tout ce qu’il y avoit de meil¬
leurs Hommes dans le Fort de la Caroline ; que la tourmente ,
qui venoit de l’écarter , ne lui permettoit pas de fe refug'erdans
fon Port & que , félon toutes les apparences , elle ny pour-
roit rentrer de plufieurs jours. ,, D’ailleurs ce fontdesHereti-
ques , & nous gavions , ayant que de pamr dE pag
»
»
»
DE LANOUVELLE FRANCE. Liv. II. 73
leur General Ribaut avoit défendu fous peine de la vie à tout « i e (5 c
Catholique de s’embarquer avec lui (a ) . Eux-mêmes nous ont « )
déclaré qu’ils étoient tous Luthériens. Nous fommes donc obligés «
de leur faire la guerre à toute outrance, non-feulement parceque «
nous en avons des ordres exprès ; mais encore parcequ’ils font «
refolus de leur côté à ne nous faire aucun quartier ,.pour empê- «
cher que nous ne plantions la FoyCatholique dans un Pays , «
où ils veulent faire regner leur abominable Se&e. Ainfi nous «
devons également à Dieu & au Roy notre Maître , de périr *
plutôt , que de ne pas achever ce qu’avec le fecours vifible du «
Ciel , nous venons de commencer fi heureufement. «
Il leur expliqua enfuite fon projet , qui confifloit à choifir Son plan
cinq-cent Soldats , Arquebufiers & Picquiers , de leur faire Çou,r lan:acîuc
prendre des vivres pour huit jours , de les divifer en dix Corn- ne CaroIi'
pagmes , chacune avec fon Capitaine & fon Drapeau , de les
faire marcher vers la Caroline , & de les précéder lui-même de
deux lieues , avec une Bouffola, un François , qui étoit tombé
entre les mains , & quelques Soldats armés de Haches , pour
?u v^ ü un paffage a travers le Bois. Il ajoûtaque , s’il avoit le
onheur d arriver , avant que d’avoir été découvert, il feroit
ur le champ donner l’Efcalade , qu’il porterait pour cela des
échelles , & qu il comptoit qu’il ne lui en coûterait pas cin¬
quante Soldats pour fe rendre Maître de la Place : que fi par
malheur il etoit aperçu , avant que de fortir du Bois , il s’y re¬
trancherait le plus près du Fort qu’il pourrait'; que de-là il en¬
verrait fommer le Commandant , avec offre de lui fournir un
.Batiment des vivres , pour retourner en France ; que ce Com¬
mandant peut-être, le croyant plus fort , qu’il n’étoit , accepte¬
rait fes offres , que dumoins il n’oferoit le venir attaquer dans
un heu couvert , & qu’au printems prochain , après qu’il aurait
reçu les fecours , qu il attendoit de Fille Efpagnole , il feroit en
état de réduire les François par la force.
f 1 t? discours ne fut pas reçu avec un applaudiffement univer-
iel. 11 y eut meme de grandes conteftations parmi les Officiers ;
mais ie pius grand nombre s étant déclaré pour le Capitaine
era J, a^air<? fut refoluë. Menendez fit auffitôt tout prépa-
û afpe nrà l^iu 1 orcionna que le troifiéme jour tous affi-
A i ’ avant que de fe mettre en marche ; que ce-
pendant le Mettre de Camp & le Sergent Major fiffent le choix
d cinq-cent Hommes , qui dévoient compofer le Détache-
( O. \ Mmif Lî _ A < >
( d ) î^ous verrons bientôt que cela n’étoit pas vrai.
lo/ne
K
1 5 6 ï •
Mutineries
parmi les
Trouppes ;ré-
folution de
Menendez.
74 histoire generale
ment , & euffent foin de les fournir de tout ce qui feroit necef-
faire • & comme on travailloit à conftruire un Fort , qui eft -
venu’une Ville célébré , fous le nom de S- Augufon , î V éta¬
blit pour Commandant D. Barthélémy Menendez , fon Frere,
& donna à fon Amiral le commandement de 1 Aru lene q
y laiffoit , outre celui des trois Batimens , qui bi rdlo •
^ Tout étant ainlî réglé , le Confeilfe fepara , & le biurt de ce
qu’on y venoit de réfoudre , s’étant répandu parmi les Troup¬
es y excita de grands murmures. (5e fut bien pis encore te
Fendemain : lafédition s’échauffa de telle forte que les Capi-
t^ines Tean de S. Vincent, François Recalde, & Diego de Maya
fe crurent autorifés à prier l’Adelantade de fe défifter de fon en-
treorife Pour toute réponfe il invita à dîner tous les Capitaine
& Sur” Gentilshommes , & après les avoir traites fplendi-
KL .«ta, témoigna 6 ta** *
fecret du Confeil de guerre ; il ajouta quil leroit peut etre oe
fon devoir de châtier les Auteurs d’une h grande infidélité, qu il
leur pardonnoit néanmoins ; mais qu’il etoit bien aife qu on lçut
que Séformais les plus legeres fautes feraient \ Solda«”
nies • que le découragement , qui paroiffoit dans les bolclats ,
venoit uniquement de leurs Officiers ; que tous neanmoins na-
voient pas perdu cœur-, & qu’il voyoït avec plaifir e p u g
nombre fe clifpofer de bonne grâce à partir au ^premier fignal ,
mreeque leurs Capitaines leur en montroient 1 exemple . cepen
Faut que chacun pouvoit encore lui faire fes repréfentations ;
dai5f,iU : “ fe is . fi on lui faifoit voir que c eton
il auelqu un etoit auez, xidi ui poui ^
xécuter, il le cafferoit fur le chamm Tous repondirent qu i
ne falloir rien changer à ce qui avoit été arrête , & ceux-meme
qui perfiftoient à défaprouver le parti , qu on avoit pris , prom
rent de faire leur devoir.
Conduite fé-
ditieufe d’un
Capitaine.
la marche, lonque jean uc o.
commodé, & qu’il ne partirait point. Comme fes amis vou
loient lui perfuader que cette conduite lui ferait tort , il leur r
pondit quil comptoit bien d’apprendre dans quelques jour ; ^
tout le Parti auroit été égorgé par les François , & qu
il étoitrefolu de s’embarquer avec tous ceux , T
roient à S. Augufon , & de prendre la route des Mes-
fil de la raifon, ajouta -fil, à s’aller faire affommer comir
Le jfour du départ venu , onétoit fur le point de commence
marche , lonque Jean de S. Vincent déclara _qu il etoitm
% r a VI _ _ «Ami- I
»
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL 75
des bêtes , en fuivant un projet fi mal concerté ? • « - p -
L’Adelantade ne fit pas femblant d’être infiruit de ce dif- 1 ] ^ ‘
cours , & s’alla mettre à la tête de fon avant-garde avec Mar- Mandez**2
tin de Ochoa , accompagné de vingt Bifcayens& Afiuriens , pomTa Caro-
à qui il avoit fait donner des Haches , pour frayer les routes : Iinc*
le relie de la Trouppe fuivit fous les ordres du M ellre de Camp
& du Sergent Major. Le quatrième jour de marche , ils arrivè¬
rent à une demie - lieue de la Caroline , & quoi qu’il fît un
grand vent , & qu’il plût à verfe , Menendez avança encore
un quart de lieue , & s’arrêta fur un terrein extrêmement maré¬
cageux , derrière une Piniere , qui le couvroit. Il retourna en-
fuite vers fes Gens , pour leur fervir de guide , dans la crainte
qu’ils ne segaraffent.
A dix heures du foir toute l’Armée fe réunit , mais extrême- Ce que r Ar¬
ment fatiguée , & pénétrée de la pluye , qui n’avoit pas difcon- méecutàfouf-
tinué depuis fon départ de S. Augullin : outre quelle avoit été dantla
obligée de paffer dans des Marais , où elle avoit de l’eau juf-
qu a la ceinture. La pluye redoubla alors avec tant de violen¬
ce , qu’on eut bien de la peine à en garantir les armes , la pou¬
dre & les mèches. Tant d’incommodités achevèrent de faire per¬
dre patience aux Soldats : on 11’entendoit par tout que des ma-
lediaions , que l’on donnoit au Général , & Fernand Perez ,
Enfeigne de la Compagnie de S. Vincent, ofa bien dire tout
haut , qu’il ne comprenoit pas comment tant de braves Gens fe
laiffoient ainfi vendre par un Montagnard d’Aflurie , qui ne
fçavoit pas mieux faire la guerre fur Terre , qu’un Cheval ; que
pour lui , s’il en avoit été le Maître , il l’auroit traité , le jour
qu on partit de S. Augullin pour ce maudit exploit , comme il
l’alloit être dans peu par les mains des François.
L’Adelantade n’ignoroit rien de ce qui fe difoit contre lui ; Menendez
mais il difiimula fagement , & ferme dans fa réfolution , deux “£fuIte fcs
heures avant le jour il appella le Meflre de Camp & tous les Ca-
pitaines : il leur dit que toute la nuit il n’avoit ceffé de confulter
le Ciel , & de prier le Seigneur de lui infpirer ce qui convenoit
a ion lervice ; qu il etoit perfuadé qu’ils en avoient fait autant ,
chacun en particulier ; qu’il étoit enfin tems de fe déterminer fur
ce qu il y avoit à faire dans la fàcheufe extrémité , où l’on fe
trouvoit , harraffes , fans forces , fans pain , fans munitions &
(ans aucune reffource humaine. ^
Quêlmies-iins lui répondirent qu’il étoit inutile de perdre le Réponfe*
tems a délibérer , qu’il falloit reprendre à l’heure même la route ^ ues-uns.
Kij
y6
H I
STOIRE generale
565
Il eft d’a-
■vis d’atta¬
quer la Ca¬
roline.
»
Son avis eft
fuivi. Il fedif-
pofe àl’atta-
qae.
Etat de la
Place.
c a i mie les Palmiers fuppléeroient au pain , qui
de S. ft'n ’X differant davantage , on ne feroit que s’ex-
manqu ’ . 5 ^ yent „erlT, Menendez convint que cet
dire encore un mot , qu ils feroien P n avoit fuivi que fes pro
ce qu’ils voudroient ; quefiîufque* -la. P
Esfcï^^E^iS
» taquer, fe rendront-ils, fans attendre Reliera de
i pr , * sr imom
L’ïdtltt de Œranfport de fa jove fit auffi- -tôt mettre tout
le monde à genoux pour implorer le fecotirs de ^ Dieu des Ar
.nées ; puis îl rangea les Compagnies ^ , avec
voient garder pour 1 »taqu- Hiftoriens varient
fon François fugitif, ou , Menendez lui avoir
fur ce point ; ce qui eft ceu , la nuit étoit fort
obfcure quTle^m & la pluye
qUCe^XuM. de Laudonniere é^alement inquiet IbHe fort
de M.‘ de Ribaut , àçaufe & pareeque
Sne hors d’infulte , .1 y reftoit encore trois grandes breches ,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL 77
ne croyoit pas l’Ennemi fi près de lui. Il arriva même que le tems —
affreux , qu’il fit cette nuit-là , & qui avoit fi fort découragé les > ^ *
Efpagnols , fut ce qui contribua le plus au fuccès de leur entre-
prife ; car le Sieur de la Vigne , qui étoit de garde , voyant fes
Soldats tout trempés de la pluye , en eut compaffion & leur
{>ermit de s’aller repofer , avant que d’autres fuffent venus pour
es relever: la continuation du mauvais tems lui ayant ôté ju£
qu’à la penfée qu’il y eût rien à craindre de la part des Enne¬
mis.
Menendez de fon côté s’étoit remis en marche au point du Elle eft fut-
jour 5 après avoir ordonné fous peine de la vie à tous les fiens pnre*
de le fuivre. Il fe trouva bientôt au pied d’une Colline , derrière
laquelle le François , dont il étoit toujours accompagné , lui af-
sûra qu’étoit la Caroline , environ à trois portées d’Arquebufe.
Il monta deffus , & ne vit que quelques maifons , qui lui ca-
choient la Place , il vouloit aller la reconnoître , mais le Meftre
de Camp ne le voulut pas permettre , & y alla lui - même avec
Ochoa. Ces deux Officiers examinèrent la Place à leur aife ,
mais comme ils s’en retournoient pour rendre compte au Géné¬
ral de ce qu’ils avoient vû , ils prirent un chemin pour un au¬
tre , & un François , qui les découvrit , leur demanda Qui vive .
Ochoa répondit Francç , & cet Homme perfuadé que c’étoit des
Gens de fa Nation , s’aprocha de lui.
Ochoa allant à fa rencontre , & le Soldat s’apercevant de fou
erreur , s’arrêta. Ochoa courut fur lui , & avec fon épée , qu’il
n’avoit pas eu l’attention, ou le loifir de tirer de fon fourreau, il
lui donna un grand coup fur la tête ; il ne lui fit pourtant pas
grand mal , parceque le Soldat rompit le coup avec fon épée ;
mais le Meflre de Camp lui en donna un fécond , qui l’étourdit ,
& le jetta par terre : il lui mit enfuite la pointe de fon épée fur
la poitrine , parcequ’il commençoit à crier , & lui dit que s’il ne
fe taifoit , il etoit mort , puis il le lia & le mena à fon Général >
lequel au cri de cet Homme avoit cru que le Meflre de Camp
étoit tué. Menendez fe tournant alors vers fon Sergent Major r
François Recaldé , & André Lopez Patino , qui fe trouvè¬
rent les plus proches de fa perfonne avec leurs Compagnies ,
leur dit : Mes amis Dieu ejt pour nous , le Mejlre de Camp ejl
dans le Fort .
A ces mots tous partirent , & coururent à toutes jambes :
les premiers rencontrèrent Ochoa & le Meflr.e de Camp , lequel
ne pouvant garder fon prifonnier , l’avoit tué , & crioit de toutes
yS histoire generale
- T - fes forces. Compagnons ,fuivq-moi , Dieu ejl pour nous. Il sa-
1 5 6 5 • vaiça enfuite vers le Fort , & ayant trouve deux François en
chemife , il en tua un , & Patino l’autre. Dans ce moment un
Soldat de la Garnifon étant monté par hazard fur le rempart ,
aperçut les Efpagnols , qui defcendoient la Colline , dont j ai
parlé , & marchoient en ordre de bataille: il cria aux armes ,
& à ce cri M. de Laudonniere accourut avec les plus braves ,
mais il avoit eu à peine le tems de fe reconnoître , que nnemi
entra par les trois brèches , & par le guichet , que quelqu un
avoit ouvert , pour fçavoir ce qui fe paffoit : & dans infta
tout retentit des gémiffemens des Femmes , des Enfans , & des
Malades , quon égorgeoit. . , . j -i
Laudonniere vola à leur fecours , mais île toit trop tard : il
vouloit fe cantonner pour faire tête aux Affaillans , en attendait
le fecours , que pouvoient lui donner les trois Vaiffeaux , qui
étoient mouillés vis-à-vis du Fort ; il fe montra par tout , il com¬
battit avec une valeur, que fes Ennemis mêmes admirèrent, mais
le François , que Menendez avoit toujours eu a fes cotes, 1 ayant
fait connoître , le fort du combat tomba fur lui feul , & d vit
bien qu’il ne devoit plus fonger qu’à la retraitte. Il la fit en com¬
battant toujours , ce qui donna moyen au peu , qui reltoit de
François , de fe fauver dans le Bois. Il y entra le dernier ^re¬
cédé de fa Servante , qui étoit fortbleffée , & du Sieur de Mor-
gl II n’y avoit pourtant encore dans la Place que les deux Com¬
pagnies , que commandoient le Sergent Major , & Diego de
Maya , dont les Enfeignes furent arborées fur le Rempart en
même «ms par Rodrigo Troché , & Pedro Yaldez Herrera ;
mais le bruit des Trompettes y fit bientôt accourir toute 1 Ar¬
mée , & l’Adelantade voyant que les François ne fedefend oient
plus , fit publier un ordre d’épargner les Femmes ,& les Enfans
au-dèlfous de quinze ans. L’Auteur Efpagnol affure qu on en
fauva foixante & dix. Menendez pofa enfuite des Sentinelles au
Magafin , que fon François lui montra , & qui etoit très r bien
fourni de munitions & de marchandées de traitte : apres quoi il
s’approcha de la Riviere , & fit inviter les Equipages des trois
Navires , qui y étoient mouillés , à fe rendre. ,
Ccquifcpaf- Ils le refuferent , & il fe mit en devoir de les couler a fond
faauqfujctr Je Dés que fa batterie fut dreffée , il envoya faire dans les formes
trois Navires une fommatioii aux Commandans , qui repondirent que h le
moiiillés de- Général vouloit traiter avec eux , ils lui enverroient une Cha-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. ÎI. 79
îoupe , pour leur amener quelqu’un de fa part. L’Adelantade
leur envoya fon Prifonnier , avec ordre de leur dire que des
trois Navires , qui leur reftoient , ils pourroient en choifir un ,
y embarquer des provisions pour tout ce qu’ils étoient de Mon¬
de , 8c pour ceux de la Garnifon de la Caroline , aufquels il
avoit fauve la vie, qu’il leur donneroit un Paffeport , pour aller
par tout où ils voudroient ; mais à condition qu’ils n’auroient
ni Artillerie , ni autres munitions de guerre : qu’au refie , s’ils
n’acceptoient point ce parti , il alloit les couler à fond , 8c ne fe¬
rait quartier à perfonne.
.Son Envoyé ne tarda pas à revenir , 8c lui rapporta que le
Commandant en Chef de ces trois Navires étoit le Fils du Gé¬
néral Ribaut , ( d’autres Mémoires difent qu’il n’étoit que fou
Neveu ) 8c qu’il lui avoit répondu qu’il ne voyoit pas pourquoi
les Efpagnols lui faifoient la guerre , puifqu’il étoit muni d’une
Commmion du Roy fon Maître , avec qui le Roy Catholique
étoit en paix. Qu’au furplus , il fe défendrait , fi on l’attaquoit,
8c qu’il efperoitle faire avec fuccès. Sur cette réponfe Diego de
Maya fit tirer un coup de Canon , qui perça un des trois Navi¬
res à fleur d’eau. L’Equipage n’y pouvant remedier , qu’en s’ex-
pofant au feu des Ennemis , s’embarqua dans les Chalouppes ,
8c paffa dans les deux autres Navires , qui coupèrent fur le
champ leur cable , 8c allèrent mouiller hors de la portée du Ca¬
non.
Les Mémoires des François raportent les chofes autrement ,
mais il en faut reprendre de plus haut le récit, qui étant de M. de
Laudonnieremême , paraît beaucoup plus certain. Ce Comman¬
dant s’étant fauvé de la maniéré, que nous avons vû , trouva en¬
viron une douzaine de fes Gens dans le Bois. Il leur propofa de
s’aprocher de la Riviere , pour s’embarquer dans les Navires ,
dont j’ai parlé ; mais quelques-uns aimèrent mieux fe réfugier
chez les Sauvages , 8c le quittèrent. Il fe mit en chemin avec les
autres , 8c ils marchèrent jufqu’au foir , ayant prefque toujours
de l’eau jufqua la ceinture. Vers le coucher du Soleil ils perdi¬
rent terre , 8c furent contraints de s’arrêter , parcequ’ils étoient
trop fatigues , pour fe mettre a la nage. Deux des plus vigou¬
reux voulurent bien néanmoins fe rifquer 3 pour donner de leurs
nouvelles aux Navires , & en amener des Chaloupes.
En effet , le lendemain de grand matin les Chaloupes paru¬
rent. Il étoit tems quelles arrivaffent ; M. de Laudonniere fe
mourait , 8c la plupart des autres n’étoient guère en meilleur
1565.
vant la Caro¬
line.
Ce qui arrive
à M. de Lau-t
donniere après
la prifc de Ton
Fort.
8o
5^5
Mauvaife
conduite du
jeune Ribaut.
HISTOIRE (GENERALE
état ' on les fit revenir avec de l’Eau-de-vie , dont on avoit eula
précaution de fe fournir ; & dès que le Commandant eut un peu
repris fes forces , il voulut , avant que de s’embarquer , faire un
tour dans le Bois , pour voir s’il n’y trouverait pas quelques-uns
de fes Gens , qui s’y fuffent égarés. Ceux qui s etoient d abord
féparés de lui , l’avoient prefque tous rejoint , quantité d autres
s’etoient aufli rendus au bord de la Riviere par differentes rou¬
tes , & il eut encore la confolation d’en fauver environ vingt.
Cependant des trois Navires François il netoit refte vis-
à-vis du Fort , que le plus grand commande par Jacques de Ki-
baut. Cet Officier avoit vû les Efpagnols entrer dans la Caro¬
line , fans tirer un feul coup de Canon fur eux quoiqu il fut a
portée de les incommoder beaucoup , & qu il eut fur fon bord
Soixante Soldats & un très-bon équipage. Il eft vrai que la Pla¬
ce avoit été prife fi brufquement , que Ribaut n avoit apparent
ment appris la nouvelle de l’attaque , qu’au moment que 1 En¬
nemi étoit dedans , & qu’en tirant fur lui , il pouvoit craindre
que fes coups neportaffent fur les François ; mais il n eft pas
auffi facile de l’excufer fur la maniéré , dont il le comporta avec
M. de Laudonniere , après que celui-ci fe fut embarque fur fon
Vü commença par lever les ancres, pour rejoindre les deux
- autres Navires , qui étoient mouillés allez proche de 1 embou¬
chure du Fleuve . Alors Laudonniere lui propofa d aller chercher
M. de Ribaut, dont on ignorait encore la deftinee ; mais il dé¬
clara que fa réfolution étoit prife de paffer en France , fans s ar¬
rêter en aucun endroit. Ce qui choqua tellement Laudonniere ,
qu’il paffa dans un autre Navire. Par malheur ce Batiment n a-
voit point de Pilote , qui ofât rifquer de naviguer feul : Ribaut
en avoit quatre , & ne voulut en çeder aucun. Le troifieme Na¬
vire , & un autre Bâtiment , qui étoit refte a la Cote , n avaient
point affez de Matelots pour manœuvrer , & il fallut les aban-*
donner : Laudonniere avertit Ribaut qu il fer oit bon d y mettre
le feu , de peur que les Efpagnols ne s’en ferviftent , ou contre
lui-même , ou contre FEfcadre , fi elle reparoiffoit ; mais il n en
voulut rien faire , deforte que M. de Laudonniere , qui jugeoit
cette précaution d une néceffité abfolue , fut oblige d envoyer
fecrettement fon Charpentier pour les bnfer , & les couler a
T i nicrc J’ignore ce que devint enfuite le jeune Ribaut. Pour M. de
suive en Laudonniere , après avoir été fort contrarie des vents , & ou -
DELANOUVELLEFRANCE.Liv.il *i
fert beaucoup de la faim ; ilfe trouva dégradé dans le Canal de
S. Georges , & fut contraint de prendre terre à Briftol. Il refia
lontems malade en Angleterre , & dès qu’il fut guéri , il paffa en
France , où les Efpagnols prétendent qu’il fut mal reçu du Roy.
Ce ne feroit pourtant pas une preuve de ce que les mêmes Efpa¬
gnols tâchent de perfuader ? que ce Prince étoit de concert avec
le Roy fon Beaufrere , pour exterminer les Huguenots de la
Floride. Mais l’Amiral de Coligni étoit plus que jamais brouillé
avec la Cour , & l’on y regardoit de mauvais œil tous ceux
qui lui étoient attachés. 5
Malgré les diligences de M. de Laudonniere , tous les Fran¬
çois n’avoient pu , ou n’avoient pas voulu le fuivre. Quel¬
ques-uns s etoient retires parmi les Sauvages 7 d’autres en petit
nombre fe rendirent aux Efpagnols , qui les joignirent aux Pri-
fonmers , qu’ils avoient faits àlaprifedela Caroline. Les Hifio-
riens François s’accordent tous à dire que les uns & les autres
furent pendus à un Arbre , auquel on attacha un Ecriteau avec
cette infcnption : Ceux - ci n’ont pas été traités de la
SORTE EN QUALITE DE FRANÇOIS , MAIS COMME HE¬
RETIQUES , et Ennemis de Dieu. Ils ajoûtent que dans la
iuite les Efpagnols étant informés queplufieurs François avoient
ete bien reçûs des Sauvages , firent par tout de fi grandes recher¬
ches , & intimidèrent de telle forte les Barbares , que la plûpart
de ces pauvres Fugitifs furent obligés de fe livrer eux - mêmes à
leurs Ennemis , qui ne leur firent pas plus de grâce 5 qu’à leurs
Compagnons. D’autres au nombre de vingt , fe voyant pour¬
suivis par les Efpagnols prirent la fuite à travers les Bois &
furent tous tires a coup de fufil.
Ceft ainfique D. Pedro Menendez fe rendit Maître de la
Monde F rançoife. Il donna fur le champ à la Caroline le nom de
ian Matheo , qu elle porte encore aujourd’hui , parce qu’il y
etoit entre le jour , qu’on célébré la Fête de cet Apôtre. Ilfiten
meme tems ôter les Armes de France , & celles de l’Amiral de
Congru, qui etoientfur la principale porte , & y mit celles d’Ef-
pagne. Le lendemain vint -deux il marqua un emplacement
pour bâtir une Eglife ; puis ayant fait la revûë de fes Troupes ,
H le trouva qu il n’avoitpas quatre-cent Hommes effeûifs , quoi
OU il II 611 lf nprrlm m na fvXn _ _ a . A * /*
* 5 d 5 •
France*
PI u fie n rs
François font
pendus par les
Efpaguols.
La Caçolîne
eft nommée
San Matheo*
mi il n’en eût perdu que très-peu , & peut-être pas même un feul
a a furpnfe de la Caroline. Mais pendant la marche plulîeurs
etoient retournés à S. Auguftin , parce qu’ils défefperoient du
luccesjde 1 entreprife : quelques-uns s’étoient égarés , & les au-
’ # L
1565.
L’Adelantade
retourne à S.
Auguftin.
Il y eft reçu
en triomphe.
Incendie à
San Matheo :
ie S.
pnlevé par les
François.
82 HISTOIRE generale
très étoient reliés en arriéré par lâcheté , ou par pure laffitude.
L’Adelantade nomma enfuite Gouverneur de San Mat
Gonzalo de Yillarroël , fon Sergent Major , & lui laiffa trois-
rent Hommes de earnifon. Il vouloit partir avec le relie es
jour fuivant , pour retourner à S. Auguftin ; mais fes Offiaers
lui déclarèrent qu’ils netoient pas en etat.de marcher , & nleur
nërmTt de fe repofer autant de tems qu’ils voudront. Il ajouta
que pour lui il ne pouvoir pas différer fon voyage, pi« ^
rraivnoitciue M. de Ribaut ne fe dédommageai de la peue de
la Caroline , en lui enlevant S. Auguftin , <x que , fi queiqu un
étoit d’affez bonne volonté pour le fuivre , A lui en fçaur
eré maisqu’il ne vouloir gêner Perfonne, Il y en eut trente-
8rc ’ ■ ivffi-irpnr & il oartit le vint -trois avec eux, tx
cinq, qui S offrirent P des Gardes , ayant
François «k tCafbneda , ion P Alyarado de k fulvre
Î3S , & « autres Officiers le ne pc.n.
s’éloigner du Fort fans fon ordre.
Comme les KS.
fe ^fotenoit. ifarriva enfin à S. Auguftin , où on 1 avoir de-
Spleuré comme mort , parce que les Ôéferteurs pour cacher
L honte de leur fuite , avouait publie quil avoir péri avec
toute fon Armée. Deux Soldats , qui «voient _pr.s ks c levai ,
avant affûré le contraire , & annonce fon prochain retour ,
y n- n .... moment de la plus extrême confternation a lex
cèVde la joye • tout le Monde alla au devant du Vainqueur des
Hérétiques^ avec la Croix & le Clergé , en chantant le Te
Yitirm & il fut reçu comme en triomphe. . r ,,
Son premier foin fut enfuite d’envoyer des vivres a San Ma-
i “ „Pui en avoit un plus grand befoin encore, qu il ne croioit ,
parce’ qu’un incendie , qu’on foupçonnoit n’être p^s leffet d u
nnr ha/ard v avoit réduit prefque tous les batimens en ce
5 Il anD’rit même peu de tems après que la Garnifon de cette
fcSn mmmée loutre les Chefs, tes malheurs ne-furent
S&SfcXORi kle. pic».» *-**£•
SS étoient que del’Ifle Efpagnole, où on devoir les
ri, on les envoyât à Flnquifition d Efpagne ; mais
peine furent-ils en Mer , qu’avec le fecours de quelques autres
DELANOUVELLEFRANCE.Liy.il. S3
Etrangers , & de quelques Matelots , qu’ils gagnèrent , ils firent
main baffe fur les Officiers , s aiîurerent du refle de l’Equipape ,
& conduiffrent le Galion en Dannemarc. ° ’
L’Efcadre de M. de Ribaut , dont on n’avoit point encore de
nouvelles , caufoit auffi quelque inquiétude au Général Efpa-
gnol , qui n’avoit plus de Vaiffeau en état de lui réfifter , fi elle
venoit l’attaquer avant l’arrivée du reffe de fa Flotte , qu’il atten-
doit avec impatience. Mais fes craintes & fes efperances s’éva¬
nouirent prefqu’en même tems , & le trifte fort de l’Efcadre
Françoife lui fft fupporter plus aifément la perte de fon Galion
& la diffipation de fa Flotte , dont il fut bientôt informé.
La Tourmente , qui avoit contraint M. de Ribaut de s’éloi-
fier de la Riviere de S. Auguffin , au moment qu’il y tenoit les
fpagnols hors d état de lui refiffer , dura jufqu’au vinvt- trois
de Septembre , le jetta a plus de cinquante lieues de-là, du côté
du Canal de Bahame , & brifa enfin tous fes Vaiffeaux fur des
Rochers. Tous les Hommes fe fauverent à la nage , excepté le
Sieur de la Grange , quife noya , mais tout ce qui étoit fur ces
Batimens ; fut perdu. La fuite de cette malheureufe aventure
elt racontée fi diverfement par les François & les Efpagnols •
qu il eft abfolument impoffible de les concilier. Ce qu’un Ecri¬
vain impartial doit à la fidélité de l’Hiffoire en ces occafions
ou la vente lui échape , malgré qu’il en ait , eft de raporter les
deux Venions , qui fe contredifent, d’ajoûter les raifons &les
autorités, fur quoi les uns & les autres fe fondent , & d’en laif-
ler le jugement au Public.
M. de Ribaut, difent les Hiftoriens François , fe trouvant
dégradé fur une Côte , qu’il ne connoiffoit point , fans armes ,
& fans provifions , voulut eflayer de regagner la Riviere de
May. Il eft plus aife de concevoir, que de dire, combien de con-
tretems fâcheux , de miferes , de fatigues cette Trouppe infor¬
tunée eut a effuyer, en marchant dans un Pays inconnu , inha¬
bité , & fouvent impratiquable. Enfin ce Général ayant aperçu
par hazard a la Cote une Chaloupe abandonnée , il y fit em¬
barquer Michel le Vaffeur , pour aller obferver en quelle fi-
tuation etoit la Caroline.
I V y a^eur s’approcha du Fort allez près pour y remarquer
les Enfeignes Espagnoles : fon retour avec une fi trifte nouvelle
confterna tout le Monde , & on fut affez lontems , fans pou¬
voir prendre aucune réfolution : enfin M. de Ribaut fe déter¬
mina a envoyer Nicolas Verdier , Capitaine d’un de fes Navi-
Lij
1565.
Menendcz
apprend de
mauvaifes
nouvelles de
fa Flotte.
Naufrage de
M. de Ribaut:
contradiction
entre les Hif-
toriens à ce fîx-
jet.
Ce qui arrive
aux François
après leur
naufrage fé¬
lon nos Hiilo-
riens.
■■■
1 565
„ histoire generale
* & le Sergent la Caille , pour fçavoir du Commandant Es¬
pagnol quel iaittement on pouvoir efperer de lui . ces deux
Sommes étant arrivés au bord de la Riviere , vis a-vis la Fo .
tereffe firent un lignai , qui ne fut pas plûtot aperçu , qu on
leur envoya une Chaloupe : on les mena enfuite auComman-
dant à qui ils demandèrent ce qu’étoient devenus M. de Lau-
donniere^ & fa Garnifon ? Le Commandant leur répondit qu a-
nrès la nrife de la Caroline on leur avoit donne un Navire bien
l?r£S Pq r lenUel Us étoient repaffés en France , & que fi M.de
Rjb'au t voulon fe mettre à la Jifcretion, il éprouveroit les me-
S2S& Envoyés crurent fec.re , les «f-
sûra & ils fe hâtèrent d’en aller faire part a leur General. Le
av^s furent néanmoins partagés entre les François , les uns fou-
avis turent ^ Gens , qu’on fçavoit avoir pour
priirc pî qu “ ohlt une chofe àgïéable à Dieu que d’ex-
rermmer ceux , qui ne profeffoient pas la Religion Romaine ?
& les autres difant qu’une prompte mort etoit prefeiable a
la trifte Situation , où ils fe trouvoient. Ribaut penfoit comme
ce ern e s , & entraîna tout le Monde dans fon fentiment. La
Caille fut renvoyé à San Matheo , & ne demanda que ce que le
co i x. j p cette Place avoit offert lui-meme , a fçavoir y
repaffer enFrance ,&,*» leur
fourniroit un Vaiffeau avec tous fes agrez , & les provifions ne-
cXe° Le Commandant le promit de nouveau , & en jura
VeYécution fur ce qu’il y a de plus iacre.
Aprè des affûrafices fi formelles , il n’y eut perfonne parrnt
lesYrançois , qui fît aucune difficulté de fe livrer entre les mains
des Efpagnols; ceux-ci leur envoyèrent des Chaloupes , mais
à peineeurent-ils paffé la Riviere, qu’ils comprirent qu ils etoient
trahis. A melure qu’ils fortirent des Chaloupes , on les lia qua¬
tre à quatre : Meffieurs de Ribaut & d’Ottigm furent menes ieuls
dans^a Place du Fort , où ayant demande a parler au Com¬
mandant pour fçavoir de lui la raifon d un traitement fi con¬
traire à ce qu’on leur avoit promis, on leur répondit que le Corn
Soldat vint trouver M. d. Ri;
baut & lui demanda s’il n’étoit point le General des François !
Il répondit qu’il l’étoit. „ N’avez-vous pas toujours prétendu, re-
„ parut le Soldat , que ceux , qui étoient fous vos ordres , von
obéiffent ponauellement ? Sans doute , répliqua Ribaut , qui n<
Xt
-
"J. *
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL
comprenoit pas bien où tendoit ce difcours. Ne trouvez donc « 1565.
pas étrange , reprit le Soldat , que j’exécute auffi l’ordre que j’ai « y
reçu de mon Commandant “ , & en achevant ces mots , il lui
enfonça un poignard dans le cœur. Un autre Soldat fit les mê¬
mes queflions 9 & le même traitement à d’Ottigni , qui prenoit
le Ciel à témoin de la perfidie des Efpagnols.
Cette première exécution fut un lignai pour la Garnifon , qui
fe jettaàl’mftant furies François 9 & tous furent égorgés en un
moment. Suivant un Mémoire , qui ne paroi t pas fufpecl en ce
point j huit cent François périrent parles mains des Efpagnols ;
mais il 7 a bien de l’apparence qu’il faut comprendre dans ce
nombre tous ceux , qui avoient été tués à la prife de la Caroli¬
ne. Il eft certain d ailleurs que Menendez referva plufteurs Ar-
tifans , & autres Gens de travail pour les ouvrages , qu’il vou-
loit faire à San Matheo & à S. Auguftin.
Quelques-uns ont écrit que M. de Ribaut fut écorché vif,
&: que fa peau fut envoyée en Efpagne ; mais je ne trouve point
ce fait allez fonde en autorités. Une pièce allez curieufe 9 qui
fut préfentée l’année fuivante au Roy Charles IX. fous le titre
de Supplique des J$duves & des Enfans de ceux } qui avoient été
maffacres en Floride , dit feulement qu’après qu’un Soldat eut
frappe le General par derrière , il tomba fans connoilïance ;
qu il fut achevé fur le champ , & qu’enfuite on lui coupa la bar¬
be , que D. Pedro Menendez envoya à Seville , comme un tro¬
phée de fa viéloire ; que fa tete partagée en quatre fut expofée
fur autant de picquets ; que les cadavres de ceux , qui avoient
ete tues a la prife ae la Caroline , furent aportés dans le lieu , où
les derniers venoient d’être malfacrés ; qu’on traita avec une in¬
dignité fans pareille les relies affreux de ces miferables, & qu’en¬
fuite on les brûla tous enfemble.
Le détail , que je viens de rapporter , d’après M. de Laudon-
niere , qui 1 a ajoûte à fa Relation , ell principalement fondé fur
le récit d un Matelot de M. de Ribaut , dont l’avanture a quel-
(|ue chofe de fort furprenant. Cet Homme avoit été lié comme
les autres , & avoit reçu plulieurs coups de poignard , qui le fi¬
rent tomber évanoui fous les quatre autres 3 avec lefquels il étoit
attache . On ne dqutoit point qu’il 11e fût mort , mais la nuit fui¬
vante il revint à lui , & le fouvint qu’il avoit un couteau dans fa
poche , il s’en fervit pour couper fes liens 9 fe leva , & gagna Le
Pois. 11 banda enfuite fes play es le mieux qu’il put , & ne fe
croy ant pas en sûreté fi près des Efpagnols 9 il s’éloigna , & mar¬
cha trois jours , fe réglant fur le Soleil.
Aventure fin
guliere d'un-
«D
Matelot.
5 6 5
8(î HISTOIRE generale
Il arriva enfin dans un Village , dont le Chef voulut bien le re¬
cevoir : on le panfa , & on le traita bien .1 guérit parfaitement,
££ au bout de huit mois le Paraouft. lui déclara qu il ne pou-
“oit plus le garder , & qu’il falloir qu’il s’allât rendre aux Espa¬
gnols, ou qu’il le leur livreroit. Etourdi de cette déclaration ,
le ne fçaehant à quoi fe réfoudre , il prit enfin le parti de s eva-
der & après avoir lontems erré à l’aventure , il fe trouva a deux
lieu’ës de^ San Matheo. Alors il lui prit un redoublement de
frayeur , qui le mit hors de lui-même , & ne pouvant gagner fur
foi^de fe remettre entre les mains de fes Bourreaux , il relolut de
demeurer où il étoit , & de s’y laiffer mourir de faim.
Il avoit déjà paffé quatre ou cinq jours , fans lien prendie ,
& il n’avoit prefque plus la figure d’Homme, loriqu il fut ren¬
contré par un Chaffeur Efpagnol , leque fut d abord faifi d hor¬
reur à la vûë de ce Malheureux , qui lui demandoit la vie a
mains jointes. Il lui promit d’employer toutfon crédit auprès
du Gouverneur , pour lui obtenir fa grâce , & il ne voulut pas
même le conduire au Fort, quonne la lui eut accordée. Le
Matelot fut mis enfuite parmi les Efclaves ,& demeura une an¬
née entière dans le Fort en cette qualité. About de ce tems-la
on l’envoya à la Havane , où- on le joignit a un Gentilhomme
François , nommé Pompierre , qui etoit pnfonmei dans ce Port
depuis la malheureufe équipée des Séditieux de la Caroline , ou
Havoit étéengagé malgré lui. On les attacha enfemble avec une
chaîne de fer & on les vendit à des Portugais , qui alloient au
Brefil. Par bonheur le Vaiffeau , qui les portott , fut pris par
un Capitaine François , nommé-Bontems , & ils recouvrèrent
ainfi leur liberté , dans le tems qu’ils avoient tout lieu de croire
que leur efclavage ne finiroit qu avec leur vie. ^
J’ai dit que cette Relation eft la fource , ou ont puile tous
ceux , qui ont écrit la tragique cataftrophe des François dans la
Floride ; mais il y a une fi grande diverfite de circonftances
dans le narré , qu’ils en font , qu’on a bien de la peine a y dé¬
mêler l’exacle vérité. Cependant tous conviennent allez de ce
qu’il y a de plus effentiel , & furtout de la parole donnée avec
ferment à M. de Ribaut , de lui fournir un Vaiffeau pour repaf-
fer en France avec tout fon Monde. M. de Thou ajoute queD.
Pedro Menendez ne fe comporta , comme i fit a 1 egard des
François de la Floride , que par 1 impreffion des principaux Mi¬
nutes de la Cour de France , qui lui donnèrent avis, du départ
de M. de Ribaut, afin qu’il les pourfuivit & les combattit. L Hi-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL 87
ftorien moderne de la Floride prouve affez bien la fauffeté de
cette prétention ; mais fi les François de la Floride n’ont point
été defavoüés par leur Souverain , fi Meilleurs de Ribaut 8c
de Laudonniere ont eu des Commifîions de ce Prince pour bâ¬
tir des Forts , &pour faire des établiffemens dans cette par¬
tie de l’ Amérique , où l’Efpagne n’en a voit jamais eu aucun ,
maniéré , dont ils furent traités en plei-
5 ^ 5
comment
iqi
_ t juffiner la maniéré , dont ils furent
ne paix , félon le récit même , qu’en a fait le Do&eur Solis de
LasMeras , dont la Sœur avoit épouféD. Pedro Menendez,
8c qui accompagna ce Général dans fon expédition ? C’eft fur le
témoignage de ce Dotfeur , qui parle comme témoin oculaire ,
& qui a été copié par D. André Gonzalez de Barcia , que je vais
opte par u. /inare vronzaiez üe rsarcia , qi;
rapporter la fécondé verfion de la fin de cette Tragédie , dont
on va voir la fcéne tranfportée de San Matheo à S. Auguftin.
Tandis que D. Pedro Menendez s’occupoit à fortifier ce
dernier Polie, dans la crainte que M. de Ribaut ne vînt l’y atta- Verfion des
quer , quelques Sauvages lui donnèrent avis qu’à quatre lieues Efpagnois.
de-là il y avoit beaucoup de Chrétiens fort embarraffés à palier
une Baye , qui n’étoit pourtant que l’embouchure affez étroite
d’une petite Riviere. Sur cette nouvelle l’Adelantade prit avec
lui quarante Soldats , pour reconnoître par lui-même de quelle
Nation étoient ces Chrétiens ; mais comme il étoit parti fort
tard , il étoit nuit lorfqu’il arriva au lieu , qui lui avoit été mar¬
qué , & il campa un peu en-deçà de la Riviere.
Le lendemain matin il pofta fon Détachement de maniéré ,
qu’il ne pouvoit pas être aperçu ; il monta enfuite fur un Arbre ,
d’où il découvrit beaucoup de monde de l’autre côté de la Baye,
& il remarqua même qu’ils avoient des Bannières. Il defcenclit ,
& s’approcha, & au moment qu’il parut, unGafcon, de S. Jean
de Luz, paffala Riviere à la nage , & l’ayant abordé, lui dit que
tous ceux , qu’il voyoit , étoient des François , qui avoient fait
naufrage. Menendez lui demanda d’où ils venoient , & il ré¬
pondit que c etoit les Gens de M. de Ribaut , Capitaine Géné¬
ral de la Floride pour le Roy de France. L’Adelantade lui de¬
manda s ils etoient Catholiques , & il dit que non. » Vous pou¬
vez apprendre a votre Général , reprit l’Adelantade , que je fuis
Pedro Menendez Vice-Roy & Capitaine Général de la Floride
pour le Roy Catholique Philippe II. que je fuis venu ici avec
des Soldats , parceque j’ai fçu que vous y étiez.
Le François s’en retourna avec cette réponfe , & revint peu
de tems après demander au Général Efpagnol un Sauf-Conduit
«
«
«
«
«
i 5 6*
HISTOIRE GENERALE
Menendez répondit qu’il vouloit bien l’accorder, & que leCom
“X'puvoi. vâi, fur 6 paroi. On lui envoya un Officier
S'auelaues Soldats, qui furent affez bien reçus. LAdelantad
Savoit Près de fa personne que dix Hommes , le refte de fon Dé¬
tachement étoit un peu plus loin , derrière des Butffons difpo-
fés de telle forte, qu’ils paroiffoient être en beaucoup plus grand
nombre qtfils n’étoient en effet. L’Officier en abordant ce Gé¬
néral lui ât qu’ils avoient fait naufrage pendant la dermere te
Üupes qu’il le prio.t de leur prêter fon Batteau pour paffer une
Rave & un bras de Mer plus éloigné de quatre lieues, pour
(Prendre à un Fort , que leP Roy leur Maître avoit a vingt lieues
de’L’Adelantade lui demanda , s’ils Rét°k" nCRaft“ ai0^
l’Officier répondit qu’ils étoientde la Religion Reformee . alo s
■il ; ffif- Cieur ie me fuis rendu Maître de votre Fort,
& fai fait main baffe fur la Garnifon , mais ,’ai epar£e les
Femmes & les Enfans au-deffous de quinze ans ; & afin que
F onWoutiezpoint, parmi les Soldats, que ,’ai ici avec
v°- il v en a deux de votre Nation , à qui j’ai fait grâce , parce
iire^aporKr à^mange^^vous^verre^w^dêux^Cornpitrimie^
lui-même prendre quel-
^Aubout d’une heure ii revint où étoient les François , & leur
demanda s’ils étoient bien convaincus de ce qu il leur a™>t dit
L’Officier lui répondit qu’il n’en pouvoit plus douter , & qu il le
coniuroit de leur donner un Navire pour retourner en France.
Je le ferois volontiers , repartit l’Adelantade , fi vous etiez -
* holiques , & que j’euffe des Bâtimens , dont je puffe me paffer
" S"ec vous , jufqu’àce qu’il fe préfente une occafion pour
» reiter , „ . •] ’i- a noint de guerre entre nos deux Na-
» nous em arque ? fom Freres & Amis. Il eft vrai , répliqua Me-
' Sz ™ ^es François *Carholiques fon, no. Allié, & ».
” a • , ’ il n’en eft pas de même des Heretiques , a qui je fai
: a i 6«,“ 5 sr2,»cé , & a s» I» pi-
»
»
»
»
»
»
»
»
»
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. II. 89
poiirrai ( a ) à tous ceux de cette Sefte , que je rencontrerai fur «
Mer & fur Terre , & en cela je prétens fervir les deux Rois. Je «
luis venu en Floride pour y établir la Foy Catholique & Ro- «
maine. Si vous voulez vous abandonner à ma mifericorde & «
me livrer vos Armes & vos Enfeignes , je ferai de vous ce’oue «
Dieu m’infoirera ; finon , prenez le parti , qu’il vous plaira , mai. *
n eiperez de moi , ni amitié , ni trêve. "
En achevant ces mots il les quitta , leur difant qu’ils fe conful-
taffent. Le Gafcon , dont nous avons parlé , s’offrit alors pour
aller rendre compte à toute la Trouppe de ce qu’il venoit d’em
tendre ^on le lui permit , & il revint au bout de deux heures.
Alors 1 Officier , & ceux ,* qui l’accompagnoient , allèrent re¬
trouver 1 Adelantade, & lui offrirent vingt mille Ducats, s’il vou-
Imt leur affurer la vie. Menendez leur répondit , qu’encore qu’il /
ne fut qu un pauvre Soldat , il n’étoit point capable de fe con¬
duire par des vues d’intérêt ; que s’il avoit à faire une grâce , il
la voudrait faire par pure générofité ; & comme l’Officier infi-
itoK , il lui proteffa qu’on verrait plûtôt le Ciel fe joindre à la
I erre , quon ne le verrait changer de réfolution.
1 tïU1 cett® rép°nfe ^ Officier & les Gentilshommes ren afferent-
Tome I.
Vte e fia la h aria con toda crueldad.
M
histoire generale ^
90 a- Tons les autres déclarèrent qu’ils étoient bons Chré-
guftin. Tous les ai ^ nouvelie Reforme : ils furent auffi-
*»4 s»u"s««- tfisraajsi &3it
mêmes Sauvages , qui miav^u ‘ olffolt au même en-
sfSiïiÉasf
iSsiSsi
COniîlûtôtPclécouvert^ fqu’ Sonnèrent l’allarme , déployèrent
f étendart Royal & deux Bannières de campagne , firent jouer
Ses & S Tambours & fe muent en «j-jg-jf**
A cette vûë l’Adelantade commanda a les Soldats d~
r A L a ':Pimer & de ne donner aucune marque d émotion,
feoir, de dejeuner , oe uc avec fou
pniir i,-.i Ü fe oromena tranquillement lur &
sÊéssmi su
SSS'ÏSftiKSËS
qu’un L’Adelantade fit répondre que puifou.ls avment un Ka
T .,,, rutoit à eux à le venir trouver , s ds avoient betoin as
leur envoyé Ain^Pirogue , qui étoit fur le nvage , quelquun
s^sssît-iîSrÆŒ <-* *■*»
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL ç>i
de M. de Ribaut , Vice-Roy & Capitaine Général de la Floride
pour le Roy de France ; que la derniere tourmente avoit brifé
les Vameaux , qu’d avoit avec lui trois-cent cinquante Fran¬
çois , avec lefquels il deiîroit fe rendre à une Fortereife qu’il
avoit à vingt lieues de-là ; qu’il leprioitde lui prêter des’ Cha-
iouppes pourpaffer cette Rivière, & une autre, éloignée de qua¬
tre lieues de celle-ci , & qu’il fouhaiteroit fçavoir à qui il avoit
a faire.
L’Adelantade lui fit la même réponfe , qu’il avoit déjà faite
aux premiers François , ajoutant qu’il avoit déjà puni de mort
une autre Trouppe echapée du même naufrage , parcequ’elle
s était mal comportée II le condmf.t même , où étoient encore
les cadavres de ces Malheureux, & lui ajoûta qu’il n’avoit
point de Chalouppe* a leur prêter. L’Officier , fans faire paroî-
tre la moindre alteration , lui demanda , s’il ne vouloit pas bien
envoyer afon General un de fes Gentilshommes , ou palfer lui-
merne la Riviere, pour lui déclarer fes intentions ? » Mon Frere, «
reprit lAdelantade portez ma réponfe à votre Commandant , «
& dites lui que, s il veut me parler, il peut me venir trouver «
avec quatre ou fix des fiens , pour délibérer avec eux fur le par¬
ti , qu il lui conviendra de prendre , & que je lui donne pour
cela toute surete. « r
Le Gentilhomme partit avec cette réponfe : il revint au bout
dune demie-heure , & affina l’Adelantade que M. de Ribaut
etoit dnpofe a fe rendre auprès de lui fur la parole : qu’il le
prioit de lui envoyer fon Batteau. Menendez le refufa , & dit
que le General François pouvoir palfer dans la Pirogue fans au¬
cun rifque. Ce fut donc une néceffité pour M. de Ribaut de
s embarquer dans la Pirogue avec huit Gentilshommes : il fut
ien reçu de 1 Adelantade , qui lui fit auffitôt fervir la collation :
il lui montra enfuite les corps morts de fes Gens : il lui reneta
tout ce qu il lui avoir fait dire de la prife de la Caroline , & s’a¬
percevant qu il ne le perfuadoit pas , il fit venir deux François ,
etoit'vraye.tOUt VÛ’ & ^ affûrerent à leur Général <P* ^ chofê
Alors M. de Ribaut dit au Général Efpagnol que les évene-
ver auteFmVnc ’ ét01ent ™ , que touï fe qu?veno,t d’arri¬
ver aux François , pourrait bien lui arriver un jour à lui-même ■
que leurs Rois étaient Frères & Amis , & qu’au nom de cetté
îance il le conjurait de lui fournir un Bâtiment & des vivres
pour retourner en France ; mais il n’en put tirer d’autre répon-
M ij
1565
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I s6 5‘
92
fe
HISTOIRE generale
eue celle , qui .voit été faite à la première Trouppe. Sur
l’onl dit qu’il alloit délibérer avec fon Confeil ,
toi iian-H _ 1 r^filcliommes . il nepoui
" ' ' Au rm’il alloit délibérer avec îuu ^umv» 5 parce qn aïant
RiÜ” «p"E'Cà™« » & » “>™ d' “oi! 1*u'“ d”
retour. , fec Gens confentoient à
U dit à FAdelantadequunepame. de te i plus grand
fe livrer à fadifcretion , mais ique ce jP maîtPs df faire
nombre. Menendez rebondit qu ^ ^ indifferente. M.
»
»
*>
$>
CcUa , 'lu'‘l
plus de cent mille ; Uucats 1 pour kur d’entr’eux
neroient encore davan g, P S pasmême trop éloignés
étoient fort riches , & V s « «oient^p fauftir^rauroii
de refter dans le Pays, ^ Menendez. pour exécuter
bien beynde^coms re^a ^ Maitre , qui font decon-
Æ «-il Flor.de W abUr l’Evangile ; H -
fâche beaucoup de ne pouvoir en profiter GénéralEfpa_
Cette réponfe fit juger a M. vouloir bien lui
gnol fe laideron à la fin tenter , ^ Obérer avec fa
accorder demiere réponfe. Il obtint ce
SEndoit , S’v.nt
tenter à l’ Adelantade deux Etendatts lundu
& l’autre de 1 Amiral de o ign . . ^or tr^s_bien travail-
gnies , une Epee , une Dagu , ?Jachet que l’Amiral de
fé , un Bouclier un P.ftolc ’fc5kr en fon nomïes Provifions.
Coligm lui avoir donne 1, pour foi ci ante per.
Lues , auffi-bien que à , à fe
livrer enne^éTmains^qu’il pouvoir envoyer fon Barreau pour
leSZ’aAdeeia„tade en donna fur le champ
avoit fait la première fois. M. d ^ >, ^ dema„.
avec lui , furent auüi lies , apr q > u rénondit
da s’ils étoient Catholiques ou R & commenta
pour tous , qu’ils étoient de la nouvelle Reforme , ôc co y
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL 95
à réciter le Pfeaume Domine , memento mei 3 &c. (a) Puis il
dit : » Nous fommes fortis de la terre , & nous devons tous y
retourner , vingt ans plûtôt, ou plus tard, c’eft tout un , qu’on
faffe de moi ce que l’on voudra. » L’Adelantade donna aum-tot
le lignai pour les expédier , & il fut obéi. Il fe trouva encore
dans cette bande quatre Catholiques , aufquels 011 lit grâce.
Menendez retourna enluite à S. Augudin , où quelques-uns le
taxèrent de cruauté : les autres , non-feulement aprouverent
fa conduite , mais ajoutèrent^ que quand bien même tous les
François auroient été Catholiques , on eût dû les exterminer,
par la raifon , qu’y ayant peu de vivres à S- Auguftin , tant de
Frifonniers y auroient bientôt mis la famine ; outre qu’étant en
plus grand nombre que les Efpagnols , ils auroient pu fe rendre
maîtres du Fort , & malfacrer la Garnifon en reprefailles de ce
qui avoit été fait à la Caroline-
Environ trois femaines après cette expédition , FAdelantade
fut averti par des Sauvages , qu a huit journées de S. Auguftin
vers le Sud, à la Côte de Canaveral, qui borde le Canal de Baha-
me , il y avoit encore des François , qui bâtilfoient un Fort , &
conftruifoient un Navire.. Il ne douta point que ce ne fulfent les
deux-cent Hommes , qui avoient quitté M- de Ribaut , & dé¬
pêcha fur le champ un Courier au Gouverneur de San Matheo ,
avec ordre de lui envoyer cent cinquante Hommes. Ce Déta¬
chement arriva à S. Auguftin le vingt-trois d’Octobre , fous la
conduite d’André Lopez Patiho , & de Jean Velez de Medra-
no , Menendez le renforça d’un pareil nombre de Soldats de fa
Garnifon , & partit le vingt-fix avec cette Trouppe , marchant
à pied , & faifant fuivre les armes , & les vivres fur deux Bat-
teaux , qui moüilloient tous les foirs vis-à-vis de fon camp.
Le premier de Novembre il découvrit les François , qui fort
furpris de voir arriver les Efpagnols , fe fauverent fur une Mon¬
tagne. Menendez leur envoya dire qu’ils pouvoient venir fans
crainte , & que non-feulement il leur donnoit sûreté pour la
vie, mais qu’il les traitteroit même comme fes propres Soldats . La
plûpart fe fièrent à fa parole , & il la leur tint exactement ; il s’en
fervit même dans la fuite de fes expéditions , & il en gagna plu-
fieurs a la Religion Catholique ; mais leur Commandant , &
une vintaine d’autres répondirent à fon Envoyé qu’ils aimeroient
mieux être mangés par les Sauvages , que de fe livrer entre fes.
mains. Il méprifa leur petit nombre , & il les laiffa en repos ^ IL
D] Il n’y a point de Pfeaume , qui commence par ces mots.
\
94 histoire generale
“7 - fit mettre le feu au Fort & au Vaiffeau , qui étoient déjà bien
1 5 6 5 • avallcés , & il s’en retourna à S. Auguftin , fort content de s e-
tre défait de tant de François , qui auroient pu lui faire un mau¬
vais parti , fi M. de Ribaut eût voulu fuivre le Confeil de M.
de Laudonniere ; ou fi la tempête , qui fit périr fes Navires , eut
feulement commencé deux heures plus tard.
Il eft affez inutile que j’ajoûte ici mes reflexions fur la ditieren-
ce & les contradictions , qui fe rencontrent dans les deux Rela¬
tions , que je viens de rapporter .: mes Lecteurs les feront aulii-
bienque moi ; mais je ne puis me difpenfer de reconnoître beau¬
coup plus de vraifemblance dans la dermere , que dans la pre¬
mière , & j’avoue que j’aurois bien de la peine à taxer un Hom¬
me d’honneur d’une perfidie aufli noire , que 1 auroit ete celle du
Gouverneur de San Matheo , fur la foi d’un feul Homme , qui ,
dans les circonftances , où il fe trouvoit , aigri par une longue
& dure captivité , animé par la haine , que fa Religion lui in -
piroit contre les Catholiques , n auroit pas même dû être admis
en Juftice à accufer un Particulier ; & il efl: affez furprenant
qu’on n’ait pas même fongé alors à révoquer en doute un fait de
cette nature , & qui n’étoit apuyé que fur un témoignage li jul-
tement fufpeêt. .
indifférence Après tout , le fait , tel que les Efpagnols memes le raportent,
de u Cour fut 'toitrDjus que fuffifant pour exciter en France l’indignation pu-
“Teu ‘S: blique : auffi ne fut-elle pas bornée à ceux , que intérêt de la
Religion devoit rendre plus fenfibles au traitement tait a leurs
Confrères de la Floride. Neanmoins la haine , que la Cour por
toit aux Huguenots, & furtout à l’Amiral de Coligni leur Cher,
lequel avoit prefque toujours les armes a la main contre fon Roy,
& contre la Religion de fes Peres , contribua beaucoup a 1 indif¬
férence , qui fuccéda bientôt à ces premiers mouvemens, infpi-
rés par la nature & par l’amour de la Patrie. Ainfi par un effet
bien trifle des malheureufes conjpn&ures , où fe trouvoit le
Royaume, les Sujets du Roy , qui venoient de périr en Amé¬
rique par la main des Efpagnols, furent bien moins regardes
comme tels par laplûpart de ceux , qui gouvernoient alors , que
comme les Créatures du plus mortel Ennemi , qualifient alors
la Religion & le Prince. Outre que la fituation de Charles IA.
ne lui permettoit pas de fe brouiller avec le Roy Catholique.
L’honneur du nom François n’auroit donc point été venge, fi un
Particulier n’eût entrepris de le faire à fes frais , & a fes raques.
Qui étoit le Ce zélé Citoyen fut le Chevalier Dominique de Gourgues ,
Chevalier de
de.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL 95
Gentilhomme Gafcon , né au Mont de Marfan , dans la Comté
de Comminges , d’une Famille diffinguée de tout tems par un
attachement inviolable à l’ancienne Religion : lui-même ne s’en
éloigna jamais , quoique le dernier Hifforien Efpagnol de la Flo¬
ride l’ait accufé d’avoir été Hérétique furieux, {a) Il y avoit alors
peu d’Officiers Subalternes en France , & peut-être dans toute
l’Europe , qui fe fût acquis une réputation plus brillante à la
guerre , & qui eût effuyé plus de revers de la Fortune. Il avoit
fervi fort jeune en Italie , & un jour , qu’il commandoit un Dé¬
tachement de trente Hommes près de Sienne en Tofcane , il
foûtint allez lontems tous les efforts d’une partie de l’Armée Es¬
pagnole : à la fin, tous fes Gens ayant été tués autour de lui,
il fut pris , envoyé aux Galeres , & mis à la chaîne en qualité de
Forçat ; l’acharnement, avec lequel les Efpagnols faifoient
alors la guerre à la France , leur faifant oublier leur ancienne
générofité au point de violer ainfi les Loix de la guerre , & de
punir d’un honteux efclavage des avions , que dans le fond du
cœur ils ne pouvoient manquer d’admirer.
La Galere , fur laquelle le Chevalier de Gourgues ramoit , fut
prife par les Turcs fur les Côtes de Sicile , conduite à Rho¬
des , & de-là à Conffantinople : mais ayant été remife en Mer ,
elle fut reprife par les Galeres de Malthe , & M. de Gourgues
recouvra ainfi fa liberté. De retour chez lui , il fe mit en tê¬
te de voyager fur Mer ; il paffa d’abord en Afrique , puis au Bre-
fil , & de-la a la Mer du Sud , dit Lefcarbot ; mais cet Auteur a
pris fans doute la Mer du Sud pour la Mer des Indes , puifqu’il
certain que dans le XVI. fiécle aucun François n’avoit enco¬
re été fur la Mer du Sud.
On ne dit point combien de tems le Chevalier de Gourgues
employa dans ces voyages , ni ce qu’il y fit ; mais il eft certain
qu il ne faifoit que d arriver en France, avec la réputation d’être
un des plus haûiles , & des plus hardis Navigateurs de fon fié-
cle , lorfqu on y apprit la prife de la Caroline par les Efpagnols,
& le maffacre des François. Il en fut vivement touché , & pour
1 honneur de la F rance , & pour l’intérêt , qu’il effimoit qu’on
de voit prendre a la confervation d’un fi beau Pays ; d’ailleurs
1 krûioit du defir de venger les propres injures. Tant de motifs
prelians lui firent former le deffein de châtier les Ufurpateurs de
la F loride , ou de mourir à la peine.
Pourfe mettre en état d’executer un deffein fi hardi , & quipa-
( * ) Herege terrible.
1 5 6 5-
Gourgues ; fes
premières
aventures.
I 5 67.
Il fe difpofe
à chaffer les
Efpagnols de
la Floride.
Son déparÿ
de France,
c histoire generale
Liffoit au-deffus du pouvoir d’un Particulier il vendit tout fou
bien , fit de gros emprunts , & arma deux Roberges , & une Pa-
tache en forme de Fregate du Levant. Ces trois Batimens pou-
voient aller à la rame pendant le calme , & uroient fort peu
d’eau en forte qu’il leur étoit facile d’entrer dans la plupai t d
Rivières de la Floride. Quatre-vingt Matelots choifo foirent
leur équipage ; mais ils portoient cent cinquante Soldats 6.
CtaTs^cfon’t centrent Arbalétriers , & U .plupart Gen¬
tilshommes. L’armement fe fit a Bourdeaux , dou lEfcadre
étant partie le fécond jour du mois d Août de 1 annee 1567. fut
arrêtée huit jours de fuite à.Royan par les vents col]“îqes ’ P“1S
obligée par une violente tempête de fe jetter dans la Charente ,
où elle refta jufqu’au vingt-deux. Cnur
Elle avoit des provifions pour un an , & le Chevalier de Gou *
gués s’étoit muni d’une Commiffion de M. de Montluc , Lieute¬
nant pour le Roy en Guyenne ; mais elle n’eto.t point pour la
Floride, elle lui donnoit feulement pouvoir d aller fur la,V° e “
Bénin en Afrique , & d’y enlever des Nègres ; car il ne s etoit en
core expliqué à perfonne furie fujet de fon entreprise. A pe
étoit-ilen pleine Mer , qu’il fut furprts dune fécondé tempete ,
qui fit difparoître un de fes Navires. Il avoit pourvu a cet acci¬
dent , & avoit donné à tous fes Pilotes le rendez^ous al em¬
bouchure de Rio delOro fur la Cote d Afrique , & fon 1 N avire
l’y rejoignit en effet. De-là il rangea la Cote jufqu au Çap blanc ,
où trois petits Princes Negres vinrent 1 attaquer a 1 inftipnon
des Portugais ; il les battit par deux fois , puis continua a fa
la même rSute jufqu’au Cap Verd, d’où il tourna tout court vers
ïi arrive à la La première Terre , où il aborda , fut la Dominique , une des
m= de Cuba. H Antffles , il alla enfuite à Portonco , puisa la Mona
dont le Cacique lui donna quantité de rafraichiffemens. Apres
quoi , voulant gagner le Continent de la Flor.de , une nouvelle
tempête le contraignit d’entrer dans le Port de S. Nico.a , _
Côte Occidentale de l’Ifle Efpagnole : il y radouba un de les
Vaiffeaux, que la tourmente avoit beaucoup endommage , a v
perte d’une bonne partie de fa provifion de Bifcuit. Pour co -
ble de difgrace les Efpagnols ne voulurent jamais lui vendie des
Farines ,& il ne faifoit que de fortir du Port de S. Nicolas ,
qu’un ouragan furieux , qui le portoit à la Cote , le mit en un
danger éminent de périr. Enfin il gagna avec bien e ape
Cap de S, Antoine y qui fait la pointe Occidentale de Çu a. ^
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL 97
Ce fut là qu’ayant affemblé tous fes Gens , il commença par - —
leur peindre avec les couleurs les plus vives les cruautés , que les 1 * ^
Efpagnols avoient exercées contre les François dans la Floride.
» Voilà , ajoûta-il 5 mes Camarades , le crime de nos Ennemis. «
Et quel ferait le nôtre , fi nous différions plus lontems à venger «
l’affront , qui a été fait à la Nation Françoife ? C’eff ce qui m’a «
engagé à vendre tout mon bien , c’eff ce qui m’a ouvert la bour- «
fe de mes Amis ; j’ai compté fur vous , je vous ai cru affez ja- “
loux de la gloire de votre Patrie , pour lui facrifîer jufqu’à votre «
vie en une occafîon de cette importance ; me fuis-je trompé ? «
J efpere vous donner l’exemple , être par tout à votre tête <f
prendre pour moi les plus grands périls ; refuferez - vous de me
fuivre ? «
Le commencement de ce difcours caufa quelque étonnement
dans l’efprit de plufieurs ; mais à la fin les Gens de guerre se-
tant déclarés avec des grands cris de joye , tous protefler ent
qu iis eto lent prêts d’aller où on voudrait les mener. De Gour-
gues eût bien voulu profiter de cette ardeur , & mettre fur le
champ à la voile , mais il crut devoir attendre la pleine Lune
pour paffer le Canal de Bahame. Il le paffa enfin , & découvrit
bientôt les Terres de la Floride. Les Efpagnols étoient fi éloi¬
gnes de croire qu on fongeât en France à reconquérir ce Pays
qu ayant aperçu les trois Navires, ils ne firent aucun doute qu’ils
ne fuffent de leur Nation , & les faluerent, comme tels, de deux
coups de Canon , quand ils les virent paffer devant la Riviè¬
re de May. Le Chevalier de Gourgues leur répondit coup
pour coup , paffa outre , en tirant un peu au large , & la nuit
heil&de celle de R *Viere Seine 5 (a) éloignée de quinze
E
Il arrive e«
I loride.
11 7 f ja/-qUrntité ^Sauvages, qui le prenant pour un Ef- En q„t„e diC
lgn°l ? fe difpofoient a s oppofer à fon débarquement; mais il pofîtion il
Ur envova Inn T rntnnôt-a r - : _ i—i • i r- ■» »■ trouveles San*
“ i rr — **• vr^i>a.i quCiiiciiL, ma
;ur envoya fon Trompête , qui avoit fervi en Floride fous M.
de Laudonmere , & fçavoit affez bien la Langue du Pays. Cet
Homme reconnut Satunova , qui fe rencontra par Lazard avec
le Paraouffi du Lieu , & lui adrefTant la parole , il lui dit que les
rançois venoiem renouveller l’alliance , qu’ils avoient eue
avec lui les années précédentes ; & la maniéré , dont fut reçu
-on compliment , lui donna lieu de juger que ces Peuples lie¬
raient nas contens des Efpagnols. F 6
Le lendemain Saturiova fuivi d’un grand nombre de Sau-
( 4 } Tomff°n manufcrittc de CetCe exPédition » V* & garde à la Bibliothèque du
vages.
i 5 6 7'
Ligue con
clue entr’eux
& les Fran¬
çois.
»
»
»
s histoire generale
Jer , que le rarauui ^ r ^ plus fouffrir
trfir 'S ^d». .v« ;«
fujets de plai ■ J ‘j pour venger leurs injures commu-
nesS,n& qùe'te fon côté il ne manquerait à rien de ce qui pouvoir
affûrer fa vengeance. venu à ce deffein ; mais
' r m i q ue m eit ^ P ou r "r e n o ti e r les anciennes alliances des François
érSm
“*SffiîSSEii
I CIsTous ioindrezraus moi , & que je puis me promettre
* t0' Samriovaefm charmf deVes dffcom^' & la ligue fut bientôt
conclue. On fe fit des préfens de part & d autre ; ^.s e Paraom
fti en fit un au Chevalier de Gourgues , _ qui lui tut Rb‘e" ...
^-■•^r^iriSSsssîs^îS^SîW «J*
nu°faire pour l'obliger à le leur livrer , & qu’il avoir toujours
pu taire pour S . p ivans tous les Paraouftis ,
‘fXux ouÆ déhber, de
la maniéré , dont on attaquerait les Eipagnols cW f ut réglé
qu’un Gentilhomme de Commmge nomme c * ES™E ^ avec
rpofitlon Mais le Général , avant cjuede M. dEft . ^ ^
StfFi’ V& celleTfoFemmes qu’il aimoit le plus. Les En-
Ws rêvinrÏmau bout de trais jour?, ils rapportèrent que 1 Em
Roy . nomme ce«e Rivlae Ta,— . * &<f* >= ** * “ Ca“,°n,
porcoit aufli le même nom.
D
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lrv. IL 99
de la Riviere , étoient en fort bon état ; de B ray affûra en même - T — -
tems que la Garnifon de ces trois Forts étoit de quatre cent 1 ^
Hommes. Ce raport lit juger à M. de Gourgues , qu’il ne devoir
compter pour le fuccès de fon expédition , que fur la furprife Sc
le fecret , & ayant marqué le rendez - vous général de toutes
les Trouppes à la Riviere de Somme (a ) , elles s’y trouvèrent
au jourprefcrit.
Les Sauvages , après avoir bu , félon la coûtume , leur Apa-
lachine , firent ferment , à leur maniéré , de ne point abandon¬
ner les François , & on fe mit auffi-tôt en marche. On y fouffrit
beaucoup , parceque c’étoit la faifon des pluyes , & quoiqu’on
n’eût fait le premier jour que deux lieues , les François fe trou¬
vèrent extrêmement fatigués. Il y avoit encore deux lieues à fai¬
re , pour arriver au premier des deux Forts , qui couvraient San
Matheo , & le Chevalier de Gourgues n’avoit rien pris de tout
le jour ; cependant comme tout dépendoit de la diligence , il
prit avec lui un Guide & dix Arquebufiers , & partit pour aller
reconnoître le Fort , qu’il étoit réfolu d’attaquer le lendemain;
mais une petite Riviere , qu’il falloit paffer , fe trouva tellement
gonflée par les pluyes , & par la marée , qui montoit encore ,
qu’il ne lui fut pas poffible d’aller plus loin.
Il s’en retourna donc au Camp fort triffe „ mais un Sauvage On marcha
lui ayant promis de le conduire par un chemin plus aifé , il fe re- au piemieE
mit fur le champ en marche avec tous les François , & donna F°ft*
ordre aux Sauvages de prendre par les Bois , 8c de fe trouver au
point du jour au paffage de la Riviere. Cet ordre fut pon&uelle-
ment exécuté ; mais la Riviere ne fe trouva encore guéable en
aucun endroit , & il furvint une pluye fi abondante , qu’on eut
bien de la peine à en garantir les Armes. Le tems s’éclaircit en¬
fin, & M. de Gourgues , à la faveur d’un petit Bois , décou¬
vrit le Fort tout à fon aife. Il obferva que tout le Monde y étoit
en mouvement , & il ne douta point qu’il n’eût été découvert ;
mais ilfe trompoit, il fçut depuis que c’étoit une Fontaine, qu’on
raccommodoit.
Vers les dix heures , la Marée étant toute baffe, on paffa la Ri¬
viere , non fans beaucoup de difficulté ; car outre qu’on y avoit
de 1 eau jufqu a la ceinture, le fond en étoit femé de grandes Huî¬
tres tranchantes , qui coupoientles fouliers , & bleffoient même
les pieds des Soldats ; pour ce qui efi: des Sauvages, qui étoient
nuds pieds , ils fçavoient le moyen de les éviter ; d’ailleurs il y
( 4 ) Le Manufcat déjà cité la nomme Samba,
N ij
i $ 6 7.
Sa prîfe; bel¬
le adlion d’un
Sauyage.
Le fécond
Tort eft aban¬
donné à l’ap¬
proche des
Sauvages.
100 HISTOIRE GENERALE -.
en avoit fort peu à ce paffage , la plupart ayant traverfe la Ri¬
vière à fon embouchure dam» des Pirogues. „
Jufques-là les Efpagnols ne fçavoient pas qu il y eut des
François dans la Floride , & rien ne fit mieux fentir au Cheva¬
lier de Gourgues combien les naturels du Pays haiiioient leurs
nouveaux voifins, que le fecret, qu’ils gardèrent en cette occa-
fion. Enfin toutes les Trouppes étant au- delà de la Riviere , &
pleines d’ardeur d’en venir aux mains ; le General ne crut pas
devoir perdre un tems fi précieux à haranguer les Soldats , il e
contenta de leur reprefenter en deux mots la juftice de leur cau-
fe , que Dieu ne manquerait pas de favonler , & il ht former la
charge. Il avoit divifé fa petite Trouppe en deux bandes ; il en
donna une à commander au Sieur de Casenove fon Lieute¬
nant , il fe mit à la tête des autres , & s’avança lentement en
ordre de bataille^ . . ,
Du moment qu’il eut paffé le Bois , qui le couvrait , on tira
fur lui avec deux Coulevrines, que M. de Laudonmere avoit
laiffées dans la Caroline. Les premiers coups furent tires de trop
loin ; mais on alloit recharger , & les premiers rangs commen
coient à fe débander, lorfque le brave Olocotora , qui ne quit-
toit point le Général , fe ghffa , fans être aperçu , jufqu au pie
de la Plate forme , où les deux Coulevrines etoient dreffees ,
fauta deffus , & paffa une Picque , dont il s etoit arme , au tra¬
vers du corps du Canonier. La hardieffe de ce Sauvage fit croire
aux Efpagnols qu’il n’étoit pas feul , ou plutôt leur ôta le juge¬
ment. L’épouvante les faifit , ils fortirent du Foit , & fe mirent
à courir confirment du côté, où étoit Cafenove, qui en avertit
fon Général par de grands cris. De Gourgues y courut , mules
Ennemis entre lui & fon Lieutenant , & tomba fi brufquement
fur eux, que defoixante qu’ils étoient, il n en refta, apres le pre¬
mier choc , que quelques-uns , qui furent pris , & referves a une
Cependant le Canon du fécond Fort droit fans ceffe , & m-
commodoit les nôtres. Pour faire ceÛer ce feu , le General fit
placer fur le bord du Fleuve les deux Coulevrines (a) deux
autres pièces d’ Artillerie , qu’on avoit trouvées dans le premier
Fort, & cela eut fon effet. Il paffa enfuite avec quatre-vingt
Hommes dans une Barque , qu’il avoit fait venir a ce deüein *
( d ) La Relation manufcrkte , qui fe garde
dans la Famille de MM. de Gourgues » ne
parle que d’une Coulevrine aux Armes de
France , avec le nom d’Henry 1 1. & de trois
pièces de Canon.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IL ici
& il avoit promis aux Sauvages de la leur renvoyer , dès qu’il
feroit débarqué ; mais ils n’eurent point la patience de l’attendre,
ils fe jetterentàla nage , en pouffant des cris affreux : les Efpa-
gnols en furent effrayés , & ne fe crurent pas en sûreté derrière
leurs retranchemens , iis fefauverent dans le Bois , où M. de
Gourgues , qui s’y étoit mis en embufcade , les envelopa , & les
tailla en pièces. De foixante quils etoient , il n’en épargna que
quinze , qu’il retint Prifonniers. Il entra enfuite dans le Fort , où
il ne rencontra perfonne ; il le fit démolir , & emporter les vi¬
vres & les munitions dans le premier , dont il fit fa Place d’Ar
mes. Tout ceci fe paffa la veille de Quafimodo.
La Caroline avoit encore plus de deux-cent Hommes de Gar-
nifon , mais la conffernation y étoit grande ; le Chevalier de
Gourgues avoit parmi fes Prifonniers un vieux Sergent de ban¬
de , il tira de lui par ménaces l’état & le plan de la Place ; l’ayant
examiné avec foin , il comprit que le moyen le plus sûr de s’en
rendre le Maître , étoit l’efcalade , & il la refolut. Il employa le
Dimanche & le Lundi à faire fes préparatifs , & il lui vint pen¬
dant cet intervalle un fi grand nombre de Sauvages , que com¬
me ils rempliffoient tous les environs de la Caroline , il ne fut ja¬
mais poffible aux Efpagnols d’en fortir, pour reconnoître les for¬
ces des Affaillans. Il y en eut pourtant un , qui s’avifa de fe dé-
guiferen Sauvage , mais Olocotora l’ayant découvert , l’amena
au Général.
Cet Homme affûta qu’il étoit de la Garnifon du fécond Fort ,
& dit qu’il s’étoit travefli de la forte , pour fe fauver plus aifé-
ment , n’efperant point de quartier de la part des Sauvages , s’il
tomboit entre leurs mains ; que fon deffein étoit de fe jetter en¬
tre les bras des François , & qu’il. croy oit fa vie en sûreté , puif-
qu’il étoit Prifonnier d’une Nation renommée par toute la Terre
pour fon humanité. Par malheur pour lui , le Sergent, dont
nous avons parlé , le trahit , fans le vouloir , ayant déclaré qu’il
étoit de la Garnifon de San Matheo , fur quoi il fut mis parmi
ceux , qu’on refervoitau fupplice. On apprit de cet Efpion, que
ce qui avoit fait perdre courage à la G arnifon de San Matheo ,
c’efï qu’on n’y doutoit point que les François ne fuifent aumoins
deux mille ; & le Général ne crut pas devoir donner à l’Ennemi
le tems de fe défabufer , ni de revenir de fa frayeur.
Il difpofa donc tout en diligence pour commencer l’attaque
dès le lendemain Mardi , à la pointe du jour. Il envoya le Sieur
de Mesmes j fon Enfeigne, avec vingt Arquebufiers, pour gar-
1 5
Préparatifs
pour la prife
de la Caroline.
On marciic
vers la Place.,
i 5 6 7-
Prife de San
Matheo.
,02 HISTOIRE generale
- der l’embouchure du Fleuve : il fit partir les Sauvages pour
s’aller mettre en embufeade dans le Bois des deux cotes de la Ri
viere • enfin il marcha lui-même avant l’Aurore , menant avec
lui le Sergent & l’Efpion , pour lui fervir de guides. Olocotoia
étoit avec lui , & ce Sauvage s’étoit mis dans la tete qu il ne re-
viendroit point de cette expédition : fon preffentiment etoit ap¬
paremment fondé fur un fonge. Il s’en ouvrit au Chevalier.» Je
« feai lui dit-il , mon Capitaine , que je ferai tue a 1 attaque du
» Fort Me ne veux pourtant pas te quitter , ,e compte ma vie pour
» rien j’aurai aumoins la confolation de mourir en brave. Mais
» je te prie de donner à ma Femme ce qui doit me revenir du bu-
» tin afin quelle le mette avec mon corps dans le tombeau , &
» crue i’en fois mieux reçu dans le Pay s des Ames. »
q M. de Gourgues lui répondit qu’il efperoit bien le rendre fain
& fauf à fa Famille , mais que vif ou mort , fou fou venir lui fe-
roit toujours bien cher , & qu’il reconnoîtroit par toutes fortes
de moyens ce qu’il devoit à fa valeur , & a fon zele. On m
choit f découvert le long du Fleuve ; mais comme on fe vit fort
SSSSl 1= *> Çoulevrines , placée,
de Boulevart , qui commandoit le rivage , onfe mit a couvert
derrière la Colline , au pied de laquelle nous avons vu qu yoit
fitué le Fort. Le Général eut ainti la commodité de bien exami¬
ner la Place & avec le fecours de fes deux Pnfonmers , il en
conmit parfaitement le fort & lefoible. Enfin ,1 comprit que ce-
toit par fa Colline, qu’il falloir l’attaquer, ainfi que les Efpagnols
l’avoient fait deux ans auparavant. , r /*
Il étoit un peu tard , quand tout le Monde eut occupe fon pof-
te & le Chevalier vouloir remettre l’affaire au jour fuivant ;
mais les Affiegés ayant fait une fortie au nombre de quatre-ving
Arquebufiers , ils hâtèrent leur perte. Cafenove fut détaché con-
tr’eux avec vingt Maîtres pour les attirer , tandis que le General
leur couperoit llretraitte > fondrait enfuite fur eux , avec des
forces fuperieures. Les Efpagnols avançant toujours furent
bien étonnés de fe trouver entre deux feux ; ils fe battirent^
tant fort bien , & fe firent tous tuer jufqu au dernier. La Garni
fon témoin de cette défaite , perdit cœur abfolument , & . tous ,
fans écouter le commandement , s enfuirent dans le Bois , ou
les Sauvages , qui les attendoient , ne firent quartier a Perfo"-
ne. Quelques-uns avoient tourne par un autre cote , mais J
rencontrèrent M. de Gourgues , qui en coucha par terre «U
bord la plus erande partie, & qui eut bien de la peine a arracher
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. II. 103
les autres des mains des Sauvages , pour les faire paffer en celles TTéT.
des Bourreaux. ' *
San Matheo n’ayant plus de défenfeurs , le Général y entra Butin, qu’on
avec toutes fes Trouppes , qui y firent un butin confiderable. Il y fît.
s’y trouva cinq doubles Coule vrines, quatre moyennes, & quel¬
ques petites pièces de Canons de Fer& de Fonte : dix-huit Ca¬
ques de poudre , & une très-grande quantité d’ Armes de toutes
les fortes , qui furent tranfportés dans la Barque , dont on s’étoit
fervipour le palfage des Trouppes. La poudre fut néanmoins
çerduë par un de ces accidens , qu’il eft difficile de parer. Un
Sauvage faifant cuire du Poiffon affez loin du Magafin , laiffa
tomber du feu fur une traînée de poudre , qui n’avoit point été
aperçue, & parle moyen de laquelle les Efpagnols prétendoient
faire fauter les François en l’air , fuppofé qu’ils forçaffent la brè¬
che. Par bonheur perfonne n’étoit à portée d’en être incommo¬
dé , quoique le Magafin eût fauté.
. Le Général donna à fes Gens & aux Sauvages tout le loifir de Les Prifon
piller , & il fit encore de grandes largeffes à ceux-ci, qui pa- niers fom pa¬
rurent beaucoup plus charmés de fes maniérés , que de fes li- dus 5 Ecrkeau
beralites. Il fit venir enfuite tous les Prifonniers au même lieu, leur fupdke^
où les F rançois avoient été maffacrés , & où Menendez avoit
fait graver fur une pierre , ces mots : Je ne fais ceci comme à des
François mais comme à des Luthériens . Il leur reprocha leur
cruauté, leur perfidie , leur ferment violé (a) , puis il les fit tous
pendre à un Arbre , & à la place de l’ancienne Infcription , il fit
mettre celle-ci fur une planche de Sapin : Je ne fais ceci
comme a Espagnols , ni comme a Maranes ; mais
comme a Traîtres , Voleurs , et Meurtriers.
Quelques Hiftoriens ont paru approuver cette aélion , com- Réflexion
me jufte & légitimé , & elle pouvoit avoir véritablement quel - Eur cette con¬
que apparence de jufiice , furtout en fuppofant , ce dont on ne duite'
doutoit point , le ferment violé par les Efpagnols. Mais outre
que dans lé vrai les reprefailles font rarement exemptes d’injufti-
ces , par la raifon qu’elles tombent plus fouvent fur les Inno-
cens, quefiir les Coupables ; je ne crains pas de dire que l’expé¬
dition du Chevalier de Gourgues , jufques-là fi glorieufe pour
ui , & h honnorable pour la Nation , auroit été infiniment plus
relevee par une conduite , où fa modération , & la générofité
rrançoife eût fait un beau contrafle avec l’inhumanité des Ef-
doucc r°UVenii: de la ReJation de cc Matelot , dont on ne revoquoit point en
1 5 67.
La Floride eft
évacuée par les
français.
Le Chevalier
de Gourgues
arrive en
France.
104 histoire generale
pagnols , qu’en la terminant avec la même fureur , qu’il déteff oit
en eux. Neft-il pas honteux pour des Chrétiens de n’avoir pas
penfé , comme ht autrefois un Pri;ice Idolâtre (a) dans une
occahon toute femblable ?
Au rehe , les applaudiflemens „ que reçut par tout ce Gentil¬
homme , & qu’il n’etoit pas poffible de refufei a une atlion,
qu’on peut compter parmi les plus mémorables , qui fe foient
jamais faites en ce genre , furent tout le fruit , qui lui relia de fa
viéfoire. Iln’avoitpas affez de Monde pour fe foûtenir dans la
Floride contre les Efpagnols de S. Auguftin ; il ne devoit pas
s’attendre à recevoir , aumoins de quelques années , des lecours
de France , & il comprenoit affez que l’amitié intéreffée des Sau¬
vages ne dureroit qu autant qu’il feroit en état de leur faire du
bien , & de les garantir de la vengeance d’une Nation , contre
laquelle ils venoient de fe déclarer h hautement. Il y a cependant
affez d’apparence qu’il ignoroit que les Efpagnols biffent h près de
lui ; & je trouve que nos Hiftonens de ce tems-là fuppofent que
la Riviere des Dauphins ne fut habitée fous le nom de S. Augu-
ftin , que quelques années après.
Mais le Chevalier de Gourgues navoit plus de provmons ,
que ce qu’il lui en falloitpour retourner en France , & ce fut feu¬
lement cette demie re c onhder ation , qui lui ht prendie le parti
de rafer les trois Forts , qu’il venoit de conquérir. Il envoya par
Mer dans fes V aiffeaux , qu il avoit laiffes dans la Seine , toute
l’Artillerie de ces trois Places, & il s’y rendit par Terre avec tout
fon Monde , après avoir pris congé des Sauvages , qui paroif-
foient le voir partir avec regret , & qu il tacha de confolei en
leur faifant efperer fon retour. Tous ceux , qu’il rencontra fur fa
route lui donnèrent les plus grandes marques d eftime & d ami¬
tié ; pluheurs Paraouftis , parmi lefquels Saturiova fut celui, qui
fe diffi ngua le plus , lui jurèrent un attachement eternel , & le
brave Olocotora , dont les preffentimens ne s’étoient pas trou¬
vés juftes , 11e le quitta point , tandis qu’il fut en Floride , & fon¬
dit en larmes en lui difant le dernier adieu.
Le troihéme de May les trois Navires mirent à la voile , & le
hxiéme de Juin , jour de la Pentecôte , le Chevalier de Gour¬
gues mouilla dans le Port de la Rochelle , après avoir effuyé de
un
(a) Après la défaite de Mardonius
des Généraux de Xercés quelques-uns ayant
propofé à Paufanias , Roy de Sparte , de trai¬
ter le cadavre de ce Satrape , comme Xercés
avoit traité celui de Leonide, tué à la journée
des Termopyles, que ce Prince avoit fait
pendre à un Gibet. Vous connoiffez bien
33 peu la gloire , répondit Paufanias , fi yous
33 croyez que je doive en acquérir beaucoup
>3 en imitant des Barbares.
rudes
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lïv. IL 105
rudes tempêtes , & foufert beaucoup de la faim , parceque fes 1 567.
vivres avoient été gâtés . Il perdit même fa Patache , où il y avoit
huit Hommes ; & un de fes Navires , qui s’étoit feparé de lui
à la hauteur de la Vermude, n’arriva qu’un mois après. Son ex¬
pédition ne lui avoit coûté que quelques Soldats , & cinq
Gentilshommes , qu’il regretta beaucoup. L’un étoit de Sainton-
ge , & fe nommoit Pons , les quatre autres étoient Gafcons , &
avoient nom Antony de Limosni , Bxerre , Garreau , &
Gachie ; mais il s en fallut peu que lui-même ne trouvât dans
le Port quelque chofe de plus fâcheux, que le naufrage, qu’il ve-
noit d’éviter.
On ne conçoit pas comment le bruit de fon entreprife , dont « court rîf-
il croy oit aporter la première nouvelle en Françe , avoit déjà iTvé^îesEÏ
pu parvenir à la Cour d’Efpagne : cependant à peine étoit-il parti pagnoîL**
de la Rochelle, pour aller à Bourdeaux, qu’on vit entrer dans la
Rade , qu’il venoit de quitter , dix-neuf Pataches Efpagnoles ,
avec un autre Bâtiment de deux-cent Tonneaux , à deflein de
l’enlever , & il en fut même pourfuivi jufqu’à Blaye. 11 ne relia
guère plus de tems à Bourdeaux , qu’il n’avoit fait à la Rochelle.
Il fe rendit d’abord auprès de M. de Montluc , fous lequel il
avoit fervien Tofcane , & qui lui donna de grandes louanges.
Ce General lui confeilla d’aller à la Cour , mais il y fut mal re¬
çu. On 1 avertit même fous main de difparoître , s’il ne vouloit
pas être facrifié au reffentiment du Roy Catholique , qui dé¬
ni andoit avec hauteur fa tête , qui l’avoit mife à prix , & qu’on
menageoit alors beaucoup , parcequ’on en attendoit du fecours
contre les Rebelles.
contre lui , & l’on propofa de lui faire fon procès , de dIfParoît^*
P™ *?°ir entrepris fon expédition fans ordre. Ilfut lontems ca-
c u a uen C^ez Préfident de Marigny , & comme il s’en
a oit beaucoup qu il eût rapporté de la Floride dequoi acquit-
t^r itei ’ <IU ^ ayoh contrariées pour fe mettre en état d’en
c aller ^les^Efp agnols , il eût eu bien de la peine à trouver de-
TqtîK /,
O
■%rt.
i 5 6 7-
Sa mort.
. hhtoire generale, &c.
10 v fi n Antoine lui offrit le Commandement de laFlotte’,
Enfin D. Antoine im o Couronne de Portugal ,
regrette , & avec la reputa i t ig de comman-
ags£«sr««
nom François*
HISTOIRE
E T
DESCRIPTION GENERALE
DELA
NOUVELLE FRANCE.
LIVRE TROISIEME.
U O I Q U E par l’évacuation de la Floride,
^ /T O Î E ■» u » J . — — ._ / 1 . 1 Tl JT t
après rheureufe expédition de M. de Gour-
gues, la France eût paru renoncer à tout Eta-
bliffement dans le Continent de T Amérique ,
les Normands , les Bafques & les Bretons con-
tinuoient toujours à faire la Pêche des Balei-
A —TE - — ~ nes «Sc des Morues fur le grand Banc, & le long
des Cotes de Terre-Neuve , dans tout le Golphe S. Laurent,
!& dans le grand F eu ve , qui s’y décharge. Quelques-uns mê¬
me üereçt infenfiblement commerce avec les Naturels du Pays
. la trai,tte ^es Pelleteries commença bientôt à devenir un ob¬
jet, que 1 amour de la nouveauté, & la facilité, avec laquelle fe
tadoit ce trafic , firent préférer à la Pêche , & qui métamorphofa
pinceurs de nos Matelots en Marchands.
| En n en 1 5 9§ . la France, après cinquante ans de troubles do- Tentatîv
mefhques , ayant recouvré fa première tranquillité , par la va
eur , activité , & la clémence de Henry le Grand , & fe trou- r6.1? iloch
vaut en état de tout entreprendre fous le plus habiles de fes Rois ^ * '3naC
■e goût des Colonies revint aux François , & le Marquis de la
ioc he Gentilhomme Breton , obtint de Sa Majefté la même
conimiliion, & les mêmes pouvoirs, qu’avoiteus M. de Rober-
Oij
i 598,
M98'
histoire generale
lui-même, mais dont il ne s etott pas trouve^ ^ douziéme de
ufage. Ses Lettres 1 Patentes , q conformément à la volonté du
Janvier 1598- (O ^“Xidié l’a créé fon Lieutenant General
feu Roy Henry I I L .J , Terres N euves , Labrador ,
& T"re”d1*'
centes, aux conditions . ^
centes 9 aux conditions 5 tjui iuiv rl’pi-aKIAr ^ Foy Catholi-
& guerre ,
* que ; que fon autot _ ,n choifira les Capital!
quelque fon les Capitaines , Mai-
rant de Mer, que ÿ les commander en tout
très de Navires & Pilotes , qun p ^ aucun prétexte , ils
ce qu’il jugera a propos , la d ’ dj{p0fer des Navires &
puiîfent retufer de lui obéir .Qu P P d p en état
aes Equipages qu’il rrouyera dam ksFort , ^ f?L.
de mettre en Mer , leve q, des Villes leur donner des Loix,
re la guerre, bâtir des Forts & ^ ^J^^ncéder aux Gen-
en punir les Violateurs ouleut -faire J ^ ^ châteiienies ,
tilshommes des Terres en b ^lgnités relevantes
Comtés , Vicomtés Baronnies ^ du s ice ,
du Roy , félon qu il le c , teqe charge & redevan-
& aux autres de moindre condir , ^ |ont ils fer0|t
ce annuelle , qu’il lui plaira e J3 , ’ >d peff jme néceffaire :
exempts les fix premières années, & q>lus, siU. ^ ^
Qu’au retour de fon expedi 1 , ^ tous les gams &
qui auront fait le voyage avec > Qur lui ? &. employer
profits mobiliaires , en retei Fortifications & autres dé-
le troifiéme aux f^isoe ^ guerr ^ * ntilshommes, Marchands ,
penfes communes : Que tous les frajs ^ qu autre_
& autres , qui voudront 1 acc P g >d ne jeur fera pas
ment , le pourront en toute liber ® , en^jfli0n , & cela fous
permis de faire le commerce, ^marchandées & autres
peine de confifcation de leurs Navires, m 1 Tefta-
effets : Qu’en cas de maladie ou de , p0ur
^ d- - leR°yaU*
* . . .. i n- _ Ur «Heur de la R°‘
M M. de la Roche y eft nommé Traitas j die , Quermoulec , de Gor-
de Mefaouet , Chevalier de 1 Ordre, Co flr>nteeui<mo , 8c Lifcuit. »
feiller d’Etat Capitaine de cinquante Hom- n 1 , | ainfi qu’on appelloit commun -
_ a* a — «.c dfc Ordonnances de ba Maje- \ \ j - — 1 ^ 1
leiller dbtat — i- _ . {b) UeU ainu qu u» «rr'**~
mes d’Armesdes Ordonnances de 1 I alors le Eleuve de S. Laurent*
lié , Marquis de Cotemmeal , Baron de Las , ment alors
Vicomte de Carentan 8c de S* Lo en Norman- J
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. 109
ime la levée des Ouvriers , & autres Gens néceffaires pour lefuc-
cès de fon entreprife : En un mot, qu’il jouira des mêmes pou¬
voirs , privilèges, puiffance , & autorités , dont le Sieur deRo-
berval avoit été gratifié par le Roy François L
Le Marquis de la Roche revêtu d’une Commifïion , qui le
mettoit en état de tout entreprendre , voulut aller reconnoître
lui-même le Pays : il arma un Vaille au , fur lequel il s’embarqua
la même année avec un habile Pilote Normand , nommé Che-
DOTEL. La première Terre, qu’il aborda, fut Vlfle de Sable^ éloi¬
gnée d’environ vingt-cinq lieuè's au Sud-Eft de rifle Royale , &
où l’on affûre que dès l’année 1 508. le Baron de Lery avoit vou¬
lu établir une Colonie. Il avoit bien mal choifi : à peine l’Ifle de
Sable produit-elle quelques herbes & quelques broffailles, & ja¬
mais Terre ne fut moins propre pour être la demeure des Hom¬
mes , outre quelle eft très-petite , & n’a point de Port. Cette Ifle
eft parles quarante-quatre dégrés douze minutes Nord. La va¬
riation obfervée y eft de treize dégrés Nord-Eft. Elle eft fort
étroitte , & a la figure d’un Arc. On trouve dans fon milieu un
Lac d’environ cinc[ lieues de circuit , & Rifle en a environ dix.
Ses deux extrémités font des écueils de bancs de fable , dont l’un
court Nord-Eft-Quart-d’Eft, & l’autre Sud-Eft. Elle eft à trente-
cinq lieues Nord & Sud de Camceaux , & a des Montagnes de
fable , qu’on découvre de fept ou huit lieues. M. de la Roche
y débarqua quarante Miferables , qu’il avoit tirés des prifons de
France , & qui s’y trouvèrent bientôt plus mal à leur aife , que
dans leurs cachots mêmes.
Il alla enfuite reconnoître les Côtes du Continent le plus pro¬
che , qui font celles de l’Acadie , & après y avoir pris toutes les
connoiffances , dont il crut avoir befom , il appareilla pour re¬
tourner en France : Son deffein étoit de repafîèr par l’Ifle de Sa¬
ble , pour y embarquer ceux, qu’il y avoit laiffés ; mais les vents
contraires ne lui permirent pas d’y aborder. Divers contretems
1 arrêtèrent en France les années fuivantes , & l’empêcherent de
fuivre fon entreprife. Il fut plus d’un an Prifonnier du Duc de
Mercœur , qui etoit encore le Maître en Bretagne ; & des Per-
fonnes puiffantes , à qui fon zélé pour la Religion Catholique ,
ne plaifoit pas, trouvèrent moyen d’arrêter les effets de la bonne
volonté du Roy à fon égard. Deforte que , comme il avoit fait
de grandes avances , qui ne lui avoient rien produit , il ne fe
trouva plus en état de les continuer , & l’on affûre qu’il en mou¬
rut de chagrin. * v
1 598.
Son entre-
prife échoue.
Defcription
d tl'IJle de Sa¬
ble.
i 5
Paute , qu’il
fie.
I I o histoire generale
I I I a faute qu’il fit , fut de n’avoir pas commencé un Etabliffe-
ment à fAcaLie , où une feule pêche fedentaire , qui ne lut au,
roit pas coûté beaucoup , lui auroit produit des «tours affures
& préfens. Les quarante Malheureux , qui] avoit/f al ffeS,da"
l’Ifle de Sable y rencontrèrent fur le bord de la Mer que q
. *m m f»b,i,u«n, J, fc«pou,
fe mettre à couvert des injures du teins , Ftablif
Navires Efpagnols , qui étoient partis pour faire un Etablit
fement à l’IÜe iloyale (a). De ces mêmes Navires il etoit for i
moques Moutom & quelques Bœufs ,- qui avoient multiplie
Hans^l’Ifle de Sable , & ce fut pendant quelque tems une reffou
dans Hile ae oau , £ p0ilTon fut enfuite leur unique
nourritureS,1& quand leurs habits furent ufés , ils s’en firent des
peauxde Loups marins. Enfin au bout de fept ans, le Roy ayant
oiü'parler de leur aventure , obligea le Pilote Chedotel a les al¬
ler chercher mais il n’en trouva plus que douze, le
étant mort de mifere. Sa Majefté voulut voir ceux qui etoien
revenus , dans le même équipage , ou Chedotel les avoit
trouvés couverts de peaux de Loups marins , les cheveu ,
la barbe d’une longueur , & dans un défordre , ‘F1 revoie
affez femblables aux prétendus Dieux des Fleuves , & ^figures
à faue horreur Ce Prince leur fit donner à chacun cinquante
Lus "Ses renvoya chez eux déchargés de toutes pourfuites
i ^ Le mwvais fuccès de la tentative du Marquis de la Roche ,
Æit rfiSpohMuSp* & morton .« fomcio. v.ve«n. k
h ,n ffait ollfieurs Voyages à Tadouffac , & avoit compris que
la traitte des Pelleteries , fi elle étoit dans une feule main ^pour-
mit être le fond d’un grand commerce : il propofa a M. Chau
VIN “capitaine de V aiffeaux , d’en demander au Roy le Prm-
lese exclufif , avec toutes les prérogatives attachées a la Co -
mfffion de M. de la Roche. M. Chauvin goûta cet avis , ht ;ag
les Amis Ê qu’il avoit en Cour , & obtint ce qu’il demandou.il
équipa auflnôt quelques Bâtimens de fort peu de port , &
ronduifit lui-même à Tadouffac. . . c w
Pontgravé , qui étoit de ce voyage , voulait monter jufquaux
Trois R8iviere’s?parceque ce Lieu, qu'il vfeavec fom ,
lui paroiffoit plus propre qu aucun autre , a un
[et ) Nommée alors l’Iflc de Cap Breton.
M
!
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. m
mais le deffein de M. Chauvin n’étoit pas d’en faire aucun , en¬
core moins de remplir l’article de fa Commiffion , qui regardoit
la Religion Catholique , parcequ’il étoit Calvinifte ; il ne vou-
loit que troquer des Marchandises contre des Pelleteries dont
il eut bientôt rempli fes Navires. Il laiffa néanmoins à TadoufTac
quelques-uns de fes Gens, qui y auraient péri de faim, ou de ma¬
ladie pendant l’hyver , fi les Sauvages n’en avoient eu compaf-
fion. L’année fuivante il retourna de bonne heure à fa traitte
& ce fécond voyage ne lui produifît pas moins que le premier ;
il fe préparait à un troifiéme , lorfque la mort mit fin à fes pro-
1600-02.
jets
Le Commandeur de Chatte , Gouverneur de Dieppe , lui
fuccéda , forma une Compagnie de Marchands de Rouen ,
avec lefquels plufîeurs Perfonnes de condition entrèrent en fo-
cieté , & fît un Armement „ dont il confia la conduite à Pont-
gravé , à qui le Roy avoit donné des Lettres Patentes , pour
continuer les découvertes dans le Fleuve du Canada , & pour
y faire des Etabhfïemens . Dans le même tems Samuel de Cham-
PLAIN, Gentilhomme Saintongeois, Capitaine de VaifTeaux, &
en réputation d’Officier brave , habile & expérimenté, arriva
des Indes Occidentales , où il avoit pâlie deux ans & demi. Le
Commandeur de Chatte lui propofa de faire le voyage de Ca¬
nada , & il y confentit avec l’agrément du Roy.
Il partit avec Pontgravé en 1603. Ils s’arrêtèrent peu à Ta-
douffac , où ils laifferent leurs VaifTeaux , & s’étant mis dans un
xJatteau leger avec cinq Matelots , ils remontèrent le Fleuve juf-
W/au ’ c e^-à-dire, jufqu’où Jacques Cartier étoit
aile; mais il paraît que la Bourgade d’Hochelaga ne fubfiftoit
plus des lors , ou étoit réduite à très-peu de chofe , puifque M.
de Champlain , dont les Mémoires font extrêmement détaillés
n en dit pas un feul mot. A leur retour en France , ils trouvèrent
le Commandeur de Chatte mort , & fa Commiffion donnée à
Fierre duGuaft Sieur de Monts, Saintongeois, Gentilhomme
Ordinaire de la Chambre, & Gouverneur de Pons, lequel avoit
encore obtenu le commerce exclufif des Pelleteries , depuis les
quarante degres de Latitude-Nord, jufqu’aux cinquante-quatre
e droit de concéder des Terres jufqu’aux quarante-fix , & des
Lettres Patentes de Vice-Amiral , & de Lieutenant Général
dans toute cette etenduè de Pays.
M. de Monts étoit Calvinifte , & le Roy lui avoit permis l’e-
iercice de fa Religion en Amérique , pour lui & pour k-s Tiens ,
Entreprîfe du
Commandeur
de Chatte.
I 603,
Premier
Voyage de
Champlain.
M. de Monts
en Acadie,
i 6 04»
,n HISTOIRE GEN ^
ainfi qu’il fe P? - y Jabllr la Religion Catholique
engage a peupler le P|i d’aj{leUrs un fort honnête Homme ,
parmi les Sauvages. C etoit d ailleurs ut 1 pEtat , &
Sont les vûës étoieiit droittes , qui > , l’entreprifé , dont
toute la capacité neceffaire Pol| ^ nrefque toujours
mal fervi. Son rrivüege Y • t à bout de le ruiner,
teries lui fufcita des Envieux , qu oar fon Prédéceffeur , &
Il avoit confervé la f , ? des principaux Ports
il l’augmenta meme de P1“lie,uJs]f£god.elle. Tant de forces réu-
de France , furtout de ce ui Armement plus confiderable ,
nies le mirent en état de faire un "memœ^u & ^
nue n’en avoit fait aucun de ceux , a qui Trace au’il
futen partie à Dieppe , & en partie au Havre-de-Grace , qu il
16 î[ droit compofé de S^latre. Vai^auXj dont Pun éKjit deftiné
à faire la traitte de: * PeUetenes : couriXlà tout le
dre de conduire le fécond a Camceau^ ^ § Jean ^ pour
Canal , que forment llûe R y > rnmmerce avec les Sauva-
écarter ceux, qui voudraient ai îyfonts lequel conduifit
ges , au préjudice des droits de M de Mon , de plu.
les deux autres Navires en Acadie. 11 - & d,u/autre Gentil-
fieurs Volontaires, du Sieur P * Pqutrin COURT,
homme, nomme Jean de Bienc ? ' . t (îue d’entamer
Defcrîptlou
de ce Pays.
cru qu’il étoit à propos de donner fuite de cet
-.c les Province.
"SK* , félon tous les Auteurs , qui fe font “P™fa
Sentent , d une
1 Amérique au Sud E . r • tionde l’Inde Occidentale («)•
m ^ 1 _ 1 I 1 fl .> t t . .A ipç Géographes parlent de même , û of
en excepte Meilleurs de cnampiam . J L eApremier , au
l’Acadie des bornes beaucoup PlusneXnne le nom d’Acadie
Chapitre huitième defes Voyages , ne donne le nom a
c . ) c** . *«<**-* . '■ hmc *"**"** "t
larisefi forma , , . . 4ho jintts exquo terra l lm tffieimU qu à
DELANOUVELLEFRANCE.Liv.III. uj
u’Ifle (a) , & M. Denys , ~T7~~
La , qui nous en a donne
une defcripiion très-exa£le , qui en a poffedé en propre , & gou¬
verné au nom du Roy la Côte Orientale , efl du même fenti-
ment.
Celui-ci divife en quatre Provinces toute la partie Orientale &
Méridionnale du Canada, laquelle avoitde Ton tems quatre Pro¬
prietaires, Lieutenans Généraux pour le Roy. La première, de¬
puis Pentagoët , jufqu’à la Riviere de S. Jean , il la nomme la
Province des Etechemins , & c’eft ce quon appelloit aupara¬
vant la Norimbegue : la fécondé , depuis la Riviere de S. Jean ,
jufqu’au Cap de Sable , il lui donne le nom de Baye Françoife :
latroifiéme , félon lui , eft l’Acadie , depuis le Cap de Sable juf-
qu’à Camceaux , & c’efi ce que les Anglois ont d’abord nommé
Nouvelle Ecoffe , à l’occafion , que je dirai'bientôt. La quatriè¬
me, qui étoit fon Domaine & fon Gouvernement, depuis Cam¬
ceaux jufqu’au Cap des Rofiers : il l’appelle la Baye de S. Lau¬
rent ; d’autres l’ont nommée Gafpejie.
Ne diroit-011 pas même qu’on a eu en vûë cette façon de pen¬
ser de nos deux plus anciens Auteurs fur l’Acadie , lorfqu’on a
déclaré dans le Traité d’Utrecht , que le Roy Très-Chrétien ce-
doit à la Reine d’Angleterre , & à fes Succefïeurs , à perpétuité ,
/ Acadie 5 ou Nouvelle EcoJJe , conformement à fes anciennes limi¬
tes , comme aujji la Ville de Port Royal , ou Annapohs Royale ,
avec fa Banlieue ? car puifque ce Traité ajoûte le Port Royal à
1 Acadie, ou Nouvelle Ecoffe , il s’enfuit, ce femble, qu’elle ne
comprenoit pas toute la prefqu’Ifle , fous le nom d’Acadie pro¬
pre , ou de Nouvelle Ecoffe.
Jefçai que dans plusieurs Traités, qui fe font faits entre les
deux Couronnes , on trouve le nom de Nouvelle Ecoffe , attri¬
bue, tantôt à la Peninfule exclufivement à la Côte Méridionna¬
le du Canada , & tantôt à cette Côte exclufivement à la Penin¬
fule ; mais on ne prouvera par aucun Mémoire , qui puiffe faire
foi, quel une & l’autre l’aient porté en même tems. Outre que ces
changemens de noms font modernes, & qu’il s’agit entre les An-
flois & nous des anciennes limites de l’Acadie , ou Nouvelle
icoffe.
11 eft fi vrai qu’en Angleterre même, le nom de Nouvelle Ecoffe
(a) Le Sieur duPont » avec laCommif-
lion du Sieur de Monts va à Camceaux, Sc
n le le ng de la Côte du Cap Breton. Le Sieur
Tome L
« de Monts prend la route plus à val , vers.
» les Côtes de l’Acadic. <*
P
qu’à la Côte Méridionnale de la prefq
qui a lontems demeuré dans ce Pays-^
i 6 04*
0
HISTOIRE generale
IT4 . . t ' la nrefaulfle , que Guillaume - Ale-
fe donnoitumqi été gratifié par le Roy Jac-
Xal f tout ce qui avolt lté enlev? à la France dans cette
partie du Canada! fous le régné de ce Prince , il fépara cette
conceffion en deux Provinces , nomma la PenmMe Nouvelle
r f T Rr rlonna au refte le nom de Nouvelle Alexandrie . C eft
cequ P • 4éïacité. Plusieurs années apres, Char-
rêïîe e” an°t ôXnné en vertu du Traité de Breda , la reftitu-
tioiVde^ Acadie aux François , le Chevalier Temple prétendit
être en droit de garder Pentagoet, difant que ce porte netoit
nîfint compris dits l’Acadie , mais dans la Nouvelle Ecoffe ;
on lui fit pourtant voir que fa prétention etoit fans fondement.
Après cette courte digreflion, qui ne doit point etre regar¬
dée comme étrangère à mon Hiftoire , puifqu il s agit deregler
un ooii« important de Géographie , qui concerne directement
Ke quePi y traite, je vais âire deux mots de ces Provinces
Méndfonnalesyde la Nouvelle France , qui furent alors decou-
vertès par MM. de Monts & de Champlain. Il ny en a peut-
être pas au Monde , où l’on rencontre de plus beaux Ports , ni
• ^ -/r Prmrnir nlus abondamment toutes les commodités de
nrÊ Xat affezloux & fort faut & l’on n’y a en¬
core trouvé que les Terres d’une fécondité furprenante. On a
vu auprès delà Haive un feul grain de Froment , qui avoit pro¬
duisent cinquante épis fort longs , & tellement charges , qu il
avoir fallu y lettre un cercle de fer , pour les foutemr. Le Sieur
Denvs qui rapporte ce fait , dont il avoit ete témoin , ajoute
cnf au même endroit il vit un champ de Bled , où les grains , qui
avoient le moins produit , portoient huit tiges , toutes fournies
S dont le moindre avo.tun dem.-p.ed de long. Enfin on ne
von nulle part de plus belles Forêts , ni dont les Bois foient plu
propres à la conftruRion , & a la mature. p
P rfv a en quelques endroits des mines de Cuivre , & en d au¬
tres Su Charbon de terre : on affûre même qu a trois -quarts
de lieues au large de l’Ifle Menane , qui fert de reconno.ffeme.it
aux Yaiffeaux pour entrer dans la Riviere S. Jean ’ ^7 *
cher orefaue toujours couvert par la Mer , lequel eit de Lapis
îatraXûteVe le Commandeur de Razi h en avoir J
ché un morceau , qu’il envoya en France , & le ^ur Ueny ,
qui l’avoit vû , dit qu’il fut eftimé dix ecusl once. Les Poiflons ,
qu’on pêche plus communément fur ces Cotes , font >
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. ÎIL u5
le Saulmon , le Maquereau , leHaranc , la Sardine , l’Alofe , la ~77 -
Truitte * le Gatte , le Gaparot , le Bar , l’Efturgeon , la Gober- °°4*
ge ; tous Poiffons , qui fe peuvent faler & tranfporter. Le Loup
marin , la Vache marine , & la Baleine y font en très - grande
quantité. On affûre que dans le feul Port de Moucouadi on pour-
roit pêcher en une feule faifon affez de Baleines , pour la Car-
guaifon deplufieurs Navires. D’ailleurs les Rivières font rem¬
plies de Poiffons d’eau douce , & leurs bords , d’un Gibier in-
fini.
La fituationde l’Acadie eû admirable pour le commerce, c’efl
la tête de l’Amérique Septentrionnale , & l’entrepôt le plus pro¬
che , le plus sûr , & le plus commode pour le commerce des In¬
des Occidentales. Son etenduë efl de deux -cent cinquante
lieues de circuit, entre les quarante- trois & les quarante-fix dé-
grés de Latitude-Nord ; les courants n’y font point fâcheux , &
l’on y navigue de tous vents. On peut voir le détail & la preuve
de tout ceci dans l’excellent Ouvrage de M. Denys , qui n’a
rien eciit , que ce qu il a vu par lui-meme , & qui étoit connoif-
Rui • Outit que tous ceux , qui ont fait quelque fejour dans le
Pays , ont parlé le même langage. Je reviens àM. de Monts.
Il etoit parti du Havre-de Grâce le feptiéme de Mars 1604. EtaWîflê
& le lixieme de May il entra dans un Port de l’Acadie , où il ment à Sainte
rencontra un Navire , qui y faifoit la traite , malgré les défenfes. Croix*
Il le confifqua en wtu de fon Privilège exclufif, & le Port fut
nomme le Port Rojfîgnol , du nom du Capitaine , à qui appar-
tenoit le Navire confifqué ; comme fi M. de Monts eût voulu
dédommager cet Homme de la perte , qu’il lui faifoit fouffrir , en
immortalisant fon nom. Au fortir de ce Port , il entra dans un
autre , qui fut appelle le Port au Mouton , pareequ’un Mouton
s y noya. Il y débarqua tout fon Monde , &ypalfa plus d’un
mms, tandis que M. de Champlain vifitoit toute la Côte dans
une Chalouppe , pour chercher un endroit propre à l’Etablilfe-
ment , qu’on avoit projette. Y
Il auroit bien pu s’épargner la peine d’aller fi loin , & même de
venir julques-la; car îlfe trouvoit entre Camceaux, & la Haive
qui font lans contredits , les deux meilleurs Ports de l’Acadie *
& les mieux fitués pour le commerce ; mais il ne daigna pas mê¬
me s y arrêter. I n’entra ni dans le Port Royal , ni dans la Baye
rançoife , 111 dans la RiviereS. Jean , & il pouffa vingt lieues
plus loin , jufqu a une petite Ifle * où M. de Monts étant arrivé
peu de tems après lui réfolut de s’établir. Il lui donna le nom
Pij
E N E R A L E
1605.
Incommo¬
dités de ce
Port,
, HISTOIRE g
110 J . „ ■ o~ mmme elle n’a au’une demie-lieuë de
Sut & bientôt toute défrichée. On sV logea affe, bien,
sSIS|ï^”r*, r'00 avo;‘ t
■ .1 _ T ’Kvvpi- venu . onfe trouva fans eau douce , &
°„ ne tarda pourra- p«a . . trouvJans eau douce , &
que pluûeurs , p cMvifjrent de boire de la neige fonduë le
“'«rftfe cf attWÊÿrr*
a^Oueft Fefpace de 80. lieues , depuis la Riviere de S. Jean ,
Champlain 9<mv / e pa Barque y avoir couru rif-
poS. «..pi/hé 1« Anglois de t'y établi, peu Je «m
M. de Monts
Colonie au
Port Royal.
qui h <*■ w**-.r w
aP Environ à moitié chemin de Sainte Croix à la Riviere de Qui-
** ^assitsicis
bdleT P3m.e Province.» où il
” al?nt P“’ fvfeèr retourna à Sainte Croix , oh Pontgravé le
vint bientôt ^ oindre ’ en arrivant de France. Ils trouvèrent cette
Habitattôn en fort mauvais état ; & M- de Monts convaincu ,
S falloir la placer ailleurs , réfolut de retourner en Acadie. U
s’embarqua donc avec Pontgravé , & , chemin faifant , il en ^
d ans le Port Royal. 11 le trouva tellement a fcm gre, qu p
?e champ la résolution d’y tranfporter fa Colonie , chargea
Ponteravé le ce foin , & le déclara ton Lieutenant.
stESlrfis®
„’a prefque rien épargné pour en faire un des plus beaux Po
Defcription
se ce Port.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. 117
du Monde. Il a deux lieues de long fur une grande lieue de lar- l 6 0 #
ge ; une petite Ifle, qu’on a nommée rifle aux Chevres , ed pref-
que au milieu du Badin , & les Vaiffeaux peuvent en approcher
de fort près. On n’y trouve nulle part moins de quatre à cinq
brades d’eau , & l’entrée en a dix-huit. Le fonds ed par tout très-
bon , & les Navires peuvent y être à l’abry de tous les vents. A
l’extrémité du Port il y a une pointe , qui avance entre deux Ri¬
vières, où il y aadez d’eau pour les Chaloupes. Le Climat y ed:
tempéré , l’hyver moins rude , qu’en beaucoup d’autres endroits
de la Côte , la chade abondante , le Pays charmant , de vades
Prairies , environnées de grandes Forêts , & par tout , des Ter¬
res fertiles.
Du Port Royal à la Riviere de S. Jean , la traverfe ed de deux De h Baye
lieues , & c’edla largeur de la Baye Françoife , qui en a autant
de profondeur. On prétend que dans la plûpart des Bayes , qui des.jean"
font de ce côté-là , il y a des Mines de Cuivre. L’entrée de la Ri¬
viere de S. Jean, ed encore plus difficile , que celle du Port
Royal. Il faut prendre fur la droite , fans trop approcher des
Terres. A une petite portée de Canon , il y a un rapide , fur le¬
quel les Chalouppes & les Barques mêmes peuvent paifer,
quand la Marée ed haute. A la chute de ce rapide , il y aune
foffe d’environ quatre - cent pas de circuit , dans laquelle on
voyoit autrefois un grand Arbre debout , qui fembloit flotter ,
& ne quittoit jamais fa place , malgré la violence du courant.
Il paroiflbît de la groffeur d’une barrique , mais il étoit quel- u£bre fin§u*
quefois tout couvert par la Mer pendant plufieurs jours. Il fem¬
bloit aufli tourner comme fur un pivot , car on ne le voyoit pas
toujours d’un même côté. Les Sauvages lui rendoient une forte
de culte , en y attachant des Peaux de Cadors , ou d’autres Ani¬
maux; & quand ils étoient en route, & qu’ils ne l’appercevoient
point , ils auguroient mal de leur voyage. On prétend que M.
de la Tour , dont nous parlerons dans la fuite, y fit un jour atta¬
cher un cable , & que dix Rameurs , qu’il avoit mis dans une
Chaloupe , ne purent jamais venir à bout de le tirer , quoi qu ils
fuiTent favorifes du courant. Pour revenir à la Riviere de S.
Jean; c’edune des plus grandes de la Nouvelle France. Ses bords
font couverts de très-beaux Chênes , de plufieurs autres fortes
d’ Arbres , dont le bois ed d’une bonne qualité ; & furtout de
Noyers , dont le fruit ed de figure triangulaire , & difficile à ou¬
vrir ; mais quand il ed prefenté au feu , il s’ouvre de lui-meme ,
& il a un très - bon goût. On y trouve aufli des Vignes , dont
i 6o 5.
Le Port Roïal
concédé à M.
de Poutrin-
court.
118 histoire generale
le raifin eft fort gros , la peau épaifîe & dure , & le goût déli-
cieux.
M. de Monts
perd Ton Pri¬
vilège exclu-
fif.
Extrémité ,
où la Colonie
cft réduite.
16 06.
Le Sieur de Pontgravé ne penfoit pas tout-à-fait du Port Roïal ,
comme M. de Monts , les avantages , que Ton y rencontrent ,
le touchèrent moins , que les inconveniens , dont j’ai parlé , ne
le rebutèrent ; mais M. de Poutrincourt n’en porta pas le même
jugement , & comme en s affociant avec Mi . de Mionts , il avoit
formé le deffein de s’établir en Amérique avec fa Famille , il lui
demanda ce Port , & n’eut aucune peine à l’obtenir. Cette Con-
ceffion, faite en vertu du pouvoir, que M. de Monts avoir reçu
du Roy , fut encore confirmée par des Lettres Patentes de Sa
Majefte ; mais ce Gentilhomme plus occupé de la Traitte avec
les Sauvages , que de la culture des Terres , n’eut pas autant de
foin de donner de la folidité à fon nouvel Etablnfement , qu’il
avoir montré d’ardeur , pour acquérir un fi beau Domaine, &
nous l’enverrons bientôt chaffé par les Anglois , contre iefquels
il auroit pu fe défendre, s’il avoir pu feulement leur oppofer tren¬
te Hommes bien retranchés.
L’automne aprochant , M. de Monts paffa en France , ùc a
fon arrivée à la Cour , il trouvâmes chofes bien changées à fon
égard. Les Pêcheurs de tous tes Ports du Royaume avoient re-
prefenté au Roy que , fous prétexte de tes empêcher de traitter
avec tes Sauvages , 011 tes privoit des chofes tes plus néceffaires
pour leur Pêche , & qu’ils feroient contraints d’y renoncer , fi
Ton ne faifoit ceffer ces vexations. Ils furent écoutés , le Con-
feil comprit 1e tort , que feroit au Commerce l’interruption de
la Pêche , qui dès lors en faifoit une des plus confiderables bran¬
ches , & 1e Privilège exclufif de M. de Monts , qui devoir en¬
core durer deux ans , fut révoqué. Il ne perdit pourtant pas cou¬
rage ; il fit un nouveau Traitté avec M. de Poutrincourt , qui
l’avoit fuivi en France , & lui fit armer à la Rochelle un V aif-
feau , qui mit à la voile 1e treiziéme de May 1606.
Le voyage fut long , ce qui donna lieu aux Habitans du Port
Royal de croire qu’on tes abandonnoit. Pontgravé fit bien tout
ce qu’il put, pour tes raffiner ; mais à la fin, comme on man¬
quent abfolument de tout , il fut contraint de s’embarquer avec
tout fon Monde , & de reprendre la route de France : il ne laiffa
dans 1e Fort que deux Hommes , qui voulurent bien demeurer
feuls à la merci des Sauvages , pour garder tes effets , qu’on ne
pouvoit pas tranfporter. Il étoit encore prefqu’à la vûe de la
Baye Françoife ? lorfqu’il apprit par une Barque 1 arrivée de M*
I
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. n9
de Poutrincourt à Camceaux. Sur cette nouvelle il rebroufla
chemin , & rentra dans le Port Royal , où Poutrincourt s’étoit
déjà rendu , fans qu’ils fe fuffent rencontrés. C’eft que pour aller
de Port Royal à Camceaux , on paffe entre le Continent & L’IJle
Longue ; au lieu que pour aller de Camceaux au Port Royal , il
faut prendre la pleine Mer , à caufe des courants.
M. de Poutrincourt ayant ramené l’abondance dans fon Ha¬
bitation , il ne fongea plus qu’à fe fortifier , & Pontgravé s’y li¬
vra tout entier. C etoit un Homme fage , habile , infatiguable ,
& d’une grande expérience. Il avoit le fecret de tenir fes Gens
toujours occupés, ce qui contribuoità les garantir des maladies,
qui avoient défo'lé l’Etabliffement de Sainte Croix. M. de Cham-
nlain voulut auffi pourfuivre fes découvertes , mais comme la
aifon étoit déjà trop avancée , il ne put aller que dix ou douze
lieues au-delà de Malebarre , & fon voyage fut allez inutile. La
culture des Terres eut plus de fuccès : le Froment , & les autres
Grains , qu’on avoit fémés , fruftifierent au-delà de ce qu’on en
avoit efperé ; les autres travaux fe faifoient avec joye , pareeque
^les vivres ne manquoient point , & que la fertilité du Pays fem-
*bloit répondre que la fource de cette abondance ne tariroit ja¬
mais. Les maladies, dont on avoit retranché la caufe , dimi-
nuoient. Enfin les Sauvages commençoient à s’apprivoifer.
Un Avocat de Paris , nommé Marc Les carbot, Hom¬
me d’efprit, & fort attaché à M. de Poutrincourt , avoit eu
la curiofité , peu ordinaire aux Perfonnes de fa Profefiion , de
voir le Nouveau Monde,' & fervit beaucoup à mettre, & à main¬
tenir les chofes dans cet heureux état. Il animoit les uns , il pic-
quoit les autres d’honneur , il fe faifoit aimer de tous , & ne s’é-
pargnoit lui-même en rien. Il inventoit tous les jours quelque
choie de nouveau pour 1 utilité publique , & jamais on ne com¬
prit mieux de quelle reffource peut être dans un nouvel Etablif-
fement , un efpnt cultive par 1 etude , que le zélé de l’Etat enga¬
ge a fe fervir de fes connoiffances , & de fes réfléxions. C’efi: à
cet Avocat , que nous fournies redevables des meilleurs Mémoi¬
res , que nous ayons de ce qui s’efi: paffé fous fes yeux , & d’une
Hiftoire de la Floride Françoife. On y voit un Auteur exaR , &
judicieux , un Homme , qui a des vûës , & qui eût été auffi ca¬
pable d établir une Colonie * que d’en écrire l’Hiftoire.
Tandis que le Port Royal donnait de fi belles efperances , les
Ennemis de M. de Monts achevoient de le perdre en France. Ils
parvinrent enfin à lui faire ôter fa Commiffion , & il ne put mê-
i 6 06.
Elle eft fè-
couru'e à pio-
pos.
Fautes &
malheurs de
M. de Mcms»
i 6 o 6.
Defcrîptloft
du Port de
Camceaux.
M. de Monts
le releve un
peu.
1 607.
,zo HISTOIRE generale
me obtenir d’autre dédommagement pour les avances , qu il
ci voir faites auune fomme de 6000. liv. a prendre fui les Y au-
féaux ^qui iraient faire le commerce des Pelleteries. On lut fit
beaucoup valoir cette gratification, qui dans le tond n etoitrien»
puddue les frais , qu’.lauroit fallu faire pour lever cet argent
euffent excédé la fomme ; outre que a chofe eto.t tmpratiqua-
ble , vû la nature de ce Commerce ; les lieux , ou il fe failoit : ,
& kpeu de recours , qu.1 devoir s’attendre d avoir contre fes
Débiteurs. Au relie , ce Gentilhomme avoitfait a peu près les
mêmes fautes , que fes Prédéceffeurs ; avec une depenfe de qua¬
tre ou cinq mille livres , dit M. de Champlain , il aurait al
recônnoitre un Polie avantageux , pour y jetter les fondemens
de la Colonie , & rien dans la fuite ne 1 eut empeche de fe main-
tenir & de s’aggrandir , fans être obligé d’avoir recours a un
Privilège odieux , qu’il ne devoir pas fe flatter de conferver Ion-
teiîfe‘mble que l’endroit, où il devoir s’arrêter , étoit Camceaux.
C’efllatête de l’Acadie , & le lieu le plus propre pour recevoir
dans toutes lesfaifons desfecoursde France. Camceaux elt tm
Havre qui a environ trois lieues de profondeur, compofe de
plulieursTlles , dont la plus grande , & qui efl au m'beu des au-
très a près de quatre lieues de circuit. Le terrein en elt ferti e >
bien arrofé & Lmboifé. Elle forme deux anfes , ou le mouilla-
ce efl bien sûr ; & dans le Continent , qui en efl tort proche , d
y a une Riviere , qu’on appell e la Riviere aux Sports, ou^ on
pêche une quantité prodig.eufe de ces Poiffons. M. de : Monts
manqua encore d’une précaution neceffaire ; ce fut d avo.i de
quoi femer en arrivant , & quelques Belhaux , qui auraient au
férnent multiplié dans un Pays extrêmement gras. De cette forte
le fuccès de Ion entreprife n’auroit pas dépendu des Naviies de
France dont il devoir prévoir les retardemens & il aurait pu
établir une Pêche fedentaire , qui feule auroit fuffi pour 1 enri¬
chir Mais l’avidité de tout avoir , fait fouvent tout perdre.
L’année fuivante il eut le crédit de fe faire rétablir poui un a
dans fon Privilège ; mais ce fut a condition , qu il ferait unbta-
bhffëmént dans fe Fleuve S. Laurent. Sa Compagnie ne l avon
nas abandonné dans fa difgrace ; mais il paroit qu elle n avoit en
vûë , que le commerce des Pelleteries , & cet objet lui t pfe -
dre le change , & abandonner Acadie. Ses Affoc.es
deux Navires à Honfleur , & les confièrent a MM. de Cham
plain & de Pontgravé , qui furent charges d aller faire la tra ^
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. n,
kTadoufpic, tandis que M. de Monts folliciteroit une proroga- ^ — *
tion de l'on Privilège. Il n’y réuffit point , ce qui ne l’empêcha
pourtant pas d’envoyer encore au printems de 1608. des Vaif-
ieaux dans le Fleuve S. Laurent.
Sa Compagnie fe multiplioit à mefure que le commerce des Fondation
Pelleteries devenoit plus confiderable ; les Maloins furtout y deQuebec.
étoient entrés en grand nombre, & avoient augmenté fes fonds : 1608,
mais il s’aperçut bientôt que fon nom nuifoit à fes Affociés , & il
fe retira. En effet, dès que la Compagnie ne l’eut plus à fa tête ,
le Privilège lui fut rendu ; mais ces Marchands n’avoient point
d’autre objet , que de remplir leurs coffres : ainfî ils ne faifôient
rien pour la Colonie , qui dépériffoit en Acadie , & ne s’établif-
foit point ailleurs. Cependant cette même année 1608. M. de
Champlain , qui s’embarraffoit peu du commerce , & qui peu-
foiten Citoyen , après avoir mûrement examiné en quel lieu on
pourroit fixer l’Etabliffement , que la Cour vouloit qu’on fit fur
le Fleuve , s’arrêta enfin à Quebec ( a ) . 11 y arriva le troifiéme
de Juillet, il y conflruifit quelques Barraques pour lui & pour
les liens , & commença d’y faire défricher des Terres , qui fe
trouvèrent bonnes.
Dès l’année précédente , le Roy ayant confirmé la concef- te Roy veut
lion , que M. de Monts avoit faite du Port Royal à M. de Pou- <ju’on envoyé
trincourt , avertit ce Gentilhomme , qu’il étoit tems de travail- Cn
1er à la converfion des Sauvages , & que fon intention étoit ,
qu’il y menât des Jefuites. Sa Majefté donna en même tems or¬
dre au P. Cotton , fon Confeffeur , de choifir des Millionnaires
pour l’Acadie , & ce Pere donna avis à fes Supérieurs de la vo¬
lonté du Roy. Plufieurs Sujets fe préfenterent , mais on n’en
accepta que deux , qui furent le P. Pierre Biard , qui profeffoit
la Théologie à Lyon , & le P. Enemond Maffe , Compagnon
du P. Cotton. Ils furent bientôt prêts à partir ; mais ils 11e furent
pas lontems à s’appercevoir qu’on ne les vouloit point en Amé¬
rique.
M. de Poutrincourt étoit un fort honnête Homme , & fincé- Ce y/ ^
renient attaché à la Religion Catholique ; mais les calomnies cesPeres!Ute
des Prétendus Reformés contre les Jefuites avoient fait impref-
fion fur Ion efprit , & il étoit bien refolu de ne les point mener
au Port Royal. Il n’en témoigna pourtant rien au Roy , & ce
Prince ayant donné fes ordres, ne douta point qu’ils ne s’exé-
( a) Voyez la fituatioa
logiques , année 1608.
Tome L
de Quebcc , & 1 étymologie de ce nom dans les Faites Chrono-
Q
\
i 6 o 8.
i 6 ï o.
histoire generale
11 rr m tnt Les Jefuites le crurent auffi , & le P. Biart
cutaffent au pj^; de rannée à Bourdeaux , où on l’a-
fe rendit au ce , ( devoit faire. 11 fut bien fur-
vo.t affure que 1 Lmb^Te"latifs & a attendit envain une
pris de ny voir aucuns préparât , j reproches
année entière. Le Roy en fut informe, & fit de grands renrocMs
à M. de Poutrincourt , lequel engagea a par II ledit
qu il ne cUMerero f ”me ;1 ne parloir point d embar-
KEEiÆ=. •srJfsr le Pon
maï I ne tasea pas à propos d'iuffler , ni de potier fe. plan-
, faire entendre S 1. Co»r,»e
K„,C des Jefuites dé», pas néceffaire pour 1» couver-
lion des Infidèles , il envoya au Roy une lift' e « g *
Sauvages , qu’on avoir ,
^ qU'‘rer
» p-';
de fon Pere & ne partirait pas fans les Millionnaires ; ma s
Henry le Gr’and n’étok plus, & il parut que B.encourt fe «omit,
par lamort de ce Prince , quitte cfe tout
rapT ^
i c I„„r Vêla eut fon effet ; M. de Biencourt offrit d em-
CuttiSut.es , &
SS»™ ;~“S ÜS. * y«-j «: ttap‘1;
k Madame de Sourdis leurfournitle linge , Madame de Gu er-
Si. chargea du refle , & feu acuuura avec e ,.=
„„,„a pour &&£?, ÎSSZi
deux Huguenots , Allocies ae i . , r : envoya
leur donner paffage. Ils le firent fç avoir a 5 e!
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. 123
fur le champ ordre à M. de Sigogne , Gouverneur de Dieppe , 1610.
de déclarer à ces Marchands la volonté de la Reine Regente.
Ils s’en mocquerent , & ces deux PP. voyant que M. de Sigo¬
gne ne fe faifoit point obéir , fe retirèrent à leur College de la
Ville d’Eu.
Madame de Guercheville picquée de cette conduite , s’avifa
de faire à la Cour une quête , du produit de laquelle les deux
Calvinifles furent rembourfés & remerciés. Elle voulut enfuite
traitter avec M. de Biencourt , mais ne trouvant pas fes sûretés
avec lui, elle acheta de M. de Monts , tous les droits , qu’il avoit
obtenus du feu Roy , & qu elle fe promettoit de faire revivre ;
après quoi elle fit avec M. de Biencourt un Traitté de Société ,
par lequel la fubfiftance des Millionnaires devoit être prife fur le
produit de la Pêche , & du Commerce des Pelleteries. L’Au¬
teur ( a ) de la vie du P. Cotton prétend que ce S. Homme laiiTa
un peu trop en cette occafion Madame de Guercheville , fuivre
les mouvemens de fa généralité ; mais M. de Champlain , qui
avoit alors plus de part que perfonne aux affaires de l’Acadie ,
p’eft pas de même avis ; car après avoir juftifié cette Dame au fu-
jet de fon Traitté , qu’il explique fort au long , il ajoûte : » c’eft u
ce Contrat d Alfociation,qui a fait tant femer de bruits, de plain- <4
tes & de crieries contre les PP. Jefuites, qui en cela & en toutes H
autres chofes fe font équitablement gouvernés félon Dieu & la
raifon, a la honte & confufion de leurs Envieux & Médifans. “
Enfin les deux Millionnaires partirent avec M. de Biencourt, n T r .
& prirent terre au Port Royal le 1 2. de Juin 1 61 1 . Les couver- arrivent au
lions précoces celferent à leur arrivée, & ils eurent bientôt à ef- Von RcyaI*
fiiyer tous les effets de la mauvaile humeur de ceux , qui s’é- 1 6 1 1 »
toient oppofes a leur venue. Ils ne firent pas femblant d’y être
fenfibles , & ne parurent occupés , que de leurs fondions ; ils
tneme par leurs bonnes maniérés ceux , en qui les
préjugés n’avoient pas altéré la droiture de cœur. M. de Pou-
trincourt en ufa toujours honnêtement avec eux. Ce Gentil-
Homme avoit de la Religion , & on ne peut lire , fans être édi¬
fie, la Lettre (b) , qu il écrivit en 1608. au Pape Paul V. pour lui
marquei le zele fincere , qui l’engageoit à s’exiler avec fa Fa¬
mille, dans un Pays étranger , afin de procurer aux Infidèles
n CO'jll?îffanCe de Jesus-Christ 5 & pour lui demander la
Bénédiction Apoflolique. Mais quand la prévention efi: fortifiée
(a) Le P. d’Orléans.
( b ) Oa la trouve daas Lefi^rbot , qui en a été le Secretairç,
Qij
i 6 i i.
Des Sauvages
àe l’Acadie.
histoire generale
A .. i,. / a eqe £ajt Jes imprefïions , qui ne s effacent
par des vue^d mtert , des démarches , dont on ne
prefque jamais , cv i| Jh al vinifies de France ne ceffoient de
prévoit pas les fuites. Le , j Nouveau Monde , que
publier que les Jefmtes i n a lo, encans kg ^ perfuadé
pour y dominer , & poui y. ^ • i trouver dans ces
des Catholiques mêmes , qui A; p ;1 ny eut jamais
d Ye" Enous a donné «„« R*tion je fa «» fj‘
ce qui s'eftpafle Ions tes yeux en ‘Mémoires , dont s'eil
qu’on peut ajoûter plus de fov , qu a . uand même ces
fervi Jean de Laët , pour décrier les Jefmtes , -
des Ætureis fu.
Pays^ qu’on appelîoit alors reMrfentrco^eTerHoA-
puis appelle Ml‘m^ avantageufe. Lefcarbot dit la mê¬
mes bien faits , & d t communément plus petits , que la
me chofe ; cependant ils lo r q n’en eft point
plupart des autres Sauvages u îls ont fait lontems une
5e plus braves dans tout ce Gontment. Iis on ■
™“f So"J2r“ fa &n , ils’ns cU
ques dans leurs Caverne y lte lieues, en Mer , dans
poient point de faire tren q y dans la fuite de cette
leurs Canots decorce. ^ous tes v de Natlons AU-
Eiffoire , unis avec leurs Yoiims , tous Terre-Neuve ,
naquifes , fe joindre aux François an ^ ^ ^ Anglois de
& V. k NoUVe le A/8 et uuils conservent encore , quoique
l’Amérique un afcendant , qu ils comervc i
réduits à un petit nombre de GayfArS\rODOpwes, mais on
Non-feulement ils n’ont jamais ete Antliropopnag » .
leur a toujours remarqué beaucoup de douceur & de doabœ,
suffi n’ont-ils pas eu beaucoup de peine a yÇÇomu
maniérés ; ce qui leur eft œmmun avec ks autrc, Petip^
cette Côte Méridionnale du Canada. La ro yg çjtcra-
mife parmi les Acadiens ; mais il n y^oit de cs?tte
mes , c’eft ainfi qu’on nommo.tleurs Chefs qurulallent de
liberté. La Dignité de Sagamo étoit eleG.ve , & kchoat
boit ordinairement fur celui , qui fe trouvoi
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. nj
ïiombreufe Famille. Toute la jeuneffe étoit fous les ordres de ce
Chef, & tous , avant que d’être mariés , ne pouvoient travail¬
ler que pour lui. Ceux mêmes , qui letoient , & qui avoient
beaucoup d’Enfans , lui payoient une efpéce de tribut , qui fe
levoit à la rigueur. Chaque Bourgade avoitfon Sagamo, indé¬
pendant des autres ; mais tous entretenoient entr’eux une efpece
de correfpondance , qui uniffoit étroittement toute la Nation
entr’elle. Ils employoient une bonne partie de la belle faifon à
fe vifiter , & à tenir des Confeils , où l’on traitoit des affaires
générales. S’il s’élevoit quelque different entre les Familles , ou
entre les Particuliers , c’étoit au Chef de la Bourgade à ména¬
ger l’accommodement ; s’il ne pouvoit pas y réufîir , l’Offenfé
étoit en droit de fe faire juftice , & la Loy du Talion étoit exa-
Hement obfervée;
Les petites querelles fe terminoient furie champ; onfepre-
noit aux cheveux , on fe donnoit quelques gourmades , & pour
l’ordinaire , on fe féparoit , fans fe faire beaucoup de mal. Les
Maris traittoient fort durement leurs Femmes : un François fai-
fant un jour quelques reproches à un de ces Sauvages , qui frap-
poit rudement la fienne ; ce Barbare lui répondit qu’il étoit le
Maître chez lui , & que perfonne ne de voit trouver à redire, s’il
battoit fon Chien. Une Femme furprife en adultéré couroit
rifque de la vie , & quoiqu’on fît moins d’attention à la conduite
des Filles , celles , dont le défordre jéclattoit , étoient déshon-
norées. Les François ne furent pas lontems dans le Pays , fans
s’appercevoir qu’on ne trou voit pas bon qu’ils s’amufaffent avec
les Perfonnes du Sexe , qui de leur côté faifoient paroître beau¬
coup de pudeur & de retenue.
Si on en croit Lefcarbot , de qui je tiens prefque tout ce dé¬
tail , dès qu’un Enfant étoit né , avant qu’on lui laiffât prendre
la mamelle , on lui faifoit avaler de la Graiffe & de l’Huile. L’Aî¬
né des Fils portoit toujours le nom du Pere , avec l’addition
d’une' Syllabe ; on en donnoit un autre au fécond , qu’on au-
gmentoit auffi d’une Syllabe pour le troifiéme , & ainfi des au¬
tres ; mais ces noms fe changeoient apparemment , quand on
étoit marié. On embaumoit les Corps morts , ou plûtôt , après
quon les avoit déchiquetés , & vuidés , on les faifoit fécher ,
pour empêcher la corruption. Le deuil confifloit à fe peindre de
noir ,& en de grandes lamentations.
Dès qu’un Pere de Famille étoit expiré , on le droit de fa Ca¬
ban ne , à laquelle on mettoit le feu , fans en rien emporter. En-
1 6 1 i.
i 6 1 1
histoire generale -
r.Le chacun préfentoit à ce Cadavre ce qu’il avoir de meil-
fëur & fonrambeau étoit fort orné en dedans & en dehors
1“ Guerriers , avant que d’aller en campagne , fe barraient
contre leurs Femmes , & s’ils avoient du deitous , ils ne dou-
toient pas du fuccès de leur expédition: au contraire, fi leu
Femmes étoient les plus foibles , ils en tiraient un mauvais au¬
gure. A la naiffancc d’un Garçon ,
n mi 'à la oremiere dent , qui lui poufioit , & a la première ne
te qu'il mo t à la chaffe. Si quelqu’un entrant dans une Caban-
ne’v caXit lesEnfans, on lui faifoit un prefent : les Freres
& les Sœurs fe traittoient entr eux avec beaucoup de civili e ,
& Ces'sauvages avoient une maniéré aiTez finguhere de faire
mient dans le fondement du Malade , puis en preffant le boyau,
1 aOIp ils faifoient entrer la fumée dans fon corps. Ils le
o Înt mësXs la tête7, que notreWion les détruirait. En effe£
dès 1- tems de M. de Monts ils diminuoient de, a BeaucouP ’
peu de tems après on montrait un affez grand nombre de lieux
Séferts où l’on affûroit qu’il y avoir eu de &r„offes BourPa^. '
mie nos Pêcheurs fréquentaffent leurs Cotes.Ils ajouraient
ou’on les avoir empoifonnés, & ce reproche n’étoit pas fans quel¬
que fondement. On a trouvé plus d’une fois entre : leurs : mm
3n Snhlimé & autres femblables drogues , que des tranço
leur avoient données, & dont ils leur avoient enfeigne, difoit on,
i p :re ufage pour fe défaire de leurs Ennemis. Je crois que ce
nvÀ nas amvëfouvent ; mais ce qui n’a été que trop ordinaire,
c’eft que parmi les marchandifes comeftibles , qu on eur a
portées , il s’en eft trouvé de gâtées qui leur «ufoient des ma-
Fadies d’autant plus dangereufes , qu’ils en ignoraient egalement
les caufes , la nature , & les moyens de les guérir. , n>
Abondance Ils en avoient peu , avant que de nous conn î p -p jgjK
henTcadit appliquoient que des remedes Amples & naturels. Ils faifoien
Mauvaîfe
conduite de
quelques
ïrançois à
leur egard.
!
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. 127
. beaucoup d’exercice , les fueurs & les bains étoient fort en ufa- -
ge parmi eux , comme parmi tous les autres Sauvages du Ca- 1 ^ 1 1 •
nada. Du relie ils vivoient miferablement , & leur par elfe leur
faifoit fouvent fouffrir de grandes difettes , au milieu de la plus
grande abondance des chofes néceffaires à la vie. Chaque
faifon, dans ce Pays -là, peut fournir à fes Habitans, fufïent-
ils en auffi grand nombre , que dans les Régions les plus peu¬
plées de l’Europe , de quoi vivre avec peu de fatigue ; & rien
n’ed plus facile , que de garder d’une faifon à l’autre , de quoi fe
prémunir contre les accidens , qui pourroient furvenir.
En Oélobre & en Novembre on commence la chalfe des Ca-
Hors & des Elans , qui dure une partie de l’hyver. En Décem¬
bre , ou , pour parler plus julle , pendant les deux dernieres Lu¬
nes , un Poiffon appellé Ponamo , vient frayer fur les glaces , 8t
011 en prend autant qu’on veut ; je crois que c’eft une efpece de
Chien de Mer. C’ell aulîile tems , auquel les Tortues font leur
ponte. Les Ours , les Lièvres , & les Loutres font encore une
des richeffes de cette faifon , auffi-hien que le Gibier , c’effià-di-
re , les Perdrix , les Canards , les Sarcelles , les Outardes , &
quantité d’Oifeaux de Riviere , qu’on trouve par tout à foifon.
En Janvier , on fait la Pêche du Loup Marin , dont la chair
parut d’abord à nos Matelots auffi bonne , que celle du Veau ,
& qui dans le vrai n’elt ni défagreable , ni malfaifante.
? Depuis le commencement de Février , jufqua la mi-Mars ,
e’eft le fort de la Chaffe des Cariboux , & des autres Animaux ,
dont j ai parlé d’abord. Vers la En de Mars , les Poilfons com¬
mencent a frayer , & entrent dans les Rivières en fi grande
quantité , qu’on ne peut le croire , quand on ne l’a point vû. Le
premier, quiparoît , efU’Eplan, lequel eff trois fois plus grand
en ce Pays-là. , qu’en Europe. A la nn d’Avril le Hareng donne,
& dans le meme tems toutes les Ifles , & les bords des Rivières
font couverts d Outardes, qui viennent faire leurs nids. Les feuls
ceuls de ces Oifeaux fuffiroient prefque pour nourrir les Habi¬
tans pendant ce tems-là , fans faire trop de tort à la multiplica¬
tion de 1 efpece. L’Eflurgeon & le Saumon viennent enfuite , &
Ion ne voit alors dans tous les creux des Rochers , & dans les
autres lieux découverts , que des nids d’Oifeaux de toutes les
fortes.
Je ne parle point de la Pêche de la Morue , qui efl très-abon¬
dante fur toutes les Côtes de l’Acadie , parceque les Sauvagesne
la connoilloient point ; mais indépendemment de tout ce qu’on
/
q HISTOIRE GEN ER A L E ^
i . . ip(; Ararliens euffent voulu sappli**
- vient de voir , pour peu q ;r des ge{Haux , & à élever
1 6 1 1 • quer à cultiver leurs terres , a - pêche & de
des Volailles , il leur eût ete fac1!® Au tems , dont
la Chaffe , ou de ne s en ^al*Aclu . f ,, i c Js* Septembre , ils
j, p„k , depuis, le “gïâittaS, & ei»;
n’étoient occupes qu a fams la «a ^ bien .
de « commerce étoient-ils très-confi-
dê Cependant , quelque miferable ^
gamos l’avoient pris fur un ton fort haut a P
Flegocians. Il falloir les complimenter & leur i fane des ^ ré-
pour avoir la permiffion de faire le co ’ngur au rand Sa-
ponfes , ils s’imagmoient faire beaucoup d | faire
gamo des François , de le traitter d ^ pPulffance de
ceux-ci , pour leur donner une grande idee^ la^ ^ ^
leur Souverain. Voila cecp ^7*^ tentrionnaIe , aufquels
premiers Sauvages de 1 Ame q P n~;ie> On affûre qu ils
nous avons entrepris d ann0£ïe r bot fyance que le célébré
vivoient alors très-lontems , & c avoitcent ans , lorf-
Mambertou , dont nous allons p , marié du
¥* » r;*ffgGZSS£L& . rn fo* «H
Tiefté des
Sauvages.
Hiftoire du
Sagamo
Marabertou.
qu’il le vit pour la première lois erV 1 aw ' X. qul l’ont con-
tems de Jacques Cartier, Neanmoi nu’ils ne lui auroient
nu , le trouvèrent fi frais & fi vigoureux , qu ils K
pas donné foixante ans. ïAm-nrpmier devoir, en
Nos deux Millionnaires crurent que P ^u Pays;
arrivant au Port Royal , éto.t d’apprendre la langue du ^ J ^
mais ils furent affez étonnés de »
François , qui put, ou qui voulu rre en état de leur
Ponteravé même , qui étoitplus qu aucun autre en eta
rendre ce fervice, n’ofant pas avoir trop ^ommumcmonav^
eux , de peur d’aigrir M. de Poutrincour , Jï Mani¬
tou pas bien. Par bonheur pour -a* Peres em-
bertou avott appris un peu i de Fr ç fon accredité dans
preffement leur amitié. Ce C , q R 'interne comme fi-
la Nation, navoit pas voulu recevoir k BaP«™, ^ ^
rent plufieurs de fes Sujets , lai Ç . anoris , avant que
Chriftjanifme ; mats fepeuÿ» ^on lm dPP’en inftruireà
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. HL 129
fond. Rien ne pouvoit venir plus à propos pour les Miffionnai- \ 6 1 1.
res , ils s’attachèrent à lui , & trouvèrent que c’étoit véritable¬
ment un Homme d’efprit.
Il n’avoit en effet rien de barbare , que l’extérieur & la fierté.
Lefcarbot , qui Fa beaucoup pratiqué 5 en a fait un éloge ,
qui paraîtra fans doute exagéré à ceux , qui ne fcavent pas ,
qu’il peut fe rencontrer par tout des Hommes fi heureufement
nés , que ni le défaut de culture , ni une éducation fauvage ,
ne les empêchent point de s’élever par leur propre genie au-
deffus de la plûpart même de ceux , qui ont eu plus de fecours
pourfe former l’efprit & le cœur. On lui avoit donné au Baptê¬
me le nom de Henry 9 parceque Henry le Grand vivoit enco¬
re. Il étoit brave & habile Guerrier à la maniéré des Sauvages ,
& le même Lefcarbot , qui en a fait fon Héros , a chanté en
Versfes exploits militaires. Il étoit de la plus grande taille , &
avoit l’air noble , on dit même qu’il avoit delà barbe , ce qui eff
fi rare parmi les Peuples de F Amérique 9 que s’il ne fût pas né
avant l’arrivée des François dans fon Pays , on n’eût pas douté
que le fang Européen ne fût mêlé dans fes veines avec le fang
Âmériquain. Enfin , il s’étoit donné fur toute fa Nation , une
autorité , que nul autre n^avoit fçu prendre avant lui.
n Ce qui rendoit l’entretien de cet illuflre Chef plus agréable ,
& plus utile aux Miffionnaires , c’eft qu’il avoit été Autmoin :
c’eftle nom , que les Acadiens donnoient à leurs Jongleurs. Le
Pere Biart lui demanda un jour , fi le démon , qu’il avoit , di-
foit-il , évoqué fort fouvent , s etoit jamais fait voir à lui ? Il ré¬
pondit que cela étoit arrivé quelquefois ; » mais , ajoûta-t’il , ce «
qui m’a engagé à renoncer à cette profeffion , c’eff que cet Ef- «
prit de ténèbres ne me commandait jamais que du mal. Le fe- «
cours & le crédit d’un tel Néophyte donnoient aux deux Ou¬
vriers Apofloliques tout lieu d’efperer de fe voir bientôt en état
de faire du fruit parmi ces Peuples ; mais ils ne jouirent pas lon-
tems de cet avantage. Mambertou tomba malade d’une difîen-
terie , qui en peu ne tems le réduifit à l’extrémité.
Il fe fit aufïitôt porter au Quartier des François , dans Fefpe- Sa dernier*
rance d y recevoir plus de foulagement , que chez lui. Le P. maladie-
Enemond Malle le logea dans fa maifon , & le P. Biart , qui
etoit abfent , accourut à la première nouvelle , qu’il eut du dan-
ger , ou il étoit. On n’oublia rien pour conferver un Homme
qu on jugeoit également néceffaire au progrès de la Colonie , &
à letablilfement de la Religion Chrétienne ; mais tous les reme-
Tome I, R
I 6 I 2-
histoire generale
1 3° . -1 . il s’eH aperçut bientôt , & demanda de lu»*
- des furent inutiles . ^ rEglife , qu’il reçut avec de
même les ' derniers S % '£nfuite M, deBiencourt,
même les derniers .acremeus ^ de Bieneourt,
très-grands fennmens de pete. .U ^ fon pgre
feroit expiré , dans f
"Embarras ,
on fe trouvent
les Miflîon-
naires à Ion
fu jet.
Bourgade , afin dy unincopvenient , le lui promit ;
Bieneourt , qui n y >e Cofflmandant en parla , s’oppofa for¬
mais le P. Biart , a q taàpun & à f autre le Icandale,
tentent a ce deflem , & r P Bieneourt répliqua qu’il avoit
que caufero.t une telle démarché ^P £ ^ ,
doi
Sa mort
Santé.
qu au relie, u - foûtint que cela ne le pouvoir p .
roit enterre. L M 1 vant toUs les corps des Infidèles ,
à moins que dexltu.ne p^ üeu C£ les Sauvages ne fouf-
K £ Commandant , perfilla dans fa
demande ’ .^^la^tfererira déclaraque ni lui, ni fon Col
Alors ,1e P. Biartieret^ ^ nll£ém^s> Quelques momens
légué ne fe chârgeroient point de * fes fervi-
après il revint , pour continu ;t & „ow tâcher de le
ces, que demandent 1 état, ouille trouve^ g fefmeté , & fe
faire revenir de fon en e * lendemain lui demanda
charité toucha Mambmou , q que p0ur rien au monde , il
pardon de fon indocilité , q j [jfe , & lui dit qu’il
ne vouloir être prive des foffrages de ttg , , *it
le laiffoit le maître de lu. Ciment I Foy ,
propos. Il expira peu d ^ ient fait honneur à un an
& ^ Chrèrieiv onlu fit del obféques telles , qu’on auroit pû le*
fuhCommandant même , & il n’y eut perfonne , qu. ne 1<
regrettât fincei M de BiencoUrt & le P. Biart parti
le v. Biart Quelque j P . iufqu’au Kinibequi, qu ils rempli
fifae i« Abé- rent pour v.fiter toute la ^ q danibas , Natioi
“*“• ter ent affezlom: * y feent bien R. ^ ^ _ ])$ £n r£
Abenaqui ,q , )e Port Royal commencoit a manquer
çurent des vivres , dont e Fortttoy ^ R fe£0urs d’un Sac
^age r^ufemendoit paffablement le François , leur annonç
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. 131
Jésus-Christ. Il trouva un Peuple docile , qui l’écouta avec — ~p — 7~
refpeR , & ne lui parut pas éloigné du Royaume des Cieux. 1 6 1 2‘
Peu auparavant des Anglois avoient tenté de faire un Etablif-
fement fur leur Riviere ; mais ils avoient eu avec ces Sauvages,
de fi mauvaifes maniérés , que ceux-ci les avoient contraints de
fe retirer. Les Canibas trouvèrent les François plus humains , &
traitterent avec eux û cordialement , qu’on crut pouvoir fe pro¬
mettre qu’on auroit dans cette Nation , une barrière contre des
Voifins entreprenans , & qui ne reconnoiffent dans leurs Colo¬
nies d’autres limites , que celles , qu’ils ne peuvent franchir par
la force.
Le P . Enemond Maffe s ’étoit auffî mis en marche de fon côté, imagination
pour reconnoître le Pays , & les difpofitions des Peuples en fa- PIaIfaîlte
veur de la Religion. Il avoit j^our Guide un Fils de Mambertou, Sauvagc“
j<jui étoit Chrétien , & avoit été nommé Louis ; mais il ne put al¬
ler bien loin, parcequ’il tomba dangereufement malade. Ce
contretems jetta le Sauvage dans une inquiétude , que le Mif-
fionnaire prit d’abord pour un pur effet de fon affeRion ; mais il
reconnut bientôt , quelle avoit une autre caufe. Un jour, qu’il
étoit fort abbattu , Louis vint le trouver , & le pria d’écrire à
M. de Biencourt , qu’il mouroit de maladie ; fans cela , ajoûta-
til , on croira que je t’ai tué. Je m’en garderai bien , répondit
le Malade , tu ferois peut-être Homme à me tuer en effet , & à
te fervir de ma Lettre , pour cacher ton crime , le Sauvage com¬
prit ce que cela fignifioit, il eut honte de fa bêtife, & pria le Pere
de demander à Dieu fa guérifon , afin qu’on n’eût aucun foup-
çon contre lui. Je raporte ce trait, parcequ’il caraRérife bien
les Sauvages ; en beaucoup de rencontres , on feroit tenté de
croire qu’ils n’ont qu’une demie-raifon , tandis qu’en une infini¬
té d’autres , ils font plus Hommes , que nous.
Cependant le tems fe paffoit , & la Colonie diminuoit plutôt Ce nui rctar.
qu elle ne croiffoit. On ne fongeoit plus à cultiver la Terre , qq de le progrès
qui mettoit les François dans une continuelle dépendance ’des de r£vanSiIc-
Sauvages pour la fubfiffance, & cela feul étoit capable d’arrêter
les progrès de 1 Evangile , par le mépris que cette trifie fituation
nous attiroit de la part de ces Barbares. En effet, les Million¬
naires ne pouvoient prefqueplus quebaptifer les Enfans mori¬
bonds, quand ils étoient avertis à tems. Le plus grand mal néan¬
moins venait du peu de concert, qu’il y avoit toujours entr’eux
1 & ceux , qui commandoient au Port Royal. Il n’étoit pas pofiî-
ble que les Infidèles ne s’en aperçuffent , & l’expérience de tous
' R ij
1 6 I 2..
Projet d’un
nouvel Eta-
blifl'ement.
HISTOIRE GENERALE ~
Ïtems “fi ait voir , que rien n’eft plus nuifibleâ TEtabUffement
du Chriftianifme. France & il s’étoit brouillé
M. de Poutrincourtetoit efte en entrée en Société
SSBkSSCSSÇSBSfc**^
- • ■’ T ' ils pufl<
ment à les tranfporter ^.^XVtr^adkr Jns obftacle , aux
démêler avec lui, & ou ils p ue Champlain avoit fait muti-
fonaions de leur Mimfter ■ • P M. Moms ,
lement tous fes efforts, pour ] ^|er par k feule raifort ,
dont il lui garantiffoit a > P voulut jamais en-
queM.de Monts Lit repentir ; car il
tendre , & elle eut la * i ' ^es trois mille ùx-cent livres,
eft certain que, fi elle lui eut S.
qu’il demandoit , pour faire « nEab Uttemen üa ^
Laurent, elle eût évite les ^defit eoûter àla Reine
Laurent, elle eût évite les maineurs, 4- -- àk Reine
Les Million. Elle forma donc un autre p î ’ *L ^ ^ [a dépenfe ,
^ S fifd l a nart de la Marquife , avec plus de gen e ^fite , que
naires
portent
tagoet
ldi}
d’ordre & de conduite. _E _ . .... Amnit commander
ïordre& de iconduite. Elle qui devoit commander
& donna ordre au Sr. de la SA^?Xbàrauer ^ ce qui étoit
enfon nom dans 1 Amérique , y Coion;e. Ce Bâu-
néceffaire , pour commenc Mars , gi t . & le fixiéme de
ment mit à la voile , le douzi Qù M. de la Sauffaye
May il moiiilla dans le Port de la H p étoit natu-
ta D^rÂàRV, kTu&yep^a au ^ ^iïe’s° Apol"
que cinq Perfonnes , y compris ^ deux Je u ’ Xpartdes
quaire ^quiy commander ; M. de B.encoun ,Küp ^
François étant allés bien loin da™Xe7 & rangea fa Côte juf-
desvivres.il embarqua les ^"ïentm & it réfolut de
qu’à la Riviere de Pentagoet , o anciennes Relations ,
s’établir. Cette Raviere , q m dar P eft éloi ée de quaran
établir. Cette Riviere , de quaran
~ . . 1 _ 1— . . . . & oui eit ce
-Cinq utuva ctw „
, cu nnm nue lui donnent les Sauvages , & qul eu
(a) On ne la connoit plus que fous le nom , <{
lui de Feskadamoukkanti*
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. 133
eft entre deux , mais plus près de la derniere. Autrefois tout le
Pays, depuis le Port Royal jufqu au Kinibequi , étoi't peuplé de
ces Sauvages , que nous connpiffons aujourd’hui fous le nom de
Malecites , & qui font réduits à très-peu de chofes.
L’embouchure de la Riviere de Pentagoët eft par les quaran¬
te-quatre dégrés , vingt minutes : elle a la ligure d’un Delta , eft
allez large , & peut recevoir des Navires de trois - cent Ton¬
neaux. Les environs en font fort agréables , & le terrein , des
plus fertiles : outre les Bois , que nous avons en France , com¬
me les Chênes , les Hetres , lesFrefnes , les Erables , qui y font
d’une très-bonne qualité , on y voit des Pins de foixante pieds
de haut , dont le grain n’eft pas fort gros , non plus que celui
des quatre efpéces de Sapins , dont j’ai parlé ailleurs. Sur quoi
le Sieur Denys obferve , que plus on defcend au Midi , plus les
Arbres font propres à la mâture , & que celle de la^ Nouvelle
Angleterre vaut mieux que celle de Norvège. Il préféré néan¬
moins celle-ci , & en général celle des Pays froids , à celle des
Pays tempérés , comme de cette partie de l’Acadie , qui s’étend
depuis la Haive, jufqu’au Fleuve S. Laurent.
11 examine enfuite quelle peut être la caufe phyftque de cette
différence ; & après avoir établi pour principe, que plus le grain
de l’Arbre eft ferré , plus le bois en eft propre à la mâture , il pré¬
tend que dans les Pays chauds , où les Sapins croiffent fur des
lieux élevés , & dans un terrein fec , l’ardeur du Soleil deffeche
l’humeur fuperfluë de ces Arbres, & empêche le grain de grofîir
en le tenant plus ferré , & en lui donnant une liaifon plus forte.
Dans le Nord , ajoûte-t’il , le grand froid produit à peu près le
même effet ; il refferre le bois , enforte que la fève ne lui donne
Ï>as affez de nourriture , pour en faire enfler le grain ; mais dans
es Pays tempérés , rien n’empêche le grain de groffir , aufîi le
bois en eft bien moins fort , & fe caffe plus aifement.
On trouve aufîi à Pentagoët quantité d’Ours , qui vivent de
glands , & ont la chair blanche & délicate , comme celle du
Veau, ainfi que dans l’Acadie : grand nombre d’Orignaux, quel¬
ques Caftors , peu de Loutres ; des Lièvres , des Perdrix , des
Tortues , des Outardes , & autre pareil Gibier à foifon. Vis-à-
vis de l’embouchure de la Riviere , il y a plufieurs Illes , autour
defquelles on pêche quantité de Maquereaux , furtout à rifle
des Monts défirts , qu’on laiffe à droitte en entrant. Les Angloîs
en font un grand commerce dans les Antilles. Le Hareng y eft
.rare , mais le Gafparot , qui en eft une efpece plus petite , &
1613.
Defcrîption
de Pentagoët.
Obfervation
fur les mâtu¬
res.
i 6 i 3
Situation de
la Colonie de
Madame 'de
Guercheville.
Coutume ex¬
travagante des
Malecites.
HISTOIRE GENERA LE
moins bonne , y eft fort abondant. On y pêche auffi beaucoup
de Morues pendant l’hyver. Entre Pentagoet & le Rimbequi ,
il y avoir autrefois des Sauvages , appellés Armouchiquois ,
dont Champlain & Lefcarbot parlent beaucoup : ils étoient
Traîtres & Voleurs : les Frafiçois n’ont jamais pû les apnvoifer,
&Tls fefont retirés vers la Nouvelle Angleterre
Tel étoit le lieu , oùM. delaSauffaye plaça la Colonie de
Madame de Guercheville. Il débarqua fur la rive Septentrion-
nale , & y fit à la hâte un petit Retranchement , auquel il don¬
na le nom de S. Sauveur. Tout fon Monde, qui fe montoit à
vingt-cinq Perfonnes , fut bientôt logé, parceque l’Equipage de
fon Navire , qui étoit de trente-cinq Hommes , fe joignit aux
nouveaux Colons , & que tous travaillèrent avec beaucoup
d’ardeur & de concert. Les Bâtimens finis , on commença à cul¬
tiver la Terre ,& tandis que l’on s’occupoit à ce travail, le P.
Biart , accompagné d’un Gentilhomme , nomme La Motte
yIUN ^ qui étoit Lieutenant de la SaulTaye , fit une excur-
fion dans le Pays , pour voir en quelle difpofition étoient les
Sauvages de ce Canton. Il lui arriva dans cette courfe , une cho-
fe allez finguliere. , , .
Comme il paffoit près d’un Village , il entendit des hurle-
mens affreux : il jugea qu’on pleurait quelque mort ; mais un
Sauvage, qui fe rencontra parhazard fur fon paffage, lui dit que
c’étoit un Enfant , qui fe mouroit , & que s’il vouloit doubler
le pas il ferait encore à tems pour le baptiler. Le Millionnaire
fe mit auffitôt à courir , & en entrant dans le Village , il en aper¬
çut tous les Habitans rangés en haye des deux côtes , & au mi- '
lieu le Pere du petit Malade , qui le tenoit entre fes bras , &
qui, à chaque foupir, que pouffoit le Moribond , jettent des cris,
plus capables d’effrayer , que d’exciter la compaffion. Tous les
Sauvages lui répondoient fur le meme ton , & l$s rorets voin-
nés rétentiffoient de leurs hurlemens.
Le Millionnaire , touché de ce fpeftacle , s approche du Pere
de l’Enfant , & lui demande s’il veut bien lui permettre de bap-
tifer fon Fils ? Ce pauvre Homme ne lui répondit, qu’en lui met¬
tant l’Enfant entre les mains; le Pere le donna à tenir à M. de
la Motte , fe fit aporter de l’eau , & le baptifa. Pendant la Cere¬
monie il fe fit un grand filence.; il fembloit que ces Barbares s at-
tendiffent à quelque chofe d’extraordinaire : le Serviteur de
Dieu s’en aperçut , & rempli d’une confiance vrayment Aposto¬
lique , il conjura à haute voix le Seigneur , de vouloir bien tiret*
i 6
3
Un Enfant
moribond
guéri par la
vertu du Bap¬
tême.
Onze Navi-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. 135
du fein de fa mifericorde , quelque trait de fa Puiffance en fa¬
veur de ce Peuple aveugle , mais docile.
Sa Priere finie , il prit l’Enfant , le mit entre les bras de fa Me-
re, en lui difant de lui préfenter fa mamelle. Elle le fit ; l’Enfant
têt a affez lontems , & parut enfuite aufii fain , que fi jamais il
n’avoit eu de mal. Il eft aifé de juger quel fut l’étonnement des
Sauvages , à la vûë d’une guérifon fi prompte , & fi peu atten¬
due : ils furent quelque tems comme immobiles , & le Million¬
naire tira tout le fruit , qu’il pouvoir alors efperer d’un événe¬
ment fi merveilleux. Ce Peuple le regardoit comme un Homme
defcendu du Ciel , & il n’eft rien , qu’il 11’eût pu fe promettre
d’une difpofition fi favorable ,'fi , peu de jours après , il n’eût été
malheureufement contraint de renoncer à fes projets , & à fes
efperances.
Lanouvelle Colonie de S. Sauveur n’avoit pas encore eu le
tems de prendre une forme réglée , lorfqu’un orage imprévû la pS A“§,ois à
renverfa jufqu aux fondemens. Onze Bâtimens Anglois étoient e *
partis de la Virginie , fous les ordres de Samuel Argall, pour
faire la Pêche vers fille des Monts défer ts; ce Commandant ap¬
prit fur la route que des Etrangers s’é'tabliffoient à Pentagoët ;
il nè douta point que ce ne fuffent des François , & quoique les
deux Couronnes fuffent alors en paix , il réfolut de les en chaf-
fer. Il fe fondoit fur une conceffion de Jacques I. Roy de la
Grande Bretagne , qui avoit permis à fes Sujets de s’établir juf¬
qu aux quarante-cinq dégrés , & il crut pouvoir profiter de la
foibleffe des François , pour les traitter en Ufurpateurs. Mais
1 Hifforien de la Virginie fe trompe évidemment , lorfqu’il place
cette entreprise en 1 <5 1 8 . auquel tems le même Argall étoit Gou¬
verneur Général de la Virginie ; car il eff formellement démen¬
ti en cela par tous les Hiftoriens contemporains , & par des ma-
numens inconte labiés.
Ilparoîtque ce Capitaine Anglois n’avoit qu’un Vaiffeau de
force, oour efcorter les Navires Pêcheurs ; du moins on n’aper¬
çut d abord à S. Sauveur , qu’un Bâtiment , qui venoit à toutes
voues avec le Pavillon d’Angleterre. Quoique la Sauffaye ig¬
norât le deffein des Anglois, il crut devoir fe préparer à tout éve-
!leiPei!t ’ demeura à Terre pour défendre fon Fort , la Motte
le Vilin fut chargé de la défenfe du Navire , qui étoit en rade ;
mais ni 1 un ni l’autre n’avoit de Canons, & Argall en avoit qua¬
torze. Celui-ci s’attacha d’abord au Retranchement , & après
1 avoir canonné pendant quelque tems d’un peu loin , il s’en ap-
T Ils s’en ren¬
dent les Maî¬
tres.
i 6 i 3
friponnerie
du Capitaine
Argall.
, utSTOIRE GENERA LE
1 36 u j ,|„c nrès & fit un très-grand feu de Moufqueterie ,
F°Ch!bfen du Alonde , & entr’autres , un Frere Jefmte , nom-
mé GUberf1 DU Thet , dont la valeur , vraye ou prétendue , a
■ j a fnrt mauvaife humeur Jean de Laet.
m’ï fsÏÏffave voyant bien qu’une plus longue refiftance ne fau-
Place , & ne fervirok qua lui faire perdre ce qui
veroit pas la nace c. footte le Vilm fut bientôt
JU1 reftoit ÿ Monde e e n0mmé L s ,
contraint d en taire autant, 1 Antrlois , fe fauva dans
qui ne jugea pas a propos chofe ^ ; fit Argall , dès
6 n II Ce de tout , ce fut d’abbattre la Croix , que les
Sr‘i-fe “iîes avoient plantée dans l’Habitation , pour y affem-
Miffionnai h|ures des prieres publiques , en attendant
bbr les Fide , u enfuite vifiter les coffres de la
OaUHd-J t 5 «A ^
Pefeïennd^mainTaÇSakaye étant allé lui rendre vif, te Argall
, La lfn!lTà voir fa Commiffion , il dit quelle étoit dans fon
' col il , qu’il ouvrit fur le ch^^ POur la lu^ montp ma'SM ut
ge. Cela fait , il parut s ado h’ ê t n offrit même aux
rC ïi™ “»«» « fp" « * Chaloupe pon.ée, pou,
«“SÏfS i Bà.~=u. f« oouv» „oP peu. pou,
KM les tran- veniravec lui en Virginie , ou il eur p & ’apr£s une
5°,s- une liberté entière de profeffer leur Re g , » lePfouhait.
année de fervice , on les repa e Sieur de la Motte
toient. Plufieurs acceptèrent cette offre ^ & J «eurU^
le Vilin , pour qui le Capitaine Anglo pÇBiart. Deux
& de l’amitié, voulut le fuivre , aufïï-bien ique M_ de la
autres Jefuites , qui étoieni r venus ■ de Frai Xrkfindre un Na-
Sauffaye , s embarquèrent avec eux , po Uj ^ ainfi
vire Anglois , qui devou ^ntotpa^ J ^ de François
ïvSur Commandant % le P PEnemond MalTe , qui ne vou-
^ÆSïSôit , ils n «voient point de Pilote f •*
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. 137
jour même, ou le lendemain de leur départ, comme ils rangeoient ~"l ^ . '
la terre à vûë pour gagner le Port Royal, ils aperçurent Lam es *
fur le rivage ; ils l’embarquerent , & firent voile vers l’Acadie.
Ils traverferent la Baye Françoife , fans toucher au Port Royal ,
& un peu au-delà du Port de la Haive ils rencontrèrent un Navi¬
re Maloin , qui les reçut tous , & les mena heureufement à S.
Malo. Ceux qui avoient fuivi le Capitaine Argall en Virginie ,
n’eurent pas autant de bonheur : à leur arrivée à Jameftown , le
Gouverneur Général leur déclara qu’ils dévoient tous s’atten¬
dre à être traittés en Corfaires , & en effet il les condamna à la
mort.
Argall eut beau lui reprefenter qu’il leur avoit donné fa pa- Argalî avonb6
rôle qu’on les traitteroit bien , & qu’ils demeureraient libres ,
qu’ils ne s’étoient rendus à lui , qu’à cette condition , & que vie aux^raa*
c’étoit fous cette même caution , qu’ils l’avoient fuivi volontai- Sû¬
rement en Virginie , pour y rendre fervice aux Sujets de Sa Ma-
jefté Britannique : le Gouverneur lui répondit qu’il avoit paffé
fes pouvoirs , & que leur Chef n’ayant point de Commiffion ,
il ne pouvoit fe difpenfer de les regarder comme des Forbans.
Il ne lui reftoit plus d’autre moyen pour les fauver , que d’a-
voüer la fupercherie , qu’il avoit faite au Sieur de la Sauffaye ,
& il fut affez honnête Homme pour racheter la vie de tant de
Perfonnes innocentes , au prix de la confufion , que devoir lui
caufer un tel aveu.
La vûë de la Commiffion , qu’il produifit , défarma le Gou- , Les Angîok
verneur ; mais il prit fur le champ la réfolution de chaffer les j»ortPRoyaK ' *
François de toute l’Acadie , toujours fous le prétexte de la con-
ceffion du Roy de la Grande Bretagne. Argall fut chargé de
cette expédition , & on lui donna trois Navires , fur lefquels il
embarqua tous les François , qu’il avoit amenés de S. Sauveur.
Il apprit fur fa route , qu’un Bâtiment de cette Nation étoit en¬
tré dans la Riviere de Pentagoët , & il fe difpofa à le combattre ;
mais il ne l’y trouva point. Il arbora les armes d’Angleterre au
même endroit , où avoient été celles de la Marquife de Guer-
cheville , puis il alla à fille de Sainte Croix , où il ruina tout ce
qui y reftoit de l’ancienne habitation de M. de Monts: il fit la
même chofe au Port Royal , où il ne rencontra perfonne , &
en deux heures de tems le feu confuma tout ce que les François
poffedoient dans une Colonie , où l’on avoit déjà dépenfé plus
de cent mille écus , & travaillé bien des années , fans avoir eu
la précaution de fe mettre en état de foûtenir un coup de main»
Tome L ‘ 5
IV
il
I
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«
1613.
Diverfes
,,g HISTOIRE generale
Celui qui y perdit davantage , fut M. de Poutrincourt , qui
depuis ce tems-là ne fongeaplus à .l’Amerique. Il rentra , dit
Jean de Laët , dans le Service , où il s etoit déjà diftingue par
plufieurs belles aftions , & mourut au lit d honneur.
^ Aroall n’ayant plus rien à faire en Acadie , reprit la route de
Argalin ayant pu F.fcadre es François, quil
_ aes jXn3 ^^“LTtoüP fûrfo^
François de s. . 1 Sneftateurs de la ruine du Port Royal. A peine s e-
Sauveur. ayo rend P aoercutun François fur le rivage : corn
tok-il enibarqué, qu’on aperçut un François fur le rivage : com¬
me il faifoit ?igne qu’il vouloir parler , le Ciommanclant s^va -.
ca fur le bord de fon Navire pour 1 ecouter , & cet Homme 1 a
vertit de fe défier d’un Jefuite Efpagnol, nomme Biart , qui u
ioiieroit quelque mauvais tour , s il ne fe tenoit bien fur fes gar
des Le P. Biart étoit de Grenoble , mais un des moyens , dont
orfüfoù aiors en France pour rendre les Je/mtes odieux , eto.t
de les faire palier pour des Partifans fecrets de la Maifon d Autri¬
che On fçait que c’eft un des griefs , dont on les chargea pour
détôurner^ie Roy Henry IV. de les rétablir dans fon B.oy aume ,
& la belle réponse , que fitcefage Prince , à ceux qui lui par-
loient de la forte. Argall fut furpris du difcou« du François , &
on s’aperçut bientôt qu’il avoit fait mipreffion lur lon elprit.
réfoiut même de fe défaire des Millionnaires a fon arrivée
en
Vi"mais la Providence en difpofa autrement : une tem^
te crui dura trois iours avec une violence extieme , diipert
ois Navires Angiois. Le plus petit , qui n’étoit qu ™e Barque,
v *1 - + /-VI C Hmnnies . n’a point paru depu
Belle action
de trois Jefui-
tes.
trois Navires Angiois. j-c , np* v * i a r.
& où il n’y avoir que trois Hommes , n a point paru depuis.
t U fit fa route, & arriva heureufement en Virginie. Le troi¬
sième , fur lequel étoient les trois Jefuîtes , & . qui et^el}Tc0 '
mandés par un nommé Turnell , fut f «e Jmt ;m /oi g a
Nord & enfin pris d’un vent force de Sud-Oueft , qui obi g
défaire vent arriéré jufqu’aux Açorres. Heureux de pouvoir y
''TliLTefuite; , que le Capitaine avoir fort maltraittés , n’a-
voient qu’à fe faire connoître, & dire deux mots, pour ^
vés • & Turnell, en moiiillant , bien maigre lui , dans la Kade
Se lïfk de Fayal , parut n’être pas fans inquiétude a ce fiijet. Il
fut „2amuoinLff;zPde confiante dans la vertu de ces Religieux,
nour leur propofer de fouffrir qu il les tint caches , lo q
viendroit fSre^avifite de fon Bâtiment , & ils y Çonfennrent
bonne grâce. Cette vifite faite , le Capitaine Ang o^ eut hC.^
té d’acheter tout ce qu’il voulut , apres quoi îl fe îennt e
& le refte de fon voyage fut heureux ; mais il fe trouva e
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. III. 139
affez embarraffé en arrivant en Angleterre : il n’avoit point de
Commiflion , & quoiqu’il reprefentât l’accident , qui l’avoitfé-
paré de fon Commandant , il fut regardé comme déferteur de la
Virginie : 011 le mit en prifon , d’où il ne fortit que furie témoi¬
gnage des Jefuites. Il 11e fe laffoit point depuis ce tems-là de
publier la vertu de ces Millionnaires , deux fois fes libéra¬
teurs , & furtout le plailîr , qu’ils lui avoient fait à Fayal , où ils
ne pouvoient lui rendre le bien pour le mal , comme ils firent fi
généreufement , fans fe priver de beaucoup de douceurs , qu’ils
fe feroient procurées, en fe faifant connoître. Il efi vrai qu’on
n’oublia rien pour les en dédommager en Angleterre , où ils fu¬
rent fort careifés tout le tems qu’ils y demeurèrent. Enfin M. de
Biseau , Ambaffadeur de France à la Cour de Londres , les ré¬
clama , & les fit embarquer pour Calais.
Cependant on fit grand bruit à la Cour de France de l’entre-
prife des Anglois fur S. Sauveur , & fur le Port Royal ; mais
comme dans le fond cette affaire n’intéreffoit que des Particu¬
liers , ce premier feu fe ralentit bientôt. M. de Poutrincourt
n’étoit pas affez en faveur pourfe flatter qu’on y prendrait vive¬
ment fes intérêts , & ne fit aucune démarche. Madame de Guer-
cheville fe contenta d’envoyer la Sauffaye à Londres , pour y
folliciter la réparation du tort , qu’011 lui avoit fait contre le droit
des Gens , & la refiitution de fes effets ; mais elle n’obtint qu’une
partie de ce qu’elle demandoit , & il fallut s’en contenter. Elle
reconnut alors , mais trop tard , la faute quelle avoit faite de ne
pas fuivre le confeil de M. de Champlain ^ qui la rejette en par¬
tie fur le P. Cotton , fans les avis duquel la Marquife , dit-il, ne
faifoitrien. Mais quoique Champlain leur répondît des bonnes
intentions de M. de Monts, y aurai t-il eu bien de la sûreté à con¬
fier à un Calviniffe la direction d’un Etabliffemenq, dont l’objet
principal étoit de prêcher l’Evangile aux Peuples du Canada ?
Dans le vrai tout le Monde eut tort ; les uns par trop de dé¬
fiance , les autres par l’envie de retirer d’abord plus qu’ils n’avan-
çoient ; ceux-ci , faute d’expérience ; ceux-là , pour ne s’être pas
donné le tems de connoître le Pays. M. de Monts vouloit trou¬
ver dans fon Privilège exclufif des fonds affûrés & préfens pour
fournir aux frais de fon Etabliffement ; & fans exclufion il en
aurait eu de fuflifans dans le commerce , s’il eût commencé par
s’établir en un lieu sûr , & où il fût plus à portée des fecours de
France. M. de Poutrincourt ayant obtenu le Domaine du Port
Royal , n’avoit rien de mieux à faire que d’y enfemencer affez
Sij
1613.
V
HISTOIRE general e,
rWerrein*1 pour s’affûrer que fes Gens ne manqueraient jamais,
j & s’il avoit été dans fon Fort avec trente Hommes
bien armés , Argall n’auroit pas même eu l’affurance*de y atta¬
quer Le Sieur de la Sauffaye, après avoir pris poffeffion du Port
de la Haive, ne devoit pas aller plus loin ; il n y aurait jamais ete
attaaué parceque les Wlois Savaient defiein que de faire la
Pèclre, aux Monts déferts , & n’étoientpas allez en force pour
s'engager dans l’Acadie , où ils dévoient fuppofer que les Fran-
cois^étoient fur leurs gardes ; d’ailleurs ils ne connoiffoient point,
le Port de la Haive , dont l’entrée eft facile à defendre. Madame,
de Guercheville de fon coté fit mal de ne point confier fon en-
trenrife à quelqu’un, qui eût déjà quelque connoiffance du Pays,
& !’onneqcon?oit p£ comment fes deux Millionnaires , qm Y
avoient déjà paffé deux ans , ne firent pas faire toutes ces refle¬
xions à la Sauffaye , lequel étoit très-difpofe a fe conduire par
leur avis & qui fans doute en avoit reçu l’ordre. Cequ ily ad
plus toÏÏc’efl que tous ceux, au. dans la fuite entreprirent
le s’établir dans ces Provinces Mendionnales , ont échoué ,
pour avoir fait précifement les mêmes fautes , & n avoir pas.
«nieiiY nris leurs me fur es.
ï4i
s ^.^8^ts^:j^ -îkw-^A:ik%è ■ &$?|
i s
HISTOIRE
E T
DESCRIPTION GENERALE
DELA
NOUVELLE FRANCE,
LIVRE QUATRIEME ■
P R E’ S la fondation de Quebec , & le refus , l ^09_ l «V
que Madame de Guercheville fit de s’affocier J
avec M. de Monts , celui-ci eut encore allez
de crédit pour former une nouvelle Compa¬
gnie ; MM. de Champlain & de Pontgravé
_ s’attachèrent plus fortement que jamais à fes
JE^MMSSSB intérêts , & s’embarquèrent en 1610. Ce der¬
nier pour continuer la traitte à Tadoufiac , & le premier pour
vifiter , & pour avancer fon Etabliffement de Quebec.
Il y trouva toutes chofes dans le meilleur état , qu’il pouvoit bEtat
raifonnablement efperer : l’année précédente il avoit fait femer ecul 16100
du Seigle & du Froment,, & la récolté de l’un & de l’autre avoit
été abondante. Il avoit aufii planté de la Vigne , mais fes Gens
l’arracherent pendant fon abfence , & il n’y avoit en effet nulle
apparence quelle réuffît. D’ailleurs tout le Monde fe portoit
bien , & paroiffoit content. Les Sauvages établis aux environs
étoient Us Algonquins (a) , les Montagne^ è toient plus bas vers
Tadoufiac , & il fut d’autant plus aifé aux François de faire al¬
liance avec ces deux Nations , que bien loin de leur être à char—
(a) On difoit autrefois Algoitrrekins . •
M. de Cham-
plain va en
guerre contre
les Sauvages.
,4» HISTOIRE generale
- - ee ils les foulageoient dans leurs befoins , qui étoient quelque-
i6o9-i3. ^ois’ extrêmes, furtout quand la chaffeleur avoir manqué , ce qui
arrivoit affez fouvent.
Mais le plus grand avantage , que ces Barbares le promet-
toient de la part des François , étoit d’en être lecourus contre les
Iroquois. Dès l’année 1609. Chain plain , qui avoit hiverne a
Ouebec , y ayant été joint au printems par Pontgrave , loii-
qu’un Parti compofé de Hurons , d’ Algonquins , & de Monta-
gnez , Se difpofoit à marcher contre cet Ennemi commun , il le
lailTa perfuader de les accompagner.il ne doutoit point qu ayant
pour lui trois Nations affez nombreuses encore , & intereiiees
à demeurer inséparablement unies avec les François , il ne lui
fûtaiSé de dompter Succeffivement toutes celles, qui entrepren-
droient de s’oppoSer à Ses deffeins , & toutes les apparences
étoient pour la réuffite de ce projet ; mais il ne prevoyoït pas
que les Iroquois , qui Seuls depuis lontems SaiSoient tete a tout
ce qu’il y avoit de Sauvages à cent lieues autour d eux , ne tar-
deroient pas à être appuyés par des Voilins , jaloux de la t ran¬
ce , & qui devinrent bientôt plus puiffans que nous dans cette
partie de l’Amerique.
Ce Sut en effet cette même annee que Henry Fludlon , An¬
al ois , mais attaché au Service de la Compagnie Hollandoile
des Indes Orientales , ayant eu ordre de Saire une nouvelle ten¬
tative pour trouver un paffage à la Chine par le Nord de 1 Amé¬
rique , après l’avoir inutilement cherché , prit terre au Cap
Codd , continua enSuite à ranger la Côte , allant toujours au
Sud & découvrit par les 40. dégrés de Latitude Septentrion-
nale , une grande Baye , où il entra. Il y aperçut une Riviè¬
re , qu’il remonta l’eSpace de 60. lieues , oc lui donna le nom de
Manhatte, qui étoit celui des Habitans du Pays.
Dès l’année Suivante quelques Marchands d Amfterdam en-
XtablifTement
des Hollan-
dois dans la
Nouvelle Bel-
gique.
la Ville de Manhatte , 6c toute cette montrée pi il ic nuu» «w
relie Belgique. Dans la fuite les Hollandois conftruiürent le f ort
d.’ Orange beaucoup plus au Nord. Richard Blome Auteur de
l’ Amérique Andoife , prétend que Hudfon avoir vendu ce Pays
aux Hollandois fans la participation du Roy de la Grande Bre¬
tagne , fon Souverain ; mais que Samuel Argall étant Gouver¬
neur de la Virginie, les en chaffa ; qu’ils obtinrent feulement de
Jacques I. la liberté d’y faire de l’eau en revenant du Brelil ,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IV. 143
que depuis ce tems-làils n’y ont eu aucune habitation. Mais ou- 1609-13
tre que ce récit n’a nulle vraifemblance , l’Auteur fe contredit 1
lui-même ; car immédiatement après il dit qu’en 1 664. des Com-
mifiaires envoyés parle Roy Charles IL prirent fur eux la Ville
de Manhatte , qu’ils appelloient la nouvelle Amflerdam ; & que
treize ans après le Chevalier Robert Car leur enleva le Fort &
la Ville d’Orange , qui fut depuis appellé Albany .
Il eft certain d’ailleurs que jufqu’à ce tems-là les Hollandois
ont au-moins pofiedé une bonne partie de cette Province; qu’ils
y avoient pour V oifins à l’Occident les Suédois, lefquels avoient
appellé Nouvelle Suede , ce qui porte aujourd’hui le nom de Nou¬
veau Jerfey ; & que la nouvelle Belgique a fubfifté fous ce nom
jufqu’au régné de Charles II. Alors les Anglois , qui y avoient
iouvent inquietté les Hollandois , les obligèrent à la leur ceder,
en échange de Surinam , laiffant néanmoins aux Particuliers,
qui y étoient établis , la liberté d’y demeurer , ce que firent la
plûpart. Charles II. en donna le Domaine au Duc d’YoRK ,
Ion Frere , & depuis fon fuccefleur , & dès lors lanouvelle Bel¬
gique changea fon nom en celui de Nouvelle York. Orange fut
nommée Albany ; mais comme un grand nombre de Familles
Hollandoifes y étoient refilées , elles continuèrent de l’appeller
Orange , & les François du Canada ne lui donnent point
d’autre nom. Au-deffiis de cette Ville il y a un Fort avec une
Bourgade , qui confinent avec les Cantons Iroquois , & qu’on
appelle Corlar , d’où ces Sauvages fe font accoûtumés à donner
le nom de Corlar au Gouverneur de lanouvelle York.
Pour finir cette digrefiion , dont la fuite de cette Hiftoire fe¬
ra voir la néceffité , les Hollandois , tandis qu’ils ont été les Maî¬
tres de cette Province , une des plus fertiles de l’Amerique Sep-
tentrionnale , ne fe font jamais ouvertement déclarés contre
nous , comme ont fait depuis les Anglois en toute occafion ;
mais en donnant des armes & des munitions aux Iroquois , avec
lefquels M. de Champlain s’étoit malheureufement brouillé en
faveur de fes Alliés , ils ont mis ces Barbares en état de nous
faire beaucoup de mal , & nous-mêmes dans la néceffité de
fournir aux autres Sauvages des armes à feu , dont la bonne
politique demandoit qu’on ne leur apprît jamais l’ufage. Il faut
néanmoins rendre à M. de Champlain la jufiice de dire que fon
intention étoit uniquement d’humilier les Iroquois , afin de par¬
venir enfuite à réunir toutes les Nations du Canada dans notre
alliance par une bonne paix ; & que ce n’efi: pas fa faute , fi des
Première ex¬
pédition de
Champlain
contre les Iro
tjuojs.
Peu de pré
-caution des
:G «terriers.
%
HISTOIRE generale
évenemens , qu’il ne pouvoir pas prévoir , ont fait tourner les
1609-13. r|10res tout autrement qu il n a voit cru. All;/
ChnSil en foit , il s’embarqua fur le Fleuve avec fes All.es
entra ensuite dans une Riviere , qui fut lontems nommee /u Rt-
viere des Iroquois , pareeque ces Sauvages e c®n ^ ^
nairement par-là , pour fa.re leurs courte dan la Colonie
qui porte aujourd’hui le nom de S on :L Apr
quinze lieues , il arriva au pied dun Rapide (-0 , ^
poffible de franchir avec les Chalouppes. Ceœdi ftculte . ,
la mauvaife foi des Sauvages , qui avole”, a ne le rebu-
de fuivre fes Alliés a vie deux François , qui ne voulurent poi
‘ Te Rapide’ palVé , on com„e„c. S naviguer ™ f“, £
de précaution. On campoit de bonne heure, &onc
choPit du côté de la Terre avec de grands abba fflsd arbres , . =
ce n’eft pas la coutume des Sauvages de fe fortifier du
l’eau , pareequ’ils ne font jamais attaques par ' en
a feulement foin de ranger les Canots fur p n’a
n., j,, 1 ac . & il faut que I on foit bien iurpris , U on n
nas’ le tems de s^embarquer , & de fe mettre hors de péril , avau
ïue lVCancl^menAit forcé. Dès
me eft d’envoyer à la découverte , mais ce n eft gue è[ P
In forme • les Découvreurs ne vont pas bien loin , oc des qu
SÜTfficn voir , tout le ^nde demeure forban-
r.».. O. ne fonge p,, ,»fa« à pofa S™»* >
jours les Ùupes d’une confiance fi infenfée ; mais 1 s ne s -
ligent pointées feuls Iroouois ont “TuarSpf^îtlade^eoute "ue
un peu plus de cnxonfpecbon , & n n y Ç . >-i_ onf
q’ilà une des principales caufes de la fuper.onte , qu .1 ont
prife fur des Ennemis , qui ne leur ont )amais cede en va
& qui auroient dû les écrafer par leur nombre .
Champlain eut beau reprefenter à fes .AlllCS^ tr°"on-
s’expofoient par une conduite fi peu reguliere , toutes les repo
fes qtel lui firent , fut que desfeens , qu. avaient fatigue tout
e kiur avoie.it befoin ke repofer la nuit. Néanmoins , lors
lu’ilsfe crurent proche de l’Ennemi , il obtint que leurs Cou¬
leurs s’acquitaffent plus exaftement de leur devon , qu
i a ) Ccft ce qu’on appelle préfentement le Rapide de Chambly.
Fourberie îles
Jongleurs.
Carte
«le l.i Rivière* tic Richelieu
et du
Lac Cnamplam.
Dresse. sut' les .Ifarutscn ts
du Deptfst de J
( .nies, rt.ins, etJoum*de LtJümu
P.jr y h fcj .ù L . U
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Ma*. 0*i
Mm. À. A
IL.eA.-r t
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/ u u*j «4 Fr ont t
V V
t S‘Tk..,~
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv.'IV. 145
marchât plus- que pendant la nuit, & qu’on n’allumât plus de
feu pendant le jour. Ce qui contribuoit le plus à cette fécurité,
?ui faifoit tant de peine aux François , étoit la confiance des
auvages en leurs Jongleurs , aufquels Champlain donne les
noms de Pilotais, & d ’Oflemois. La première chofe, à quoi pen-
foit celui , qui accompagnoit l’Armee , dès qu’011 avoit débar¬
qué pour camper , c’étoit de fe faire une petite Cabanne de
pieux ; il la couvroit de la même peau , qui lui fervoit de vête¬
ment ; puis il y entroit tout nud , & les Guerriers venoient fe
ranger autour de lui. Il commençoit alors à prononcer quelques
paroles , que perfonne ne comprenoit. C’eft , dit-on , une Priè¬
re pour invoquer le Dieu de fa Guerre. Un moment après il
averriffoit que la Divinité étoit venue à fa voix , & il déclaroit
les avis , qu’il en avoit reçus. 11 fe levoit enfin , car jufques-là
il demeuroit proflerné contre terre. Il crioit , il s’agitoit , il pa-
roifïoit hors de lui-même , & l’eau découloit en abondance de
toutes les parties de fon corps.
La Cabanne s’ébranloit auffi quelquefois , & les Afîiflans ne
doutoient point que ce mouvement ne fût un effet de la préfence
de FEfprit. Ils avoient grand foin de faire remarquer à M. de
Champlain cette prétendue merveille ; mais il avoit vû le Jon¬
gleur fécoüer les pieux , & il fe mocqua d’eux. Ils lui dirent un
jour qu’il alloit voir fortir du feu par le haut de la Cabanne ;
mais il eut beau regarder , le feu ne parut point. Il eût peut-être
paru , fi M. de Champlain eût été moins attentif ; car ordinai¬
rement ces Impofteurs ont la précaution de fe munir de çe qu’il
faut pour en allumer. Le langage , qu’ils parlent dans ces invo¬
cations n’a rien de commun avec aucune langue Sauvage , &
il eft vraifemblable qu’il ne confifte qu’en des fons informes ,
produits fur le champ par une imagination échauffée, & que ces
Charlatans ont trouvé le moyen de faire paffer pour un langage
divin. Ils prennent differens tons ; quelquefois ils grofîiffent
leur voix , puis ils Contrefont une petite voix grêle , allez fem-
blable à celle de nos Marionnettes, & on croit que c’eff l’Efprit,
qui leur parle.
La plûpart du tems il arrive tout le contraire de ce qu’ils ont
prédit ; mais ils ne perdent rien pour cela de leur crédit , & ils
trouvent toujours quelque é.chapatoire , pour fauver leur hon¬
neur. C’eft de tout tems que les Hommes , fi ingénieux à trom¬
per les autres , font d’une facilité furprenante à fe laiffer trom¬
per eux-mêmes dans les points , où il leur ‘importerait le plus
Tome /. T
146
HISTOIRE generale
- d’éviter la féduftion. Non-feulement on n’y eft point en garde
1 609-13 . contre l’ülufion ; mais il femble même qu’on aille au-devant. La
fa se & fçavante Antiquité a donné fur cela dans les mêmes tra¬
vers , & de plus greffiers encore , que nos Sauvages ; la con-
noiffance du vrai Dieu , & les principes incontestables dune
Religion divine , n’en ont pas garanti le Peuple choib > Df Pdg
fitaire de la vérité : ce rfétoit ni des Barbares , ni des Iiffideles ,
qui difoient : Loquimini nobis placentia > videte nobis erro -
Pour revenir à nos Guerriers , tout le Pays , que M. de Chain--
plain traverfa dans cette Expédition , lui parut fort beau , & ü
Teft en effet. Les Ifles étoient remplies de Cerfs , de U a uns , de
Chevreuils , & d’autres femblables Animaux , qui entretinrent
l’abondance dans l’Armée. On voyoit furtout une grande quan¬
tité de Caftors , pareeque le voifinage deslroquois nepermet-
toit pas de s’y arrêter lontems pour les chaffer : deforte qua la
faveur de la guerre ces Amphibies jouiffoient a une paix pro¬
fonde. Le Poiffon fourmilloit auffi , non feulement dans la Ki-
viere , mais encore dans un grand Lac , quelle traverfe , & au¬
quel M. de Champlain donna fon nom, quil a conlerve jui-
préfent. 11 a plus de vingt lieues de long fur dix ou douze de
large dans fonmilieu , & fa figure tire fur l’ovale. ,
Quand on eft au milieu de ce Lac on .découvre au Midi & a
l’Occident de très-hautes Montagnes , dont les plus éloignées ,
qui en font à 2 5 . lieuës , paroiffent prefque toujours couvertes
de neiges. Les vallées , qui les féparent , font tres-fertiles , & au
tems, dont je parle , elles étoient toutes peuplées d Iroquois.
Aujourd’hui il n’y en a plus qu’au Midi , & c’etoit la que nos-:
Guerriers avoient deffein de faire une irruption. Au lortir du
Lac Champlain il faut franchir un fécond Rapide , apres quoi
on entre dans un autre Lac , qui n’a que quatre ou cinq lieues
de Ion» & qui porte le nom du S. Sacrement. L endroit , ouïes
Sauvages vouloient aller , étoit encore au-delà ; mais Ennemi
leur épargna une partie du chemin , & par un pur hazard les joi¬
gnit dans le Lac Champlain. 1 • j
Depuis quelque tems les Alliés s’informoient tous les jours du
Chef des François , s’il n avoir point vû d’Iroquois en fonge t U
leur répondit plufieurs fois que non , ce qui les inquiettoit beau¬
coup. A la fin , foit qu’il voulût les tirer de peine , foit qu a for¬
ce d’entendre parler de la même chofe , il y eut véritablement
(a) Ifau. 30. 10^
Lac Cham¬
plain.
lac du S . Sa¬
crement..
Les deux Par¬
tis fe rencon¬
trent.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lxv. IV. 147
révé , il leur dit que pendant fon fommeil il avoit cru voir des
Iroquois , qui fe noyoient dans le Lac ; mais qu’il ne comptoit
point du tout fur ce rêve. Ils n’en jugèrent pas de même , & ils
ne doutèrent plus de la victoire. Quelques jours après l’Enne¬
mi , qu’ils croyoient furprendre dans l'on Village , parut vers
les dix heures du foir. La joye fut grande de part & d’autre ,
& tous la témoignèrent par de grands cris.
Les Sauvages ne combattent fur l’eau , que quand ils font
furpris , ou lorfqu’ils font trop loin de Terre ; ce qui n’avoit pas
lieu ici. Nos Braves gagnèrent donc le rivage , dès qu’ils fe fu¬
rent reconnus. Ils travaillèrent enfuite chacun de leur côté à fe
retrancher , & cela fut bientôt fait. Alors les Algonquins en¬
voyèrent demander aux Iroquois , s’ils vouloient fe battre à
l’heure même; mais ceux-ci répondirent que la nuit étoit trop
obfcure , qu’011 ne fe verroit point , & qu’il falloit attendre le
jour. Les Alliés y confentirent , & tous dormirent tranquille¬
ment, après avoir pris leurs sûretés. Le lendemain, dès la pointe
du jour , Champlain plaça fes deux François , & quelques Sau¬
vages dans le Bois , pour prendre les Ennemis en flanc. Ceux-
ci etoient au nombre de deux-cent , tous Gens choifis & déter¬
minés , & qui comptoient bien d’avoir bon marché de cette
poignée d’Algonquins , & de Hurons , qu’ils ne s’imaginoient
pas s’être mis en campagne pour les aller chercher.
Ils fe trompoient néanmoins ; les Alliés ne leur étoient point
inférieurs en nombre ; mais ils n’avoient laide voir qu’une par¬
tie de leurs Guerriers. Les uns & les autres n’étoient encore ar¬
més que de flèches ; & ceux de notre parti fondoient toutes
leurs efperances fur les fufils des François , & ils recommandè¬
rent à Champlain de tirer fur les Chefs , qu’ils lui montrèrent.
Ces Chefs , qui étoient au nombre de trois , fe diflinguoientpar
des plumes, ou des queues d’Oifeaiix, plus grandes que celles de
leurs Soldats ; car tous en ont pour l’ordinaire , & chacun les
arrange fur fa tête fuivant fon caprice. Les Algonquins & les
Hurons fortirent les premiers de leur Retranchement , & cou¬
rurent deux-cent pas au-devant des Iroquois. Quand ils furent
en préfence , ils s’arrêtèrent , fe partagèrent en deux bandes , &
laifferent le milieu libre à M. de Champlain , qui vint fe met¬
tre à leur tête.
Sa figure & fes armes étoient quelque chofe de nouveau pour
les Iroquois , dont la furprife devint extrême , lorfque du pre¬
mier coup de fon Arquebufe , où il avoit mis quatre polies , ils
Tij
1 609-13.
Les deux Par¬
tis fe rencon¬
trent.
Ils en vlca-î
lient aux
mains.
Les Iroquois
font défaits.
g • HISTOIRE generale
_ v£ent tomber morts deux de leurs Chefs, & le troifiéme, dange-
1609-13. reufement blefîe. Ce premier fuccès fit jetter aux Allies de
grands cris de joye , & ilfe fit dans le moment quelques de-
charges de flèches , qui ne produisent pas un grand effet.
Champlain alloit recharger , lorfqu’un des deux autres François
ayant encore abbattu quelques Iroquois , tous furent mis eii
défordre & ne fongerent plus qu’à fuir. Ils furent pourfuiviâ
chaudement, on en tuaplufieurs , & on fit quelques Plafonniers-
Du côté des Alliés il n’y eut perfonne de tue , mais îl y eut quin¬
ze ou feize bielles , qui guérirent bientôt. Les Ennemis en fuyant
avoient abandonne" des farines de maiz , dont les Viûoneux
avoient grand befoin , les vivres leur ayant manque tout a fait.
Ils commencèrent par appaifer la faim , qui les preffoit ,puisi s
p afferent deux heures lur le Champ de Bataille a danfer. & a
chanter. Enfin ils fe remirent en marche pour retourner chez
eux ; car parmi ces Peuples , les Vainqueurs font toujours re-
traitte , auffi-bien que les Vaincus , & fouvent avec autant de
défordre & de précipitation , que s’ils etoient pourfuivis par un
Ennemi viHorieux. , * «_
Après avoir fait huit lieues , nos Braves s arrêtèrent , oc pre-
nant un de leurs Captifs , ils lui reprochèrent toutes les cruau¬
tés , qu’il avoit exercées fur ceux de leur Nation , qui etoient
tombes entre fes mains , & lui déclarèrent qu il devoir s atten¬
dre à être traitté de la même manière , ajoutant que s il avoit du
cœur , il le témoigneroit en chantant. Il entonna aullitot ta
Chanfon de mort , puis fa Chanfon de guerre & toutes celles
qu’il fçavoit , mais fur un ton fort trifte , dit Champlain , qui
n avoit pas encore eu le teins de connoîore que toute la mulique
des Sauvages a quelque chofe de lugubre. Son fupphce accom¬
pagné de toutes ces horreurs , dont nous parlerons dans la fui¬
te f effrayèrent les François , qui firent envain tous leurs efforts
pour y mettre fin. Néanmoins au bout de quelque tems , com¬
me les Sauvages s’apperçurent que le Commandant etoit
choqué de leur peu de complaifan ce , ils lui dirent cpe s il vou-
loit achever ce Miferable & abréger fes peines , il etoit le maî¬
tre. Il lui tira fur le champ un coup d’Arquebufe 5 & il ne fut
pas befoin d’en tirer un fécond. . „ *
F Dès que cet Homme fut mort , les Sauvages lui ouvrirent le
ventre , ietterent fes entrailles dans le Lac , lui coupèrent la
tête, les bras & les jambes , difperferent fes membres de part
d’piitrft . flim toucher au tronc .quoique la coutume tut ü en
Cruauté des
Vainqueurs.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IV. 149
manger au moins une partie. Ils ne gardèrent que la chevelure,
qu’ils mirent avec les autres , & le cœur , qu’ils coupèrent en
petits morceaux : ils donnèrent ces morceaux à manger aux
Prifonniers , parmi lefquels étoit le propre Frere du Mort. On
lui en mit dans la bouche , comme aux autres ; mais il le rejetta
fur le champ.
La nuit fuivante un Montagnez ayant reve qu ils etoient pour-
fuivis , la retraite fe changea en une véritable fuite , & 011 ne
s’arrêta plus en aucun endroit , qu’on ne fût hors de tout dan¬
ger. Les Algonquins refterent à Quebec , les Murons retournè¬
rent chez eux , & les Montagnez à Tadouffac, où M. de Cham-
plain les fui vit. Du moment qu’ils eurent aperçu les Cabannes
de leur Village , ils coupèrent des longs bâtons , y attachèrent
les chevelures , qu’ils avoient eues en partage , & les portèrent
comme en triomphe. A cette vûë les Femmes accoururent , fe
jetterent à la nage , & ayant joint les Canots , elles purent les
chevelures des mains de leurs Maris , & fe les attacheient au
cou. Les Guerriers en avoient offert une à Champlain j, & lui
firent un prefent de quelques arcs & de quelques fléchés, des dé¬
pouillés des Iroquois , les feules , qu’ils fé permiffent alors , le
priant de les montrer au Roy , quand il feroit arrive en France ,
où il leur avoit dit qu’il alloit faire un voyage. _ ^
Il avoit efperé de trouver un Navire à T adouffac ; mais il n y
en avoit point , & il remonta à Quebec. Pontgravé y arriva
bientôt après lui , & ils s’embarquèrent enfemble au mois de
Septembre 1609. laiffant la Colonie fous les ordres d’un brave
Homme , nommé Pierre Chavin. Champlain fut fort bien re¬
çu du Roy , qu’il alla trouver à Fontainebleau , pour lui rendre
compte de la fituafion , où il avoit laiffé la Nouvelle France.
Ce fut alors qu’on donna ce nom au Canada. C’étoit dans le
tems , que M. de Monts faifoit fes derniers efforts , furtout au¬
près de Madame de Guercheville , pour récouvrer fon Privilè¬
ge. J’ai dit qu’il n’y avoit pas réuffi , mais fes Affociés , dont
MM. le Gendre & Collier étoient les principaux , ne l’a¬
bandonnèrent point ; & comme c’étoit au nom de leur Compa¬
gnie , que s’étoit fait l’Etabliffement de Quebec , que cette
Compagnie le reconnoiffoit toujours pour leur Chef , il fit ar¬
mer deux Navires , dont il confia le commandement à MM. d©
Champlain & de Pontgravé.
Ils s’embarquèrent à Honfleur le feptiéme de Mars 1710. &
2 peine étoient-ils en Mer , que Champlain tomba malade , Ôç
1609-13.
Réceptions
des Monta¬
gnez dans leur
Village.
Champfaihf
retourne en
France. Le
nom de nou¬
velle France
donné au Ca¬
nada-.
Seconde er»
pédition de
Champlain .
1609- 13*
.contre les Iro-
cjuois.
1610- 13.
Les Iroquois
font attaqués ,
fc fe défendent
bien.
ï5o HISTOIRE generale
fut obligé defe faire remettre à terre. Peu de tems après , fou
Navire ayant été contraint de relâcher , il fe trouva en état
d’en reprendre le commandement : il appareilla le huitième d’A-
vril & arriva le vingt-hx à Tadouffac. Il en partit le vingt-
huit5, après avoir affûré les Montagnez qu’il venoit dégager la
parole , qu’il leur avoit donnée l’année précédente , de les ac¬
compagner encore à la guerre contre les Iroquois. Ils 11’atten-
doient en effet que fon retour , pour fe remettre en campagne ,
& il étoit à peine arrivé à Quebec , qu’ils s’y rendirent au nom¬
bre de 60, Guerriers. Les Algonquins étoient auffi tout prêts ,
& tous marchèrent auffitôt vers la Riviere de Sorel , où d’au¬
tres Sauvages leur avoient promis de fe rendre. Champlain les
fuivit de près dans une Barque ; mais il n’y trouva point le nom¬
bre de Guerriers , qu’on lui avoit fait efperer.
Il apprit en même tems qu’un Parti de cent Iroquois n étoit
pas loin , & on lui dit que s’il vouloit le furprendre , il n’y avoit
pas un moment à perdre , & qu’il falloit tailler fa Barque , &
s’embarquer dans des Canots. Il y confentit : quatre François
le fuivirent ; les autres demeurèrent à la garde de fa Barque.
Les Confédérés 11’ avoient pas encore vogué plus d’une demie-
heure , qu’ils fauterent à terre , fans rien dire aux François , &
lailfant leurs Canots à l’abandon , ils fe mirent à courir à toutes
jambes au travers des Bois. Champlain fe trouva fort embar-
raffé : il perdit bientôt de vûë les Sauvages , qui ne lui avoient
pas même donné un Guide. Il falloit marcher dans un Pays
marécageux , où l’on avoit toujours les pieds dans l’eau. Les
Maringoins & autres femblables Infe&es, l’aveugloiem , & obf-
curciffoient l’air , & il 11’y avoit point de chemin frayé. Après
avoir quelque tems couru au hazard , craignant à tout moment
de s’égarer , il ne fçavoitplus quel parti prendre , lorfqu’il ap-
perçut un Sauvage , qui faifoit la même route , il l’appella , Sc
le pria de lui montrer le chemin.
Quelques momens après , un Capitaine Algonquin le vint
prier de hâter fa marche , parce qu’on étoit aux mains avec les
Iroquois. Il doubla le pas * & ne tarda point à entendre les cris
des Combattans. Nos Alliés avoient trouvé l’Ennemi dans un
allez bon Rétranchement , & l’y ayant voulu forcer , ils avoient
été repoulfés avec perte. Ils reprirent cœur à la vûë des Fran¬
çois , & retournèrent à la charge dès que ceux - ci les eurent
joints. Le combat devint très-vil , & Champlain en arrivant re-
£ut un coup de flèche 7 qui lui perça le bout de 1 oreille , & lui
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IV. 1 51
entra dans le col. Cette bleffure ne l’empêcha pourtant point de
faire feu , tandis qu’il eut de la poudre & du plomb , & Tes Gens
le feconderent bien , quoiqu’un d’eux eût auffî été bleffé au bras.
Les Iroquois , qui n’étoient point encore accoûtumés à fe dé¬
fendre contre les armes à feu , commençaient à tirer moins ,
& cherchoient à fe mettre à couvert des Arquebufes , qui en
avoient déjà abbattu plufieurs ; mais les munitions manquèrent
bientôt aux nôtres , qui n’avoient pas compté fur une fi longue
réfiftance. Alors Champlain propofa aux Alliés de donner Faf-
faut au Rétranchement , ils goûtèrent cet avis ; il fe mit à leur
tête avec fes quatre François , & malgré la vigoureufe défenfe
des Afiiegés, ils eurent bientôt fait une allez grande brèche. Sur
ces entrefaites un jeune Maloin, nommé des Prairies , que
Champlain avoit laiffé dans la Barque , arriva avec cinq ou lix
de fes Camarades : ce fecours venu fi à propos , donna le moien
aux Alfaillans de s’éloigner un peu pour refpirer , tandis que les;
nouveaux venus faifoient feu fur l’Ennemi.
Les Sauvages revinrent bientôt à l’alfaut , & les François fe’
mirent fur les ailes pour les foûtenir. Les Iroquois ne purent ré¬
lifter à tant de coups redoublés : prefque tous furent tués , ou'
pris ; quelques-uns ayant voulu courir du côté de la Riviere r
y furent culbutés , & s’y noyèrent. L’affaire étant entièrement
iinie , il arriva encore une Trouppe de François , qui voulurent
fe confoler de n’avoir point eu de part à la viêioire , en parta¬
geant le butin. Ils fe fai firent des peaux de Caftors , dont les
Iroquois , qu’ils voyoient étendus fur la place , étoient couverts,
& les Sauvages en furent fcandalifés. Ceux-ci de leur côté
commencèrent à exercer leur cruauté ordinaire fur les Prifon-
niers , & dévorèrent un de ceux , qui avoient été tués , ce qui
fit horreur aux François. Ainfi ces Barbares faifoient gloire
d’un défintéreffement , qu’ils étoient furpris de ne pas trouver
dans notre Nation, & ne comprenoient. pas qu’ily a bien moins
de mal à dépouiller les Morts, qu’à fe repaître de leur chair com¬
me des bêtes feroces , & à violer toutes les Loix de l’humanité ,
en prenant plaiftr à tourmenter de la maniéré la plus indigne des
Ennemis , qui ne peuvent plus fe défendre.
Champlain leur demanda un de leurs Captifs , & ils le lui ac¬
cordèrent de bonne grâce. Il engagea aufti les Hurons , qui s’en
retournoient dans leur Pays , à y mener un François , afin qu’il
y pût apprendre leur Langue ; mais ce fut à condition qu’il
conduiroiten France un jeune Huron , pour leur rapporter des-
2 histoire generale
-7 - nouvelles d’un Royaume , dont on leur avoit dit tant de mer-
"Xs .U l’y mena en effet la même année ,& le ramena au
nrintems fuivant. 11 le conduifit jufqu a Montreal , ou il c oi vt
En Emplacement pour une habitation , qu il avoit y
établir & quil ne fit pourtant point, parcequil lut qblige de
repaffer en fiance , où la moi Ju Roy avoir achevé de ruiner
Ipç ^ fFa ires de 1VL de IVionts. .
^Ce Gentilhomme en perdant ton Maître , avoir perdu tout ce
nui lm reftoitde crédit ,8c ne fut plus en état de rien entrepren¬
ne fl exhorta Champlain , qui ne l’avo.t jamais abandonne ,
à ne point perdre courage , & à chercher quelque puiffant Pro-
teneur à la Colonie naiffante. Champlam le crut , &sadieffa
à Charles de Bourbon , Comte de Soissoms , qui e reçu
très-favorablement, agréa la proportion , qu il lui ht d lare le
Pere de la Nouvelle France , fe fit donner par la Reine Regen-
te toute l’autorité néceffaire , pour maintenir & avancei ce qui
étoit déjà fait , & nomma Champlam hmmeme pour fon Lieu-
. } _ nnnvmf fans reitrittion.
te Comte de
Soiirons fe
met à la tete
des affaires du
Canada.
x6i i-i 3 -
M. le Prince
lui fuccéde.
tenant , avec un
La mort de ce
plein pouvoir fans reitrittion. ,
Prince , qui arriva peu de tems apres , ne de
UUl tuuru - a, ' . j
_ _ raneea rierTata affaires de l’Amérique , pareeque le Prince de
TdTTVT Conde voulut bien s’en charger , & continua Champlain Man*
VEmnloi dont le Comte de Soiffons l’avoit honnore II lurv.nt
néanmoins à
* — i ^1 > j q ïvialo touchant le coîji^
' m)P formèrent des Negocians de S. Malo , touenant le J
merce ‘ & cdale «tint enîrance toute l’année 1 61 1. H en partit
k fixiéme de Mars ldi 3 . fur un Vaiffeau, que çommando.t Pont-
fam qS le 1feptïémee' de LyaV^uve^t
fâour XCmvé defcendit à Quebec , & Champlain fit une
courte fur lalrande Riviere des Outaouais , apres quoi fi alla
rejoindre Poltgravé , avec lequel il s’embarqua pour S. Malo ,
— ni\ ;i mouilla l’ancre les derniers jours du mois d Août.
Vlvcondutunnouveau Traiité d’affociation avec des Mar-
i ^4 1 ~ Ville de Rouen & de la Rochelle. M. le Prim
™ v“rov d. u mTn, f>~.
l’approuva , obtint aux Affociés des Patentes du Roy , & y »
Rattache. Alors M. de Champlain ne doutant point qu une
Colonie, à laquelle il venoit dmtereffer ta.it de Perfonnes r
ches , & qui avoit à fa tête le premier Prince du Sang , ne P t
1 6 1 4-
Arrivée des
PP. Recollets
à Quebec.
Ï615.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liy. IV. 153
bientôt une forme folide pour le temporel , fongea férieufement j ($ j r™
.a lui procurer les fecours fpirituels , dont elle avoit été jufques-
là entièrement dépourvûë. Il demanda & obtint quatre Recol¬
lets , que fa Compagnie s’engagea avec joye à fournir' de tout
ce qui leur étoit néceffaire , & îlfe chargea de les conduire lui-
même en Canada. Ils arrivèrent le 25. de Mars à Tadouffac ,
où ils ne s’arrêtèrent point , & peu de jours après ils prirent ter¬
re à Quebec , d’où M. de Champlain monta tout de fuite à.
Montreal.
U y rencontra des Hurons, & quelques-uns de leurs Alliés, qui Troifiémè
l’engagèrent dans une troifiéme Expédition contre les Iroquois. “£1°° dc
Il eit confiant que par cette complaifance , il prenoit le vérita- contïï ieTir®.'
ble moyen de gagner l’amitié des Sauvages , & de bien con- <îuois*
noître un Pays , où il s’agiffoit d’établir un commerce utile à la
France , & la Religion Chrétienne parmi un grand nombre de
Nations Idolâtres ; mais il s’expofoit beaucoup , & ne faifoit
pas réfléxion , que cette facilité à condefcendre à toutes les vo¬
lontés de^ces Barbares , n’étoit nullement propre à lui concilier
le refpeéf , que demandoit le caractère , dont il étoit revêtu. Il
y avoit d ailleurs quelque chofe de mieux à faire pour lui , que
de courir ainfi en Chevalier errant les Forêts & les Lacs , avec
des Sauvages , qui ne gardaient pas même à fon égard les bien-
feances , & dont il n’étoit nullement en état de fe faire craindre.
Il auroit pu aifement envoyer à fa place quelque François capa¬
ble de bien obferver toutes chofes , &fa préfence à Quebec eût
beaucoup plus avancé fon Etablifïement , & lui eût donné une
folidite , qu il fe repentit trop tard , de ne lui avoir pas procurée.
Il y eut plus ; fe voyant obligé de faire un voyage à Quebec ,
il pria les Sauvages de différer leur départ jufqu’à fon retour ,
qui feroit prompt ; mais ceux-ci oubliant la parole , qu’ils lui
avoient donnée , de 11e point partir fans lui , fe lafferent bientôt
de 1 attendre , & s’embarquèrent avec quelques François , qui
etoient relies à Montreal , & le P. JofephLE Caron Recollet,
Ce Religieux avoit voulu profiter de cette occafion , pour s’ac-
coutumer a la façon de vivre de ces Peuples , aufquels il fe pro-
pofoit d annoncer Jésus -Christ , & pour apprendre plus
piomptement leur Langue , en fe mettant dans la nécefîité de la
pailer. M. de Champlain , avec lequel il étoit venu à Montreal,
n avoit pas approuve fon deffein ; mais fon zélé l’emporta fur
toute autre confideration.
lÜembleque M. de Champlain pouvoir fe tenir quitte de fon domafaMte
lome, 7, " ÿ-
i 6 i 5 •
conduire avec
les Sauvages.
Champlain
efl bleffé 6c
fait une re-
traitte forcée.
iî4 HISTOIRE GENERALE
enraiement , &fon expérience devoit lui avoir fait connokre
au! pour être eftimé de ces Barbares , il eft bon de ne pas fouffnr-
qu’ils nous méprifent impunément : ilfaut meme a extérieur leur
rendre mépris pour mépris , fi on veut réprimer leur indolence.
Us ne comprennent pas qu’on puiffe agir autrement par ye ,
l’entends ceux , qui ne font pas éclairés des lumières de 1 Evan¬
gile. Comme ils ont fouvent vû des Européens fe comi¬
quement par intérêt , ou par d’autres motifs plus condamna¬
bles encore , il leur vient rarement a 1 efpnt , qu on pu'Aeavo
pour eux certains ménagemens par des vues plus »oblc ' ^ -
ïeurs il n’eft point d’Hommes au monde , plus prévenus en leur
faveur ni qui fçachent mieux profiter de tout , pour fe confir¬
mer dans cette bonne opinion , qu’ils ont d’eux-memes. La feule
chofedonc, qui puiffe excufer ici M. de Champin d^v
couru après les Hurons , qui n avoient pas daigne 1 attendi e , elt
de dire , qu’il ne le fit apparemment , que pour ne pas aWon-
ner à leur difcretion un Religieux , que fon zele , plutôt que fa
prudence avoit engage a les fuivre. 117 • o? rliv
P Quoiqu’il en foit , il s’embarqua avec deux François , & dix
Sauvages qu’il rencontra en arrivant a Montreal ; mais quel¬
que diligence qu’il fit, il ne put joindre les Hurons ,<çe ans
Lr Village. Il les trouva , qui formoient un grand Part, de
guerre dont ils lui offrirent le commandement ,& il 1 accepta
lautant plus volontiers, qu’outre les deux François, qui etoient
venus avec lui , le P. Jofeph en avoir amene dix autres , qui 1 at
tendoient. On ne différa point à marcher aux Ennemis cpii s - (
toient rétranchés de maniéré , qu il n etoit pa bï bien
procher. Outre qu’ils occupoient une efpece de Tort allez b
conftruit , ils en avoient embarraffé les avenues par de grands |
abbattis d’Arbres , & ils y avoient éleve tout autour des ga -
ries , d’où ils pouvoient tirer de haut en bas , fans fe decouvr .
Audi la première attaque réulîit-elle fi mal , qu on ne jugea p
à propos d’en tenter une fécondé. . , , • , i>„f
Oneffayadonc de mettre le feu aux abbatis de bois , dans
perance , qu’il gagneroit le Fort; mais les ‘ Affieges V avo.en^
pourvû , en faifant de grandes provifions d eau. On drefe en
fuite une machine plus haute que les galeries , & fur laque le > °>
plaça des Arquebufiers François. Cette manœuvre deÇon
un peu l’Ennemi , & on feroit peut-etre venu a bout de le fedu^
re , fi les Hurons euffent fait leur devoir ; mais leur grand -
u J & nrpfomn fiiouY . au il ne fut jamais pomme
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IV. iyj
au Commandant de les faire combattre avec ordre. D’ailleurs ,
ii fut lui-même bielle confiderablement à la jambe & au ge-
noiiil , & cet accident ayant fait paffer les Sauvages de l’excès
de la préfomption au découragement , il fallut fe retirer avec
perte & avec honte.
La retraitte fe lit allez bien , & quoiqu’on fût pourfuivi , on
ne perdit pas un Homme. Les plus jeunes & les plus braves
avoient mis au milieu les plus foibles & les blelTés , qu’on por-
toit dans des paniers, & on lit de cette maniéré vingt-cinq lieues,
fans s’arrêter. M. de Champlain fut bientôt guéri ; mais quand
il voulut partir pour retourner à Quebec , il ne put jamais obte¬
nir un Guide , qu’on lui avoit promis , & dont il ne pouvoit ab-
foiument fe paffer ; les Hurons accompagnèrent même ce refus
d’affez mauvaifes maniérés. Il fallut donc fe réfoudre à paffer
l’hyver avec ces Barbares , mais perfonne ne fcavoit mieux que
lui , ni prendre fon parti , ni prohter de tout. Il vilita toutes les
Bourgades Huronnes , & quelques-unes même de celles , que
les Algonquins avoient alors aux environs du Lac NipiJJîng. Il
reconcilia quelques Nations voilines avec les Hurons , & dès
que les Rivières furent naviguables', ayant fçu qu’on le vouloit
engager dans une nouvelle entreprise contre les Iroquois , il ga¬
gna quelques Sauvages , qu’il s’étoit attachés par fes bonnes ma¬
niérés , s’embarqua fecrettement avec eux , & avec le P. Jo-
feph , & arriva l’onzième de Juillet 1616. à Quebec , où tout le
monde étoit perfuadé qu’il étoit mort , auffi-bien que le P. Re¬
collet. Celui-ci , tandis que M. de Champlain étoit occupé dans
fes courfes à prendre connoiffance du Pays , étoit auffi allé de
Village en Village , pour former le plan des Millions , qu’il pro¬
jetait d’établir parmi les Hurons , & avoit mis à profit tous fes
momens- , pour en étudier la Langue. Mais il n’eut pas le tems
d y faire de grands progrès , cette étude n’étant point l’affaire
dune ou deux années , quelque application qu’on y apporte.
M. de Champlain & le P. Jofeph ne refferent pas plus d’un
mois à Quebec , après leur retour des Hurons. Ils s’embarquè¬
rent avec le Supérieur de la Million , pour retourner en France ,
& il ne relia dans la Colonie , qu’un Prêtre nommé le P. Jean
dQlbeau , &leFrere Pacifique Duplessys , qui avoit été
charge de 1 inftruftion des Enfans des François, & des Sauva¬
ges , établis depuis peu aux Trois Rivières , & où il rendit l’an¬
née fuivante un fervice encore plus effentiel à la Nouvelle Fran¬
ce. Nos Alliés, jenefçai par quel mécontentement, avoient
V ij
1615
Il eft oblige
d’hyverner
chez les Hu¬
ions.
U11 Frere Re¬
coller rend un
grand fervice
à la Colonie.
i 6 i
7*
, HISTOIRE GEN E'R ALE
_ 1 ^ , / j r refaire des François. Il y a bien de 1 apparence:
ï‘ f”' “SaJ, ÏÏÜÏS L .ou. les François , que
les autres aïaire des avances pour une réconciliation parfaitte „
Kr mi’il fe chargea de la négocier avec le Commandant. Cepen-
& qxiolnrh-mmlain voulut avoir les. Meurtriers des deuxi
t^£aSS^!m, qui M pas fe plns coop.-
Si de latisfa£tiou ; Uceo^ode
menr le fit les Sauvages donnèrent deux de lenrs Chef, en
.ftfortnégU- ce, pour en tirer des fecours, qu on ne lui fourniiioit preique
^ piLtelsàbeauc^pprèSpquhllesitoai^t^^u^
mais à propos. M. le Prince croyOït faire beaucoup en pieta
fon nom : (Tailleurs les troubles- de.laRegence , qui lui cou -
rent .alors fa liberté , & les intrigues , qu’on fit jouer , pou
ôter îe titre de Vice-Roy, & pour faire révoquer la Comm^
fion du Maréchal de Themines , à qui il avoir confie le- Canada
broüjUa les Négocans entreux
°1 mit bien des fois la Colonie naiffante en danger detre
étouffée dans fon berceau ; & Ton ne fçauroit trop admirer le
courage de M. de Champlain , qui ne pouvoir taire unpas ,
f,°” ’f,.on.,en de nouveaux obtecles , V'
forces, fans fonger à fe procurer aucun avantage reel , « q.
( a) C’çft- à --dire , pour dédommager les Parents.
1
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. ÏV. 157
ne renonçoit pas à une entreprife , pour laquelle il avoit con¬
tinuellement à effuyer les caprices des uns, & la contradiftion
des autres.
En 1620. M. le Prince céda pour onze mille écus fa Vice-
Royauté au Maréchal de Montmorenci, fon Beaufrere. Le nou¬
veau Vice-Roy continua la Lieutenance à Champlain , & char¬
gea des affaires de la Colonie en France M. Dolu , Grand
Audiencier , dont le zélé & la probité lui étoient connus. Alors
Champlain , perfuadé que la Nouvelle France alloit prendre
une nouvelle face , y mena fa Famille. Il y arriva au mois de
May , &il rencontra à Tadouffac des Rochelois , qui au pré¬
judice de la Compagnie , & contre les défenfes expreffes du.
Roy , traittoient avec les Sauvages. Ils avoient même fait pis ;
car ils avoient vendu à ces Barbares , des armes à feu , ce que-
L’on avoit fagement évité jufques-là.
L’année fuivante les Iroquois parurent en amies jufques dans
le centre de la Colonie. Ces Barbares craignant que fi les Fran¬
çois fe multiplioient dans le Pays , leur alliance ne fît reprendre
aux Hurons & aux Algonquins , la fupériorité fur eux , réfolu-
rent de s’en délivrer , avant qu’ils euffent eu le tems de fe forti¬
fier davantage. Ils levèrent donc trois grands Partis, pour nous
attaquer féparément : le premier marcha vers le Sault S. Louis,
& y trouva des François , qui gardoient ce paffage. Ils avoient
été avertis , ainfi , quoiqu’ils fuffent en petit nombre , avec le
fecours de quelques Sauvages Alliés , ils repoufferent l’Enne¬
mi ; plufieurs Iroquois furent tués , quelques-uns refferent Pri-
fonniers , lerefte fe fauva. Mais les nôtres ayant appris que ces.
Fuyards emmenoient avec eux le P. Guillaume Poulain , Re¬
collet , coururent après eux ; ne pouvant les atteindre , ils déta¬
chèrent un de leurs Prifonniers , à qui. ils donnèrent la liberté ,
& ils lui recommandèrent de propofer l’échange du Miflionnah
re avec un de leurs Chefs. Cet Homme arriva dans le tems, que
tout étoit prêt pour brûlerie Religieux, La propofîtion , dont
on F avait chargé , fut acceptée , & l’échange fe fit de bonne
foi.
Le fécond Parti s’embarqua fur trente Canots , s’approcha de
Quebec , & alla inveflir le Couvent des PP. Recollets fur la
Riviere de S. Charles , 011 il y avoit un petit Fort. N’ofant at¬
taquer cette Place , ilfe jetta fur des Hurons , qui n’étoient pas
loin , & en furprit quelques-uns , qu’il b^ûla. Il ravagea enfuite
tous les environs du Couvent , puis fe retira. Le Mémoire , d’où
Le Maréchal
de Montmo¬
renci Vice-
Roy de la
Nouvelle
France.
■ ■ — . — .
I 6 2 0v
Les I roqu 0Î3
entreprennent
dé détruire la
Colonie Fran--
çoife.
I 6 - 2 I -
La Compa¬
gnie du Cana¬
da eft fuppri-
mée
1 6 2 2.-
I58 histoire generale
- j’ai tiré ceci , ne dit point ce que devint le troifféme Parti ; mais
î<^22, il ajoûte que les Iroquois s’étoient affez déclares quils avoient 5
réfolu d’exterminer tous les François. Il s’en falloit bien que M#
de Champlain eût des forces fuffifantes pour reprimer ces Barba¬
res. Ainii il crut devoir repréfenter au Roy & au Duc de Mont»
morencila néceffité de fécourir la Colonie, & le peu decas,que
la Compagnie avoit fait jufques-là de fes inftances reiterees ,
pour l’obliger à remplir fes engagemens : il députa donc , du
confentement des plus notables Habitans , le P. Georges LE
Baillif à Sa Majeffé , dont ce Religieux étoit connu particu¬
lièrement. Il en fut très-bien reçu , o£ obtint tout ce qu’il de-
mandoit. La Compagnie fut fuppnmee , & deux Pai ticuliers. ,
nommés Guillaume & Emeri c de Caen, Oncle & Neveu ,
entrèrent dans -tous fes droits,
Etat de Que- M. de Champlain en apprit la nouvelle par une Lettre du V 1-
*>ec. _ ce-Roy, qui lui enjoignoit deprêter main-forte à ces Negocians.
1623-25. Il reçut en même tems une Lettre du Roy même, par laquelle
S. M. l’affûroit quelle étoit très-fatisfaite de fes fervices, & l’ex-
hortoit à continuer de donner des preuves de fa fidélité. Cette
faveur n’augmentoit pas fa fortune , & il eft vrai de dire que ce
fut toujours ce qui l’occupa le moins ; mais ede lui concilioit
une autorité , dont il avoit. alors plus befoin , que jamais , fur-
tout à caufe des différends ^ qui furvenoient tous les jours entre
les Facteurs de l’ancienne Compagnie , & ceux des Sieurs de
Caën , & qui pouvoir avoir des fuites fâcheufes. Quoiqu’il le
fût donné bien des mouvemens pour peupler Quebec , on n y
comptoir encore en 1622. que cinquante Personnes , y compris
les Femmes & lesEnfans. Le commerce n’y étoit pas non plus
bien ouvert; mais la Traitte fe faifoit toujours a Tadouffac avec
beaucoup de fuccès , & on en avoit établi une autre aux Trois
Rivières , à 25. lieues au-deffus de Quebec.
Cn le fortifie. Guillaume de Caën étoit venu lui-même fur les lieux , & quoi¬
que Calvinifte , il vivoit affez bien avec tout le Monde ; il avoit
donné ladireRion de fes affaires au Sieur de Pontgravé ; mais le
peu de fanté de ce Directeur l’obligea de repaffer en France en
1623. & ce fut une perte pour l’Amérique Françoife , qui lui
doit beaucoup. Cette même année M. dè Champlain fut averti
de bonne part , que les Hurons fongeoient à fe détacher de no¬
tre alliance , & à s’unir avec les Iroquois ; ce qui l’obligea de
leur renvoyer le P. Jofeph le Caron, que le P. Nicolas
Viel , & le Fr. Gabriel Saghart 5 fon Confrère , qui ver
DE LANOUVELLE FRANCE. Liv. IV. i59
noient d’arriver de France , voulurent bien accompagner. L’an¬
née fuivante le Commandant fit bâtir de pierre le Fort de Que-
bec. Ilfembloit que fon deffein étoit de mettre fin à fes courbes ,
& de fe livrer tout entier au Gouvernement de fa Colonie ; mais
à peine le Fort fut-il achevé , qu’il retourna en France avec fa
Famille. Il trouva le Maréchal de Montmorenci, qui traittoit de
fa Charge de Vice-Roy , avec Henry de Levi , Duc de Ven-
Tadour , fon Neveu ; & le traitté fut bientôt conclu.
Ce Seigneur s’étoit retiré de la Cour , & avoit même reçu les
Ordres Sacrés. Ce n’étoit pas pour rentrer dans le tracas du
Monde , qu’il fe chargeait des affaires de la Nouvelle France ,
mais pour y procurer la conversion des Sauvages ; & comme les
Jefuites avoient la direêtion de fa confcience , il jetta les yeux
fur eux pour l’exécution de ce projet. Il propofa la choie au
Confeil au Roy , & Sa Majeffé y donna d’autant plus volon¬
tiers les mains , que les PP. Recollets , bien loin de s’y oppo-
fer, en*avoient fait la première ouverture au Duc de Venta-
dour. Ainfi, tous concourant au même but , le P. Charles Lal-
lemant, qui avoit accompagné M. de la Sauffaye à Pentagoët ;
le P. Enemond Masse , dont nous avons déjà parlé ; & le P.
Jean de Brebeuf furent deffinés à la Million du Canada avec
deux Freres , & furent prêts à partir en 1625 .
Ce fut Guillaume de Caen , qui les conduisit à Quebec, avec le
P. Jofeph de Daillon Recollet , de l’illuftre Maifon du Lude. Il
avoit donné fa parole au Duc de Ventadour , qu’il ne laifferoit
manquer les Jefuites fie rien ; cependant, dès qu’ils furent débar¬
qués, il leur déclara que, fi les PP. Recollets ne vouloient pas les
recevoir & les loger chez eux, ils n’avoient point d’autre parti à
prendre , que de retourner en France. Ils s’apperçurent même
bientôt qu’011 avoit travaillé à prévenir contre eux les Habitans
de Quebec , en leur mettant entre les mains les Ecrits les plus
injurieux , que les Calviniftes de France avoient publiés contre
leur Compagnie. Mais leur préfence eut bientôt effacé tous ces
préjugés : les Libelles furent brûlés publiquement , & les nou¬
veaux Millionnaires ne furent pas lontems à charge aux PP.
Recollets , qui les avoient obligés d’accepter leur SMaifon , fi-
tuee alors à un petit quart de lieue de la Ville , fur la Riviere de
S. Charles, (a)
Peu de jours après leur arrivée, les PP. de Daillon & de
a Brebeuf s’embarquèrent pour les Trois Rivières , où ils ren-
( a) L Hôpital Général occupe préfentement ce terrein*
1623-25.
Le Duc de
Ventadour
Vice - Roy de
la Nouvelle
France.
Cinq Jefuites
arrivent en
Canada.
Mort tr azt~
1» 0
que a un P.
Recollet.
i 6 2 5-.
ï6o HISTOIRE GENERALE
contrèrent des Hurons , qui s’offrirent a les conduire dans leur
Pavs. Les deux Millionnaires n’étoient parti de Quebec qu a ce
deffein &fe difpofoient à profiter de l’occafion , qui le prefen-
toit , lorfqu’on reçut une nouvelle , qui les obligea de retour¬
ner fur leurs pas. Le P. Nicolas Viel , Recollet , apres avoir de¬
meuré près de deux ans chez les Hurons , eut envie de faire un
tour à Ouebec, pour y paffer quelque teins dans la retraitte. Des
Sauvages , qui fe difpofoient à faire le même voyage , lui offri¬
rent une place dans leur Canot , & U l’accepta. Au lieu depren-
dre le chemin ordinaire , ils fuivirent le Canal , qui fepare 1111e
de Montreal , de celle de Jefus , & qu’on appelle communément
la Riviere des Prairies. Au milieu de ce Canal il y a un Rapi¬
de , que les Sauvages , au lieu de mettre à ferre , & de faire ce
qu’on appelle un portage , voulurent fauter avec le Canot, boit
qu’ils euffent pris mal leurs mefures , foit qu ils le fiffent exprès ,
le CanoMourna ; le P. Viel & un jeune Néophyte, qui 1 accom-
„aanoit , fe noyèrent ; & c’eft cet accident , qui a lait donner au
Rapide le nom de Sault au Recollet , qu’il porte encore. Comme
tous les Hurons fe fauverent , & qu’ils avoient , dit-on , paru ma
affeHionnés envers le Mifllonnaire , on eut de violens loup-
cons , que ce naufrage n’étoit point l’effet du hazard , dautant
plus que ces Barbares fe faifirent de la meilleure partie du ba¬
gage de ce bon Pere. Quoiqu’il en foit , il n’y eut perfonne aux
trois Rivières , qui ne fût d’avis que les PP.de Daillon & de
Brebeuf differaffent pour quelque tems leur voyage.
L’année fuivante trois Jefuites , les PI\ Philibert ÎSOYROT ,
^ i — ’i • . -I / i ^ nn npf 1 r
les jefuites L’année fuivante trois J eiuites , _ les ri * rnmuerL 1 ?
cffuyent de ^nne de Noue , & un Frere , arrivèrent a Quebec iur un peti
Bâtiment , qu’ils avoient fretté , & fur lequel ils avoient : embar-
Canada ' 1 ^ _ fit nreîldro à* C-/U6.D6C Ufl.(
i 6 26.
xsatiment , quub dvuiciiL 9 ~ u
qué plufieurs Ouvriers. Ce fecours fit prendre a- Quebec une
forme de Ville , car jufques-là elle n’étoit qu une fimjjle ha¬
bitation , & on ne la nommoit point autrement. L expenence
& le talent du P. EnemondMaffe pour les nouveaux Eta-
bliffemens , & dont , fuivant les Mémoires de Champlain & de
Lefcarbot , il avoit donné de grandes preuves au Port Royal,
y contribuèrent beaucoup ; mais lui & fes Confrères retrouvè¬
rent bientôt fur le Fleuve S. Laurent; ce qu’ils avoient eu a
effuyer de contradiHions en Acadie , & ce qui avoit tait perdre
cette Province à la France. M. de Ventadour inftruit par quel¬
ques Catholiques de Quebec , des mauvaifes maniérés de Guil¬
laume de Caen à l’égard de ces Peres , lui en écrivit lur un ton , _
qui le mortifia beaucoup ; il ne douta point que ceu*v’0-^j
s
fy-fT
DEL'ANOü V'E L LE F B. AN C Ë. Liv. IV. 161
avoient été l’occafion & le fujet de ces plaintes 5 ne lui euîTent
attiré par eux-mêmes les reproches , qu’il en recevoit , & le con¬
trecoup en retomba fur eux.
D’autre part , les Sauvages caufoient toujours des grandes in¬
quiétudes : ils avoient encore affaffiné quelques François , &
comme on ne s’étoit pas trouvé affez fort , pour en tirer raifon ,
l’impunité avoit rendu ces Barbares plus infolens ; de forte que ,
pour peu qu’on s’écartât des Habitations , on n’étoit pas en sûre¬
té de la vie. Telle étoit la foliation de la Colonie , lorfque M.
de Champlain retourna à Quebec en 1627. On n’avoit point
avancé les Bâtimens pendant fon abfence , & les Terres défri¬
chées étoient demeurées, pour la plûpart, incultes. Les Affociés
des Sieurs de Caen ne penfoient qu’à la Traitte de la Pelleterie ,
& les Efprits s’aigriffoient de plus en plus au fujet de la Religion.
Tout cela repréfenté vivement au Confeil du Roy , ht refoudre
le Cardinal de Richelieu à mettre le Commerce de la Nouvelle
France en d’autres mains , & à écouter la proposition, qu’on lui
fit , de former une Compagnie de cent Affociés , dont on lui
avoit donné le plan.
Rien n’étoit mieux imaginé , & je ne crains point d’avancer
que la Nouvelle France feroit aujourd’hui la plus puiffante Co¬
lonie de l’Amérique , fi l’exécution avoit répondu à la beauté
du projet , & fi les membres de ce grand Corps euffent profité
des difpofoions favorables du Souverain & de fon Miniftre à
leur égard. Le Mémoire , qui fut préfenté au Cardinal de Riche¬
lieu par MM. de Roquemont , Kouel , de Lattaignant ,
Dablon , du Chesne , & Castillon , portoit i°. Que
dès l’année fuivante 1628. les Affociés feroient paffer dans la
Nouvelle France deux , outrois-cent Ouvriers de tous métiers ,
& avant l’année 1 643 .promettaient d’augmenter le nombre des
Habitans jufqu’àfeize mille ; de les loger, nourrir, & entretenir
de toutes chofes pendant trois ans ; de leur affigner enfuite des
Terres défrichées , autant qu’il feroit néceffaire pour leur fubfi-
ftance , & de leur fournir des grains pour les enfemencer. i°.
Que tous les Colons feroient François naturels , & Catholi¬
ques* & qu’on tiendrait la main à ce qu’aucun Etranger, ni Hé¬
rétique ne s’introduisît dans le Pays. 30. Que dans chaque Habi¬
tation il y aurait au moins trois Prêtres, que la Compagnie s’en-
gageoit à défrayer abfolument de tout, &: pour leurs p^rfonnes,
ik pour leur Miniffere , pendant 1 5 . ans : après quoi ils pour¬
raient fubfifter des terres défrichées, qu’elle leur aurait afiipnées..
Tome I. X
1 6 2 6.
Mauvais état
de la Colonie.
1627*,
Compagnie
de cent Ado-’
ciés pour l’éta-
blidemenc de
la Colonie.
i6z HISTOIRE generale
Pour dédommager la Compagnie de tant de frais, i°. Le Roy
concedoit aux Affociés , & à leurs Ayans-caufe a P«petuite ,
le Fort & l’Habitation de Quebec , tout le Pays de laNouvelle
France y compris la Floride , que les Predeceffeurs de Sa Ma¬
jefté avoient fait habiter ; tout le cours du grand Fleuve & des
Rivières , qui s’y déchargent, ou qui dans cette etendue de
Pays , vont à la Mer ; les Ifles , Ports , Havres , Mmes , con¬
formément à l’Ordonnance , Pêches , &c. Sa Majelle ne fe
réfervant que le reffort de la Foi & Hommage , avec une Cou¬
ronne d’or , du poids de huit marcs , à chaque mutation de Roy ,
& les Provifions des Officiers de la Juftice Souveraine , qui le-
ront nommés & prefentés par lefdits Affociés , lorfquil ferait
jugé à propos d’y en établir. -Pouvoir de faire fondre des Ca¬
nons, bâtir & fortifier des Places, forger toutes fortes d Armes
offenfives & défenfives , & faire généralement tout ce qui le-
roit néceffaire pour la sûreté du Pays , & la confervation du
Commerce. 20. Sa Majefté leur accordoit le droit de concéder
des Terres en telle quantité , quelle jugeroit à propos , de leur
attribuer tels titres , honneurs , droits , & pouvoir , quelle vou¬
drait , félon les qualités , conditions , & mérites des Pertonnes ,,
à telles charges, referves , & conditions, qu’ils trouveraient
bon ; mais qu’en cas d’éreftion de Duchés , Marquifats , oni-
tés, & Baronies, qu’on prendroit des Lettres de Confirmation du
Roy fur la préfentation du Cardinal de Richelieu , Grand-Maî¬
tre , Chef, & Sur-Intendant de la Navigation & Commerce de
France. y>. Afin que les Affociés puffent jouir pleinement &
paifiblement de ce qui leur étoit accordé , Sa Majefte revoquoit
toutes conceffions ‘faites defdites Terres, Ports , ou portions
d’icelles , accordoit aux Affociés pour toujours^ le trafic des
Cuirs , Peaux , & Pelleteries ; & pour quinze années feulement,
à commencer au premier de Janvier 1628. julquau dernier de
Décembre 164}. tout autre commerce parTerre ou par Mer,
qui fe pourrait faire, en quelque maniéré que ce fût , dans 1 éten¬
due dudit Pays , & autant qu’il fe pourrait étendre, à la referve
de la Pêche des Morues & des Baleines, que Sa Majefté vouloir
être libre à tous fes Sujets ; révoquant toutes autres concefîions
contraires , & nommément les articles accordés à GuiJaume
de Caè'n , interdifant pour tout le tems fufdit , tout Commerce
otlroyé , foit aufdits de Caën& Affociés , foit à tous autres ,
fous peine de confifcation des V ailieaux & des Marchai! 1 es ,
au profit de la Compagnie , fans que M. le Cardinal de Riche-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IV. 163
lieu pût donner congé , paffeport , ou permilîion à qui que ce
fût , pour tous les lieux mentionnés. 40. Le Roy voulut néan¬
moins que les François habitués dans les mêmes lieux , & qui
ne feroient ni nourris , ni entretenus aux dépens de la Compa¬
gnie , puffent faire librement la traitte des Pelleteries avec
les Sauvages , à condition qu’ils ne vendraient les Caflors qu’aux
Faêteurs delà Compagnie , qui feroient obligés de les acheter
fur le pied de quarante fols tournois la piece , li elle étoit bonne
& bien conditionnée , avec défenfe de les vendre à d’autres fous
peine de confifcation. 50. Le Roy s’engageoit à faire don aux
Affociés de deux V aideaux de guerre de deux à trois cent ton¬
neaux , mais fans provifions ; que fi ces Vaille aux , par quelque
voye que ce pût être , yenoient à périr , ce ferait à la Compa¬
gnie à les remplacer à fes frais ; hormis le cas , où ils feroient
pris paries Ennemis de Sa Majeflé , en guerre ouverte. 60. Au
cas que la Compagnie manquât à faire paffer dans les dix pre¬
mières années jufqu’à 1 500. François de l’un & de l’autre fexe ,
il étoit dit qu’elle reflitueroit à Sa Majeflé la fomme , à laquelle
ferait eftimée la dépenfe des deux Vaiffeaux de guerre : & quel!
dans les cinq années reliantes, elle manquoit encore de faire paf¬
fer le même nombre d’Hommes & de Femmes , fauf le cas de la
prife des Vaille aux parles Ennemis , elle ferait la même reffitu-
& ferait privée du Commerce , qui lui étoit accordé par
tion
les prefens articles. 70. Le Roy lui permettoit d’embarquer dans
lefdits Vaiffeaux, les Capitaines, Soldats, & Matelots , qu’il lui
fembleroit bon ; mais à condition que fur fa nomination, les Ca¬
pitaines prendraient leurs Commiffions ou Provilionsde S. M.
aufli-bien que les Commandans des Places & Forts déjà con-
üruits , ou à conftruire dans l’étendue des Pays concédés.
Quant aux autres Vaiffeaux entretenus par les Affociés , ils en
donneraient le commandement à telles Perfonnes , qu’ils juge¬
raient à propos , à la maniéré accoûturnée. Sa Majeflé faifoit
encore don à la Compagnie de quatre Coulevrines de Fonte
verte , ci-devant accordées à la Compagnie des Moluques.
Le Roy 11e bornoit point là fes grâces & fes précautions : car
pour exciter fes Sujets à fe tranfporter dans la Nouvelle France ,
& à y établir toutes fortes de Manufactures, Sa Majeflé déclara
i °. Que tous Artifans , du nombre de ceux , que la Compagnie
s engageoit d’y faire paffer , après qu’ils y auraient exercé leurs
Arts & Métiers pendant lix ans , s’ils vouloient retourner en
France , feroient réputés Maîtres , & pourraient tenir Bouti-
Xij
627.
i64 HISTOIRE GENERALE
-nue ouverte, dans Paris & autres Villes , en rapportant un Cer¬
tificat autentique de leur Service, & qu’à cet effet tous les ans,
à chaque embarquement , il feroit mis au Grefte de 1 Amirauté
un rôle de ceux , que la Compagnie feroit panera la Nouvelle
France, a0. Qu’attendu que les Marchandiles , de quelque qua¬
lité quelles puffent être , qui viendraient defdits Pays , oc par¬
ticulièrement celles , qui y feraient manufacturées, provien-
droient del’induftrie des François elles ferment exemptes pen¬
dant 1 ?. ans , de tous impôts & fubfides , quoiqu elles fuilent
voiturees & vendues dans le Royaume : Que de meme, toutes
munitions de guerre , vivres , & autres chofes neceffaires pour
l’avituaillement & l’embarquement, quil faudroit faire pour la
Nouvelle France , jouiraient des mêmes exemptions & fran-
chifes pendant ledit tems de quinze années. 3»^ Quil leroit
permis à toutes Perfonnes , de quelque- qualité quelles fuilent ,
Ecdefiaftiques , Nobles , Officiers & autres , d entrer dans la¬
dite Compagnie , fans déroger aux Privilèges accordes a leurs
Ordres ; Que ceux-mêmes de la Compagnie pourraient, b bon
leur fembloit , y affocier ceux , qui feprefenteroient-. Que s A
s’en rencontrait , qui ne Ment pas Nobles d extracaon , Sabia-
jefté en ennobliroit jufqu’à douze , lefquels jouiraient a 1 avenir,
de tous Privilèges de Nobleffe ,_qui paüeroient a leurs Enfans
nés, ou à naître en légitimé mariage : Qu a cet effet ,Sadite Ma-,
iefté feroit fournir aufdits Affociés douze Lettres ce Noble! e ,
Lignées , fcellées, & expédiées avec les noms en bianc pour
les faire remplir de ceux deidits douze Affociés , & que ces et
très feroient diftribuées par le Cardinal Grand-Maître ? à ceux r
qui lui feroient préfentés par la Compagnie. 40* Que les Uel-
cendansdes François habitués aufdits Pays , & les Sauvages,,
qui feroient amenés à la connoiffance de la Foi , & en feroien •
profeffion , feroient cenfés & réputés. Naturels François , &
comme tels pourroient venir habiter en France , quand bon leur
fembleroit , & y acquérir , teffer y fucceder , & accepter Dona¬
tions & Légats , tout ainfi que les vrais Regmcoles- & Original
res François , fans être tenus de prendre aucunes Lettres de De-
datation , ni de Naturalité.
Enfin , le Ray .promettait , s’il arrivoit quelque - guerre ci¬
vile ou étrangère , qui apportât empêchement à l’execution des
prefens articles , d’accorder aux Affociés une continuation de
délai , félon qu’il feroit jugé à propos dans Ion Conieil ; de
faire expédier & ratifier , où il appartiendrait , toutes Lettres.
\
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IV. 165
néceflaires pour l’exécution des précédens articles , & en cas
d’oppofîtion à la vérification , Sa Majeflé s’en referva la con-
noifTance à elle-même. Louis XIII. dniffoit par dire que , fi les
AfFociés reconnoiffoient dans la fuite qu’il fût befoin d’expli¬
quer , ou d’amplifier quelques-uns de ces articles , ou d’en ajoû-'
ter de nouveaux , il y fer oit pourvû , fuivant l’exigence , fur
leurs remontrances : Quelle leur permettrait pareillement de
dreffer tels Articles de Compagnie , Reglemens & Ordonnan¬
ces , qu’ils jugeraient néceflaires pour l’entretien de leur Socié¬
té; lefquels Articles, Reglemens & Ordonnances étant approu¬
vés par Monfeigneur le Grand-Maître , autorifés par Sa Ma¬
jeflé , & enregiflrés où il appartiendroit , feraient à l’avenir in-
violablement gardés félon leur forme & teneur , tant par lefdits
AfTociés , que par ceux , qui étoient habitans , & qui s’habitue-
v raient dans la fuite en la Nouvelle France.
Ces Articles furent lignés le 19. d’ Avril 1627. par le Cardi¬
nal de Richelieu , & par ceux qui avoient préfenté le projet.
Le Roy l’approuva par un Edit datté du mois de May au
Camp devant la Rochelle , & cet Edit explique dans le plus
grand détail ce que je viens d’abreger. Cela fait , M. le Duc
de Ventadour remit à Sa Majeflé fa Charge de Vice-Roy. La
Compagnie , qui prit le titre de Compagnie de la Nouvelle
France , monta bientôt au nombre de cent fept AfTociés , dont
M. le Cardinal de Richelieu, & M. le Maréchal Défiât ,
Sur-Intendant des Finances , furent les Chefs. M.le Comman¬
deur de Razilli , M. de Champlain , l’Abbé de la Magde-
laine , & plufieurs autres Perfonnes de condition y entrèrent ,
le refie étoit compofé de riches & d’habiles Negocians , & des
principaux Bourgeois de Paris & de plufieurs Villes de com¬
merce ; enfin il y avoit tout lieu d’efperer que la Nouvelle Fran¬
ce alloit devenir un des principaux objets de l’attention du Mi-
niflere , étant foûtenuë par une fi puifîante Compagnie.
Cependant fon inflitution fut marquée par une époque d’un
très-mauvais préfage. Les premiers Vaiffeaux , qu’elle envoya
en Amérique , furent pris par les Anglois , à qui le fiége de la
Rochelle tournifToit un prétexte pour commettre des hoflilités
contre la France , quoique les deux Couronnes fufTent en paix.
L’année fuivante , David Kertk , François , natif de Diep¬
pe , mais Calvinifle & réfugié en Angleterre , follicité , dit-on^
par Guillaume de Caen , qui vouloit fe venger de la perte de
iOii Privilège exclufif , s’avança jufqua TadoulTac avec une
1627.
Hoflilités Jcs
Anglois.
1628,-
A
-
..
—
I 6 2
Québec cft
fommé de fe
rendre à eux.
Réponfe de
M. de Ckam-
plain.
Les Anglois
fe rendent
maîtres d’une
Efcadre Fran-
çoife.
Embarras ,
où fe trouve
l66 HISTOIRE generale.
Efcadre , doù il envoya brûler les maifons , & les beftiaux ;
qui étoient au Cap Tourmente. Celui, qu’il avoit chargé de cette
Commiffion , eut ordre de monter enfuite jufqua Quebec , &
de fommer le Commandant de lui livrer fon Fort.
M. de Champlain y étoit avec M. de Pontgravé , revenu de¬
puis peu de France pour quelques intérêts de M. de Monts & de
fa Société. Après qu’ils eurent délibéré enfemble , & iondé les
principaux Habitans , ils prirent le parti de fe défendre , &
Champlain fit à la fommation du Capitaine Anglois, une re-
ponfe fi fiere , que celui-ci jugea à propos de fe retirer. On étoit
néanmoins réduit dans la V ille à fept onces de pain par tête pour .
chaque jour , & il n’y avoit pas plus de cinq livres de poudre
dans le Magafin. Kertk ignoroit fans doute cette trifte fitua-
tion : d’ailleurs il crut qu’il auroit meilleur marché d’une Efca¬
dre de la nouvelle Compagnie , commandée par M. de Roque-
mont , un de fes membres , & qui portoit à Quebec des Famil¬
les & toutes fortes de provifions. Il avoit été mftruit de fon dé¬
part par Guillaume de Caen , cependant toutes les apparences
étoient qu’il échoueroit dans cette entreprife.
Auffi le malheur de M. deRoquemontvint beaucoup moins
de la perfidie de cet Hérétique , que de fa propre imprudence.
En arrivant à la Rade de Gafpe il avoit détaché une^ Barque ,
pour donner avis à M. de Champlain du fecours , qu i! lui me-
noit , & pour lui porter un Brevet du Roy , qui 1 étabiiiToit
Gouverneur & fon Lieutenant General dans toute la Nouvelle
France , avec un ordre de faire un Inventaire de tous les effets,
qui appartenoient aux Sieurs de Caen. Peu de jours après qu’il
eut expédié cette Barque , il apprit que Kertk n’étoit pas loin de
lui , & fur le champ il leva les ancres pour 1 aller cherchei , fans
confiderer qu’il expofoit au hazard d un combat , dont le lucces
étoit douteux , pareeque fes Navires étoient extrêmement char¬
gés & fort embarraffés , toute la reffource d’une Colonie prê¬
te à fuccomber. Il ne fut pas lontems fans rencontrer les An¬
glois , il les' attaqua , & fe battit bien ; mais outre que fes Vaif-
feaux ne pouvoient point manœuvrer aufli-bien que ceux de
Kertk , ils étoient moins forts. Ils furent bientôt tous defagrees ,
& contraints de fe rendre ; de forte que la Barque , après avoir
caufé une courte joye à Quebec , ne fit qu augmenter , dit M. de
Champlain dans fes Mémoires , le nombre des bouches pour man-
* La récolte , qui fut très-modique , la pêche des Anguilles , Sc
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lïv. IV. 167
quelques Elans , que des Sauvages apportèrent de leur chaffe ,
remirent pour deux ou trois mois un peu d’aifance dans la Ville
& dans les Habitations ; mais , cela épuifé , 011 tomba dans
une plus grande difette qu’auparavant. Il reftoit encore une
reffource, fur laquelle on comptait beaucoup. Le P. Phili¬
bert Noyrot, Supérieur des Jefuites , & le P. Charles Lalle-
mant étoient allés chercher en France du fecours , & avoient
trouvé dans la générofité de leurs Amis , de quoi fretter un Bâ¬
timent , & le charger de vivres. Ils s’y étoient embarqués eux-
mêmes avec le P. Alexandre de Vieuxpomt , & un Frere ,
nommé Louis Mâlot ; mais ce Navire n arriva point jufqu’à
Quebec. Un Vent forcé de Sud-Eft , le jetta fur la Côte de l’A¬
cadie , où il fe brifa 5 le Pere Noyrot & le Frere^Malot y péri¬
rent : le P. de Vieuxpont alla joindre le P. Vimond dans rif¬
le de Cap Breton, & le P. Lallemant s’étant embarqué dans
un Navire de Bifcaye , pour aller porter en France la nouvelle
de ce défaftre , fit auprès de S. Sebaftien un fécond naufrage ,
dont il eut encore le bonheur de fe fauver.
t» Cependant l’extrémité , où fe trouvoit la Colonie , n’étoit
pas ce qui inquiettoit davantage le Gouverneur. Les Sauva¬
ges , depuis l’approche des Anglois , paroiffoient fort aliénés
des François , & il faut avouer qu’on leur en avoit donné quel¬
que fujet. Il y avoit bien du mélange parmi les Habitans : les
Huguenots , que le Sieur de Caen avoit amenés avec lui , n ’jr
étoient pas fort foûmis à l’autorité légitimé & toute la fermeté
de M. de Champlain ne put arrêter qu’une partie des défordres ,
qu’on devoit attendre de Gens très-peu affectionnés à l’Etat.
Dans une fi triffe fituation , le Gouverneur jugea d’abord que
le meilleur parti , qu’il y eût à prendre , fuppofé qu’il ne fût
pas fecouru à propos , étoit d’aller faire la guerre aux Iroquois ,
& de vivre à leurs dépens. Les dernieres excurfions de ces Bar¬
bares , & quelques hoffilités , qu’ils venoient de commettre
tout récemment , lui en fourniffoient un juffe fujet ; mais quand
jl fut queftion de partir, on ne put jamais trouver de poudre. Il
fallut donc refter à Quebec , où il n’y avoit abfolument rien
pour nourrir cent Perfonnes , qui y étoient renfermées , & qui
furent réduites à aller chercher des racines dans les Bois , com¬
me les Bêtes. En cet état , après la nouvelle de l’arrivée des Na¬
vires de France , on n’en pouvoit guère recevoir de plus agréa¬
ble , que celle du retour des Anglois.
Ainfi , lorfque fur la fin de Juillet , c’eff-à-dire , trois mois
Tome /.
1628.
M. de Cliam-
plain.
1629.
Quebec eft
fomiué de
1629.
nouveau par
iss Anglois.
A quelles
conditions la
Place eft ren¬
due.
X6S histoire generale
après que les vivres eurent manqué abfolument , on vint an¬
noncer à M. de Champlain qu’il paroiffoit des voiles Angloifes
derrière la pointe de Levi , il ne douta plus que ce ne fût l’Efca-
dre de Kertk , & il regarda ce Capitaine 3 bien moins comme
un Ennemi , que comme un Libérateur , auquel il aurait obli¬
gation de ne pas mourir de faim avec toute la Colonie, Il n’y
avoit que peu d’heures , qu’il avoit reçu cet avis , lorfquon vit
venir une Chaloupe avec un Pavillon blanc, L’Officier , qui la
commandoit , après s’être avancé jufques vers le milieu de la
Rade , s’arrêta , comme pour demander la permiffion d’appro¬
cher , on la lui donna d’abord 9 en arborant un Pavillon fenv
blable au fien ? & dès qu’il fut débarqué , il alla préfenter au
Gouverneur une Lettre de Louis & de Thomas Kertk , Freres
'de l’Amiral David, t
Cette Lettre contenoit une fommation dans des termes extrê¬
mement polis : les deux Frères , dont l’un étoit defliné pour
commander à Quebec , & l’autre conduifoit une Efcadre , dont
la meilleure partie étoit refiée avec Thomas a Tadouffac 5 fai-
foient entendre à M, de Champlain , qu’ils étoient informés du
trille état de fa Colonie ; que cependant s’il v oui oit leur remet¬
tre fon Fort , ils le bifferaient maître des conditions. Ce qui
avoit fi bien inflruit les Anglois de lafituation de Quebec , c efl
que le Sieur Boulé , Lieutenant de Champlain , & fon Beau-
frere , que ce Gouverneur avoit fait partir pour aller repréfen-
ter à la Compagnie le befoin preffant , qu’il avoit d être fecouru ,
étoit tombé entre leurs mains , & qu’ils avoient tire par adreffe
de quelques Matelots le fujet de leur voyage.
Le Gouverneur n’avoit garde de refulerles offres , qu on lui
. faifoit ; il les accepta , mais il fit prier le Commandant de n ap¬
procher pas davantage , qu’on ne fût convenu de tout. L Offi¬
cier s’en retourna avec cette réponfe , & le foir du même jour il
revint à Quebec pour demander les articles de la Capitula¬
tion. Champlain les lui donna par écrit, & ils portoient i&.
Qu’avant toutes chofes Meilleurs Kertk montreraient la Com-
miffion du Roy de la Grande Bretagne , & la Procuration de
l’Amiral David leur Frere. i°. Qu’ils lui fourniraient un Vaif-
feau pour paffer en France , avec tous les François , fans en ex¬
cepter un feul , non pas même deux Filles Sauvages , qui lui
appartenoient. 30. Que les Gens de guerre fortiroient avec
leurs armes , & tous avec les effets , qu’ils pourraient emporter*
4°. Que le Y aiffeau , qui leur ferait livré , auroit tous les agrêts,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Ltv. IV. 169
■&c des vivres , qui feroient payés en Pelleteries , dont le furplus
pourrait être emporté par les Proprietaires. 50. Qu’il ne feroit
fait aucune infulte , ni violence à Perfonne. 60. Que le Navire
feroit livré trois jours après l’arrivée des François à Tadouffac,
& qu’on leur donnerait des Barques pour fe rendre dans ce
Port*
Il y eut peu de difficultés fur les principaux articles. Louis
Kertk répondit que Thomas Kertk , fon Frere , qui étoit relié
àTadoulfac , avoit la Commiffion & la Procuration , qu’on
demandoit , & qu’il les produirait , quand il auroit l’honneur
de voir M. de Champlain : Qu’il n’auroit aucune peine à donner
un V ailfeau , & que s’il 11e fuffifoit pas pour embarquer tous les
François , il y auroit place fur l’Efcadre pour quiconque vou¬
drait s’y embarquer , avec l’affûrance d’y être bien traitté , &
tranfporté en France auffitôt après qu’on auroit mis le pied dans
un Port d’Angleterre. L’article des deux Filles Sauvages fut re~
fufé d’abord , & accordé dans la fuite. Il fut réglé que les Offi¬
ciers fortiroient avec armes & bagages , & généralement tout
ce qui leur appartenoit ; les Soldats avec leurs armes , leurs ha¬
bits , & chacun une robe de Caflor ; les Religieux avec leurs
Livres , mais que tout le refie demeurerait dans la Place. Cham¬
plain s’eflima fort heureux d’avoir obtenu çes conditions , &ne
crut pas devoir infifler fur les autres.
Le Lendemain 20. de Juillet , Louis Kertk mouilla dans la Les Ansîoî*
Rade avec fes trois Navires : celui , qu’il montoit , étoit de cent en urent bien°
tonneaux, & avoit dix pièces de Canon : les deux autres étoient
des Pataches de cinquante tonneaux , & de fix pièces. Le Gou¬
verneur alla lui rendre vifite à fon bord , & en fut très-bien
reçu. Il demanda & obtint des Soldats pour garder la Cha¬
pelle , & garantir les deux Maifons Religieufes de toute in¬
fulte. Kertk defcendit enfuite à Quebec , & prit poffeffion du
Fort , puis du Magafin , dont il remit les clefs à un nommé le
Baillif , natif d’Amiens , lequel s’étoit donné aux Ennemis
avec trois autres François , Eflienne Brûle’ , de Champigni ;
Nicolas Marsolet , de Rouen ; & Pierre Raye , de Paris.
Ce dernier étoit un des plus méchans Hommes , qu’il fût poffi-
ble de voir , & il n’y eut , félon l’ordinaire , que ces Traîtres ,
qui en uferent mal. Le Commandant ne voulut pas fouffrir que
M. de Champlain quittât fon Logis , & lui permit même de
fe faire dire la Melle. Il pouffa la politeffe , jufqu’à lui don¬
ner une copie , fignée de fa main , de l’Inventaire , qu’il avoit
Tome I. Y
1629*
La plupart
des Habitans
relient dans le
Pays.
Emery de
Caën eft pris
par les An-
glois.
170 histoire generale
fait dr effer de tout ce qui setoit trouvé dans la Place , lorfqu il
y étoit entré.
Il étoit de l’intérêt des Anglois que ceux des Habitans , qui
avoient des Terres défrichées , demeuraffënt dans le Pays ; du
moins Kertk le crut ainfi ; & pour les y engager , il leur fit les
offres les plus avantageufes. 11 les affûra même que fi , apres y
être refiés une année entière , ils ne s’y trouvoient pas bien , il
les feroit repaffer en France. Comme fa conduite les avoit fort
prévenus en fa faveur , & que plufieurs auroient été obligés de.
mendier leur pain, s’ils avoient repaffe la Mer, prefque tous pri¬
rent le parti de refter ; mais le Gouverneur , en leur accordant
pour cela fon agrément les avertit que , fi au bout de l’année
le Roy ne reprenoit point le Canada, ils feroient mal de de¬
meurer plus lontems privés des Sacremens & des autres fcc ours,
fpirituefs ; le falut de leurs âmes devant leur être plus cher , que.
tous les biens , qu’ils pouvoient poffeder..
Toutes chofes étant ainfi réglées , & Thomas Kertk étant ve¬
nu joindre fon Frere , Champlain partit avec lui le vint- quatre
pour Tadouffac , où l’Amiral- David s’étoitrendu depuis peu de
jours. Peu s’en fallut que dans ce voyage les Yifiorieux & les
Vaincus ne changeaient de fort. Emery de Caën , qui alloit a
Quebec , & ne fçavoit rien de ce qui s’y étoit pane , rencon¬
tra le Navire de Thomas Kertk, qui portoit M. de Champlain,
& qui setoit féparé des deux Pataches , avec lefquelles il etoit
parti : il l’attaqua, & il étoit fur le point de s en rendiele Maî¬
tre , lorfqu’ayant crié Quartier, pour engager les Anglois a le
rendre , Thomas Kertk prit cette parole dans un fens oppole ,
& cria de fon côté Bon quartier : A ces mots , 1 ardeur des
François fe ralentit un peu ; de Caën , qui s en aperçut , vou¬
lut les raffûrer , &fe préparoit à faire un dernier eftort ; mais M.
de Champlain fe montra , & lui confeilla de profiter de fon
avantage , pour faire fes conditions bonnes avant 1 arrivée des
Pataches , qui faifoient force de voiles , & qui étoient déjà fort
proche. . ,
Il eft certain que , fi tous les François avoient ! ait leur devoir,
le Navire Anglois eût été pris , avant qu’il put être fecouru : la
peur , qu’en eut le. Commandant , lui fit même commettre une
lâcheté ; car il menaça M. de Champlain de le tuer , s’il nefai-
foit ceffer le combat. Ce qu’il ne fit cependant, que quand on
eut donné le tems aux Pataches de s’approcher. C’étoit en ef¬
fet un coup de Parti pour de Caën de prévenir leur arrivée.
. • / *
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lxv. IV. 171
eût eu bon marché des Pataches , s’il eût été maître du Na- — 7 -
vire 9 & rien alors n’eût empêché les François de retourner à 1 2^’
Quebec , où Louis Kertk n’auroit pas été en état de leur refit-
ter. Emery de Caen fe comporta en brave Homme , mais il ne
fut pas bien fécondé de fon Equipage , compofé apparemment
de G ens de fa Religion , qui alors ne fe battoient pas volontiers
contre les Anglois , à caufe du liège de la Rochelle.
On a fçu même depuis qu’outre les quatre Transfuges , dont François
j’ai parlé , & qui étaient de la même Se&e , un nommé Jacques Amende
Michel, Calvinifte furieux, avoit donné des Mémoires à l’A- l’entTprif^
mirai Anglois, pour l’engager à cette Expédition , & ce Traître des AnSlois-
étoit a&uellement fur l’El cadre , avec le titre de Contre-Ami¬
ral. Peut - être que ceux , qui ont accufé Guillaume de Caen
d’avoir auffi trahi fa Patrie dans cette occalion , n’en ont ainlx
jugé , que parce qu’ils croy oient que Michel agiffoit par fon or¬
dre. Cette Efcadre au relie n était pas à beaucoup près aulîi for¬
te, qu’on l’avoit publié: elle n’étoit compofée que de cinq Na¬
vires de trois à quatre cent tonneaux , allez bien fournis de pro-
vilions & de munitions , mais foibles d’Hommes : li Emery
de Caen fût arrivé huit jours plûtôt , il eût ravitaillé Quebec ,
& M. de Champlain n’eût pu y être forcé. David Kertk fut en¬
core heureux: en ce que la paix ayant été renouvellée entre les
deux Couronnes peu de jours après fon départ d’Angleterre ,
le Commandeur de Razilli , qui armoit pour aller au fecours
de la Nouvelle France , reçut un contre-ordre , & fut envoyé
a Maroc. La Cour de France crut fans doute que Kertk rece¬
vrait auffi une défenfe d’aller plus loin ; mais il étoit à la voile ,
& on l’ignorait à Paris .
Cependant cet Amiral ne voulut pas retourner en Angleter¬
re , fans avoir vilite fa conquête : il monta donc à Quebec , 8c
a fon retour à Tadoufîac , il dit à Champlain qu’il trouvoit la fi-
tuation de cette Ville admirable , que h elle demeurait à fa Na-
tion , elle ferait bientôt fur un autre pied , 8c que les Anglois
tireraient parti de bien des chofes , que les François avoient né¬
gligées , ou ne connoiffoient point, je n’entrerai pas dans le dé¬
tail de ce qui fe paffa enfuite , il me mènerait trop loin , 8c n’a
rien de fort intereffant. L’Amiral la’étoitpas , à beaucoup près ,
auffi genereux que Louis Kertk , fon Frere , lequel ne foûtint
pas même jufqu’au bout fon cara&ére ; Champlain , 8c plus
encore les Jefuites , eurent à effuyer bien de mauvaifes maniè¬
res de l’un & .de l’autre.
Yij
1629.
Sa fin tragi¬
que..
HISTOIRE generale
Le perfide Michel leur avoir perfuadé que ces Religieux
étoient fort riches ; mais les Anglois furent h1etrtotcletrompes &
ils déchargèrent une parue de leur chagrin fur le Délateur. Les
trois F-eres lui dévoient tout le fuccès de cette campagne & de
la précédente ; c’étoit de bons Marchands, qui s etoient enrichis
pafle commerce ,& qui ne fçavoient point la guerre ; Miche
Itoit Homme de Mer ! & brave Soldat .dans de ^ Comba naval
contre M. de Roquemont , il avoir empeche David Kenk û e
tre accroché par ce Commandant, qui ne pouvoir repondre a
fon Canon mais qui l’eût enlevé fans peine à l’abordage ; il
a voit fervi de Guide & de Pilote à fes deux Frères , qui ne con-
noiffoient point le Fleuve S Laurent, & qui fans lui nau-
^Maif foi^iS kpfrfdie infphe'je ne fçai quelle horreur à
ceux -mêmes % qui elle eft utile ; foit que les Traîtres prennent
ombrage de tout , ce qui eft en général l’effet des remoi ds de la
confidence ; foit enfin mauvaife. humeur dans les Anglois , en
•voyant combien peu leur conquête les avoit enrichis , oume
contentement de la part du Transfuge , quitte crut pas fes fei-
vkes affe“ ecompenfés ; .1 parut bientôt plus que du r^r0Klff
fement entre eux& lui. Il fut même le premier a edatter. Il fit
oubliqueHient de grandes plaintes contre les Anglois , & fur-
lout contre l’Amiral. Il déclama avec encore plus de fureur con¬
tre les Jefuites & contre les Maloins , & fes e“P°“ef^.en* a1!6'
rent à un tel excès , qu’ils degenererent plus dune fois en des
. profiter de 1, M. , <* « ^
reuxétoit à l’egard des Anglois pour le rappel er a la Reh-
aion de fes Peres , & au fervice de fon Roy. 1-1 le prenoit a
fortir de fes accès , & lui difoit les chofes du monde les plus ten¬
dres & les plus capables de faire împreffion fur un cœur , qui
n auroit pas mis le if eau à fon endurciffement. Mais fon— e
étoit comblée , & Dieu ne jugea pas a propos d en différer plu
lontems la punition. Ses fureurs augmentèrent a un point ^quo
ne pouvoir plus ni le voir , ni l’entendre , fans etre fa.fi d hor¬
reur. Enfin fl tomba dans un affoupiffement léthargique, qui d
ra trente-cinq heures , & à k fin duquel il expira- 9" rf;,avef
fon Cadavre tous les honneurs militaires , & on 1 mhum
toutes les cérémonies , qui font en ufage dans les Eghfo ;Pi » ^
tantes ; mais les- obféques finies, on ne ongea p q [
boire , & jamais les Anglois ne firent paroitrep us eg y
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IV. 173
L’Amiral employa le relie de l’Eté à carener fes Navires , qui
en avoient grand befoin. Au mois de Septembre il mit à la voi¬
le , & le vintiéme d’Oêlobre il mouilla dans le Port de Ply-
mouth, où il apprit que les différends des deux Cours étoient
accommodés. Il s’en doutoit bien , & l’on affûre même qu’il en
avoit eu des avis certains avant la prife de Quebec ; mais il avoit
cru pouvoir prétendre l’ignorera II avoit fait de grandes avan¬
ces pour fon armement , & il s’étoit flatté de trouver dans la
Nouvelle France beaucoup plus qu’il ne falloit pour l’en dé¬
dommager. Il fut fort étonné devoir qu’il n’étoit le Maître que
d’un Rocher habité par une centaine de Perfonnes , épuifées par
une longue famine , & à qui il falloit commencer par donner
du pain ; d’un Magafln , où il n’y avoit que des peaux en petite
quantité ; de quelques maifons mal bâties , & encore plus mal
meublées. Ainfl tout le fruit de fa mauvaife foi fut de s’être rui¬
né , fans avoir même la confolation de travailler pour le Prince ,
qu’il fervoit.
On parut d’abord à la Cour de France fort choqué de cette
-invafion des Anglois , après la concluflon d’un Traitté , qui
avoit empêché qu’on ne s’y opposât ; mais les raifons d’hon¬
neur à part 9 bien de Gens doutèrent fl l’on avoit fait une véri¬
table perte , & s’il étoit à propos de demander la reftitution de
-Quebec. Ils reprefentoient que le climat y efl: trop dur, que les
avances excedoient le retour ; que le Royaume ne pouvoit pas
s’engager à peupler un Pays fi vafte , fans s’affoiblir beaucoup.
D’ailleurs, difoient-ils, comment le peupler ? & de quelle utilité
fera-tdl , fl on ne le peuple pas ? Les Indes Orientales & le B ré¬
fil ont dépeuplé le Portugal ; l’Efpagne voit plufieurs de fes
Provinces prefque défertes depuis la conquête de l’Améri¬
que. A la vérité l’une r& l’autre Monarchie y ont gagné de
quoi fe dédommager de ces pertes , fl la perte des Hommes peut
te compenfer ; mais depuis cinquante ans , que nous connoif-
fons le Canada , qu’en avons-nous tiré ? Ce Pays ne peut donc
être d’aucune utilité pour nous , ou il faut convenir que les
François ne font pas propres pour ces fortes d’Etabliffemens.
Enfin jufqu’ici on s’en efl: bien paffé , & les Efpagnols mêmes
voudraient peut-être avoir à recommencer. Qui ne fçait que
Charles V . avec tout ce que lui lourniffoient d’or & d’argent le
Pérou & le Mexique , n’a jamais pu entamer la France , & qu’il
a fouvent vu échouer fes entreprifes , faute d’avoir dequoi fou-
doyer fes Troupes, tandis que François I. fon Rival, trouvoit
1630-3 1 .
Mauvaife
foi de l’ A mi¬
tai Anglois.
Quelques-uns
font d’avis de
ne point de¬
mander la re¬
ftitution de
Quebec.
Réponfe à
leurs raifons.
autres répondoient que le climat de laNou*
mciroità mefure que le Pays fe decouvriroit :
174 HISTOIRE GENERALE
_ dans fes cofres de quoi fe relever de fes pertes , & tenir tete a ufl
1630-31. prinCe, dont l’Empire étoit plus vafte que celui des premiers
Cefars ? Faifons valoir la France , confervons-y les Hommes ,
profitons des avantages , qu’elle a pour le commerce , mettons
en œuvre l’induftrie de fes Habitans , & nous verrons entrer
dans nos Ports toutes les richeffes de l’Afie , de l’Afrique oc du
Nouveau Monde.
A ces raifons d\
velle France s’adouciroit à mefure que le Pays
qu’on n’en pouvoir guère douter, puis quelle eft fituee fous les
mêmes parallèles que les Régions les plus temperees de 1 Europe .
que le climat en eft fain, le terroir fertile ; qu avec un travail mo¬
dique on peut s’y procurer toutes les commodités de la vie : qu il
ne falloir pas juger de la France , comme de l’Efpagne & du Por¬
tugal , que les guerres des Maures 8c leur retrait! e avoient epui-
fés d’Hommes , avant que d’avoir découvert les deux Indes , oc
qui malgré ces pertes avoient entrepris de peupler des Pays im-
menfes : qu’il ne falloir pas tomber dans les mêmes fautes , mais
faire paffer en Amérique tous les ans un petit nombre de r amil-
les y envoyer des Soldats reformés , avec des Filles , tare es des
Hôpitaux , & les placer de maniéré , quelles puffent s etendre a
melure , quelles le multiplieroient : Qu’on avoit déjà l expé¬
rience que les Femmes Françoifes y font fécondes , que les En-
fans s’y élevent fans peine , qu’ils y deviennent robultes , bien
faits , & d’un très-beau fang : Que la feule Pêche des Morues
étoit capable d’enrichir le Royaume , quelle ne demandoit pas
de grands frais , que c’eftune excellente Ecole pour former des
Matelots ; mais que pour en tirer tout F avantage , qu elle peut
produire , il falloir la rendre fedentaire , c’eft-à-dire , y occuper,
les Habitans mêmes de la Colonie : Que les Pelleteries pou-
voient devenir auffi un objet confiderable , fi on avoir attention
à n’en pas épuifer la fource, en voulants enrichir tout d un coup •
Qu’on pouvoir profiter, pour la conftruélion des Vaiileaux, des
Forêts , qui couvroient le Pays , & qui font , fans contredit , les
plus belles de l’Univers : Enfin , que le feul motif dempecher
les Anglois de fe rendre trop puiffans dans cette partie de 1 Amé¬
rique , en joignant les deux bords du Fleuve S. Laurent a tant
d’autres Provinces , où ils avoient déjà de bons Etablmemens ,
étoit plus que fuffifant pour nous engager à recouvrer Quebec ,
à quelque prix que ce fût.
(Sentiment de Quant à ce qu’on obje&oit du peu de progrès, que nous avion
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IV. 175
fait en Canada depuis tant d’années , Champlain en rejetta la
faute fur les Sociétés particulières , qui s’étoient chargées de
cette Colonie. Voici fes propres termes , aufquels je n’ajouterai
rien : » Pendant qu’une Société , en un Pays comme celui-ci ,
tient la bourfe , elle paye , donne & affilié qui bon lui femble ;
ceux qui commandent pour Sa Majeflé , font fort peu obéis ,
n’ayant perfonoe pour les affilier , que fous le bon plaifîr de
ceux de la Compagnie , qui n’ont rien tant à contrercœur, que
les Perfonnes rqui font mifes par le Roy , comme ne dépen- «
dant point d’eux, ne defirant que l’an voye & juge ce qu’ils font,
ni de leurs aélions & déportemerfs en telles affaires , veulent
tout attirer fur eux , ne s’en foucient de ce qui arrive , pourvû
qu’ils y trouvent leur compte. De Forts & de Fortereffes, ils
n’en veulent , que quand la néceffité le requiert ; mais il n’efl
plus tems. Quand je leur parlois de fortifier , c’étoit leur grief ;
j’avois beau leur remontrer les inconveniens , qui en pouvoient
arriver , ils etoient fourds , & tout cela n’étoit que la crainte , en
laquelle ils étaient , que s’ils avoient un Fort ils feroient maîtri-
fes , & qu’on leur feroit la Loy . Et pendant ces penfées ils met-
toient le Pays & nous en proye du Pirate , ou Ennemi. . . .
J en ecrivois allez à MM. du Confeil , il falloity donner ordre ,
qui jamais n arrivait , & fi Sa Majeflé eût laiffé feulement le
commerce libre aux Alfocies , avoir leurs Magafins avec leurs
Commis ; pour le refie des Hommes , qui dévoient être en la
pleine puiffance du Lieutenant de Roy audit Pays , pour les
employer à ce qu’il jugerait néceffaire , tant pour le fervice de
Sa Majefle , qu a fe fortifier & défricher la terre , pour ne venir
aux famines , qui pouvoient arriver , s’il arrivoit fortune aux
Vaiffeaux ; fi cela fe pratiquoit , onverroit plus d’avancement
& de progrès en dix ans , qu’en trente en la façon que l’on fait.
Aux raifons de politique & d’intérêt , qui n’avoient pas per-
fuade la meilleure partie du Confeil , on en ajoûta d’autres , qui
achevèrent de déterminer Louis XIII. à ne point abandonner le
Canada. Elles etoient prifes du côté de l’honneur & de la Reli¬
gion, & perforine ne les fit plus valoir que Champlain , qui avoit
beaucoup de piete , & qui etoit bon François. On négocia donc
pour retirer Quebec des mains des Anglois , & afin de donner
plus de chaleur aux négociations, on arma fix Vaiffeaux, qui
dévoient être fous les ordres du Commandeur de Razilly. Cela
eut fon effet ; la Cour d’Angleterre, à laperfuafion de Milord
Montaigu , rendit de bonne grâce , ce que l’on fe difpofoit à lui
1 6 3
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le Canada
eft rendu à la
France.
1 6 3 2*.
I
i6$2,
,
, HISTOIRE generale
, j. rorre . le Traitté en fut figné à S. Germain en
vmtneuviéme de Mars de l’année 1632. & l’Acadiey
comprüe , auffi-bien que llfle de Cap Breton, au]Ourdhui
, , n°Céwhb&Rv7nt chofes , que l’Etabliffetnent , que nous
avS„s alors dans cette Me ; cependant cepofte le Fort de
Nouvelle Ouphpr environne de quelques méchantes Maifons q
Fuuce. QupfR\C “aue° deux ou trois Cabannes dans Me de Mont-
Zl BauïXeÆreàTadouffac, & en quelques autres en¬
droits fur le F?euve S. Laurent , pour la commodité de la Pedie
q- je la Traitte ; un commencement d Habitation aux Trois
ÎLres , & îéSes du Port Royal ; voilà en quo, confifto.t a
Nouvelle France , & tout le fruit des decouvertes de Veraza
Ïi , de Jacques Côtier , de M. de Roberval , de Chafflplam
des grandes dépenfes du Marquis de \Ro^FîanœisM qui
Mnmc & de l’induftrie d un grand nombre de r rançojs , qui
m g™a Etabliffement , s'ils «uffc». ... b,«n
. . , C°?teiité avec laquelle les Anglois r.eftituerent l’Acadie à
aSST'6 la France vint Ms dôme de cequ’iîs n’ayoient pas encore pris
soient négligé . mefures pour s’y établir , & de fon eloignement de la Nou-
“ S AngSe , o/il leur importé beaucoup de ft fangj
ivant au£ de penfer à de nouvelles entrepnfes. J ai dit a la vente
que d^s bannie 1621 . le Roy de la grande Bivtagneavoitco-
cedé à Guillaume Alexandre , Comte de Sterlin , touyles P y j
que ceSefgniur envoya dès tannée fuivante dans ces nouvel
concédions , un Officier , pour y cho.fir un beu propre a une
Habitation * mais cet Envoyé étant parti trop tard , il g
' ïhyverner dits le Port de! Jean en Terre Neuve II pa& en,
fuite en Acadie , entra dans le Port au Mouton , dont il changea
le nom en celui de Baye de S. Luc , puis dans un autre , qui n en
ift qvf à dèux lieues , £ qu’il appella U joli Port o. lePonno,.
Il ne s’y arrêta point non plus , & reprit la route de Terre JNeu
le ! d’oipeu le tems après il fit voile pour l’Angleterre De-
puis ce tems-là le Comte de Sterlin , pour des raiions ’ ^ \
n’ai pu fçavoir , ne fit plus rien pour mettre en valeur un i
beau Domaine.
HISTOIRE
i !K*£>î tsÿts-s r* U?v i*c<$Uî *<u'$'*î e^h*z eAjjfe/î f<i?^e^^cVi|i/ïcvsï/^
^;<a€5£3Ù ?A5?JL«) e.C5^» eÂ5fâ«i p_C5^« f»€53
^VŸvViÿvvÿv^vÿvv^ J v$vv^*4v*- riÿv> v^v> vs^înj v^v v;ÿ\>
HIST
DESCRIPTION GENERALE
DELA
NOUVELLE FRANCE.
2/8:SOfiOS/9S/9:e/9: OpD &-7J
LIVRE CINQUIEME
N des Articles du Traitté de S. Germain , qui
remettent la France en poffefiion du Canada ,
portoit que tous les effets , qui feroient trou¬
vés à Quebec , & dont nous avons vû qu’on
avoit dreffé un Inventaire , feroient reffitués,
aufli - bien que les Yaiffeaux pris de part &
d’autre , avec leur charge , ou l’équivalent ;
& comme les Sieurs de Caënavoient le principal intérêt dans
cette reffitution , Emery de Caen fut d’aoord envoyé feul en
Amérique , pour porter à Louis Kertk le Trait té , & en follici-
ter l’exécution. Le Roy jugea même à propos de lui abandon¬
ner tout le commerce des Pelleteries pour un an , afin de le
dédommager des pertes , qu’il avoit faites pendant la guerre ;
il partit pour Quebec au mois d’Avril de cette même année
1632. & à fon arrivée le Gouverneur Anglois lui remit la Pla¬
ce , & tous les effets , qui lui appartenoient. Cependant toute
cette annee & la luivante , ceux de cette Nation, continuèrent
à trafiquer avec les Sauvages , & on eut bien de la peine à faire
ceffer ce commerce , qui par le Traitté de S. Germain étoit ex-
prefftment interdit aux Sujets du Roy de la Grande Bretagne,
Tome L ” Z b
mmm
__ J'
1 6 3 3-
M. de Cham-
plain eft nom¬
mé de nou¬
veau Gouver¬
neur de la
Nouvelle
[France.
Caraércre des
Huions.
,_8 HISTOIRE generale
En 161-t. la Compagnie de la Nouvelle France rentra dans,
tous fes droits , & l’Acadie fut concédée au Commandeur de
Razilly, un de fes principaux Membres , à condition, qu’il y te-
roit unEtabliffement. Il en fit un en effet , mais affez peu confi-
derable , dans le port de la Haive , où il etoit fi aile & fi im¬
portant d’en faire un , qui en peu de tems & à peu de trais au-
roit mis cette grande Peninfule en état de produire de grands re¬
tours. La même année M. de Champiain , que la Compagnie
avoir préfenté au Roy , en vertu du pouvoir, quelle avoir re¬
çu de fa Maiefté , fut nommé de nouveau Gouverneur de la
Nouvelle France , & partit pour s’y rendre avec une Efcadre
nui portoit beaucoup plus , que ne valoir alors tout le Canada »
menant avec lui les PP. de Brebeuf & Enemond Malle. Il y re¬
trouva plufieurs des anciens Habitans ; il en avoir amené de nou¬
veaux , & il engagea les uns 8c les autres a profiter des fautes
qui avoient cavité les malheurs paffés.
première vue fut de s’attacher la Nation Huronne , & de
commencer par la foûmettre au joug de L’Evangile , perfuade
qu’il n’eft point de lien plus indiffoluble , que celui de la Reli¬
gion. Jufques-là on avoir plutôt prépare les voyes a letablii-
fement du Chriftianifme parmi ces Sauvages , que commence
une œuvre , qui demandoit une plus grande connoiffance ,
qu’on n’en avoir encore pu acquérir , de leur langue , de leurs
coûtumes , de leur croyance , & de leur geme. Dans le fejour ,
que les PP. Recollets avoient fait parmi eux , ils en avoient ga¬
gné quelques-uns à Jesus-Christ ; mais ils n’en avoient pu
baptifer que très-peu. Les PP. de Brebeuf & de Noué avoient
aufîi fait quelques Profelytes ; mais le Chriftianifme n avoir
point encore pris racine parmi ce Peuple , qui ne pat onloit pas
aifé à réduire. On fe flattoit néanmoins que quand il auroit trait-
té un peu plus lontems avec les Millionnaires, il deviendrait plus,
docile ; & cette efperance étoit fondée fur le caraftére de fou
efprit folide , judicieux , élevé , capable de réfléchir , & fur ce
qu’il étoit le plus fedentaire & le plus laborieux de tous ceux »
que l’on connoiffoit alors dans ce Continent. _
La Compa- Mais pour exécuter ce projet , il falloir un certain nombre
gnic exclut les d’Ouvriers , & il étoit nécefiaire de les mettre en état de tirer
oTaUr du leurfubfiftance d’ailleurs , que d’un Pays , qui avoir bien de la
peine à faire fubftfter fes Habitans ; or c’eft à quoi il n etoit pas
aifé de pourvoir. La Compagnie s etoit laiffe perfuader que ans
une Colonie naiffante , des Religieux Mendians feraient plutôt a
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. ï79
charge., qu’utiles à des Habitans, qui avoient à peine le néceffaire ' — 7 — “ —
pour vivre ; elle ne fut point donc d’avis qu’on y renvoyât , au 1 ^ ’
moins fftôt, les PP. Recollets ; & elle trouva le moyen de faire
goûter fes raifons au Confeil du Roy. Par la même raifon il fal-
loit que les Jefuites s’altendiffent à tirer de France toutes les cho-
fes , dont ils pouvoient avoir befoin ; & il était à craindre que
I leurs pertes paffées n’euffent refroidi le zélé des Perfonnes
qui jufques-là avoient le plus contribué à tant de dépenfes de¬
venues inutiles. Heureufement ces craintes fe trouvèrent vai¬
nes. Prefque tous ceux , qui s etoient dès le commencement in-
téreifés en faveur de la Nouvelle France , fe crurent obli¬
gés de mettre les Jefuites en état 5 non - feulement de n’avoir
pas befoin des Habitans pour la vie , & pour les fonctions de
leur Miniffere ^ mais encore de contribuer à l’Etabliffement
du Pays, en même teins qu’ils donneraient leur principale at¬
tention à rinftruâion des François , & à la converfion des Sau¬
vages.
Ainfi dès l’année 1632. c’eft-à-dire , immédiatement après la u conduire
conclunon du Traitte de S. Germain , les PP. Paul le Jeune, ^es Angiois
& Anne de Noue s’embarquèrent pour Quebec. Ils trouvèrent Ie? Sau“
que le peu de Profelytes, qu’on avoit faits aux environs de cette gmteràawl
Ville , n étoient plus dans les fentimens , où on les avoit laif- d.les FraQ-
fes ; mais ils n’eurent pas beaucoup de peine à les y faire ren- Ç°1S
trer. Les Angiois, dans le peu de tems, qu’ils avoient été les Maî¬
tres du Pays , n’avoient pas fçu y gagner l’affe&ion des Sauva¬
ges : les Hurons ne parurent point à Quebec , tant qu’ils y fu¬
rent : les autres plus voifins de cette Capitale , & dont pluüeurs,
pour des mecontentemens particuliers , s’étoient ouvertement
déclarés contre nous à l’approche de l’Efcadre Angloife , s’y
montrèrent même allez rarement. Tous s’étoient trouvés un peu
déconcertés , lors qu’ayant voulu prendre avec ces nouveaux
venus les mêmes libertés, que les brançois ne faifoient aucune
difficulté de leur permettre , ils s’apperçurent que ces maniérés
ne leur plaifoient pas.
. ^ut pis encore au bout de quelque tems , lors qu’ils fe
vu ent cnafles a coups de bâton des maifons , où jufques-là ils
etoient entrés auffi librement, que dans leurs cabannes. Ils pri¬
rent donc le parti de s’éloigner , & rien ne les a dans la fuite plus
fortement attachés à nos intérêts , que cette différence de maniè¬
res & de caractère des deux Peuples , qu’ils ont vû s établir
dans leur voiffnage. Les Millionnaires , qui furent bientôt in-
Zij
*
iô3 3
Succès des
premiers tra¬
vaux des Mif-
£oauaues. .
Les Reli¬
gion nai res
font exclus du
Ganadâ»
Choix judi¬
cieux des Co¬
dons» •
18b HISTOIRE GENE R A LE^
in*» * l’impreffion , ,»'* ““ f" *Ç •'Jgf
bien en profiter pour les gagner a Jésus-Christ, « pour
aflTpAionner- à-la Natio-n Françoiie.
Les PP. Enemond Maffe & Jean de BreBeuf arrivèrent , conv-
• v ' à '* nie l’année fui vante avec M. de Champlain 9 &
“ ti. ” tX <!.> Ouvriers E.»^
fut de quinze Prêtres , fans compter trois ou quatre Laïcs , do
ouelaues-uns furent attachés à l’inftruaion des Enfans. Ces Re^
Lieux crurent avec raifon que leurs premiers foins etoientdus
aux Domeftiques de la Foy , & comme il n y avoir plus parm
Sues •
auXcun Protefia.it ne paffât dans la-Nouve le France , &
au’on n’v permit l’exercice d’aucune autre Religion, que 4®
?a Catholique. Selon toutes les apparences , Sa Majefte avoit
„«„ S iS™é, de ce qu'il
•rn. l’oiorc à fcavoir , que 1 entreprife des Anglois lur le ^ana
da etoit le fruit. Ses intrigues de Guillaume de. Caen ou des au|
très Calviniftes ^dont^ai parie ;■ & plus dune^ex^eriericejui
XmTslsqF glo s ïans un PayL où l’on n avoir pas affez
deforcespotu'kis contenir dans le devotr, & dans la foumiffion
4 OnavoilmêmeeaPPorté une très-grande attention au choix
de ceux qui s’étoient préfentes pour aller s établir dans la M .
velle France , & il n’eSpas vrai que les Filles , qu on Y envoy a,
de tems en tems pour les marier avec, les nouveaux Habita ,
ayent été prifes dans des lieux fufpefts , comme quelques Voya-
2urs peu inftruits , l’ont avance dans leurs Relations. Un eut
toujours foin de s’affurerde leur conduite:, avant gue de les em-
b arquer & celle , qu’on leur a vu tenir dans le Pays , eft une
oreuve qu’on y avoir réuffi. Ainft en très-peu de tems on v
prefque tous ceux ,’qui compofoient la nouvelle Cofome faim
à l’exemple de leur Gouverneur , une profeffion ouvert. &
CC On'coiihnua les années fuivantes d'avoir la même attention
& l’on vit bientôt .dans cette partie oe 1 Amérique comm
» ; • i_ pn ç . narrai leiqueis regncm-
& l’on vit bientôt .dans ceticpcuuu .yxr - 1
doM la ■pp^érirè
1 6 3 3-
DE LANOUVELLE FRANCE. Liv. V. iSi
n’a point encore perdu de vûë les grands exemples , que leurs
Ancêtres leur ont laides. La confolation , qu’un tel changement
fit redentir aux Ouvriers , qui étoient chargés de cultiver cette
Vigne tranfplantée , adoucirent tellement les croix de 'la plus
pénible Million , qui ait peut-être été établie dans le Nouveau
Monde , que fur ce qu’ils en écrivirent à leurs Freres de France,
il y eut parmi ceux-ci un véritable empredement pour aller par¬
tager leurs travaux.
Il eft certain , & par les Relations annuelles , que nous avons
de ces heureux tems , & par la Tradition confiante , qui s’en eft
confervée dans le Pays , qu’il y avoit je ne fçai quelle onêlion
attachée à cette Million Sauvage ,qui la faifoit preferer à plu-
lîeurs autres infiniment plus brillantes , & même plus fruêlueu-
fes. Cela provenoit fans doute ce que la nature n’y trouvant
rien , ni par raportaux douceurs de la vie , ni de ce qui peut
flatter la vanité , écueil trop ordinaire des fuccès éclatans , mê¬
me dans le Miniftere le plus laint, la G race y opéroit fans obfta-
cle. Outre que le Seigneur , qui ne fe laide jamais vaincre en li¬
béralité , fe communiquoit fans mefure à des Hommes , qui fe
facrifioient fans refer ve , qui morts à tout , entièrement déta¬
chés d’eux - mêmes & du Monde , podedoient leurs âmes dans
une paix inaltérable , & s’étoient parfaitement établis dans cette
enfance fpirituelle , que Jesus-Christ a recommandée à fes
Difciples , comme ce qui devoir faireTeur. caraêiére le plus
marqué.
Car voilà auaiaturel le portrait , qu’ont fait des premiers Mif-
fionnaires de la Nouvelle France ceux , qui les ont connus de
plus près , & la fuite de cette. Hiftoire convaincra les moins
prévenus en leur faveur , qu’il n’eft point flatté. J’en ai connu
quelques - uns dans ma jeunede , & je les ai trouvés tels que je
viens de les dépeindre, courbés fous les travaux d’un long Apo-
ftolat , & dans, des corps exténués de fatigue , & caftes de vieil-
lede , confervant toute la vigueur de l’elprit Apoftolique. j’ai
cru devoir leur rendre ici la même juftice , qu’on leur rendoit
univerfellement dans le. Pays.
Parmi le grand nombre de Nations Idolâtres , qui ouvroient
aux Millionnaires un fi vafte champ pour exercer leur zélé , au¬
cune ne parut d’abord à ces Religieux mériter mieux leur atten¬
tion , que laHuronne. M. de Champlain avoit depuis lontems
forme le projet de faire un Etablidement dans le Pays de ces
Sauvages. Il reprit cette penfée , lorfqu’à fon retour de. France -
Caractère des
premiers Mit- -
iïonnaires.
On projette
un Etabliffe-
ment aux Iiu-
rons.
. .
X 6 3 4,.
i8z HISTOIRE GENERALE
- en 1 6% V il en trouva jufqu’à fept-cent , qui l’attendoient à Que-
i<5}4- bec & il leur fit part de fon deffein : tous y applaudirent ; mais
lorfqu’on y penfoit le moins , ils changèrent de fentiment. Il eu:
affez inutile de demander à ces Barbares la raifon de ces change-
mens ; fouvent ils n’en ont point d’autre que le droit , où ns pré¬
tendent fe maintenir , de ne point engager leur liberté , & de
ne jamais donner une parole irrévocable. ( .
champUin Le Gouverneur , qui les connoiffoit , crut neanmoins leur en
I» obii- devoir marquer fa furprife , & leur en témoigner fon mecon-
5“ de me"cr t purement • il leur parla même en Homme, qui ne le voyoït
p"omme les années précédentes, dans une fituation à être
Impunément offenfé, & il eut lieu de juger qu il les avoir rendus
plus dociles. Dans cette fuppofiuon il voulut agir avec hauteur,
& de concert avec le P. le Jeune , supérieur de la Million , il
difpofa toutes chofes pour le voyage des PP.de B rebeu 1 & de
Noue qui avoient été nommés pour accompagner ces Sauva-
ees. Ceux-ci, non-feulement les acceptèrent ; on crut meme
entrevoir une efpéce de jaloufie entre les Chefs de differens Vil¬
lages à qui poffederoit les Miffionnaires ; mais un accident
imprévu rompit toutes les mefures du Gouverneur , & il recon¬
nut qu’il avoir trop fait paroître d’empreffement pour une choie,
qu’il convenoit de faire defirer à ces Barbares.
IM „r.. 1 Un Algonquin avoit tué un François , & M. de Champlain
fc’l! tenoit ce Meurtrier dans fes prifons , tort refolu d en faire un
exemple : il jugeoit cette févérite d autant plus neceffaire , qu on
crovoit avoir enfin découvert que le P. Viel Rçcollet ne setoit
pas noyé , comme on l’avoit cru d’abord , mais que les Hurons
qui le conduifoient , l’avoient tué , pour avoir fa dépouillé , &
avoient jetté fon corps dans la Riviere , pour couvrir leur cri¬
me Des Sauvages mêmes difoient hautem ent, que pour çreve-
nir'de pareils attentats, dont les fuites pouvoient être egale¬
ment funeftes à eux & aux François , il ne falloit pas les laiffer
imSïdsces Barbares , après avoir ainfi parlé en public avec tou-
te l’équité , qu’on pourroit attendre des Hommes du monde les
plus raifonnables , changent affez ordinairement de ton , lors¬
qu’il eft queftion d’exécuter les Arrêts , qu’ils ont eux -memes
ditlés & il ne faut pas efperer qu’ils daignent toujours couvrir
d’un prétexte plaufible , une conduite fi peu conféquente. Les
Hurons le firent néanmoins en cette rencontre. Le jour de leur
départ étant fixé , un de leurs Chefs déclara nettement qu il ne
Caufe de ce
refus.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 183
pouvoit fe refondre à embarquer dans fes Canots aucun Mif- — p - -
lïonnaire , ni même aucun François , que le Gouverneur n’eût 1 ^ 3 4-
auparavant mis en liberté l’Algonquin , qui étoit dans les fers.
On lui remontra que lui - même l’avoit jugé digne de mort :
» Je conviens , reprit-il , que c’eft fort bien fait de punir un Af- «
faffin , mais les Parens , les Amis , toute la Jeuneffe du Village «
de celui-ci , nous font redemandé , & ils nous attendent au paf- <*
fage, dans l’efperance que nous le remettrons entre leurs mains. «
Si leur attente efl fruftrée , & qu’ils aperçoivent parmi nous des «
François , ils fe jetteront immanquablement fur eux , & nous ne «
pourrons les fouftraire à leur fureur, fans engager un combat , «
qui nous fera des Ennemis de nos Alliés. Pouvons-nous même «
répondre de levenement , & quel chagrin pour nous , fi nous «
voyions égorger à nos yeux , & entre nos bras des Perfonnes , «
qu’on nous auroit confiées. «
On eut beau faire pour diffiper les craintes vrayes ou préten- Défauts «
dues de cet Homme , on ne gagna rien. En vain même d’autres vertus des
Chefs lui dirent qu’ils fe chargeoient de tout : il avoit pris fon Hurons‘
parti , & il déclara qu’il ne fouffriroit point qu’on embarquât au¬
cun François. Le Gouverneur ne douta plus alors qu’il ne s’en¬
tendît avec les Algonquins , & ne jugeant pas qu’il lui convînt
de mollir aufujet de fon Prifonnier , ni qu’il fût de la prudence
de rifquer un feul François avec des Gens fi mal difpofés , il con-
feilla aux deux Millionnaires de remettre leur voyage à une au¬
Le procédé de ce Chef Huron, marque bien le cara&ére de ce
Peuple , celui de tout le Canada , qui a le plus d’efprit, mais con¬
tre lequel il a toujours fallu être le plus en garde. Il porte fur-
tout la difîimulation à un excès , qu’on auroit peine à croire , fî
on ne 1 avoit éprouvé. Ce caracfere avoit bien autant contribué
a le^ faire craindre & refpecler des autres Sauvages , que fon in-
dulrrie , fon génie fécond enexpédiens& enrelfources , fon élo¬
quence & fa bravoure. En un mot c’eft la Nation de tout ce
Continent , en qui on a remarqué plus de défauts & plus de ver-
Champlain appelle les Hurons Ochafleguins , & les confond Origine
avec les Iroquois , qu’il a cru fans . doute ne faire avec eux cette Nation,
qu une meme Nation , à caufe de la conformité , qu’il avoit re¬
marquée entre le langage des uns & des autres. Peut-être aulîl
les avoit-il oui nommer Ochafleguins par quelques autres Sau¬
vages. Mais leur véritable nom eh Yendats. Celui de Hu-
i 6 3 4*
q histoire generale
î” BSSS '■ r-
miere fois'qu’ils les apperçurent , Quelles Hures ! & saccoutu-
^lon en croitleursplusTndennes Traditions, cetteiNation dans
r oremiere origine n’étoit compofée que de deux Bourga ,
1, “T ° mS fe partagèrent en quatre , ou en adoptèrent
qui avec le tei P b les Millionnaires mterroge-
deux autres , car les Anciens , mu 5 TlifFprentes
“ , fnr ce point ne s’accordotent pas entreux. Ditterentes
rent lu P „,,„rrP Tribus firent des Peuples voifins ,
«nv ruttprmnn au eue eut ae ie lcuu toujours
un feuî corps , ce que neVent pas les Algonquins , lefquels on-
pfnairement étoient beaucoup plus nombreux que les Hurons ,
larouoSe parmi ces derniers les Tribus adoptées confemf-
fenttouiours^eurs noms primitifs , elles prirent auffi le norag
/ ^vd-à-dire ceux qui parlent la meilleuie langue.
■ ”°ïl plroît même que cette uniformité de langage doit fane jugr
beaucoup plus altéré leurs langues , lesquelles font evi emme .
des Dialeaes Huronnes, ainfi que ie l’ai remarque al leurs
J’ai auffi parlé au même endroit de la divifion, uon^tilement d
la Nation entière, mais encore de chaque Canton, g >
ssai^îspr* d“pta h““ ** * ■■
Mature du nier iiecle , avoit le Lac Lue au •> n ,ieux & les
Pays des Hu- k Lac 0ntano à l’Eft. H eft ûtue entre les quarante-deux a
( a) Dans le Journal , qui fert de préliminaire à cette Hiftone, quafafltÇr
sons
I 6 5 4-
DË LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 185
quarante-cinq degrés de Latitude Septentrionnale. On y voyoit
des Bourgades affez nombreufes , & la Nation entière étoit en¬
core compofée de quarante à cinquante mille Ames, quoique
déjà beaucoup diminuée par fes guerres avec les Iroquois. Ce
Pays n’eft pas , généralement parlant , le plus fertile de toute la
Nouvelle France , mais il y a des Cantons , qui le font beau¬
coup ; & fût-il aufîi peuplé , que le font nos meilleures Provin¬
ces , il pourroit fans peine , s’il étoit bien cultivé , nourrir tous
fes Habita-ns. D’ailleurs l’air y eft très-fain. Nous y avons eu
lontems des François en allez grand nombre , ils y avoient beau¬
coup àfouffrirde la faim , & des autres miferes , qu’entraîne la
guerre après elle , cependant aucun n’y eft mort de maladie , &
très-peu même y ont été malades.
On y voit de grandes Prairies , qui porteraient du froment &;
tous les autres grains , qu’on y voudrait femer ; les Forêts font
remplies de très-beaux arbres , furtout de Cedres d’une groffeur
prodigieufe , & d’une hauteur proportionnée. Le Pays eft bien
arrofé , & les eaux y font fort bonnes. On y trouve , dit-on ,
des pierres , qui fe fondent comme le métal , & ont quelques
veines d’argent ; mais je ne fçai trop quelle foy on doit ajoûter
à ce qu’on lit dans quelques Relations de deux Animaux allez
finguliers , qui font propres de ce Pays , & qu’011 11e rencontre
point ailleurs. L’un eft un Oifeau, qui miaule comme un Chat ;
l’autre ePt une efpéce de Lièvre , qui chante comme un Oifeau ,
Sc dont la chair eft fort délicate.
Plus d’une raifon engageoit M. de Champlain à fouhaiter que M ^a!^s dc
les Millionnaires accompagnaffent les Hurons dans leurs Bour- p]‘inc ouarm~
gades. Il croyoit ces Sauvages plus propres que les autres à ac- établir une
créditer le Chriftianifme. Il vouloit par le moyen de ces Mif-
fions préparer les voyes à l’EtablilTement , qu’il méditoit de faire
dans leur Pays , litué très-avantageufement pour le commerce ,
& d’où il ferait très-aifé par le moyen des Lacs, dont il el \ prefque
environné , de pouffer les découvertes jufqu’à l’extrémité de l’A¬
mérique Septentrionnale. Enfin il étoit bien aife de s’attacher
une Nation, de laquelle il y avoit, ce femble, beaucoup à crain¬
dre & à efperer pour l’affermiffement & le progrès de la Colo¬
nie Françoife. Rien n’étoit plus fagement penfé ; le malheur de
la Nouvelle France fut que fon Fondateur lui manqua dans le
tems , quelle avoit plus befoin de fon expérience , & que fes
Succeffeurs , ou ne font pas entrés dans fes vues , ou n’ont pas
ité en état de les fuivre , ni par conféquent de faire reprendre à
Tome I. A a
i 63 4«
Et des Mif-
lïonnaires
pour y établir
le centre de
leurs Mif-
fions.
Les PP. de
Brebcuf& Da¬
niel "arrivent
dans leur
Pays.
186 HISTOIRE generale
la Nation Huronne , tandis qu’il en étoit encore tems , la fupé-
riorité des armes , que les Iroquois avoient déjà commencé de
prendre fur elle. , . , P ,
Les Miflîonnaires de leur côte fe perfuadoient qu en hxant le
centre de leurs Millions dans un Pays , qui étoit en même tems
celui du Canada , il leur feroit aifé de porter la lumière de 1 E-
vangile dans toutes les parties de ce vaffe Continent , & rien,
n’eût empêché l’exécution de ce projet , fi l’on eût toûjours tra¬
vaillé fur le plan de M. de Champiain. Déjà plufieurs Nations-
étoient en commerce avec nous , les Montagnez au-deffous de
Quebec , les Algonquins au-deffus , aux environs , & dans une
Me , qui forme la grande Riviere des Outaouais au - deffus de
Montréal, & le refte fous le nom de Nipiffings, ou Nipilïïnmens,
autour d’un lac de même nom. Enfin les Outaouais , qui étoient
répandus en divers endroits de leur Riviere , dont iis fe pre ten¬
daient fi bien les Maîtres abfolus , qu’ils avoient établi un droit
de Péage fur tous les Canots , qui la remontoient , ou la dei-
II ne manquoit plus que de gagner les Iroquois , & la choie'
étoit d’une conféquence infinie ; on y auroit peut - etre réuni
fans beaucoup de peine , fi dans le commencement ces Sauva¬
ges nous avoient -vû alfez forts pour leur donner la Loi , ou du
moins pour faire pancher la balance du cote de leurs Ennemis ,
qui étoient nos Alliés. Mille Hommes entretenus dans le Pays
des Murons , avec trois ou quatre Fortereffes euffent fuffi pour
cela ; mais on n’en comprit la nécefîité , que quand il fut trop
tard. L’occafion étoit d’autant plus belle alors de réduire les Iro¬
quois à un accommodement , & peut-être de nous les attacher
pour toujours , qu’ils n’ avoient encore aucun commerce avec
les Hollandois établis dans leur voifinage , & que nos Allies
étoient très - difpofés àfe reunir pour faire un dernier effort con-
tr’euXr
L’objet prefent étoit donc d’introduire les Millionnaires chez
les Hurons, & ceux, qu’on avoit deffinés pour commencer cette
bonne œuvre, attendoient avec impatience le retour de quelques-
Sauvages , qui leur avoient donné parole de les venir chercher#
Ils arrivèrent enfin , mais en fi petit nombre , & fi mal équipés 9
qu’il parut bien qu’ils n’ avoient pas deffein d accomplir leur
promeffe : ils ne laifferent pourtant pas de témoigner d’abord
beaucoup de bonne volonté ; mais quand on voulut en venir a
l’exécution , ils s’excuferent fur ce qu’ils étoient tellement fatit
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 187
gués du voyage , qu a peine auroient-ils allez de force pour re- — 7 -
conduire leurs Canots à vuide. 1634.
Ce fut en vain qu’on leva cette difficulté , les Peres s étant
offerts de s’embarquer feuls avec leur Chapelle , & fans aucun
bagage , & de les aider même à nager ; car rien ne met davanta¬
ge de mauvaife humeur , qu’une proportion raifonnable & fans
réplique , faite à des Gens , qui ont prétexté une fauffe raifon
pour couvrir leur mauvaife volonté. Les Hurons déclarèrent
enfin la leur par un refus formel & opiniâtré ; ce ne fut qu’après
bien des inftances, & à force de préfens, faits avec plus de zele ,
que de prudence 5 qu’on les ht confentir à donner place dans
leurs Canots aux PP. de Brebeuf& Daniel, &à leur Dome-
ffique. Le P. Davoft ,fqui devoit les accompagner , fut obligé
de fe reierver pour une autre occafion.
Il ne 1 attendit pas lontems : trois Canots de Hurons ayant £eP. Davoft
abordé peu de jours après aux Trois Rivières , il y fut reçu aux les,.,fuic ; cc,
mêmes conditions , que lui - même & les deux autres Peres ?ouffiir“Zsa
avoient propofees, & que ces Barbares eurent grand foin de leur leur voyage,
faire exa&ement remplir. Deux François s’embarquèrent avec
le P. Davoft , & ils arrivèrent à la fin du mois d’Août au terme
de leur voyage, où ils trouvèrent les deux premiers Jefuites, qui
y etoient arrivés depuis trois femaines, mais dans un trifte état.
La mauvaife humeur de leurs Conducteurs avoit encore été aug¬
mentée par les maladies , qui s’étoient mifes parmi eux pendant
la route , & elle leur avoit fait effuyer bien de fâcheux mo-
mens. Ils coururent même plus d’une fois rifque d’être affom-
mes ou dégradés , fans vivres & fans guide , dans des endroits
ablolument deferts.
D ailleurs 011 ne leur fit aucune grâce fur ce qu’ils avoient
promis de nager : exercice infiniment pénible , quand il eft con¬
tinue , & qu on n’y eft pas fait: enfin l’un d’eux perdit une
partie de les hardes, qui lui furent volées. Les Hurons avoient
déjà dans 1 efprit des François la réputation d etre hardis & ha¬
biles voleurs ; ils ne font pas aujourd’hui les feuls; & parmi
^e™eSi’ rCn CIU1 l on a trouyé plus de défintéreffement &
de ndelite , il faut excepter les chofes comeftibles ; objet trop
tentant pour des Sauvages toujours affamés , & accoûtumés à
regai der comme de droit commun tout ce qui eft nécefiaire à la
De pareils préliminaires netoient pas , ce femble , capables de w-
faire augurer bien aux Millionnaires du fucoès de leur entrepri- pî
A a ij
Première
Million fixe
mi les Ha-
rons.
i 6 3 A-
... HISTOIRE generale
f r p elimeux furent néanmoins regardés d’affezbon œil dans
& ’tf «2 SSÈSÆ&CT a
,ls ftSff 3S SSKKlS»- 1. er,TVn.
1-63 5
Difficultés
qu’on rencon- n^e ne furenrpas coniideraDies , n*/c r ii p0n-
trc pour lu ‘! ? „„ r Adultes , mais ils en furent conloles par le non
converiïon J* de cmqou ^““ 4 f j éternêl Æun grand nombre
feïï ÆÏÏ immédi.tèm.M après aaorr r«S„ la
“se **** • <1“ »frs'"S
prouver cequon lui a expof , p^ 1 *tpar pure com-
haiffent rien- tant que la dilpute , & q P fouvent
plaifance , tantôt en vue de quelque. - r . P ut s lesmar-
encore par indolence & par pareffe , ns donnent ^
ques d’une entière convi&on fur des chofes, a q .f
pas fait là moindre attention , ou qu ils n mu pas comp ^
” On en a vû fréquenter nos Eglifes pendant d.
tieres , avec une affiduité , une modeftie, une reverence ex
rieu-e & tout ce qui peut marquer un defir fincere de co
& d’embraffer la vérité , puis fe retirer en duant froidemen^
Millionnaire , qui fe flattoit de 1 éfperance de les e g
Miino.i » 1 r . «y , n’avois perfonnepour prier
(■(mraaffion de tafolkude /& j’ai voulu te tenir
avec tof, f ai'eu compaffion de tafolkude-, & j’ai voulu te tenir
: si . i Frf» <1“ ess^xsaSSS.
à,™ la choü rf« «““‘'“S ï'i,,,,,!.»,,.
à qui la choie étoit arrivée a iviiuimna^ • .
quelque part que quelques-uns ayoïent porte la
oitla complailance , juiqu a demandei & iceev P..
DE L A NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 189
&à remplir quelque tems avec édification tous les devoirs du
Chriftianifine, enfuite déclarer qu’ils ne Favoient fait, que pour
contenter le Pere , qui les preffoit de changer de Religion.
D’autre part ce n’efl: pas toujours une preuve que ces Barba¬
res ne font point convaincus des vérités , qu’on leur annonce *
quand ils refufentde s’y foûmettre. Il s’en efl rencontré , à qui
il ne refioit plus aucun doute fur les articles de notre Foi les
plus incompréhenfibles , & qui en faifoient publiquement Pa-
fans vouloir entendre à fe convertir. Endurciflement dé-
1 6 3 U
veu
H
plorable , mais dont on doit être d’autant moins furpris , qu’or
en voit tous les jours des exemples dans le fein même du Chri-
fiianifme. Un Iroquois étant au lit de la mort , il tomba du feu
fur la robe, dont il étoit couvert; comme il vit qu’on fe met-
toit en devoir de leteindre : « Ce n’efi: pas la peine , dit-il, je
fçai que je dois brûler pendant toute leternité ; commencer un “
peu plus tôt , ou un peu plus tard , cela ne vaut pas le foin , que «
vous vous donnez. » D’anciens Mifiionnaires m’ont alfûré que «
ces traits de défefpoir n’ét oient pas aufli rares , qu’on pourrait
naturellement le croire. -
Mais ce ne fut pas fitôt qu’on vint a bout d’arracher de pareils
témoignages en faveur de la vente , de la bouche meme de
ceux , qui fermoient les yeux à la lumière , ni de la faire triom¬
pher des préjugés de la naiflance & de ledücation , parmi des
Peuples grofiiers & fuperftitieux. Les véritables & folides con¬
versons furent même lontems très-rares. Ce n’efi: que dans la pa¬
tience , que le Sauveur a promis qu’on recueilleroit des fruits
abondans de la prédication de l’Evangile , & les Millionnaires
du Canada comprirent d’abord combien cette vertu leur étoit
néceflaire, par les fréquentes expériences, qu’ils eurent de la du¬
plicité , & des autres défauts des Peuples , confiés à leur vigi- -
lance & à leur zélé. •
Quelques Hurons prirent dans les commenceméns un parti,
qui déconcerta d’abord ces Religieux : « Tu nous débites de fort égard,
belles chofes , dit l’un d’eux au P. de Brebeuf , & il n’y a rien «
dans tout ce que tu nous enfeignes , qui ne puifle être vrai ; mais «
cela'efi: bon pour vous autres, qui êtes venus d’au-delà des «
Mers. Ne vois-tu pas que puifque nous habitons un Monde fi dif- *
férent du vôtre , il doit y avoir aufli un autre Paradis pour nous, «
& par conféquent un autre chemin pour y arriver. » Fermes
fur ce principe, & n’oppofant à tout ce qu’on pouvoit leur dire,
pour leur en faire toucher au doit l’extravagance ^ que des . rai- -
Efforts des
Jongleurs
pour empê¬
cher les pro-
,9Ô HISTOIRE GENERALE'
- fonnemens trop abfurdes pour être férieufement réfutés , ils ne
1 6 3 5 • donnoient aucune efperance de converfion , que celle , qui efi
le fruit de la confiance en Dieu. C’eft dans ces rencontres ,
qu’un Ouvrier Apoftolique reconnoît d’une maniéré bienfenfi-
ble , qu’il n’appartient qu’à celui , qui a fait le cœur de 1 Hom¬
me , de le toucher & de le changer. Cette connoiflance l’humi-
lie , & l’humiliation le difpofe à devenir un infiniment propre
pour éxécuter ces miracles de la grâce de Jesus-Christ.
Aux obfiacles ,qui naiffoient du caraHére de ces Peuples ,
& à ceux, que formoient leurs pallions , il s’en joignoit d’exté¬
rieurs , & les plus difficiles à furmonter étoient ceux , qu’y ap-
grèsdeiaFoy. portoient les Jongleurs. Ces Charlatans , qui craignoient de
perdre la confideration , ou les mettoit 1 exeicice de leur art ,
fi les Millionnaires s’accreditoient dans le Pays , entreprirent
de les rendre odieux & méprifables , & ils n’eurent pas dans ces
commencemens beaucoup de peine à y réuffir ; non-feulement
parce qu’ils avoient à faire à une Nation exceffivement fuperfii-
tieufe &: ombrageufe , mais encore parce que plufieurs s etoient
déjà mis dans la tête , que la Religion des François ne leur con-
venoit point ', & qu elle leur feroit même funefie , fi elle s’éta-*
bliffoit parmi eux. _
Les Jongleurs vinrent donc aifément à bout de rendre lulpe-
Hes toutes les démarches des Peres , & furtout leurs Prières ,
qu’ils faifoient regarder comme des maléfices ; en forte que ces
Religieux étoient obligés de fe cacher pour reciter leur Office ,
& pour s’acquitter des autres Exercices de dévotion. Si l’on
ajoute à ces préjugés fâcheux , qu’il s’agifioit de reformer pres¬
que toutes les idées d’un Peuple jaloux de la réputation , où il
étoit , depenfer mieux que les autres , d’impofer des Loix fe-
veres , & des obligations étroittes à des Hommes , qui mettaient
leur gloire , & faifoient confifier leur bonheur à n’être gênés
fur rien : Si l’on fe repréfente tout ce que le libertinage du cœur ,
fi difficile à réprimer , quand il n’a jamais eu de frein , oppofoit
aux faintes maximes du Chrifiianifme dans des Barbares , qui
ne connoiffoient point d’autres régies , que celles d’une raifon
corrompue , & d une nature accoûtumée à fuivre toutes fes in¬
clinations, on comprendra en quelle fituation fe trouvèrent
trois Etrangers , aufquels des Hommes , tels que je viens de les
dépeindre, commençoient déjà d’imputer tous leurs malheurs.
11 eft vrai que les Hurons fe trouvoient alors dans une fitua¬
tion bien trifie ; car non - feulement cette Nation , autrefois û
Autres diffi¬
cultés.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. i<pi
fiorifiante , & qui depuis un tems infini avoit toujours été re¬
gardée comme la MaîtrefTe des autres , n’ofoitprefque plus tenir
en campagne devant les Iroquois ; mais elle était encore en
proye aux maladies , qui ache.voient de la dépeupler. Avec des
écrits bienfaits , & capables de fe mettre au-defTus des préju¬
ges , rien n’eût été plus aifé , que de profiter de l’excès de leurs
malheurs, pour les faire recourir à l’Auteur de tous les biens •
mais perfuadés que la préfence des Millionnaires avoit mis le
comble à leurs maux , à tout ce qu’on leur difoit pour les con¬
vaincre de la fupériorité du Dieu des Chrétiens fur les Efprits
qu’ils adoroient , « Chaque Nation , répondoient - ils , a fes
Dieux , notre malheur eft d’en avoir , qui foient plus foibles ,
que le vôtre , & qui ne puiflent l’empêcher de nous détrui¬
re. »
Pour guérir fur cela leur imagination, pendant une féche-
reffe , qui menaçoit le Pays d’une famine univerfelle , le P de
Brebeul s’adreffa au Ciel , & fa Priere fut fuivie d’une pluy e
abondante ; il fit la même chofe en une autre occafion , & avec
le même fuccès : & ces merveilles firent cefferpour quelque
tems les murmures. Le grand nombre d’Enfans moribonds ,
qu on avoit vû baptifer , & mourir immédiatement après , avoit
encore donné lieu à ces pauvres Aveugles de juger que le Bap¬
tême etoit un fort , que ces Peres jettoient pour faire mourir
les Lnrans ; mais il arriva que quelques Malades, dont on n’efpe-
r°it Plus rien, recouvrèrent une fanté parfaite au moment qu’ils
reçurent le Sacrement de la régénération , & ces guérifons inef-
perees firent revenir les mieux difpofés , mais pour peu de
tems ; l impreffion , que faifoient fur leurs efprits des évene-
mens fi merveilleux , s’effaçoit bientôt , & c’étoit toujours à re¬
commencer. >
, Quelquefois l'ignorance profonde de ces Barbares, qui leur
ai oit li Couvent attribuer à des caufes furnaturelles , bien des
c 10 es , ou il n y avoit rien , qui paffât les forces de la nature ,
les jettoit dans une extrémité oppofée , comme il arrive à ceux ,
que la crainte de paffer pour trop crédules , précipite dans une
încie ai ite, que la raifon même défavouë ; mais ces retours
c un elpnt , qui fe met â contretems & fans régie certaine en
ga/ c e contre la Religion , étoient affez rares parmi un Peuple
qui s occupe tres-peu de ce qui ne frappe pas les fens , & ce-
les Vmb u r V&'lesU S d£ j* cr^ulité . naifîbient
tes unnam-s c*. tes inquiétudes des Ouvriers Apoftoliques.
1 6} 5-
«
<4
Merveilles
opérées, &
leurs effets^
E R A L E
535-36.
Conduite
:s Million*
je qui fepaf-
dans un
ojifeii.
nuuv.cai* ** 11 Pim ne lie Cx ion tut meme uuug
moindres Ornemens d .P „ ’ Girouette , dont Tune .
de faire difparoitre une Pendu & l’autre leur
difoient ces Barbares , le«r apportât ^ ’ Ue fans dou_
donnoit toujours le mauvais ' • que l’eearement qui en¬
te , mais moins criminel devant Dieu que' itg & .'i d .
traîne tant de faux Sçavans. “ d(inués de toutes!
l’ignorance , qui y entrain moven defquelles ils au-
les connoiffances nature e , p ' _ ; reconnoître l’Au-
roient pu s’élever avec la grâce de J- C. a recon
teur de la Nature. , , trois Religieux
La fermeté & la grandeur d ame , dont les no ^ ^
donnèrent de grandes preuves au mi 1 d P d ùfoient pour
vironnoient ; les ra ifonnemens fenfibk , “X°ationsP na.
fe mettre à la portée de leurs ce qu’ils voyoieJ
turelles & palpables , qu ils onno' ^ patience , avec
leur caufer le moindre foupçon , & 11 P effacèrent
laquelle ils enduraient les plus indignes tmtteme .
avec le tems les împreffions fîniitres , q . ' emieres fut
ily alla , & y fut reçu de maniéré a 1m les mU ,
étoit refoluë. On commença p P. , ^ans \Q pays, &
que fouffroit la Nation depuis ne vouvoient
on fe mit en devoir de lui prouver que c« ^"^Compa-
avoir d’autre caufe , que fes maléfices , - . , du péril,
■ gnons. Le Serviteur de Dieu ff.s P^"? f^ïéraux^e là
où il fe trouvoit , expofa d abord p P (féaux dont ilf
Doctrine Chrétienne : .1 prouva être des
étoient accablés dejiuisxjuelque teins, po ceDieu,
coups de la Juftice du Dieu , qu te défordres , qui
qui étoit la Sainteté même , puniffoit P" ‘ loire il fe
S étoient introduits parmi eux , q J dç rec0nnoî-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lnr. V. 193
tfe pour leur Créateur , & leur Souverain Seigneur.
Quelques-uns voulurent lui répliquer , mais il leur ferma la
bouche , en leur faifant comprendre l’abfurdité de leurs princi¬
pes. Il reprit enfuite fon difcours , & dit qu’avant qu’on leur eût
annoncé Jesus-Christ , leur infidélité pouvoit avoir quelque
forte d’excufe ; mais que puifqu’ils ne pouvoient plus pré¬
texter leur ignorance , ils feroient inexcufables , s’ils perfiftoient
dans leur obfiination : Que jufques-là ce Dieu auiïi bon que
jufte , les avoit châtiés en Pere ; qu’il fe lafferoit peut-être bien-
& prendroit une verge de fer , qui les écraferoit. Alors
1635-36.
tôt
«
«
Nouvelle
perfécution ,
ui s’appaife
plusieurs le prièrent de les inftruire : il le fit , & parla afiez lon-
tems. On parut l’écouter avec plaifir , fans que néanmoins per-
fonne fe déclarât. Comme il fortoit de la Cabanne , il fut bien
furpris de voir tomber mort à fes pieds d’un coup de hache un
de ceux , qui en toutes rencontres s’étoient plus ouvertement
déclarés contre la Religion Chrétienne : il crut que c’étoit à
lui , qu’on en avoit voulu , il s’arrêta , & demanda fi on ne s’é-
toit point mépris ? « Non , répondit celui , qui avoit fait ‘le
coup , ce Malheureux étoit un Sorcier , dont on a jugé à pro¬
pos de délivrer le Village. » °
Quelque tems après les vexations recommencèrent avec plus
de fureur que jamais, & ce renouvellement de perfécution -uis>a
fut caufé par quelques Sauvages , qui revenoient des environs labord!
de Manhatte. Ils publièrent que les Européens (a) établis
dans ces quartiers-là les avoient avertis de fe garder des Reli¬
gieux François , que c’étoit des Hommes pernicieux , qui por-
toient par tout le trouble & la défolation , & que pour cette
raifon on ne les fouffroit point en Hollande. Mais cet orage
ne dura point , les plus fages d’entre les Hurons , qui avoient
commence a ouvrir les yeux , firent obferver que dans une af¬
faire de cette importance , il ne falloir s’en rapporter qu a foi-
même ; que la prudence demandoit qu’on examinât le cara-
ftere & les démarchés de ceux , dont on leur difoit tant de mal ,
& en qui après tout on n’ avoit encore rien remarqué , qui r ef-
femblât au portrait odieux , qu’en faifoient des Etrangers , qui
pouvoient être leurs Ennemis.
Mais ce qui plus que toute autre chofe , donna lieu de juger parole $c
que le jour des mifencordes approchoit pour la Nation Huron- menceffrL
ne , c eft que les affligions , qui jufques-là avoient été pour elle dlifier parmi
un lujet de fcandale , commencèrent à les difpofer aux impref- les Hurons*
^ a ) Les Hollandois.
Tome L g jj
■Pourquoi on
différé le Bap¬
tême de quel¬
ques Chefs,
104 HISTOIRE GENERA L E
— - 7“ fions de la Grâce. Si rien ne prouve mieux la : divinité , que ce-
l03 5-3â- „ouvoir quelle a de fe faire reconnoitre dans ladverfite ,
Lux qui prêchent la Foy aux Infidèles , n’ont point de marque
plus ferffi&e , que Dieffa pris poffeffion de leur cœur que
quand il les attire à foi par la voye des tnb^lo“’leLur Pfoe-
fentimens des Millionnaires fe trouvèrent miles , Sc leurs elpe
ranc” bien fondées. Plufieurs Chefs des p us œnfideres dans-
la Nation fe déclarèrent pour la Religion Chrétienne , & de¬
mandèrent le Baptême avec de grandes . nftances Mais quelque
avantage qu’il y eût à efperer de pareilles conquêtes^, les re e
ne crurent pas^qu’il convînt d’accorder ù alternent a ces nou¬
veaux Prolelites ce qu’ils fouhaitoient. Plus ils etoient capa es
de contribuer par leur crédit à la converfion des autres , plus
on eCa néceiTaire de les éprouver , & de s’affûter de leur
"(fn sSolima furioui à I«> bi.n in/tmre , afin it ks mètre
«„Ϋ ïïtte mifon it I- Foy , & de rdP«d,e aux d, -
Acuités qu’on pourroitleur faire- Car il ne fautpas s imag
ner que les Millionnaires n’ayent eu à combattre dans les Sau^
vages que leur brutalité , & de ridicules préjugés- (^uand
ces8Peùp?es n’auroient pas tout le fond d’efpnt & de bon fens ,
que leur ont trouvé ceux qui les ont le plus pratique 1 ex-
•nérience de tous les tems & de tous les Pays a fait voir , qu
comme les Hommes les plus foibles trouvent des £
néceffité oreffante de défendre leur vie contre un mjuite Ag
greffSr 5e «Le les efpnts les moins pénétrans £ manquant
ïamais de raifons fpécieufes , pour fe difpenfer de fe rend ,
quand il s’agit de recevoir une Doârme , contre laquelle tout
Surs paS fe révoltent. Auffi ai - je fouvent oui d’ancien
Millionnaires affûrer, que des Sauvages leur ^voient propo
tout ce que les plus fçavans d’entre les ' Grecs & les Roman»
avoient objefté aux premiers Apologiftes du Chriftiamfme.
Mais trois chofes furtout fervirent infiniment a fane rev
nir les Hurons de leurs préjugés, & à les prémunir corme b
féduftion , qui les avoit fi lontems retenus dans . ,
firent en premier lieu des reflexions tres-fol.des fur J*
de la Religion , quon leur nrechoit , & fur la pureté ' iiner
raie. On Fut extrêmement furpns de les entendre F ’ d
forces deux points en Hommes. , a qui rien n avoit echape rê
maximes & des principes du Chnftiamfme , &. qu P
noient fort bien la liaifon de ces principes , avec es ff
Ce qui rend
ee Peuple plus
docile-
II
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 195
ces, qu’en tiraient leurs InffruReurs. En fécond lieu, ils conçu- 77 - 7
rent bientôt une haute idée de ces Religieux ; ils ne fe laffoient 1 ^“3°
point d’admirer leur capacité , leur prudence , la juffeffe & la
Force de leurs raifonnemens. Les grands exemples de vertu ,
qu’ils leur voyoient pratiquer , faifoient encore plus d’impref-
fion fur eux ; ils étoient fürtout frappés de leur courage , de
1 leur défintéreffement , & du mépris , qu’ils faifoient de la vie :
1 '& il ne leur paroiffoit pas raifonnable de croire que de tels
Hommes fe trompaient fur le fait de la Religion.
P En troifiéme lieu , ils convenoient qu’il falloit avoir perdu le
fens , , pour s’imaginer que des Perfonnes , qui n’avoient aucun
intérêt a les engager dans 1 erreur , euffent voulu , uniquement
à ce deffein , entreprendre de fi longs voyages , courir tant de
rifques , s’expoier à tant de fatigues , s’exiler fi loin de leurs
Amis & de leurs Proches , pour paffer leur vie avec des incon¬
nus , & y demeurer malgré le mauvais accueil , qu’ils1 en
avoient reçu , & la maniéré , dont ils continuoient d’en être
traittes. Ces reflexions , qui n’etoient d’abord faites que par un
petit nombre de Particuliers , moins attachés à leurs préven¬
tions , fe communiquèrent bientôt à la multitude , & changè¬
rent tout a coup la face des chofes ; mais les Millionnaires
avoient encore une raifon d aller bride en main avec ce Peu¬
ple 5 & de ne pas recevoir au nombre des Néophites tous ceux
qui fe préfentoient.
C etoit la difficulté , qu ils avoient rencontrée dans la plû- Us portent
part , a renoncer a quantité de pratiques , indifférentes en elles- ?n P^u noP ,
mêmes, mais qu ils foupçonnoient n’être pas exemptes de fu- cautions!5 plt~
peiffition. Ces Sauvages avoient beau leur proteffer qu’ils n’y
rcconnoiffoient rien de furnaturel , tout leur paroiffoit fufpeêf
de la part d’une Nation diffimulée , & portée par un penchant
prefqu invincible a tout attribuer aux Genies. Après tout , quel¬
que louables , que foit en cette matière la défiance & l’exaêli-
: tude , elles 11e doivent pas être exceffives ; quelques - uns
! f51111 avo^ dans la fuite qu’ils les avoient portées un peu plus
loin 9 quil ne convenoit , & que par-là ils avoient retardé l’œu¬
vre de Dieu.
Ce que I on faifoit dans le Pays des Hurons pour y établir la ^fel'eipc*-
’ (H1 du moins pour y préparer les cœurs de ces Sauvages , aun-^Na!
on le railoit aux Trois Rivières , qui commençoient à être tions*
1 abord des Nations Septentrionnales , au voifinage de Que-
bec , & à Tadouffac , pour attirer dans le fein de l’Eglife les
Bb ij
Progrès delà
Hfligion.
r histoire generale
*9 . ipcMonfa^nez & généralement tous ceux , avec
1635 -}6. ouf^François faifoient quelque commerce. Les difficultés
? 0 nrefau’éeales par tout dans les commencemens , mais
a.ffemi es Sn les düer-s carafleres des Peuples , qu’on avo*
ent pr'd’mftruire. Beaucoup de fuperftition dans les uns &
dans les autres ; ici plus de groffiereté , mais plus degia-
té; plus
«** °S >£
coup^moms à combattre po^r perfuader ces demie» mais on
£ Aues mois ruin01t
SSSSie
té^& mo^^de6 difpofidon auiT 1
Ür { ki à ÆkS jT4|fc
fieursde ceux , dont elle fe ferv.t pour opererde fi merveille
fondation du ^cfpendânt la Nouvelle France fe peuploit de : jour en jour.
College de & ia ‘ ieté v croiffoit avec le nombre de fes Habitans. Rien.
Qucb£C> SS ne contribua davantage à cet heureux progrès
çi £»- ,+r *rrrt& 5« ire
1 6t < Dix ans auparavant , c elFa-dire , dans le tems , que
Je! uit'es pafferent en. Canada pour ^première fo£, ^
t ^ fpç Parens , qui 1 aimoient avec tendrelle , oc qu y
prirent’de lui-même qu’il fouhaittoit avec
dât un College à Quebec , voulurent encore lui don
{a) Yoyez le Journal.
leux:
DË LANOUVELLE FRANCE. Lir. V. 197
fatisfa&ion. Ils en écrivirent au P. Mutio Vitelleski , Géné¬
ral des Jefuites , & lui offrirent fix mille écus d’or pour cette
Fondation. Le prefent fut accepté avec reconnoiffance , mais
la prife de Quebec par les Anglois fufpendit l’exécution de ce
projet.-
Il fallut enfuite attendre quelque tems que la Capitale eût pris
quelque forme , & que les Habitans fuffent en état de profi¬
ter de ce fecours. Enfin l’affaire fut commencée au mois de
Décembre 1635. mais la joye, qu’on en reffentit, fut bientôt
troublée par la perte , que fit peu de jours après la Colonie
Françoife de fon Gouverneur. Il mourut à Quebec vers la fin
de cette même année , généralement regretté , & avec raifon.
M. de Champlain fut fans contredit un Homme de mérite , &
S eut être à bon titre appellé le Pere de la Nouvelle France.
avoit un grand feus , beaucoup de pénétration , des vûè's
fort droittes , & perfonne ne fçut jamais mieux prendre fon
parti dans les affaires les plus épineufes. Ce qu’on admira le
plus en lui , ce fut fa confiance à fuivre fes entreprifes , fa fer¬
meté dans les plus grands dangers . un courage à l’épreuve des
contretems les plus imprévus , un zélé ardent & défintéreffé
pour la Patrie , un cœur tendre & compatiffant pour les Mal¬
heureux , & plus attentif aux intérêts de fes amis r qu’aux fiens
propres , & un grandfond d’honneur & de probité. On voit en
lifant fes Mémoires , qu’il n’ignoroit rien de ce que doit fça-
voir un Homme de fa profefiion : on y trouve un Hifiorien fi¬
dèle & fincere , un Voyageur , qui obferve tout avec atten¬
tion , un Ecrivain judicieux r un bon Géomètre , & un habile
Homme de Mer.
Mais ce qui met le comble à tant de bonnes qualités , c’efi
que dans fa conduite , comme dans fes Ecrits , il parut toujours
un Homme véritablement Chrétien , zélé pour le fervice de
Dieu , plein de candeur & de Religion. Il avoit accoûtumé de
dire , ce qu’on lit dans fes Mémoires , « Que le falut d’une feule
Ame, valoit mieux que la conquête d’un Empire, & que les Rois
ne doivent fonger à étendre leur Domination dans les Pays 5
où régné l’Idolâtrie , que pour les foûmettre à Jesüs-Christ. „
Il parloit ainfi furtout pour fermer la bouche à ceux * qui pré¬
venus mal-à-propos contre le Canada, demandoient de quelle
utilité feroit à la France , d’y faire un Etabliffement ? On fçait
que nos Rois ont toujours parlé comme lui fur cet article &
que la converfion des Sauvages a été le principal motif, qui les
1 63 5-36.
y Premier effet
de cette foa-
dation.
<f
«
«
ï9g histoire generale
— - 7- a plus d’une fois empêché d’abandonner une Colonie , dont
631~36- notre impatience , notre inconftance, & l’aveugle cupidité de
quelques Particuliers, ont fi lontems retarde le progrès. Il ne
manqua à M. de Champlain , pour lui donner des fondemens
plus lolides , que d’être plus écoute de ceux , qui le mettoient
en oeuvre , & d’être fecouru a propos. La maniéré , dont il
vouloit s’y prendre , n’a été que trop juffifiee par le peu de fuc-
cès , qu’ont eu des maximes & une conduite contraires.
Lelcarbot lui a reproché d’avoir été trop credule ; c’eft le dé¬
faut des âmes droittes , & on ne fçauroit en effet lui paffer ce
qu’il dit du Gourou , & de la figure monftrueufe des Sauvages
Armouchlquois. il avoit été trompé par un Malouin, nommé Pre-
VERT, lequelprenoit fou vent plaifir a inventer de pareils contes,
qu’il débitoit avec beaucoup d’affûrance ; comme quand il pro-
tefta un jour en préfence de M. de Poutrincourt qu il avoit vû
un Sauvage jouer à la croffe avec le diable. On lui demanda
de quelle figure étoit ce diable , & il répondit quil nen avoit
vû que la croffe, qui paroiffoit maniée par une main invifible.
Champlain ne pouvoit pas comprendre qu un Homme , qui
n’ avoit aucun intérêt à mentir , le fît de gay ete de coeur , oc
crut de bonne foi tout ce que lui difoit Prevert. Dans 1 împof-
fibilité d’être fans défaut , il eff beau de n’avoir que ceux , qui
feroient des vertus , fi tous les Hommes etoient ce qu ils doi¬
vent être. T /• • rcc
Pour revenir au College de Quebec , les Jeiuites ne dniere-
rent pointa remplir les obligations, quils venoient de con¬
tracter , en acceptant cette Fondation. Ils en comprenoient
toute l’importance , & rien en effet ne pouvoit venir plus à
propos pour l’avancement de la Colonie. Quantité de Fran¬
çois allurés de pouvoir procurer a leurs En fans une éduca¬
tion , qu’on ne trouvoit pas alors dans bien de Villes du Royau¬
me , fe fixèrent dans la Nouvelle France , & les Sauvages , auf-
quels on eut foin de faire envifager futilité , qui pouvoit leur
revenir d’un tel Etabliffément , le rendirent de toutes parts en
grand nombre aux environs de Quebec. _
Comme on ne manquoit jamais , quand ils venoient au Col¬
lege , de les bien regaler , en leur donnant la nourriture du
corps , on les rendoit dociles pour recevoir celle de lame , oc
quelques-uns confièrent avec joye leurs Enfans à des Perfon-
nes , qui vouloient bien fe charger de les nourrir & delesele-
yer. Par ce moyen on les apprivoifoit de plus en plus , oc &
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V, 199
me fur e qu’ils s’attachoient d’affe&ion à la Nation Françoife , on
les trouvoit mieux difpofés à devenir de bons Chrétiens. Il eft
hors de doute que, fi on avoit pu entretenir toujours dans cette
Maifon un certain nombre d’Enfens Sauvages , les progrès du
Chriftianifme auroient été plus prompts & plus durables parmi
ces Peuples ; mais outre que les fonds n’étoient pas fuffifans
pour foûtenir cette bonne œuvre , on y rencontra dans la fuite
d’autres difficultés , qu’il ne fut pas poffible de vaincre , & dont
je parlerai tout à l’heure.
Les bons exemples de ceux , en qui ils ne manquent jamais
d’être efficaces , quand ils font accompagnés de fageffe & de
force , aidèrent auffi beaucoup à former dans cette nouvelle
Peuplade de véritables Fidèles. M. de Montmagny , qui fuc-
céda à M. de Champlain dans le Gouvernement du Canada ,
&M. de Lisle , qui commandoit aux Trois Rivières, tous
deux Chevaliers de Malte , faifoient hautement profeffion
d’une pieté , qui convenoit à leur Etat , & montraient pour
le bon ordre un zélé , dont leur fermeté & leur exaftitude af-
fûroient le fuccès. Le Service divin fe célébrait avec décence ,
& avec toute la pompe , que permettoit la pauvreté des Habi-
tans ; mais la pieté & la modeftie font les vrais ornemens des
Temples d’un Dieu , qui n’eft jaloux que d’être adoré en efprit
& en vérité ; & ces vertus regnoient avec éclat parmi les nou¬
veaux Colons.
Un des premiers foins du Chevalier de Montmagny , quand
il eut pris connoiffance des affaires de fon Gouvernement ,
fut de mettre en régie le Séminaire , qu’on avoit projetté l’an¬
née précédente , pour les Enfans des Sauvages , dans le Colle¬
ge des Jefuites; & on crut devoir commencer par ceux des
Hurons , dont plufieurs Familles venoient d’embraffer le Chri¬
ftianifme. On jugea d’ailleurs que ce feroit autant d’otages , qui
répondraient de la fidelité de leurs Parens : on invita donc les
Hurons Chrétiens à envoyer leurs Enfans à Quebec, pour y être
inftruits des principes de la Religion , & formés aux bonnes
mœurs : iis ne firent d’abord aucune difficulté , ils promirent
tout ; mais quand il fut queftion d’exécuter leurs promeffes ,
d un allez grand nombre d’Enfans , fur lefquels on avoit com¬
pte, à peine le P . Daniel , qui s’étoit chargé de les conduire , en
put embarquer trois ou quatre , dont les parens étoient ab-
fens : encore 11e put-il les mener que jufqu’aux Trois Rivières
où leurs Peres les ayant rencontrés , les lui enlevèrent % quoi-
1636,
t
M. de Mont»
magny Gou¬
verneur de iü
Nouvelle
France.
Projet cfua
Séminaire
pour les En¬
fans des Sau¬
vages.
1, ■■■■— Il
i 6 3^6.
Grand nom¬
bre de Mif-
fionnaiçes
chez les Hu¬
ions»
la Colonie
languit.
mo HISTOIRE GENERALE
qu’ils eufient confenti a leur voyage. Cette conduite au reflo
ne furprit point le Millionnaire , qui eonnoiffoit déjà rattache¬
ment extrême de ces Barbares pour leurs Enfans , & leur ré¬
pugnance invincible à s’en féparer. s
Le P. Daniel étoit trop près de Québec , pour ny pas taire
un tour , avant que de reprendre le chemin de fa Million , oc
une Lettre du P. le Jeune nous le repréfente arrivant au Port
dans un Canot , l’aviron à la main, accompagné de trois ou
quatre Sauvages , les pieds nuds , epuife de forces , Ion Bie-
viaire pendu à fon cou , une ehemife pourrie , & une fauta-
ne toute déchirée fur fon corps décharné ; mais avec un vilage
content , charmé de la vie , qu’il menoit , & infpirant par Ion
air & par fes difeours l’envie d’aller .partager, avec lui des
croix, aufquelles le Seigneur attachoit tant d onêlion. Plu-
fieurs y furent en effet, & avant la fin de cette année 1636.
on comptoir déjà fix Prêtres difperfés dans les differentes Bour¬
gades Huronnes , où plufieurs François les avoient , luivis.
L’occafion étoit favorable pour faire dans ce Pays un bon
Etabliffement ; l’intérêt des Sauvages , & celui des François le
demandoient également : M. de Champlain n avoit rien eu tant
à cœur , & M. le Chevalier de Montmagny , fur cela , comme
fur tout le refie , étoit entré dans toutes les vues defonPrede-
ceffeur ; mais il manquoit d’Hommes & de finances. Excepte
le commerce des Pelleteries y qui alloit affez bien , mais qui
n’enrichiffoit guère que les Traittans , & un petit nombre de
Colons , tout languiffoit faute de fecours : de forte que les r a¬
fles de la Nouvelle France , pendant ces premières années , ne*
parlent prefque que des travaux Apofloliques des Millionnai¬
res parmi les Sauvages , dont ils rapportent un detail bien
édifiant ; il fut alors extrêmement goûté en France , mais il trou¬
verait aujourd’hui bien peu de Leêleurs. 7
Il n’efl pas aifé de comprendre par quelle fatalité une Com*
pagnie auffi puiffante que celle 9 qui regiffoit le Canada , & qui
regardoit ce grand Pays comme fon Domaine , abandonnait
ainfi une Colonie , dont on avoir conçu de fi grandes efpe-
rances , & où le merveilleux concert de tous les membres ,
qui la compofoient , le feul peut-être , qu’on avoit vû auffi par¬
fait dans le Nouveau Monde , répondoit du fuccès de toutes
les entreprifes , qu’on y aurait tentees , fi les cent Aflocies
avoient voulu faire les avances neceffaires. Ce quil y eut e
plus trille , .ç’efl que les efperances , dont; plufieurs Nations
r • 1 s etpiejijt
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. ior
s etoient flattées , que notre alliance les mettroit en état de ré¬
duire leurs Ennemis , fut ce qui les fit plutôt fùccomber , par¬
ce que comptant fur les fecours , quelles attendoient de nous ,
&>qui jsur manqua au befoin , elles ne furent pas allez fur leurs
gardes.
Les Iroquois de leur côté ne s’endormirent pas , & pour ne
point donner aux Hurons le tems de profiter de leur union avec
les François , ils s’aviferent d’un flratagême , qui leur réuflit.
Ce fut de les divifer , pour les détruire enfuite les uns après
les autres. Ils commencèrent par traiter de paix avec le Corps
de la Nation ; puis , fous differens prétextes , ils attaquèrent
les Bourgades les plus éloignées du centre , en perfuadant aux
autres , qu’il ne s’agifloit que de quelques querelles particu¬
lières , où elles n’avoient aucun intérêt d’entrer. Celles - ci
n’ouvrirent les yeux , que quand elles virent , pour ainfi dire,
à leur porte un Ennemi vainqueur , & dont le nom feul jet-
toit Fallarme dans tout- le Pays. Alors les Iroquois levèrent
le mafque , la frayeur augmenta de jour en jour parmi les Hu¬
rons , & ils perdirent le jugement à un point , qu’on ne les
reconnoifloit plus. Ils firent autant de fautes, que de démar¬
ches , 6c rien n’humilie davantage aujourd’hui les foibles re¬
fies de cette Nation , que le Souvenir d’un fi prodigieux aveu¬
glement.
Ce fut immédiatement après la derniere Expédition de M.
de Champlain contre ces Sauvages , dont j’ai parlé dans le Li¬
vre précèdent , qu’ils traitèrent avec la Nation Huronne , 6c
il n’efl point douteux , que fi cette Nation n’eût compté fur
la paix , quelle venoit de conclurre , ni les François , ni les
Millionnaires ne l'emTeacpas trouvé aufîi fiere 8c aufli indocile ,
quelle parut devant 8c après la prife de Quebec. Les Iroquois re¬
commencèrent pourtant bientôt leurs hoflilités , mais delà ma¬
niéré que je viens de le dire , en publiant qu’il n’étoit queflion
que de démêlés particuliers , 8c le Corps de la Nation fe raflura
fur la foi du Traité * qu’il avoit conclu avec les Cantons.
Enfin au commencement de l’année 1636. les Iroquois cef-
ferent de feindre , 8c parurent en armes au milieu du Pays
Huron. Cette irruption ne leur réuflit pourtant pas , le peu
de François , qui avoient fuivi les Millionnaires dans ces quar¬
tiers-la , firent fi bonne contenance , que l’Ennemi jugea à
propos de fe retirer. Cette retraite replongea les Hurons dans
î?ur première fécurité , 8c les Iroquois en profitèrent , pour
Tome L Q c
1636.
Les Iroquois
‘trompent les
Hurons par
une paix lima-
lée.
La Guerre re¬
commence.
G E NETAL E
1036.
aoi HISTOIRE
continuer à firivre le plan, qu’ils s’étoient fait d’abord dans,
cetre Guerre. Sur la fin de l’année fuivante , un renfort d Ou¬
vriers Evangéliques arriva à Saint Jofeph & il y en eut af-
fez pour en donner aux principales Bourgades & pour en re- -
ferver quelques-uns , qui furent deftines a faire des excur-
lions chez les Peuples voifins. »t- -rr • .
Elles fe firent fur-tout du côté du Lac Nipiffing ; mais les -
^ « 1 • _ I /'hnrnrpC tlP T*Ptl
1 6.3 7.
Diverfescour- Elles ie tirent iiir-LuuL uu — - - r- p/ .
fes des Mif- pp Garnier & Châtelain, qui en furent charges , ne reti-
fmnnaires- rerênt de leur pénible expédition , que la confolation d 7 avoir
beaucoup fouffert , & d’avoir envoyé plufieurs Enfans a la
fuite de l’Agneau fans. tache, en leur admmiftrant le Baptê¬
me , lorfqu’ils étoient prêts d'expirer. Parmi les Nations qu ils
vifitérent , leurs Mémoires marquent les Byjjinmcns. J ai
fait tout mon poffible pour découvrir qui etoient ces San-
vages , & où ils étoient établis , & je n ai pu meme fçavoir
à laquelle des deux Langues-Meres , la Huronne & 1 Algon-
auine , ils appartenoient. 11 y a bien de 1 apparence , que cet¬
te Nation , dont il n’eft plus parle depuis_ce tems-la , fut de-
truite alors par les Iroquois , comme il eft arrive a plufieurs ■
autres ,. dont les noms font parvenus jufqua nous ÇA).
Les Milfionnaires , fans fe rebuter du peu de fruit , qu ils
avoient tiré de ces premières courfes , les continuèrent les.
années fuivantes , & prefque toujours avec auffi peu de fuc-
cès. On les envoyoit , & ils alloient avec joye , surs a avoir
au moins le mérite de l’obéïflànce , & fe flattant qu elle ren-
droit à la fin leurs fatigues fruftueufes. Ils fçavoient d ailleurs,
qu’ils accompliffoient la promeffe du Sauveur du Monde , de
faire annoncer fon Evangile par toute la Terre : que leur Mi-
niftere fe bornoit à planter, à arrofer, a cultiver; que la ré¬
colté dépend de Dieu feul , & n’entre pour rien dans a ré¬
compense promife aux Ouvriers, que le Pere de Famille en-
voye clans fa Vigne. .
Mais ce qui retardoit principalement 1 œuvre de Dieu dans
ces Contrées éloignées , c’eftque les Iroquois. infeftoient tous
les chemins , & tenoient toutes les Nations en allarmes. t2uei“
nues précautions qu’eût prifes le Chevalier de Montmagny ,
pour leur cacher la foibleffe de fa Colonie , ils en furent bien¬
tôt informés , & non-feulement ils n’apprehendoient plus que
Lés . troquais'-
inlultent les
Trois Rivic-
ÏCS.
(d)Ona peut-être rnis par erreur , en
imprimant la Relation , Bj yjfirinitns pour
HipijJirimens -, car je trouve qu’on appelle
ainfi quelquefois les Nipiflîags , qui font le.»
vrais Algonquins, •
i'
'DE LÀ NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 203
les François les empêchaffent de pouffer à bout leurs Enne¬
mis ; mais au mois d’Août de cette même année 1637. cinq
.cent de ces Barbares eurent Faffûrance de venir infulter le
Gouverneur aux Trois Rivières, où il étoit , & enlevèrent à
fa barbe , fans quil lui fût poffible de s’y oppofer , trente Iiu-
rons , qui defcendoient à Quebec chargés de Pelleteries.
L’année 1638. commença , pour les Millionnaires des Hu-
rons , de façon à leur faire elperer une abondante moiffon ,
qui les dédommagerait de la fferilité des années précédentes.
Le Pays fut affligé d’une maladie , qui d’une Bourgade fe com¬
muniqua en peu de tems à toutes les autres , oc menaça la
Nation d’une mortalité générale. C’étoit une efpece de dv lie li¬
terie , qui en peu de jours conduifoit au tombeau ceux, qui
en étoient attaqués : les François n’en furent pas plus exempts
que les Sauvages ; mais ils guérirent tous , ce qui produilit
deux bons effets : le premier , que ceux d’entre les Barbares,
qui perffftoient à croire que tous les accidens , qui leur arri-
voient , étoient caufés par des maléfices , dont ils foupçon-
noient les Millionnaires d’être les auteurs , fe détrompèrent ,
en voyant qu’eux-mêmes n’avoient pas été préfervés du mal :
le fécond , que les Sauvages apprirent à fe gouverner mieux,
qu’ils -ne faifoient dans leurs maladies , en obfervant que les
François en guériffoient facilement par le moyen du régime,
qu’ils y gardoient : car autant que ces Peuples font heureux
à guérir les playes & les fraftures , autant font-ils peu habi¬
les à traiter les maladies internes , qui demandent de l’atten¬
tion & de Fexperience dans le Médecin , de la patience & de
la docilité dans le Malade ; enfin la charité & la généralité
avec laquelle ils virent les Millionnaires fe dépouiller de tout
ce qui leur reftoit de remedes , & de rafraîchiffemens , pour
les loulager ; & les cures furprenantes qu’ils firent , leur ga¬
gnèrent les cœurs de ceux-mêmes, qui jufques-là s’étoient plus
hautement déclarés contr’eux.
Ce netoit pas feulement en Canada , qu’on s’intereffoit à la
converlion des Infidèles ; les Jefuites , dans les Lettres qu’ils
écrivoient en France , avoient repréfenté que s’ils étoient en
état de foulager la mifere de quantité de Sauvages errants , on
en gagnerait beaucoup à J. C. que pour cela il n’y avoit qu’à
raffembler tous ceux , qu’on pourrait réfoudre à mener une
vie plus fedentaire , afin de les accoûtumer peu-à-peu à cul¬
tiver la terre , & à fe procurer par leur travail , & leur indu-
Ce ij
1637.
Maladie uni-
verfelle parmi
les Hiirons.
1 <5 3 8.
Ons’intereïïè
en France à la
converfion des
Sauyaçes.
O
. Q.
1:6.3; o
rn . HISTOIRE GENERALE
%ie de quoi vivre & fe vêtir. Ces repréfentations avoienf :
produit parmi plufieurs perfonnes de p.ete une fainte ému¬
lation de contribuer à une œuvre , ou la gloire de Dieu eto t
fi fort intereffée : des Communautés entières de Pans , & des-
Provinces-, s’impoferent des Pénitences , & firent des Prières
publiques , pour fléchir le. Ciel en faveur des Sauvages du.
Tout ce qu’il y avoit de plus Grand à la Cour , des Prin-
ceffes du Sang , la Reine même , entrèrent dans les vues des
Millionnaires ; & fur quelques profitions., que firent ces Ke-
ligieux d’établir à Quebec des Urfulines, & des. Hofpitaiie-
ris un grand nombre de Filles de ces deux Inftituts, fol in¬
citèrent avec les plus vives inftances , pour etre preferees ,,
quand on en viendroit à l’execution d’une entreprife , fi ca¬
pable d’effrayer les perfonnes de leur fexe , & fi nouvelle pour
celles de leur Profeffion. Mais nul autre ne féconda plus effi¬
cacement alors le zélé des Prédicateurs de 1 Evangile , que
le Commandeur de Sylleri. Ce Seigneur , qui ne s occupoit de
rien plus volontiers', que de ce qui pouvoir procurer la gloi-
re de Dieu , goûta fort le projet , que les Jefuites lui commu¬
niquèrent , d’une Peuplade Sauvage , qui ne fut compofee que
de Chrétiens & de Profelytes , & où ils fuffent egalement a.
l’abri contre les infultes des Iroquois , par les prompts lecoius,
qu’ils pourroient tirer des François ; & contre la famine , par
le foin que l’on prendroit de leur faire cultiver la terre.
a ;i ümrntra pn îKirr. des Ouvrieis.a Quebec , o£
: -r„era£M A ‘letYffetfl envoya en ,«37. des Ouvriers à Quebec &
tsyliedme fl recommanda au P. le Jeune , à qui il les adreffa , de choi-
fir un lieu avantageux , pour les y. placer. Le Supérieur 1 s
conduifit, aufli- tôt après leur arrivée , a quatre mille de la
Ville fur le bord Septentrional du Fleuve , & .ils y travail¬
lèrent d’abord à fe loger. Ce lieu a toujours porte depuis le
nom de Sylleri. Ces préparatifs , dont on n avoit pas juge a
propos d. apprendre aux Sauvages quel etoit 1 objet , firent
d’abord naître à quelques Montagnez , la penfee de profiter
de ce nouvel Etabliffement , & ils s’en ouvrirent au Pere le
Jeune , qui les affûra , que de. fa part ils 11e trouveroient au¬
cune difficulté à obtenir ce qu’ils defiroient; mais 11 kur ajou-
ta qu’il ne pouvoit rien décider ,. fans le confentement
Maître de l’Habitation. , , . , Cnm*
Il fçavoit pourtant bien, quelle etoit l intention du Com
mandeur 3 mais fon expérience. Lui faifoit juger cette re
DE' LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. V05
liécelfaire avec les Sauvages , qui fe perfuadent aifément qu’on
leur doit , ou qu’on a quelque intérêt de leur accorder ce
qu’on leur donne avec trop de facilité. On a eu plus d’une
fois lieu de fe repentir d’avoir , par un zélé précipité , tenu une
autre conduite avec ces Barbares , faute de les bien connoF
tre. Le confentement de M. de Sylleri arriva l’année fuivan-
te , par le retour des Navires de France, & douze Familles
Chrétiennes très-nombreufes , prirent poflehion de remplace¬
ment , qu’on leur avoir- deltiné , & s’y logèrent. Elles n’y
furent pas lontems les feules , & en peu d’années cette Ha¬
bitation devint une greffe Peuplade , compofée de fervents
Chrétiens , qui deffricherent un allez grand terrain , & s’ac¬
coutumèrent peu-à-peu à tous les devoirs de lafocieté civile.
Le voilinage de Quebec , & la conduite exemplaire de fes
Citoyens, ne fervirent pas peu à former les nouveaux Ha¬
bita ns de Sylleri dans la pieté , & à leur infpirer une forte de
Police proportionnée à leur génie. Tous menoient une vie
des mieux réglées , & l’on remarquoit dans le plus grand nom^
hre une ferveur , qui donnoit de la confulion aux anciens
Chrétiens , lefquels de leur côté conce voient l’importance de ne
fe pas lailfer vaincre en pieté & en régularité par des Sau¬
vages Néophytes. Tout le monde fçait de quelle maniéré la
plûpart des Colonies fe font formées dans l’Amerique ; mais
on doit rendre cette jultice à celle de la Nouvelle France ,
que la fource de prefque toutes les Familles , qui y habilitent
encore aujourd’hui , elt pure , & n’a aucune de ces taches ,
que l’opulence a bien de la peine à effacer : c’eft que fes pre¬
miers Habitans étoient , ou des Ouvriers , qui y ont toujours
été occupés à des travaux utiles , ou des Perfonnes de bon¬
ne Famille , qui s’y tranfporterent , dans la feule vûë d’y vi¬
vre plus tranquillement , & d’y conferver plus fûrement leur
Religion , qu’on ne pouvoit faire alors dans pluheurs Provin¬
ces du Royaume, où les Religionnaires étoient fort puiiïans.
Je crains d’autant moins, d’être contredit fur cet article , que
j’ai vécu avec quelques-uns de ces premiers Colons , prefque
centenaires , de leurs Enfans & d’un allez bon nombre de leurs
Ï>etits-Fils ; tous gens plus refpeêtables encore par leur probité ,
eur candeur , & la pieté folide , dont ils failoient profelîion >
que par leurs cheveux blancs , & le fouvenir des fervices, qu’ils
avoient rendus à la Colonie.
Ce a eh: pas que dans ces premières années , & plus en^
1638.
Conduite édi¬
fiante des Ha¬
bitans de Que- -
bec.
1638.
EcaMi Élément
des Hofpita-
üeres & des
Urfulines.
i 6 39.
106 histoire generale
core dans la fuite , on n’y ait vû quelquefois des perfonnes*
que le mauvais état de leurs affaires , ou leur mauvaife con¬
duite , obligeoient de s’exiler de leur Patrie , & quelques au¬
tres , dont on vouloit purger l’Etat & les Familles ; mais com¬
me les uns & les autres n’y font venus, que par petites trou¬
pes , & qu’on a eu une très-grande attention à ne les pas laif-
fer enfemble , on a prefque toujours eu la confolation de les
voir en très-peu de tems,fe reformer fur les bons exemples cjuils
avoient devant les yeux , & fe faire un devoir de la necef-
fité , où ils fe trouvoient de vivre en véritables Chrétiens ,
dans un Pays , ou tout les portoit au bien , & les eloignoit
Deux chofes manquoient encore à une Colonie fi bien ré¬
glée ; à fç avoir , une Ecole pour l’inftru&ion des Filles , 8m
un Hôpital pour le foulagement des Malades. Il y avoit déjà
quelques années que les Jefuites fe donnoient de grands mou-
vemens pour lui procurer ce double avantage ; mais ils por¬
taient encore leurs vûë's plus loin. En follicitant la Fondation
d’un Hôpital , ils avoient bien deffein de foulager les Colons,
la plupart fort pauvres , & fans reffource dans leurs mala¬
dies ; mais leur but étoit encore de s’attacher de plus en plus
les Sauvages , par les foins qu’on prendrait de leurs Malades,
dans une Maifon toute confacree a la chante . & dans le pro¬
jet de faire venir des Urfulines de France , ils fongeoient bien
autant à l’éducation des petites Filles Sauvages , qu’à celle des
Filles Françoifes, ?
Le premier de ces deux projets fut prefqu’aum-tot approu¬
vé , que propofé , & fon execution ne fouffrit aucun re¬
tardement. Madame la Ducheffe d’ Aiguillon voulut être la
Fondatrice de l’Hôtel-Dieu ; & pour avoir des Sujets propres
à une telle entreprife , elle s’adreffa aux Religieufes Hofpita-
lieres de Dieppe. Ces faintes Filles acceptèrent avec joye , &
avec reconnoifiance , une fi belle occafion de faire le facnfice
de tout ce quelles avoient de plus cher au monde, pour le
fervice des Pauvres malades du Canada. Toutes s offrirent,
toutes demandèrent avec larmes d’être admifes ; mais on n’en
choifit que trois , qui fe tinrent prêtes à partir par les premiers
vaiflcaux •
- La Fondation des Urfulines fouffrit plus de difficultés : la Com¬
pagnie du Canada ne s’en mêla point , peut-être parce qu on ne
la jugeoit pas d’une néceffité fi preffante ; cette affaire avoit déjà
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 207
été plus dune fois fur le point d’être confommée , &: avoit "7"<s7"q7*
toujours échoué au moment , qu’on fe croyoit affûré du fuc-
cès. Enfin une jeune "Veuve de condition , nommée Mada¬
me de la Peltrie , fut celle , dont les mefures fe trouvèrent
plus jufles , & dont le courage fut plus confiant. J’ai racon- -
té dans un autre Ouvrage ( a ) , le détail de ce qui fe paffa
de merveilleux à cette occafon , & la maniéré , dont filluflre
Fondatrice , après avoir furmonté des obflacles , qui p aro if-
foi en t invincibles , confacra fes biens & fa perfonne même à
la bonne œuvre , que le Ciel lui avoit infpirée , & qu’il cimen¬
ta d’un miracle éclattant.
D’Alençon , où elle demeuroit , elle fe tranfporta à Paris ,
pour y regler les affaires de fa Fondation , puis à Tours , pour
y chercher des Religieufes Urfulines. Elle en tira l’illuflre
Marie de l’Incarnation, laTherefe de la France , pour
m’exprimer comme les plus grands Hommes du dernier fîécle ,
& Marie de S. Joseph, que la Nouvelle France, qui l’a
poffedée peu de tems , regarde comme un de fes Anges tuté¬
laires ; de-là ellefe rendit à Dieppe , où elle avoit donné ordre
qu’on lui frettât un Navire : elle y acquit une troifiéme Urfu-
line , & le quatrième de Mai 1639. e^e s’embarqua avec les
Religieufes Hofpitalieres , & le P. Barthélémy. Vimond , qui
ailoit fucceder au P. le Jeune dans l’Emploi de Supérieur Géné¬
ral des Millions , & qui conduifoit une recrue d’Ouvriers Apo-
ftoliques. Après une longue & périlleufe navigation, cette nom-
breule trouppe arriva à Quebec le premier jour d’Août.
On n’omit rien pour faire comprendre aux Sauvages com- Réception
bien il falloit qu’on eût à cœur leurs intérêts , & le falut de quonlcurfaic-
leurs âmes , puifque des Femmes mêmes , & de jeunes Filles,
elevées dans l’abondance & la délicateffe , fans craindre les
périls de la mer , quittoient une vie douce & tranquille , pour
venir inftruire leurs Enfans , & prendre foin de leurs Mala¬
des. Le jour de l’arrivée de tant de Perfonnes fi ardemment
defirees fut pour toute la Ville un jour de Fête , tous les tra¬
vaux cefferent , & les Boutiques furent fermées. Le Gouver- -
neur reçut ces Heroines fur le Rivage , à la tête de fes Trou¬
pes , qui etoient fous les armes, & au bruit du canon : après
les premiers complimens , il les mena , au milieu des accla¬
mations du Peuple , à l’Eglife , où le Te Deum fut chanté > >
en allions de grâces.
(4} La Vie de la Mere Marie de l’Incarnation.
i 63 9*
Leur ferveur.
îoS HISTOIRE GENERALE
Ces faintes Filles de leur côté , & leur généreufe Conduc-
trice , voulurent dans le premier tranfport de leur jo^e ,
baifer cette terre , après laquelle elles avoient fi lontems lou-
piré , quelles fe promettoient bien d arrofer de leurs lueurs , ot
quelles ne delefperoient pas même teindre de leur la ng. Les Fran¬
çois mêlés avec les Sauvages , les Infidèles meme confondus
avec les Chrétiens , ne le laffoient point , & continuèrent plu-
fieurs jours à faire tout retentir de leurs cris d allegreiîe , ex don¬
nèrent mille hénédidions à celui , qui leul peut mlpirer tant
de force & de courage aux perfonnes les plus foibles. A la
vûë des Cabannes Sauvages, où l’on mena les Religieiües le
lendemain de leur arrivée , elles fe trouvèrent failles d un nou¬
veau tranfport de joye ; la pauvreté & la mal-propretc, qui y
regnoient , ne les rebutèrent point , & des objets fi capables de
ralentir leur zélé , ne le rendirent que plus vif ; elles témoi¬
gnèrent une grande impatience de commencer 1 exercice de
leurs fondions. . . . . r , y* -,
Courage de Madame de la Peltrie , qui n’avoit jamais defire a etre riche»
Madame de la QUj s’étoit fait pauvre de fi bon cœur pour Jésus-Christ*
Pekrie* ne put s’empêcher de dire , quelle eût voulu avoir en fa dif-
pofition de quoi attirer toutes les Nations du Canada a a
connoiffan.ce du vrai Dieu , & elle prit une ferme refolution ,
quelle garda toute la vie , de ne s’épargner en rien , lortqu u
s’agiroit de procurer le lalut des âmes. Son zele la poi ta me¬
me à cultiver la terre de les propres mains , pour avon e
quoi foulager les Pauvres Néophytes. Elle le dépouilla en peu
de jours de ce quelle s’étoit réfervé pour Ion ufage , julquar
le réduire à manquer du néceffaire » pour vêtir les En ms ,
qu’on lui prefentoit prelque nuds ; & toute la vie , qui fut al¬
lez longue , ne fut qu’un tiffu d’adions de la plus héroïque
charité : elles ont rendu fa mémoire à jamais refpedabie a
toute la Nouvelle France , où le fruit de la bonne œuvre e
perpétué au grand avantage de toute cette Colonie. .
Premiers tra- Après les vifites » dont je viens de parler , lesRehgieules es
vaux des Reli- deux Inffi.tuts s’embrafferent tendrement , & le feparerent pot
s’aller renfermer chacune dans leurs Cloîtres , les U mûmes
à Ouebec , & les Hofpitalieres à Sylleri , où le nombre des
Sauvages croiffoit de jour en jour , & où elles etoient a por¬
tée de recevoir les Malades de la Aille & de la Campagne.
Rien netoit plus petit , ni moins accommodé que ces Monar
Itérés ; les Servantes du Seigneur en prirent toute lincomtno
-gicufes.
i-s
&
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 209
cîité pour elles , les Malades , ni les Enfans ne s en reffenti- “—-ri¬
rent prefque point. Dieu voulut cependant mettre les unes 1 ^
& .les autres aux plus rudes épreuves ; le Séminaire des Ur-
fulines fut d’abord attaqué de la petite Vérole , & une mala¬
die Populaire amena à l’Hôpital beaucoup plus de Malades ,
qu’il n’y avoit de Lits , ni même d’efpace pour en mettre.
Ces contre-tems ne déconcertèrent point les Religieufes ; el¬
les fournirent à tout d’une maniéré , qu’on avoit peine à com¬
prendre , & jamais on ne vit mieux jufqu’où va le pouvoir de la
charité. Ce qui furprit davantage tout le monde , c’eft que
dans un tel accablement , dans un changement fi extrême de
vie & de climat , avec une nourriture grofïiere , de fi gran¬
des fatigues , & la privation de toutes les commodités , que
l’ufage a rendu comme néceffaires , ces faintes Filles , fans
celle au milieu des Malades , jouirent lontems pour la plû-
part d’une fanté parfaite , & fe trouvèrent en état d’ajouter
à leurs pénibles travaux, l’étude des Langues Sauvages.
Tant de fecours fpirituels, venus de France tout à la fois, a f a ComPav
ne pouvoient manquer de donner une grande aftivité aux af-
faires de la Religion : il le fit en effet de grands changemens cette
parmi les Sauvages , & il n’y avoit plus qu’à foûtenir ces pre- Colonic*
mieres démarches , pour faire entrer dans le fein de l’Egiife
la plus grande partie des Nations du Canada. Les dépenfes
faites à Sylleri , pour y affembler les nouveaux Convertis , &
ceux , qui vouloient fe faire inflruire ; les deux Etabliffemens ,
dont je viens de parler ; toutes les Millions renforcées d’Ou-
vriers infatigables , & qui ne s’épargnoient point ; la pieté &
la charité des principaux Habitans , qui ne fe refufoient à
rien pour les féconder , jufqua prêter leurs propres Lits , pour
y coucher les Malades : c etoit là une de ces conjonêfures
precieufes- , qu il importe de faifîr , & qui ne reviennent plus ,
quand on les a laiffé échapper , fans en tirer tout l’avantage ,
qu’on pouvoit s’en promettre.
Il eft certain que les efprits étoient en France & en Amé¬
rique dans la meilleure difpofition du monde pour peupler
cette Colonie , & pour établir toutes les branches de Commer¬
ce , que peut produire un fi bon fond ; mais la Compagnie
des cent Àffociés demeuroit dans une inaêlion , qui fera tou¬
jours incompréhenfible ; & il arrivoit de-là que les Millions
{k les Communautés , qui dévoient tirer leur principal appui
de la Colonie , en étoient prefque le fçul foûtien : cependant
Tome I. ' ' D d
0 3 9-
Continuation
de la Guerre
entre les Hu¬
ions 8c les lro-
cjuois.
1(3 4 0.
Riftoire du
premier Iro-
tjuois Chré¬
tien.
1I0 HISTOIRE GENERALE
le fond , qui faifoit fubfifter les Miffionnaires & les Religieu-
fes n’étoit en bonne partie que cafuel ; on ne devoir pas
compter qu’il continuât toujours fur le même pied , & il di¬
minua en effet peu-à-'peu.
La Guerre recommençoit plus vivement que jamais entie
les Iroquois & les Hurons ; mais quoique les premiers euf-
fent fouvent l’avantage , pour les raifons que j ai dites ; les le-
conds , qui n’avoient rien perdu de leur ancienne bravoure , ne
laiffoient point d’avoir quelquefois leur revanche. Un jour
que les Miffionnaires s’étoient tous réunis' dans une Bourga¬
de , pour y conférer de leurs affaires , on y apprit la nou¬
velle de la défaite d’un Parti confidérable d’Iroquois , & on
y amena un Prifonnier , qui y fut brûlé , & qui fut allez
heureux pour paffer de cette efpece d Enfer, au Séjour des.
Elus , du moins à en juger par les difpofitions , dans lelqueiies,
il parut mourir. Comme c’eft le premier Adulte de cette Ma¬
rion , quon fçache avoir reçu le Baptême , ) ai cru devoir
ici m étendre un peu fur les principales circonltances de iæ
mort, je les tire du détail de fon fupplice , que le P. de Brebeur,
qui en fut le témoin oculaire , en fait dans une de les Lettres.
Dès que ce Prifonnier fut arrivé au Village, les Anciens
tinrent confeil , pour décider de fon fort , & la conclufion fut
qu’il fer oit mis entre les mains d’un vieux Chef, pour remp a-
cer , s’il le vouloit , un de fes Neveux ,‘pris par les Iroquois ; ou
pour en faire ce qu’il jugerait à propos. D autre partiel . le
Brebeuf ne fut pas plutôt inftruit de ce qui fe paüoit , qu il
alla trouver le Prifonnier, réfolu de ne le point quitter ,qu il
11e l’eût fait entrer dans la voye du falut : il 1 apperçut d abord
au milieu -d’une troupe de Guerriers , revêtu d’une robe de
Caftor toute neuve , ayant au col un collier de porcelaine
& un autre , qui lui ceignoit le front , en forme de diadème.
On le faifoit chanter , fans lui donner un moment de relâche ,
mais on ne le maltraitoit point. Ce qui étonna le plus le Mil¬
lionnaire , c’eft qu’il étoit auffi tranquille , & qu’il avoit le vi-
fage auffi ferein, que s’il n’eût encore rien fouffert , ou qu il
fût alluré de la vie : il avoit néanmoins fort mal paüe Ion tems
dans les premiers jours de fa captivité , & il avoit plus a ciain-
dre qu’à efperer pour la fuite. ,
Le P. de Brebeuf fut invité, félon la coûtume , a le * aire chan¬
ter , mais il s’en exeufa , & s’étant un peu plus approche de
lui , il remarqua qu’on lui avoit ecrafe une main entre des çai
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 211
loux , & qu’on lui en avoit arraché un doigt ; qu’il manquoit — 7 -
auffi à l’autre main deux doigts, qu’on lui avoit coupés avec 1 <^°*
une hache , & que tout l’appareil , qu’on avoit mis à ces play es,
confiffoit en quelques feuilles d’arbres liées avec de petites ban¬
des d’écorce. Outre cela les jointures de fes bras étoient brû¬
lées , & il y avoit une grande incifion à l’un des deux. C’étoit
pendant le voyage , qu’on l’avoit mis en cet état , car du mo¬
ment, qu’il étoit entré dans la première Bourgade Huronne il
n’a voit reçu que de bons traittemens. Toutes les Cabannes Fa-
voient régalé , & on lui avoit donné une jeune hile , pour lui
tenir lieu de Femme ; en un mot , à le voir au milieu de ces
Sauvages , on n’eût jamais imaginé que des gens , qui lui fai¬
saient tant d’amitié , dûlfent être bientôt comme autant de Dé¬
mons , acharnés à le tourmenter.
Le P. de Brebeuf , à qui on laiffa toute liberté de traitter
avec lui , commença par lui dire , que ne pouvant contribuer
en rien au foulagement de fes maux , il vouloit du moins lui
apprendre à les Souffrir , non pas précifément en Brave , pour
acquérir une gloire , qui ne lui feroit d’aucune utilité après fa
mort mais par un motif plus folide & plus relevé ; & que ce
motif étoit l’efperance bien fondée que fes peines feroient Sui¬
vies d un bonheur parfait & fans fin. Il lui expliqua enfuite en
peu de mots les articles les plus effentiels de la DoRrine Chré¬
tienne , & il le trouva non-feulement docile , mais , contre
l’ordinaire des Sauvages , fort attentif , & prenant plaifir à ce
qu’il lui difoit. Il profita de ces bonnes difpofitions , & il crut
reconnoitre que la Grâce operoit puiffamment dans le cœur
de ce Captif : il acheva de l’inffruire , le baptifa , & le nom¬
ma Jofeph.
Il obtint enfuite la permifîion de le conduire chez lui tous
les Soirs , bc de le garder pendant la nuit. Il auroit bien fou-
haitte quelque chofe de plus , mais la deflinée du Prifonnier
ne dependoit plus de ceux ,#dequi il auroit pû obtenir fa déli¬
vrance. Ses play es le faifoient extrêmement Souffrir , parce
qu elles etoient pleines de Vers ; il demandoit avec inftance ,
qu on les arrachât ; mais il 11e fut pas poffible d’en venir à
bout , ces -Infeêles rentrant , dès qu’on fe mettoit en devoir
de les tirer. Les feftins continuoient , & c’étoit toujours en
Ion nom , auffi enfaifoit-il tous les honneurs , en chantant juf-
qu à extin&ion de voix. On le promena enfuite de Bourgade
en Bourgade , & pendant tout le chemin il falloit qu’il chan-
Dd ij
212
tât. Il n
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
histoire generale
’avoit de repos, que quand le Pere de Brebeuf, ou quel-
qu’autre Millionnaire , avoir pernuffion de 1 entretenir-. Alors,
non-feulement on ne les interrompoit point , mais tous les Sau-
vages s affembloient autour deux , pour ecouter le Pere , &
plulieurs profitèrent de ce qu ils entendu eut. .
P Enfin on arriva au Village du Chef, à qui le Prifonnier avo.
été donné , & qui ne s ’étoit point encore explique fur ce qu il
en vouloit faire. Jofeph parut devant cet Arbitre fouv.erain de
fon fort , avec la contenance d’un Homme , a qui la vie & 1*
mort font indifférentes. Il ne fut pas longtems dansd incertitu¬
de de ce qu’il devoit devenir. „ Mon Neveu , lui dit le vieux
Capitaine , tu ne fçaurois croire la joye , que je reffentis , en
apprenant que tu étois à moi. Je m’imaginai d abord que ce-
luf, que j’ai perdu, étoit réfufcite , & je refous de te mettre
en fa place, h t’avois déjà préparé une natte dans ma Caban-
ne , & ce m’étoitun grand plaifir de penfer que.) allois couler
tranquillement le relie de mes joins avec to, ; mais 1 état , ou
je te” vois , me force de changer de résolution. H ?'lclei?t
qu’avec les douleurs , & les incommodités , que tu fouffres , la
vie ne te peut plus être qu’à charge , & tu me fçauras ans
doute bon gré d’en abréger le cours. Ce font ceux , qui on
mutilé de la forte , qui te.font mourir. Courage donc, mon -
Neveu, prépare-toi pour ce foir , fais voir que tu es un Hom¬
me , & ne te laiffe point abattre par la crainte des tourmens.
Le Prifonnier écouta ce dffcours , comme s il ne 1 eut pas
regardé ; il répondit d’un ton de voix ferme , voila qui vabimx
Alors la Sœur de celui , qu’il devoit remplacer , s approcha de
lui , & comme fi elle, eût vû fon propre frere , elle lui donna
à manger, & le fer'vit avec toutes les apparences de la plus
fineere & de la plus tendre amitié. Le vieux Chef lui-meme e
careffa beaucoup ; il lui mettoit fa pipe a la bouche , & le
voyant tout couvert de fueur , il l’effuymt , & lui domioit tou¬
tes les marques poffibles d’une affeftion vraiment paternelle.
Vers le midi le Prifonnier fit fon feftm d adieu , aux.depen
de fon Oncle , & tout le monde étant affemblé , il dit : >, Mes
Freres , je vais mourir , divertiffez-vous hardiment autour de
moi ; fongez que je fuis un Homme , & foyez perfuades que je
ne crains ni la mort , ni tout ce que vous pouvez .me taire
fouffrir de maux «. Il chanta enfuite , plufieurs Guerr
chantèrent avec lui ; apres quoi on fervit a mangei.
ne, fait point d’invitation pour ces repas , chacun a r
»
»
n
»
»
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 213
s’y trouver , mais la plûpart n apportent point leur écuelle , & \
ne veulent être que FpeHateurs. Le feflin fini , le Patient fut
mené au lieu du fupplice , qui étoit une Cabanne deftinée à
cet ufage : chaque Village en a une de cette nature , elle por¬
te le nom de Cabanne de fang , ou des Têtes coupées , & c’efifc
toujours celle d’un Chef de Guerre. Dès qu’un Prifonnier y
a mis le pied , il n’efi: plus au pouvoir de perfonne de lui faire
trace de la vie. Elle n’efi; pourtant pas toujours le lieu des
éxecutions , on les peut faire par-tout.
Vers les huit heures du foir 9 011 alluma onze feux , à une
brafle de diftance les uns des autres. Tout le monde étoit ran¬
gé en haye des deux côtés , les Vieillards derrière fur une ef-
pece d’enrade , & les- jeunes gens , qui dévoient être A£leurs9
au premier rang. Dès que le Prifonnier fut entré 9 un Vieil¬
lard s’avança , exhorta la Jeuneffe à bien faire , & ajouta que
cette a&ion étoit importante , & quelle feroit regardée d’ARES-
KOUY. Cette courte harangue fut reçue avec applaudiffement,
ou plutôt avec des hurlemens capables d’effrayer les plus raf-
fûrés. Le Captif parut en même teins au milieu de FAffemblée,
entre deux Mifiionnaires , & les cris redoublèrent à cette vûë*
On le fit afféoir fur une natte , & on lui lia les mains.
Il fe leva enfuite , & fit le tour de la Cabanne , danfant &
chantant fa chanfon de mort. Cela fait, il retourna à fa pla¬
ce, & fe remit fur fa natte. Alors un Chef de Guerre lui ôta
fa robe , & le montrant ainfi nud à l’Affemblée , il dit : » Un «
Tel (nommant un autre Chef) ôte à ce Captif fa robe , les Ha- «
bitans de tel Village lui couperont la tête , & la donneront «
avec un bras à un Tel ( qu’il nomma encore ) , lequel en «
fera fefiin. Aufii-tôt la fcene la plus tragique & la plus horri¬
ble commença , & le Pere de Brebeuf , qui fut prefent à tout,
en a fait une description , qui fait frémir. Ce Mifiionnaire ob-
tenoit de tems en tems des Bourreaux qu’on donnât un peu
de relâche au Patient , & en profitoit pour l’exhorter à
offrir fes maux à un Dieu , qui fçauroit bien l’en dédomma¬
ger , & qui lui-même a voit fouffert pour nous toutes fortes d’in¬
dignités & de tourmens.
Tandis qu’il parloir , on faifoit filence , & chacun l’écou-
toit avec beaucoup d’attention. Jofeph répondoit à tout , com¬
me s’il n’eût fenti aucun mal , & tout le tems que dura fon fup--
plice , il ne lui échappa rien , dont fes charitables Inffrufteurs
puffent le reprendre. Il parloit même quelquefois des affaires^
214 HISTOIRE GENERALE
- - de fa Nation , comme s’il eût été au milieu de fa Famille & de
1 6 4 o. fes Am[s. On avoit prolongé fon fupplice , parce que les Vieil¬
lards avoient déclaré qu’il étoit de conféquence , que le Soleil
Levant le trouvât encore en vie : dès que le jour parut , on
le conduisit hors du Village, où on ne le ménagea plus. En¬
fin , comme on le vit fur le point d’expirer , de peur qu’il ne
mourût autrement que par le fer , contre ce qui étoit ordon¬
né dans fa Sentence , on lui coupa un pied , une main & la
tête. La diftribution s’en fit, félon qu’il avoit été marqué , &
le refie du corps fut mis dans la chaudière.
Situation de La Million Huronne avoit alors de grandes contradiftions à
la Million Hu- efl*Uyer? majs elles étoient entremêlées de fuccès, qui donnoient
de grandes efperances aux Ouvriers Evangéliques. Le détail ,
qu’ils en font eux-mêmes dans leurs Lettres , a véritablement
quelque chofe de bien touchant, & ces Lettres font écrites avec
tant de fimplicité & de candeur , qu’on ne doit point être fur-
pris, fi elles intérefférent tant de perfonnes de pieté à la conver-
lion des Infidèles du Canada. On y voit d’un côté des Sauvages
attirés par une impreflion fecrette de la Grâce , & par la chari¬
té de leurs Maîtres en J. C. fe préfenter en foule au Baptême :
un grand nombre de Prifonniers Iroquois entrer , comme celui,
dont nous parlions tout à l’heure , dans la voye du falut, & par
la même porte que lui , & faire paroître jufqu’au dernier foupir
des fentimens , dont leurs Ennemis mêmes étoiefit touchés :
enfin de ces convenions inefperées , où le doigt de Dieu fe rend
fenfible aux plus incrédules.
D’autre part , on y reprefente les Prédicateurs de 1 Evangile
toûjours au moment d’être les viélimes d’une émeute populai¬
re , excitée par un accident imprévû j du refientiment dun
Pere, qui s’efi imaginé que la Priere, ou le Baptême a fait mou¬
rir fon Fils ; du caprice d’un méchant efprit , dont un rêve pré¬
tendu , ou un mauvais rapport a échauffé la bile , ou trouble
l’imagination. On avoit les mêmes afiauts à loûtenir parmi les
autres Nations , & entre plufieurs exemples , que j’en trouve
dans mes Mémoires , j’en ai choifi un , qui caraûerife trop bien
les Sauvages , pour le palier fous filence.
Aventure fin- Le P. Jerome Lallemant, Frere du P. Charles Lallemant, dont
LaliemantPeie j’ai déjà parlé , étoit en chemin pour fe rendre chez les Hurons ,
& avoit pris fa route par la grande Riviere des Outaouais.
Il rencontra des Algonquins , qui avoient drefie leurs Caban-
nés fur le bord de cette Riviere , & les Hurons , qui le cou-*
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 215
cluifoient , jugèrent à propos de s’arrêter quelque tems avec
eux. Le Millionnaire prit ce moment pour réciter fon Offi¬
ce , & fe retira un peu à l’écart. Il avoit à peine commencé ,
qu’on Fappella ; on le fît entrer dans une Cabanne , & on lui
dit de s’afféoir auprès d’un Algonquin , dont l’air fombre &
courroucé ajoûtoit quelque chofe de fîniftre à fa mauvaife phy-
fîonomie.
Le Pere n’eut pas plutôt pris place à côté de lui , que ce
Barbare le regardant de travers , lui reprocha qu’un François
en paflant par -fon Village , s’étoit avifé de faigner un de fes
Parens malade , & l’avoit tué. En achevant ces mots , il en¬
tre en fureur , faifît une hache d’une main , prend une corde
de l’autre , & fait entendre au Millionnaire , qu’il faut qu’il
meure , pour appaifer l’efprit de fon Parent , & qu’il ne lui
lailfe que de choix du genre de mort. Le Pere ne pouvoir op-
pofer que des raifons à ce Furieux , mais il n’étoit pas en état
de les entendre ; il s’étoit même déjà jetté fur le Millionnaire r
& faifoit mine de vouloir l’étrangler ; mais foit que fa fureur
ne fût pas au point , où elle paroilîbit , foit quelle ne lui lailîat
pas allez de préfence d’efprit , pour fçavoir ce qu’il faifoit , il
avoit engagé dans fa corde le collet de la foutanne du Pere ,
enforte que , quoiqu’il tirât de toute fa force , il ne lui faifoit
pas beaucoup de mal.
Après s’être ainfi bien fatigué inutilement , il s’apperçut de
fa bêtife , & voulut détacher le collet de la foutanne , mais
n’en ayant pû venir à bout , il leva fa hache , comme pour
la décharger fur la tête du Miffionnaire , qui s’échappa de fes
mains. Les Hurons demeuroient fpe dateurs tranquilles de celte
fcene , comme de la chofe du monde, qui les intérelîoit le
moins ; mais deux François étant accourus au bruit , tombe-
1 eut rudement fur l’Algonquin , & l’alloient aflommer , fî le
Pere Lallemant ne les en eût empêché , en leur reprefentant
les fuites , que pourroit avoir la mort de cet Homme : il ajoû-
ta qu’il valloit mieux avertir férieüfement les Hurons , que le
Gouverneur Général s’en prendroit à eux , s’il arrivoit quel¬
que malheur a un Religieux , qu’il leur avoit confié , & ils:
prirent ce parti.
Les Hurons tinrent confeil entr’eux , après quoi ils décla¬
rèrent à 1 Algonquin , que le P. Lallemant étoit fous leur fau¬
ve-garde. Cette déclaration n’eut pas d’abord un grand ef¬
fet; & comme ceux qui l’avoient faite , s’en tenaient là , fans
iw.jl
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li fi
i 6 4 o .
Souffrances
des Million¬
naires.
Leurs occu¬
pations.
6 histoire generale
Drêter main -forte aux François, & que l’Algonquin ét dit
Eien accompagné , le Millionnaire fut encore affez lontems en
très - grand danger. Enfin les Hurons voyant ce Barbare un
peu Plus tranquille , ou parce que la laffitude avoir modéré fa
Lueue , ou parce qu’il n’avoit pas prétendu .pouffer la chofe
à l’extrémité , ils lui dirent que s’il vouloit relâcher le Peie ,
fis couvriront le Mort , c’eft-à-dire , qu’ils lu. ferment quel¬
que préfent , pour le confoler de la perte de fon Parent. Cette
propofition acheva de le calmer ; les Hurons lui donnèrent
quelques Pelleteries , comptant bien , qu’ils n y perdroient .rien,
& s’embarquèrent fur le champ avec le Millionnaire.
Ce ne fut pas la feule avanie , que le P- Lallemant eut a
effuyer pendant ce voyage , & il n’y avoit aucun de fes on-
freres qui il ne fût arrivé quelque chofe de femblable ;
plufieurs mêmes avoient reçu de rudes baftonades. Rien ne
Faifoit mieux voir la foibleffe de la Colonie , dont les Sauvai
te comprenoient tous les jours de plus en plus qtnls na-
foiem pL beaucoup à craindre , ni à efperer : d autre part ,
l’extrême defir qu’avoient les Millionnaires de réduire toutes
ces sions fous le joug de la Foi , leur rendort ces mauva,
traittemens fupportables , & leur paff.on pour les fouffrances
leur y faifoit même trouver de la confolation : d autant p us
qu’ils^étoient fouvent les fuites du fuccès de leurs travaux , &
de slorieufes marques de leurs vi&oires. . ,
Rien d’ailleurs n ’étoit plus Apoftohque , que la vie qu ils me-
noient. Tous leurs momens étoient comptes par quelque ac*
tionhéroinue , par des convenons , ou par des fouffrances ,
qu’ils regardoient comme de vrais dedommagemens , lorfqu^
leurs travaux n’avoient pas produit tout le fruit , dont iis se
toient flattés. Depuis quatre heures du matin, mu s fe evoiem,
lorfqu’ils n’étoient point en courfe , jufqu a hult,’ ls “eme“
roient ordinairement enfermés : c’étoit le tems de la Priere ,
& le feul , qu’ils euffent de libre pour leurs exercices de piete. A
huit heures chacun allo.t , où fon devoir l’appelloit ; les un
vifitoient les Malades , les autres fuivoient dans les Campagnes
ceux qui travailloient à cultiver la terre ; d’autres fe tranf-
portolent dans les Bourgades voifines , qui étaient deftitu e|
de Pafteurs. Ces courfes produifoient plufieurs bo“ ’
en premier lieu il ne mouron point , ou il mouioit bien peu
d’Enfans fans Baptême : des Adultes memes , qui avoient JH
fufé de fe faire inftruire , tandis quils etoient en fante , le ^
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lxv. V. iï7
: doient dès qu’ils étoient malades : ils ne pouvoient tenir contre
l’induftrieufe & la confiante charité de leurs Médecins. En fé¬
cond lieu ces Barbares s’apprivoifoient de jour en jour avec les
Miffionn aires ; ce commerce adoucifïoit leurs mœurs , & les
faifoit infenfiblement revenir de leurs préjugés. Rien d’ail¬
leurs n’étoit plus édifiant que la conduite des nouveaux Chré¬
tiens : plus on avoit eu de peine pour les gagner à J. C. plus on
^voit de confolation de voir les fentimens de leur cœur , où
la Grâce ne trouvoit plus d’obflacles à fes opérations. Leurs
Prières & leurs autres exercices de pieté fe faifoient en com¬
mun , & aux heures marquées , & il y en avoit peu , qui n’ap-
prochaffent des Sacremens , au moins tous les huit jours.
Les guérifons fréquentes opérées parla vertu des remedes, que
les Peres leur diflribuoient libéralement, concilioient à ces Mif-
fionnaires encore plus de crédit ; les Jongleurs perdoient beau¬
coup du leur, & par là quantité de mauvaifes coûtumes, de prati¬
ques fuperflitieules, & de cérémonies indécentes s’aboliffoient.
Enfin il refloit toujours un Religieux dans la Maifon, pour y te¬
nir une Ecole , pour faire les Prières publiques aux heures ré¬
glées dans la Chapelle, & pour recevoir les vifites des Sauvages,
qui font extrêmement importuns. Sur le déclin du jour tous fe
réuniffoient pour tenir une efpece de Conférence , où chacun
propofoit fes doutes , communiquoit fes vûés , éclairciffoit les
difficultés , qu’il avoit fur la Langue : on s’animoit & on fe
confoloit mutuellement , on prenoit de concert des mefures
pour avancer l’œuvre de Dieu , & la journée finiffoit par les
mêmes exercices , qui l’avoient commencée.
Outre les infbru&ions , qui fe faifoient regulierement pour
les Néophytes , & pour les Profelytes dans la Chapelle , il y
en avoit de tems en tems de publiques pour tout le monde.
Avant que de les commencer , un des Millionnaires alloit la
clochette à la main, à l’exemple de S. François-Xavier , non-
feulement par tout le Village , mais encore aux environs , & tâ-
choit d’engager tous ceux , qu’il rencontrait , à le fuivre. Ces
inflru&ions le faifoient fouvent en forme de Conférence , où
chacun avoit la liberté de parler ; ce qui parmi les Sauvages
n’eft jamais fujetà aucune confufion. Rarement on fortoit de
ces Affemblées, fans avoir fait quelque conquête. Enfin ou¬
tre ces Conférences publiques , il s’en tenoit de particulières ,
où l’on n’açpelloit que les Chefs , & d’autres perfonnes confi-
(Jerables. C’étoit là qu’on difcutoit avec foin certains articles
Tome I. E e
6 4 o.
Leur manié¬
ré d'inftruirc,
21§ histoire generale
delà Religion , dont on ne jugeoit pas qu’on dût inftmire fitôt
la multitude , mais uniquement ceux , qu on connoiffoit plus
capables de les comprendre , & dont 1 autorité pouvoit iervir
beaucoup au progrès de l’Evangile. 1 ,
J’ai cru devoir m’étendre un peu fur les obftacles , quon a
rencontrés à la converfion des Sauvages du Canada ; du moins
ceux , qui fe font perfuadés que la Foy n a fait aucun progrès
parmi ces Barbares , ne pourront-ils pas maccufer de les avoir
difîimulés ; je ne crains point non plus qu’on me foupçonne d a-
voir exaggeré les fatigues , les fouffrances , & la perfeverance
des Ouvriers Apoftoliques, qui ont arrofe de leurs fueurs & de
leur fang cette partie du champ , que le Pere de Famille leur
avoit confiée. Toute la Nouvelle France rend depuis plus d un
fiiécle un témoignage fi public à la vie dure & vraiment po-
ftolique, qu’ils ont menée , & à l’éminente faintete de pluiieurs ,
qu’on ne feroit point reçu à le révoquer en doute , & qu H n eit
pas poffible de le recufer. Ce que je dirai dans la fuite des be-
nedi&ions , que le Ciel répandit fur leurs travaux , eit apuye-
fur le même témoignage. ,
Sans vouloir donc mettre en parallèle ces Apôtres avec les
premiers. Fondateurs de l’Eglife Chrétienne , je crois etre en
droit de demander fur quel fondement on pretendroit pouvoir
douter de la réalité des converfions , dont je ne pourrai me
difpenfer de parler , fans manquer à ce que la fidélité de 1 nil-
toire exige de moi ; des grands exemples de vertu ^ quon a vu
pratiquer à un affez grand nombre de Néophytes ; & des mer¬
veilles., que Dieu a opérées en leur faveur ? L’experience nous
apprend que trois fortes de Perfonnes feront extrêmement en
garde fur tous ces articles. Les uns , qui ont connu des Sau-
vages , en convenant qu’ils ne manquent point d une lotte e
prit , foûtiennent qu’ils l’ont tout-à-fait bouché fur ce qui ne
tombe point fous les fens , ou n’ont aucun rapport a leurs af¬
faires , dont la fphere eft fort bornée; d’où ils concluent qu U
n’eft pas poffible de leur faire affez bien comprendre les gran¬
des vérités de notre Religion , pour en faire même des Chré¬
tiens ordinaires. Les autres , ne faifant attention quau na¬
turel diffimulé & volage de ces Barbares , n’imaginent point
qu’on puiffe venir à bout de les gagner , & de les nxerau
point de les établir dans la pratique fincere & confiante des
vertus Chrétiennes. Les troiuémes fe recrient au feul nom
tout ce qui paffe les forces & le cours ordinaire de la nature »
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 219
& fi on les voit tous les jours s’infcrire en faux fur les mira¬
cles , qui font le plus juridiquement atteflés , & le plus folem-
nellement approuvés par l’Eglife , avec quelle hauteur ne re¬
jetteront-ils pas ce quon leur rapportera en ce genre d’une
Chrétienté , compofée de Néophytes , dont il auroit fallu , di-
fent-ils 5 commencer par faire des Hommes , avant que de les
rendre adorateurs de Jesus-Christ ?
Mais ni les uns, ni les autres ne font pas affez reflexion, i°. que
la converfîon d’un Infidèle , quel qu’il foit , non plus que celle
d’un Pécheur , ne peut être l’Ouvrage que de la Grâce , devant
laquelle les plus grands , comme les moindres obftacles difpa-
roiffent. Elle efl venue à bout des Juifs , pour qui Jesus-
Christ crucifié étoit un fcandale, & des Gentils , qui traita
toient fa Croix de folie. Elle peut tirer des pierres mêmes des
Enfans d’ Abraham (a) ; c’eft-à-dire , faire germer la Foi la plus
vive , & la charité la plus ardente dans les cœurs les plus durs ,
& dans les efprits les plus greffiers : & portât-on la prévention
jufqu’à douter , comme ont fait quelques-uns , que les Ameri-
quains fuffent des Hommes , ne pourroit-on pas leur répon¬
dre avec les plus célébrés Docteurs de l’Eglife : Hommes & ju -
menta Jalvabis , Domine ( b ) / Or dès-là que l’opération toute
publiante de la Grâce a pu faire ces grands changemens , efl - il
permis d’y mettre des bornes , en difant qu’elle n’a pas pu élever
ces nouveaux Chrétiens à la fainteté la plus éminente , s’ils lui
ont été fidèles ?
20. Que les promeffes , que le Sauveur du Monde a faites
à fes Difciples , foit pour la converfion des Gentils , foit pour
les moyens furnaturels , par le moyen defquels il devoit y
concourir avec eux , regardent tous ceux , qui , jufqu’à ce que
tout le Troupeau des Elus foit réuni, auront reçu une million
légitimé pour travailler à cette réunion. Que , fi les miracles ,
félon S. Auguftin,, furent néceffaires au commencement de l’E-
glife , ils le font par le même principe , dans toutes les Egli-
les naiffantes ; & que le pouvoir de cnafïer les Démons , accor¬
dé , non - feulement aux premiers Prédicateurs de l’Evan¬
gile , mais aux Fidèles mêmes , & qui fait une partie du dé¬
pôt confié à l’Eglife pour tous les tems , fuppofe l’Empire des
Démons fur tous ceux , qui n’ont point reçu le facré cara&ére ,
que nous imprime le Sacrement de la régénération.
30. Que de toutes les Nations de l’Univers il n’en efl aucu-
(*) Math. j,?. (b) Pr. 3$. 7,
' 9 9 *|—i ••
te îj
110
I
I () -4 Q*
Etat de îa
Miffion des
Trois- Riviè¬
res;-.
histoire generale
ne pour qui le Royaume des deux ne (bit ouvert (*) , ni à qui'
les Apôtres- n’ayent eu pour eux & pour leurs Succeffeurs , un
ordre exprès d’annoncer l’Evangile : Doute omnes G entes (£*);.-
& que d’en vouloir exclure une feule du bienfait de la Rédem¬
ption , & des tréfors du Ciel , quelle renferme , ce feroit con¬
tredire toutes les Ecritures , qui s’expriment fur cela de la ma¬
niéré la plus formelle. 1 t •
Qu’on dife donc tout ce qu’on voudra pour diminuer la gloire
des Apôtres du Nouveau Monde, on ne fçauroit mer quiis
ne foient compris parmi ceux , à qui Notre-Seigneur a dit '.Al¬
ler ,, inlïruifez tous les Peuples. S’ils n’ont pas reçu leur Mi -
{ion immédiatement de lui , ils l’ont reçue de ceux , qui avoient
autorité pour la leur donner ; & charges d une bonne partie de
TOuvraee ils ont dû compter fur les mêmes lecours > oc sat-
sûrer de la même affiftance de celui qui a promis detre avec,
ceux, qui lèroient envoyés pour precherfa Loi jufqu a la corn
fommation des fiécles. Je dis plus , 1 augufte Mimftere, dont ils -
ont été honnorés , doit naturellement former ce préjugé dans
notre efprit , qu’ils ont été pour la plûpart ce qu ils ont du etre ;
& tout ce que nous rapportons de leurs héroïques vertus , de
ce qu’ils ont fait & fouffert dans l’exercice de ce Mmiftere , eft
tellement dans la vraifemblance , qu’on devroit etre furpris
qu’ils n’euflent été tels. Il ne peut y avoir que ceux , qui ont
ofé avancer „ malgré lapromeffe du . Sauveur , que les portes,
de l’Enfer ont prévalu contre l’Eglife qui punTent retuier de
reconnoître quelle a encore , & qu elle aura juîqtra la hn de
Apôtres , des Martyrs , & des Saints dans tous les états , & dans ■
tous les Pays , où elle étendra fon Empire ; & que la. vertu des
miracles ne lui manquera jamais. , ,*./•
Tout ce que j’ai dit jufqu a prefent regardoit furtout les Mil-
fions fedentaires ; c’eft-à-dire., celles desHurons & de Syllen;
mais on tâchoit de procéder dans le même efprit , & de luivre
les mêmes réglés , autant qu’il étoit poffible , dans toutes les au¬
tres. Aux Trois Rivières , outre les Algonquins , qui y etoient
pour l’ordinaire en affez grand nombre., plufteurs Nations des
quartiers les plus reculés vers le Nord, commençaient a le
montrer & prenoient l’habitude d y palier toute la belle ai
fon. La plus confidérable étoit celle des Attikamcgua , dont la
refidence ordinaire étoit aux environs du Lac dci>. Ihomas ,
qu’on trouve par les 50. degrés de Latitude Septentrionale.,,
Q)Matth. iS. 18, (b) Ibidem.- ■
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 221
en remontant la Riviere , dont les trois bras ont donné le nom
à ce polie. On n’eut pas beaucoup de peine à faire goûter à ces
Sauvages les vérités de la Religion Chrétienne: ils étoient na¬
turellement dociles , d’une humeur douce , & ils s’affefiionne-
rent d’abord de telle forte aux François , que rien n’a jamais pu
les en feparer. La Foi ht pourtant parmi eux des progrès affez
lents , parce qu’à l’approche de l’hyver ils retournoient chez
eux , & que quand ils revenoient l’année fuivante , il falloit re¬
commencer à les inliruire comme le premier jour.
Il Te formoit auffi un petit Troupeau de Fidèles à Tadouffac ,
lieu plus fréquenté qu’aucun autre depuis lontems par les Mon¬
tagne z , les Papinachois , les Berhamites , St la Nation du
Porc Epi. Ils arri voient quelquefois tous enfemble , & le plus
fouvent les uns après les autres ; mais la Traitte finie , ils s’en
retournaient chez eux , ou plûtôt ils fe difperfoient dans les
Montagnes & dans les Forêts , à l’exception d’un petit nom¬
bre , qui paffoient l’hyver aux voifinages de T adouffac , & y
donnoient affez d’occupation aux Millionnaires. Quelques-
uns de ces Peres fuivoient aulïi de tems en tems les mêmes
Montagnez dans leurs chaffes d’hyvër , pour laquelle ces Sau¬
vages choiliffent toujours des lieux affreux & inhabitables , par
la raifon , que les bêtes fauves s’y trouvent en plus grand
nombre.
i •
Lille Mifcou , & les environs du Golphe de S. Laurent
étoient auffi alors un des plus ordinaires rendez-vous des Sau¬
vages , parce que la Pêche y eff très-abondante ; mais la Colo¬
nie ne prohtoit point de ce commerce , ni de celui des Pellete¬
ries. C’étoit des Marchands de France , qui uniquement atta¬
chés au profit prefent , qu’ils y faifoient , ne prenoient aucune
mefure pour le rendre durable & folide. Le Miniftere ne s’en
mêloit point , non plus que de l’Acadie , qui étoit entre les
mains des Particuliers , & ne faifoit aucune attention à l’impor¬
tance de tous ces polies féparés , qui auraient pu fe foûtenir mur
tuellement , fi on avoit pris foin de les fortiher , & de les peu¬
pler peu à peu. •
Les Sauvages, avec lefquels on traittoit aux environs du Gol-
phe, étoient les mêmes, que ceux de l’Acadie, mais on les appel¬
ait en ces quartiersdà plus communément Gafpejiensk caufe du
Cap) de Galpé , où la plûpart des Vaiffeaux venoient mouiller.
Ils étoient, fort doux , mais ils demeuraient li peu en place ,
que malgré les foins des Millionnaires , on 11e pouvoit prefque-
1640.
DeTadouf-r
fac.
Des environs ;
du Golphe.
m HISTOIRE generale
- nar venir à les inftruire des vérités de la Religion. Le P. Char-
1640. P Tursis venoit d’être la vi&ime de fon zele , étant moi t de
fatigues dans llfle Mifcou , quoique dans l’efpace de deux an¬
nées il n’y eût baptifé qu’un feul Enfant. Les PP. Julien Per¬
rault, & Martin Lionnes, qui étoient dans fonvoifinage,
n’v travailloient pas plus heureufement , & ne montraient ni
moins de courage , ni moins de patience dans 1 exercice d un il
■ infru&ueux Apoftolat» ••te » _
Enfin par tout , où le commerce attiroit les Sauvages , y
trouvoit quelqu’un pour leur annoncerjESUS-CnRlST ; mais le
neu de feiour qu’ils faifoient en un meme endroit , ne donnoit
nas le tems à cette divine femence de la parole de Dieu de ger-
mer dans leur cœur. Ce ne fut qtf après qu’on eut trouve^
fecret de les fixer un peu davantage , qu on reconnut les adn£
râbles difpofitions , qu’ils avoient pour le Chriftiamfme , &
au’on fut en état d’en profiter , ainfique nous le verrons dans
fa fuite. Mais je ne crois pas devoir meure parmi cesheureu-
fes difpofitions le culte de la Croix , établi , dit-on , de tems
immémorial dans toute cette partie Orientale du Canada.
Du culte de M. de S. Vallier /Evêque de Québec , dans une Lettre ,
la Croix parmi au’U publia au retour d’un premier voyage, qu il fat dans ion
lesGafpefiens. A- V pàrlc de ce culte , comme d un fait avéré , & dont
ün’eft pas permis de douter. Il le tenoit d’un Pere Recollet (a) ,
oui s’elF donné bien de la peine pour le mettre en crédit , mais
SS a eu autant de contradifteurs , que deLeReurs infime,
bailleurs ce Religieux étoit le feul , qui eut avance ce Paia-
doxe aucun de ceux , qui avant lui avoient vécu avec ces
Sauvages , & dont plufieurs ont fçu leur Langue , & étudié
leurs Traditions , beaucoup mieux qu’il n avoit pu fane, y
ayant rien découvert de femblable. Mais voie, apparemment
ce oui avoit trompé cet Hiftorien.
?Jne Lettre du P. Julien Perrault , ecritte en 1635. nous ap~
prend que ces Sauvages prenoient plaifir à imiter tout ce qu i s
voy oient faire aux Européens, qu’ayant furtout remarque qu ils
formoient fouvent le Signe de la Croix fur eux , 1 s en i u
de même ; quand ils en rencontraient quelques-uns , qui s en
tracoient la figure fur differens endroits de leur coips , ma
fans avoir eu l’abord la moindre idée que ce fut une marque
de Religion. Cet ufage déjà ancien du tems que 1 P- «f
tien le Clerc Qréfidoit parmi les Gafpefiens,& pâlie peut être
( a ) Le P. Chrétien le Clcrc<j , Hijtoire de la Gafafi*
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 223
dès lors en pratique fuperftitieufe , aura perfuadé ce Religieux
qu’il l’étoit dans fon origine ; il fe peut bien faire auffi qu’ayant
interrogé fur cela quelques-uns de ces Sauvages , ces Barbares ,
qui confondent fouvent toutes leurs Traditions , lui auront pa¬
ru ranger celle-ci parmi les plus anciennes.
Cependant la guerre s’échauffoit de plus en plus entre les
Iroquois & nos Alliés ; les premiers étant tombés inopinément
fur une Nation éloignée , dont je n’ai pu fçavoir le nom , y fi¬
rent un maffacre épouvantable , & contraignirent ceux , qui
eurent le bonheur d’échaper , à chercher une retraitte ailleurs.
Ils la trouvèrent chez les Hurons , qui 11’eurent pas plûtôt appris
leur difgrace , qu’ils envoyèrent au-devant d’eux avec des ra-
fraîchiflemens , & les recueillirent avec une affection , qui au¬
rait fait honneur à des Chrétiens. Les Millionnaires , à qui il ne
convenoit pas de fe laiffer vaincre en charité par des Infidèles ,
coururent de leur côté au fecours de ces pauvres Exilés , & ils
eurent la confolation d’en voir plufîeurs , pour qui leur infortune
fut un coup de prédeffination.
Leur joye redoubla , lorfqu’étant retournés aux fondions de
leur Miniffere , dont jufques-là ils n’avoient pas retiré à beau¬
coup près le fruit , qu’ils avoient lieu d’en attendre , ils s’apper-
çurent que Dieu , touché fans doute de la générofité des Hu¬
rons , comme il le fut autrefois des aumônes du Centenier Cor¬
neille , avoit changé leur cœur, & que ceux -mêmes , qui
avoient toujours été les plus fourds à leurs exhortations , fai-
foient les plus grandes inffances pour être admis au rang des
Profelytes ; mais ce ne fut pas la feule recompenfe , que le Sei«.
gneur accorda à ces charitables Sauvages.
Quelque tems après trois-cent Guerriers Hurons & Algon¬
quins s étant mis en campagne , une petite Troupe d’Avantu-
riers , qui avoit pris les devans , rencontra cent Iroquois , qui
la chargèrent , & qui malgré l’inégalité du nombre , ne purent
en prendre quun feul. Contens néanmoins de ce petit fuccès ,
oc craignant , s ils alloient plus loin , d’avoir à faire à trop forte
P?«« ’ f°ngeoient à la retraitte , Iqrfque leur Prifonnier s’a-
vifa de leur dire que la Troupe , dont lui & fes Camarades
avoient ete détachés, étoit beaucoup plus foible qu’eux. Sur
fa^ parole ils fe determinerent à attendre l’Ennemi dans un lieu *
ou ce même Captif les affûra qu’il devoir paffer : toute la pré¬
caution , qu’ils prirent , fut d’y faire une efpéce de Retranche^
ment , pour fe garantir de la furprife.
1640.
Belle a£Ho»
des Hurons.
Comment rfo
en font recora-
penfés.
Défaite d’u®
Parti Iro¬
quois.
1640.
Plafieurs pri¬
sonniers font
baptifés à la
iH.orç*
-HISTOIRE generale
LesHurons & les Algonquins parurent bientôt , & les Ircv
ciuois au défefpoir de s’être laides duper , s en vengerent dune
maniéré terrible fur celui , qui les avoit engages dans ce mau¬
vais pas qui -s’y étoit bien attendu. La plupart furent en-
fuite d’avis de chercher à fe fauver ; mais un Brave levant la
» voix , s’écria : « Mes Freres , fi nous avons envie de xommet-
» tre une telle . lâcheté , attendons du moins que le Soleil foit fous
” l’horizon , afin qu’il ne la voye pas. „ Ce peu de mots eut fon
effet , la réfolution fut prife de combattre jufqu au dernier fou-
nir & elle fut exécutée avec toute la valeur , que peuvent 111 -
pirer le dépit & la crainte de fe deshonnorer en fuyant devant
des Ennemis , fifouvent vaincus ; mais ils avoient a faire a des
Gens, qui -ne leur cedoient point en courage , & qui etoient
* Après un combat fort opiniâtré , dix-fept ou dix-huit Iroquois
demeurèrent fur la place , le Retranchement fut force ,
ce qui reftoit d’Ennemis , fut défarme & pris. Les Hurons em¬
menèrent dans leurs Villages les Captifs , quNeui ’ etoient échus
en partage , & fe furpafferent en cruauté a 1 egard de ces Infor
tunes ; Jais il femble que Dieu n’avoit permis la difgrace de
ceux-ci crue pour faire éclatter fa mifericorde fur eux. Les Mil
fonnair’es^ l^on accorda la liberté de les entretenir tout a
leur aife , les trouvèrent d’une docilité , qui les étonna . ils
inftruifirent fuffifamment de nos Myfteres , les baptiferent tous ,
& ces Néophytes foûtinrent le fupplice affreux, qu on leur fit en-
durer, nonavec cette infenfibili brutale, & cette fierté Leroce
dont ces Barbares font gloire dans ces occafions , mais
une patience , des fentimens , & un courage , dlg«es ^
ftiamfme , & que leurs Bourreaux ne purent s empecher d att
huer à la vertu du Bapteme. , f _ i • •
Cet heureux pré jugé avança fort les affaires de la Re igion,
'& autorifa les Fidèles à la profeffer plus hautement encore
qu’ils n’avoient ofé faire ; car jufques-là plufieurs n en avo;en
pas une liberté entière dans les Cabannes , ou ils ne faffoient
pas le plus grand nombre. Quelques-uns memes avoient ete
fort maltraittes à ce fujet , & quand un Chrétien tomboit , mala-
de , on n’omettoit rien pour l’obliger d avoir recours au J
gleurs. Plufieurs fe Différent féduire , & quelques Mjffionnar-
res ont cru que plus d’une fois dans ces rencontres ! WP»
ges de ces Charlatans avoient été accompagnes de 1 opération
yifible du démon, Cependant.
T>E LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. 225
Cependant les Alliés ne profitèrent point de l’avantage , qu’ils,
avoient remporté , ce qui vint de ce qu’ils n’agirent point
de concert. Les Cantons de leur côté , plus animés que jamais
par l’échec , qu’ils avoient reçu , fe promirent d’en tirer une
vengeance éclattante ; mais pour ne pas s’attirer en même tems
flir les bras trop de forces réunies , ils mirent tout en ufage pour
empêcher que les François ne fecouruffent leurs Alliés , & pour
faire même prendre à ceux-ci de l’ombrage des nôtres. Ils fi¬
rent partir trois-cent Guerriers , qu’ils diviferent en plufieurs
trouppes , & tout ce qui tomba entre leurs mains de Sauvages ,
fut traitté avec l’inhumanité ordinaire à ces Barbares; au con¬
traire quelques François , qui furent pris aux environs des Trois
Rivières , ne reçurent aucun mal.
Quelque tems après , plufieurs Partis parurent aux environs
du même Fort , y tinrent plufieurs mois en échec toutes les Ha¬
bitations Françoifes ; puis , lorfqu’on s’y attendoit le moins , ils
offrirent de faire la paix , à condition que nos Alliés n’y feroient
pas compris. Cette proportion fut faite à M. de Champ-
flours , qui avoit fuccedé depuis peu au Chevalier de Lille
dans le Gouvernement des Trois Rivières , & ce fut un Prifon-
nier François , nommé Marguerie , qui lui en porta la pa¬
role. Cet Homme ajoûta , que ni lui , ni les Compagnons de fa
captivité n’avoient qu’à fe louer du traittement , qu’ils avoient
reçu des Iroquois , mais qu’il ne croyoit pourtant pas qu’il y
eût trop de sûreté à traitter avec eux.
L’avis étoit fage , mais on n’étoit point en état de faire la
guerre ; ainfi on crut devoir entrer en négociation , en fe te¬
nant néanmoins fur fes gardes. Le Chevalier de Montmagny ,
queM.de Champflours avoit averti de ce qui fe paffoit , def-
cendit jufqu’aux Trois Rivières dans une Barque bien armée
j& envoya de-là aux Iroquois le Sieur Nicolet , & le P. Ra¬
gueneau , pour leur redemander les Prifonniers François ,
qu’ils retenaient , & fçavoir leurs difpofitions touchant la paix.
Ces Députés furent bien reçus ; on les fit affeoir en qualité de
Médiateurs fur un Bouclier ; on leur amena enfuite les Cap¬
tifs liés , mais legerement , & auffi-tôt un Chef de guerre fit
une Harangue fort étudiée , dans laquelle il s’efforça de perfua-
der que fa Nation n’ avoit rien tant à cœur ? que de vivre en
bonne intelligence avec les François.
Au milieu de fon difcours il s’approcha des Prifonniers, les dé-
lia , 6c jetta leurs liens par- deffus la Paiiffade 3 endifant : « Que
To m e /. je f
1640.
AdrefTe des
Iroquois pour
détacher les
François des
Hurons.
Ils traittene
de mauvaife
foy avec les
premiers.
1640*
Situation du
Gouverneur
Général.
22(5 HISTOIRE generale
la Riviere les emporte fi loin, qu’il n en foit plus parlé Il
préfenta en même tems un Colier aux deux Députés , & les pria
de le recevoir comme un gage de la liberté , qu il rendoit aux
Enfans d 'Ononthïo ( a ). Puis prenant deux pacquers de Caltois ,
il les mit au pied des Captifs , & ajoûta'qu il n etoit pas raifon-
nable de les renvoyer tout nuds , & qu il leur donnoit de quoi
fe faire des robes. Il reprit enfuite fon difcours , & dit que tous,
les Cantons Iroquois defiroient ardemment une paix aurab.e
avec les François , & qu’ils fupplioient en leur nom Ononthïo.
de cacher fous fes habits les haches des Algonquins & des Lu¬
rons , tandis qu’on négocieroit cette paix , affûtant que de leur
nart il ne feroit fait aucune hoftilite.
1 II parioit encore, quand deux Canots d Algonquins ayant
paru a la vûë de l’endroit , où fe tenoit le Confeil , les Iroquois
leur donnèrent la chaffe. Les Algonquins , qui ne voyoïent
nulle apparence de refifter à tant de monde , prirent le parti de
fe jetter dans l’eau , & de s’enfuiràla nage , abandonnant]^»
Canots , qui furent pillés fous les yeux dit Gouverneur Gene¬
ral Un procédé fi indigne montra le peu de fonds , qu il y avoit
à faire fur la parole de ces Barbares , & la négociation fut rom¬
pue fur le champ. Les Iroquois n’ayant plus dé voués pour ca¬
cher leur perfidie , levèrent entièrement le mafque, ,tx parlè¬
rent avec beaucoup d’infolence. Le Chevalier de Montagny
vouloit en tirer raifon , mais ils lui échaperent au moment, qu il
croyoit les tenir , & pour furcroît de chagrin il apprit prefque
en - même tems que quantité de Canots Hurons , qui delcen-
doient à Quebec chargés de Pelleteries , etoient tombes entre
leurs mains. ... TT
C’étoit fans doute une fituation bien tnffe pour un Homme
en place , que celle où fe trouvoit ce Général , expofe tous les
Jours à recevoir de pareils affronts , faute a avoir allez de I rou-
pes pour tenir feulement en équilibre la balance entre deux
Partis de Sauvages, qui tous enfemble n’auroient pas pu tenir en
campagne contre quatre ou cinq mille François. Mais la Com¬
pagnie des cent Affociés ne revenoit point de fon affoupilte-
ment , & la Colonie Françoife diminuoit de jour en jour en
nombre & en force , au lieu d’augmenter. Une entrepnle , qui
( a ) Ononthïo en Langue Huronne & I10-
quoifeveut dire grande Montagne , & ceit
a'mfi qu’on leuravoit dit que fe nommoitM.
de iViontmaenv. Depuis ce tenas-làces Sauv—
ges, 8c à leur exemple tous les autres, ont ap-
pcllé Ononihio le Gouverneur General de a
Nouvelle France. Ils donnent au Roy celui
de Grand Ononthïo.
CARTE DE
LISLE DE MONTREAL
ET DE SES ENVIRONS
Preslee iur les Manuscrits du Depost des C artes Plans
et Journaux de laMarmc .
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. V. n7
fe fît alors pour peupler 8c fortifier Tille de Montreal , confola
un peu M. de Montmagny, & le flatta même pendant quelque
tems de fefperance que. les Iroquois n’ofèroient plus le venir
braver , comme ils venoicnt de faire prefque fous fon Canon.
Les premiers Millionnaires avoient d’abord compris l’impor-
nrp n rtrnmpr l’T-flp rlp TVfnntrpnl • rn^ic la f'' /a «-m U..
I64O.
Projet d’un
ment
j. - - l 1 iOjcU G (
tance d’occuper Fille de Montreal ; mais la Compagnie du Etablillemet
Canada n’étoit point entré dans leurs vûës. Il fallut que ce à MontrcaI*
fuffent encore des Particuliers , qui fe chargeafTent d’exécuter
un deffein fi avantageux à la Nouvelle France , 8c que la guerre
des Iroquois rendoit même néceffaire. Quelques perfonnes
puiTantes , 8c plus recommandables encore par leur pieté , 8c
par leur zélé pour la Religion , formèrent donc une Société ,
qui fe propofa de faire en grand à Montreal , ce qu’on avoit
fait en petit à Sylleri. Il devoit y avoir dans cette Ifle une
Bourgade Françoife , bien fortifiée , 8c à l’abty de toute inful-
te. Les Pauvres y dévoient être reçus , 8c mis en état de fub-
Mer de leur travail. On projetta défaire occuper tout le re¬
lie de flüe par des Sauvages , de quelque Nation qu’ils fiiffent ,
pourvû qu’ils Ment profefîion du Chriflianifme , ou qu’ils vou-
luffent fe faire inflruire de nos Myfleres , & l’on étoit d’autant
plus perfuadé qu’ils y viendraient en grand nombre , qu’outre
un alyle alluré contre les pourfuites de leurs Ennemis , ils pou-
voient fe promettre des lecours toujours prompts dans leurs ma¬
ladies , 8c contre la difette. On fe propofoit même de les poli-
cer avec le tems , 8c de les accoutumer à ne plus vivre que du
travail de leurs mains.
Le nombre de ceux , qui entroient dans cette AfTociation ,
fut de trente-cinq : c’étoit beaucoup trop pour quelle agit lon-
Ii s’exééütè
en partie.
tems de concert ; néanmoins elle commença de maniéré à don- 1640-4:
ner lieu d’en bien augurer. Dès cette année 1640. en vertu de
la conceflion , que le Roy lui fit de fille , elle en fit prendre
poffefïion à la fin d’une Meffe folemnelle , qui fut célébrée fous
une Tente. L’année fuivante Paul de Chomedey , Sieur de
Maisonneuve , Gentilhomme Champenois , & un des Affo-
ciés , y mena plufieurs Familles de France. Il arriva à Quebec
avec une Fille de condition , nommée Mademoifelle Manse ,
qui étoit deflinée pour avoir foin des Perfonnes de fon fexe ; le
Chevalier de Montmagny , 8c le Supérieur Général des Jefui-
tes les conduifirent à Montreal , 8c le quinziéme d’Gclobre M.
de Maifonneuve fut déclaré Gouverneur de fille.
Le dix-feptiéme de May fuivant , le lieu defliné à l’Habitation
• F f i j
les;
HISTOIRE generale
S’éta'ntoieentdPrêtres^ y dîrendaMeffe , les autres communièrent
^rl nel de la Vierge , & tous fupplierent la Reine des Anges
a ^ ^ i mu jp ivfnntrea.1 fous fa proteéhoh. Enfin le 15»-
ÉGrt K&îSK&SS U i, d« K-wg-j-
r • i.„L;tA rP Pavs u Nous étions * ajoutèrent il ? p
>> fois habite ce i ays. ; nue tu vois au Midi &
» grand nombre , & toutes les Collines , que ^ nQS An_.
» à l’ Orient etoient peuplées. , - °h les Abénaquis , d’au-
ftÜSKSS» *KB £ ttffSSSZ
promirent de faire tout ce qui ep raifembler les débris
131^.5?!® -* *
p ;v; n^rlé dans mon journal.
Tradition fur
les anciens
Habitans de
«et te ilie.
»
Elroauet . dont i’ai narlé dans mon Journal.
229
«»Tj^*!^?oîrt|jpv3 V9jf>s vîÿv tfljroviÿvJ v^îvc^v 'Vjgrd vÿv v^ïv* ^jÿvv^v^i»
HISTOIRE
E T
DESCRIPTION GENERALE
DELA
NOUVELLE FRANCE.
LIVRE SIXIEME ,
’ A S S U R ANGE, qu’avoient eue les Ira- ~ \ $ ^ 2y
quois de paraître en* armes à la vûë des
Trois Rivières , & l’audace , avec laquelle ils
avôient infulté le Chevalier de Montmagny ,
donnoient beaucoup à penfer à ce Général.
Il crut avec raifon qu’il ne devoit rien négli¬
ger pour fe précautionner contre la furprife ,
& pour fe mettre en état de foûtenir les efforts d’une Nation ,
qui ne ménageoit plus rien , & qui paroiffoit déterminée à em¬
ployer également larufe & la force , pour donner la Loi à
tout le Pays : d’autant plus que fi les Hollandois de la Nouvelle
Belgique ne fe déclaraient pas encore ouvertement en fa fa¬
veur , il n’y avoit pas à douter qu’ils ne lui fourniffent des fe-
cours de plus d’une façon.
Laréfolution fut donc prife de bâtir un Fort à l’entrée de la Fort dé rü-
Riviere (<z)‘, qui portoit alors leur nom , parce que c’étoit le chelle«-
chemin , qu’ils prenoient ordinairement pour defcendre dans la
Colonie, il fut achevé en peu de tems , quoique puffent faire
pour s’y oppofer fept-cent Iroquois , qui vinrent fondre fur les
( a ) II ne faut pas oublier que c’eft celle , qu’on appelle aujourd’hui la Rivicre de SoreL-
i 6 4 2*
Conversons
en grand nom¬
bre parmi les
Hurons.
HISTOIRE generale
150 ■ lm-fmi’on v nenfoit le moins ; mais qui furent re-
Tr^s avec’perte. Ordonna à ce Fort le nom de Richelieu ,
p°uffes P Krà ja Riviere , & on y mit une affez
quon mfoit d ] p ie clu Canada eût voulu faire
bonne Ga m‘? il DOur k pfys des Hurons , on auroit épar-
une pareille depv P ^ gj conféquent àtoute la
tôS «o„4»p -•
1 ° ’• ^KWpnt- cette Nation les années fuivantes.
Xoccafion étoit d’autant plus favorable pour oppofer de
Lx./ U une forte barrière aux Iroquois , que toutes les
$5 co j Huronnes étoient en mouvement pour embraffer le
rriÏÏT« oui en étoit une fuite néceflaire , pour s’at-
Chrifoaixuniv- ? ’ 1 1 1 ÂHA.SISTARI Capitaine des
cette Nation fut celui , dont le Ciel fe fervit
P us. 1 nt ü0ur operer un changement , qui parut mua-
patticu ie w-/ronnaires en ce que ceux, qu’ils avoient trouves
culeux aux , rebelle’s à ja Grâce , témoignèrent alors plus
jufques-la P ^ & baptifés. On racontoit des cho-
d ardeur pour et „ . ■ & dans la vérité cetoit un tres-
fo «"mV^uaif auquel des aaions d’une valeur peu ordi-
brave Homme , n ^ I „ attribuer de plus bril-
naire avoient peut-être ^“Jicu fon , &
lames encoie.^ Ce q^ ^ ^ 4 Nation , faifoient concevoir
depub lontems aux Prédicateurs de l’Evangile un grand delir de
le gagner à J E 5 ü s - Cia K 1 s T. ,, qu’ils y réuffiffent ,
Hifton-ed’un \\ nV avoit pas beaucoup d apparence £ 7 fuperfti.
fameux Capî- ce aus ce Sauvage etoit extrememen Lct c rn^ivpnt
raine de cette Pal °I • , mfr1CL1Ué de ces grandes conversons eit louvent
X le Hommes Apololiques , inftruits que la Gra-
C£Uf Vonc Doint & Us continuèrent de rendre de frequentes
rem uonc point quoiqu’il les reçût toujours fort
Vlflfeil sTumànifa pourtant à fa fin , il s’accoûtuma meme a les
XffHbo n cJd ; • infenfiblement Us le trouvèrent moins
éloigné du Royaume de Dieu, & il en vint jufqu’à prendre goût
à leurs difeours fur la Religion. ; . , . n • . ;i ies
f“"“ a',,c ’ii LoiEiii qu’il fc rendoii. Il dm»"*"
r» *«* * F»
i 6 4 2-
«
«
«
«
«
Sa voca¬
tion au
Chriitia-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. 231
miere demande admettre dans le fein de l’Eglife un Profelyte
de ce caraflére ; ils jugèrent à propos de lui faire affez lontems
defirer cette grâce. Un jour qu’il la follicitoit fortement dans
une de ces Conférences publiques , dont j’ai parlé , le Pere y
qui y préfidoit , le pria d’inftmire l’Affemblée de ce qui lui avoit
fait naître la première penfée de fe faire Chrétien : & il répon¬
dit en ces termes , que j’ai tirés fidèlement de la Lettre du Mil¬
lionnaire même.
» Cette penfée m’a occupé avant même que vous vinfîiez «
dans ce Pays. J’ai fouvent couru de grands rifques , & en plu- «
Peurs rencontres j’ai eu le bonheur d’échaper , lorfque tous « nima
ceux , qui m’accompagnoient , périiToient à mes côtés. Je me «
difois alors à moi-même, il faut que quelque pui.ffant Génie pren- «
ne un foin tout particulier de mes jours , & je n’ai jamais pu me “
tirer de l’efprit que ce Genie ne fut infiniment fupérieur à ceux, «
qui font honnorés parmi nous. Je n’ai pu m’empêcher auffi de *
regarder comme des fottifes tout ce qu’on nous débité au fujet «
des fonges , & à peine ai-je entendu parler de Jésus , que j’ai "
fenti comme une affurance , qu’il étoit le Protecteur , à qui
j’avois été P fouvent redevable de la liberté & de la vie. Quel¬
que entêté, que j’aie paru depuis de nos Pratiques & de nos Tra¬
ditions , je me fentois néanmoins intérieurement porté à n’ado¬
rer que lui , & P j’ai tant différé à fuivre ce mouvement de mon <4
cœur , c’eff que je voulois m’inftruire , avant que de me décla- *
rer. Lors même que je paroiffois moins difpofé à vous écouter , «
je nefaifois aucune entreprife , fans me recommander à Jésus , "
& je mettois en lui toute ma conPance. Depuis lontems je m’a- <v
dreffe à lui tous les matins , je lui attribue tous mes fuccès , & je “
vous demande en fon noirule Baptême, aPn qu’il ait pitié de «
moi après ma mort.
Les Peres ne crurent pas devoir attendre plus lontems à fa- Son Baptême
tisfaire un Homme P bien préparé ; il fut baptifé le même jour & fa fcrveur*
& nommé Eustache. Peu de tems après il leva un grand Parti
de guerre , dans lequel il ne voulut recevoir que des Chré¬
tiens. Sa Trouppe étant prête à partir , il la mena chez le Mif-
Ponnàire de fa Bourgade , en préfence duquel ii leur parla en
ces termes.
» Mes Freres , nous fervons tous un même Maître , ne «
foyons donc plus qu’un cœur & qu’un efprit. Nous devons évi- «
ter avec foin tout commerce avec les InPdéles , & il faut que «
tous ceux de nos Freres , qui font dans le befoin & dans «
idq2.
.»
»
YâgCS.
histoire generale
r!ffliftion trouvent auprès de nous delà confolation , &dffl
fordasement. Cachons avec foin les fautes des Chrenens aux
loulag auen toute rencontre on reconnoiffe
» queia 1 . f , r Hefanp & de l’interet. Quant a ceux
» îlTnos Proches qui ne profelent pas la meme Religion que
" tus 5 eft bontu’tls fâchent ^ la mort nous féparera
” d? veè eux pour toujours*, & que nos cendres ne doivent pas
” S être mêlées avec les leurs. Publions en tout lieu mais
A> |pç encore plus que par nos paroles,, lafaintete
: le l'excellence de la Foi en* Jésus , & tâchons de la faire em-
hrafLr s’il eft poffible , à tout le monde. ,
Réflexions^ Ski Sauvages du Canada ne parlent amfl dans te
£££*£ Relations ; que j’aye pour
“ux Cl s aï ot m Quoiqu’il régné daiis leur MeW
’ Cl (inrinté qui prévient beaucoup en leur faveur ;
avoir fupp’ofe une élévation, un pathétique , & une energie,
?s$zs:
A neu près dans le même tems quelques Jefuites reçure
». &p»«“ «x PS wlÎTÆ» ;“”nV
tranfpoi terch - • Ç g du Canal > par Du
îe01Laï fupS fe dlcLarge dans le Lac Huron Ce Rap.de a
depuis été nommé le S ault Sainte Marie , & c’eft de- a que nous
aCns donné à ces Sauvages qui font une Nanon Ajgonqume
& dont le nom eft très-difficile a prononcer (b) , celu de ï>au
~a g„ïi.rD4put& te Sauteurs , & km voy.g= «
, i •• _ _ .«.AnrtrnlJiï
Excuifioii
chez les Saul
leurs..
y
’ \ Ci-r iKrun. T.. VIT® ücl2C ?Oλ
tout
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. 233
tout le fuccès qu’ils en pouvoient raifonnablement attendre.
Jls furent bien reçus de ces Sauvages , qui leur parurent de
très-bonnes gens ; mais ayant été rappellés , lorfqu’ils commen-
coient à les inftruire , la femence de la divine parole n’eut
pas le loifîr de fruélifier , & cette Nation ne s’étant pas trou¬
vée dans les mêmes difpofitions , lorfque quelques années après
-on retourna chez eux , ces heureux commencemens n’eurent
y>as de fuite ; de forte que les Saulteurs n’ont eu jufqu’à prê¬
tent que fort peu de Chrétiens.
Cependant les Iroquois , affûtés d’être foutenus des Hollan-
dois de Manhatte , qui leur fourniffoient déjà des armes &
des munitions , & à qui ils vendoient les Pelleteries , qu’ils en-
levoient à nos Alliés , continuoient leurs courfes & leurs bri¬
gandages. Les Rivières & les Lacs étoient infeftés de leurs
Partis , & le Commerce ne pouvoit plus fe faire fans de grands
rifques. Le Chevalier de Montmagny en fit fes plaintes au
Gouverneur de la Nouvelle Belgique , lequel fe contenta de
lui faire une réponfe honnête , mais fort vague , & 11e chan¬
gea rien à fa conduite ; 011 le foupçonna même , ou du moins
ceux , qui étoient fous fes ordres , d’animer les Iroquois con¬
tre nous , quoiqu’on fût convenu que les Alliés des deux Na¬
tions ne feroient aucune hoftilité fur les deux Colonies , &
que les François euffent été très-fidéles à garder la conven¬
tion.
Il efl vrai que nos Sauvages n’étoient ni en état , ni en hu¬
meur d’inquietter les Hollandois ; bien loin de chercher à fe
faire de nouveaux Ennemis , à peine fongeoient-ils à fe dé¬
fendre des Iroquois. Les Hurons fur-tout , foit par indolen¬
ce , foit par la crainte d’irriter un Ennemi , qui avoit pris fur
eux une fuperiorité , qu’ils ne pouvoient plus fe difîimuler ;
foit enfin qu’ils ne fuffent pas encore perfuadés que les Iro¬
quois en vouloient à toute la Nation , laiffoient défoler leurs
Frontières , fans prendre aucune mefure pour éteindre un
incendie , qui les environnoit de toutes parts. Ces pertes néan¬
moins , fur lefquelles ils demeuroient fi tranquilles , les affoi-
blirent a la fin de telle forte , que la terreur fe répandit dans
toutes les Bourgades , & que quand l’Ennemi ne jugea plus
à propos de couvrir d’aucun prétexte fon véritable deifein ,
il trouva , comme il l’avoit bien prévû , un Peuple effrayé ,
prefqu’incapable de faire la moindre réfiflance. Il arriva de¬
là qu a peine l’Eglife Huronne , cultivée avec tant de fatigues.
Tome /. G 2
1642.
Les HoJIan-
dois fournit
fent des armes
& des muni¬
tions aux Iro¬
quois.
Indolence
des Hurons.'
HISTOIK-E GENEK-ALE
î}4 -, - ^nrlnire des fruits de falut , que fes Pafteurs.
“;;r„“ot'p.“i»n> il n'y . p»
Sta ,» ^*b££BCâS
1642. furent frappés , — -r .- *
ie entièrement détruit.
plufieurs font Pete J< w _
’urpris par les fut le premier, iur qui 1 orage - XV^Onobec nour
[rociuoîs. jointe Marie , il avoit reçu ordre de defcendre a Quebec pour
nnè affa re qui ne fouffroit point de retardement &.1 n.-
une attaire, qu s ce voyage l’expofoit: il obéit nean-
gnorott pas a quels périls ce voy g t ; ;émc de juia
" WatXaucuîe Æ àXrencontre à la Capitale,.
&k' oremier jour dù mois d’Août il en repartit avec un
convoi' de'treiie Canots bien armés , & conduits par de bra-
VeLf force de cette Efcorte fut apparent ce qui caufa fon
malheur , par l’exceffive confiance , qu elle in|P r%a ce“,, qp
là composent. On a feu même depuis par 1 s Lettres du £
Tn<m« nue les Chefs de cette Troupe, ou il ny avoit gue
esgque’dqes Chrétiens , ou des Profit
moins à fe précautionner contre les ta Tes- de l bnnt im ,
„,u exhorter leurs gens à fouffrir pour J. V. oc que la p
hïïï a&fr
Sss «iis * * *>«» • -»■“
te des loix de la prudence.
_ : on frvTt le-ç
£Sen"tos n’étoient guéres qu à quinze
$*^±<*£2. swa» sar p“
ou feize lieues de (2ueDec ’ ., 7 , r • + ' çVmbarauer
* a =r Aifflfrf nS7, ;
ma^ s mépriferent un Ennemi , auquel & ^ croyorem fort
fuperieurs en nombre, & que , par cette rafo".; "^™
pas affez liardis pour les attaquer : ils pcuriuivirent leur ^
min fans prendre aucune précaution contre la tapn e • aul
toS duppes dune fécunté fi peu 1 P^onnable Les
Tmminic étoient au nombre de Soixante ex dix , P .
s’étoit mife en embufeade derrière des buiffons , qui couvroien
setoit mue eue les Voyageurs rangeaffent de tort
une pointe , quil falloit W£ ies v y g | cachée dans
près; l’autre avoit traverfe le fleuve , oc setou
u PiaP« k S que les Hurons furent à portée des premiers , une dé-
nt pris. *
Prifonnier.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Ltv. VI. 2
charge de fufils , faite avec beaucoup d’ordre , en Méfia plu- ~rp -
fieurs , & perça, tous les Canots. Dans le defordre , où une ^
attaque fi brufque & fi imprévue , mit les Chrétiens , quel-
res-uns des plus alertes fauterent promptement à terre , &
eut alTez heureux pour fe fauver ; les plus braves , foûtenus
par trois ou quatre François , qui accompagnoient le Pere Jo-
gués , fe dépendirent affez bien pendant quelque tems dans
leurs Canots ; mais comme l’eau y entroit , & qu’il ne reftoit
plus aucune voye de falut , ils furent enfin obligés de fe ren¬
dre 5 à la réfer ve d’un petit nombre , qui échappèrent encore
dans la confufion , où leur réfiftance avoit mis les Iroquois :
les autres furent faifis & liés.
Il n avoit tenu qu’au P. Jogues de fuivre les premiers , qui te r. w,
avoient pris la fuite , ils firent meme tout ce qu’ils purent pour
l’y engager ; mais le Serviteur de Dieu auffi tranquille parmi Pnl
ce tumulte , que s’il eût été en pleine liberté , baptifoit un
Catechumene , & le difpofoit à tout événement; il répondit
à ceux , qui le preffoient de fe mettre en fureté , qu’ils faifoient
fagement de fe fauver , mais que pour lui il ne lui convenoit
point d’abandonner fes Enfans , lorfqu’ils avoient le plus de
befoin de fou affiftance. Une chante , que le devoir exige ,
ne fatisfait pas pleinement un cœur Apofiolique ; le combat
fini , & tous les Hurons étant pris ou fauvés , le P. Jogues
avoit rempli toute l’étendue de fon Minifiere ; mais il foupi-
roit après le Martyre , & il crut que les fervices 5 qu’il pou-
voit rendre aux Prifonniers , en les confolant & les exhor¬
tant à la mort , étoit pour lui un fujet affez légitime de s’y
expofer , & il ne voulut pas en manquer l’occafion.
Il s’avança donc vers les Iroquois , qui paroiffant ne faire
aucune attention à lui , ne fongeoient plus qu’à s’embarquer
avec leur proye , & fe fit le Prifonnier du premier, qu’il ren¬
contra , en difant , quil ne vouloit point être féparé de fes
chers Enfans , dont il ne prévoyoit que trop quel feroit le fu-
nelte lort. Un François , nommé Guillaume Couture , avec
qu! le îaint Homme étoit venu du Pays des Hurons , avoit
pns la fuite des premiers ; mais il ne fe vit pas plutôt hors du
péril , que la honte le prit d’avoir abandonné le P. Jogues ,
oc lans faire reflexion , qu’il ne pouvoit plus lui être bon à rien
entre les mains des Iroquois , il fit pour fe remettre dans le
danger , I3 même diligence , qu’il venoit de faire pour le-
vi ter, r
G g ij
Un François
fait ia même
i 6 4
De quell e
niere tous
sakés..
- histoire generale
‘U p. VJ, f». jor, t»zs&
doucement l'imprudence Aune dem ^ ^ fakPe ; Couture
d’aucune utilité a perforine ’ 1 1 _ & avec les autres Cap-
avoir été faiû , des quil avo P ’ ^ leftes setoient mis:
tifs. D’ailleurs quelques ^^^Snerent plufteurs. A me-
aux trouffes des fuyaias , &- Toeues redoubloient ,
fure qu’ils envoient les. foup£ «r Franc! à fon Provincial,..
& dans une Letue, qui Trociuois il affûre quil
auffi-tôt après fon arrivée chez Aes^ de cet axiome,
éprouva bien dans cette îei conf0pation des Miférables , .
fi univerfellement reçu, q Dartaeent leur infortune,
eft d’avoir des , quand ils «eu-
ma_ La première chofe , que • re fut de faire enten-
ren£ plus à craindre d etre pour t ^ quartier à ef-
dre à leurs Pnfonniers aVoit tué un Ifo
perer. Couture au comment Je premier , for qui ces
Lois , il avoir été remarque , & £ Sabord tous
barbares décharger». Us mgte »«c
les- doigts des mains , . ap t ^ main droite avec une epee.
les dents , enfuite ils p „ mutiler fans être ému juf-
Le Pere Jogues? ne put le voir, ai - ^ c£ .e Homme , &
qu’au fond de lame : il coin fouvenir des vérités éter-
comme il voulut 1 encourager p charmèrent , &■
SSSi 1 *. «• "
avec une efpece de fore > vok commencé par de-
fur fa tête & for fon corps nud, ca dg pierres & de
poiiiller tous les Prifonniers > , >- effet un teins
bâton , qu’ils crurent lavoir affomme. l t un eu
allez confidérable. fans connoiffance A pe desmains ,
repris l'es efprits , qu’on lui arracha tous ^ Fran.
& qu’on liu coupa If^ux in Chirurgieiv , & q«
cois , nomme Rene Goupil , • • en qualité de Frere,
avoit été. reçu depuis peu par les Jefone s«|> fit rien
fut traité de la même maniéré , & ce joui
aux autres Prifonniers. ~
qui
x autres Prifonniers. . f tPPé & les Captifs ,
Quelques tems apres le butin fut p / = ’ fficfiftribués,
uétoient au nombre le Village,
Î3Ë LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VL 237 _ . _
d’où les Guerriers font partis , que cette diflribution fe fait. l 642..
Enfin on fe mit en marche , & elle dura quatre femaines. Les
play es du Pere Jogues & des deux François , n’avoient point
été panfées , & les Vers s’y mirent bientôt ; il falloit pourtant
marcher du matin au foir , & on 11e donnoit prefque rien à
manger aux Prifonniers : mais le faint Miffionnaire ne toit tou¬
ché que de la yûë de fes chers Néophytes , deflinés au feu, &
parmi lefquels il y en avoit quatre ou cinq , qui étoient les
principaux foûtiens de FEglife Huronne. Pour lui il n’ofoit fe;
flatter d’avoir le même fort , ne pouvant fe perfuader que les
Iroquois fe portaient à fon égard aux dernieres extrémités ,,
& voulurent par fa mort, fe rendre les François irréconci¬
liables.
Après huit jours de marche on rencontra’ un Parti de deux a.u^epnacr™l
cent Iroquois , qui alloient tenter quelque aventure. Leur joye quel on aban=--
fut «rande à. la vûë de tant de Prifonniers ,, qu’on leur aban- donne les Pri-
^5 1 t q vi . fonnierSa
donna pendant quelque te ms , & qu ils traitèrent avec une
barbarie incroyable , après avoir fait une décharge générale
de leurs fufils en rhonneur d’AGRESKOUÉ. Les Sauvages s’i¬
maginent que plus ils. feront cruels en ces occafions , & plus
leur entreprife fera heureufe. Ceux-ci furent néanmoins trom¬
pés dans leur attente , car s’étant prefentés devant le Fort de
Richelieu , ils y trouvèrent le Chevalier de Montmagny , qui
en tua plufieurs , & contraignit les autres de fe retirer fort
en defordre,-
Dans la rencontre , dont je viens de parler , le 4P. Jogues
ne fut pas plus épargné que les autres , mais on ne l’avoit pas veau de s’éva-
mutilé de maniéré à le mettre hors d’état de rendre les fervi- der.
ces , qu’on exige des Efclaves ; ce qui le confirma dans la pen-
fée , que les Iroquois ne vouloient pas fe priver , en le faifant
mourir , de l’avantage , qu’ils pouvoient tirer d’un otage de
foncara&ere. Du lieu, ou les deux Partis s’étoient rencontrés,
on fit dix journées en Canot , après quoi il fallut marcher de
nouveau , & les Prifonniers , dont la plûpart avoient bien de
la peine à fe foûtenir , furent encore chargés du bagage de
leurs impitoyables Maîtres.
Le P. Jogues marque dans fes Mémoires , que les premiers
jours on ne leur épargna pas les vivres , mais que cela dimi¬
nua peu à-peu , & que fur la fin du voyage il fut jufqu’à trois
fois vingt-quatre heures fans rien prendre , les provifions ayant
prefque tout-à-fait manqué , à caufe du grand détour , qu’on*
i 6 4 1 +
Les Prifon-
nievs font
tourmentés
<kns trois Vil¬
lages fuccef-
£vement.
î3 8 HISTOIRE generale
avoit été obligé de prendre pour éviter la rencontre des Par¬
tis ennemis. Il ajoûte que ni lui , ni Goupil fon compagnon,
n étoient point attachés comme les autres pendant la nuit , en-
forte qu’il leur auroit été facile de s’échapper ; mais que pour
lui , les raifons , qui l’en avoient empêche d abord , len dé¬
tournèrent jufqu’au bout , & que le jeune Chirurgien ne put
jamais fe réfoudre à l’abandonner.
Enfin toute la trouppe arriva dans un Village du Canton
d’Agnier , où l’on confirma aux Captifs , qu’ils étaient deiti-
nés au feu , & où on les traita avec tant d'inhumanité , qu il
ne leur refia pas fur le corps un endroit , qui ne fût meur¬
tri ou cicatrifé , ni aucun trait reconnoiffable au vilage. Apres
qu’ils eurent effuyé la première fureur des Femmes & des En-
fans , on les fit monter fur une efpece de theatre , & pour
fignal on déchargea aux trois François quelques coups de fouet
fur les épaules ; enfuite un Vieillard s’approcha du Pere Jo-
gues , accompagné d’une Efçlave Algonquine , a qui ^ il mit
un couteau en main , en lui ordonnant de couper au Million¬
naire le poulce de la main droite. ,
Cette Femme, qui étoit Chrétienne, demeura d abord comme
interdite , puis déclara que ce qu’on lui demandoit , lui etoifc
abfolument impofîible. Cependant le Vieillard lui fit de fi ter-
ribles menaces , qu elle obéit. Le faint Homme a depuis affure
que la crainte , où il avoit été de voir cette Femme tourmentée
a fon occafion , & la joye , qu’il avoit eue enfuite , en la voyant
hors de péril par fon obéïffance , lui avoient rendu très-iuppor-
table la douleur qu’elle lui caufa ; elle le fit pourtant beau¬
coup plus fouffrir , par la maniéré peu affûree & ^tremblante ,
dont elle fit cette operation , que fi la cruauté eut conduit la
Les Prifonniers demeurèrent fur ce theatre un jour oc demi,
environnés d’une multitude confufe de Barbares , à qui onavoit
tout permis à leur égard , excepté de les faire mourir. On les
mena enfuite à un fécond Village , où , contre la coutume , on
les reçût encore avec une baftonnade , car félon les réglés cela
ne fe doit pratiquer que dans le premier , où l’on entre. Ce fut
là que le Pere Jogues ne pouvant plus fe fouffrir tout nud , de¬
manda à un Iroquois , s’il n’avoit pas de honte de le laiffer en
cet état , lui qui avoit eu tant de part au butin . Le Sauvage
parut touché de ce reproche , alla chercher 1 enveloppe d un
fiallot , 8c la donna au Pere , qui s’en couvrit de fon mieux ;
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VL 239
mais comme toute la peau de fon corps étoit levée , cette toi- - -
le rude par elle-même , & toute fiemée de brins de pailles , lui 1 64 2*
caufa des douleurs fi aiguës , qu’il fut bientôt contraint de la
jetter. Alors le Soleil donnant fur fes playes , que ce vêtement
avoit enfanglantées , il s’y forma une croûte , qui tomba avec
le tems par morceaux.
Ce que les Captifs effuyerent dans ce fécond Village de
mauvais traittefnens , & d’indignation , fur-tout de la part des
Enfans , ne peut s’exprimer , Sc cela dura deux jours , fans
que l’on fongeât à leur donner à manger. La nuit on les lioit
& on les enfermoit tous enfemble dans une Cabanne , où la
douleur & la faim ne leur permettoient pas de trouver au¬
cune treve a leurs maux dans le fommeil. Ils ne furent gué-
res moins inhumainement traittés dans un troifiéme Village , où
l’on avoit encore amené quatre Hurons , qu’un autre Parti avoit
fait Prifonniers.
Ceux-ci etoient des Catéchumènes , que le P. Jogues re- Pieté & fer-
connut & baptifa. On coupa encore au même lieu un doigt ?ear. des Pri~
de la main à Couture , & il n’en auroit pas été quitte pour °nmers'
cela , fi un Habitant de ce Village ne l’eût enlevé à fes Bour¬
reaux , Sc ne 1 eut conduit dans fa cabanne , où il ne voulut
plus permettre qu on lui fit aucun mal. Rien n’étoit plus con¬
fiant pour le Miffionnaire , que la pieté de ce jeune Homme,
oc en général de tous les Compagnons de fes chaînes. Il n’y en
eut aucun , qui au milieu de tant & de h effroyables tortu-
res , ne confervât toute fa ferveur ; quelques-uns même ne pa-
roifloient affligés , que de ce qu’ils ne foudroient pas affez.
Enfin après fept femaines d’un martyre continuel, tous, con- °n leur don-
ire leur attente , Sc malgré les menaces , quon leur avoit fi nela,vîe> ex-
fouvent réitérées , furent avertis qu’ils ne mourroient point , chefs/ ao1*
al exception de trois Chefs , parmi lefquels étoit ce brave
Cuitache , dont j’ai rapporté il n’y a pas lontems la conver-
lion. 11 reçut auffi-bien que les deux autres , l’Arrêt de fa mort
en vrai Chrétien , & julqu’au dernier foupir ils portèrent l’hé-
roilme auffi loin , qu’il foit poffible de fe le figurer. Dès qu’ils
eurent ete livres aux Députés des Villages , où ils dévoient
etre brûles , les autres Captifs furent reconduits au premier
des trois , qu on leur avoit fait parcourir , & où la diffribu-
uon s’en de voit faire.
Jufques-là comme ils n etoient à perfonne , perfonne ne Des Hollan.
prenait loin d eux , 8c en arrivant dans ce Village iis fie trou doisréc,amenï
® 5 w u uu~ les François*
Ils font réfu¬
tés.
histoire generale
virent de». »„ Ssï.
j n Ilipf, arriva dans le même Village , ne refpirantque
de Richeneu , a quelques-uns des plus braves avoient
la vengeaMe. Le Chetcx cpielq^^ , toit cJfidérable. Il ne re-
ftohpTus aux Pr'ifonniers , après avoir «te fi lomems en ^utte
4 ,V onleuîavondç».
Sf ï “SldotrsL ,df, le». - co.,.™. • v;, U
forte de neg ’ P { rallentit un peu ; mais ce fut tout
contre les Kntonmeis, Tr Tonieil rénondit en-
le fruit , ^e,/es “n’étok plus le maître des François
£n aux Hollandoi , q 1 < à les rendre à leur Na-
?rtTloitÎne pure défaite ;mgais foit que les Hollande is
re°c;mCpXrtU ouP non , ils
fie retirèrent. Il eft vrai que quelque -uns des ^ plus mo ^
d’entre leslroquois, avaient ete davis qu^ ^ ^ les au.
Jogues & fes deux compagnon ? _ furent donnés à trois
ïîf ,,y droit lfun a“.re ™‘6e!
"S, appi'..»™ « même Chef, ,«i U™. d«,» <n
des mains de fes Bourreaux. , moment crue ce Bar-
Martyre de René Goupil ne connut f ien 9 h bacbe ? dont il ex-
René Goupil. bare lui déchargea fur k e P Homme d’une gran-
Tumocfce deTœurs , & ^ «ne km^admiraWe : ^
qUll'een c“rvec0foïhVabCk féculier , afin qu’il pût exe*
voye en Canada avec & de décénCe ; mais pour
cer fon Art avec g 1 b f conduite n’en étoit pas moins
n avoir pas 1 habit Kelig . eux , premier Martyr de
régulière , & fa piete lui mérita a etre i p Maître à s’en
la Nouvelle France : car le motif , qu Viei»ard
défaire de la façon, que Jev\e“, rroix’fur un Enfant , dit
lui ayant vû faire le Signe de la Croix un ^fes
que A on le gardoit, il teroit mourir tout le Village p ^
prefüges.
1642,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lrv. VI. 141
Le P. Jogues , qui avoit admiré fa vertu pendant fa vie ,
11e fit aucune difficulté de l’invoquer , après une mort fi pré-
cieufe , comme un Confeffeur de J. C. il s etoit bien attendu
à partager avec lui fa Couronne , il avoit été témoin de l’exe¬
cution , 8c ne doutant point qu’on n’eût auffi réfolu de fe dé¬
faire de lui , il alla fe jetter à genoux aux pieds du Meurtrier,
pour recevoir en cette poflure le coup de la mort ; mais le
Sauvage lui dit de fe relever, parce qu’encore qu’il le crût
auffi coupable que fon Compagnon , il n’avoit pas droit fur
fa vie. L’Homme Apoflolique fruftré encore une fois de l’ef-
perance du Martyre , ne longea plus qu’à fanHifier fes chaî¬
nes , 8c à rendre fa captivité utile à ceux , qui lui avoient fait
tant de maux.
Dans les commencemens on l’obfervoit d’affez près , mais Lc Verf
dans la fuite il eut un peu plus de liberté , 8c il parcourut ^ captivité ^
même, fans que fon Maître s’y oppofât , tout le Canton d’A- pour faire con-
gnier , où il fe trouvoit , 8c le feul , qui fe fût jufqu’alors bien dTcuVIx no*
ouvertement déclaré contre nous. Il lui arriva dans une de quois.conve°-
ces courfes une aventure , qui lui donna une grande confo- mervdi-
lation. Comme il alloit de Cabanne en Cabanne dans un Vil- cu e‘
lage voifin du fien , pour voir s’il n’y rencontreroit point d’En-
fans moribonds , aufquels il pût conférer le Baptême ; il en¬
tendit une voix , qui l’appelloit d’affez loin ; il y courut fur
le champ , & en entrant dans la Cabanne , d’où la voix étoit
fortie , il apperçoit un Malade , qui le regarde fixement , 8c .
lui demande s’il ne le reconnoiffoit point ? Il répondit qu’il ne
fe fouvenoit pas de l’avoir vû , » Et moi , reprit le Sauvage, u
je te reconnois bien ; rappel le-toi le jour , auquel tu étois fuf- “
pendu par les bras avec des cordes , qui te ferroient bien fort, “
8c te faifoient extrêmement fouffrir. Je m’en fouviens , dit le *
Pere ; c’efl moi , continua le Sauvage , qui eus pitié de toi , “
8c te détachai. <(
Le Serviteur de Dieu ravi d’avoir retrouvé un Homme ,
qu’il avoit lontems cherché , pour lui témoigner fa reconnoif-
fance , fe jette à fon col , 8c TembrafTant tendrement : » Mon «
Frere , lui dit-il les larmes aux yeux , il ne tient qu’à toi, que «
je ne te rende au centuple tout le bien , que tu m’as fait, 8c dont «
le louvenir m’efl auffi prefent , que dans le moment même , “
où tu exerças une fi grande charité envers moi. U11 Ennemi “
bien plus cruel , que tous ceux , qui me tourmentaient alors, «
te tient dans fes fers ; tu touches peut-être au dernier moment «
Tome I. Hh
1642-.
»
Grand nom¬
bre d’autres
convoitions.
De
neutre.
Î4Î HISTOIRE generale
de ta vie , & fi avant ce moment fatal , qui va terminer tes
M ££ tu ne fecoües le joug de ce Maître impitoyable que
” deviendras-tu ? Je frémis pour toi , quand ) y pente. Des flam-
” mes éternelles t’environneront & te brûleront , fans te con¬
sumer jamais. Les tortures les plus horribles , dont vous vous
” v;fPZ pour vous venger de vos Ennemis , n approchent point
: de ce qu’endureront plndant toute l’éternité ceux , qui ne met.-
: relLPpeuCÎe mots prononcés de ce ton qui rend les Hom¬
mes Apoftoliques fi puiffans en paroles , firent toute 1 împref-
fion que pouvoit fouhaiter le Millionnaire fur un cœui , en
oui la'charité avoir préparé les voyes aux operations de la
^race. Le Malade demanda à être mftruit , & le Pere eu a
peine commencé à lui expliquer les principaux articles de
b • nn \\ c’apnercut qu’un Maître mvifible prevenoit les le-
cons q& granit profondément les vérités Chrétiennes dans
’ cette ’ameprédeftinée. Le Malade ne lui oppofa aucun dou¬
te fur nos Myfteres les plus incomprehenfibles , il crut , il fut
baptifé , & mourut peu de jours apres entre !es bras du S
viteur de Dieu , dans tous les fentimens , qui caracterilent la
m Unfconquêtè de cette nature étoit çlus fuffifa^ite pour
rendre à l’Homme de Dieu fa captivité precieufe , mais elle
ne fut nas la feule & bientôt tout le Canton d Agnier , qu
SJ! S foi f»g . prodoifii un«
Un autre Sauvage , en voulant lui fauver la vie , avon reçu
fur le bras un coup de hache , qu on lui portoit , le Cie
compenfa de la même maniéré , que celui, dont je vlens ,^Par
1er. Plufieurs autres Malades |fe rendirent dociles aux lnft
fions du S'. Millionnaire, qui les acc0mpagnoit tou|ours de tou
ce aue la charité la plus tendre & la plus rnduftneule peut
infplrer à un grand cœur , & par fes foins empreffes un très,
grancfnombre d’Enfans alla dans le Ciel groffir la trouppe m-
frocente qui fuit l’Agneau fans tache. Ces convenons lu
coûtoient beaucoup , la feule fatigue des pfèfque
grand tourment pour un homme epuife de forces , «P5
foûjours réduit à vivre de racines ; ce neft pas quoi ^ «
fufàt le néceffaire pour la vie , mais comme la plupan du ^
on ne lui prefentoit rien , qui n eut ete.offert a Agresk
il 11e croyoit pas qu’il lui fût permis y touc U - [e
la Nation fut vers ce même tems qu une Nation établie v
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. 243
Sud Sud - Eft à quatre ou cinq journées du Pays des Hurons , 1643.
fut vifitée par les Jefuites , qui lui annoncèrent le Royaume
de Dieu. Ces Peres ne lui donnent point d’autre nom dans
leurs Mémoires , que celui de Nation neutre , apparemment
parce quelle n’avoit voulu prendre aucun parti dans la guerre ,
qui défoloit tout ce Pays. Mais elle ne put éviter dans la fuite
10 n entière deliruclion ; quoique pour fe mettre à couvert de
la fureur des Iroquois , qui fans aucun fujet avoient fait fur
elle plufieurs irruptions , elle eût voulu fe ranger de leur côté ,
& s’unir avec eux contre les Hurons, dont il paroît quelle tiroit
fon origine.
Elle n’y gagna rien , les Iroquois étoient alors en humeur de
tout détruire; & femblables aux Lions , qui, dès qu’ils ont com¬
mencé à goûter du fang , ne peuvent plus s’en raffalier , & n’é¬
pargnent pas plus ceux , qui les careffent Sc les nourrilfent ,
que ceux , qui leur donnent la chaffe , ces Barbares fe jet-
toient indifféremment fur tout ce qui fe rencontroit fur leur
pairage , &il ne relie plus aujourd’hui aucune trace de la Na¬
tion Neutre. Ces Sauvages étoient , dit-on , plus grands , plus
forts , & mieux laits , que laplûpartdes autres. Ils avoient pref-
que toutes les coûtumes & les mœurs Huronnes , excepté qu’ils
étoient encore plus cruels envers leurs Prifonniers de guerre ;
car ils brûloient les Femmes avec autant de barbarie, que les
Hommes , au lieu que les Hurons les alfornmoient d’abord. Ils
faifoient aulîi paroître moins de pudeur , ils étoient moins fe-
dentaires , & ils vivoient beaucoup plus du fruit de la chalfe ,
que du produit de leurs terres , qu’ils cultivoient peu.
Dieu avoit fes Elus parmi ces Barbares , mais en petit nom- Fruits de la
bre , & ce furent les PP. Chaumonot & de Brebeuf , dont il fe Grâce dans
fervit pour féparer ce peu de bon grain , qui fe trouvoit mêlé Cme Mim°n<
avec tant d’yvroye. Dès l’année 1626. le P. de Daillon, Re¬
collet , avoit pénétré jufques dans leur Pays , mais comme il
ne fç avoit pas leur Langue , il n’avoit pu leur annoncer Jé¬
sus-Christ, que par^fignes. Ce faint Religieux fouffrit beau¬
coup dans cette excurfion ; mais il s en confola dans l’efperan-
ce que fes fueurs fertiliferoient une Terre fi ftérile.
Les deux Jefuites , que je viens de nommer , avoient été in¬
vités par les Principaux de la Nation à leur rendre une vi-
fite ; mais il s’en fallut bien qu’ils trouvaffent les efprits aulîi
favorablement difpofés à les écouter , qu’ils fe V 'étoient promis.
Toutefois leur charité envers les Malades , leur douceur & leur
Hhij
*
i 643
Tu ftice de
Dieu fur un
Tillage Hu-
#sm
TBelle adBorr
d’un jeune
Chrétien*
H ! s T O I R E GENERALE
ssr» ™i:/dw,„fe i. , r. xr,
demeurer plus lontems parmi ce Peuple ; mais ils turent
bientôt rappelés chez les Hurons , dont les dilgraces augmen¬
tent chaque jour. . . i -/• i ;t i. jg.
Ce n’étoit pas feulement la guerre , qui les deloloit , la ta
mine & les maladies ne faifoient pas de moindres ravages par¬
mi eux ; mais fi tant de maux compliques etoient des pierres,
de fcandale pour les Endurcis ,i s tordaient la Foy & &-
foient croître la pieté des véritables Fideles : ils turent meme
les inftrumens Sont Dieu fe fervit pour attirer afon culte un
£rand nombre’d’Infidéles. Quelques traits bien marques de la
Juftice venpereffe d’un Dieu irrité y contribuèrent auffi. Peu
les Iroouois y entrèrent à la pointe du jour , & av ant le lever
d, Soleil il n’y avoit uas une Cabanne , qui ne fut réduite en
cendres, ni unLbitant, de quelque âge , & de quelque fexe que
ce fût, que les Vainqueurs neuffent égorgé. Il n £ eut qi
viron vint perlonnes , qui fe fauverent d abord a travers les
flammes. Ce Village n’avoit jama.s voulu recevmr l Evangile £
& l’on y avoir porté l’impiete jufqu a defier le Dieu des c
tiens. Sa définition fut regardée comme une puju^n du ^e ,
& plufieurs profitèrent d’un trait fi frappant de la colere di
™ Un évenementmoinsfuneftene produifit pas
heureux pour le Mut de la Nation Huronne. Un de les ; Fa
de guerre étoit fur le point de fe mettre en campagne , les Ido
fâtres ^quffeifoient fe plus grand -^’ulrrf T “lot
ter Suivant 'V^Xffèrent pofr connStrefa volonté , leur
promit îa ivifloire , s’ils aboient du côté du Midi Tandis ^
s’occupoient ainfi de leurs pratiques fuperft net fes , h esC £
tiens s affemblerent féparement pour famé leurs Prières & co
me ils eurent appris: la reponle du Démon , ou de lo
nôt * le plus jeune d’entr’eux , armé d’une fa.nte indignation „
Kîe aâion , qui attira fur lui les yeux de tout e v 1-
lage , conjura le Seigneur de ne pas permettre qu^k fi,cc _s
b ifiî. la narole du Pere du menfonge. 11 y va , LMeu i oui
„ Puiffant , de votre gloire , ajof.ta-t-il ,
* êtes l’Arbitre fouverain de notre fort. S. les promeffes delMr
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VL 245
nemi de notre falut s’accompliffent , ceux-ci blafphemeront « 1643,
votre Saint Nom : mais plûtôt périffîons-nous tous ^ que d’être «
témoins d’un fi grand malheur ».
Ces fentimens paroîtront peut-être à quelques-uns au - def- les fuites,,
fus de la portée d’un Sauvage , & furtout d’un Sauvage Néo- <luelleeut‘
phyte ; mais on doit fe fouvenir que dans qui que ce foit ils ne
I peuvent venir que de celui , à qui il ne coûte pas plus de les
infpirer aux plus groffiers , qu’aux plus éclairés de tous les Hom¬
mes. Le jeune Chrétien n’en demeura pas là ; car adreffant
la parole à fes Compagnons de guerre : “ Mes Freres , leur "
dit-il , gardons-nous bien de déférer à l’Ennemi mortel de nos "
âmes , & de fuivre la route , qu’il a marquée : allons à l’Occi- *
dent , nous courrons apparemment plus de rifques ; mais nous *
aurons pour nous le Dieu des Armées ». Les deux Trouppes fe
féparerent donc ; les Chrétiens ne trouvèrent point d’Ennemis ,
& n’eurent aucune fâcheufe rencontre : les Idolâtres furent
battus, & perdirent beaucoup de monde. Alors plufieurs In¬
fidèles frappés d’un événement , qui mettojt dans une parfaite:
évidence l’ignorance , & l’impuiffance d’Agreskoué , ou plû¬
tôt l’impofture des Jongleurs, fe déclarèrent pour le Dieu,,
dont le jeune Chrétien avoir fi fort exalté la puiffance.< ç
Sur ces entrefaittes on eut.de Ouebec des nouvelles du P. Avis , quel®-*
Jogues, qu’on y croyoit mort. Un Huron, de ceux, qui avoient dônn°eëauS
été pris avec lui , s’évada , & alla trouver le Chevalier de Mont- Gouverneur*
magny : il lui dit que le Millionnaire étoit à la fuite d’un Capi- Gén“a1,
taine Iroquois , lequel n’avoit aucun pouvoir fur lui , le Can¬
ton n’ayant pas voulu fe deffaifir du droit d’en difpofer ; que-
de tems en tems on paroiffoit réfolu à le renvoyer , mais que le
faint Homme étoit dans un continuel danger , & que fa vie ne
tenoit à rien au milieu d’un Peuple feroce , capricieux , & fuper-
ffitieux , auquel les Hollandois fourniffoient des boiffons , qui'
rempliffoient tout le Pays d’Yvrognes , . & y caufoient d’ef¬
froyables défordres.
Peu de jours après le Gouverneur' Général reçut une Lettre
du Pere même. Elle portoit que toute la Nation Iroquoife étoit
en armes , &: paroiffoit refoluë à ne plus donner de trêve aux
Hurons , jufqu’à ce qu’elle les eût détruits. Que fon projet étoit.
de ruiner tous leurs Villages , & d’y faire le plus qu’elle pour-
roit de Prifonniers , pour les incorporer dans les Cantons , &
réparer les brèches , que la guerre y avoir faittes. Que fi on>
differoit davantage à fecourir un Peuple Allié , parmi lequel. ili
Ii6 HISTOIRE generale
- V avoir un grand nombre de Chrétiens , & dont le commerce
1 6 4 3 • nouvoit être très-utile , pour ne pas dire neceffaire a la Colo¬
re Françoife , fa perte étoit certaine ,& qu on fe repentirait ,
nuand il lien feroit plus tems , de ne lavoir pas empechee. Il
aioûtoit qu’il ne falloir pas être retenu par la crainte de ce
qui pourrait lui arriver, li on repouffoit les efforts des Iroquois,
ou’on devoir même être une bonne fois convaincu , que ce n e-
toit pas en ménageant ces Barbares aqx dépens de nos Allies ,
mais en leur infpirant du refpeft pour le nom François ,qu on
les rendroit plus traittables , & qu’on travaillerait plus efficace¬
ment à la sûreté de fa perfonne ; qu’en tout cas il ferait ravi
d’être facrifié pour l’intérêt de la Religion , pour le bien de la
Colonie , pour l’honneur de fa Patrie , & pour la confection
o f d" ^ Le CGouwrneur‘ admira la générofité du Millionnaire, &
■«!*« dans l’impoffibilité , où il fetrouvoit de donner aux Hurons
pou rie déh- i fe cours dont ils avoient befoin , il crut qu il ne devoit rien
wr’ néeliaer , & qu’il n’y avoit pas un moment à perdre pour fauyer
un Homme , dont la captivité avoit déjà fait verfer tant de lar¬
mes Il venoit d’apprendre que les Algonquins avoient amené a
Quebec un Efclave Sok.oki. C’eft une Nation vo.fine de la
Nouvelle Angleterre , alors Alliee des Iroquois . il le racheta ,
& quoiqu’il eût été fort maltraitté par ceux , qui 1 avoient eu en
leur difpofition , il le fit fi bien tramer , qu il fut parfaitement
guéri. Il le combla enfuite de prefens , puis il le mit entre
les mains d’un Abénaqui , lequel le reconduit dans fon Vil-
Cet Homme non - feulement publia hautement les oblig,a-
lions , qu’il avoit aux François , mais il engagea encore la Na¬
tion à envoyer demander le P. Jogues aux Agmers. On nom¬
ma des Députés , qui accompagnèrent leurs inftances de pre¬
fens • ces Députés furent bien reçus , leurs prefens furent accep¬
tés & ils ne doutoient plus du fuccès de leur négociation , par¬
ce qu’il n’y a rien de plus facré parmi les Sauvages , que 1 en-
<7 jurement qui fe prend par cette acceptation : toutefois , lorl-
qtul fut queffion de s’expliquer , on leur déclara nMtement
qu’on étoit déterminé à ne pas rendre la liberté au Miflîon-
ti , nave’rs le mois de Juillet de cette même année , le Village , où
ouon a^refolu étoit U Serviteur de Dieu , fit un grand Détachement pour a
fa mort, p^he. Il avoit changé de Maître , & il etoit a la chaige d une
/
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. 247
vieille Matronne 5 dont il avoit aflez lieu de fe loiier : elle " j ^
voulut être du voyage , & il fut obligé de Fy accompagner. 4 ^ *
A peine étoit-il arrivé au terme , qu’il apprit qu’on avoit ame¬
né &: brûlé dans le Village , d’où il étoit forti , quelques Pla¬
fonniers Hurons ; il reffentit une très-vive douleur de ne s’y être
pas trouvé pour les affilier à la mort , & dans la crainte que la
même chofe n’arrivât pendant fon abfence , il demanda & ob¬
tint la permiffion de s’en retourner.
Il rencontra fur fon chemin une Habitation Hollandoife , où
il entra, & où on l’affûra qu’à fon arrivée au Village il feroit
infailliblement brûlé , & la preuve , qu’011 lui en donna , fut
qu’un Parti Iroquois ayant encore été repouffé au Fort de Ri¬
chelieu , on s’en prenoit à lui de cet échec , parce qu’un Huron
de ce Parti avoit déferté , & avoit porté une Lettre de fa part
au Gouverneur des François : c’étoit la Lettre , dont j’ai parlé ,
& toutes les circonflances du fait étoient exaélement vrayes.
Le Saint Homme a depuis avoué que fur cet avis il fut d’abord
faifi de frayeur ; mais qu’après s’être fortifié par la Priere , il
offrit fans peine à Dieu le facrifice de fa vie. C’eff ainfique le
Seigneur permet que les plus grandes âmes rèffentent de tems
en tems toute leur foibleffe , afin qu’elles ne comptent nulle¬
ment fur leur vertu ; mais quand elles s’humilient en fa préfen-
ce , en reconnoiffant le befoin , quelles ont de fon fecours , il
11e leur manque jamais.
Le Serviteur de Dieu fedifpofoit donc à pourfuivre fon che¬
min , réfolu atout événement , lorfqu’un Officier Hollandois ,
qui commandoit dans ce Canton , arriva dans l’Habitation :
ayant aperçu un Européen , qu’une Troupe de Sauvages con-
duiloit , il s’informa qui ilétoit : on lui dit que cetoit le P. Jo-
gues , & on lui ajoûta qu’il étoit fur le point d’être brûlé.. Il en
fut touche , & comme il cherchoit une occafion de faire plai-
fir au Chevalier de Montmagny, dont il avoit reçu depuis peu
quelque fervice , il comprit qu’il ne pouvoit rien faire , qui fût
plus agréable a ce Gouverneur , que de procurer la liberté au
Millionnaire : il en forma le deffein , & on prétend même que
1 ordre en avoit été envoyé à tous les Commandans de la Nou-
velle Belgique par les Etats Généraux ^ à qui la Reine Regente
ue France 1 avoit fait demander de la maniéré la plus pref-
fante.
Quoiqu il en foit , l’Officier, après avoir un peu révé aux Un ofîyles
moyens d’exécuter fon projet , appella le P. Jogues , & lui dit S.” thd-
Il accepte
l'offre»
, o HISTOIRE generale
- - mi’qflfez près de l’Habitation il y avoit un Vaiffeauà l’ancre;
’ 6 4 3 : nui devou appareiller inceffamment pour la V irg.me ; cm il T
*• K!”,r , v«™ PO,,, alfa m*m. OÙ
U voudront. Le faint Religieux , après lui avoir temoigiie fa re-
connoiffance , demanda la nuit pour délibérer fur Ion offre ,
& cela furprit fort ce Commandant , qui ne comprenoit pas
comment un Homme , dans une fituation auffi critique , pou-
voit balancer un moment à s en tirer»
Le Serviteur de Dieu paffa toute la nuit en pneres , & api es
avoir confideré que fa morte toit certaine , s il retournoit a fon
Village ; que cette mort ne pouvait être utile à rien , qu au
contraire elle neferviroit qu’à eloigner la paix entre les Iro-
nuois & les François ; que n’etant point parti fur la parole ,
mais que fes Maîtres lui ayant donné une efcorte pour le gar¬
der Il n’étoit pas obligé de refufer les moyens , qu on lui pre-
fentoit de fefauver, &b qu’en mettant fa vie. en surete .1 pou-
voit encore être utile aux Peuples du Canada , il re“ur"a .
lendemain de grand matin chez le Commandant , & lui dit
qû’dfe mettoit8entre fes mains. Cet Officier ne perdit pas un
moment , & commença par engager les Sa^ages a ne pomt
Dartir ce jour-là , comme ils 1 avoient refolu. Il alla enluite
s’affûrer del’Eauipage du Navire, & tout étant bien difpofe, il
avertit le P. jôgues de fe rendre la nuit fuivante fur le rivage
dlla Mer , ou if trouverait une Chalouppe toute prête pour le
C0LdaUdTfficulffidét0it de tromper la vigilance de fes Gardes
beaucoup plus grande la nuit que le jour j & <- ev^er ;
j£ £1 ontrpç Trnmiois , qui alloieiit oc vendent
Son évaflon.
beaucoup plus gicumc uun , .
contre de plufieurs autres Iroquois , qui allpient o_ ^
fans ceffe fans ces quartiers-là V l’enfermoit le oir dans une
fans cene dans ces quartiers ia. ui j»
Grange , & comme on ne lui avoit pas laiffe
miner s’il n’y avoir pas une autre îffue, que la porte ordinaire,
par où il pin fe dérober , dès qu’il fe vit enferme avec fes Sur-
veillans , il prétexta un befoin ; mais a peine etoit-il dehors ,
qu’un Dogue, qu’on avoit lâché d’une Métairie voifine, corn
rut fur lui , & ?e mordit à la jambe : il rentra fort bleffe ,
auffi-tôt la porte de la Grange fut barricadée de maniéré »
qu’on ne pouvoir l’ouvrir fans faire beaucoup de bruit. En
luite tous les Sauvages fe couchèrent autour de leur Pnlon
^ Le Serviteur de Dieu jugea alors fa fuite Impoffibk, & £
J3E LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. 249
perfuada fans peine que le Ciel ne l’approuvoit point. Il fe
foûmit à fes ordtes , & repofa tranquillement. Un peu avant
le jour un Valet de l’Habitation entra par une porte, que les
Sauvages n’avoient point aperçue ; le Pere , qui s’éveilla , ou
qui ne dormoit plus , fit figne à cet Homme d’arrêter les Chiens,
fe leva doucement , fortit avec lui , & gagna le bord de la
Mer. Arrivé à la Chalouppe , il la trouva fans aucun Mate¬
lot , & tellement échouée , qu’il lui fut impofiible de la re¬
mettre à flot. Il s’approche le plus près qu’il peut du VaifTeau,
& crie qu’on lui envoyé quelqu’un ; perfonne ne répond ; il
retourne à la Chalouppe , conjure le Seigneur de redoubler fes
forces , fi fa volonté eft qu’il échappe des mains des Iroquois ;
il fait de nouveaux efforts , met enfin la Chalouppe à l’eau , &
gagne le Navire.
On l’y reçut bien , on le defcendit à fond de calle , & on mit
un cofre fur l’écoutille , afin que , fi les Sauvages venoient le
redemander , on pût leur laiffer la liberté de chercher par tout,
fans craindre qu’ils le trouvaffent. Il fut deux fois vint quatre
heures dans cette efpece de cachot , fans voir le jour , & il
Îenfa y étouffer. Au bout de ce tems-là on vint lui dire que les
roquois le redemandoient avec de grandes menaces , & la ma¬
niéré , dont on lui parla , lui fit juger qu’on ne vouloit pas fe fai¬
re des affaires avec eux : il répondit comme Jouas , P uifque cette
tempête s eft élevée à mon Jiijet , jetteq-moi à la Mer . On lui dit en-
fuite que le Commandant fouhaittoit de lui parler , &le prioit
de fe rendre chez lui : il ne répliqua rien , & malgré les Mate¬
lots , qui vouloient le retenir de force , il defcendit dans la
Chaloupe , & fe laiffa conduire à l’Habitation.
Le Commandant lui proteffa qu’il feroit en sûreté dans fa
maifon , & ajoûta que tout le monde avoit été d’avis dans
l’Habitation qu’il fortit du Navire, lequel étoit furie point de
faire voile , afin que fur l’affûrance , qu’on donneroit aux Sau¬
vages qu’il n’étoit point parti , on pût négocier avec eux plus
aimablement. Le Pere comprit tout le danger , .où il étoit ; mais
il ne dépendoit pas de lui de s’en tirer; il répondit à l’Officier
qu’il feroit de lui tout cç qu’il voudroit. Au bout de quinze
jours , c’eft-à-dire , vers la mi - Septembre , plufieurs Sauvages
arrivèrent du Village , où il avoit été Efclave , & parurent re-
folus de contraindre les Hollandois à le leur remettre.
Le Commandant fut fort embarraffé ; il n’étoit pas en état de
réfiffer à ces Barbares , s’ils entreprenoient de lui faire violence :
Tome /. Ii
xô43
Il pafle en
France.
1644.
11 demande
tmcDifpenfe
pour dire la
M elle avec Tes
mains muti¬
lées. Réponfe
-du Pape.
Son caractère
propre.
HISTOIRE GENERALE
il leur offrit de racheter leur Prifonnîer , & il vint enfin k
bout de leur faire accepter quelques prêtas. Il envoya en-
fuite le P. Jogues à Manhatte , ou on 1 embarqua dans un Ba¬
ttent de cinquante Tonneaux, qui appareilla le cinquième
deNovembre pour la Hollande, ta traverfee fut heureufe ;
ma;s un coup de vent , qui furviht , lorfque le Navire etoit
fur le point d’entrer dans la Manche , obligea le Patron de re-
lâcherà Falmuth en Angleterre. A peine eut-il jette 1 ancre,
que tous les Matelots dépendirent à terre, ne laiffant qu un
?eul Homme à la garde du Bâtiment. Sur le foir des Voleurs,
vinrent à bord , y prirent tout ce qui pouvoit les accommo-
-"if ^oTt » N.™ F™
n”toit venu par hazard mouiller dans ce meme Port. Le Capi-
• taine'ayantété averti de l’état , où fe trouvoit le P.. Jogues , le-
fecourut à propos. La veille de Noëlle Pere eut avis quune
Barque , dSrgSte de charbon de terre , alloit partir pour Ta .Bre¬
f-J* il v fit demander le paffage, qui lui fut accorde de bonne
erace’ 6? il débarqua en habit de Matelot entre Bref! & S.
fini de Leon. Le cinquième de Janvier il parut dans le meme
L,io,ge à la porte du College de Rennes , & demanda a par-
1er au P Reâeur , à qui , difoit-il , il vouloit apprendre des
nouvelles du P. Jogues. Le P. Retour defcend.t fur Je champ ,
& le prétendu Matelot , fans lui dire une parole , lui remit une.
Patente que le Gouverneur de Manhatte lui avoit donnée , a
deffein qu’on lui fournît en Hollande tout ce dont il auroitbe-
foin pour fe rendre en France.
Le Reûeur, avant — 1;~
toit devenu le P..Jogu« * — KWna de
riant. Le Refteur le reconnut , fe jetta a fon cou , ^ baignad
fes larmes , & demeura tellement fai 1 , qui e . ^
embraffé , fans pouvoir lui parler. Le Serviteur de Dieu relt
peu de jours à Rennes , & en partit pour Paris , ou 1 on fçavoit
déjà fon évafion , & où il étoit attendu avec impatience. La
Reine Mere le voulut voir , & lui fit un accueil djne de J
pieté. Le Pape , à qui il demanda la permiffion de cdebrer
divins Myfteres avec fes mains mutilées , répondit qu il ne
roitpas juftede refufer à un Martyr de ,i
boire le Sang de Jésus-Christ , Indignum effet Chrtfii Marty
rum Ckrijîi non libéré Sanguinem. _ j n-
Il faut avouer que ce S'.. Millionnaire fe trouvoit alors dans
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VL 251
line fituation bien délicate pour une vertu , qui n’auro'it pas
été auffi bolide que la benne. Rien neb plus capable deféduire
un cœur , où il reberoit une étincelle d’ambition & d’amour
propre , que de fe voir honnoré à fi jubé titre , comme un Saint,
qui a fait & fouffert ce qui paroît paffer les forces de l’Huma¬
nité. Mais le P. Jogues inbruit que Dieu eb jaloux , non-feu¬
lement de la gloire , qui émane de fa propre excellence , mais
encore de celle , qu’il tire de nos vertus , dont nous femmes
redevables à fa Grâce , n’avoit garde de s’expofer à perdre le
fruit de fes travaux & de fes fouffrances par le moindre re-
tour fur lui-même. Jamais Homme ne fut mieux fondé en hu¬
milité ; elle fît toujours fon caraHére propre , ainfî il étoit bien
éloigné de croire qu’il eût jamais rien fait , dont le Ciel dût lui
1644,
tenir compte.
Il ne fut pas feulement tenté de reber en France , où il ne il retourne
rece.voit que des applaudiffemens , & il n’y demeura en effet ^ c?n^a*
que jufqu’au départ des premiers Vaiffeaux , qui firent voile quTy %:
pour Quebec. Il trouva les affaires de la Nouvelle France Pread-
dans un état bien tribe. Ses chers Hurons étoient de toute part
en proyê aux Iroquois , & depuis quelque tems on ne recevoit
plus à Quebec aucune nouvelle de leur Pays , qui n’annonçât
ou la défaitte d’un Parti , ou la debruclion d’une Bourgade.
Le nombre des Chrétiens y croiffoit néanmoins tous les jours ,
& leur Foi fe fortifioit dans ces mêmes adverfités , qui avoient
fi lontems retardé leur converfîon.
Ces tems d’orage & de perfécution ont été dans toutes les
Eglifes naiffantes des tems d’abondance en toute forte de béné-
chbions celebes , & nont jamais manqué d’être féconds en
ons Chrétiens. Le Canada jufqu a la fin du fiécle pafîe a été
une preuve bien fenfible de cette vérité , & nous en avons vû
plufieurs illubres témoins. J ai meme eu le bonheur de vivre
avec quelques-uns de ceux , qui ont été AHeurs fur ce fanglant
leatre ’ Ve pouvoient 9 comme S. Paul , montrer fur leur
chair les jtigmates de Jesus-Christ ; mais non-feulement les
Apôtres de la Nouvelle France netoient pas indignes d’être mis
en paralelle avec les Fondateurs des plus belles Eglifes 5 quel-
ques-uns de leurs Néophytes ont rappellé les plus beaux jours
m- A • 1 C r m*t*re ’ ^ îe cro^r°is manquer à la fidélité de
1 niitoire , fi par déference pour ce qu’on appelle aujourd’hui le
goût du fiecle , je paffois fous filence ce que je trouve en ce
genre dans les Annales du Canada de plus merveilleux , & de
i 64 4*
Ferveur &
fainteté des
Butons..
HISTOIRE generale
252< n \ r 1 • Au rentre de la Barbanl æ
plus capable de glorifier celui ’ Ç
kz î
55*
de ces âmes choifies , que i naffions rabaiffent au-
me/r p0T iC°Kf°ndTVforkApoftoliquePenammoit plufieurs.;.
deffous de la bete. LElp P ^ nrêcher l’Evaneile à la
nL'o“ ,Æ j d&Sig“ ”“y
sk5*5j5*®£ , ».iou,s pi,,. p.rfu,r.f , <,«
fephTAONDECHOREN , qui avoir etfJlr^) bec ies premières
c’etoit celui-là-même , qui avoir ^'d^fidéles fe
nouvelles du faint Millionnaire. Un jour- quarte ^ ^
trouvant avec lut, témoignèrent une^ - .P ;1 iup
qu’ayant été fi cruellement traitte par moindre:
avoir pas encore echape u£®Jarré ’ ^it-il , qque Dieu répand
» relTentiment conti eux. » 5 r iu; Jes îoyes h pu-
» fur les fouffrances , qu on a endure P ’ peut en fçavoir
« res, & des confolations fi e ’ iSLer.l l leur parla
„ mauvais gré à ceux Religion Chré~
enfuite avec tant de force de 4 nnt elle change le cœur
tienne , & de la maniéré m.raculeufe , .dont t elle • c g
de l’Homme , que la plÛpart en furent ébranlés , « p
convaincus de la néceffite de l embraffer, é ^
««rfè* L’Ifie de Montreal fe peuploit mfenfiMemen , P $ ^ qui
nriracaleufe ces nouveaux ColoilS dlfpofolt pC P . r v T es Al"
S-/'-- S. .pprocloie». , à fe f— “ C/i S d «Ou-
gompuns établis dans “« L’ l a.oient plus de commerce.
établis clans une mc, r “7 iprnmmerce;
mais leur Chef paro.Uoit ateoir une oppoU^^.^-
Chriftianifme , & tout Allie qu il etG1^;£l • vouvoient
loit qu’on le crût des François, les . M.ffio nnaire s uo mê.
en lui un Adverfaire plus redoutable , , qw es q ur fes
mes. Ce n’eft pas qu’il eut beaucoup d attachem P uf„
fuperftitieufes ; mais c etoit un Homme y
pratiques
4
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. 253
qûa la férocité , extrêmement fier , & d’un efprit mauvais.
Il femble que Dieu prenne de tems en tems plaifir à triompher
de quelques-uns de ces cœurs mtraittables , &.de ces âmes per-
verles , dont il eft vifible que la conquête ne peut être Fouvra«-
ge que de fa toute-puiffante mifericorde. Telle fut vraifembla-
hlement la converfion du Chef Algonquin. Il n’y eut rien que
de furnaturel dans la maniéré , dont fe fit un changement fi
inefperé. Ce Barbare avoit un fieveu , à qui il vint en penfée
de s établir dans rifle de Montreal : il alla trouver M. de Mai-
fonneuve , qui n’oublia rien pour le confirmer dans fon deffeim;
& comme fa principale vûë étoit de le gagner à J. C. il pria le
P. Vimond , & le P. Poncet , qui heureufement fe rencon¬
trèrent alors auprès de lui , de l’inflruire de nos Myfteres.
Ils y confentirent avec joye , & ils trouvèrent dans cet
Homme & dans fa Femme tant de douceur & de docilité ,
qu’après les épreuves ordinaires pour s’affûrer de leur confian¬
ce , ils les baptiferent. Ces deux Néophytes avoient promis
de fe fixer dans l’Ifle , & ils tinrent parole. Ils firent plus , la
grâce du Sacrement avoit produit en eux le zélé du falut des
âmes, & ils l’exercerent avec fuccès ; mais la converfion ,
qui leur tenoit plus au cœur , étoit celle de leur Oncle : quoi¬
qu’ils ne viffent aucune apparence humaine d’y réuffir , ils 11e
laifferent pas de l’entreprendre , & ils fe difpofoient a 1 aller
chercher dans fon Village , lorfqu’ils apprirent qu’il en étoit
parti pour la chaffe d’hyver. Ce contretems les affligea , mais
ils comprirent bientôt que la divine Providence a des refforts ,
qui font inconnus aux Hommes , & s’ils n’eurent pas l’honneur
d’avoir eu d’autre part au fuccès d’une converfion fi défirée ,
que de l’avoir peut-être obtenue du Ciel par leurs prières , la
maniéré, dont elle réuffit , ne leur donna pas moins de confola-
tion , & fortifia leur foy.
Un jour que le Mari s’entretenoit avec le P. Vimond de cette
affaire , ils furent l’un & l’autre extrêmement furpris de voir
ce Chef entrer dans la chambre , où ils étoient ; mais leur éton¬
nement augmenta beaucoup , lorfque lui ayant demandé le fu-
jet , qui l’amenoit , il leur répondit qu’il venoit pour fe faire
Chrétien. Le P. Vimond voulut fçavoir le motif d’une réfolü-
tion fi fubite , & fi contraire aux fentimens , où il avoit été juf-
ques - là , & il protefta qu’il lui étoit impoffible de le dire :
que comme il traverfoit du Fort de Richelieu aux Trois Ri¬
vières ,, il s’étoit fait tout-à-coup dans fon ame un changement >
2-4 histoire generale
- ou’il ne comprenoit pas encore , & que par un mouvement,
I<544* dont il n’avoit pas été le maître , il avoit repris fur le champ la
route de Montreal , pour s’y faire infbruire de la DoRrine des
Chrétiens. Il ajoûta que fa Femme étoit dans la même difpofi-
tion que lui ; puis adreffant la parole au P. Vimond: « Mon
» Pere, lui dit-il, je ne me porte pas bien , néanmoins fi tu me
y> refufes la grâce , que je te demande , je fuis refolu d aller aux
* Hurons , où j’efpere qu’on mg l’accordera.
Son Neveu écoutoit ce difcours , comme un Homme , qui
ne fçait s’il rêve , ou s’il veille : enfuite ne pouvant plus conte-
nir la joye , dont il étoit tranfporté , il courut chez My de
Maifonneuve , pour lui faire part de ce qu’il venoit de voir &
d’entendre. Le Gouverneur voulut s’inftruire par lui -même
d’une chofe fi peu vraifemblable , & la trouvant vraye, il em-
braffa le Profelyte , l’affûra de fon amitié , & lui dit qu il fe fai-
foit fort d’engager le Supérieur Général a le contenter. Le P.
Vimond n’avoit pas moins d’empreffement que lui , de voir la
confommation d’une oeuvre , dont les fuites ne pou voient
manquer d’être fi avantageufes à la Religion ; mais 1 aflaire n e-
toit pas de nature à être traittée avec précipitation. L> ailleurs
un grand nombre d’autres Sauvages arrivoient tous les jours
pour être auffi inftruits , & deux Prêtres , qui avoient encore
d’autres devoirs à remplir , ne fuffifoient pas pour un li grand
travail. A . , . i
Cette derniere difficulté fut pourtant bientôt levee , tout le
monde & le Gouverneur même fe joignirent aux Millionnai¬
res pour inftruire les Catechumenes , les Femmes fe chargè¬
rent des perfonnes de leur fexe , & comme on s aperçut que la
Grâce agiffoit encore plus efficacement au dedans , que ne pou-
voient faire au dehors les exhortations les plus touchantes ,, au
bout de huit jours d’un travail affidu , tous furent juges en état
de recevoir le Baptême. M. de Maifonneuve fut le Parrain du
Chef de Fille , & la Marraine fut Madame de la Peltne ,
qu’une faillie de zélé un peu inquiet , mais qui ne tarda pas
beaucoup à fe calmer , avoit conduite a Montreal.
Le P. Vimond n’eut aucun lieu de fe repentir de fa facilite
à recevoir ces Sauvages dans le bercail commis à fa vigilance :
le te ms ne ralentit point leur ferveur ; tout s etoit fait en que -
que forte par infpiration , & l’on reconnut alors dune maniéré
bien fenfible , ce qui eft un des points des plus importans de a
fcience propre des Hommes Apoltoliques , que h 1 Auteur de a
Ferveur des
Misions Al-
gonquines.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. 255
Nature paffe quelquefois par-deffus les Loix , qu’il a lui -mê¬
me établies dans le cours ordinaire des chofes ; il eft auffi des
occafions , où fes Minières ne doivent pas s’affraindre fcrupu-
leufement aux réglés d’une prudence trop méfurée.
Toute la Nation Algonquine fereffentit de ce qui venoit de
fe paffer à Montreal , & peu à peu le nombre des Chrétiens y
paffa celui des Infidèles. Les Trois Rivières & Tadouffac eu¬
rent aufli leurs Millionnaires Sauvages ; on y voyoit des Néo¬
phytes entreprendre de très-grands voyages dans la plus rude
îai fon , uniquement à deffein d’annoncer Jesus-Christ à des
Nations fort éloignées ; & ceux 9 qui ne pouvoient pas s’ab-
fenter fi lontems de leurs Bourgades , n’y retenoient point leur
zélé oifif. Ils ne ceffoient dans les Affemblées publiques & par¬
ticulières de recommander l’obéiffance à leurs Pafieurs , &
la fqûmiffion aux Loix facrées de l’Eglife ; & tous ceux , ?qui
avoient quelque autorité fur la multitude , ne pouvoient fe ré¬
foudre à lailfer la moindre faute impunie j pour peu quelle eût
eclatte , ou caufe de fcandale ; & Ion avoit fou vent allez de
peine à modérer fur cela leur fé vérité.
Mais c’étoit furtout à Sÿlleri que l’on admirait ce que peu¬
vent les piennces de la G race dans une Chrétienté naiffante.
Cette Peuplade n’étoit pas encore expofée , comme elle le fut
peu de tems après , aux infultes des Iroquois ; mais pour peu
que fes Habitans s’écartaffent , ils couraient rifque d’être enle¬
vés , & cela étoit déjà arrivé à plufieurs , ce qui les privant de
la chaffe , fur laquelle ces Peuples ne peuvent s’empêcher de
compter, les reduifoit fouvent à manquer du nécelfaire. Les
François faifoient bien tout leur polïible pour les foulager dans
leurs plusprelfans be foins , mais étant pauvres eux-mêmes pour
la plûpart , leur charité etoit une foible relïburce pour tant
de Gens affames. Avec cela , outre le peu de genie & de goût
qu ont toujours eu les Nations Algonquines pour la culture des
terres , ces Chrétiens obligés fouvent de fe tenir renfermés dans
1 enceinte de leurs Bourgades , à caufe des Partis Iroquois , qui
couraient la Campagne , ne pouvoient ni travailler en sûreté
a leurs champs , ni fe promettre de recueillir le peu , qu’ils
avoient feme. ^
Une fi grande mifere , à laquelle on ne voyoit point de re-
mecle , ne fut pourtant pas capable de diminuer la confiance
de ces fervens Profelytes en la divine Providence. De mau¬
vais elprits mirent inutilement tout en œuvre pour les éloigner
i 644.
i 6 4 4*
UTSTOIRE generale
Vr • i Dieu oui les abandonnent , difoient-ils , & laif-
du fer vice d un Dieu , q « , rens . & non-feulement leur
foit triompher leurs Ennemi & les “^^tfouvent ceux-
foy fut à l’épreuve d une ten at.o, ^ k fein de PEglife ;
memes, qui lont nés oc qui . nombre augmentoit
mais elle ne ralentit pas leur zele extrémités
tous les jours. Il venoit a y rentrer dans le bercail
du Nord , & il n’étoit point diffiper,
ceux , qui avaient fait de p f'tlr:A,.inifme dans la Nouvelle
Calomni» Telle la toaüon eu ^ • furprirent étran-
fufeitées en
Trance aux Je
fuites du Ca
n^da.
leur juftifi-
Ration.
Telle étoit la fituauon du n J Wirent étran-
France , lorfquonyreçut de^ ^ ^honneur dans cette Co-
gement tout ce qu y maeiner que des Miffionnaires ,
Ionie. Qui aurait pu en effet s mtagmer que ^ d,fintéreffe.
dont on y admirait ^dlns’Ta néceffité de faire des Apologies
ment , fe trouvailent dar • i au Public que ce ne-
pour juftifier leur conduite , & P™ '“^'“Jde la Bar-
toit pas le commerce lJdan^que nous avons vus ? Voilà
test# “ >*ÿ£ snaJsrte tas
$Z*£î5tJ£!S • ** y “io4’
terent foi. , A «■ -r ne fut euere moins étonnée
La Compagnie des cent Affoc « nerat g France ,
de ces clameurs, que les H . ff é Comme elle étoit la
qui en voyoient de leurs yeux la laui ete aux Jefui.
plus intéreffée à empêcher le trafic , qu P le m0yen
tes, & la plus à portée defçavptr cequi en eto p ^ y
des Commis , qu’elle entretenoxt an qe je fit
ÿififiasrsàS? ^ sa * *»*■» »•
Direâeurs * Àffoeiés
» velle France , dite de Canada i , , y le brÇultqque l Compagnie
» fonnes fe perfuadent , 6c tout c oui n retour & com-
„ des Peres Jefuites a part aux Embarquemens ,
» & fupprimer 1 eftime & le pr p n i fatigues incroia-
» treprennent audit Pays , avec Dieu ,
» blés, au péril de leur vie, pour efemee ^a|nft]anifffle? &
» dans la converfion des Sauvag Romaine en quoi ils
» Religion Catholique , Apoftohque & , dont ladite
? it s, f„„, Avne les iours de grands progrès , aux _
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. 257 _ _
Compagnie eft particulièrement informée, ont cm être obli- “ 1644.
gés par le devoir de la charité Chrétienne de défabufer ceux , "
qui auraient cette créance , par la Déclaration & Certificat , H
qu’ils font par ces Prefentes , que lefdits PP. Jefuites ne font *
affociés en ladite Compagnie de la Nouvelle France , ni dire- “
âement , ni indiredement , & n’ont aucune part au trafic des u
marchandifes , qui s’y fait : en foi dequoi la préfente Déclara- u
tion a été lignée défaits Dire&eurs & Affociés , & fcellée du <v
fceau de ladite Compagnie , le premier jour de Décembre u
1643. de la Ferte’ , Abbé de la Magdeleine ; Margonet , *
Berruyer , Robineau j Sabouet , Berruyer , Ver- «
dier , Fleuriau , Caset , Bourguet , & Clarentin. *
Scellée d’un cachet ; collationnée à l’Original par un Confeiller, u
Secrétaire du Roy , Maifon & Couronne de France. Jolly. u
Cet Ecrit eut ion effet parmi ceux , qui n’avoient befoin que
d’être détrompés , & ce ne fut pas fans quelque forte d’indigna¬
tion de leur part , qu’on vit quelque tems après les Jefuites du
Canada , fi révérés dans l’Ancienne & la Nouvelle France, faire
dans les Lettres Provinciales le perfonnage de Commerçans ;
mais leur juftification furent les nouvelles confecutives ,
qu’on reçut les années fuivantes , & qui apprirent que , tandis
qu’on les dénigrait ainfi dans leur Patrie , tous fans exception
s’expofoient avec un courage digne de leur vocation aux bû¬
chers & à toutes les horreurs de la captivité ; que plufieurs
avoient déjà péri par le fer & par le feu des Iroquois ; que d’au¬
tres languiffoient dans les fers , & que les places de ceux , qui
avoient été les viêlimes de leur zélé , étoient aufîitôt remplies
par leurs Freres , qu’un pareil fort avoit rendu jaloux de leurs
fouffrances. En voici la première preuve.
Il y avoit trois années entières , que les Millionnaires des
Hurons n’avoient reçu aucun fecours de Quebec , de forte que
leurs habits tomboient en pièces , que le vin ayant manqué
pour les Meffes , ils étoient contraints d’aller chercher dans les
Bois des raifins Sauvages , pour y fuppléer , & que faute de
pain ils étoient fur le point de ne pouvoir plus célébrer. On
n’ignoroit point cette extrémité dans la Capitale , mais il n’é-
toit pas facile d’y apporter remède. Enfin quelques Hurons
s’étant expofés pendant l’hyver à faire fur les glaces le voyage
de Quebec , on les chargea à leur départ de Quebec de toutes
les chofes , dont leurs Miffionnaires avoient befoin. On fou-
haitoit fort que quelque Jefuite les accompagnât , d’autant plus
Tome /. R k
- qu’outre le P. Jogues , qui n’étoit point encore revenu de
i 6 4 4- ïLnce le P. Davoft étoit hors de combat , & mourut peu
de teins’ après; mais le Supérieur Général n’ofo.t propofer à
perfonne une commiffion , dont il connoiffoit tout le danger.
Le P. François Jofeph Bressani , Jefuite Romain , a qur
l’on avoir prédit en France tout ce qui lui eft arrive en Amé¬
rique & dont cette prédiftion n’avoit tait qu accroître le cou¬
rage , n’eut pas plutôt appris l’embarras ou eto.t ton Supé¬
rieur, qu’il s’offrit à conduire le Convoi & fon offre fut accep¬
tée. Il s’embarqua vers la fin d’ Avril 1 644. avec un jeune Fran¬
çois & fix Hurons , parmi lefquels il y en avoir deux , qui s e-
toient récemment fauvés des mains deslroquois. Leur voyage
fut affez heureux jufqu’aux Trois Rivières ; mais un accident
qui les arrêta tout un jour à 1 entree du Lac de S. Pierre , lesli
vra à leurs Ennemis. Le Canot , où éto.t le Millionnaire , fit
naufrage : la nuit fuivante il tomba beaucoup de neige , ce qui
retarda encore les Voyageurs, dont quelques-uns ayant im¬
prudemment tiré fur des Outardes , les firent découvrir par un.
Parti d’Iroquois. , qui n’étoit pas. loin , & qui leur dreffa une.
emLetourfuivant le P. Breffani doublant une pointe , fe trou¬
va tout-à-coup entre trois Canots ennemis ; la partie etoit trop*
inégale , & il n’y eut point de combat. Les deux autres Ca¬
nots Hurons , qui fuivoient , voyant le Millionnaire pris, fi¬
rent force d’avirons pour fe fauver , mais deux Canots lro-
quois , plus forts de monde les attendoient dernere une autre
pointe f & les arrêtèrent. Les Chrétiens quoiquils ne fuffent
que deux dans chaque Canot , & fort embarraffes de bagages ».
voulurent fe défendre ; un des plus braves coucha en joue un
Iroquois , mais il fut prévenu par un autre , qui le jetta roide
mort dans fon Canot. Il n’en fallut pas davantage pour faire
tomber les armes des-mains de fon Camarade , & de ceux ,
qui étoient dans l’autre Canot. Ils furent pris & lies dans le
moment. ... . , • „ j
Les Iroquois longèrent enfuite a partager le butin ; car -
puis qu’ils laifoient la guerre aux François , ou plutôt depuis
H
I S T O I R E G EN E R A L E
Le P. Breffa¬
ni s’expofe à
un grand dan
Scr-
lî eft pris par
les Iroquois. .
— " - . - j
rayant , ae ia gloire de vaincre , &: iefperance -
bien autant de part à leurs courfes , que le de ir^ e e g
de leurs Ennemis ; d’ailleurs ils commençoient a comprend»
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VL i59
le b e foin , qu’ils avaient des Hollandais leurs voifins , & les ~7 - -
dépouilles , qu’ils enlevoient à leurs Ennemis , leur fervoient à 1 6 4 4'
tirer de la Nouvelle Belgique les munitions néceffaires pour
continuer la guerre. r
j Le partage fait , ces Barbares mirent en pièces le corps du Ce qu’il eue
rîuiOii , qui avoit ete tue , le nient Bouillir « &r le mangèrent. a â^uffrirpen-
j Ils reprirent enfui te fort joyeux le chemin de leur Villape , em- fa cafci~
menant leurs Prifonniers , qu’ils laifferent prefque mourir de ^
faim pendant le voyage , & qu’ils obligèrent néanmoins de
nager fans ceffe. Comme on approchoit du terme, on rencon¬
tra des Pécheurs , aufquels on abandonna quelque tenis les
Captifs ; ils les reçurent avec une rude baftonnade" , & les Mu¬
rons en fui ent quittes pour cela , mais le Millionnaire eut en¬
core la main gauche fendue entre les deux derniers doits. Dès
qu’il fut arrivé au premier Village du Canton d’Agnier , on lui
Et des maux horribles ; il tomba enfin fans mouvement & fans
connoiffance , & pour le faire revenir , on lui coupa le poulce
de la main gauche , & deux doigts de la droitte.
Un orage , qui furvint alors , écarta tout le monde, & le
Millionnaire demeura feul , étendu fur une efpéce de théâtre
fans pouvoir fe relever , & perdant beaucoup de fang. Le foir
on le porta dans une Cabanne , où on lui brûla les ongles &
on lui difloqua les pieds , & où livré fans ménagement à une
5 îeupeffe petulente & feroce , il fut ralfafié d’opprobres , &; trait-
te de la maniéré la plus barbare. On le laiffa enfuite , après lui
avoir jette de la fiente dans la bouche. Le lendemain on re¬
commença , & on enchérit encore fur ce qu’on lui avoit fait
lounrir la veille. On en vint à cet excès d’inhumanité , que de
donner a manger aux chiens fur fon ventre , afin que ces ani¬
maux toujours affamés le déchiraffent , comme ils firent en plu¬
sieurs endroits. r
Au bout de quelques jours , fon corps n’étant plus qu’une
playe , ou les vers fourmilloient de toutes parts , il devint fi
r. • T16 Perl"onne. n’en pouvoitplus Emporter l’odeur. Il
loufiroit des douleurs inexprimables , furtout à une cuiffe , où il
setoit forme une apoftume , de forte qu’il ne pouvoit goûter *
un moment de fommeil. La Providence lui fit trouver un re-
mede a ce mal dans la cruauté de fes Bourreaux : un de ces Bar¬
bares voulant lui faire une nouvelle playe , lui donna un coup
de couteau dans l’apoflume , & la fit crever. Il ne refioit plus
que le dernier aàe de cette tragédie , & tout paroiffoit s’y dif-
i 64 5-
Il eft <îéli-
vré , & palTe
en France.
- HISTOIRE GENERALE
Cette feule penfée caufoit au Prifonnier un faififfement ,
Sm alioit quelquefois jufqu a lui ôter le fentiment de fes maux.
q Honteux de fe trouver encore fi foible , il eut recours a la
Prkre & conjura le Seigneur d’être fa force Se fon fout, en ,
furtout de lie pas permettre qu’il deshonnorat par une lachete
fa Rel Lion &l’augufte Miniftere , qu’il étoit venu exercer de
filofn il aperçut ëdans ce moment des Vieillards , qu. foncent
i Confeif où l’on avoit délibéré de fon fort , & bientôt apres
t yintlui annoncer que la réfolution étoit pnfe.de ne : le t pas
faire mourir. Il ne s’attendoit a rien moins , qu a cette nou-
taire mourir, n f 1U1 , Vu letat
vèlle m& tout le monde en fut auffi furpris que lui , vû l’état
oi. on l'avoit n.dnio C«-™ , V]
S
afFrpiiY où on i avoit reuun. ? i • r •
fié au Confeil , ne pouvoient comprendre ce qui leur avoit fait
Pr Le faint ëomme en rendit grâces à celui , qui tourne les
cœurs , comme il lui plaît , & s’humilia en fa prelence , fe «>n-
feffant indigne de la grâce du Martyre. Il fut donne a une Ma¬
trone quiSle traitta fort humainement ; mais la puanteur , que
fon corps exhaloit , le rendant mfupportable a toute la Ca¬
bale P& n’y ayant nulle apparence , que mutile comme il
banne , oc y y £tat de rendre aucun fervice , fa
MaitrefleLe fit conduire à la plus prochaine Habitation des Hol-
landofs nour le vendre , fi e^le trouver quelqu’un , qui voulut
l’acheter II y fut très-bien reçu , on fatisfit les Sauvages , on e
fif nanfer avefo foin , & dès qu’il fut en état de fouffnr le voia-
ge ^Lnle mftforùn V ailfeau , qui. le débarqua vers la fin de
,ft , ^pZteviu aRu0xÎoqLois , quelque déterminés , que paruf-
ùoT:tuct jLLs Barbares à pofofer la guerre à toute outrance con^
Ionie. „ous auffi.bien que contre nos Allies , ils ne laiffoient pou
mt nas de montrer de tems en tems quelque inclination a ja
paixPLe Chevalier de Montmagny la defiroit avec ardeur’
n^rce nu’il ne fe voyoit pas en état de foutemr la guene , & p
ce quen lafaifant même avec avantage , il n y -trou Y01?
magner S’il lui avoit été du moins poffible de cacher fa foib
fut Ennemis , il auroit pu profiter de
ionaure, pour faire un accommodement , qui lauvat l ùo
neur de la Nation ; mais cette r-elfource lui manquoit 5 &
lroquols en vinrent enfin fe vnn.e, h»..».», ,«*
obligeraient bientôt les h rançois a repaffer la Mer- , ,
Amfi , tout convaincu , qu’étoit le Gouverneur que le moien
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VL 261
de défarmer ces Barbares n’étoit pas de les rechercher , il ne fe
trouva jamais en fituation de le prendre avec eux fur le ton ,
qui feul auroit pu les contenir dans une exa£Ie neutralité à no¬
tre égard. Réduit donc à faire des démarches peu féantes à fon
cara&ere , il cherchoit , ne pouvant mieux faire , à les couvrir
de quelque prétexte honnête , & au hazard d’être la dupe des
avances feintes d’un Ennemi également rufé & féroce, il faifoit
femblant de les croire finceres * dans la vûë d’en tirer parti ,
foit pour procurer la liberté à quelque Captif, foit pour faire
p aller plus librement quelque Convoi , & jie pas voir ruiner
abfolument le commerce ; foit enfin pour gagner quelques
mois de trêve , qui lui donnât le moyen de refpirer un peu.
Quelque tems après laprife du P. Brelfani , M. de Champ-
flour , Gouverneur des Trois Rivières , lui manda que des Hu-
rons venoient d’arriver dans fon Polie avec trois Prifonniers
Iroquois , qu’ils en avoient cédé un aux Algonquins , & qu’il
avoit obtenu de ceux-ci , quoiqu’avec bien de la peine , qu’ils
ne feroient point mourir leur Captif, avant que d’avoir reçu
de fes nouvelles. Sur cet avis le Général monta aux Trois Ri¬
vières , alfembla les Principaux des deux Nations , & leur dit
que s’ils vouloient lui 1 aider la difpofition de leurs Prifonniers ,
il efperoit de s’en fervir pour établir une paix durable entre
eux & les Iroquois.
Il leur fit voir enfuite les marchand] fes , dont il comptoir
bien de payer la complaisance , qu’ils auroient pour lui ; & il
ajoûta que pour ne pas s’expofer à être trompé par leurs En¬
nemis communs , il ne renverrait d’abord qu’un de ces Captifs ,
Sz qu’il ferait avertir en même tems les Cantons , que s’ils vou¬
loient fauver la vie aux deux autres , il fallait qu’ils lui envoi af-
fent au plûtôt des Députés , chargés de pleins pouvoirs pour
traitter d’un accommodement , qui rétablît la tranquillité dans
le Pays. Dès qu’il eut ceffé de parler, un Capitaine Algon¬
quin fe leva , & prenant par la main le Prifonnier , qui avoir
été donné à fa Nation , le lui prefenta , en difant qu’il ne pou¬
voir rien refufer à fon Pere : que s’il acceptoit fes préfens , c’é-
toit uniquement pour avoir de quoi effuyer les larmes d’une Fa¬
mille , où ce Captif devoir remplacer un mort : qu’au refie il
feroit charmé qu’on pût faire, la paix , mais que la chofe lui
paroiffoit bien difficile.
Le Gouverneur fe tourna enfuite vers les Hurons , pour
avoir auffi leur réponfe ; mais un d’eux prenant la parole, lui dit
1644.
Le Gouver¬
neur Général
tâche de faire
la paix avec
les Iroquois.
Ce qui Ce
p.afle entre lui
i 6 4 4*
5c les Hurons
à ce fujet.
z6i HISTOIRE GENERALE
fièrement qu’il étoit Guerrier , & non point Marchand , qu’il
n etoit point forti de fa Bourgade pour trafiquer ; mais pour
faire la guerre ; que fes étofes & fes chaudières ne le tentoient
point; que s’il avoit tant d’envie de fes Pnfonniers ,il pou-
voit les prendre , qu’il fçauroit bien en aller faire d autres ,
ou périr à la peine ; que fi ce malheur lui arrivoit , il auroit
du moins la confolation de mourir en Homme ; mais que fa
Nation diroit qu’Ononthio auroit été caufe de fa mort. Cette
réponfe embarraffa le Gouverneur Général , mais un autre Hu-
ron , qui étoit Chrétien le tira bientôt d’inquiétude.
v> Ononthio , lui dit-il , que le difcours de mon Frere ne
findifpofe pas contre nous : fi nous ne pouvons nous réfou¬
dre à te remettre nos Prifonniers , c’eft par des railons , que
tu ne défaprouveras point. Nous nous perdrions d’honneur ,
fi nous le faifions ; tu ne vois parmi nous aucun Ancien ; de
jeunes gens , tels que nous fournies , ne font pas maîtres de
leurs avions , & des Guerriers feroient déshonnorés , fi , au
lieu de retourner chez eux avec des Captifs , ils y paroilfoient
avec des marchandées. Toi-même, mon Pere , que dirois-tu
à tes Soldats , fi tu les voyois revenir de la guerre en équi¬
page de Marchands ? Le feul defir , que tu fais paroître d’a¬
voir nos Efclaves , pourroit leur tenir lieu de rançon ; mais
ce n’eftpasà nous , qu’il appartient d’en difpofer. Nos Freres
les Algonquins ont pu faire ce que tu fouhaitois d’eux , parce
que ce font des Anciens, qui n’ont à répondre à perfonne de
leur conduite ; n’étant pas retenus par les mêmes motifs que
nous , ils n’auroient pu honnêtement te refufer une chofe de fi
peu de conféquence. Nos Anciens , quand ils fçauront tes in¬
tentions , en uferont fans doute de même. Nous délirons tous
la paix , nous entrons dans tes vûës , nous les avons même pré¬
venues , car nous n avons fait aucun mal a nos Pi ifonmei s ,
nous les avons traitté comme devant être bientôt nos amis ;
mais il ne nous convient point de prévenir le confentement de
nos Vieillards , ni de les priver d’une fi belle occafion de mon¬
trer à notre Pere combien ils refpe&ent fes volontés .
» Une autre raifon nous retient encore , & je m’affûre
qu’elle ne te paroîtra pas moins légitimé que. la première. Nous
fç avons que le Fleuve eft* couvert de nos Ennemis ; fi nous en
rencontrons , qui foient plus forts que nous , de quoi nous fer-
viront tes préfens , qu’à nous embarralfer , & a les animer da-
vantage au combat , pour profiter de nos dépouillés ? Mais s ils
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DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. 263
voyent parmi nous de leurs Freres , qui leur témoignent que
nous voulons la paix , qu’Ononthio veut être le Pere de toutes
les Nations , qu’il ne peut plus fouffrir que fes Enfans , qu’il
porte tous également dans fon fein , continuent à s’entre-dé¬
chirer , les armes leur tomberont des mains , nos Prifonniers
nous fauverontla vie , & ils travailleront bien plus efficace¬
ment à la paix , que fl on fe preffoit trop de leur rendre la li¬
berté. »
M. de Montmagny n’eut rien à répliquer à un difcoursfi
mefuré & fi judicieux : il trouvoit même un grand avantage à
laiffer faire les premières avances pour la paix aux Hurons ,
& il n’omit rien pour les y engager. Il répondit donc à celui ,
qui venoit de lui parler avec tant de fageffe qu’il approuvoit
fort fes raifons , & qu’après tout la paix étoit beaucoup plus
leur affaire 9 que la ùenne. Cependant avant fçu que le P. de
Brebeuf vouloit profiter de cette occanon pour retourner à
fon Eglife , dont les befoins preffans Favoient obligé de defcen-
dre à Quebec , & où il menoit deux nouveaux Ouvriers , il
jugea à propos , pour ne les point laiffer expofés aux malheurs
arrivés aux PP. Jogues & Breffani, & il leur donna une Efcorte
capable de les garantir de toute infulte-
Ils firent en effet le voyage fans aucun accident , & à leur
arrivée aux Hurons , il fut refolu dans un Confeil Général de
renvoyer les deux Prifonniers Iroquois au Chevalier de Mont¬
magny. Ce Gouverneur avoit déjà donné la liberté à celui ,
que les Algonquins lui avoient remis , & les Cantons , pour
montrer combien ils étoient difpofés à la paix , lui avoient ren¬
voyé Couture , ce jeune François , qui s’étoit laiffé prendre
avec le P. Jogues. Il avoit été accompagné par le même Pri-
fonnier Iroquois , dont je viens de parler , & par des Députés
des Cantons , munis de pleins pouvoirs , tels , que le Gouver¬
neur Général les avoit demandés.
Sitôt qu’on eut appris i’arrivée des uns & des autres aux Trois
Rivières , M. de Montmagny s’y rendit avec le P. Vimond ,
& après les avoir bien rega lés , il leur marqua le jour , auquel il
leur donnerait Audience. Ce jour venu , le Général parut dans
la Place du Fort des Trois Rivières , qu’il avoit fait couvrir de
voiles de Barques , il étoit affis dans un Fauteuil , ayant à fes
côtés M. de Champflour & le P. Vimond , & fur les ailes plu-
fieurs Officiers , & les principaux Habitans de la Colonie. Les
Députés Iroquois , au nombre de cinq, étoient à fes pieds, affis
“ 1644.
«
Les Hâtons
s’engagent à
traiter de la
paix.
Les Iroquois
femblent s’y
prêter de bon¬
ne grâce.
1645.
Audîencepu-
blique , qu’on
leur donne , &:
ce qui s?y paf-
fe.
, HISTOIRE GENERALE
fur une natte ; ils avoient choifi cette place, pour marquer plus
de refpea à Ononthio , qu’ils n appelèrent jamais autrement
^ Les Algonquins , les Montagnez , les Attikamegues , & qnd-
ques autres Sauvages de la même langue etoient vis-a-vis ; , &
les Hurons demeurèrent mêlés avec les François. Tout le mi¬
lieu de la Place étoit vuide , afin qu’on put faire les évolution
fans embarras ; car ces fortes d’aûions font des e^Pec®s^ “ *
médies oùl’on dit , & l’on exprime par des geftes & des ma¬
niérés aifez bouffonnes des chofes très-fenfées. Dans les Nations
Occidentales l’ufage efl de planter au milieu un grand Calu¬
met , ce qui s’ell auffi. quelquefois pratique parmi les autres;
car depuis qu’à notre occafion tous ces Peup es ont eu plus d af¬
faires a démêler entr’eux , ils ont emprunte les uns des autres
plufieurs ufages , & furtout celui du.Ca lumet , dont ils fe fer¬
vent aujourd’hui communément dans leurs Traîtres.
Leslroquois avoient apporté dix-fept Coliers , qui et
autant de paroles , c’eft-à-dire , de profitions , qu ils avoient
à faire ; & pour les expofer à la vûe de tout le monde , a mefu-
re qu’ils les expliqueraient , ils avoient fait planter deux pic-
quets , & tendre une corde de traverfe , fur laquelle ils devoient
ils fufpendre. Chacun étant place fuivant 1 ordre , que ) ai dit ,
l’Orateur des Cantons fe leva, prit un Collier , & le prefen
tan? au Gouverneur Général , il lui dit: « Ononthio , prête lo-
„ reille à nia voix , tous les Iroquois parlent par ma bouche • mo
„ cœur n’a point de mauvais fentimens , toutes mes intenuo
,, font droites. Nous voulons oublier toutes nos chanfons de
« guerre , & leur fubftituer des chants d a legreffe Atiffitot il fe
Lit à chanter , fes Collègues marquant la mefure avec! leur he ,
qu’ils tiraient en cadence du fond de leur poitrine ,
chantant il fe promenoir à grands pas , & gefticuloit d une ma-
111 ifregard^fou vent le Soleil , il fe frottoit les bras , comme
pour fe préparer à la lutte ; enfin il reprit un air plus cpmpole ,
& continua ainfifon difcours. „Lc Collier , que je teprefente,
mon Pere , te remercie d’avoir donne la vie a mon Frere ,
retiré de la dent de l’Algonquin ; mais comment as-tu |U
le laiffer partir feul ? Si fon Canot eut tourne , qui eut a.de a
le relever ? S’il fe fût noyé , ou qu il eut péri par quelque au tr
’ accident , tu n’aurois aucune nouvelle de la paix , &peuf
„ euffes-tu rejette fur nous une faute , que tu n aurais P
DE LA NOUVELLE FRANCE. Civ. VI. 265
ter qu’à toi ». En achevant ces mots , ilfufpendit fon Collier fur «
la corde ,' en prit un autre , & après l’avoir attaché au bras
de Couture , il fe tourna de nouveau vers le Gouverneur , &
lui dit :
* Mon Pere , ce Collier te ramene ton Sujet ; mais je me “
fuis bien gardé de lui dire ; mon Neveu ,-prens un Canot , & “
retourne dans ton Pays. Je n’aurois jamais ‘été tranquille juf- “
qu’à ce que j’eulfe appris des nouvelles certaines de fon arri- <v
vée. Mon Frere , que tu nous as renvoyé , a beaucoup fouf- “
fert , & couru bien des rifques ; il lui falloit porter feul fon pac-
quet , nager toute la journée , traîner fon Canot dans les R a- «
pides , être toujours en garde contre les furprifes ». L’Orateur
accompagnoit ce difcours de gefies très-expreffifs : on s’imagi-
noit voir un Homme , tantôt conduire fon Canot avec la per^
che , ce qu’on appelle picquer de fond , tantôt parer une vague
avec fon aviron ; quelquefois il paroilïbit hors d’haleine ,*puis
il reprenoit courage , & demeuroit quelque tems allez tran¬
quille.
Il faifoit enfuite femblant de heurter du peid contre une pierre,
en portant fon bagage , puis il marchoit en clopinant, comme
s’il le fût blellé : “ Encore ? s’écria-t-il après tout ce manège, fi {<
on l’eût aidé à p aller les endroits les plus difficiles. En vérité , K<
mon Pere , je ne fçai , où étoitton efprit , de renvoyer ainfi un <v
de tes Enfans , tout feul & fans fecours. Je n’ai pas fait de même “
à l’égard de Couture , je lui ai dit : Allons , mon Neveu , fuis- *
moi , je veux te rendre à ta Famille au péril de ma vie ». Les
autres Colliers avoient raport à la paix , dont la conclufion
etoit le fujet d'e cette Ambalfade , chacun avoit fa lignifica¬
tion particulière & l’Orateur les expliqua d’une maniéré auffi
graphique , qu’il avoit fait les deux premiers.
Lun applanilfoit les chemins , l’autre rendoit la Riviere cal¬
me , un autre enterroit les haches ; il y en avoit pour faire en¬
tendre qu on fe vifiteroit déformais fans crainte & fans défian¬
ce ; les teftins , qu’on fe feroit mutuellement ; l’alliance entre
toutes les Nations ; Je deffein , qu’on avoit toujours eu de ra¬
mener les PP. Jogues & Brelfani ; l’impatience, où l’on étoit
de les revoit; l’accueil, qu’on fe préparoit à leur faire ; les re-
mercimens pour la délivrance des trois derniers Captifs Iro-
quois : chacun de ces articles étoit exprimé par un Collier,
& quand l’Orateur n’eût point parlé , fon aHion auroit rendu
fenfibie tout ce qu’il vouloit dire. Ce qui furprit davantage ,
Tome L El
i 6 4 5 •
Réponfe du
Gouverneur
Générai.
»
»
x(S6 HISTOIRE generale
c’eft qu’il joua fon perfonnage pendant trois heures , fans en
naroître plus échauffé : il fut encore le premier a donner le
Lanlle pour une efpéce de fête , qui termina la feance , & qut
fe oaffa en chants , en danfes , & en teitms. ,
~ Leux jours après le Chevalier de Montmagny répondit aux.
profitions des Iroquois ; car jamais on ne fart reponfe e me¬
me lour. L’Affemblée futaufli nombreufe cette fécondé fois, que
la première , & le Gouverneur Général fit autant de prefens ,
quLavo.t reçu de Colliers. Ce fut Couture , qui porta k^a-
role , & il parla en Iroquois ; mais fans gefticuler & ^
interrompre fon difcours ; au contraire il afiefla t g »
qui convenoit à celui , dont il éto.t l’ interprète. Quand >1 L eut
2ni , PKSkARET , Chef Algonquin , fe leva, & fit P
fent • « Voilà , dit-il , une pierre , que je mets lur la tepul
ture de ceux , qui font morts pendant la guerre , afin que per
„ fonnene* avifeValler remuer leurs os ,& qu’on ne fonge point
,, à les venger ». Ce Capitaine étoit un des plus braves Hommes ,
qufon aitlû en CanaSa , & on raconte des chofes prefque in-
croyables de fa valeur. , c ]inp
Negabamat , Chef des Montagnez , prefen ta emmte uw
ueau d’Elan , & dit que c’etoit pour faire des fouliers aux
pûtes Iroquois , de peur qu’ils ne fe bleffaffent les pieds en re-
tournant^hez eux.PLes autres Nations m gèrent point ap-
paremment , parce qu’elles n’avoient ni Chefs , nl Orat®urs‘
feance finit par trois coups de canon , & le Gouverneur fit di e
aux Sauvages, que c’étoit pour porter par toutles nouvelles de a
paix. Le Supérieur des Jefuites regala auffi les Amballadeur ,
qui lui dirent les plus belles chofes du monde . La bonne che
rend ces Gens-làfort éloquens , & il n’eft point d eloge , a uo
on ne doive s’attendre , quand on leur donne un bon repas ,
eft vrai que ces louanges ne doivent pas fe pren Lettre
la lettre ; mais elles coûtent peu , car il ne faut pas
beaucoup en frais pour contenter des Gens , a qui tout e
La paix eft ^Le Lendemain les Députés reprirent la route de leur Pays,
ratifiée par les Deux François , deux Hurons, & deux Algonquins s i
C2at°“- querent avec eux , & trois Iroquois demeurèrent p otage dans
l‘a Colonie. Le Traité fut ratifié parle Canton d Agme. - , le
feul , qui eût encore été en guerre ouverte contre nous , les de
François & les quatre Sauvages revinrent au tems , qui «
avoit été marqué , c’eft-à-dire , a la mi-Septembre ; s rapp
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. 267
terent que tous les Iroquois demandoient des Millionnaires , ~7~~~
que les Hurons 8c les Algonquins de Fille avoient aufïi accédé. 1 6 4 ^
au Traité, 8c que tout paroiffoit calme.
Le P. Breffani arriva fur ces entrefaites à Quebec , & à Le p- Bref-
peine avoit-il pris quelques jours pour fe délaffer , qu’il partit fani retourne
avec le P. Poncet pour retourner aux Hurons. Il témoigna en ^ Hur°nS'
partant que , fi on accordoit des Millionnaires aux Iroquois , il
defiroit fort être du nombre de ceux , qu’on y deftineroit. Il’ fît
même une quête pour fes Bourreaux, afin de leur apprendre de
quelle manière la Religion Chrétienne enfeigne à fe venger :
lentiment bien digne d’un Homme Apoftolique , 8c d’un Con-
felfeur de Jesus-Christ ; mais dont ces Barbares n’étoient
point capables de connoître la noblelfe , 8c dont ils ne profi¬
tèrent point.
L’hyver fuivant on vit ce qu’on n’avoit point encore vu de¬
puis l’arrivée des François en Canada , les Iroquois , les Hu¬
rons , 8c les Algonquins mêlés enfemble chaffer aufïi paisible¬
ment , que s’ils avoient été d’une même Nation. A la faveur
de cette bonne intelligence les Millionnaires des Hurons reçu¬
rent tous les fecours , dont ils avoient été fi lontems privés ,
firent en toute sûreté leurs courfes Apoftoliqües , 8c recueilli¬
rent avec joye ce qu’ils avoient femé en l’arrofant de leurs lar¬
mes ; mais ces beaux jours durèrent peu , 8c il femble que ce
calme ne leur eût ete accorde , que pour leur donner le tems
de reprendre haleine , & de fe difpofer à de nouveaux com¬
bats.
Au commencement de cette même année 1 646 . la Nouvelle Mort d« PP»
France perdit deux de fes premiers Millionnaires. Le P. Ene- S^IndA „
mond Malle mourut a Sylleri dans 1 exercice d’un zélé, que rien de Noue,
ne rebuta jamais , & qui foûtenu d’un grand talent , fut tou- 1646.
jours tres-fruRueux. Il n etoit pas encore dans un âge fort
avancé ; mais fes voyages 8c fes -travaux l’a voient extrêmement
ule. Le P. Anne de Noue le fuivit de près. Il étoit parti des
1 rois Kmeres le trentième de Janvier pour aller confeffer la
j ai ni;?n ^ort de Richelieu , & la diipofer à célébrer la Fête
de la Chandeleur, il s’écarta de deux Soldats 8c d’un Huron, qui
accompagnoient , parce qu’il voulut prendre les devants ; mais
ils s egara , & ne put jamais reconnoître fon chemin , 8c le jour
meme de la Fête on le trouva à genoux, mort de froid au milieu
de la neige.
On porta fon corps aux Trois Rivières , où il étoit en grande
L 1 ij
646»
Les Sokokis
tâchent de
rompre la
P&LX»-
Les Iroquois
ïa ratifient de
nouveau..
/q HISTOIRE generale
, , , ■ c pç nVjféaues v furent célébrées avec tout
Appareil poffiblê : mais on lui adreffa beaucoup plus de vœux
S ne Fui donna de prières Plufieurs meme ont affure qu d
ne leur avoit pas été poffible de prier pour lui. D autres , a la
ÎB d“ fo» c„%. C. l>«f ‘ d'“2'SeS.“. JÏ
puiUontems ; de forte au on peut dire que |s ^s prophet^
:Pmort dans
16 Cepeniï
sXagesqdee ^oifvo^ge^
Ee£€=’e
àraôLbbTeud,eoù leTanmourut & la femme guérit Aous
les foupçons tombèrent d’abord fur 0^0^ mais on^^
"Çls émmmaCef les Algonquins avoient mis tout
en œuv?F pour détourner les Iroquois de faire 1 1 pa x vec
eux , & n’en ayant pu venir a bout , cùercnoient
m0éeTacciJL3ree'nt donc point de fuite ; au con^k
Traité de l’année précédente fut ratifie
putés, qui étoient venus pleurer les PP. Mal ,. j
& couvrir ces deux illuftres Défunts , c eft-a-d refaire a ux Je
fuiFes des complimens & des préfens au fujet de a -o de leurs
Confrères. Mais comme on navoit négocié directe q
vec le Canton d’Agnier , ces Députés donnèrent avis au Gou¬
verneur Général d! fe tenir en garde contre les autres, ju -
qu’à ce qu’lis euffent été compris nommément dans le Tra ,
% qui feroit déjà fait, ajoutèrent-, 1s , fi Ononthio avo.t eu
l’attention de les prévenir , en rendant la libeite a q q
uns des leurs , que nos Alliés retenoient Captits.
Il y a bien de l’apparence que M. de Montmagny ne v ^
lut pas qu’il tînt à fi peu de cliofes pour a urer iutmojres..
de la Colonie ; mais je n’en trouve rien dans mes Me a
:ues>
aux;
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VL 269
Nous verrons même bientôt les quatre Cantons foufler de 1$4$
nouveau le feu de la difcorde , &.en embrafer tout le Cana- 4
da. Ce qui efb certain , c’efl qu’on prit alors les mefures les
plus fages pour conferver du moins les Agniers dans notre al¬
liance , &pour gagner ce Canton à Jesus-Christ.
Le P. Jogues y avoit fémé le grain de la parole pendant fa LeP'.Jog
captivité ; il en fçavoit la Langue ; il fouhaittoit avec ardeur fait deux
de profiter de la paix, pour y prêcher publiquement l’Evangile ; J°yaêc.s :
& il obtint fans peine la permifïion d’accompagner les derniers roquoISl
Députés , lorfqu’ils s’en retournèrent chez eux ; mais le Gou¬
verneur Général exigea de lui qu’après qu’011 auroit réufîi à
comprendre tous les Cantons dans le Traité , il re viendrait
lui rendre compte des difpofitions , où il auroit trouvé toute la
Nation Iroquoife, Je trouve même dans quelques Mémoires
que les Algonquins jugèrent que dans ce premier voyage le
Millionnaire ne devoit point paraître avec fon habit , ni parler
de Religion , & que leur avis fut fuivi.
Quoiqu’il en foit , le Serviteur de Dieu s’embarqua le fei-
ziéme de May , accompagné du Sieur Bourdon , un des prin¬
cipaux Habitans’ de Quebec , & deux Algonquins les fuivi-
rent dans un autre Canot chargé de préfens pour diflribuer dans
les Cantons Iroquois au nom de leur Nation. Le cinquième de
Juin ils arrivèrent à la première Bourgade des Agniers , où ils
furent reçus avec de grandes démonflrations d’une amitié fin-
cére : le P. Jogues y fut reconnu par quelques-uns de ceux ,
qui l’av oient le plus maltraitté , & qui lui firent mille careffes*
Je ne fçai pas ce qui arriva enfuite ; mais il eft certain que ce
Millionnaire ne palfa point le Canton d’Agnier , & qu’il y laiffa
fon cofre , en difant qu’il y vouloit fixer fa demeure , & qu’il ne
tarderait pas à revenir.
Il reprit enfuite la route du Fort de Richelieu , où il arriva
le vintfept du même mois. Il y rencontra M. de Montmagny ,
auquel il affûta qu’on pou voit* compter fur les Agniers ; mais
il efl à croire que ce Gouverneur ne fit pas plus de fond , qu’il
ne devoit, fur fon témoignage : il étoit trop éclairé pour 11e pas
comprendre qu’un Religieux dans la difpofition , où étoit le
P. Jogues , voyoit dans ces Sauvages tout ce qu’il fouhaitoit
d’y voir , & n’avoit point d’autres raifons pour les croire fin-
cérement revenus à notre égard , que l’extrême pafîion , & l’ef-
perance d’en faire des Chrétiens. Toutefois quelque répugnan¬
ce qu’il eût à expofer au caprice d’un Peuple inconfiant , uni
i 6 46*
Les hoftilités
recommen¬
cent entre les
Jrocjuois & les
Huions.
Etendue &
du
Pays des Iio-
quois.
jituation
Origine de
leur nom.
270 histoire generale
Homme qui en avoit été trop maltraité , pour en être jamais
regardé de bon œil , il confentit qu’il dégageât fa parole. _
Le Serviteur de Dieu au comble de fes vœux , & s imagi¬
nant déjà voir les Iroquois fe préfenter en foule pour etre inf-
truits de nos Myfteres , partit le vintquameme de Septembre ,
accompagné de quelques Sauvages & d’un François. On apprit
peu detems après que les hoftilités avoient recommence entre
les Iroquois Supérieurs , & les Hurons. On appelle Iroquois
Supérieurs les quatre Cantons , qui n avoient pas ete compris
dans le Traité de paix ; les Iroquois Inferieurs font les feuls
Agniers, quelques -uns y joignent le Canton d O nneyouth ,
mais pour bien entendre ce que nous avons a dire de cette ; Na¬
tion , qui a tant de part à l’Hiftoire , quej’ecris , il eft neceffaire
de bien connoître la fituation & la nature du Pays , qu elle occu¬
pe , & les cinq Cantons , qui la compofent. , ,,,
Le Pays des Iroquois s’étend entre les 41. & 44- degres de-
lévation du Pôle , environ foixante & dix , ou quatre-vint
lieues de l’Orient à l’Occident , depuis le haut de la Riviere ,
oui a porté fuccefïivement leur nom , celui de Richelieu , & ce¬
lui de Sorel , c’eft-à-dire , depuis le Lac du S. Sacrement juf-
ou’à Niagara; & un peu plus de quarante lieues du Septen-
?Hon augMidi ; ou plûtôt de l’Orient d’été au Couchant dhy-
ver , depuis la fource de la petite Riviere des Agniers , juiqu a
POhio. Ainfi il a pour bornes au Midi cette derniere Riviere
& la Penfylvanie , à l’Occident le Lac Ontario ; le Lac Lne
au Couchant d’été ; au Septentrion le Lac du S. Sacrement &
le Fleuve S. Laurent ; enfin la Nouvelle York , partie au Midi,
& partie à l’Orient d’hyver. Il efi: arrofé de plufieurs Riviè¬
res , fon terroir efi: inégal en quelques endroits , mais généra e
ment parlant il efi: très-fertile. « •.
Le Canton d’Agnier eft le plus feptentnonnal de tous , Sc le
plus proche de la Nouvelle York *. ceux d Onneyout ^ n
nantagué (a), de Goyogouin (b) , & de Tfonnouthouan fe m-
vent dans l’ordre , où je viens de les nommer , en : allant tou¬
jours à l’Occident , tirant un peu fur le Couchant dhyver ; oc
c’eft ce qui leur a fait donner le nom de Cantons Supérieurs , a
moins qu’on ne prétende qu’ils ontété ainfi nommes, parce qu on
les rencontre en cet ordre en remontant le Fleuve S. Lauient ,
& le Lac Ontario , que ce Fleuve traverfe. Le nom d Iroquois
eft purement François , & a ete forme du terme uo ,
{a) On prononce Onnontaké. ( b ) Oyogouin.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. z7t
Hero s qui fignifie , J ai dit : & par lequel ces Sauvages finiflent
tous leurs difcours , comme les Latins faifoient autrefois par
leur Dixi j & de Koué , qui eh: un cri , tantôt de trifteffe 5 lorf-
qu on le prononce en traînant , & tantôt de joye, quand on le
prononce plus court. Leur nom propre effc Agonnonfionni , qui
veut dire Faijeurs de Cabannes ; parce qu’ils les bâtihent beau¬
coup plus folides , que la plûpart des autres Sauvages.
, Pans ^ Canton d Agnier , qui , au teins, dont nous parlons ,
etoit le plus peuple de tous , une jolie Riviere ferpente agréa¬
blement l’efpace de fept à huit lieues entre deux belles prairies.
Celui d’Onnontagué a un fort beau Lac, appelle Gannentaha ’
aux environs duquel il y a plufieurs Fontaines falées , & dont
les bords font toujours couverts d’un très-beau fel. Deux lieues
plus loin, en tirant vers le Canton de Goyogouin, on trouve une
fource , dont 1 eau elb blanche comme du lait , d’une odeur très-
forte , & qui étant mife fur le feu , fe réfout en une efpéce de
iei auili^mordicant, que la pierre cauhique. Tout ce canton eh:
charmant , & la terre y eh: propre à tout.
Celui d’Onneyouth fitué entre Agnier & Onnontagué , n’eft
en rien inferieur ni à l’un ni à l’autre ; mais le Canton de Goyo¬
gouin remporte fur tous pour la bonté du terroir , & pour la
douceur du climat : les Habitans s’en repentent même un peu
f ont toujours paru les plus traitables de tous les Iroquois. En-
lin dans la grande étendue du Pays , qu’occupent les Tlon-
nonthouans , il y a des endroits charmans , & généralement
parlant le terrein y eft bon. On y a , dit -on , découvert une
terre , de laquelle , après qu’on l’a bien lavée , on tire un
ouhetres-pur; & dans le même endroit une Fontaine , dont
1 eau , quand elle a bien bouilli , fe convertit auffi en foufre.
Un ajoute que cette eau s’enflamme d’elle-même , quand on
1 agite avec violence {a). Plus loin, en approchant du Pays
des anciens Etiez on voit une eau dormante , épaiffe & hui-
leule , qui prend feu , comme fait l’Eau-de-vie.
J ai parle ailleurs de la Baye des Goyogouins , de celle des
Ifonnonthouans, & du grand Marais, qui eft de ce dernier
Uanton , comme de lieux , qui m’ont paru délicieux. Je puis
ajouter que dans tout le Pays, que j’ai cottoyé depuis la Riviere
Onnontague jufqu’à la Riviere de Niagara, je n’y ai aperçu que
ides terres Ærtilè , bien boifées , & bien arrofées ; à la réferve
de quelques liiieres de fables , qui n’ont point de profondeur ;
( 4 ) 11 y en a une toute femblable à fix lieues de Grenoble.
1 646.
Ce que cbs-
que Canton a
de particulier.
\
1
Des Arbres
fruitiers.
histoire generale
— mais il fe peut faire^ que les endroits , où je n’ai point débarqué ,
^Ins toutedlfé«nduë des cinq Cantons on peut cultiver avec
fuSs" tour nos arbres fruitiers d’Europe ^rs^ tien¬
nent d’eux-mêmes fans culture • , Y font remplies de Châ-
qui nous e“;“Xv°rsde'cLux fortes /les uns portent un fruit
^etfde/ autres eft très-amer } mais en le faifant paf-
fort doux, celui _d*s u une bonne huile par le moyen
fer par es cendres , o maniéré , que nous
du moulin , du feu .& de eau ^ de ^ endroits de é fes
en tirons du lourneioi. uy & F , j ^ fleur
a la couleur d un abricot , g au’une plante:
On y voit un Citronnier fauvage , qui i F , _
feuilles, qui ont ia trgure a u • dont ies pommes
plante eft un f dbve & dont la graine eft une efpéce de
r 1yte eft XnS ; & fort délitât : c’eft un arbre nam,
feve. Ce frmt eltocoin ra , Les Iroquois l’ont tire
ri p{\ odorilerânt, oc rortaenccu. . ^ ^ . ;
i une terle /ralfè & mouillée. Les Iroquois l’ont tire
TU»^*~jss?viz^zx
: plante , qu
au ray, uv-o -- rlk dont les feuilles broyées
* Âf f7 Kf
o- 1* . frites ».”«»»«
Des animaux
8é des dia-
mans.
✓ HW-Ui uv ■»-* j . /
ss ?=*yf«k- *.wg«r SSS
d’autres racines propres a la teintur , 4
font des couleurs très-vives. , i i Tr0.
°u« fe, s™, 1 ^““IVroraï’es m ?» Whf
ssvssfss----. . s ï;
«^«fciafiSESSfc
bec le renverfe mort. Les A [ --r* „ de cou-
coup plus longs que les nôtres : on7 v°‘^ -sg. ils ont la
leur de petit gris , qui ne font po nt mouchetés ,
queue fort longue , & donnent la chaffe aux Pora . ep s-
roquois les tuint plus fouvent fur les arbres , q«iterref t
i DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VL 273
font bons a manger , au jugement même des François , qui en
efiiment la chair autant que celle du Mouton. Quelques - uns
ont le poil rougeâtre , tous lont très-fin , & leurs peaux font
de très-bonnes lourures.
Mais la plus fine Pelleterie de ce Pays efi la peau de l’Ecu¬
reuil noir. Cet animal efi: gros comme un Chat de trois mois ,
d’une grande vivacité 5 fort doux , & très-facile à apprivoifer!
Les Iroquois en font des robes , qu’ils vendent jufqu ’à fept ou
huit pifioles. Les Tourtes font là , comme par tout ailleurs , des
Oifeaux de paflage. Un Millionnaire a obfervé dans un Can¬
ton Iroquois que tous les matins depuis fix heures jufqu’à onze ,
qn voit au-dellus dune gorge de Riviere large d’un quart de
lieue , l’air prefqu’entiérement obfcurci par la quantité de ces
Oileaux , qu enfuite ils vont tous fe jetter dans une grande
Maie , qui en efi: proche, pour s’y baigner: après quoi ils
i difparoiffent. Il ajoûte qu alors on ne voit que des mâles , &
que 1 apres-diner les femelles viennent faire la même manœu¬
vre. Enfin on trouve dans le Pays des Iroquois des pierres ,
qui renferment des diamans , dont quelques-uns font tout tail¬
les , & quelquefois de prix. Je reviens aux nouvelles hofii-
lités , qui rallumèrent en peu de tems un feu , qui avoit tant
coûte a éteindre , ou plutôt , qui n’étoit que caché fous la
Les Irqcjuois furent les aggreffeurs. Une trouppe de leurs Les iroquois
biaves s etoit approchée d’un Village Huron , dans le deffein attaquent un
d y faire des Prifonniers : ils trouvèrent qu’on y étoit fur fes ron„a&e H ^
gardes ; mais ils ne purent fe refoudre aie retirer , fans avoir
rien fait. Ils fe cachèrent dans un Bois , & y p afferent la nuit ,
pendant laquelle un Huron , pofié fur une maniéré de redou¬
te , fit grand bruit pour montrer qu’il ne dormoit pas. Vers
le point du jour il ceffa de crier : aufli-tôt deux Iroquois fe
détachent , & s étant coulés jufqu’au pied de la Paliffade , ils
y emeurent quelque tems pour voir s’ils n’entendront plus
rien. Perfonne ne fouflant , un des deux monte fur la redou-
te , y aperçoit deux Hommes ,, qui dorment profondément ,
donne a 1 un un grand coup de hache fur la tête , leve à l’autre
la chevelure , & s’enfuit.
Le premier mourut fur le champ ; au bruit , que fit le fécond , BeIîf atf ion
tout le Village fut en rumeur. On accourt , on trouve deux rrcis Hu"
Hommes étendus , l’un fans vie , & l’autre perdant tout fon
I iang. La jeuneffe fut à Imitant fur pied , elle fui vit lontems les
l omc 1. \/i _
I dqd-
H I S T O I R- E GENERALE
1740< rie l’Fnnemi ; mais il avoit trop d’avance , & elle ne put
rwnd?e. Le" Hurons eurent bientôt leur revanche Trots
Guerriers fe mirent en campagne , & apres vint jours de mar-
arrivèrent à un Village desTfonnonthouans. Il etoitnuit ,
routes les Cabannes étoient fermées , & tout le monde dor-
moit. Nos Aventuriers s’avtferent de percer une Caban
nar le coté * ils y entrèrent fans que perfonne s eveillat , J
5“r““ *■& !x
ËeSà la cXnne , & gagnèrent au pied 1k furent po|
fuivis , mais inutilement , ils arrivèrent dans leur Village ave
Progrès Je la ^U^ffio^ësWoîent avec bien du re|ret «s indices
rfcr- J- E,rsr« “ï «i». pr|« 1-i*
SS C0°«0k SI à être connu âe plufieurs autres
ffp'» • nrsr« »£ .“rèX6& * h»™,; ».
SJ ™ molîlpSrê je .a.- Il ». f. palto» poi» J-
née qu’ils ne fournîffent à leurs Pafteurs de neuve les occa-
1 q rolonie où tout étoit dans 1 machon , mute de lecou
Le p. Jogues Le p. Jopues navoit pas été lontems , fans fe defabu er ^
retournant bonnes intentions , où il s’étoit imagine qu etoient ces a .
aux iroquois , D0 a _ rnip fe livrer à ceux 5 qui devoientle con-
fvtcoZ £ duîre'dlns le heu deftiné à fa réfidence , foit preffenriment , foit
œnjefi: fondée fur de nouvelles lumières plus sure^que le
précédentes , dans les derniers adieux , qu il fit de bouen
Ouebec & dans fes lettres à fes-amis de France , il s expbqu r
, ,»i ». .«..p» p» «T. Sto„l“v 55
1 c mais oui avoit une forte d aliurance dy cui
fommer dans’peu fon facrifice. Il en eut bientôt des preuves ,
qrü ne pouvoient pas être équivoques. Il avoit à peine pajTe
IL Tons Rivières ' qu’il fe vit abandonne de tous fes Condu-
ûeurs: il relia feul avec un jeune François , nomme la U
de , fort embarraffé comment ilpourro.t continuer faremte^
Tout autre que lui feroit retourne fur fes pas , & P
DE LA NOUVELLE.fr ANGE. Liy. VI. 275
dence fembloit le demander : mais les Saints en ont une , qui
nefl pas félon les régies ordinaires , & qu’il faut du moins ref-
pecter. Dans la perfuafion ? où étoit le Serviteur de Dieu
qu’il devoir arrofer de fon fang une T erre , qui produirait des
oajnts , il netoit pas Homme à reculer au moment , qu’il com-
mençoità voir que toutfe difpofoit à raccompliffement de fes
vœux. Il pourfuivit donc fon chemin , & gagna avec bien de
la peine un Village Iroquois , où il fut reçu", à peu de cho!
les près , comme s’il eût été Prifonnier de guerre. Lui & fon
Compagnon furent mis prefque nuds , & on ne leur épargna
ni les coups de poing , ni les baltonnades.
On n a jamais bien fçu le motif d un changement fi étrange,
eux lettres éerittes de la °i *
1646.
De quelle
maniéré il eft
reçu.
«
«
«
«
- - - - ^ w L!11 v.iiaiigcuiciiLii étrange. Ce qui avoir
Deux lettres ecnttes de la Nouvelle Belgique 9 l’une par le ^es
Gouverneur même à M. de Montmagny ; l’autre par un Par- Sf
ticulier au Sieur Bourdon , qui avoit accompagné le P. Jo-
gues 1 annee precedente , apres.avoir rapporté quelques circon¬
stances de la mort du Sr. Millionnaire , l’attribuent à la perfua-
, !10n > où etoient les Iroquois , qu’il avoit laiffé le diable dans
leur Pays. La lettre au Sieur Bourdon ajoûtoit que cette perfi-
die etoit l’ouvrage de la feule Tribu de l’Ours ; que celles du
Loup & de la Tortue avoient fait tout leur poffîble pour fau-
ver la vie aux deux François, jufqu a dire aux premiers : „ Tuez-
nous plutôt que de malTacrer ainfi des perfonnes , qui ne nous
ont fait aucun mal , & qui viennent chez nous fur la foy d’un
1 rai te Dans toutes les deux on avertiffoit le Général que le
deflein des Iroquois étoit de le furprendre lui-même , & que
quatre cent Hommes étoient prêts à partir pour fondre en mê¬
me tems dans la Colonie Françoife.
U y a donc bien de l’apparence que ce Peuple avoit pris des
Ouvriers de 1 Evangile les mêmes ombrages , qu’en avoient
conçu les Hurons dans le commencement; & ce qui fortifie
cette conjefture , c’eft que cette année-là les maladies ayant
tait de grands ravages dans le Canton d’Agnier , & les vers
y ayant ronge prefque tous les grains , la multitude fe perfua-
da que ces majeurs étoient l’effet d’un fort , que le P. dogues
leur avoir laifTedans fon cofre. Quelques Hurons Idolâtres ,
qui s etoient établis dans ce même Canton, & qui y avoient ap¬
porte leurs anciens préjugés contre la Religion Chrétienne
11e manquoient aufh aucune occafion de les communiquer aux
Iroquois ; ils faifirent d’abord celle-ci , & firent obfei ver aux
Agmers que les défaftres , dont ils fe plaignoient , avoient
M m ij
I 6q6.
Sa mort.
S'on meurtrier
^.convertit.
„ , histoire generale
commencé précifément dans le tems , qu’ils avoient demande
, mmm ***** trr-frf
ri? la maniéré, que je viens de dire , demanda fi depuis fon de
nart il étoit arrivé quelque chofe , qui eût indifpo.e la Nation
contre lui ? Toute la réponfe , qu’on lui fit , fut qu il etoit con¬
damné à mort avec fon Compagnon , qu’ils ne feraient poul¬
inas bridés mais frappés avec la hache ; & que leurs tetes
feroient pofées fur les Palilfades , afin que fi quelques François
/r • Lnr Ip^îllaae ils pufîeiit les reconnoitre. .Le ,
teurdeDÎeu eut beau leur remettre devant les yeux 1 indignité
r n tei procédé ; la confiance , avec laquelle il etoit venu fe
hvrer e.ure leurs mains.; les invitations , qu’ 'ls^‘
t-PQ nnnr l’eneaeer à vivre avec eux ; les paroles , qu is
voient fi fofemnellement données ; la maniéré , dont les Fran-
cois en avolem ufé à leur égard , leurs Traités , leurs fermens
è_ le Deu qu’il y avoit à gagner pour eux dans la guerre , ou
ds allaient ?e replonger junfombre & afFreux Glence lm fit con-
noître qu’il parloit en vain ; auffi ne fongea-t-d plus qu a le pre
parer à^a mort,. & à y ddpofer le jeune Homme, qui seto
attTcmOe jo'ur fuivant , qui étoit le dix-feptiéme d’Oclobre,,
on ne leur dit mot jufqu’au foir. Alors un Huron vint pren¬
dre le P Jogues , pour le mener dans fa Cabanne , fous prete -
tè de lui do, mer à manger ; car ni lui , ni fon Compagnon n a-
te ae luiuuimci 6 q ti ie fuivit , & comme
voient encore rien pris de la journée. Il le ,, ,
ü entroit dans fa Cabanne, un Iroquois, æ
riere la DOrte , lui déchargea un grand coup de hache iur la.
Z, & &f. m*/f* pi«Æ- L;L, “ °i
pofa fur la Paliffade , & les corps, furent jettes dans la Ri-
Viefelle fut la fin d’un Homme, dont bien des années apres
les Iroauois mêmes ne pouvoientfe laffer d admirer les vertus
& le courage. Son Meurtrier tomba l’année fuivante entre : es-
mains des François, qui le livrèrent aux A1g°"^sf;ie Mar¬
ie brûlèrent ; mais il y a bien de 1 apparence que le laint Ma
yr ne l’abandonna point pendant ces derniers momens ,4
mourut Chrétien, dn a publié plufieurs grâces obtenues par
1-interceffion du P. Jogues , & on peut dire le^fiecle P
cèdent a donné à l’Eglife peu de Saints dun caiafter p.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. 277
marqué ; mais je laifle le détail de ces merveilles à ceux ?
qui entreprendront d’écrire l’Hifioire de fa vie'.
Les Agniers , en violant ainfi le droit des Gens, setoient
bien attendu que toutes les Nations fe réuniraient pour leur
faire la guerre ; ils crurent devoir les prévenir , & ils fe mirent
de toutes parts en campagne , avant qu’on pût être informé
de ce qui venoit de fe palier chex eux. Un de leurs Partis ren¬
contra Pieskaret feul , & n’ofa l’attaquer. Ils étoient perfuadés
qu’il aurait tué au moins la moitié de ce qu’ils étoient , comme il
luiétoit déjà arrivé plufieurs fois. Ils n’eurent pas de honte de
l’aborder comme ami , & tandis qu’il ne fe déficit de rien , de
le percer par derrière. D’autres ayant appris où plufieurs Sau¬
vages Chrétiens s ’étoient joints pour chalfer , tombèrent ino¬
pinément fur eux , en tuerent quelques-uns , en firent plufieurs
Prifonniers , & exercèrent fur eux des cruautés inouiës.
La haine contre le Chrifrianifme redoubla dès lors la fureur
de ces Barbares , & fit de vrais Martyrs de ceux d’entre les
Fidèles, qui tombèrent entre leurs mains : l’âge & le fexe ne
garantirent pas même du feu , comme auparavant , & on affûre
que dans l’occafion , dont je parle , ils crucifièrent un Enfant
de trois ans , & le lailferent expirer dans les douleurs. Supplice
moiii jufques-là parmi ces Peuples , & qui ne peut guère s’at¬
tribuer qu’à la rage, dont ils étoient remplis contre la Reli¬
gion d’un Dieu mort en Croix , qu’on leur avoit prêchée. Les
premiers avis de ces hofiilités furent donnés aux François par
des Femmes Algonquines , qui setoient fauvées d’entre les
mains de leurs Bourreaux , avec une réfolution & un courage ,
qu’on aurait admirés dans les plus braves Flommes du Mon¬
de. Il y en eut une entr’autres , dont i’Hiftoire mérite d’être
connue.
Il y avoit dix jours , qu’elle étoit Prifonniere dans un Villa¬
ge du Canton d’Agnier , & elle avoit ignoré jufques-là quel de-
voit etre Ion fort. Eile avoit néanmoins plus de fujet de crain¬
dre , que d’efperer , parce qu’à fon entrée dans ce Village on
I avoit mue toute nue , & qu’elle 11’avoit jamais pu obtenir la
moindre chofe pour fe couvrir. Une nuit , quelle étoit cou¬
chée al ordinaire dans une Cabanne , attachée par les pieds
&: par les mains avec des cordes à autant de picquets , & en¬
vi! onnee de Sauvages , qui s’étoient couchés furies cordes
elle s aperçut que tous dormoient d’un profond fommeil. Elle
euaya aufii-tôt de dégager une de fes mains , & y ayante
1 6 46.
Les Agniers
recommen¬
cent la guerre.
O
Hiftoire lm~
guliere d'une
Algonquine ,
qui fe Tau va
des mains des
Iroquois. -
g HISTOIRE generale
réuffi, il ne lui fut pas difficile d’achever de fe délier tout-à-
^Fllefe leve enfuite , va doucement à la porte de la Caban-
ne, y prend une hache , en caffe la tête à celui , qui fe trou¬
ve 1 J plus près fous fa main , & fe jette dans le creux dun
arbre allez fpacieux pour la cacher toute entière , & quelle
avoir remarqué fort proche de la Cabanne. Au bruit , que fit
le mourant? tout le Village fut bientôt éveille ,& comme on
ne douta point que la Captive n’eût gagne au' pied , toute la
Jeuneffe fe mit à Tes trouffes. Elle voy oit tout ce mouvement
de fa retraitte , & elle obferva que tous ceux, qui couro.ent
après elle alloient du même cote , que tous les autres etoient
reftés dans leurs Cabannes , & qu’il n’y avoit perfonne autour
de fon arbre : elle en fortit fur le champ & prenant fa courfe
du côté oppofé à celui , par où on la cherchoit , elle gagna la
Forêt , fans être apperçuë. . „ „ ,
Tout le relie deïa nuit on ne s’avifa point d aller de ce o-
té-là, mais le jour venu , on reconnut fes pilles, & on les
fuivit. L’avance , quelle avoir, lui donna deux jours fur fes
Ennemis ; le troifiéme elle entendit du bru*. Elle fe trouvoit
fur le bord d’un Etang , elle s’y jetta- jufqu’au cou, & dans le mo¬
ment , quelle aperçut les Iroquois , elle fe plongea tout-a-fait
dans l’elu derrière des joncs , à la faveur defquels il lu. eto.t
aifé de mettre de tems en tems la tête hors de leau pour re
pirer &pour obferver ce quife paffoit. Elle remarqua qua-
près que les Ennemis eurent bien regarde de toutes parts, ils
^tournèrent fur leurs pas. Elle les la, ffa s’éloigner un peu,
nuis elle traverfa le Marais , & continua la route.
^ Elle marcha trente-cinq jours , ne vivant que de fruits fau-
vages & déracinés. Enfin elle fe trouva au bord du Fleuve
S. Laurent un peu au-delfus du Lac de S. Pierre ; & n o ant re¬
lier aux environs de la Riviere de Richelieu , de peur d ^ ren¬
contrer quelque Parti Iroquois , elle fit à la hâte une efpece de
Caieu pour traverfer le Fleuve. Comme elle approchoit des
Trois Rivières , fans trop fçavoir encore ou elle etoit , elle
découvrit un Canot,- & dans la crainte que ce ne i fuffem des
Iroauois , elle s’enfonça dans le plus épais du Bois , ou el e
rZ pifqùan coucher du Soleil Elle fe rapprocha ento
du Fleuve , &un moment après elle aperçut le Fort des Tr
Rlpreefqû’en même tems elle fut découverte par des Hurons ,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VI. 179
qu elle reconnut. Elle fe cacha aufîi-tôt derrière un buiffon , 1646.
& leur cria qu elle etoit dans un état , qui ne lui permettoit
pas de fe montrer ,*& quelle les prioit de lui donner de quoi
le couvrir. Ils lui jetterent une robe , dont elle s’envelopa ,
alors elle s’approcha, & fut conduite au Fort, où le récit,
quelle fit de fon aventure , eut bien de la peine à trouver
croyance ; mais on eut dans la fuite tant d’exemples pareils ,
qu a la fin on ne fut plus furpris de rien en ce genre. On com¬
prit du moins que la crainte de la mort , ou des fupplices , peut
faire entreprendre & exécuter aux perfonnes les plus foibles ,
des chofes , dont les plus forts n’auroient jamais pu fans cela
fe croire capables.
Tandis que les Iroquois perdoient par leur perfidie locca-
fion , que le Ciel leur avoit ménagée d’avoir part à fes grâ¬
ces , & recommençoient leurs ravages contre nos Alliés , &
leurs hoffilites dans la Colonie Françoife , une autre Nation ,
qui ne le cède à aucune autre de ce Continent en valeur , qui
les furpaffe toutes en douceur & en docilité , & qui étoit alors
affez nombreufe , fe prefenta d’elle-même pour groffir le trou¬
peau des Fidèles Sauvages , & par fa converfion au Chriffianif-
me devint pour la Nouvelle France une barrière , que tous fes
Ennemis n’ont jamais pu forcer.
Je parle des Abénaquis. J’ai remarqué ailleurs que ce Peu- Qui c cotent
pie habitoit cette partie Méridionnale de la Nouvelle France , les Abéiïacjim.
qui s’étend depuis Pentagoet jufqua la Nouvelle Angleterre ’
6c qu’on appelloit Cambas ceux de cette Nation , qui occu-
poient les environs du Kinibequi. Il efî arrivé dans la fuite que
la neceffite , ou ils fe font trouvés de fe défendre contre les
Anglois & contre leurs Alliés , les ayant obligés de s’unir avec
es Ktechemins , ou l'ÆaLecites } voifins delà Riviere de Penta-
&°.et h- le0s ^^cma^s 5 °u Souriquois , Habitans naturels de
1 Acaàe , & de toute la Côte Orientale du Canada ; l’étroitxe
iiailon , ^ui le forma entre ces trois Nations , leur attachement
a nos interets & à la Religion Chrétienne , & le grand rapport,
qu ont les Langues des unes avec celles des autres , les ont fait
comprendre affez communément fous le nom général de Na¬
tion;; Abenaquifes , & je me conformerai dans la fuite à cet ufa-
ge , orlqu il ne fera pas néceffaire de diffinguer ces Peuples les
uns des autres. 1
Plusieurs Canibas fréquentoient depuis quelque tems à Svl-
ien , 6c quelques-uns même y avoient été baptifés. De retour
Us cteaian-
rtenc , & ob¬
tiennent un
i 6 4 6.
M iftlonnairc.
Leur caraC'
tére.
Accueil, que
les PP. Capu¬
cins font au P.
Dreuilletces.
Ses premiers
travaux parmi
les Abénaquis.
i 6 47.
,80 HISTOIRE generale
riiez eux ils infpirerent à leurs Compatriotes le defir de les
imiter & toute la Nation députa vers le Gouverneur Gene-
‘“i1 lu Supérieur des Jefuites, pour leur demander un Mil¬
lionnaire Un Peuple eu réputation de bravoure , & qui par a
lionnaire. mu x 1 . c nouvoit dans la fuite nous
Ration entre les Anglois & nous^, k Nouvelle
Anglemr,f?n’étoi0tUpas’une acqwiAÿn quoja dût négliger ;
Son voyage fut long & pénible: les Abenaquis , auffi bien
nue leurs Vollins , font fainéans , on n’a jamais bien pu les en-
fger à cultiver k terre, & ils ont encore moins de prevo^m
ce pour l’avenir , fouffrir de la faim , &
leuraffeSon^our leurs Miffionnaires , la bonté de leur cara-
aére ïtû attachement fincére pour les François , les fervices
coup adouci aux Ouvriers Evangeliqt.es les rigueurs dune fi
pémbie Miffion es ^ fur ks bords du Kinibequi des
pp Caoucins qui y avoient un Hofpice ; ces Religieux «oient
Fl". Capucins , q ^ . & q fervoient d Aumôniers ,
non -feulement aux François établis fur toute cett ^Com,|
fur celle de 1’Acadie , mais encore a ceux , que le comm
v attiroit II Reçurent le Millionnaire Jefuite avec beaucoup
L joye , '& toute la cordialité poffible. Ils fouhaitto.ent depu
lontems de voir des Miffions établies parmi les Sauvages de ce
nuartie rs là qu’ils jugeoient très-propres au Royaume de Dieu,
S ds avoientqmêmi eu la penfée de faire le voyage de Quebec
pour engager les PP. de la Compagnie a ne pas laiffer 'plus loi
teius en friche une Terre fi bien préparée a recevoir la femence
Le pAreuillettes employa tout l’hyver & le priiitems à vi
literies differentes Bourges de cette Contrée bapt, fa qu o¬
tité d’Enfans & quelques Adultes moribonds , & trouva pa
toit un grand detrr d’être inftruit. Des Jongleurs memes
Difcioles . & brûlèrent tout ce qui avoir 1
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VL 281
leurs fortiléges : enfin la moifïbn lui parut mûre & abon¬
dante , ce qui l’obligea , quand les chemins furent redevenus
pratiquables , de reprendre la route de Quebec , pour expofer
à fon Supérieur l’état , où il avoit trouvé les choies parmi les
Nations Abénaquifes . Sur fon raport on prit des méfures pour
l’EtablilTement d’une Million , qui promettoit les mêmes fruits
de bénédiélion , qu’on recueilloit déjà dans les plus floriffan-
tes , & où l’on efperoit travailler d’autant plus heureufement ,
qu’on n’y auroit rien à craindre de la part des Iroquois.
Les affaires de la Nouvelle France étoient en ces termes , lorf-
que le Chevalier de Montmagny reçut ordre de remettre fon
Gouvernement à M. d’AiLLEBOUST , qui commandoit depuis
quelque tems aux Trois Rivières , & de repalfer en France. La
défobéiffance du Commandeur de Poînci , Gouverneur Gé¬
néral des Mes de 1 Amérique , lequel avoit refufé de recevoir
le Succelfeur , que le Roy lui avoit envoyé , s’étoit maintenu
dans fon Polie malgré la Cour , & donnoit un exemple de ré¬
bellion , que quelques Gouverneurs particuliers commen-
çoient à fuivre , avoit fait prendre au Confeil de Sa Majeflé la
refolution de ne plus laiffer déformais les Gouverneurs des Co¬
lonies plus de trois ans en place , de peur qu’ils ne s’accoûtu-
maffent à regarder comme leur Domaine un Pays, où ils au-
roient été trop lontems les Maîtres.
Les Loix generales ont leurs inconveniens , & ilell fâcheux
de fe rencontrer dans des circonflances , où il n’ell pas pollible
de remédier par des exceptions % quelquefois néceifaires , à ce
qu elles renferment de préjudiciable au bien public. On ne
fçauroit laiffer trop lontems un Gouverneur bien choifi à la tê¬
te d un nouvel Etabliffement : celui, qui n’a point les talens, que
demande un Emploi de cette importance , ou qui a des qualités
pernicieufes au fervice de fon Prince , n’en fçauroit être trop tôt
retire ; mais hors le cas d’une incapacité marquée , ou de la
re,Çraintt de prévarication , il ne peut arriver rien de plus
nuifible au progrès d’une Colonie , qui n’a pas encore des fon-
demens bien folides , que de changer fi fouvent de Chefs ; par
la rang 11 que pour lui donner de tels fondemens il efl befoin
d une g? ande uniformité de conduite , qu’il faut fuivre des pro¬
jets , qui ne peuvent mûrir , ou s’exécuter qu’avec le tems ,
&ASu il t>fen rale qu’un nouveau Gouverneur approuve les
vues de celui , qui Fa précédé , & ne croye pas en avoir de
meilleures. Son Succeffeur portera le même jugement des
Tome L jqn
1646 .
M. de Mont-
magny eft
rappelle.
i 6 46*
Son cara&é-
re & celui de
Ton Succef-
feur.
a8i histoire generale
tiennes ; ainfi à force de recommencer toujours , une Colonie
ne fortira jamais de l’enfance , ou n’aura que des progrès îen
lents. Mais encore une fois il eft des conjonctures , ou la pru¬
dence du Prince" ne lui permet pas de fuivre le parti , qui dans
le fond feroit le plus expédient. Fâcheufe extrémité , ou on
fouvent réduits ces Dieux de la Terre , a qui j
où ilsfe trouvent de ne pouvoir remédier a un mal , que par
un autre eft bien propre à faire fentir leur foibleile.
Le Chevalier de Montmagny n’avoit donne dans aucun i es.
travers dont je viens de parler ; au contraire î avoir pris a
SîSfs modtlttfur fol; Prédtofar , & Umÿ
fuivre , autant qu’il en avoir ete : le maître , le plan , que M.
de Champlain avoir tracé dans fes Mémoires. Auffi eft-il cer
tain que fi la Compagnie du Canada 1 eut féconde , il eut m
cetteqColonie fur un très-bon pied , & qu’on lui devoir çav
fort bon eré de l’avoir foûtenue , comme il avoir fait , avec
fi peu de forces. D’ailleurs fa conduite fut toujours fi e«mplai- (
re , & il fit paroître en toute occafion tant de fageffe ’ «e pie »
_ ^ Zr A* Aéfin epraffement ; il s épargna fi peu , quana
OIS , &T
il fçut fl bien conferver la dignité dans les conjonfctur. es les
plus délicates , qu’il fe fit également chérir & refpe ^
cois & des Sauvages , & que la Cour merno pr p J
tems aux Gouverneurs des nouvelles Colonies , comme un mo¬
dèle, qu’ils ne pouvoient trop étudier. ' «
Son Succeffeur étoit un Homme de bien «mob de reli¬
gion & de bonne volonté. Il avoit ete de a °C1 j
real , toute compofée de perfonnes pieufes & «te pour la
converfion des Infidèles ; il avoir commande dans cette I p
dant un voyage , que M. de Maifonneuve avoir ete oblige de
foire en France ; ’d?-là il étoit paffé au Gouvernement deÆo»
Rivières ; ainfi il connoiffoit parfaitement le Canada, il n
ignoroit pas les befoins ,& .1 ne négligea rien de out ce qu
cfépendoit de lui pour y pourvoir ; mais comme il ne fut pa
mieux fervi que ceux , qui l’avo.ent précédé , la Nouvelle Fran
ce continua fous fon Gouvernement deffuyer des malheurs,.
qu’on ne fçauroit lui imputer fans înjultice-
# # #■
*:
eMÎM- •• tA*/îrL*fe>: tüfc-îcA** cM^f^-CUfe/s Aifc^fN&A: cVife* * cv*^,
%H* HH* *M* stfr .«H* '$¥ ^ &f* ^H* **£ ’M- #£ &f «H* 3H* 'fft i$f .-<*f
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c*^v , -»'^»v5 v^vîÿv vïjfv 4vv^v ^.w c^v* -<^y
HISTOIRE
DESCRIPTION GENERALE
DELA
NOUVELLE FRANCE.
LIVRE SEPTIEME-
Mv1' W M/.m/ M/ aü
U E B E C , & toutes les Habitations Fran-
çoifes étoient alors affez tranquilles , & les
Sauvages domiciliés parmi nous , ou qui ve-
noient y trafiquer , profitoient de ce calme.
Le commerce rouloit principalement fur la
Pelleterie , & c’étoit furtout aux Trois Ri¬
vières & à Tadouffac , que les Sauvages fe
rendoient pour la Traitte. La plûpart venoient des quartiers
du Nord , & on les infiruifoit des vérités Chrétiennes ; ils les
communiquoient à leurs voifins , & ils ne manqu oient jamais
de revenir avec des Profelytes , qu’on achevoit de difpofer au
Baptême. Sylleri croiffoit aufii tous les jours en Habitans &
en terveur ; mais TEglife Huronne , quoique la plus nombreu-
fe de toutes , & la plus féconde en grands exemples de ver¬
tus , etoit pour les Ouvriers Evangéliques une fource conti¬
nuelle d’inquiétude & d’allarmes.
Toutefois cette même année 1648. il parut quelque nou¬
veau rayon d’efperance que les Hurons & les Iroquois fe rap- ™anœu^
procheroient. Les Andajîes , ou AndaJIoe ^ 5 Peuple alors puif- iluom’
iant & belliqueux , avoient envoyé offrir du fecours aux pre-
Nnij
Maimife
manœuvre des
iS4 histoire generale
T 6 TF mi ers , qui dans le même tems eurent quelques avantages af-
4 fefcon^derables fur leurs Ennemis. L’occafion eto.t belle pour
reprendre fur les Iroquois la fupériorité , qu’ils avo.ent eue au¬
trefois; mais ils ne voulurent en profiter , que pour fe mettre
en état de parvenir à une bonne patx , & parce qu ils n -
voient pas pris les moyens les plus surs pour y reuffir, q
étoit de le bien préparer à la guerre , ils furent les dupes de la
mauvaife foi & des artifices de leurs Ennemis.
Il y a même bien de l’apparence quils remercièrent les An
daftes , ou du moins qu’ils ne firent pas ce qu ils dévoient pour
profiter des offres de cette Nation , & en effet ,e ne trouve au^
cune expédition de ces Sauvages en leur faveur . Aln“ ^ P
grande confiance des Hurons lut proprement ce qui commen¬
ça de les affaiblir , & ce qui acheva de les perdre ; car tandis
qu ik s’amufoient à négocier avec les Onnontagues , les. Ag
niers & les Tfonnonthouans tombèrent a 1 împrovite fur deux
orands Partis de chaffe de la Bourgade de S. Ignace , ^ les
Srent entièrement. On fut enfuite quelque teins fans entendr^
païer ff aucune hoftd.té , & il n’en Vallut pas davantap pour
replonger les Hurons dans leur première fecurite. C eit ce
ouavofent prétendu les Agniers : ils armèrent fecrettement ,
t pamrëntPen campagne^u côté , où on les attendoit le
moins
Une Bourga- '^LcP. Antoine Daniel cultivoit feultoutun Cantotu&far
ie. Huronnc r ■ fa réfidence ordinaire dans la Bourgade de b. Joiep ,
îes“‘ Ag- première , où l’on avoit entrepris d’établir EvanS'leù ^ ^
»icre. triéme de Juillet de grand matin , pendant q rn„Æ ,
célébroit les SS. Myneres , il entendit un bruit confos de
Gens , qui couroient de toutes parts en criant , On nous tue.
H n’y avoit guéres alors dans ce Village que des Vieillards
des Femmes & des Enfans : l’Ennemi en eto.t informe , il avoit
fait fes approches pendant la nuit , & i fit fon attaffu® *u f?'
du iour Au premier lignai , que donnèrent les cris des M
fans , k ChaPpellefe trouva vu.de , le Prêtre n’eut nue le tems
d’achever le Sacrifice , de quitter fes habits Sacerdotaux ,
les enfermer avec les Vafes facrés , & de courir a lendroit, don
“s qLfdyfut arrivé , le fpeRacle le plus trille & le fjlus af¬
freux s’offrit à fes yeux ; fes chers Néophytes maffaerts
. pi? minmp une trouppe de Loups arrames *
ireux s onru a îcb y cua. ^ * — r j , T
réfiftanee ; l’Ennemi , comme une trouppe de Loup:
oui a trouvé la bergerie ouverte 3 ne faifant quartier
ni a
l’àee-
\
DE LANOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 285
le plus tendre , ni au fexe le plus foible : des Vieillards pref- — g —
que décrépites cherchant un refie de force dans le défefpoir, ^
oc combattant fans aucune apparence de vaincre : perfonne
en état de faire affez d’effort pour arrêter la première fougue
des Affaillans. Il s’approcha de ceux , qui paroiffoient vouloir
du moins mourir les armes à la main , 8c les avertit de fe fou-
venir que ces Ennemis , qui pouvoient leur ôter la vie du corps ,
n’avoient aucun pouvoir fur leurs âmes , 8c que pour Téternité'
tout dépendoit de mourir dans les fentimens , qu’il leur avoit
fi fouvent infpirés.
Il fe vit en même tems environné de Femmes 8c d’Enfans ,
que l’on pourfoivoit la hache à la main , 8c qui le conjuroient
d’avoir pitié d’eux. Des Infidèles mêmes, dont il n’a voit encore
pu vaincre l’obftination , fe jetterent à fes pieds , 8c lui deman¬
dèrent le Baptême. Il n’y avoit pas un moment à perdre ; l’Hom¬
me Apoftolique exhorta en peu de mots les uns & les autres à
demander à Dieu pardon de leurs péchés , enfuite il trempa un
mouchoir dans de l’eau , & baptîfa par afperfion ceux , qui fe
préfentoient pour recevoir le Sacrement. Dans ce moment les
Palilfades furent forcées par tout , & le fang 3 qui couloit au¬
tour de toutes les Cabannes 8c dans la Place , infpirant une
nouvelle foreur aux Vi&orieux , on ne vit prefque plus que des
Morts 8c des Mourans.
Ceux , à qui lage 8c les forces permettoient de chercher leur Mon héroï-
falut dans la fuite , firent alors au Millionnaire les inflances q?c du p- Da-
les plus vives pour l’engager à fe fauver avec eux ; mais il le meI>
refofa conflamment , 8c fe reffouvenant de quelques Malades ,
dont il avoit différé le Baptême , il courut dans leurs Caban¬
nes , 8c les baptifa ; il rentra enfuite dans la Chapelle , pour en
tirer les Vafes fàerés , 8c les mettre en lieu sûr , auffi-bien que
les Ornemens d’ Autel. Il donna une abfolution générale à quel¬
ques-uns , qui l’y étoient venu trouver ; après quoi il ne fongea
plus qu’à faire à Dieu le facrifice de fa vie. °
Les Iroquois de leur côté ne trouvant plus perfonne , qui
leur réfiflât , mirent le feu aux Cabannes , & s’approchèrent
de la Chapelle , pouffant des cris affreux. Le Serviteur de Dieu ,
qui les vit venir , exhorta tous ceux, qui reftoient auprès de
lui à gagner le Bois , 8c pour leur en donner le loifir , il fortit
au devant de l’Ennemi. Une fi grande réfolution étonna les
Barbares , 8c les fit reculer de quelques pas. Revenus de leur
épouvante , ils environnèrent le St, Homme , & n’ofant encore
1648-
Négociations
fans fruit avec
le Nouvelle
Angleterre.
1%6 histoire generale
l’approcher , quoiqu’il fût feul & fans armes , ils le percerent
de flèches. Il en était tout hériffé , qu’il parloir encore avec
une aftion furprénante, tantôt a Dieu, a qui il offroit fon
fane , répandu pour le Trouppeau , dont il lui ayo.t confie la
parle : tantôt à les Meurtriers , àqu il reprochent leur perfi-
lie , & qu’il menaçoit de la colere du Ciel , en les affurant
néanmoins qu’ils trouveroient toujours le Seigneur difpofe a les
recevoir en grâce , s’ils avoient recours a la clemence.
Enfin tildes plus réfolus s’avança , lui perça la poitrine
d’une efpéce de Pertuifane , & le fit tomber mort a fes pieds.
Tous fe jetterent auffi-tôt fur fon corps , & il n y eut aucun de
ces Furieux , qui ne voulût tremper fes mains dans fon fang.
Ils le dépouillèrent enfuite., & commirent fur ce cadavre dé¬
chiré & fanglant mille indignités , puis le jetterent dans la
Chapelle, qui étoit déjà toute en feu. La Nation Huronne fut
inconfolable de la mort de ce Miffionnaire ; & il n y eut perfon-
ne dans la Colonie , qui ne le révérât comme une viftime de
la plus héroïque charité. Sept-cent perfonnes périrent dans ce
défaftre & la Bourgade de S. Jofeph nefe rétablit plus. Ceux,
qui échaperent ,& ceux , qui étoient abfens fe refueierem a
celle de Sainte Marie , qui étoit comme la Métropole c lu Pays ,
OÙ ils furent affez tranquilles le refie de cette annee , & julqu
p,1î"“ pàdfrïf„én,..«», ,« «**»***£
Hurons , on vit arriver à Quebec , non fans quelque etonne-
ment url Envoyé de la Nouvelle Angleterre , charge e pr
pofertme alliance éternelle entre les deux Colonies ind -
pendemment de toutes les ruptures , qui pourraient fu
entre les deux Couronnes. M. dAUebout trouva la propofi
don avantageufe , & de l’avis de fon Confeil députa a Ballon
le P. Dreuiflettes , en qualité de Plénipotentiaire , P°ul C01T
chirre & figner le Traitté ; mais à condition 1 que Tes Anglois fe
joindraient à nous pour faire la guerre aux Iroquois.
Je ne fçai pas au jufte quel fut alors le fucces de cePre™
voyage du IViiffionnaire ; ce qui eft certain , c eft que la négo¬
ciation , après avoir langui quelque tems , fut repnfe avec pl
de chaleur en 1651. C’eft ce que prouvent les Plecfs
tes , que l’on gareje au dépôt de la Marine , & que jai cru de
voir tranferire ici , parce que ce font les feuls Mémoires,
que j’aye pu découvrir touchant cette affaire. La ^ ,.
eft une Lettre écritte par le Confeil de Quebec aux C J
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 287
jionnaires de la Nouvelle Angleterre , & dont voici les pro- “
près termes.
» Meilleurs , il y a déjà quelques années , que Meilleurs de «
Ballon nous ayant propofé de lier le commerce entre la Nou- «
velle France & la Nouvelle Angleterre , le Confeil établi par «
Sa Majefté en ce Pays , joignit fes réponfes aux Lettres , que “
Moniteur notre Gouverneur avoit écrites en vos Quartiers, dont "
la teneur étoit , que volontiers nous fouhaiterions ce commer- *
ce , & enfemble l’union des cœurs & des efprits entre nos Co- «
lonies & les vôtres ; mais que nous délirions en même tems «
entrer en une Ligue offenlive & défenlive avec vous contre «
les Iroquois , nos Ennemis , qui nous empêcheroient ce com- «
mer ce , ou du moins le rendraient moins avantageux , & pour «
vous & pour nous. L’obligation , qu’il nous femble , que vous «
devez avoir à réprimer l’infolence de ces Sauvages Iroquois , «
qui tuent les Sokokinois & les Abénaquinois , vos Alliés , & «
montre la facilité , que vous pouvez avoir dans cette guerre , en "
nous y prenant comme il faut , font deux railons , qui nous ont «
invite à pourfuivre cette affaire avec vous dans votre Cour «
des Com millionnaires. Nous avons lupplié Monbeur notre (<
Gouverneur de vous en écrire efficacement ; celle-ci eft pour «
joindre nos diligences aux bennes , & pour vous alfûrer de la «
dilpobtion de nos cœurs, & de tous ceux de la Nouvelle France «
pour ce commerce avec la Nouvelle Angleterre , & pour les
delfeins de cette guerre contre les Iroquois , qui doivent être nos “
communs Ennemis. Outre le Sieur de Dreuillettes , qui cet «
hyver a déjà commencé de négocier pour cette affaire , nous «
avons été bien ailes que le Sieur Godefroy , Confeiller de no- «
i tre Corps 9 ait ete de la partie. Le mérite de ces deux Dépu- «■
tes nous fait efperer une heureufe ilfuë de ce delfein ; ils font «
chargés des pouvoirs nécelfaires pour cet effet : c’eft-à-dire , «
tant pour nouer efficacement le commerce entre vous & nous , «
que pour vous foulager des dépenfes , qu’il fera néceffaire de «
famé pour la guerre , dont eft quebion contre les Sauvages «
iroquois. Nous vous fupplions de les écouter, & d’affir avec «
eux , comme vous feriez avec nous , dans la franchife , qui eh «
naturelle aux Anglois , autant qu’à nous autres François. Nous «
ne pouvons douter que Dieu ne béniffe vos armes & les nô- «■
très , puifqu’elles feront employées pour la défenfe des Sauva- «
ges Chrétiens , tant vos Alliés , que les nôtres , contre des Bar- «
bares Infidèles , qui 11’ont ni foi ,.ni Dieu , ni aucune juhice en «•
1648.
2gg HISTOIRE generale
7, leur procédé , comme vous pourrez l’apprendre plus au long
defdits Sieurs, nos Députés , qui vous aflureront du defir fin-
l Se , que nous avons , que le Ciel aille toujours bemffant vos
Provinces & vous comble de fes faveurs , Meilleurs. Fait en
” la Chambre du Confeii établi par le Roy à Quebec en la Nou-
„ velle France, ce vintiéme de Juin mil fix-cent cinquante-un.
La fécondé regarde la nomination du Sieur Godefroy , pour
traitter conjointement avec le P. Dreuillettes , & porte en ti¬
tre : Extrait des Regi/lres de l’ancien .fonfeil de ce Pays , du
vintiéme jour de Juin 16^1. La voici. < v /r/i»
„ Le Confeii affemblé à neuf heures du matin , ou ont affilie
», Monfieur le Gouverneur , le R. P. Supérieur , MM. de Mau-
» ze de Godefroy , & Menoil , fur la propofition farte au
» Confeii, touchant certaine refcnption, faite par MM. du
» Confeii en l’année 1648. à Meilleurs les Commiffionnaires des
» Etats de la Nouvelle Angleterre , a f ,Su"nlonntutAta‘f®
» les Colonies de la Nouvelle France & la Nouvelle Angleterre ,
» pour faire le commerce enfemble. Le Confeii voulant fatisfa -
re à leur demande, a fait & fan nomination du Sieur Gode-
» froy l’un des Confeillers du Confeii établi par Sa Majelleen
» ce Lys pour fe tranfporter , avec le R. P. Dreuillettes , en
» ladite Nouvelle Angleterre vers lefdits Sieurs Com“!®°n"a£
» res , pour traiter & agir avec eux , fuivant le pouvoir a eux
» donné par Meffieurs du Confeii, dont copie e .
>» fe ; comme auffi copie de la Lettre ecritte aufdits Sieurs les
« Commiffionnaires de la Nouvelle Angleterre par Meffieurs du
». Confeii. Et quant aux marchandées apportées par un nomm
» Thomas Yoft , fur l’affûrance & la bonne foi du R. P. Dreuil
». Jettes , le Confeii a délibéré qu’il ferait envoyé audeyant de
„ lui , & ce pour lui défigner lieu , où il pourra livrer icelles ,
„ Louis d’Aiï-leboust , Lieutenant General pour le Roy ,
„ Gouverneur de toute la Nouvelle France , &c. S,ALUT’
été prié & follicité , tant par les Sauvages Chrétiens , depen
” dans de notre Gouvernement , que par les Abenaquinois , de
: meurans fur la Rivière de Kinibeaiu & autres leurs Allies ,
de les protéger contre l’mvafion des Iroquois , leuis En
” communs , ainfi qu’il avoit été ci-devant pratique parle Sieur
: de Montmagny , notre Prédéceffeur en ce Gouvernement^
„ & nous ayant de nouveau remontre que toutes eur
„ s’en aboient être entièrement detruittes , fi bientôt^ noi^^ y
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 289
apportions le remede. Nous , à ces caufes , & pour le bien de
cette Colonie , & fui vaut les ordres particuliers , qui nous ont
été donnés de la part de la Reine Regente , Mere du Roy ,
de protéger les Sauvages contre leurs dits Ennemis , avons dé¬
puté & députons , de l’avis du Confeil établi en ce Pays , &
d’aucuns des plus notables Habitans , les Sieurs Gabriel Dreuil-
lettes , Prédicateur de l’Evangile aux Nations Sauvages , &
Jean Godefroy , l’un des Confeillers dudit Confeil , Ambaf-
fadeurs pour eux envers Meilleurs de la Nouvelle Angleterre ,
pour traiter , foit avec Meilleurs les Gouverneurs & Magis¬
trats de la Nouvelle Angleterre , foit à la Cour Générale des
Commilîionnaires & Députés des Colonies Unies , pour le fe-
cours d’Hommes , & de munitions de guerre & de bouche ,
pour attaquer par les lieux les plus propres & commodes lef-
dits Iroquois ; comme aulîi pour convenir des articles , qui
feront effimés néceffaires , pour affûrance de ce Traité; &
pour accorder aufdits Sieurs de la Nouvelle Angleterre , le
commerce , qu’ils ont fouhaité de nous par leurs Lettres de
l’année 1647.- avec les articles, claufes & conditions , qu’ils
verront y faire de befoin , attendant l’arrivée de l’Ambaffa-
deur , que nous envoyerons de notre part , pour ratifier & ar¬
rêter en derniere fin ce qu’ils auront accordé. Si prions tous
Gouverneurs , Lieutenans Généraux , Capitaines & autres ,
de laiffer librement paffer , &c.
Il y a bien de l’apparence que ce fut la condition de faire la
guerre aux Iroquois , qui rompit la négociation , & c’étoit en
effet exiger beaucoup des Anglois , affez éloignés des Iroquois
pour n’en avoir rien à craindre , & uniquement occupés de
leur commerce, & de la culture des Terres. Ce qui eff cer¬
tain, c’efl: que l’alliance ne fe fit pas , du moins fur le pied, qu’elle
avoit été propofée. D’autre part les Iroquois ayant été plus de
fix mois (ans rien entreprendre , les Sauvages oublièrent en¬
core une fois qu’ils avoient à faire à un Ennemi , contre le¬
quel 011 ne devoit pas ceffer un feul jour d’être fur fes gardes.
Par raport aux Hurons , ce n’étoit pas la faute de leurs Mif-
fionnaires , s’ils s’endormoient de la forte ; mais ces Religieux
ne pouvant gagner fur leurs Néophytes qu’ils priflent pour
leur sûreté les précautions , que la prudence exigeoit , redou¬
blèrent leurs foins pour achever de les fanclifier , & pour les
préparer à tout ce qui pouvoit arriver. Ils les trouvèrent fur cet
Article d’une docilité parfaite ; ils n’eurent aucune peine à les
Tome /. Oo
u 1648.
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Indolence
des Huions.
I
i 6 49'
200 HISTOIRE generale
- faire entrer dans les fentimens les plus convenables à latnfte fi-
1648. tl]at;on où ils fe reduifoient eux-mêmes par une indolence
& un aveuglement , qu’on ne pouvoit comprendre , & qui
na peut-être point d’exemple dans lHifioire. Ce qui conlo-
loit les Pafteurs , c’efi qu’ils les voy oient dans loccalion bra¬
ver la mort avec un courage , qui les ammoit eux - memes a
mourir en Kéros Chrétiens. Le P. Jogues & le P. Daniel eu¬
rent bientôt des Imitateurs , qui achevèrent de donner aux bail-
vases Chrétiens une grande idée de leur zele & de leur con-
Deux Bom-- a , f j j, de Mars de l’annee 1649. un -Parti de mil le
œ froquois toX brufquement avant le jour fur la Bourgade
par les iro- 1 q Dnace ; elle étoit affez bien fortifiée contre des Sauva
w'°is- ges , mils il ne s’y trouvoit alors que quatre-cent Perfonnes ,
& on n’y faifoit point de garde : auffiles Affaillans n eurent-ils
point d’autre peine , que celle de mettre le feu aux Paliflades,
& d’égorger des Gens , dont les uns etoient endormis , & les
autres n’eurent pas le tems de fe reconnoître. Une fe fauva que
trois Hommes , & ils allèrent donner 1 allarme a S. Louis , qui-
n’étoit pas éloigne. r 1 -n • •
.Auffitotles Femmes & les Enfans s enfument .dans les Bois ,
& il ne refia que quatre-vmt Hommes , bien refolus a le defen-
dre iufqu’à la mort , & qui auroient mieux fait de fe refer ver
pour une meilleure occafion. Il eft vrai que cette Bourgade
avoit un affez bon Retranchement , & que es premières ap¬
proches de l’Ennemi , qui avoit fuivi de près les trois Fuyards f
lui coûtèrent cher. Il fut même repouffe jufqu a deux fois , mais
à la faveur d’un grand feu de moufqueterie , qui abbattit les plus
braves des Affiegés , un gros d’Iroquois s’attacha a un endroit
de la Paliffade , y fit brèche, entra dans le Retranchement ,
& y introduifit toute la Trouppe : ce ne fut plus alors qu une
boucherie , & tous les Hurons. furent bientôt mis hors de com¬
mis avoient avec eux les PP. Jean de Brebeuf & Gabriel
Lallemant , Neveu des PP. Charles & Jerome Lallemant , dont
nous avons parlé ; & ils n’avoient pu engager m 1 un ml autre
àfe mettre en lieu de sûreté. Il eût pourtant ete mieux quilsie
fuffent partagés , & que le P. de Brebeuf eût ufe de fon autori¬
té pour obliger fon Compagnon de fuivre ceux , qui avoient
pris la fuite ; mais l’exemple tout recent du P. Daniel , 8, le dan¬
ger , où étoient un grand nombre de Catechumenes de mou¬
rir fans Baptême, leur firent croire à tous les deux qu ils ne üe-
Les PP. de
B rebeuf 3 c
I allemant
fout pris.
»
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 291
voient pas défemparer. Ils prirent donc leur polie chacun aune — -
des extrémités de l’attaque , & ils furent toujours aux endroits 1 6 4 9-
les plus expofés , uniquement occupés à baptifer des Mourans ,
<k à encourager les Combattais à n’avoir que Dieu en vue.
Enfin tous les Hurons furent tués ou pris , & les deux Mil¬
lionnaires furent du nombre des derniers. Les Vainqueurs mi¬
rent enfuite le feu aux Cabannes , & reprirent avec les Prifon-
niers & tout le butin , le chemin de S. Ignace, où ils avoient
laiffé leurs provifions , & un Corps de referve , pour s’affûrer
la retraitte en cas de difgrace. Comme au bruit de ces deux
attaques plufieurs Guerriers Hurons étoient accourus , les deux
jours fuivans fe p afferent en petits combats , dont la fortune fut
affez diverfe , & furtout auprès de Sainte Marie , qui n’étoit
qu’à une lieue de Saint Louis.
Cette Bourgade etoit fort peuplée, plufieurs François y de- Divers com
meuroient avec les Millionnaires , & on y avoit toujours fait bats/
affez bonne garde. Deux-cent Iroquois 11e laifferent pas de s’en
approcher le dix-fept , pour voir quelle contenance on y fai-
foit , mais s’étant un peu trop avancés , ils tombèrent dans une
embufeade ; on en tua un grand nombre , plufieurs furent pris ,
& on pourfuivit le reffe jufqua Saint Louis , où le gros du Par¬
ti s etoit cantonne. Les Hurons ne le fçavoient pas , & furent
Surpris à leur tour : lorfqu’ils y penfoient le moins , iis fe virent
fept ou huit cent Hommes fur les bras , & nul moyen d’écfia-
per. Ils ne perdirent pourtant pas courage , on fe battit tout le
jour 9 & malgré l’inégalité du nombre, l’avantage fut lontems
du cote des Hurons. Mais enfin accablés de lalîitude , ne pou¬
vant plus tenir leurs armes , réduits à une poignée d’Hommes ,
la plupart étant bleffes , ils furent tous faits Prifonniers.
C etoit tout ce quil y avoit de plus brave dans la Nation ,
& la confternation fut grande à Sainte Marie quand on y ap-
pnt leur défaite. On y craignit même de ne pouvoir pas foû-
terJir 9 ^ ^ Ennemi le tentoit , & tout le jour fuivant fe
palia dans ces cruelles allarmes , d’autant plus que les Iroquois
setoient déjà rapprochés. Pour éviter le malheur, dont on
etoit menace , on eut recours au Ciel , & on s’adreffa à Saint
Joieph , dont on devoitcelebrerlaFêtele lendemain. Les vœux
de cette multitude affligée furent écoutés , le dix-neuf au ma¬
tin on eut avis que les Iroquois s’étoient retirés en défordre
comme s’ils euffent été faifis d’une terreur panique. Mais la joye*
que caufa une retraitte fi fubite , fut bientôt changée en deuil
O o i j
ï 6 4 9 ■
Les PP.
Brebeuf &
Lallemant
font brûlés
de
HISTOIRE generale
X 'les affligeantes nouvelles qu’on apprit des deux Million-
npir-s QUI avoient été pris le feizieme. _
De S‘‘ Ignace, où j’ai dit qu’on les avoit : conduits d abord ,
ils^avoient &été ramenés à St. Louis , & ils y furent reçus , corn--
on a coutume de recevoir les Prifonmers de guerre ; on les
épargna même d’autant moins , que leur procès etoit fait , &
nu’on avoit réfolu de ne les pas mener plus loin. Le P. de Bie-
lleuf que vint années de travaux , les plus capables de faire
inonrirtous les fentimens naturels, un caracfere d efprit d t
fermeté à l’épreuve de tout ; une vertu nourrie dans la vue tou¬
jours prochaine d’une mort cruelle, & portée jufqu aen faire 1 o -
et dePfes vœux les plus ardens ; prévenu d’ailleurs par plus d un
avertiffement célefte que fes vœux feroient exauces , feno t
également & des menaces & des tortures memes : mais la vue
i?Ves chers Néophytes cruellement traites a fes yeux , îepan-
dok une grandePamertume fur la joye , qu’il reffentoit de voir
feSSoï CompSagnon"Pqm ne faifoit que d’entrer dans la carrière
ApofIoliqueP, lùil avoir apporté plus de courte . , que de fo -
ce & qui étoit dune complexion fenüble & délicate , tut ur
tout pour lui jufqu’au dernier fqupir un grand fujet : de dovüeu
d’inouiétude. Les Iroquois connurent bien d abord qi
auraient relire à un Homme , à qui ils Sauraient pasleplafflr
SSSSlïe”^ “x fume” mtréjndné,
de telle forte fur lui, qu’ils paroiffo.ent hors deux-memes de
ra^Tout cela^n’empêchoit point le Serviteur deDieu.de parler
d’une voix forte , tantôt aux Hurons , qui ne le voyaient [du -,
mais nui pouvoient encore l’entendre ; tantôt a fes Bourr-aux,
qu’il exhortoit à craindre la colere du Ciel , s ds . continuoie
à perfécuter les Adorateurs du vrai Dieu. Ce“e ef.
Rarbares & ils en furent choques , quoiqu accoutumes a
SïâïEa. *1- iA« “““ ri” ;
U, voulu,™ lui i„pcfer ffl.nc , & " ‘"P1™"’ K
bout ils lui coupèrent la lèvre inferieure , & 1 extremne au
nez , lui appliquèrent par tout le corps des torches ? ’
lui brûlèrent les gencives , & enfin lui enfoncèrent dans le g,
lier un fer rougi dans le feu.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv, VIL 293
L’invincible Millionnaire fe voyant par ce dernier coup la
parole interditte , parut avec un vifage affûté , & un regard
îi ferme , qu’il fembloit donner encore la Loy à fes Ennemis.
Un moment après 011 lui amena fon Compagnon dans un équi¬
page bien capable de toucher un cœur comme le ffen , aulîi
tendre & auffi compatiffant fur les maux d’autrui , qu’il étoit
infenfible aux fiens propres. On avoit mis d’abord le jeune
Religieux tout nud , & après l’avoir tourmenté quelque tems ,
on l’avoit enveloppé depuis les pieds jufqu’àla tête d’écorces de
fapin , & on fe préparoit à y mettre le feü.
Dès qu’il apperçut le P. de Brebeuf dans l’affreux état , où
on l’avoit mis , il frémit d’abord**, enfuite lui dit ces paroles de
l’Apôtre , Nous avons été mis en fpedacle au Monde , aux A?i-
ges , & aux Nommes (a). Le Pere lui répondit par une dou¬
ce inclination de tête , & dans ce moment le P. Lallemant fe
trouvant libre , courut fe jetter à fes pieds , baifa refpeélueufe-
ment fes playes , & le conjura de redoubler auprès du Sei¬
gneur fes prières , pour lui obtenir la patience , & la Foy ,
qu’il voyoit , ajoûta-t-il avec beaucoup de confulîon , fur le
point de lui échaper à tout moment. On le reprit auffitôt , &
on mit le feu aux écorces , dont il étoit couvert.
Ses Bourreaux s’arrêtèrent quelque tems , pour goûter le
plailîr de le voir brûler lentement , & d’entendre les foûpirs
& les gémiffemens , qu’il ne pouvoit s’empêcher de pouffer.
Ils le laifferent enfuite quelque tems , pour faire rougir des ha¬
ches de fer , dont ils firent un collier , qu’ils mirent au cou
du P. de Brebeuf ; mais ce nouveau fupplice n’ébranla pas plus
le faint Martyr , que n’avoient fait les autres , & comme les
Barbares cherchoient quelque nouveau tourment , pour tâcher
de vaincre un courage 5 qui les irritoit ; un Huron Apoffat fe
mit à crier qu’il falloir jetter aux deux Millionnaires de l’eau
bouillante fur la tête , en punition de ce qu’ils en avoient jetté
tant de froide fur celle des autres , & caufé par-là tous les mal¬
heurs de fa Nation. L’avis fut trouvé bon ; on lit bouillir de
l’eau _} & on la répandit lentement fur la tête des deux Conlef-
feurs de Jesus-Christ.
Cependant la fumée épaiffe , qui fortoit des écorces , dont
le P . Lallemant étoit revêtu , lui rempliffoit la bouche , &c
il fut affez lontemS , fans pouvoir articuler une feule parole.
Ses liens étant brûlés , il leva les mains au Ciel , pour implorer.'
(*) i* Corixith. 4. 9.
I 649.
24 histoire generale
le fecours de celui , qui eft la force des Foibles , mais on les
lui fit bailler , en le frappant à grands coups de cordes. Enfin
les deux corps n’étant plus qu’une playe , ce fpectacle bien
loin de faire horreur aux Iroquois , les mit de bonne humeur ;
ils fe difoient les uns aux autres que la chair des François de¬
voir être bonne, & ils en coupèrent fur lun & fur 1 autre
de grands lambeaux , qu’ils mangèrent. Puis ajoumnt la rad¬
ient à la cruauté , ils dirent au P. de Brebeuf Tu nousaf-
sûrois tout à l’heure que plus on fouffre fur la Terre , plus on
eft heureux dans le Ciel ; c’eft par amine pour toi que nous
nous étudions à augmenter tes fouffrances , & tu nous en auras
°k(fuekrues momens après ils lui enlevèrent toute la peau de
la tête , & comme il refpiroit encore , un Cher lui ouvrit le
côté d’où le fang fortant en abondance , tous les Barbares ac¬
coururent pour en boire ; après quoi le même , qui avoit fait
la playe , découvrit le cœur , l’arracha , & le dévora. Le P. de
Brebeuf étoit du Diocèfe de Bayeux , & Oncle duTiadu-
&eur de la Pharfale. Il étoit d’une taille avantageufe , &
malgré fon abftinence extrême , & vint années du plus pé¬
nible Apoflolat , il avoir affez d’emjronpoint. Sa vie fut un
Héroïfme continuel , & fa mort fut l’etonnement de fes Bour-
Dès qu’il eut expiré , le P. Lallemant fut reconduit dans la
Cabanne , où fon Martyre avoit commence ; il n eft pas meme
certain qu’il foit demeuré auprès du P. de Brebeuf jufqu a ce
que celui-ci eût rendu les derniers foûpirs ; on ne 1 avoir amené
là, que pour attendrir fon Compagnon, & arnolir, s il etoit poi-
fiblé , le courage de ce Héros. Il eft au moins confiant par le
témoignage de plufieurs Iroquois , qui furent Afteurs de cette
Tragédie, que ce dernier mourut le feize , & qu il ne fut que
trois heures dans le feu , au lieu que le fupphce du P. Lalle¬
mant dura dix-fept heures , & qu’il ne mourut que le dix-fept.
Quoiqu’il en'foit, fitôt qu’il fut rentre dans fa Cabanne îLreçut
amdeffus de l’oreille gauche, un coup d’hache , qui lui ouvrit le
crâne , & lui en fit fortir de la cervelle. On lui arracha enfuite
un œil , à la place duquel on mit un charbon ardent yc eft tou
ce qu’on a pu fçavoir de ce qui fe pafla alors jufqu a ce quil
eût expiré ; tous ceux , qui affilièrent à fa mort , s’étant conten¬
tés de dire qne les Bourreaux s’etoient furpaffes en cruauté. Ils
ajoutèrent que de tems en tems il jettoit des cris capables de
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 295
percer les cœurs les plus durs , & qu’il paroifloit quelquefois \<$ 4 a.
liors de lui-même ; mais qu’aufîi-tôt on le voyoit s’élever au-
deffus de la douleur , & offrir à Dieu fes fouffrances avec une
ferveur admirable. Ainfi la chair étoit fouvent foible , & prête
à fuccomber ; mais l’efprit fut toujours prompt à la relever , &
la foûtint jufqu’au bout. Le P. Laliemant étoit de Paris , Fils &
Petit Fils de Lieutenans Criminels. Il étoit extrêmement mai¬
gre , & il n’y avoit guère que fix mois , qu’il étoit arrivé
dans la Nouvelle France. Il mourut dans fa trente-neuvième
année.
Après de fi rudes échecs, Tes Hurons défefpererent abfolu- hifperfio.ï
ment de fe foûtenir , & en moins de huit jours toutes les Bour- des Hurous-
gades des environs de Sainte Marie fe trouvèrent défertes. Il
ne refia de la plûpart , que la place, quelles avoient occupée ,
les Habitans y ayant mis le feu en fe retirant , les uns dans les
Forêts , les autres chez les Peuples voifins. Comme ceux , qui
refloient à Sainte Marie , n’ofoient fortir , parce qu’ils ne doti-
toient point que les Iroquois ne tinffent la campagne , la fami¬
ne fe fit bientôt fentir dans cette Bourgade , & il n’y avoit point
d’apparence qu’on y pût remedier de lontems : c’efl ce qui fit
naître aux Millionnaires la penfée de réunir les refies difperfés
de cette Nation dans quelque lieu allez éloigné , pour qu’ils
n euffent pas à craindre d’y être inquiettés par un Ennemi , au¬
quel ils n’étoient plus .en état de réfifter.
Ils propoferent l’Ifle Manitoualin , qui efl dans la partie Sep- LaPlûP-mfe
tentrionnale du Lac Huron. Cette Me a environ quarante lieues retirenr à l’tflc
de longueur de l’Efl à l’Ouefl, mais très peu de largeur, les deS,Jofeek-
Côtes en font poiffonneufes ; le Terreiny efl bon en plufieurs
endroits , & comme ellen’étoit point habitée , on y voïoit une
quantité prodigieufe de Bêtes fauves. La proportion des Mif-
fionnaires ne fut pourtantpas bien reçue ; les Hurons ne pou-
voient fe refoudre à s’exiler fi loin de leur Pays , ils ne vouloient
pas même 1 abandonner , quoiqu’ils n’euffent pas le courage de
le defendre , & il fallut que les PP. euffent la complaifance de *
les fuivre a / IjledeS. Jojeph , qui efl fort peu éloignée du Con¬
tinent , ou ils étoient. % ^
La tranfmigration fe fit le vint-cinquiéme de May , & en Ce qu’ift eir-
tres-peu de tenis il fe forma dans cette petite Ifle une Bourgade l-e.nt ^ y füu£'
de cent Cabannes , les unes de huit , les autres de dix feux ; nr*
fans compter un très-grand nombre de Familles, qui fe répan¬
du eut aux environs , & le long de la Côte , pour la commodité
X
6 49*
r HISTOIRE - GENERALE
2hch*«t*i*
lionnaires eure _ _ ,T r^a „P11 _ nu Domt du tout , que
^Kr,ïï.ï**v»i«« "zærjsrsxis
>“ ’» fo»> homur , cl .1er de
trouva réduit a des extrem ,^ ^ à dgmi corrompus p0Ur
Sng” »" 3"s Mères
' J 'fcSfe i;“!« dïï cadavres de ce» , ,«i k» <mim
“ tl£T fsÆxs0”
ies , & cpie ces t eu^ ? fr milieu de cette de-
fe garantir de la co‘ ‘^Ouwiers Eva„?el.ques recueillirent les
tl n’v eut aucun de ce N phy . £ ^ du Ciel , & qui
avec ea,o„ de gra.es , U »»,
Ce/êJ’,™ fon. celle. , à quoi >« S.«£®* tj?
Faites pour votre confervation , ce que vous fai P
falutdl votre Ime , C’étoit pourtant quelque c^fedeto
SS fi capable de les y faire revenir, & d falloitj^ leu*
' point de
Témérité te llUpourbcomble de malheurs on i apprit =
* s- Œsxsxsgz:* ci”6 dt >» n““ -rs
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VII. 297
de toutes parts avertir qu’on fe tînt fur fes gardes. Cet avis re-
gardoit furtout les Hurons Tionnontate ç qui depuis l’éva¬
cuation de Sainte Marie étaient les plus expofés aux courfes
des Ennemis. Leur Canton étoit un des plus peuplés , & dans
une feule Bourgade , qui portait le nom de S. Jean , on comp¬
toir plus de fix-cent Familles. On y regarda l’entreprife des
trois-cent Iroquois comme une bravade ; & pour leur montrer
qu’on ne les craignait point , tous ceux , qui pouvoient porter
les armes , fe mirent en campagne pour les aller chercher.
L’Ennemi fut bientôt informé de cette imprudente démar¬
che , & refolut d’ert profiter : il fit une fauffe route , marcha
par des chemins détournés , & arriva à la pointe du jour à la
yûë d,e S. Jean. Le P. Charles Garnier , & le P. Noël Chaba-
nel y gouvernaient depuis quelque tems une nombreufe Chré¬
tienté , mais deux jours auparavant celui-ci avoit été appelle
ailleurs , & le P. Garnier étoit relié feul. Il vifitoit aéluelle-
ment les Cabannes , lorfque les Iroquois firent leur cri , & il
comprit aifément que tout étoit perdu. Il courut d’abord à la
Chapelle , qu’il trouva pleine de Chrétiens , que la peur avoit
faifis , & il leur déclara qu’il n’y avoit de falut pour eux , que
dans la fuite. Il les exhorta à ne point perdre le tems en délibé¬
rations inutiles & en pleurs fuperflus ; il leur dit qu’il alloit
mourir pour faciliter leur évafion ; que tant qu’il lui relierait
un foufle de vie , il n’abandonneroit point ceux, qui auraient
befoin de fon Miniftére , & qu’il les prioit de ne jamais oublier
les leçons , qu’il leur avoit données.
Il fortit auffi-tôt , & retourna dans les Cabannes , dont quel¬
ques-unes étoient déjà en feu : il baptifa tous les Catéchumè¬
nes , qu’il rencontra , & fe rendit enfin dans la Place , où l’on
ne voyoit plus que des Morts & des B Mes. Quelques-uns le
conjurèrent de fe retirer , mais il rejetta bien loin cette propo¬
rtion , & il refia au milieu <^e ce carnage , animant par fa
préfence & par fes difcours fes chers Néophytes à bien mou¬
rir. Les Iroquois parurent quelque tems l’admirer & le refpe-
£ler ; mais à la fin un de ces Barbares lui lâcha fon fufil , où
il y avoit deux balles , dont. l’une le perça au bas de la poitrine ,
& l’autre , après lui avoir déchiré le petit ventre , lui entra dans
la cuiffe.
Il tomba du coup fans connoiflance , & celui , qui l’avoit tiré,
le croyant mort , le dépouilla. Quelque tems après il revint à
lui , & comme il n’entendoit plus perfonne , il leva la tête , &
7 ome /. “
pP
1649.
Cette Eour-
°;ade eft dé-
truitte par IeS
Iroquois.
Mort héroï¬
que du P. Gar¬
nier.
1649*
Mort du P.
Chabaüel.
,08 HISTOIRE GENERALE
a divnas un Huron , qui rendoit prefque les derniers
fouplrs üfit un effort pour élever pour l’aller abfoudre
ma’s il retomba fur le champ ;■ il fe releva encore , mais il lut
fut impoffible de faire un pas , & dans le moment un t Iroquc is
accourut & lui déchargea fur le ventre deux coups de hache ,
dont il expira fur l’heure dans l’exercice, & pour airj divans,
lefein même de la chanté. Le P. Garnier etoit de Pans , ce
pour entrer dans la carrière Apoftolique , avoir faenfie une for-
lune brillante , & réfifté aux larmes d une Famill .dont .1 etoit
tendrement aimé. Il avoir fan ce facr.fice avec trop de
fité pour 11e pas mériter qvie Dieu lui fit a giac
mer de la maniéré la plus héroïque. , j c rea„
T’ai dit crue le P. Chabanel avoir ete rappelle de Jean
deux .ours avant la défolation de cette Bourgade , le motif de
« rappeï fut qu’on ne vouloir pas laitier en même teins deux
Ouvriers dans un lieu auffi expofe que celui - la aux cou
deslroauois ■ mais ils étoient tous deux egalement murs pot
le Cie^ Et fi l’un évita par obéiffance le fer des Iroquois , cet e
même obéiffance lui procura un autre genre de mort > fful ’T°"
n’avoir point eu autant d’éclat aux yeux des Hommes , en tu
petu-être pas moins précieux devant celui , qui nous juge fu -
Tant les dïofitions Se notre cœur & ne nous tient pas .noms
compte de ce que nous avons voulu faire pour lu. , que de
que nous avons réellement fait & fouffert. deDe-
Le P Chabanel étoit parti de S. Jean le cinq ou le :
cembre , accompagné de' quelques Chrétiens. La nuit, qui fiu-
vit la mort du P. Garnier, le furpnt dans un Bois 1 , & .tou
Compagnons de voyage s étant endormis , 1 chanter II
d’iroquois , & des Murons Captifs, que Ion fanon chanter. 1
éveilfa fes Gens , à qui il ne fallut pas dire deux rois de fe feu-
ver. Il fe mit en devoir de les fuivre ; mais n ayant pas les ja
bes auffi bonnes qu’eux , .1 les perdit bientôt de vue , & depuis
ce tems-là on n’a jamais pu fç avoir au jufte ce quil etoit d
nu. Quelque tems après un Huron Apoftat dit :qu 1 1 avott ren¬
contré au bord d’une Riviere , qu il 1 avoit aide a la traver 1er ,
& qu’enfuite ils s’étoient féparés ; ma.s on eut ^ns a fmtepk •
d’une raifon de foupçonner ce Malheureux de 1 avoir tm- çpou
J. il* cm nar haine contre la Religion.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VII. 299
de fe rétablir jamais. Des Idolâtres de cette Nation, qui fai-
foient encore le plus grand nombre dans une Bourgade , à la¬
quelle on avoit donné le nom de S. Mathieu , s’étant perfua-
dés que le feul moyen de mettre fin à leurs difgraces , étoit de
fe défaire des Prédicateurs de l’Evangile , ils s’y réfolurent.
Pour mieux réufiir dans ce deffein , ils entreprirent d’y enga¬
ger des Chrétiens mêmes , & à cet effet ils publièrent qu’011
avoit vû des Colliers , envoyés par le Gouverneur Général des
François aux Cantons Iroquois , pour les exhorter à pouffer à
bout les Hurons , en les affûrant que les Peres , qui étoient par¬
mi ces Sauvages , les livreraient entre leurs mains.
Après ce qui venoit de fe paffer , la calomnie n’avoit pas mê¬
me de vraifemblance , mais l’exige-t-011 toujours des Calom¬
niateurs , pour ajoûter foi à leurs difcours ? Et les Nations les
plus policées ont-elles droit de faire fur cela des reproches aux
Sauvages ? Il n’y a donc pas trop lieu de s’étonner que ces dif¬
cours ayent pu faire impreffion fur des Gens , qui ne fça-
voient plus à quoi imputer les maux ^ dont ils étoient acca¬
blés. D’ailleurs ceux , qui les débitoient , avoient eu foin de
donner une couleur de zélé pour le bien public à l’attentat ,
qu’ils médiraient : outre qu’ils ne demandoient à ceux , qu’ils
avoient féduits , que de ne s’y pas oppofer.
Peu de jours après dçux Miffionnaires arrivèrent à Sc. Mat¬
thieu , & à leur entrée dans le Village ils furent affez furpris
d’entendre les cris , que l’on a accoutumé de faire , quand on
amené des Prifonniers. Ils firent pourtant bonne contenance ,
& perfonne n’ofa mettre la main fur eux. On fe contenta de
quelques huées , qu’ils mépriferent : ils vifiterent toutes les Ca-
bannes , ils entendirent tous les difcours , que l’on tenoit fur
leur compte ; ils comprirent toute la grandeur du péril , où ils
fe trouvoient , mais ils n’en firent pas femblant. Cette affûran-
ce , & la perfuafion , où furent plufieurs , que le Dieu des
Chrétiens avoit lie les bras à leurs Ennemis , firent ouvrir les
yeux aux plus prévenus contre eux , & avant la fin du jour il
yeneutjuiquà dix-fept,qui demandèrent le Baptême.
Le Ciel donnoit de tems en tems de ces marques éclatantes
1 6
) °*
La fermeté
de deux de ces
Peres décon¬
certe leurs me-
utres.
_ — — w w w A WA w W V Traits fîrtgtt-
d une protection vifible fur les Paffeurs & fur leurs Ouailles. liers delà Pro-
Un Huron pris en guerre étoit fur le point d’être attaché au
poteau pour être brûlé: il demanda à Dieu avec ferveur d’être
délivre de ce terrible genre de mort , & fa priere eut fur le
champ fon effet. On le délia , & on lui accorda la vie , au grand
P P ij
vidcnce en fa¬
veur des Chré¬
tiens.
histoire generale
_ _ 5,° nnpment de tout le monde ; ceux-mêmes , qui lui faifoient
l65°- cette Pe, ne pouvant pas dire pourquoi ils en voient
31 Une bonne Vieille de l’Ille de S'. Jofeph , qui de toutes les
Prières qu’on avoit tâché de lui apprendre , n avoit pu rete¬
nir que ces paroles , Jefus , ayez pitié de moi , gageant : u
le Lie Huron , Te trouva faifie d’un fro.d fi exceffit ^ue tous
ceux qui l’accompagnoient , en moururent. Elle ht la Prieie
& avec toute la ferveur , dont elle étoit capable , 8e
elle a depuis alluré , qu’à chaque fois quelle la répètent , une
chaleur fenfible la ranimoit , ce qui dura jufqu ace qu o
ïîSyiSE djefpnt allez grande pour
faire impreîHon fur les fens , ce qui eft une des grandes mer-
•sr,v- <™ . ” J»-
de ces Miferables , qui par bonheur pour eux n «ment f
de leur Me , qu’après avoir mis ordre aux Mânes
C°Cfeuxn,Cqui étoient reliés à S. Jofeph , & dont le «ombre ne
montoit pas à trois-cent , apprenant le trifte fort de bu J
res ne doutèrent plus que les Iroquois ne vinllent m#eua
ment les attaquer ; & après plufieurs Confeus fur kpa^
nn’ik avoient à prendre pour éviter ce malheur , i
terent à celui-ci. Les plus confidérables jallerent trouver e ■
T> qmieneau qui nouvernoit cette Million , oc lui Q
daifs l’état déplorable , où ils fe voy oient réduits , ils ni ^
ginoient plus qu’un feul moyen de prévenir la ruine ^nu
de leur Nation ; que ce moyen etoit que les Peres le mille
à leur tête qu’ils rafle mblaffent tout ce qu’ils pourroien
Hurons difperfés , & qu’ils les menaffent à Quebec , ou ^ »
du Fort des François, &fous laproteftion de leur
. ils nnffent cultiver tranquillement les Terres , qu o
Plufieurs def-
cendent à
Quebec.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 301
droit bien leur abandonner , & où ils ne penferoient plus - I ^ Q
qu’à employer au fervice de Dieu les jours , qu’il leur avoit 5
confervés.
Le P. Ragueneau , avant que de leur répondre , voulut con-
fulter les autres Millionnaires , qui fe trouvoient aux environs *
& tous furent de l’avis des Sauvages, Il fembloit en effet que
ce fût là l’unique reffource , qui reliât à ce Peuple infortuné.
Tout le Pays étoit dans la derniere confternation , on n’y
voy oit plus que des Bourgades détruites , ou défertes , qui com¬
mençaient déjà à fe peupler de Bêtes fauves , dont les Hom¬
mes , les Femmes & les Enfans alloient prendre la place dans
les Forêts & fur les Montagnes ; & il n’y avoit pas un mo¬
ment à perdre , fi on vouloit fauver les trilles débris d’une Na¬
tion autrefois (i lloriffante.
On fe mit donc en chemin , fans délibérer davantage ,, & fans
trop fç avoir de quoi 011 vivroit fur la route ; mais la faim ne-
toit pas moins à craindre en reliant dans Fille & dans les Bois ;
& il en étoit de même du danger de tomber dans quelque Parti
Iroquois ; car il eft vrai que la moindre Trouppe de Guerriers
auroit fuffi pour tailler en pièces toute cette multitude confufe ,
que la peur avoit faille , & que la mifere & les maladies avoient
réduite à une extrême foibleffe. On choilit la voye de la gran¬
de Riviere des Outouais , & bien qu’on aperçût tous les jours
des velliges affez recens d’Iroquois , on fut affez heureux pour
n’être pas découvert par ces Barbares. Environ à la moitié
du chemin ces pauvres Exilés rencontrèrent le P. Breffani ,
lequel avoit hyverné à Quebec , & retournoit affez bien ac¬
compagné à fon ancienne Million , dont il ignoroit encore le
défaltre.
Il avoit été efcorté pendant quelque tems par quarante Fran¬
çois , & peu de jours après que cette efcorte l’eut quitté , il
avoit été furpris pendant la nuit par dix Iroquois. Âtiron-
tha , fameux Chef Huron , brave Homme & bon Chrétien ,
avoit été tué d’abord , & le Millionnaire bleffé de trois coups
de flèches , tandis qu’il couroit de tous côtés pour éveiller fes
Gens ; mais les Iroquois ayant trop tardé à faire retraitte ,
s’étoient vûs en un moment invellis de toutes parts ; on en avoit
tué fix , deux étoient reliés Prifonniers , deux s’étoient fauvés ;
& les Hurons ,.qui avoient aulîi perdu fept des leurs , conti-
nuoient leur route , bien honteux de s’être ainfi laiffé furpren-
prendre par une poignée d’ Aventuriers.
1650.
De quelle
maniéré ils
font reçus.
Ce que de¬
vinrent les
autres.
301 HISTOIRE GENERALE
Ils furent bien plus confternés encore , quand ils apprirent
la défolation de leur Pays. Ils comprirent que ce qu ils pou-
voient faire de mieux , étoit de retourner fur leurs pas avec
les autres , & ils s’y déterminèrent. Ils arrivèrent tous enlem-
ble à Montreal , où l’on n’oublia rien pour les retenir ; mais ils
ne s’y crurent pas allez en sûreté , & apres s y etie repofes
pendant deux jours , ils fe rembarquèrent , & fe rendirent a
Ouebec le vint-huit de Juillet 1650. M. d Aillebout leur fit un
très-bon accueil ; mais il y avoit alors fi peu de Perfonnes
aifées dans la Colonie , qu après que les Communautés , &
quelques-uns des Principaux de la Ville, fe furent charges de
nourrir un nombre de Familles , proportionne a leurs facul¬
tés , il relia encore plus de deux-cent Perfonnes , qui 1 n avoient
de reffource , que dans la Providence. A la vente elle ne '^r|
manqua point , & ils fubftfterent lontems , fans qu on put con-
revoir ce oui les faifoit fubfiitei . . .
Le fort de ceux , qui n’avoient pu fe refoudre a abandonner
leur Pays , fut bien trille. Quelques-uns fe jetterent entre es
bras des Nations voifines , fur laquelle ils attirèrent bientôt les
armes des Iroquois. D autres alleient du cote ,-S
s’établirent dans ce qu’on appelle aujourd hui h Pe4y1™™'
Il y en eut un allez grand nombre , qui attires par les Iroquois
dans une embufeade , fous prétexte d’un accommodement , &
s’étant aperçus à tems de la perfidie de ces Barbares , leur op-
poferent une contre-rufe , qui leur réuffit : ils furprirent ceux ,
qui croyoient les furprendre , en tuerent un grand nombre ,
puis s’allerent cantonner dans Fille Mamtouahn , dou quel¬
que tems après ils defeendirent a Quebec , pour y join re eur
Prefque tous les Habitans des deux Bourgades de Saint Mi¬
chel & de Saint Jean-Baptifte prirent un parti fort périlleux,
& qui eut néanmoins allez de fuccès. Ils fe prefenterent aux
Iroquois mêmes , s’offrirent à vivre avec eux , & en turent
bien reçus. Enfin les Ennemis fçachantque p ufieurs erroient
de côté & d’autre, fans pouvoir fe fixer nulle part, mirent
leur Jeuneffeà leurs trouffes. Prefque tous turent pris , on n
fit quartier à aucun , & ce qui montre à quel point la terreu
du nom Iroquois avoit faifi toutes les Nations , non-leulement
le Pays Huron , mais encore tout le cours de. la Riviere de
Outaouais , qu’on avoit vu fi peuplé peu d’annees auparavant ,
fe trouvèrent prefqu’entierement deferts ; 1 uns quon pu Ç
*
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 303
voir ce qu’étoient devenus la plûpart des Habitans. 1650-fi.
On s’étoit flatté 5 qu’au moins les Hurons, qui s’étoient re- Abandon,
fugiés à Quebec , y feraient à l’abry de toutes les rniferes , °^fe
qui accabloient les autres ; rien n’étoit , ce femble , plus aifé Pleraia**
que- de les mettre en état d’avoir le néceffaire , fans être à char¬
ge à la Colonie , qui en aurait pu même tirer avec le tems
| quelque avantage , & le P. Jerome Lallemant , Supérieur Gé¬
néral des Millions , fit exprès le voyage de France , pour en
j traitter avec les DireReurs de la Compagnie du Canada. Il
leur reprefenta vivement de quelle importance il étoit de ne
pas lai fier périr tant de Chrétiens , qui s’étoient jettes dans
notre fein , combien il étoit facile de pourvoir à leur fubfi-
ftance , & les avantages , qu’on en pouvoit retirer , foit pour
l’augmentation du commerce , foit pour la défenfi* de la Co¬
lonie.
Il eut beau dire , il ne fut pas écouté , d’où il arriva , com- Leur peu de
me nous le verrons bientôt , que la Colonie Françoife tomba conduire,
dans un li grand mépris , que pendant plufieurs années les Iro-
quois prirent fur elle le même afcendant , que nous leur avions
! laiffé prendre fur nos Alliés. Ceux-ci de leur côté fe condui¬
sirent fort mal. Il fembloit qu’un efprit de vertige fe fût em¬
paré de ces Sauvages. Ils ne fe virent pas plûtôt fous le canon
de Quebec , qu’ils pafferent fans milieu de l’excès du décou¬
ragement à celui delà préfomption. Ils fe crurent déformais
! invincibles , & quoiqu’ils n’euflent parmi eux que très-peu de
Guerriers , ils ne fe propoferent rien moins , que de rendre
auxlroqnois tout le mal , que ceux-ci leur avoient faif.
Ils engagèrent les Habitans de Sylleri à fe joindre à eux , &
ils formèrent un Parti de guerre', devant lequel fils s’imagi¬
nèrent que les cinq Cantons 11e pourraient jamais tenir. Les
Algonquins des Trois Rivières , 8c quelques Hurons , qui fe
rencontrèrent au même lieu , groflirent encore leur Trouppe ;
cette Armée marcha contre les Agniers , & comme ils étoient
tous Chietiens , ils avoient donne à cette Expédition un air
ce Cioifade , en publiant quils n’avoient pris les armes , crue
pour obliger l’implacable' Ennemi du Chrifiianifme à fe réti-
rer de defilis les Terres des Fidèles, & procurer par-là aux
Millionnaires les moyens de faire fleurir la véritable Reli-
gion.
Comme ils approchoient du Village , où ils avoient refolu Exd'cT •
c e taire leur première attaque , un Huron 8c un Algonquin raalhemeufc
1650-5 1
où périrent
quantité de
Sauvages
Chrétiens. >y
»
»
»
»
»
»
»
»
histoire generale
l 04 J. il. „nlir aller à la découverte. Ces deux Hom-
furent détaché | premier tomba dans un Para Iroquois ,
rSetaï ,S ’v ne fit point de difficulté de trahi.- fa
Nation & fes Alliés. « Mes Frétés diml en abordant
vous : je me fu _ Trnrmois & les Hurons ne font
Hiftoire d’un
Algonquin ,
brillé par les
Iroquois.
où^Vfpii'^ue^refoi^ment les Irm^ois^fi^les^Hurons^ie^ont
leux jours , que^el’ai quitté pVir vous avertir de vous ten,
fur vos garde* ». Servit de Guide aux Agniers,
Le Perfide fit bien p r, / • les trouvèrent tous
qui allèrent au devant^d décharge de
endormis. Ils ne eu ie tems & la faci-
Vt° d^choifo ceux fur qui tomberaient fes premiers coups,
litede choiin ceu , A, / refterent morts fur la place,
les plus Braves des Conteder s rel ere t ^ fes
avant qu’aucun bien battre, & à la
armes. Plufieurs nelail P d nombre , qui
faveur de cette réfiftance, il y «leutun g«n ^ ^
fe fauverent dans esc o^ ou ^ ^ s’échappèrent , &
d^fo on a fçu Les' les circonftances de cette trille aven-
tUT* c Ipc autres Captifs honnorerent leur Religion , pour
Tous les autr P • • |es armes ; mais celui,
la défenfè de laquelle ils avo en .pie8 ^ nommé
qui fe diftingua le . plus , fut t ■ ) prefqu’Enfant à Sylle-
’/t «ssss.- 11 r r sa l * -j*
Gr'.ce i rütocmon conunw
& il etoit parvenu a u ^ anifme. Un an avant fa mort il
trJSSSStf* b«,uc„p «-fm
maniéré furprenante'
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 305
Cet Homme , qui trouva lui-même la chofe fort extraordi¬
naire , ne laiffa point de faire les cris & les hurlemens accoû-
tumés ; mais après quelque tems il changea tout à coup de
ton , & adreffant la parole à Onoharé , qui n’étoit pas loin , il
lui fit de grandes menaces. Le genereux Chrétien s’approche
auffi-tôt , & ne doutant point que ce 11e fût le Démon , qui par-
loit par la bouche de fon Miniftre : J’adore , dit-il , celui , «
qui de rien a créé le Ciel & la Terre , il eft mon fouverain «
Seigneur & le tien , & malgré que tu en ayes , tu es contraint “
de le reconnoître auffi-bien que moi en cette qualité ». Com¬
me il parloit encore , quoiqu’il n’y eût perfonne auprès de lui ,
il fe fentit frapper au côté avec tant de violence 3 qu’il en per¬
dit prefque le mouvement & la refpiration. Au bout de trois
jours , fe trouvant encore très-mal , il demanda à Dieu fa guéri-
fbn avec ferveur ; il fut exaucé , & partit pour la guerre avec
les autres.
Pendant la route un autre Sauvage , qui avoit apparemment
eu quelque fâcheux rêve , l’aborda un matin fort émû , & lui
dit qu’il étoit bien fâché de s’être engagé dans cette Expédi¬
tion avec lui : que fon obflination à ne vouloir point conful-
ter les Efprits , attireroit immanquablement quelque malheur
à toute la Trouppe. Le fervent Chrétien eut pitié de l’aveugle¬
ment de cet Homme , & tâcha de le détromper de fes erreurs.
Tandis qu’il parloit , ils aperçurent deux Iroquois , & leur
coururent fus. Onoharé en joignit un, & le tua d’un feul coup ;
l’autre fe fauva. Le jeune Chrétien alla enfuite retrouver fon
Camarade , qui ne s’étoit pas beaucoup p relie d’atteindre l’En
1650-51
nemi
& lui dit que fon Manitou l’avoit fans doute averti de
ne pas trop s’expofer. » Sçachez donc une bonne fois , ajoûta-
t-il , qu’un Chrétien ,#qui eft fidèle à fon Dieu , ne craint rien ,
& que vos démons ne peuvent donner aucun fecours à ceux ,
qui les invoquent ».
Le dernier a&e de la vie de ce fervent Néophyte fut celui ,
où il parut plus grand : il s’y étoit préparé par une confelîion
générale , & par de fréquentes communions. Dès le commen¬
cement de l’Expédition , où il fut pris , il avoit eu un pref-
fentiment , qu’il n’en reviendrait pas ; & comme il s’agiffoit de
combattre les Ennemis de Dieu , il fe ralfûroit par l’efperance
du Martyre. Rempli de cette idée , plus il fe figurait qu’on lui
feroit louffrir de maux , plus il relfentoit de joye , & il 11e fe
démentit point au milieu des fupplices. Il ne cefToit d’exhorter
Tome /. Qq
«
«
«
1050-5 1
Ferveur
Chrétiens.
,06 HISTOIRE GENER AL E
fon Compagnon à la patience , & fes Bourreaux 1 aérant voulu
contraindre de fe taire , il leur dit hardiment qu .1 n eto.t pas en
leur pouvoir de l’empêcher de publier les louanges de fon Dieu, _
& deP travailler pour fa gloire. Cette reponfe es mit en u-
reur mais ils eurent beau inventer les tortures les plu» inouïes
pour le forcer au . filence , ils ne purent ébranler fon courage ,
ni lui arracher un foûpir , & il ne ceffa de bemr le Seigneur ,
nu’en ceffant de vivre. , t
:s q Cette grande défaite & plufieurs autres echecs moins con-
fiderables , quifuivirent coup fur coup , furent pour les M -
fionnaires & pour ceux , qui s intereffoient au progies de E-
vangile , & à l’avancement de la Colonie , un grand fujet .de
douleur ; mais ce qui confola un peu les premiers , c elt que
les Parens & les amis de ceux , qui avoient per. en cette ren-
contre , ne firent prefqu’entrer pour rien la chair & le lang
dans les regrets, qu’ils témoignèrent de ïeur perte, &qu ils ne
firent paraître que des fentimens dignes de leur. Rp f
n’entendit parmi eux aucune plainte contre la Provfoe e
d’un Dieu , qui mettoit véritablement leur foi & leur ver u <
de grandes épreuves , mais qui ne fe montrait n. moins pu.ffant,
ni moins Pere , en leur infpirant une refîgnation f. heroiqt e.
Ces réfléxions , que firent les Infidèles memes , en cov
tirent plufieurs , les plus entêtés , au milieu meme de leurs in-
veftives , fe fentoient tout-à-coup changés d une maniéré , qui
les étonnoit , & les Iroquois eurent pendant une annee entie
un exemple de ce grand pouvoir de la Grâce , que plufieurs
d’entr’eux ne purent fe difpenfer de reconnoitre. Ils avoien
parmi leurs Pionniers une' jeune A lgonqume qui eto.t aveu¬
gle , & quoiqu’elle fût abfolument hors d’etat de leur rend e
aucun fervice, ils la laiffoient vivre, jans trop fçavoir pour-
quoi
Cette Fille étoit Chrétienne , & bien inftru.te de fa Refo
gion , elle eut le courage de faire parmi fes Maîtres 1 emploi
3e Catéchifte , & Dieu opéra plufieurs convenons par Ion
miniftere. Il y en eut même , qui firent grand bruit , & JJ*
aigrirent beaucoup contre elle les Principaux du > dlage:
nlgnoroit pas à quoi l’expofoit fon zele , mais rien m îfu _ca-
panle de le ralentir. On l’avertit férieufement de prendre garde
a fes démarches , on lui fit des menaces , dont eÛe avoinou
lieu de craindre l’exécution ; rien ne 1 ébranla , & le Dieu»
quelle fervoit avec tant de courage , continua de la pro
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VII. 307
ger d’une maniéré incompréhenfible à ceux , qui pouvant ~~r — —
lecrafer d’une parole , n’oferent jamais attenter à fa vie , ni lui 1 > •
caufer le moindre chagrin.
Voilà ce qu’atteffoient alors tous ceux, qui vivoient dans
la Nouvelle France , ou qui y faifoient quelque fejour , & nous
en avons encore vu des témoins , qui ne pourvoient pas être
fufpe&s d’exaggeration. Je me fuis peut-être un peu plus arrêté
dans ces détails , que n’auroient voulu plufieurs de ceux , qui
liront cette Hiftoire ; mais j’ai cru qu’ils étoient néceffaires pour
donner une idée jufte de cette Chrétienté Sauvage , dont quel¬
ques Ecrivains , qui n’en ont vu que la décadence , fe font
efforcés de ternir l’éclat. Quelques qu’ayent été leurs motifs ,
dont je laiffe le jugement à celui , qui feul a le pouvoir & le
droit de fonder les cœurs , quelle créance peut-on donner à
l’autorité de Gens , qui n’ont point eu d’autre preuve, pour
traiter de fable ce qui s’eff paffé loin d’eux , ou avant eux , que
de n’en avoir pas été les témoins.
Au tems , dont je
tout , & fe fentoit de
prelqu înleparabie : il commençoit pourtant a y avoir quelque caufer des dé¬
dérangement parmi les Chrétiens , qui abordoient à Tadouf- Torches dans
fac , & à la honte des Européens , c etoit eux , qui donnoient ^^ues Mlf'
lieu au défordre , tandis que des Barbares à peine baptifés fai¬
foient leur poiîible pour l’arrêter. Il s’agiffoit furtout del’yvro-
gnerie , à laquelle ces Peuples ont un penchant , qu’ils ne con-
noiffoient point avant que d’avoir de quoi la fatisfaire , & dont
ils ne font prefque plus les maîtres , quand ils ont commencé
d’en former l’habitude.
Les Chefs de la Colonie avoient trop de religion & de zélé ,
pour ne pas s’oppofer à un commerce , qui fervoit d’amorce au
vice & le fomentoit , & ils ne furent pas même foupçonnés ,
comme l’ont été quelques - uns de leurs Succeffeurs , d’avoir
voulu augmenter leurs revenus aux dépens de la Religion &
du bon ordre. Mais il n’y avoit à T adouffac que des Mifîion-
naires fans Commandans , parce que nous n’y avons jamais eu
d Etabhffement fixe : & quelque crédit , que donnaffent à ces
Religieux leur caraffére , leur vertu , & les ordres du Gouver¬
neur Général , ils éprouvoient tous les jours combien une au¬
torité défarmée eff un foible frein contre certaines pallions ,
& que 1 intérêt de la Religion eft un motif peu capable de tou¬
cher des cœurs dominés par la cupidité.
Qq ■)
parle , la ferveur etoit encore grande par La Traittedc
la perfécution & l’adverfité , dont elle eff I’Eau-f1e-Vie
1650-5 1
,08 histoire generale
* T . mal fit en peu de tems de tels progrès , que les Chefs
àe\' Sauvages prièrent mftamment M. d’Aillebout de bati-r une
nrifon pour y enfermer ceux , qui par leurs fcandales trou-
Ileroient la pieté de leurs Freres. Outre les Montagnez , qui
étoient les Habitans naturels des environs de Tadouffac , on
voyoit encore fouvent dans ce Parti des Berfianmes , des Pu-
vïlachoh, des Oumamwueks , & tous avoient déjà des Chré¬
tiens , oui étoient redevables de la première connoiffance du
vràTüieu à des Sauvages Néophytes , & qu’ on avoir achevé
dmftruire à Tadouffac même , ou les Millionnaires 11e r ai
ou oient jamais de fe trouver au tems de la lraite.
q Les chofes étoient à tous égards fur un bien meilleur pied
aux Trois Rivières, où il y avoir un Gouverneur vg
zélé ( a ) , où les Jefuites avoient une Maifon , ou plu
Nations du Nord fe rendoient pour le commerce des Pellete¬
ries Elles y étoient furtout attirées par les Amkamegues , &
grands Lemples de vertu de ce bon Peuple prépare, oit
dans leurs coeurs les voyes aux impreffions de k Grâce. On
en baptifoit tous les ans un certain nombre , & Neophy
tes ne fe croyoient véritablement Chrétiens , qu autant qu ils
faifoient des conquêtes pour Jésus-Christ ; eurs ns ne
vovoient rien que d’édifiant dans la conduite des François.
L’iiyver précédant le P. Dreuillettes avoir parcouru toutes les
Contrées , qui font au Septentrion des Trois Rivières , il re
contra des Chrétiens , & des Chrétiens parfaitement bien m-
ttrmts , où il ne s'attendit pas de trouver des Hommes . i g
menta leur nombre , il leur admimftra les- Sacremen r leur
promit de les vifiter le plus fouvent qu il lui feroit poffible ,
& il les laiffa dans des difpofitions , dont il crut pouvoir tout
efperer. , , h fnnefte à la Nouvelle France parla
fon , Gouver- deftru&ion de prefque toute la Nation Huronne , & par
malheurs, qui en furent les fuites finit par le changement de
lc iance. , Gouverneur Général. M. de Laufon , un des principaux Mem¬
bres de la Compagnie du Canada, fut nomme pour fucced* a.
M. d’Ailleboût , dont les trois ans etoient expires ; mais i il « w
va à Quebec que l’année fuivante. M. d Aillebout laiffa fans
gret mie Place, où il ne pouvoir être, que le témoin delà
lolationde la Colonie , & dont on ne le mettoit point en état
de foûtenir ia Dignité. Le nouveau Gouverneur avoir toujours
(«) M. Dupleflis Boçhart..
■
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lxv. VIL 309
eu plus de part que perfonne aux affaires de la Compagnie.
Cetoit lui principalement , qui avoit ménagé en Angleterre la
feftitutfon de Quebec ; fa pieté , fa droiture , fes bonnes inten¬
tions étoient connues , & il avoit toujours paru s ’intéreffer beau¬
coup à ce qui regardoit le Canada.
Mais il le trouva dans une fituation bien plus déplorable en¬
core , que ne l’avoit reprefenté le P. Lallemant , & la Golonie
dépérifîoit de jour en jour. Les Iroquois devenus plus hardis
depuis leurs dernieres victoires , commençoientà ne plus regar¬
der nos Forts & nos Retranchemens comme des barrières capa¬
bles de les arrêter ; ils fe repandoient en grandes Trouppes dans
toutes les Habitations Françoifes ; & Ton n etoit plus nulle part
en sûreté contre leurs infultes. Un événement funefle ve-
noit encore d’accroître leur infol ence. Un de leur Parti s’étant
approché des Trois Rivières , M. Dupleffys-Bochart , qui en
étoit Gouverneur , voulut marcher contre eux en perfonne. On
eut beau lui reprefenter qu’il s’expofoit inutilement , que toute
fa valeur ne pouvoit rien contre un Ennemi , qui met fa prin¬
cipale force dans la furprife , & à qui fon agilité naturelle , &
la proximité des Forêts offrent toujours une retraite sûre ; &
qu’ènfin il n’y avoit rien à gagner à fe battre contre des Gens ,
qui 11’avoient rien à perdre^ Il n’écouta rien; mais il porta la
peine de fon obflination : il fut tué , & outre que fa mort priva
la Colonie d’un bon Officier , & d’un honnête Homme , elle
donna un nouveau relief aux armes des Iroquois.
La guerre , qu’ils continuoient de faire avec acharnement
contre les foibles refies de la Nation Huronne , & contre les
Peuples, qui leur avoient donné retraitte , augmentoitde jour
en jour la terreur de leur nom , & leurs forces croiffoient par
le nombre des Captifs , qu’ils emmenoient de toutes parts , &
dont ils fe fervoient pour remplacer ceux des leurs , qu’ils per-
doient. Enfin Syllen n’étant plus en sûreté avec des Paliifades ,
on avoit été obligé de l’enfermer de murailles , & d’y placer du
Canon. Les plus affreux déferts & les plus impénétrables Can-
* tons du Nord n’étoient plus des retraittes sûres contre la rage
de ces Barbares , & contre la foif hydropique , qu’ils avoient
du fang humain.
Le P. Jacques Buteux avoit employé tout le printems de
cette année 1651. à parcourir ces vafles Contrées; il avoit
trouvé tous les Attikamegues Chrétiens , ou Catéchumènes %
quoique jamais aucun Prêtre n’eût demeuré parmi eux &leur-
1650-5 1 . .
Le Couvert
neur des Trois
Rivières eft
tué parles Iro¬
quois.
Ravages de
ceux-ci dans is
Nord,
1652,
/
,1Q HISTOIRE generale
— innocence le charma. Ils avoient dreffé une Chapelle , où ils
1 6 5 2* s’aflembloient regulierement pour faire leurs Prières en com¬
mun & après que le Millionnaire eut fansfait a 1 empreile-
ment qu’ils avoient d’entendre la parole de Dieu , & de par¬
ticiper aux Sacremens de l’Eglife , ils le conduifirent chez une .
Nation plus éloignée , où ce Religieux fut allez heure u|'
pour faire goûter notre fainte Loi a un petit nombre d Elus.,
Il fe promettoit bien d’achever l’année fuivante cequil na-
voit encore pu qu’ébaucher ; mais à peine étoit-il de retour dans
la Colonie , que leslroquois firent une irruption dans ces lieux
écartés , les remplirent de fang & de carnage , & n y lame-;
rent pas un feul Village , dont ils n’euffent égorgé ou diffipe
les Habitans. La nouvelle en ayant ete portée a M. de Lau-
fon , lui fit comprendre la néceffite d’oppofer une digue ace
torrent ; mais il n’avoit amené aucun renfort de France , & il
s’en falloit bien qu’il eût trouvé dans la Colonie des forces ca¬
pables d’v rétablir la sûreté & la tranquillité.
iWsdela Le feul endroit de la Nouvelle France , ou les Iroquois
Foy p«mi les „’avoieiit encore ofé , & n’oferent jamais porter leurs armes
Nations Abé- vi£torieufes , étoit le Pays occupe par les Nations Abena-
naqutfes. . Nous avons vù que le P. Dreuillettes y avoit jette les
fond'emens d’une Chrétienté , qui donnoit de grandes efperan-
ces : je n’ai pu fç avoir les raifons , qu’il eut d interrompre les
travaux Apofioliques parmi ces Peuples , pour aller exercer
fon zélé jufqu’aux extrémités du Nord. Ce qui eit certain ,
c’efi; qu’aucun Millionnaire ne travailloit alors avec plus de
fruit dans le Canada , parce que le Ciel l’avoit rendu puif-
fant en œuvres , aulïi-bien qu’en paroles.
Les Sauvages , qui 1 accompagnoient dans les cour es 9 ne
parloient que des merveilles opérées par fon moyen , ce qui
joint aux vertus éminentes , qu’ils lui voy oient pratiquer , lui
rendoit facile tout ce qu’il entreprenoit pour la gloire de
Dieu. Les François avoient la même opinion de fa laantete ex
de fon pouvoir auprès du Seigneur. J ai connu aux Trois Ri¬
vières une Dame (a), qui pendant fon enfance étant tombée
dans une langueur , que les Médecins avoient jugée incura¬
ble , fut guérie au moment , que le Serviteur de Dieu fit fur
fon front le Signe de la Croix ; & c’efi: de la Mere meme (b)
( * JMadame de Cournover , Femme Jon Major Trois Rivières lequel émir Pis
Capitaine des Trouppes de la Marine
( b ) Madame de Iinetot , Femme d’un
de M. Godefroy, qui avoir été Ambafladeur .
à Bafton avec le ï\ Dreuillettes.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 311
de cette Dame , & qui la tenoit entre fes bras , lorfqu’elle fut
guérie , que je tiens ce fait.
Il paroît néanmoins que le P. Dreuillettes n’avoit jamais
perdu tout-à-fait de vûë fes chers Abénaquis , parmi lefquels
fon crédit devint fi grand , que les Anglois , qui avoient in¬
térêt à ménager ces Sauvages , leurs V oifins , crurent devoir
cultiver avec foin fon amitié , & eurent toujours de grands
égards pour lui. Il y répondit de fa part d’une maniéré , qui
les fatisnt beaucoup , & il profita fi bien de cette bonne intel¬
ligence pour avancer l’œuvre de Dieu , qu’il fe vit en très-peu
de tems à la tête d’une Eglife nombreufe & florifTante. La Nou¬
velle Angleterre eut tout lieu dans la fuite , & lorfque tous
les Abénaquis fe furent attachés aux François par le lien de
la Religion , de fe repentir de s’en être mal-à-propos fait des
Ennemis irrreconciliables.
Vers ce même tems quelques Familles d’Attikamegues in¬
vitèrent le P. Buteux à les accompagner dans leur Pays , pour
y raffembler les trilles débris de leur Nation. Il y confentit
d’autant plus volontiers , que plufieurs autres Sauvages , qui
ne connoiffoient point encore Jesus-Christ , dévoient fe
trouver au rendez-vous , que leur avoient donné les pre¬
miers. Le jour du départ fut fixé au quatrième d’ Avril 1652.
& la veille le Millionnaire écrivit à fon Supérieur un Billet ,
conçu en ces termes ; On me fait enfin efperer , mon Reve-
rend Pere , que nous allons partir. Dieu veuille qu’on ne chan¬
ge pas encore de refolution , & que le Ciel foit le terme de no¬
tre voyage. Notre Convoi eft compofé de foixante Perfonnes ,
Hommes, Femmes & Enfans : tous font d’une langueur extrê¬
me : quant aux provifions , elles font entre les mains de celui ,
qui nourrit les Oifeaux du Ciel. Je pars chargé de mes péchés
& de ma mifere , & j’ai grand befoin qu’on prie pour moi. Le
cœur me dit que le tems de mon bonheur approche : Dominüs
ejl y quod bonum eft in oculis fuis facïat (a).
Il falloir être en effet bien refolu à tout , pour entreprendre
un tel voyage. Après que ce Religieux eut fouffert pendant
un mois tout ce que la difette de vivres , & les chemins les
plus affreux peuvent avoir de plus pénible , on jugea qu’il
étoit bon de fe partager , tant pour fubfiffer plus aifément , que
pour être plus en état d’éviter les Partis Ennemis ; mais avant
que de fe féparer , tous voulurent fe confeffer , & recevoir le
* (a) i- Rcs- 3* is.
1652.
Ee P. Buteux
va dans le
Nord avec un
preflèntiment
qu’il n’en re¬
viendra point.
«
Il eft tue par
les iroquois.
IRE GENERALE
1 6 5 2.
J{ 15 T O _
Sacrement de l’Autel. Le P. Buteux ne garda avec lui qu’un
feune François & un Huron , & comme les Rmeres commen¬
cent à être naviguables , ils fabriquèrent un petit Canot , &
5 ^elendemafn Us furent obligés de faire plufieurs portages ,
6 Us étoient occupés autroiftéme , lorfque le Huron , qui mar-
choit un peu devant les autres , fe <em.t wut^coup fa,f, au
rnrns nar derrière. Le Millionnaire & le François turent en
même fems portés par terre d’une décharge de Mis. Le premier
“ eut deux Galles Lis la poitrine , & une tro.fieme lu. caffa le
bras droit II n’eut que le tems dedire deux mots a fon Corn
naanon qui n’éton pas moins bleffé , pour l’exhorter a bien
mourir d’offrir lui-même à Dieu le faerffice de : fa vie ,1
Iroquois les achevèrent fur le champ 1 un & 1 autre les de
poüUlerent , & jetterent leurs corps ..danfS^ ,^e de s’évader ;
«=»« Le Huron fut deftine au feu , on dé’-
Miffionnanes il arriva le huitième de Juin au ^ chercher le
repaient en 1 trouppe de jeunes Sauvages pour ader chercher
Europe. tacha Jais ils ne purent le trouver. Ainfi il ne
toit plus en âge de pouvoir apprendre une nouvelje laugue
ainli ils furent obligés de repafler en Europe. Le P. »rell“‘
fm de ce nombre , & il a depuis prêché dans les plus grandes
Villes d’Italie avec un applaudiffement , que lui attirent bien
mo ns fon éloquence véritablement pathétique que fa qualité
Progrès de la
Colonie de
Montreal.
ne dans toute la purete , oc uc unv ' '
emm (üfnnata Domini Jefu in corpore meo porto.
M de Maifonneuve fut o^hgé d aller a Pans nom y cherc ber
"UL1C — M. de Maifonneuve lutomige uduci a - J ,
1653. ies ferours qu’il ne pouvoit obtenir par fes Letties. 1
vînt en avec un renfort de cent Hommes ; mais a
plus heureufe acqu.fition , qu.l fit dans ce voyage fu celle
d’une vertueufe Fille , nomrnee Marguerite Bourgeois ,
( a ) Galat, 6. 17.
uve
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 313
tivede Langres , qu’il amena à Montreal , pour y avoir foin de 165 3T"
fa Maifon , & qui a depuis rendu fon nom cher oc refpeêlable à
toute la Colonie par fes éminentes vertus , & par l’inflitution
des Filles de la Congrégation ; Inftitut , dont l’utilité augmen¬
terons les jours avec le norfrbre de celles , qui Font embrafïe.
J’en ai parlé plus amplement dans mon Journal.
Peu de tems après le retour de M. de Maifonneuve , il ar¬
riva dans fon Me une chofe , qui fut regardée de toute la Co¬
lonie comme un effet de la proteêtion vifible de la Mere de
Dieu , à qui elle étoit particulièrement confacrée , 8c où l’on
vivoit véritablement de maniéré à mériter fes faveurs. Vint-
fix Hommes fe trouvèrent furpris & envelopés par deux-cent
îroquois , qui firent fur eux plufieurs décharges , fans en bleffer
aucun , au lieu qu’aucun coup de ceux-ci ne porta à faux. L’é¬
tonnement des Barbares Fuit extrême ; ils ne jugèrent pas à pro¬
pos de donner aux François le tems de recharger , 8c ils s’enfui¬
rent à toutes jambes.
Le Gouverneur prenoit fes mefures pour fe garantir de pa- Notrvéîles
reilles furprifes , lorfque foixante Onnontagués parurent à la négociation
vûë de fon Fort : quelques-uns fe détachèrent enfuite , 8c s’ap- paii*
prochant avec beaucoup de confiance, firent ligne qu’ils vou-
loient parler. Leur petit nombre fit qu’on n’eut aucune peine
à les introduire dans la Place , & ils déclarèrent que leur Can¬
eton étoit difpofé à la paix , fi on vouloit bien traiter avec
eux. Ils accompagnèrent cette proportion de préfens , 8c M.
de Maifonneuve , en les acceptant , Ibur fit obferver combien
la Nation Françoife étoit éloignée de cette perfidie , qui leur
avoit fi fou vent fait abufer de la confiance , qu’on avoit prife
en leur parole : Qu’il auroit pu en cette rencontre ufer de re-
nréfailles , 8c les traiter en Efpions , toute leur conduite p allée
lui en donnant le droit ; mais que les Chrétiens fe conduifoient
par d’autres principes.
Ils convinrent de tout , & affûrerent que dans peu on au¬
roit des preuves certaines de leur fincérité. Ils partirent auffi-
tôt pour aller communiquer à leurs Anciens les proportions
du Gouverneur , 8c ayant pris leur chemin par Onneyouth ,
ils engagèrent les Chefs de ce Canton à fe joindre à eux. Ce¬
lui de Goyogouin Ht la même chofe , 8c envoya même en fon
nom des Députés à Montreal , avec un Collier , pour avertir
le Gouverneur que cinq-cent Agniers étoient en campagne ,
3c en vouloient aux Trois Rivières. M. de Laufon ,à quiM.
Tome I. R r
1653
Prife du P.
Poncet.
,14 HISTOIRE GENERAL E
de Maifonneuve fit part de ces nouvelles , arma en diligence
tout ce qu’il put raffembler de Hurons. Ceux-ci ayant joint une
nombreufe Trouppe d’Agniers allez: avantageufement polies ,
l’attaquèrent avec tant de réfolution , qu’ils en tuèrent un grand
nombre , firent Prifonnier le Chef, & plufieurs des Princi¬
paux ,& mirent le relie en fuite. .. , .
Un autre Parti de ces Barbares fut plus heureux. Il setoit
avancé jufqu’au Portes de Quebec, où pendant toutl ete il don¬
na de fréquentes allarmes , fit par tout de grands defordres ,
maffacra plufieurs François , & fit quelque Prifonmers par¬
mi lefquels fut le P. Poncet (a). Ce Miffionnaire etoit fort
aimé dans la Colonie , on n’eut pas plutôt appris dans la Ca-
nitale qu’il étoit entre les mains des Iroquois , que quarante
François , & quantité de Sauvages fe mirent aux pouffes des
Aeniers, réfolus de ne point revenir gu ils ne leuffent dé¬
livré ; mais on les retint aux Trois Rivières pour renforcer
la Garnifon de ce Polie , que les Ennemis tendent bloque de
Avant que d’y arriver , ils avoient aperçu deux tetes delfi-
nées fur le tronc d’un arbre , & au bas le nom du P. Poncet ,
& celui d’un François , qui avoir été pris avec ce Religieux.
Ils trouvèrent auffi à terre un petit Livre , ou le Pere avoit
,, écrit ces mots : « Six Hurons naturahfes Iroquois , & quatre
» Aeniers nous emmenent , & ne nous ont encore fait aucun
* mal,,. Il n’auroit pu en dire autant peu de jours apres; car il
ne fut pas plus épargné que les PP. Jogues & Breffam ne la-
voient été en pareilles rencontres , foit pendant le voyage , loit
à fou arrivée- dans le Canton d Agnier.
Un jour, qu’on étoit affemblé pour délibérer de foniort,
& de celui de fon Compagnon , une Femme prefenta une
Branche (é) de Porcelaine, pour avoir la permilhon de lu»
faire couper un doigt, & l’ayant obtenue , un Sauvages ap¬
procha du Pere , & lui prit la main droitte. Tandis quil en
confideroit les doigts les uns après les autres , le Millionnaire »
qui avoit un preffentiment qu’on ne le feroit pas mourir , de
manda à Dieu , qu’on lui mutilât plûtôt la main gauche , que
la main droite , & dans le moment le Sauvage laiffant la main ,
qu’il tenoit , prit l’autre , & en fit couper le doigt index par
(a) Ce Pere étoit Oncle de feu M. l’E¬
vêque d’Ulez.
{b) On appelle Branche de Porcelaine un
long fil , où font palTés plufieurs grains de
Porcelaine.
i
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VII. 3M
un Enfant. Pendant l’opération le Serviteur de Dieu chanta ~7 —
le Vexilla 3 & quand elle fut finie , on lui mit au cou la Bran- ^ ° 5 3 •
che de Porcelaine , & fon doigt fut donné à la Femme , oui
l’avoit demandé.
Le jour fui van t on le conduifit de Village en Village , & par¬
tout il eut beaucoup à fouffrir , furtout de la part des Enfans ,
aufquels il fut abandonné , & qui le traitèrent avec une pétu¬
lance plus que barbare. Il fe tint enfin un Confeil, dont le
réfultat fut que le jeune François feroit brûlé , & le Million¬
naire livré à la difcrétion d’une vieille Matronne , dont le Fre-
re avoit été pris ou tué. Le premier fut éxécuté fur le champ ,
& la Maîtreffe du fécond lui donna la vie. Trois jours après
un Iroquois arriva des Trois Rivières , & dit qu’on étoitfur
le point de conclurre la paix ; qu’Ononthio demandoit pour
préliminaire la liberté du P. Poucet , qu’on avoit été obligé
de lui donner des otages , dont la vie dépendoit de celle du
Millionnaire , & qu il etoit parti en diligence pour en donner
avis.
Cette nouvelle changea en un moment l’état du Prifonnier ; il eft délivré,
on commença par le mener à Orange pour lui faire faire un
habit ; car le fien avoit été mis en pièces , félon la coutume.
De retour chez les Agniers , il fut conduit comme en triom¬
phe dans plufieurs Bourgades , & par tout il fut régalé avec
des démonflrations de la plus fincére amitié. Enfin le quin¬
ziéme d’O&obre il partit pour Quebec avec un Député du
Canton , lequel etoit charge de prefens pour le Gouverneur
Général , Srpour le Supérieur des Millions. Après deux jours
de marche ils furent joints par un Exprès, qu’on envoyoit au
Député pour lui dire que les otages , qui avoient été mis entre
les mains des François , étoient aux fers , qu’on avoit même
caffé la tête à quelques-uns , & qu’il prîtfur cela fon parti , avant
que d’aller plus loin.
Cet avis embarraffa le Député ; mais comme il eftimoit le Danger, qu’il
P. Poncet , il fe contenta d’en tirer parole qu’il ne lui feroit courc en fe~
fait aucun mal , & il pourfuivit fa route. Cette première al- Quebec.1 *
larme rut fuivie de quelques autres , qui auroient mis le Mif-
fionnaire en grand danger , s’il n’avoit pas eu à faire à un Hom¬
me prévenu en fa faveur. Ceux , qui ont pratiqué les Sauva¬
ges , ne s’étonnent point de ces incidens ; car rien n’eff plus
ordinaire parmi ces Barbares , que de faire courir de pareils
bruits , qui n’ont aucun fondement. Quelquefois ils font caufés
Rr ij
1 6 5 3-
2a paix sft
•aariclue;
le P. le Moy
ne va à On no
tagué pour y
ratifier le
Traité.
i 6 54
Terveur fies
Hirïons Cap¬
tifs parmi les
îïCüUOiS.
c HISTOIRE GENERALE
oar la feule démangeaifon de publier des chofes nouvelles , &
f %,o, on ne s’attend point , ou par l’env.e de faire parler ,
&cle mettre les Gens dans 1 embarras.
% a» <rrél js.t&*^tevss
fion priante , l'Àuieur '. ce bruit ne cherchent eÇ' e btunlhr
le, cLes. Le f»
vré de ces Péris par h confiance, que fon Condufteur avo t
rlf “ enfa pélr au Port. Il fit naufrage en defeendant le
Sault St Louis , & fut en grand danger de fe noyer . il arriva
enfin le cinquième de Novembre à Quebec , ou il fut reçu
comme en âomphe , & où tant qu’avoir dure fa capt.vne on.
n’avoit pas manqué un feul jour fans taire des. Pneres publi.
q Lapaixétoit déjà conclue , & quelque expenence , qu on
eût delà légèreté & delà perfidie des Iroquois , on vouloi-
bien fe flatter quelle feroit durable. Les cinq Cantons s y
étoient portés fans concert , & les Agmers en avoientfait les-
avances3 dans le tems , qu’ils paroiffoient le plus ^ animes con¬
tre nous , & qu’ils n’avoient rien a craindre de notre paît. te l
fit juper qu’etie étoit l’ouvrage de celui , qui peut feul la do
ner au Monde ; mais il ne vouloit apparemment que iufpen-
dle pour un tèms affez court la fureur des Ennemis de fon
Nom oui n’avaient nas exécuté tous les Arrêts de la Juftice,
Sonner moyen de refpirer à une Colonie , où il avoir encore-
un très-grand nombre de véritables Adorateurs.
L’année fuivante le P. le Moyne fut envoyé
nour v ratifier le Traité au nom du Gouverneur General, «
‘ t sVpaffa avec beaucoup de fatisfaâion de part & d autre-
Le' M^lio'nnaire dit aux Sauvages qu’il voulait avoir fa Ca-
' banne dans leur Canton, & non-feulement fon offrefuta-
centée • mais on lui marqua un emplacement , dont P
noffeiîion. Ilfut enfuite régalé dans plufieurs Bourgades , cha -
gé de préfens de la part de tous les Chefs , & reconduit a Q.
beM ùs)ia'ioy°n qSlui caufalm fi heureux fuccès de fa ne-
goS TÆ„ auprès de celle , qu’il relient, tà la vue
l’une multitude de Hurons Captifs qui formoient au m.lie
. .. T..CJU . . Coiife femblable à celle, des hébreux-
■ < \
DË LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 317
pendant la captivité de Babylone. Leur Foy avoit été mife ' l ^
aux plus rudes épreuves , & n’en étoit que plus vive. L’exem- ^
pie de leur vertu , & les exhortations pathétiques de quelques-
uns avoient fait concevoir aux Iroquois une grande eftime
pour la Religion , qu’ils profeffoient , plufieurs mêmes paroif-
foient difpofés à l’embraffer ; le P. le Moyne en baptifa quel¬
ques-uns , & l’extrême envie , qu’il avoit de voir au plûtôt
une Eglife Iroquoife bien établie , lui ht garder à fon retour
le filence fur une chofe , qui lui arriva dans fa route , & que
l’on a fçu dans la fuite des Iroquois mêmes.
Il étoit dans un Canot avec deux Onnontagués ; des Hurons Aventure du-
èc des Algonquins le fuivoient dans d’autres. Comme ils appro- 1K le Moyne
choient de Montreal, ils furent allez furpris de fe voir environ- ^ Aamcfsf^
nés de plufieurs Canots , remplis d’Agniers , qui firent fur eux
une décharge de tous leurs fufîls. Les Hurons & les Algon¬
quins furent tous tués , un des deux Onnontagués le fut aufli,
oc le P. le Moyne pris & lié , comme Prifonnier de guerre.
On déclara enfuite à l’Onnontagué , qui refloit , qu’il pouvoit
retourner chez lui ; mais il protefla qu’il ne pouvoit abandon¬
ner le Millionnaire , qui lui avoit été confié par les Anciens de
fon Canton , & il menaça les Agniers de toute la colere des
Iroquois Supérieurs.
Ceux-ci fe mocquerent d’abord de cette menace , mais quand
ils virent que l’Onnontagué tenoit bon , ils changèrent de lan¬
gage , délièrent le Prifonnier , & le remirent entre les mains
de Ion fidèle Conducteur , qui le mena à Montreal. La Mere
de l’Incarnation dans fes Lettres , qui font fi eftimées & fi bien
écrites , & qui renferment d’excellens Mémoires de ce tems-là „
rapporte ce fait un peu différemment : elle ajoûte que l’aêlion
des Agniers fut défavouée par leur Canton , qui la rejetta fur
un Hollandois , né d’une Agniere , lequel avoit été élevé dans
la Cabanne.de fa Mere , vivoit avec les Sauvages , & n’eff con¬
nu dans nos Relations , que fous le nom de Bâtard. Flamand ..
Quoiqu’il en foit , cet accident , qu’on apprit alfez tard , ne
changea rien à ce qui avoit été réglé par le Traité de paix con¬
clu entre les deux Nations. Ce ne fut pas mêqje la feule infulte r,
qu’on reçut de la part des Iroquois , oc. fur quoi on jugea à pro¬
pos de fermer les yeux.
Les Hurons étoient alors au nombre de fix-cent dans l’Ifle Pieté des m
! d’O rleans , où ils commençoient à s’entretenir du travail de> ronSfkns rifiç-
leurs mains. Comme c’étoit la fleur des Chrétiens de cette. d0rkaas*
i 6 5 4-
Les Agniers
cherchent à
rompre la
paix.
8 HISTOIRE GENERALE
Nation qu'ils n’avoient point abandonne le Seigneur dans les
maux dont il avoit permis qu’ilsfuffent affligés, & qu’ils avoient
foûtenu le fcandale de la Croix avec une patience & une re-
fienation admirable , furtout dans des Néophytes , on peut ju¬
ger de leur ferveur dans un tems , où tout les portent a a re-
connoiffance envers celui , qui mortifie , & qui vivifie , & tou¬
jours pour le bien de fes Elus. Ils ne manquoient d ailleurs d au¬
cun desfecours , qui pouvoient fervir à nourrir leur piete. On
avoit formé des plus fervens deux Congrégations , une pour
les Hommes , & l’autre pour les Femmes , & ces feintes Affir¬
mations , quoiqu’en ait écrit un Auteur , qui a™'' tout lieu
de fe défier de fes Mémoires , & que fa Profeffion devoir ren¬
dre plus refervé à parler de chofes , dont il ne pouyoït etre
inftruit par lui-même ; ces Affociations , dis-je , produifoient
parmi ces fervens Sauvages les mêmes fruits de faintete , quon
admiroit alors dans toutes les parties du Monde Chrétien , ou
elles étoient établies. • .
Le défir d’imiter la Reine des Vierges faifoit embraffer le
Célibat à un grand nombre de Filles , & la conduite édifiante
de ces Epoufes de J esus-Christ rendoit refpeûable parmi les
Sauvaees un Etat , qui peu d’années auparavant y avoir ete me-
prifé Les autres Millions fedentaires ne donnoient pas moins
d’édification aux François , & la tranquillité , que la paix avoit
ramenée , faifoit efperer que toutes les N ations du Nord & de
l’Eft embrafferoient bientôt le Chriftiamfme , rien , ce lemble ,
ne les empêchant plus de s’approcher de nous , ni nos Million¬
naires de les aller vifiter. , .
Cependant les Agniers remuoient fous main , & cherchoient
une occafion pour troubler le repos , dont nous jouiffions ,
auffi-bien que nos Alliés. L’intérêt , motif affez peu connu juf-
ques-là parmi ces Peuples , mais que le commerce & 1 exem¬
ple des Européens leur avoit infpire , etoit le principal fujet de
leur mécontentement, & leur jaloufre contre les autres Cantons
avoit ietté de grandes femences de brouillenes entr eux. 1 out
le tems , qu’avoir duré la guerre , cette Nation n avoir trafi¬
qué qu’avec les Hollandois , ce qui deplaifoit fort aux Cantons
Supérieurs , parce que le chemin , qu’ils étoient obliges ae faire
pour aller à Orange , étoit fort long , & parce qu il leur fal¬
loir paffer parles Terres des Agniers , qui. par-la les tenoient
. l h / i ii _ . n,urû mip rpiiY-n . nnuveS OU
loit paner paries icnc» «w — ? a— - r -
dans une efpéce de dépendance ; outre que ceux-ci , ap uyes
voifinage des Hollandois étoient en état de donner la Loi a tout
le Pays.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VII. 319 _
Tous ces avantages ceffoient par la paix , qui ouvroit le 1654.
commerce entre les François & les Cantons Supérieurs. Ainfi ils recom-
il ne faut pas s’étonner fi les uns s’étoient portés avec tant de mencent ies
zélé a conclurre le Traite , & fi les autres y avoient témoigné a^Sinent*
tant de répugnance 5 & fe repentirent fitot d’y avoir donné Frere jefuite.
les mains. D’ailleurs ceux-ci n’avoient jamais voulu y com¬
prendre nos Alliés , & ne cefferent point en effet , ou ne dis¬
continuèrent que fort peu de tems, à faire des courfes fur eux.
Ils fe lafferent même bientôt dë garder les mefures , dont ils
étoient convenus avec nous , & qui convoient à ne point
paroître en armes dans la Colonie , & à ne point inquietter
nos Millionnaires dans leurs fondions. Un Frere Jefuite , nom¬
mé Jean Liégeois , fut trouvé aux environs de Sylleri percé
de deux coups de moufquet , la tête féparée du corps ? & la
chevelure levée.
On vit bien alors qu il n y avoit plus rien à ménager avec un Belle adKo»
Ennemi , qui ne pouvoit fe contenir , & on crut qu’il falloir fe d une AIg0lt"
hâter de le réduire , tandis qu’on pouvoit efperer qu’il ne feroit
point foûtenu des autres Cantons. On mit en effet tant de Par¬
tis en campagne , qu enfin on vint à bout de fe faire craindre
de ces Barbares , & rien n’y contribua peut-être davantage
que 1 action d’une Algonquine de Sylleri. Elle étoit à la cam¬
pagne avec fon mari & fes Enfans : cinq Agniers parurent
tout a coup , fe jetterent fur le Mari , qui ne fe déficit de rien ,
& le lièrent : les Enfans étoient trop petits pour pouvoir s’é-
chaper , & par la même raifon on négligea de lier la Femme.
Cette confiance coûta cher aux Iroquois. Dans le tems , qu’ils
y penfoient le moins , la courageufe Chrétienne faifit une ha¬
che , en caffa la tête au Chef de la bande , puis à un autre
cjui etoit accouru pour le fecourir ; les trois , qui reftoient ,
étonnés dune fi grande hardiefîe , prirent auflitôt la fuite,
ailTant notre Heroine avec fon Mari , dont elle coupa les
fon Village S En^nS 5 ^u elle ramena triomphamment dans
Ces mauvais fuccès rebutèrent les Agniers ; ils demandèrent
de nouveau la paix fans aucune refiri&ion ; & comme ils fai-
iojent de grandes inftances pour avoir un Miffionnaire , &
que le i . le Moyne en faifoit de plus grandes encore , pour Millionnaire
obtenir la permiffion d’aller chez eix , on leur accorda œ S
ouhaittoient. Le Miffionnaire fut bien reçu , & il ne lui en fal-
lut pas davantage pour fe perfuader qu’à ce coup les Agniers
les Agniers
renouvellent
la paix : on
leur donne nu
t HISTOIRE generale
_ Ploient bien v>vre avec tout le monde. Il n’en fut pas meme
1 é 5 4'
°ul£ ^fSnnes uncaffe-tête à la main , en criant qu’.l
voUuToi tuer Ondesson : c’étoit le nomlroquois , qu’avo.t pns
le° Mdfionnaire , & que le P. Jogues aveu l^neavantRu
Tl v a bien de l’apparence que ce Furieux eut execute ion
deffem , s’il eût trouvé les efprits tant Moyl^
prouver j mais perjbnn efa“e”^îS qu’il n’étoit pas encore
îSe
£lére , étude bien néceffaire à quiconque forme un p 1
difficile , qu’eft celui de détruire tous les préjugés de le(pm&
toutes les pallions du cœur. . , i r rn:re &■
Voyage de Les Onnontagués paroiffoient agir awc p emier
deux autres , , envoya les PP. Chaumonot & Dablon. Le pre n
"otrr étoit Italien d’origine & le plus une J-
lé- alors dans
!• _ alors dans la Nouvelle t rance , ouu u i n mémoire
[655. trême vieilleffe avec mi e ’ faifoit que d’arri-
«rd™» S a “ orf/ps S î« fcitr »“ S™* "Pf
AnpKpr If* Hix-neuvieme de Septembre 1055*. '
ft°Let premier Député avoit avec lui fa Femme , qui eton»
trêmement charmée de tout ce qu elle avoi v P ne
XùJrd^reauT (S des queftions fur nos
jafei ïÆ ssfMsfe
cours du Millionnaire , &.à leur arrivée dans leur Pay ^
trouvèrent en état de recevoir le Bapteme , qu
niftré avec beaucoup d’appareil. Ce que ®s „0ife,lont
des François avoient produit dans le cœu 1 £ ^ Je
je viens de parler , la ferveur & le lele des Huro £ ifo;ent
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 321
faifoient dans les differentes Bourgades , où on les avoit dif-
perfés , & les PP. y trouvèrent par tout une véritable eflime du
Chriftianifme , & des cœurs difpofés à l’embraffer.
Ils étoient arrivés dans ce Canton le 5 e. de Novembre , & ils
eurent tout lieu de bien augurer pour la fuite par la réception ,
qu’on leur fit dans la principale Bourgade. Ils étoient chargés de
préfens de la part de M. de Laufon ; ils furent acceptés avec
refpecl, & on y répondit par d’autres préfens. On leur affi-
gna enfuite un terrein pour leur Habitation , & dès qu’ils s’y
furent logés . ils firent connoître aux Anciens qu’ils fouhait-
toient de déclarer en plein Confeil , & s’il étoit pofîible , dans
une Affemblée générale du Canton , les intentions de ceux ,
qui les avoient envoyés. Cette proportion fut bien reçue , &
l’AfTemblée fut des plus nombreufes.
Le P. Chaumonoty parla de la Religion Chrétienne d’une
maniéré , qui ravit en admiration tous les Affiflans. Il infîfla
beaucoup fur le changement merveilleux , qu’opère le Chrif-
tianifme dans les cœurs de ceux , qui l’embraffent fincérement ,
& cette partie de fon difcours fit d’autant plus d’imprefîion , qu’il
ne difoit rien , dont 011 n’eût devant les yeux des exemples fen-
fibles. Dès qu’il eut fini , un Orateur le remercia au nom de tous
du zélé , qu’il témoignoit pour leur procurer une félicité éter¬
nelle , & lui dit qu’au prix des François les autres Européens
ne fçavoient point parler.
On commença aufïitôt à bâtir une Chapelle , & tant de Gens
y mirent la main , qu’elle fut achevée en un jour , & que ce
jour-ià même on y baptifa un Catéchumène. Dès lors les Mif-
fionnaires firent toutes leurs fondions avec la même liberté ,
que s’ils eufTent été au milieu de la Colonie , & ils rencontrè¬
rent bien des cœurs , dont l’Efprit Saint avoit déjà pris poffef-
fion. Une jeune Fille , qui n’étoit pas encore baptifée , refufa
les deux meilleurs partis de fa Bourgade , par la feule raifon ,
que les Prétendans étoient Idolâtres ; peu de jours après un
Chef de guerre l’ayant inutilement follicitée au mal , voulut em¬
ployer la violence pour la réduire , la généreufe Profelyte eut
la force de fe tirer de fes mains 3 & de fe mettre en sûreté con¬
tre fes pourfuites. Après une telle épreuve le P. Chaumonot ne
crut pas devoir différer à lui adminiftrer le Baptême , qu’elle fol-
licitoit avec de grandes inftances , & il eut la confolation d’en¬
tendre dire aux Infidèles mêmes qu’elle méritoit d’être Chré¬
tienne. Témoignage décifif en faveur d’une Religion, dont
Tome L S s •
1655.
Us s’y éta.
blfflent.
Fruits de
leurs premiers
travaux.
i 6
) 5
-22 histoire generale
le libertinage & l’endurciffement du cœur ne peuvent empê¬
cher de reclnnoître la fainteté.
Une Femme fort accréditée dans ce Canton s etoit rangée
des premières parmi ceux , qui vouloient etre baptifes , & toute
fa famille avoit fuivi fon exemple. Quelques Idolaties vou¬
lurent lui perfuader quelle s’en repentirait , & peu de teins-
après elle tomba dans une fort grande langueur. Elle avoit un
petit-Fils de dix à douze ans , quelle aimoit beaucoup : cet
Enfant fut attaqué du même mal , que fon Ayeule , &- fut b
fô” réduit à une maigreur fi extrême , qu’il fa.foit horreur a
voir Les Ennemis du Chriftianifme ne manquèrent pas de
triompher de ceîT'accidens ; mais leur triomphe lut bien court t
Dieu rnfpira aux Malades une confiance & unerefignation , qu
devinrent le fujetdes entretiens & de 1 admiration de toute la
Bourgade , & au moment , qu ils reçurent le Bapteii ,
convrerent une fante p3.rf3.1te. , A
Cette merveille , qui fut fuivie de plufieurs autres , n empê¬
cha pourtant point lei deux Religieux" d’eflmer bien des contra-
diftions , & de courir bien des rifques , principalement de la
part de quelques Hurons , qui s’étant endurcis le cœur , tandis
qu’ils étoient dans leur Pays , ne ceffoient d infirmer aux Iro¬
quois , que s’ils laiffoient introduire chez eux cette Religion
étranger , elle y ferait avec le tems les memes ravages , quon
avoit°vûs par toi, où elle avoit été prêchée ; &
fait plus d’impre filon fur l’efpnt de ces Peuples , que les
ges ils en imaginaient tous les jours de nouveaux , pour ta-
I her d’amener les Onnontagués à leur but ; mais ils n y reufiirent
point , parce qu’on avoit eu foin de prévenir fur cela les Sat
a a.' Vaf?e'fut à peu près dans ce même tems , que les Iroquois ache-
* verent de détruire la Nation des Eriez , ou du Chut. Les com-
Eriez. mencemens de cette guerre ne leur avoient pas ete
ble ; mais ils ne fe rebutèrent point , & ils prirent a la
lement le defîùs , que fans le grand Lac , qui Port® ^
jourd’hui le nom de cette Nation, on ne fçauroit pas
quelle eût exifté. On craignit avec raifon que ces nouveau,
fiiccès ne fiffent reprendre aux Iroquois leur première
l’égard des François , mais les Onnontagués n en parurent qt
plus difpofés à s unir étroitement avec eux. Ils firen
des avances, qu’on jugea d’autant plus finceres , qu au ,
intérêt s’accordoit avec leurs démarchés» Enfin le . ?
ne
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 323
de concert avec eux , fit le voyage de Quebec pour tâcher de
refoudre M. de Laufon à leur envoyer un bon nombre de Fran¬
çois.
Il partit le deuxième de Mars de l’année 16 56. avec une n om¬
bre u le Efcorte , & n’arriva à Quebec qu’au commencement °
d’Avril. Il n’eut aucune peine à faire entrer M. de Laufon
dans la vûë des Iroquois , & quoique pût dire à ce Général un
Huron, qui avoit lontems vécu parmi les Onnontagués . pour le
détourner de fe fier à ces Sauvages , il ne le fit pas changer de
fentiment. Cinquante François furent choifis pour aller former
l’EtablifTement propofé , & le Sieur Dupuys , Officier de la
Garnifon , leur fut donné pour Commandant. Le P. François
le Mercier, qui avoit fuccedé au P. Jerome Lallemant dans
la Charge de Supérieur Général des Mifiions , voulut conduire
lui-même ceux de fes Religieux , qu’il avoit deftinés pour éta¬
blir la première Eglife Iroquoife ,, & qui furent les PP. Fre-
min , Mefnard & Dablon ; leur départ fut fixé' au feptiéme
de May , & quoique la récolté eût été des plus médiocres , on
donna au Sieur Dupuys abondamment de quoi nourrir tout
fon Monde pendant une année entière , & de quoi enfemencer
les terres , dont il alloit prendre poffeffion.
La nouvelle de cette entreprife s’étant répandue par tout , Hoftiiin
donna beaucoup à penfer aux Agniers , & reveilla toute leur des Agniers
jaloufie contre les Onnontaguez. Il fe fit une Affemblée géné¬
rale de tout le Canton pour délibérer fur cette affaire , qui
parut des plus importantes , & on y conclut qu’il falloit met¬
tre tout en ufage pour s’oppofer au nouvel Etabliffement. En
confequence de cette Délibération un Parti de quatre -cent
Hommes fut levé , & eut ordre de diffiper , ou de tailler en
pièces laTrouppe de M. Dupuys ; mais ils la manquèrent, 8c
s en vengerentfur quelques Canots écartés, qui furent pillés.
Quelques-uns de ceux , qui les conduifoient , furent même
blelfes , après quoi ces Perfides faifant femblant de s’être mé¬
pris : “ Nous ne fçavions pas , dirent-ils , que vous fuffiez des
François , nous vous avons pris pour des Hurons , ou des Al¬
gonquins.
On 11e jugea pas à propos de tirer pour lors raifon de cette
infulte , dans l’elperance qu’on feroit bientôt en état d’en ren- mirons de r
dre la vengeance plus sûre & plus éclattante , fi les Agniers ne fled’Orleans
reparoient par eux-mêmes leur faute ; mais ils firent bien voir
peu de tems après que rien n’étoit plus loin de leur penfée.
S® • _»
s 1 j
«
«
«
Ils enlèvent
une partie des
Hurons de l’I
,,, HISTOIRE generale
Ils S’approchèrent de Me d’Orléans, & un matin avant le
lever Su Soleil ils tombèrent fur une Tjouppe c e quatre-v nt-
dix Hurons , de tout âge & de tout fexe , qui travaillée t
dans un champ, en tuerent d’abord fix , lièrent tous le
très les embarquèrent dans leurs Canots , pallerent here
m- nt devant Ouebec , firent chanter leurs Prifonniers vis-a-
vi duFon comme pour défier le Gouverneur General de les
venir tirer d’entre leurs mains, les conduisent jufques dans
leur Village, fans avoir ete pourfuivis >™b^reg e J™,
cipaux , diftribuerent les autres dans les Cantons , oc les e
rent dans une dure captivité. . f ~ tpîtpin^
On a fort blâmé M. de Laufon d avoir fouffat u«ie teHe
folence , & il faut avouer que fon maâion , ta q
levoit , pour ainfi dire , d’entre fes bras des A hes , dont la
confervation intéreffoit également 1 bonnes du nom Fran
cois & celui de la Religion , a fait a fa
que toute fa vertu n’a pu laver ; mais c eft qu il eft des malheu ,
que les Hommes ne pardonnent point, & qui dans leur eipnt
cléshonnorent autant cpe la plus grande b « H j
par une fuite de la prlfomptueufe confiance , dont les bauv^
ges ne font point capables de fe corriger , * «oient ailles lu
orendre • pour les arracher aux Iroquois , il eut ta-llu arme
prendre . p^ui ^ le Gouverneur General
cinq ou fix-cent Hommes , & qua d^ armer & les
les eût eus fous fa main , le tems neceiiaire Puu miefuf-
embarquer auroit donné à ces Barbares une av^ 1 1 .
fffantepour rendre inutiles tous les efforts ae ceu , q
jeune Huroo de c.u.T.uuppe
tunée , & qui fe fauva du Village , ou il etoit Captif ’ °e,S /
ticularités bien édifiantes de lapiete & oe a cou i a .
fervens Néophytes , dont plusieurs furent traites avec u e inh
manité fans pareille , furtout d un de leurs Chefs, dont le iu^
plice dura trois jours ^pendant lefquels i ne ce, ■ Derfe-
Seigneur , quoiqu’il eût reconnu c abord que ce P m.
verance dans ce faine exercice , qui irntoit fes Bourreau- ,
faifoit prolonger fon Martyre. te Ou¬
ïs des Quinze jours après que ce malheur fut arr ,
cK taouais débarquèrent à Quebec fous la conduite de deux F|
dus cois , & chargés de Pelleteries ; mais avant que de rapport
fuites , qu’eut ce voyage , il eft bon de reprendre les c ho -
de plus Lut. Les Iroquois n’eurent pas plutôt thalle les il
DELA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 325
rons de leur Pays , qu’ils entreprirent de faire k même traite¬
ment à tous leurs Alliés ; les Outaouais étoient de ce nombre ,
& comme ils ne fe virent pas en état de refifter aux Vain¬
queurs d’une des plus braves & des plus publiantes Nations
de ce Continent , ils ne jugèrent pas à propos d’attendre qu’on
vînt brûler leurs Villages , & les y égorger.
Quelques-uns s’étoient déjà retirés dans la Baye du SaguT
nan 3 d’autres dans Yan/è du Tonnerre 3 qui font l’une & l’autre
dans le Lac Huron , plufieurs dans Fille Manitoualin , & dans
celle de Michillimakinac ; mais le gros de la Nation étoit relié
fur le bord de la grande Riviere , qui porte leur nom , juf-
qu’à Fentiere dellruêlion des Bourgades Huronnes. Alors ils le
joignirent aux Hurons Tionnontatez , avec lefquels ils péné¬
trèrent bien avant dans les Régions Méridionnales. Ils firent
d’abord alliance avec les Sïoux , puis fe broiiillerent avec eux ,
& aguerrirent à leurs dépens ce Peuple , jufques-là peu brave
& peu connu en deçà du MicilTipi. Ils fe féparerent enfuite en
plufieurs bandes , & par tout lamifere , où ils étoient réduits
portoit la terreur du nom Ifoquois.
Enfin à force d’errer dans ces valles Contrées , & de fe divifer
en petites bandes , dont plufieurs n’ont jamais reparu, les uns &
les autres fe trouvèrent tellement diminués , qu’on peut dire qu’il
n’en relie pas aujourd’hui la vintiéme partie. Cetoit une de ces
trouppes feparées delà Nation Outaouaife , & dans laquelle il
y avoit quelques Hurons , que les deux François , dont je viens
de parler , avoient amenés des bords du Lac Michigan jufqu a
Quebec , où 011 les accueillit d’autant mieux, que leurs C011-
duéleurs fe louaient fort du traitement , qu’ils en avoient reçu.
Le commerce des Hurons avoit un peu adouci les mœurs de ce
Peuple , un des plus grofiiers du Canada , & lui avoit même
donné quelque legere teinture du Chriltianifme*
Les deux François , qui étoient Gens de bien , avoient bapti-
fé quelques-uns de leurs Enfans à l’article de la mort , & ces pe¬
tits Innocens étoient allé prendre poffelîion du Ciel au nom de
leur Nation , à laquelle néanmoins , malgré de fi belles efpe-
rances , & les foins alîidus des Millionnaires , on n’a jamais pu
faire goûter les chofes de Dieu. Il en elF peu dans tout ce
Continent , auprès de qui l’on ait plus travaillé pour en faire
des Chrétiens , & plus infruêlueufement ; mais on n’avoit alors
aucun fujet d’en juger ainli , & les marchandifes , dont ceux ,
qui venoient d’arriver à Quebec , étoient chargés , firent croire-
1
1656.
On donne
des Million
n aires à
ques uns d’en
tr'eux.
,î<s HISTOIRE generale
à M. de Laufon qu’il ne devoit pas négliger cette occaüon
d’étendre le commerce de la Colonie,
lonne Trente jeunes Gens s’offrirent pour accompagner les Ou-
ffion- taouals à leur retour , & le P. le Quien , qui gouvernott la Mit
fion pendant l’abfence du P. le Mercier , fe laiffa perfuader de
leur donner les PP. Dreuillettes & Garreau, avec un Frere,
nommé Louis le Boesme , qui avoit ete eleve par le P. de Bre-
beuf dans les Millions Huronnes. Ce Convoi parut de Que-
bec un peu avant la mi-Août , & dès le lendemain comme .1
aurochoit des Trois Rivières , il reçut avis par un Canot , que
lui envoyoit le Gouverneur de cette Ville , qu un Parti dAg-
niers étoit dans le voilinage. Ce Parti avoit de, a découvert les
Outaouais, & leur avoit drefféune embufcade : mais ils n y don¬
nèrent point, & ils arrivèrent heureufement aux Trois Riviei es.
Les François , qui les aecompagnoient , firent alors reflexion
que ces Sauvages étoient fort mal équipés , & T11'5"® ' P°J?"
roient jamais éviter d’en venir aux mains avec un Ennen ,
dont les forces pouvoient croître à tout moment; fur quoi ils
refolurent de ne pas aller plus loin ; il n’y en eut que trois ,
qui ne voulurent point abandonner les Jefuites. Les Outaouais
ne fe furent pas plûtôt rembarques , qu’ils s’apperçurent que es
Agniers étoient à leurs trouffes , ce qui ne les engagea pourtant
pas à voyager avec plus de précaution. Ils avoient acheté des
armes à feu , dont l’ufage leur étoit nouveau. Ils prenoient plai-
fir à les effayer , & inftruifoient ainfi de leur marc^e] le^*
quois , qui les fuivoient , & qui eurent tout le tems & le moien
de choiffr un lieu propre pour les furprendre , ou pour les com
lis font atta- Ils le trouvèrent fur le bord du Lac des deux Montagnes , qu
qués par les efl la décharge delà grande Riviere dans le fleuve 5. l^aii
V- r e nt , au -de ffu s de l’Ifle de Montreal. Ils s’y retranchèrent fu
une petite Colline , d’où ils découvraient de fort loin , « il
pofterent un grand nombre de F ufilliers dans des brouffailles, fur
une pointe avancée , que les Outaouais dévoient ranger
prèsP Six Canots , où il n’y avoir que des Murons , . avec le P.
barreau , étoient à la tête de ce Convoi , & quand ils furent a
portée, les Agniers firent fur eux une déchargé , qui en tua &
bleffa un grand nombre. Ils parurent enfuite la hache a la main,
& tout ce qui ne périt point dans cette première cha. ge ,
Prifonnier , aufîî-bien que le Millionnaire , qui avoit eu 1 epinç
du dos caffée d’une balle de fuhl.
DE LA NOUVELLE F Pc AN CE. Liv. VIL 327
Au premier bruit de cette attaque les Outaouais firent force
d’avirons pour fecourir ou pour venger leurs Compagnons. Ar¬
rivés à la pointe , où les Canots des Hurons étoient refiés avec
les cadavres de ceux , qui avoient été tués , ils firent leur def-
cente fans oppofition ,, & peu s’en fallut que dans l’ardeur , qui
les tranfportoit , ils ne forçai Tent toutes les barrières ; mais après
un allez rude combat , où il y eut bien du fang répandu de part
& d’autre, les Afïaillans furent obligés de faire retraite. Us ne
s’éloignèrent pourtant pas beaucoup , & ils fe retranchèrent de
leur côté , fort refolus , ce femble , de ne point partir de-là ,
qu’ils n’eulfent eu raifon des Iroquois ; mais la nuit fuivante ils
decamperent à la fourdine , & le lendemain on ne trouva plus
dans leur Retranchement que les deux Jefuites , avec les trois
François de leur fuite.
Sitôt que le Chef du Parti Ennemi en eut été informé , il
alla rendre vifite aux deux Religieux. Ce Chef étoit le Bâtard
Flamand , dont j’ai déjà parlé ; fon compliment roula tout en¬
tier fur le chagrin , où il étoit, difoit-il , de la bleffure du P.
Garreau , & il protefta qu’011 n’avoit reconnu le Millionnaire*
qu apres la piemiere charge , ou il avoit ete bielle. Rien n’étoit
moins fincere que cette excufe ; car le Fere n’avoit pas été plû-
tôt entre les mains des Agniers , que , malgré fa blelfure , ils Fa-
voient nus tout nud ; que depuis ce tems-là on ne lui avoit don¬
ne 111 à boire , ni à manger , & qu’on n’avoit pas feulement fon-
ge a le panfer. Le lendemain, qui étoit le fécond jour de Sep¬
tembre , il fut conduira Montreal par quelques Agniers qui
prefenterent dallez mauvaife grâce deux Colliers “ l’un pour
marquer leur regret d’avoir tiré fur lui , fans le connoître ; l’au¬
tre pour effuyer les larmes de fe s Confrères.
Le P. Claude Pijart , qui fe rencontra heureufement à
ontreal , reçut le Malade , auquel il n’étoit plus tems de
aire des remedes , & qui expira le quatrième entre fes bras ,
en demandant a Dieu la converfion de fes Meurtriers. Le P
Leonard Garreau étoit de Limoges , & la Nouvelle *France
perdit en lui un excellent Ouvrier. Après fa mort le P. Douil¬
lettes ce Ion Compagnon reprirent la route de Quebec , d’où le
premier retourna bientôt chez les Abénaquis.
Il n’y avoit plus moyen de douter que le Canton d’Aenier
11e vit avec beaucoup de chagrin., & ne cherchât tous les
moyens de rompre la bonne intelligence , qui regnoit entre
les Iroquois Supérieurs & les François. Ceux- ci de leur côté fe
i 6 5 6.
Bldïure 5c
mort du P.
Garreau,
5 56-
,î8 HISTOIRE generale
demeurer tranquilles.
mes dans leur al hance , tôt ou tara - ^demeurer tranquilles,
de faire comme les autres, dunwtns de dem i de
fcÆ=S,1SS^o!“ÆreiO,.»on4i.
dans la crainte a eue ie~^0;nt de faire à Onnontagué.
f" *» T-. W
«r x . étoit parti de cette iii
les François
rivent à
)nnotagué.
Réception ,
u’on leur
tems auparavant. neufheUres dufoir, on entendit du
ge, qui approcha avec bien ^P^xoédition de Fille d’Or-
ron , que , a. dit s être f P à mQitl'é rôtie , & depuis dix-
leans. Il avoit la peau r • f nr;s d’autre nourri-
*— *•
provifions , & on 1 envoya a Q-ue ^ cela près qu’on
r''? rlTfl! l’mie & l’autre manquèrent , & les François,
fur la Chafle , V / u îeûner comme les Sauvages, fe-
qui n’étoient pas accoutur 1 ’pi Anciens d’Onnon-
roient morts cle faim pour la plupart , ,fi les
‘ _ - m,, „ P„vové au devant deux des Canots cnarg
roient morts de taim pou. .a i— my — r ots chareés de
tagué n’euffent envoyé au devant ^ eux ^ Cmo° cùa g
rafraîchiffemens. Ils apprirent par la meme- voye quu g
_ . j>t, _ de tous les Cantons , K quantité
rafraîchiffemens. Ils apprirent par ta £ £
„„*• d'iroquois de tous les Cantons^ & S“““mota ,
k Fépss. po„ f.i,« f» «■* ■>«
kA™.qu« dtaiv.raulk», "Vf-'SftrS
faire une décharge. Il fe rembarqua quart
|toges de toute £ Mo^
mo^tde^a^llus re(^)eftueufen& la plus Le^ jourfhRaut >
ftins , chants , danfes , nen ne fut eP S douzième
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIL 329
douzième de Juillet , le Te Deum fut chanté à la fin d’une Mefle 1 6 5 6.
folemnelle ; enfuite les Anciens firent les préfens , qu’on a coû-
tume de faire dans les Traités d’alliance , & le feiziéme tous les
François communièrent avec une pieté , qui fut d’un grand
exemple , & fit beaucoup d’impreffîon fur Tefprit des Sauva¬
ges. Le lendemain on commença à fe loger , & le P. le Mercier
alla vifiter le Bourg d’Onnontagué , où il fut reçu avec de
grandes cérémonies.
Le vintquatre il fe tint un Confeil Général , & le P. Chau-
monot y parla de la Religion Chrétienne avec la même élo¬
quence , & le même fuccès , qu’il avoir fait à fon arrivée dans
ce Canton ; le même jour les Députés du Canton de Goyogouin
vinrent demander un Millionnaire , & 011 leur accorda le P.
Mefnard. Tout paroifFoit déjà en mouvement dans celui d’On¬
nontagué , pour embraffer le ChrifHanifme ^ & il fallut ag'gran-
dir plus de moitié la Chapelle , qui ne pouvoit plus contenir tous
ceux , qui vouloient être inftruits de nos Myfteres. Il y eut au
mois d’Août des chaleurs excefîives , qui cauferent de grandes
maladies ; mais par les bons foins des Sauvages , tous les Mala¬
des guérirent en peu de te ms.
Cette derniere marque de l’affeclion de ce Peuple perfuada
les moins crédules qu’on pouvoit déformais compter fur lui ;
toutefois les plus Sages crurent qu’il falloir fe précautionner, du
moins contre fa légèreté , & on fe trouva fort bien d’avoir fuivi
leur confeil. Il ne manquoit plus pour tenir en bride ce Can¬
ton , & par fon moyen tous les autres , que d’y bâtir un Fort.
Mais tous les fonds au Canada n’étoient pas fumfans pour four¬
nir aune telle dépenfe , & parmi les Affociés de la Compagnie
de la Nouvelle France , perfonne n’avoit moins de crédit, &
n’étoit moins écouté , que ceux , qui avoient le plus de connoif-
fance du Pays.
1 andis que ces chofes fe paffoient à Onnontagué , les Hurons Une partie
de l’Ifle d’Orléans , qui ne s’y croy oient plus en sûreté , s’étoient jîjj dc
réfugiés à Quebec , & dans un moment de dépit d’avoir été offre dck™
abandonnés des François, ils avoient envoyé fecrettement pro- donner aux
pofer aux Agniers de les recevoir dans leur Canton , pour ne ^gniers 5 &
plus taire qu un Peuple avec eux. ils n eurent pas plutôt fait
cette démarche , qu’ils s’en repentirent ; mais les Agniers les
avoient pris au mot ; &: voyant qu’ils cherchoient à retirer leur
parole , ils prirent des melùres pour les forcer de la tenir. Ils
commencèrent par lâcher contr’eux plufieurs Partis , qui maf-
Tome I. X t
1656'
ïierté de
ccux-ci.
»
»
Embarras des
Hurons.
HISTOIRE generale
Gcrerent ou enlevèrent tous ceux, qui secartoient dans la
catupaànè, & quand ils crurent que ces hoftilnes les avoient
rendu plus traitlbles , ils envoyèrent a Quebec trente Députés
P°Rien t/eft égkà'la fierté , avec laquelle ces Envoyés s’ac-
ciuitterent de feur cotnmiffion ; Us s’adrefferent d abord a M. de
Son ils lu! demandèrent à être ouis dans une Affemb e
Lauton ns m & le Gouverneur General y ayant
de urons Députation porta d’abord la parole aux
HuS1 & kur dit = « MoSVrere^ly a déjà du tems , que
,, Huions , « leur u ier de te conduire dans mon
: c? » ^ . 'f-
“ eï a.-»
vivroient avec eux , comme avec leurs I rei es. ^ {er.
11 fe tourna enfuite vers le General , & lui par_
. mes : - Oi.omhk., le»e ses bras , J f f, “ “-i
T. £«“ 5 fcSu cSrlS *„ voulant les
! ne portaffent fur toi. Voilà pour élargir tes b as >
: p™\uï«cmni5t ‘ &°;Xdore l’Auteur de toutes cho-
» fcai pourquoi, revienne avec lui p°u ’ 1 Aie-
„ je n’ai pas^ allez de Canots pour mener tant de mond , O
„ moi le plaifir de meprêter les tiens Il apuya ces deux deman
des de deux autres Colliers , & fe renia. , ;
On aura fans doute bien de la peine a comprendre ce q
obligea M. de Laufon à fouffrir cette infolence , dans un te »
où iîn’avoit point d’autre Ennemi fur ies bras , que le : jeu
Canton d’Agmer. Peut-être vouloit-il voir, avant que d l éclat ^
de cruelle maniéré tourneraient les afiaires a Onnon g •
aui^eft certain . c’eft qu’il ne témoigna aux Agmers aucui
fentiment des difeours hautains de leur Orateur ; ce gufat _
obfervé des. Hurons , & les embarraffa beaucoup. Lexp
ce du paffé , & la conduite des Iroquois leur faifoiei
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VII. 331
craindre , & quelque parti, qu’ils priffent , ils croy oient
leur perte certaine. Dans cette perplexité ils fe partagèrent ,
les uns déclarèrent qu’ils ne vouloient point quitter les Fran¬
çois , d’autres refolurent de fe donner aux Onnontagués , avec
lefquels ils avoient déjà pris une efpéce d’engagement. Il n’y
eut que la Famille de l’Ours , qui s’en tint à la parole , quelle
avoit donnée aux Agniers.
Ces refolutions priles „ le Confeil fe raffembla , & quoique le
Gouverneur Général n’eût pris , ce femble , aucunes mefures
pour y faire refpecler fon caraêlére , il voulut bien y affilier.
Le P. le Moyne , qui lui fervoit d’interprête , parla le premier ,
& dit : » Ononthio aime les Murons , ce font les Enfans ; mais
il ne les tient pas en tutele , ils font en âge de prendre leur
parti d’eux-mêmes ^ il ouvre les bras , & il leur 1 aille la liberté
d’aller , où ils voudront. Pour moi je les fuivrai ,, quelque
part qu’ils aillent : s’ils vont chez toi , Agnier , je finflruirai
auffi de quelle maniéré il faut prier , & adorer l’Auteur de tou¬
tes chofes ; mais je n’ofe efperer que tu m’écoutes. Je te con-
nois , & je fçai jufqu’où va ton indocilité ; mais je m’en confo-
lerai avec les Murons. Quant aux Canots , que tu demandes ,
tu vois bien que nous en avons à peine ce qu’il nous en faut ,
fais -en , li tu n’en a pas allez.
Le Chef des Murons de l’Ours prit enfuite la parole , & dit :
u Mcm Frere , je fuis a toi , je nie jette les yeux fermés dans tes
Canots , refoiu a tout , même à mourir ; mais je veux d’abord
aller feul avec ma Cabanne ( æ ). Je ne fouffrirai point que d’au¬
tres s’embarquent avec moi. Si dans la fuite le relie de ma Na-
ti on veut me venir joindre , je ne m’y oppoferai pas ; mais je
fuis bien aife qu on voye auparavant de quelle maniéré tu me
traiteras ». Il jetta enluite trois Colliers , qui ne tendoient à au¬
tre chofe , qu a engager les Agniers à en bien ufer avec lui , à
ne rien négliger pour lui faire perdre le fouvenir de ce qu’il lui
jcii oit , Sc à lui faciliter le vovage. Les Députés acceptèrent
les Colhers & parurent fort contens. Ils travaillèrent enfuite
a taire des Canots , & quand ils furent achevés , ils s’embar¬
quèrent avec les Hurons & le P. le Moyne.
Peu de jours après leur départ des Députés d’Onnontagué
arrivèrent à Qnebec , pour fommer ceux des Hurons , qui s e-
toient oflerts à eux , de leur parole, & furent très - choqués
quand ils apprirent que la Famille de l’Ours avoit fuivi les Ag-
{ a ) On fe fert du terme de Cabanne . pour marquer la Famille.
Tt ij
16^6,
«
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Toute une
« Tribu Te
livre aux
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K
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Agni
mers.
Des Onnon-
tagués arri¬
vent à Que-
bec dans le
même delTein.
> i
i ' i r
i 6 5 6.
histoire generale
^ ? 2 T Tj ir0ns s’excuferent mal , & furent d autant plus em-
u6” V ^ e François ne voulurent pas fe brouiller avec
bf rîntonq oui le prenotfur un ton fo/haut. Enfin le Gou¬
verneur Général fil dire aux Députés , niais en termes a ez
nies & leurs Enfans avoient eu -P*" ^ fal oi veniAher-
cher de devaient s’en retourner chez eux ; qu onleur
ilÉàéS3p^?
s:s=ïs;sr|Sr;:|9|--.
& la confiance en celui , dont ils etoient les Mimitres.
333
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«■<>«■ m !#«•«•«• fH- » m- Si- «••■«■ SW Si- Si- Si- St-* Si- Si- Si- Si- Si-
HISTOIRE
E T
DESCRIPTION GENERALE
DELA
NOUVELLE FRANCE.
é
LIVRE HUITI EM E-
A bonne intelligence entre nous & les Iro-
quois Supérieurs ne parut pas d’abord avoir
reçu aucune atteinte de ce qui venoit de fe
paffer à Quebec au fujet des Hurons ; mais
pour la rendre durable il eût été néceflaire
que leurs Députés enflent pu concevoir une
haute idée de nos forces , & malheureufe-
ment ils venoient d’être témoins de notre foibleffe : elle leur
devenoit même de jour en jour plus manifefte par l’efpéce d’in-
fenfibilité , avec laquelle nous fondrions les incartades des
Agniers. Perfonne ne faifoitfur cela des reflexions plus affli¬
geantes que les Millionnaires , qui connoiffant mieux le ca-
raêlere des Sauvages , dont ils étaient prefque les feuls , qui
fçu fient les Langues , n’ofoient fe flatter que l’Etabliflement
d Onnontagué fût bien folide. Ils ne manquèrent pas d’en dire
leur penfée à qui il convenoit ; mais il étoit encore plus de
leur Miniftere de profiter des difpofitions préfentes de ce Peu¬
ple , pour féconder les vûés de la Providence fur le falut de
plufieurs , & ils ne s’épargnèrent en rien pour répondre à ce
qu’on attendoit de leur zélé»
ï 65 7.
V,
HISTOIRE generale
”Lp. Ch,— étoit allé vifiter lh Canton ie Tfonnon-
rieurs
»
»
_ Le P. Chaumonot eion. duc - ------
i 6 5 ?• thouân & y avoit auffi rencontre un très-grand nombre de
Pt^dcla Hurons Chrétiens , dont les bons exemples soient difpofe
Rdipmo par- oup d’Infidéles à recevoir la lumière de lEvangile.il
îfJ» fembïoit que Dieu n’eût difperfé cette Nation parmi les ; autre
Sauvages comme autrefois les Juits dans les htats des Koys
de Babilone & de Perfe , que pour y faire connaître fon Nom
& pour s’y préparer des Adorateurs. Lapiete des François ne
nrolluifit pas de moindres fruits à Onnontague. « Quelle dif¬
férence , difoient les Sauvages , entre ces Chrétiens & es
Hollandois ? Ils reconnoiffent tous le meme Dieu , difent-ils,
ÎS s’en faut bien que la conduite des uns fo.t auffi régu¬
lé que celle des autres. Quand nous allons voir les Fran¬
çois ’ nous en revenons toujours avec un vrai defir de prier :
à Orange on ne nous parle jamais de la Priere , & nous ne
feavons pas même fi on y prie ,, Plût à Dieu, que les Peuples du
Canada enflent toujours tenu le même language a notre fujet .
Le P. Mefnard eut encore plus de fuccès dans les Cantons
de Govo2ouin& d’Onneyouth. Dès la première anneeilcon-
ferfleyBaptême à quatre-cent Perfonnes & il avoit tout lieu
de fe promettre une plus abondante récolté dans la fuite , mais
les deffeinsde Dieu font impénétrables : dans le teins , qu on
croyoit pouvoir le plus compter fur ces Sauvages , ils echape-
i ? n-m* R? la Colonie avoit a peine eu le tems de
»
»
»
»
»
Les Onnon-
taçnics trait
tent mal les
H utons.
rent" à la Grâce & la Colonie avoit à peine eu le tems ,
refpirer après fes dernieres pertes , qu’elle fe trouva rejrlongee
dans toutes les horreurs d’une guerre , ou il y avoit tout .a crai -
dre pour elle , & abfolument rien a gagner. Ce fut a Mont
reall que l’on commença de s’appercevoir dun grand chan-
crement dans Fefprit des Iroquois Supérieurs.
8 Des Onnontagués étoient arrivés dans cette Ifle pouryrj
cevoir les Hurons , & les emmener chez eux , comme on e
Zok convenu l’année précédente : quelques François & deux
Jefuites dévoient les accompagner ; mais on fut fort furpris ,
iorfoue le jour du départ les Onnontagués déclarèrent quils
!f embarqueraient queP les Hurons. Ils fe relâ, cherent ^neanmon»
en faveur de quelques François; mais ils sobfbnerent a e
ciUrre les deuxWuites , qui de leur côté ne voulant point aban¬
donner leurs Néophytes , furent contraints de send|gg*
dans un Canot, qu’ils trouvèrent fur le rivage , fans»
orovifion , cru un petit fac de farine. , / •
1 Cette conduite des Onnontagués , a laquelle on n eto p
1 6 5 7*
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 335
préparé , parut d’un fâcheux augure pour les Hurons ; bien
des Gens ne les virent partir qu’en gemiffant fur le triffce fort ,
qui les attendoit , & leurs preffentimens ne furent que trop ju¬
bés. Ces infortunés Chrétiens 11’allerent pas bien loin , fans
connoître qu’ils étoient perdus fans reffource. Une jeune Fem¬
me n’ayant pas voulu répondre à la paffion d’un Chef Iroquois,
ce Barbare lui calfa la tête fur le champ , & comme fi on n’eût
attendu que ce lignai pour lever le mafque „ qui couvroit la
plus noire des perfidies , un grand nombre des plus confide-
rables Hurons furent maüacrés le moment d’après ; les autres
ne furent plus regardés que furie pied de Captifs, qu’on ve-
noit de prendre en guerre , & il y en eut même quelques-uns
de brûles , fans qu’on pût fçavoir la caufe d’un traitement fit
indigne.
Les François s’attendoient bien à n’être pas plus épargnés que
les Hurons ; & en effet la réfolution avoit été prife de faire main
baffe fur eux , & de commencer par les deux Millionnaires.
/e n ai pu fçavoir ce qui en empêcha l’exécution ; mais s’ils
évitèrent ce danger , ce fut pour tomber dans un autre , où
il leur parut lontems inévitable de périr. La première chofe ,
dont ils furent inftruits en arrivant à Onnontagué , fut qu’on
y avoit découvert une conspiration contre les François , &
voici a quoi 1 on a communément attribué une révolution fi
étrange.
Une Trouppe d’Onneyouths étant allés à la chaffe du côté Les Iroquois
de Montreal , furprit trois François dans un lieu écarté , les conff rey
tua , & en apporta les chevelures dans le Village , d’où elle François^
etoit partie. M. d’Ailleboût , qui commandoità Quebec , par¬
ce que M. de Laufon etoit retourné en France , fans attendre
fon Succefîeur , demanda juffice de cet attentat , & pour obli-
gei la Nation a la lui faire , il donna ordre qu’on arrêtât tout
ce qin fe trouveroit d Iroquois dans la Colonie : il fut obéi , &
le piemier mouvement, que caufa dans les Cantons la nou¬
velle c'c'^ct ordre , y fit former les refolutions les plus vio¬
lentes. On ne les fuivit pourtant pas , & on s’en tint à celle-
ci , qui fut formée de fang froid , & après une plus mûre dé¬
libération.
le ,M°yne , qui étoit chez les Agniers , devoit être
pue daller à Quebec , pour y traiter de la délivrance des Iro¬
quois , qu on avoit arrêtés. Sous prétexte de lui faire honneur
de le garantir des infultes des jeunes Gens , fort animés.contre
i 6 5 7-
La confpira-
tion eft dé¬
couverte.
16)8.
ht^TOIKE generale
336 f 1 1 Juj donner une nombreufe Ef-
les Fra &°cle lâcher en même tems divers Partis de Guerriers
corte , ot de lacner en 1 dès au ils fçauroient
qui fe' répandraient dans la C° °ïïe ’té ils pilleroient & maf-
5„e leurs Gens fera.e««ms « rï «r’enintrer de François
facreroient tout ce quils pout feroit àOn-
& de leurs Alliés. Après quoi la meme cnole
nontagué. . t nn:nt & ie n’en fçai
Le P. le Moyne ne FrtIt je l’année fuivan-
pas la raifon ; mais des T s d’Agniers , d’On-
te on vit fortir de nombreufe Trouppes d g Guerriers.
neyouths , & d’Onnontagues , ou en equ p g , u
Il n’en falloir pas tant pour donner de viol PV d tout
Dupuys , lequel fut bientôt /a rs un grand embarras ,
ce qui fe tramo.t. Ilfe dilr d’affaire, qui
& en effet il ne voy oit aucu «Ifortifier, & foûtenir un lié-
**&£%*?£%*;* «v*^r3i!ï
n’eût de grands inconveniens. c éviter , parce qu
ce , c’étoit reculer fa perte , non, Pa bec qu’ji ne
n’y avoit aucun fecours a e pere j fapu tôt ou tard fe ren-
rrrgr^ombXnt,ou enfin moutarde faim& de
mipou'r fe retirer il
Sr&ÏSK c’Itoit annoncer fa retrane , &
impoffible. 11 tallort neanmoins e re °u commença par envoler
* 4“ lalonfpi ration ,
Æi rtr: $ là =£5- *« -
“S U f- o~£&*u£r
Cela fait , il avertit tous les “;f;:,Jun fo provi-
tir au jour , qu’dleur marqua . , ng donner aucunfoup-
fions pour le Voyage ,en i obfef^ vaut de ne donner P
çon aux Iroquois . Il ne reltoit plis q £ ^..vnces ne puf-
con aux Iroquois. line reltoit puis q^ r^ ne puf„
pour s’embarquer fi ^««“VneTes François fque qJand
fent avoir connoiffance de la ret „ J craindre d’être
ceux-ci auroient affez davan , p i ftrata-
pourfuivis , & on en vint heureufement a bout par un
gême affez fingulier. XJt
ï 6 5 S,
De I’Adop-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 337
Un jeune François avoit été adopté par un des plus con-
•fiderables Habitans d’Onnontagué : ces fortes d’adoptions ,
qui devinrent dans la fuite allez fréquentes , ont tous les a van- tîon des sau¬
tages de celles , qui fe pratiquoient parmi les Romains , à Ihé- vascs-
ritage près , qui n’eft rien chez les Sauvages : d’ailleurs elles
n’en ont pas les charges , & elles ne reçoivent même aucune
atteinte des guerres , qui peuvent furvenir , d’où il eft arrivé
qu’on s’eft allez fouvent fervi avec fuccès de François adoptés
parles Iroquois , pour entamer avec eux des Traités de paix.
Le jeune Homme , dont je viens de parler , alla trouver fon Retraite des
Pere d’adoption , & lui dit qu’il avoit rêvé à un de ces fellins Fian»ols-
où il faut manger tout ce qui ell fervi : qu’il le prioit d’en
faire un de cette efpece à tout le Village , & qu’il avoit dans
l’efprit , que s’il en relloit la moindre chofe , il mourroit. Le
Sauvage lui répondit qu’il auroit bien du regret de le voir mou¬
rir , qu’il ordonnât lui-même fon repas , qu’il auroit foin lui de
faire les invitations , & qu’alîùrement il 11e refteroit rien.
Sur cette parole le jeune Homme alïigna pour fa Fête le dix-
neuviéme de Mars , qui étoit le jour fixé pour le départ : tout
ce qu’on avoit de provisions , dont on pouVoit fe palier , y fut
employé , & tous les Sauvages y furent invités.
Le repas commença fur le foir, & pour donner aux nôtres
le moyen de mettre leurs Batteaux à l’eau , & de les charger ,
fans qu’on n’entendît rien dans le Village , les Tambours 8c les
Trompettes 11e difeontinuerent point de fonner autour de la
Cabanne du feftin. Tout étant prêt, le jeune Homme , au li¬
gnai , qu’on lui fit , dit à fon Pere adoptif qu’il avoit pitié des
Convives , dont la plûpart lui avoient déjà demandé quar¬
tier ; qu’on pouvoit ceffer de manger , & fe repofer , & qu’il
alloit procurer un fommeil agréable à tout le monde. Il fe
mit auffitôt à jouer de la Guitarre , & en moins d’un quart
d’heure , il n’y eut pas un feul Sauvage , qui ne fût endormi.
Alors ilfortit, alla joindre la petite Flotte , qui dans le moment
s’éloigna du rivage.
Le lendemain matin quantité de Sauvages allèrent , félon leur
coutume , à leur reveil , pour voir les François , & trouvèrent
toutes les portes fermées à la clef. Cette nouveauté & le fi-
lence profond , qui regnoit par tout , les étonnèrent : ils cru¬
rent d abord qu’on difoit la Melle , ou qu’on tenoit Confeil ;
mais après avoir inutilement attendu plufieurs heures , ils frap¬
pèrent quelques portes. Des Chiens , qu’on avoit laides dans
Tome /. y y
1658,
Les Iroquois
recommen¬
cent leurs hof-
tilicés.
M. n’Argen-
fon Gouver¬
neur Général.
,.g HISTOIRE generale
les Maifons , leur répondirent en aboyant , ils apperçurent
auffi quelques Volailles à travers les Paliffades ; mais Peifonne
ne pafoiffoit. Enfin fur le foir ils enfoncèrent les portes , &
four furprife fut extrême de trouver toutes les Maifons vui-
deiîs furent allez lontems fans pouvoir comprendre comment
les François , qu’ils fçavoient n’avoir point de Canots ; , avoient
pu s’en aller , & il n’eft point de vilion , qui ne leur entrât
dans la tête , plûtôt que d’imaginer de quelle maniéré la chofe
s’étoit paffée. Cetoit en effet la première lois , quon le 1er-
voit de Batteaux pour de pareils voyages ; mais quand les
François auraient eu des Canots , il ne leur aurait pas etc
poffible de s’en fervir , parce que les Rivières etoient enco
couvertes de glaces , & ce fut auffi ce qui empecha les
ou ois de les pourfuivre.
M. Dupuys ne biffa pourtant pas de craindre quils ne len-
trepriffent , & il ufa d’une telle diligence , que maigre les vents
contraires, qui l’arrêtèrent allez lontems fur le Lac Ontario,
il arriva en quinze jours a Montreal. La joye c e e v
vré d’un fi grand danger ne (lattoit pourtant pas allez cet Oi -
cier , pour T’empêcher de reffentir ce qu une fuite fi précipi¬
tée avoit de honteux pour la Nation, & de regretter que, faute
d’un fecours médiocre , on ne l’eût pas mis en état de foute-
nirun Etabliffement de cette importance , & de donner la Lo
à un Peuple , qui ne tirait fa force , & le droit de nous
fulter , que de notre foibleffe. v A «
Il trouva toute Hile de Montreal en de très - grandes alla
mes. On ne voyoit de tous côtes que Partis roquois , q »
fans fe déclarer ouvertement Ennemis, caufoient par tout des
défordres affreux , de forte que Perforine no oit par i
la campagne. Vers la fin de May le P. b Moyne arriva au
même endroit , conduit par des Agmers , qui lui avoien
né parole de le remettre fain & faut dans une Habitation f ra
cône , & qui la lui tinrent exaftement ; apres quoi toute
Nation ceffa de feindre , & la guerre devint plus vive , qi
n’a voit jamais été. . \
L’onzième de Juillet le Vicomte dARGENSON prit ter
Quebec , & fut reçu en qualité de Gouverneur General, foe
ci i _ • -i e.,. „<r„rr rVcnfpndre crier aux armes , c*-
u ueuec , ex. îui icwu wü — — .
lé lendemain 41 fut affez furpris d entendre crier aux armes
on vint l’avertir que des Algonquins avoient ete ma ac e
des Iroquois fous le Canon du Fort. Il détacha dans
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 339
ment deux-cent Hommes , François & Sauvages pour courir
après ces Barbares ; mais ils ne purent les joindre. Ils trou¬
vèrent deux Enfans , qu’ils avoient abandonnés pour courir
plus vite , & trois Femmes dont lune étoit morte , & les deux
autres dangereufement bleffées.
Peu de tems après des Agniers s’approchèrent des Trois Ri¬
vières , dans le deffein de furprendre ce Pofte , & pour mieux
réunir dans leur entreprife , ils détachèrent huit Hommes , qui
fous prétexte de parlementer , avoient ordre de bien obferver
l’état de la Place ; mais M. de la Potherie , qui y corn-
mandoit , en retint un dans fes Prifons , & envoya les autres au
Général, lequel en fit bonne juftice. Ce coup de vigueur eut
tout le fuccès , qu’on en pouvoit efperer , & procura quelque
repos à la Colonie. Les Mifiionnaires en profitèrent pour com¬
mencer leurs courfes Apofioliques dans le Nord , & décou¬
vrirent plufieurs routes pour aller à la Baye d’Hudfon.
Telle étoit la fituation de la Nouvelle France, lorfque le
fixiéme de Juin de l’année 1659. François de Laval , connu
auparavant fous le nom d’Abbé de Montigny , Evêque Ti¬
tulaire de Petrée , & pourvû par le Souverain Pontife d’un
Bref de Vicaire Apoftolique , débarqua à Quebec. Il y avoit
déjà quelques années que les Jefuites , perfuadés que la pré-
fence d’un Supérieur Ecclefiafiique , revêtu d’un Caractère
capable d’impofer, étoit devenue néceflaire dans la Colonie,
pour remédier à certains défordres, qui commençoient à s’y in ¬
troduire , avoient demandé à la Cour qu’on y envoiât un Evê¬
que. La Reine Mere , Anne d’Autriche , à qui ils en avoient
fait parler pendant fa Regence , fut d’avis que pour rem¬
plir cette Place on choisît un des anciens Mifiionnaires , &
jetta même , dit-on , les yeux fur le P. Paul le Jeune , qui avoit
gouverné la Million pendant plufieurs années , & qui étoit
alors à Paris fort occupé de la direRion des Ames , & dans
une grande eftime de fainteté & de prudence ; mais les Je¬
fuites reprefenterent que leur Infiitut ne leur permettoit pas
d’accepter cette Dignité , & lui propoferent l’Abbé de Mon-
tigny , qui fut agréé.
Le P. Jerome Lallemant , qui n’étoit point repaffé en Amé¬
rique , depuis qu’il étoit venu en France, pour y reprefenter à
la Compagnie du Canada les hefoins de ce Pays , gouver-
noit alors le College de la Flèche ; le nouveau Prélat le de¬
manda à fon Général , comme un Homme , qui lui étoit né-
V v ij
1658.
Arrivée du
premier Evê¬
que de la N.
France.
i 6 5 9.
Changement
dans le Gou¬
vernement Ec-
clefiaftique du
Canada.
i 6 5 9'
Des Cures du
Canada*
L’Ifle de
Mositseal cé¬
dée au Sémi¬
naire de S»
Salpice*
EcabîifTement
du Séminaire
de Quebec.
340 histoire generale
ceffaire , & ce Religieux voulut bien confacrer le relie de fes
iours à la converfion des Sauvages ,/ous *es °fdres dun Eve-
aue digne delà Primitive Eglife. Quelques Ecclefiafhques
rent auffi le voyage avec M. de Petree , d autres le vinrent
joindre les années fuivantes , & à mefure , au ils arrivèrent on
les mit en poffeffion des Cures , dont mfques-la les Jetuites
avoient été chargés , parce qu’ils etoient les feuls Pretres dans
la Nouvelle France. . ; „ , , . „
Les nouveaux Curés ne deffervirent d abord les Paroiffes ,
que par Commiffion , ils furent même très-lontems amovibles a
la volonté de l’Evêque , & quelquefois des Supérieurs du Sé¬
minaire de Quebec, lefquels étoient eux-memes,& font en¬
core nommés par les Diseurs de celui des Millions Etran¬
gères de Paris. Les chofes ont un peu change a cet egard , depuis
Sue la Cour a ordonné que les Cures fuffent fixes en Canada ,
comme dans tout le Royaume; mais il s en faut bien que tou
le foient encore , & l’Iflede Montreal , avec les Parodies , qut
en dépendent , font encore fur l’ancien pied , fous la direction
de Meilleurs du Séminaire de S. Sulpice. . .
Il y avoit deux ans , que ce Séminaire avoit acquis tous les
■ droits des premiers Proprietaires de cette Me. Plufieurs années
auparavant M. l’Abbé de Quelus étoit venua Quebec , mu¬
ni d’une Provifion de Grand - Vicaire de 1 Archevêque de
Rouen ; mais comme la Jurifdiction de ce Prélat fur a N ou¬
velle France n’étoit fondée fur aucun titre , & que les Eve-
nues de Nantes & de la Rochelle avoient les memes préten¬
tions que lui ; l’Abbé de Quelus ne fut point reconnu en qua¬
lité de Grand-Vicaire, & s’en retourna en France* Il revint
en IÔS7. avec des Députés du Séminaire de S. Sulpice, pour
prendre poffeffion de l’Ifle de Montreal , & pour y fonder un
Séminaire , à quoi il ne trouva aucune opposition , toute laE -
Ionie étant charmée de voir un Corps accrédité , pui-lant ,
fécond en excellens Sujets , fe charger de défricher & de taire
peupler une Ifle , dont les premiers Poffeffeurs n avoient pa
pouffé l’Etabliffement autant qu’on avoit d’abord eipere.
En 1662. M. de Petrée étant repaffé en France , pour les
raifons , que nous verrons en fon tems , propofa au Conien
du Roy l'érection d’un Séminaire à Quebec ; _Sa_ Majette y
confentit , & les Lettres Patentes en furent expediees au mo s.
d’ Avril de l’année fuivante en faveur de Meilleurs du Ner n
naire des Millions Etrangères. Comme ce Séminaire % a11
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 341
fiftême alors , devoir fournir des Pafteurs à toute la Colo-
nie , le Prélat obtint que les dixmes feroient payées aux Dire-
Reurs du nouveau Séminaire , & les fit taxer au treiziéme de
tout ce qui doit à FEglife. On trouva que c’étoit beaucoup
pour des Colons , qui n’étoient pas riches , & il y eut diverfes
repréfentations de leur part.
Elles furent écoutées , & au mois de Septembre de l’année Divers Re-
1667. le Confeil Supérieur de la Nouvelle France rendit un
Arrêt en forme de Reglement , qui portoit que par Provifion ,
&fans préjudice des Lettres Patentes accordées parSaMajefté,
les dixmes ne feroient levées qu’au vint-fixiéme ; mais quelles
feroient payées en grains , & non en gerbes , & que les Terres
nouvellement défrichées ne payeraient rien les cinq premières
années. Ce Reglement fut exécuté.
Dans la fuite la Colonie s’étant accrûë , il fut néceffaire d’é¬
tablir de nouvelles Cures. Alors on demanda que les Dixmes
appartinrent aux Curés „ & l’on commença de traitter de leur
fixation. Ces deux points furent ordonnés par un Edit du
Roy du mois de May 1679. cinq ans après l’ére&ion de l’E-
glife de Quebec en Evêché. Ce même Edit confirma aufii le
Reglement provifionnel du Confeil Supérieur touchant les
Dixmes; mais il ajoûta que fi les Dixmes 11’étoient point fuf-
fifantes pour l’entretien des Curés , le Confeil y pourvoirait
d’un fupplement , qui feroit fourni par les Habitans & les Sei¬
gneurs ; ce qui n’a pourtant point eu de lieu , parce que le Roy
a bien voulu accorder fur fon Domaine la fomme de fept mille
fi x-cent livres par an , pour aider à la fubfiftance des Curés ►
Sur la fin de l’année 1683. on prit une autre voye pour
contenter les Curés , à qui les derniers arrangement du Con¬
feil n’avoient point paru fuffifans. M. de la Barre, Gou¬
verneur Général de la Nouvelle France, & M - de S. Val-
lier , nommé Evêque de Quebec , voulurent regler les por¬
tions congrues , qui fe payoient fur les Dixmes , à cinq-cent
livres; mais le Roy dans une Lettre du dixiéme d’ Avril 1684.
adreffée au premier , lui fit entendre que ce Reglement ne lui
agréoit pas. w J’ai lu , difoit Sa Majefié , le Mémoire , que «
vous avez formé avec le Sieur Evêque de Quebec , pour la «
diftribution des Cures , & la fubfiftance des Curés , & je vous <*
avoue que le principe , fur lequel vous avez travaillé , me pa- «
roit très-préjudiciable au bien de la Colonie. Vous reglez la «
Portion congrue d’un Curé à cinq-cent livres , & il y en a me- *
i<>59-
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
Le Patronna-
ge des Cures
attribué à l’E-
veque.
Fondation
<d’un Hôpital à
Montreal.
HISTOIRE generale
me , à qui vous donnez davantage , dans un Pays nouvelle¬
ment peuplé d’Habitans pauvres - ... Vous fçavez quen
France , où l’on n’a pas les mêmes raifons , les Portions con¬
grues les plus fortes ne vont qu’à cent ecus , & qu il y a un
nombre infini de Curés , qui n’ont que cent cinquante livres ,
& ne laiffent pas de vivre , & de taire leurs fondions ; & ce
qu’il y a encore de plus tâcheux a cet egard , ceft que ledit
Sieur Evêque a fi bien perfuadé les Prêtres «puis ne peuvent
nas vivre à moins de cinq cent livres , qu on aura peine a^ les
réduire fur un autre pied. Cependant je veux qu on accoutu¬
me ceux , qui n’ont que quatre-cent livres , a vivre pour cette
f°cTseMeffieurs n’ont pas laiffé de tenter à diverfes reprifes
de faire remettre les Dixmes au treizième ; mais le Conteil Su¬
périeur de Quebec s’y eif toujours oppofe , & comme a la fin
ils en appelèrent au Confeil du Roy , cet Appel leur a attire
un Arrêt du douzième de Juillet 1707. qui les deboutoit fans
retour de leurs prétentions à cet égard. D autre part , outre
la fournie de fept mille fix-cent livres , que le Roy leur avoit
affîgnée pour fupplément des Dixmes, Sa Majefte en a enc
accordé une deTux mille livres pour ceux à qui leur grand
âge, ou leurs infirmités ne permettoient plus de deffervir leu
Cures & par un Arrêt du vint-neuvieme de Mars 1717. n tut
réglé que cette femme feroit divifée en cinq portions de trois-
cent livres ,& une de deux-cent. .
Enfin il y a encore deuxfommesde treize-cent cinquante li¬
vres chacune , l’une en faveur des mêmes Cures , & 1 autre
pour la bâtiffe des Eglifes Paroifiiales , dont le Patronna^,
par un Arrêt du vint-feptiéme de Mars 1699. fut attribue a
l’Evêque , à l’exclufion des Seigneurs , lefquels en avoient joui
jufques-là en vertu d’un premier Arrêt du mois de May 1679.
& ,1 fut ordonné par le dernier que ces Eglifes ferment bâties
de pierres. Au relie toutes les femmes , que le Roy fournit de
fou Domaine pour les ufages , dont je viens de parler , font a
la difpofition Se l’Evêque. Le Chapitre de la Cathédrale eft
compote d’un Doyen , d’un Grand Chantre , d un Grand Ar¬
chidiacre , d’un Théologal , 8c de douze Chanoines. Le Roy
s’eft refervé la nomination aux deux premières Dignités , lisvt-
que nomme à tout le relie. . j-
Pour revenir à l’Ifle. de Montreal , & finir tout ce qui regarde
les Etabliffemens faits en Canada pour le Spirituel , & pourie
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 343
Bonnes œuvres , Meilleurs du Séminaire de S. Sulpice ne fu¬
rent pas plûtôt en poffefîion de ce beau Domaine , qu’ils fou¬
gère nt à lui procurer un Hôpital , & ils furent allez heureux:
pour engager plufieurs Perfonnes dans ce pieux deffein. Ma¬
dame de Bullion donna foixante-deux mille livres , M. de
LA Doversiere , Lieutenant Général au Préfidial de la Flè¬
che , y confacra une partie de fon bien , & ce fut par foncon-
feil que l’on choifît pour deffervir cet Hôpital, des Filles de l’Hô-
tel-Dieu de cette même Ville , dont FInflitut a depuis été érigé
en Religion par le S. Siège. Ce fut la Demoifelle Manfe , dont
j’ai parlé plus haut , qui reçut les Hofpitalieres à Montreal , &
tant quelle vécut , elle voulut bien être chargée de l’adminif-
tration du Temporel de leur Maifon , en quoi elle fut très-
bien fécondée par M. de Maifon neuve , qui confentit de con¬
tinuer de gouverner cette petite Colonie , après que l’Ille eut
changé de Seigneur.
Il commençoit à s’y former une Ville , dont la fondation fut
marquée par un Etabliffement , qui fait aujourd’hui un des plus
beaux ornemens de la Nouvelle France. Elle le doit à Margue¬
rite Bourgeois , cette fainte Fille , qui plulieurs années aupa¬
ravant avoit fuivi M. de Maifonneuve en Canada. Sans autre
refTource , que fon courage & fa confiance en Dieu , elle entre¬
prit de procurer à toutes les jeunes Perfonnes de fon fexe , quel¬
que pauvres , & quelque abandonnées qu’elles fulfent , une
éducation , que n’ont point dans les Royaumes les plus poli¬
cés , beaucoup de Filles mêmes de condition , & elle y a réufîi
au point , qu’on voit toujours avec un nouvel étonnement des
Femmes jufques dans le le in de l’indigence & de la mifere ,
parfaitement infimités de leur Religion, qui n’ignorent rien
de ce qu’elles doivent fçavoir , pour s’occuper utilement dans
leurs Familles , & qui par leurs maniérés , leur façon de s’ex¬
primer & leur politeffe , ne le cèdent point à celles , qui parmi
nous ont été élevées avec plus de foin. C’eft la juflice , que ren¬
dent aux Filles de la Congrégation tous ceux , qui ont fait quel¬
que fejour en Canada.
Il paroît que dans la fuite on avoit eu deffein d’en faire des
Religieufes ; car en 1709. elles eurent défenfe de fe cloîtrer ,
& de taire des Vœux. Elles répondirent qu’elles n’avoient ja¬
mais eu intention de fe renfermer, la Clôture étant abfolument
incompatible avec leur Inflitut ; que par la même raifon elles
ne demandoient point à faire des Vœux folemnels ? qu’elles
16 5 9-
Inflitut ion
des Filles de la
Congréga¬
tion.
i6?9'
HISTOIRE GENERALE
fouhaittoient feulement qu’on leur permît de faire des V ceux
(impies ; mais comme on crut que ces 'Vœux les conduiroien
peut-être avec le tems àfe cloîtrer , ce qui les i endroit beau
foup moins utiles à la Colonie, le Confe.l refufa dy con-
feILes Urfulines de Quebec contribuoient aulîi beaucoup de
leur côté à donner aux Perfonnes de leur fexe une éducation
convenable ; mais hors de l’enceinte de cette p^vmé
Filles font à portée de fréquenter leurs Ecoles , & la pauvreté
du Pays ne leur permet pas d’avoir un grand nombie e -
ftonnales. On avoit eu en vûë , lorfqu’on les établit dans la
Nouvelle France , de les charger de l’éducation des Fllle^“‘
vases ■ mais l’exécution n’a pas répondu aux efperances , qu on
en^avoit conçûës & bien des raifons ont fait abandonner ce
proiet! Les principales font que ces Religieufes ne fe font pas
trouvées en Pétat de faire la dépenfe neceffaire pour lexecuter,
& que les Sauvages eux-mêmes ne fe privent pas volontiers
du plaifir d’avoir leurs Enfans avec eux. D ailleurs ces Enfans ,
au lortir d’une Maifon Reguliere , fe retrouvant : au mdieu de
la Barbarie , & expofées à toute la contagion du c°ml“er“
avec les Infidèles , le fang & la nature reprenoient bientôt le
deffus & il ne leur reftoit de la bonne éducation , qu on leu
X donnée , que plus d’ouverture d’efprit & des comioiffan-
ces , qui leur devenoient permcieufes par 1 abus , que la plu
Païl auroit faUufê borner aux Filles des Sau™Ses Soient
& domiciliés dans la Colonie ; mais c etoit celles , qui ^
moins de befoin de ce fecours , & 1 expenence ^ fait voir au
étoit plus à propos de les laifer dans leur fimpliciœ & dan leur
•nonnre • nue les Sauvages peuvent etre de bons Uiret eus ,
fl n°r en pœ^dr de notreSpoLelfe & de notre façon de vivre
ou du moins qu’il falloir laiffer faire au tems pour les tirer de
leur grofïiereté, qui ne les empêche pas de vivre dans u
grande innocence , d’avoir beaucoup de modeftie , & de fervir
f)ieu avec une pieté & une ferveur , qui les rendent tres-prop
aux plus fublimes operations de la Grâce.
_ l’Fvpmifi de Petrée avoit a
aUCer^ndlLitnrEvêque de Petrée avoit à peine pris en main
,ïf™ CGr— & fon Eglife , ,£l =« ™ fg-g*
*“■ couvert plufieurs Nations au Nord & a 1 Oueft du LacHurg.
il longea auffitôt aux moyens de les faire ec aiier c j’^tre
de l’Evangile ; il s’en ouvrit au P. Lailemant , qui ven
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 345
nommé pour la fécondé fois Supérieur Général des Millions ,
& il prit avec lui les mefures convenables pour l’exécution de
ce delfein. On envoya aulîi un renfort de Millionnaires aux
Nations Abénaquifes , qui devenaient infenliblement toutes
Chrétiennes ; mais dont la vie errante empêchoit que le pro¬
grès de l’Evangile ne fût aulîi rapide parmi elles , qu’on fe l’étoit
promis de leur docilité.
Les Peuples les plus voiiins du Golphe de S. Laurent
étoient toujours en guerre avec les Eskimaux , & en ame-
noient fouvent des Efclaves , dont on eut le bonheur de
convertir quelques-uns. La fervitude , & l’éloignement de
leur Pays , adouciffoient un peu les mœurs de ces Barbares ;
aulîi féroces , que les Loups & les Ours , dont leurs affreux
Deferts font remplis ; fans Loix , fans principes , fans focié-
té , ne diférant prefque de ces Bruttes , que par la figure
humaine : ils devenaient bientôt doux & raifonnables , dès
qu’ils fe voy oient parmi des Hommes , qui faifoient ufage
de leur raifon. Dans le petit nombre de ceux , qui furent
alors gagnés à Jesus-Christ , la converfion d’une Femme
fut accompagnée de circonflances , qui firent beaucoup d’im-
prelfion fur fes Compatriotes , & plus encore far un Proteftant.
Pendant qu’on inflruifoit cette Femme des principes de la
Foi , elle parut comme pofiedée du Démon ; pour s’affûrer de
la nature de fon mal , on lui fit quantité de remedes , qui
furent tous inutiles ; on eut enfin recours à l’Eau-bénite , qui
lai guérit parfaitement ; elle demanda enfuite le Baptême ,
dont la cérémonie fut fuivie de l’Abjuration d’un Cal vinifie ,
qui 11e put tenir contre un miracle fi évident.
L’année fui vante , un Algonquin , qui avoit employé deux
années entières à voyager dans le Nord , rencontra aux en¬
virons de la Baye d’Hudfon quantité de fes Compatriotes ,
que la crainte des Iroquois avoit contraint d’y chercher un
afyle. Il y trouva aulîi les Naturels du pays fort difpofés à
fe joindre aux François , pour réprimer l’orgueil de cette
Nation , qui s’étoit fait des Ennemis de toutes les autres , &
qui commençoit à s’approcher d’eux.. Ils chargèrent même
1 Algonquin de préfens pour le Gouverneur Général ; & ce
Sauvage , qui étoit allé à la Baye d’Hudfon par le Lac Su¬
périeur , en revint par le Saguenay.
Dans le même tems , deux François après avoir hyverné
fur les bords du Lac Supérieur , avec un grand nombre de
Tome L Xx
1659.
Converfion
de quelques
Eskimaux.
Plusieurs dé¬
couvertes.
1 6 6 o.
i 6 6 o.
,46 HISTOIRE GENER ALE
Familles Aleonquines , eurent la curiofité de pénétrer plus
nt à rOueft , &' allèrent jufqu’aux Sioux. Ils rencontre-
TU 1 _ _ /TV r\ a Mnmtic
Huions.
avant a i uucu , ^ ^ “r , r j u
rent fur leur route une Bourgade allez nomoreufe de Hurons.
Tionnontatés , dont ils apprirent quelques particularités ai-
fez curieufes. Je n’en rapporterai , que ce qui fera necellai-
re pour la fuite de cette Hifioire. Les Sioux non-feulement
Ce qui fe n’avoient eu jufques-là aucune connoiflance des François
paife entre les ma‘s ^tojent fort peu connus des Nations Huronnes oc Al-
s,OBX* gonquines , avec lefqueUes nous étions en commerce ; dit
moins , à en juger par le rapport des deux François , qui
dirent , que leurs maniérés parurent fort étranges & fort ri¬
dicules aux Tionnontatés & aux Outaouais , lorfque ceux-
ci fe réfugièrent chez eux. A r
Ils ajoutèrent que ceux-ci les mfulterent meme en plufieurs
rencontres , fe fiant fur leurs, armes à feu 3 dont leurs hôtes
ignoroient encore lïifage ; qu’ils en tuerent quelques-uns ;
mais qu’enfin la fureur & le nombre fuppleant aux avanta¬
ges , qui rendoient les Hurons & les Outaouais fi infolens *
les Sioux en maffacrerent plufieurs. Un jour entrautres ,
ayant attiré beaucoup de Hurons dans une eipece de Lac ,
ou de Marais, tout couvert de F olle- Avoine , ils les y enve¬
loppèrent avec leurs Canots dans des Filets , que ceux-ci
ne voyoient point * après quoi , ils décochèrent fur eux une
fi grande quantité de Flèches , qu’il n’en echapa aucun : le
refie jugea enfin à propos de s éloigner d une Nation , avec
laquelle ils ne pouvoient plus efperer de fe réconcilier , a -
lerent s’établir au Sud-Efl de la pointe Occidentale du Lac
Supérieur , où nos deux Voyageurs les trouvèrent.
De-là , ceux-ci étant paffés chez les Sioux , remarquèrent
des Femmes à qui on avoit coupe le nez , & arrac îe une
partie de la peau de la tête : ils en demandèrent la radon ,
& on leur répondit , que c’étoit la peine , dont on pumüoit
Fadultere dans les perfonnes de ce fexe ; ce qui leur parut
d’autant plus rigoureux , que la Polygamie eft toxeree parmi
ce Peuple. Il étoit alors fort nombreux , & partage en qua¬
rante Bourgades , toutes grandes , & très-peuplees ; & com¬
me ces Bourgades changent fouvent de place , le Pays Sioux
avoit une étendue immenfe. Deux Jefuites , qui en lôbj.oc
en 1689. ont fait quelques excurfions parmi eux , en ont
parlé comme d’un Peuple fort puiffant ; & 1 un d eux (æ)
La) Le P. Jofeph Marée.
V
P articulantes
touchant les
Sioux.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 347
fouvent témoigné , qu’il regrettoit beaucoup de n’avoir pû
fe fixer parmi ces Sauvages , en qui il avoit trouvé de la dou¬
ceur & du bon fens. Il ajoûtoit , que les Sioux n’exerçoient
point envers leurs Prifonniers ces horreurs , qui déshonno-
rent la plupart des autres Nations de ce Continent , 8c qu’ils
ont confervé une connoiffance allez difiin&e d’un feul Dieu.
. J’ai dit ailleurs qu’on prétend qu’ils ont l’accent Chinois ;
c’efi ce qu’on n’a pû encore vérifier jufqu’ici ; mais leur ma¬
niéré de vivre reffemble beaucoup à celle des Tartares. Peu
de François ont appris leur Langue , qui feroit pourtant d’u¬
ne grande utilité pour découvrir tout ce qui efi au Nord-
Oueft du Micifiipi ; & tout nous porte à croire qu’on y fe¬
roit des découvertes utiles , fur-tout par rapport à la Mer du
Sud , dont il efi; prefque certain qu’ils ne font pas extrême¬
ment éloignés.
Cependant il ne venoit aucun fecours de France , 8c la Co¬
lonie du Canada ne fe foûtenoit plus que par une efpece de
miracle : on 11e pouvoit s’éloigner des Forts , qu’011 ne fût
efcorté ; 8c en bien des endroits , on 11e voyoit nulle appa¬
rence de faire la récolté , dont le tems approchoit. Plufieurs
jugeoient qu’à la fin il faudroit tout abandonner ; 8c quel¬
ques-uns commençoient à prendre des mefures pour repafiêr
la Mer. Sept cent Iroquois , qui venoient de défaire un grand
parti de François & de Sauvages , tenoient Québec comme
bloqué; les Urfulines & les Hofpitalieres étoient obligées de
fortir la nuit de leurs Monafteres , où on ne les croyoit pas en
sûrete , & fur la fin de l’Automne , lorfqu’on croyoit ces Bar¬
bares retires chez eux , on eut avis qu’ils tenoient encore la
campagne , ce qui jetta par tout la confirmation.
Un Huron , qui s’étoit échapé de leurs mains , confirma
cette nouvelle , 8c ajoûta que leur deffein avoit été d’attirer
quelque Millionnaire à un pour-parler , 8c de l’arrêter, pour fer-
vir a un échangé ; que quand ils auroient retiré par ce moyen
tous ceux des leurs , qui étoient prifonniers parmi nous , ils
ne garderaient plus de mefures : qu’ils fe propofoient fur tout
d enlever un grand nombre d’Enfans pour repeupler leur
Pays ; mais qu’il leur étoit furvenu un accident , qui fans
doute leur avoit fait rebroufier chemin , un d’eux , en vou¬
lant tuer un Cerf , ayant tiré fur le Chef du Parti , lequel
en étoit mort.
En effet , ils ne parurent plus de tout le refie de cette an-
Xx ij
1 660.
Extrémité ,
où eft réduit
le Canada.
HofHlités dc-S
Iroquois.
* H
i 6 6 î .
Maladies 8c
î?ù éno menés.
J48 histoire generale
née , mais à la fin de l’Hyver plufieurs Partis fe montrèrent
en differens endroits de la Colonie , & y firent de grands,
ravages. Un Ecclefiaftique du Séminaire de Montreal , nom¬
mé M. le Maître , fut tué en revenant de dire li Me..e a
la campagne. M. de Laufon , Sénéchal de la Nouvelle Fran¬
ce & Eus du précédent Gouverneur General , étant aile à
Fille d’Orléans pour dégager l'on Beau-Frere , qui etoit m-
vefti dans fa maifon , tomba dans une embufeade. Les lio-
ciuois , qui le connoiffoient , & qui fouhaitoient avec paflioi
l’avoir un Prifonnier de cette importance , le ménagèrent
quelque-tems , ne cherchant qu’à le laffer ; mais voyant qui
leur tuoit beaucoup de monde , ils tirèrent fur lui , & il
tomba mort , avant qu’aucun eut ofe 1 approcher-
Plufieurs autres perfonnes de confideration , cv un ma cl
nombre d’Habitans & de Sauvages eurent le meme fort. 1 ren¬
te Attikamegues , parmi lefquels il y avoir .quelques Fran¬
çois , furent attaqués par quatre-vint Iroquois , & fe déten¬
dent avec une valeur , qui auroit pû les fauver , s ils euf-
fent combattu avec plus d'ordre ; les Femmes memes fe bat¬
tirent iufqu’à la mort , & pas une ne voulut fe rendre. En¬
fin , depuis Montreal jufqua Tadoulfac , on ne voyou que
des traces fanglantes du paffage de ces tiers Ennemis.
A ce terrible fléau le Ciel en ajouta un autre , qui ache¬
va de réduire la Colonie aux abois. Les François & les Sat-
vaees domiciliés furent attaqués d’une maladie , ciont perfon-
ne ne fut exemt , & qui enleva fur tout un très-grand nom¬
bre d’Enfans : c’étoit une maniéré de coqueluche , qu
tournoie en pleurefie. On s’imagina quil y avoir du male -
ce ; & les Médecins furent les premiers a donner cours a
cette opinion. Quand le Peuple eff une fois frappe , foTt im -
gination le mene bien loin , & tout eft Peuple en certaines ren¬
contres. On publia enfuite qu’on avoit vû dans 1 air une Cou¬
ronne de feu ; qu’aux Trois Rivières on avoit entendu Mes voix
lamentables; qu’auprès de Quebec il avoit- paru un Canot de-
feu , & dans un autre endroit un Homme tout embraie C-
environné d’un tourbillon de flammes; que dans lhle Ut
leans une Femme enceinte avoit entendu fon fruit le pla
dre, & tout cela fut fuivi de l’apparition c lune Comete , qu
acheva d’effrayer la Multitude , pour laquelle ce Phenomene*
n’eft jamais indifférent , furtout dans un tems c e ca amite.
m J r . j r • _ Q-r jnc fr^rf rlp 1 ClV^Q tt
8 Antpfmc ail miliPil HP
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 349 _
le calme parut tout-à-coup. On apprit par quelques Prifon- 1 6 6 1 .
niers , qui s’étoient évadés des Bourgades Iroquoifes , qu’il On apprend
y avoit à Onnontagué une vintaine de François , à qui on de b°{nue*
avoit donné la vie , & qui y joiiiffoient même d’une allez gran- p°ys deïiro-
de liberté : que dans ce même Canton on avoit converti une quois.
Cabanne#en une Chapelle , où un grand nombre de Chré¬
tiens , François , Hurons , Iroquois , & Algonquins s’affem-
bloient regulierement pour faire leurs Prières : que les Ma¬
rronnes , qui font le Corps principal de l’Etat , n’avoient point
eu de part à la confpiration , qui avoit obligé M. Dupuys à
fe retirer , & que pendant fept jours elles avoient pleuré avec
leurs Enfans le départ des Millionnaires ; enfin que dans les
Cantons de Goyogouin & d’Onneyouth j il y avoit des Chré¬
tiens , qui confervoient inviolablement leur Foy.
Peu de tems après les Partis Ennemis difparurent prefqu’en- Députés rro-
tiérement , & vers le mois de Juillet on aperçut de Montreal quois à Mont-
deux Canots avec un Pavillon blanc. O11 les laiffa approcher , leal‘
& on vit des Iroquois débarquer avec autant d’alfûrance ,
qu’auroient pu faire les Alliés les plus fidèles. C’étoient des
Députés des Cantons d’Onnontagué & de Goyogouin , &
l’un d’eux étoit le Chef le plus accrédité de ce dernier Can¬
ton, l’ancien Hôte du P. Mefnard , & l’ami le plus déclaré
des François dans tous les tems. Ils ramenoient quatre Fran¬
çois , dont ils propoferent l’échange contre huit Goyogoui'ns ,
Prifonniers à Montreal , & ils promirent même de rendre tous
les autres François , dont ils etoient les Maîtres , fi on vou-
loit délivrer tous les Sujets des deux Cantons , que nous avions
entre les mains.
Ils rendirent aufîiàM. de Maifonneuve une Lettre, lignée
de tous les François Captifs dans ces mêmes Cantons : elle por-
toit qu’on les traitoit affez bien , & que tous les efprits paroif-
foient fort portés à la paix ; mais que fi on refufoit d’écouter
les deux Députés , tout ce qu’ils étoient de François dans le*
Pays , feroient impitoyablement livrés au feu à leur retour. Le
Gouverneur répondit aux Députés qu’il alloit écrire à M. d’Ar-
genfon , à quifeul il appartenoit d’accepter , ou de rejetter de
pareilles proportions , & qu’en attendant fes ordres ^ ils pou-
voient relier dans le Fort , où ils jouiraient d’une liberté entière.
Le Vicomte d’Argenfon parut d’abord très-peu difpofé à en- ?
trer en négociation ; mais confiderant que dans l’état , où fe nee cônfent*' \
trouvoit la Colonie , une mauvaife paix , pourvu qu’on fe Ie* accomga-
i 6 6 i .
cner dans leur
Pays.
Le Baron d’A-
vaugour relè¬
ve M. d’Ar-
veufon.
«fe>
Voyage de
deux MilTion-
n ai res dans le
Nord.
..0 HISTOIRE generale
tînt fur fes gardes, valoit encore mieux , que la continuation
d’une guerre , qu’on n’étoit pas en état de foûtenir , il changea
de penfée. Un Homme , qui fe noie , ne laide pas de s attacher a
une branche, quil prévoit devoir fe cafter entre fes mains, quand
il n’en trouve point d’autre. La plus grande difficulté etoit d .ac¬
corder un Millionnaire aux deux Cantons , qui n^vouloient
de paix, qu’à cette condition. Le Vicomte fit fonderie P. le
Moyne , oui répondit fans balancer qu’il etoit prêt a partir. C e-
toit pour la cinquième fois que ce Religieux fe facnnoit en pa¬
reilles occafions : il faifit avec avidité celle-ci , qu il croy Oit
immanquable de donner fa vie pour la caufe : de Dieu , & lefalut
de la Colonie. ' , ^
Sur ces entrefaites le Baron d’AvAUGOUR arriva de France
pour relever M. d’Argenfon , auquel fa mauvaife lante , le peu
de fecours, qu’il recevoir de la Compagnie de la Nouvelle Fran¬
ce , & quelques chagrins particuliers ., que de mauvais efprits
ne ceffoient point de lui caufer , avoient fait demander fon rap¬
pel avant le tems. Le nouveau Gouverneur fut bien étonné de
fe voir chargé d’une Colonie auffi délabrée. Il voulut commen¬
cer par vifiter tous les Polies , & après cette vifite il dit quil
étoit charmé du Canada ; qu’on ignoroit en France ce quilpou-
voit valoir ; mais qu’il ne comprenoit point comment fes Pre-
déceffeurs s’étoient foûtenus, comme ils avoient fait, avec ii peu
de forces ; qu’il alloit informer le Roy de toutes choies , &
que fi on ne lui envoyoit inceffamment les Trouppes ot es
munitions , qu’on lui avoit promifes , il n attendi oit pas pour
retourner en France , qu’on lui eût donne un Succelleur. e
Général étoit Homme de refolution , & d’une grande droiture ;
mais il s’en picquoit trop , & ne fçavoit pas fe repber. 1 avoit
fait la guerre en Hongrie avec beaucoup de diftinction ; mais
il eut moins d’occafions d’exercer en Canada fes bonnes qua
lités , qu’il n’en eut de faire paroîtrefes défauts , & ils lui hrent
effiiyer bien des chagrins dans le peu de tems , qu il gouver¬
na cette Colonie. . ,
'Le P. le Moyne étoit parti , lorfque M. d’Avaugour arriva a
Ouebec , & tandis que le Millionnaire alloit travailler a nous
reconcilier avec les Iroquois , les PP. Dreuiilettes & Da on
tâchoient de pénétrer à la Mer du Nord, en îemontant le^ ague
nay. Au commencement de Juillet , deux mois api es eur
départ , ils fe trouvèrent à la fource de la Riviere A ek ou a, qu
fe décharge dans le Lac de S . Jean , & y effuierent des cha eu
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 351
exceflives , qu ils attribuèrent en partie a la hauteur du terrem ,
ayant fait cent lieues , difoient-ils , en montant toujours.
Le Lac S. Jean eft la véritable four ce du Saguenay , & de
pluheurs autres^ Rivières : il a vint lieues de circuit , fa figure eft
ovale ; quantité d’Ifles , dont il eft femé , y font des points de
vûë fort agréables , & fes bords font couverts de très - beaux
arbres ; mais on ne trouverait peut-être pas ce Pays fi char¬
mant , fi avant que d’y arriver , il ne falloit pas traverfer les
plus affreux deferts. C eft une réflexion , que devraient faire
les Voyageurs , & qui les empêcherait fouventde tomber dans
des exaggérations , qui les décréditent.
Le P. Dablon parle dans fon Journal d’une maladie fort fin-
guliere , & qu’on lui aiïûra être affez commune dans ces Con¬
trées Septentrionnales. UnePerfonne devient tout-à-coup Lu¬
natique &: Hypocondriaque , ce qui dégénéré bientôt en phré-
nefte. En cet état le Malade eft fai fi d’une faim de chair hu¬
maine fi violente , qu’il fe jette comme un Loup affamé fur tous
ceux , qu’il rencontre. A mefure , qu’il trouve de quoi affouvir
cette faim , elle croît, comme la foif d’un Hydropique ; aufii ne
manque-t-on jamais daffommer d’abord ceux, qui font atta¬
qués de cette maladie. 1
La Source ae la Riviere Nekouba étoit alors un lieu de
Traite , ou fe rendoient prefque toutes les Nations du Nord.
C’eft pourtant un fi mauvais Pays , qu’on difoit par maniéré
de proverbe , que les Maringouins mêmes n’y trouvoient
pas dequoi vivre. Les deux Millionnaires y rencontrèrent un
très-grand nombre de Sauvages, qui les attendoient , & par¬
mi lefquels il y avoit des Chrétiens & des Profelytes. Us
ies mftruifirent , & leur adminiftrerent les Sacremens ; ils
annoncèrent aux Infidèles le Royaume de Dieu , & en bap-
tiferent quelques-uns. Ils ne purent aller plus loin , parce
qu on eut avis que les Iroquois approchoient , & qu’ils ve¬
rraient de détruire tout récemment une Nation , qui portoit
le nom de / Ecureuil . 1 r
Un autre Miffionnaire , nommé le P. Bailloquet , qui
avqn defcendu le Fleuve S. Laurent , depuis Tadouffac juf-
T a 1 enltree Golphe , fut encore plus heureux. Il vifita
lept ou huit Bourgades , qui compofoient autant de Nations
îfierentes , toutes de la Langue Algonquine : il trouva par
tout des Sauvages , à qui il ne manquoit pour être de bons
Chrétiens , que d’être mftruits : il en baptifa plufieurs ? &
1 6 6 1.
Defcription
du Lac S.
Jean.
Maladie ex¬
traordinaire.
i 66 i.
P.eception3
faire au P» Ie
Moyne à On-
nontagué.
Caractère de
Cùrtihoiithié#
Politique ra-
finée de ce
Chef Sauvage,
histoire generale
ë“ SX“'«Cf,£ n", pl» , & l'on
«« fS..~ b,«» d« Loi
°E” MovPr£ îoSagn?. C* M
tok couru dans fa route bien des dangers de la part des
***» • de‘ °nT“S,dSSrn*rdl«“n™
lieues d'Onnospoé , & d 7 = |Sy "àuem'Me avec
put^f eut bien connu
. P . f 1 belles aûions à la guerre, 6c la clexterite a «»
mer les efnrits dans les Confeils , lui avoient acquis un grand
/ i- j fa Nation : & le plus ordinaire emploi , qu i l
donné de grandes preuves de cette affea.on , en retirant ^
mains des Agniers un grand nombre dentr eux , dans les
qui étoient afluellement captifs dans fon Canto
autres , lui avoient obligation de la vie. _
. Par une délicateffe de politique , quon eft furpns d
ver dans un Sauvage, il ne voulut pas menei le P, e Moy
ne dans fa Cabanne , qtfil ne l’eût auparavant condu h
tous les Chefs , dont il croyoït avoir befoin pour le
qu’il avoit formé : il vouloir que tous regardaient la ^
? la mielle il travailloit , comme leur ouvrage , pei tu S
"i ’eû paru en faire fon affaire , quelques-uns s y ferment
oppofés par jaloufie. Cette déference es lu. ^
point , qu’il en obtint beaucoup p u j
rer. Le n„ d’AoÛt au fon dune doche , qui eto.t
l’endroit , où avoit ete la Chapelle des Jeuutes , ^
«
«
«
«
«
«
«
«
«
DE LA «NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 333
tes cTOnnontagué , de Goyogouin & de Tfonnonthouan s’af-
femblerent dans fa Cabanne ; le P. le Moyne y fut invité ,
& après une courte priere , qu’il fit à haute voix en Langue
Iroquoife , il déclara qu’il étoit envoyé par Ononthio , dont
il alloit expofer les intentions : il mit enfuite fes préfens au
milieu de l’Affemblée , & parla ainfi :
„ C’efi: à toi , Onnontagué , que j’adreffe la parole : Le
Goyogouin ton fils (a) eft venu, me dire , qu’il étoit député
de ta part , pour réunir toute la Nation avec moi : l’avois-
tu envoyé ? On lui répondit que le Goyogouin avoit dit
vrai. Il fit un préfent , & continua •: il m’a ajoûté que fi je
délivrois tous les Iroquois détenus dans mes prifons , tu me
rendrois tous les François que tu retiens captifs : l’avois-tu «
autorifé à cela ? le Goyogouin , lui répliqua-t-on , a eu ordre de
parler ainfi ; il ne fera point défavoiié. Il fit un fécond préfent ,
& réprit fon difcours : Tu m’as encore fait déclarer , que tu
me priois d’enfoncer fi avant dans la terre les os des Iroquois
morts pendant la guerre , que perfonne ne fongeât plus à les
venger , & que tu fouhaitois qu’on fît de même de ceux des «
François ; efi-ce tout de bon que tu me faifois cette propo
fition » ? On Faillira que rien n’é.toit plus fincere ; il fit ui
troifiéme préfent, & ajoûta : “ Et toi , Tfonnonthouan , eft-il
vrai que tu m’as fait dire depuis peu que tu voulois être com¬
pris dans le Traité de Paix , & que tu defirois d’avoir des Fran¬
çois , qui vinffent s’établir dans ton Pays » ? Un Chef répondit
que fon Canton avoit véritablement donné cet ordre ; le Pere
lui donna un Collier , & finit endifant : « L’Agnier a toujours
un mauvais efprit , je fçai qu’il envoit fous main des préfens
pour engager les autres à continuer la guerre , je n’ai rien à lui
dire , finon qu’il trouvera à qui parler ». Le Millionnaire quit¬
tant enfuite le perfonnage d’Envoyé du Gouverneur Général ,
tourna le difcours fur la Religion , & fut écouté avec plaifir.
Quelques jours après on fe ralfembla , & l’Orareur Iroquois
déclara, io. qu’on alloit renvoyer à Ononthio neuf François ,
& que fi on retenoit les autres pendant l’hyver , ce n’étoit que
pour tenir compagnie à Ondelïon ( le P. le Moyne )• 20. Que
Garakonthié étoit nommé Chef de l’Ambaffade , & que ce fe-
roit lui , qui remettroit les neuf François à Ononthio. Le Mif-
fionnaire parut furpris de cette réfolution , & reprefenta qu’011
(a) Le Canton d’Onnontagué eft comme le Chef de tous les autres , c’eft pourquoi il
2-ppelle tous les autres lès Fils.
Tome I. Y y
1661.
un «
«
«
«
«
Difcours
du P. le
Moyne
dans un
Confei! de
trois Can¬
tons.
Réfolution de
ce Conleil,
Eîoge clu Sr
Hertel.
HISTOIRE generale
_ avoit promis de rendre la liberté à tous les François. On lur
6 6 1 . répondit que cela ne fe pouvoit pas , & il ne jugea point a pro¬
pos d’influer davantage , perfuadé que ce feroit inutilement.
D’ailleurs les Prifonniers étoient auffi bien traites, qu ils le pou-
voient fouhaiter. . A • .
Il n’en étoit pas de même de ceux , que les Agmers retenoient
dans leurs fers : ils y avoient beaucoup à fouffrir , & ils ne pou-
voient pas fe répondre d’un jour de vie. Il y avoit parmi eux un
jeune Homme de très-bonne Famille , nomme François Her¬
tel , lequel fanHifioit fa captivité par une grande innocence ,,
une réfignation parfaite aux ordres du Ciel, & des pratiques,
de pieté , qui le rendirent refpeHable a fes Ennemis memes. On
lui brûla un doigt , on lui coupa un poulce , & il fouffrit ces ru¬
des opérations avec une patience inaltérable. Je 1 ai vu en i7iu
âgé de quatre-vint ans , plein de forces & de Tante ; toute la Co¬
lonie rendant témoignage à fa vertu & à fon mente. La fuite de
cette Hiftoire fera voir que je ne devois point paffer tous bien-
ce l’honneur, qu’il fit à la Religion Chrétienne parmi fes plus
grands Ennemis. Je reviens à l’Ambaffade des Iroquois.
Garakonthié s’embarqua vers la mi-Septembre , & peu de
jours après il rencontra une Trouppe de Guerriers de fon Can¬
ton , conduite par un Chef de réputation , nomme OutrePu:
hati. Ce Capitaine avoit été dans les fers a Montreal, & il
venoit de s’en venger. Il étoit chargé de chevelures & de dé¬
pouillés , & il faifoit furtout parade de la foutane de M. le
Maître. A cette vûë Garakonthié parut embariaffe : fes Gens
étoient d’avis de rebrouffer chemin , ne pouvant le perluader,
après ce qui venoit de fe paffer , qu’on les reçut en qualité
d Ambaffadeurs ; mais toutes réflexions faites , il fut d avis de
continuer fon voyage; ilaffûra fes Gens qu’il n y avoir rien a
craindre pour eux , tandis qu’il reftoit des François dans leu
Canton , & que la feule conlideration du P. le Moyne leur 1er-
viroit de fauvegarde. . , _
Rcccp-îon , Au bout de quelques jours il trouva un Parti d Onneyouths,
i='on ‘“i fait- il leur demanda , où ils alloient , & ils lui repondirent qu i s
vouloient manger des François : il leur fit des prefens , &.iUes
engagea à s’en retourner. Enfin il arriva a llfle de Montreal. H
y fut reçu comme le méritoient les fervices , qu il avoit rendus
aux François Captifs dans fon Pays & les mouvemens , qu u
s’étoit donnés pour procurer la paix. Il eut avec le ouver
Général des entretiens particuliers , où il fit paraître une g’-anae
Garakonthié
arrive à
Montreal.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 354
fageffe & beaucoup d’efprit. Il agréa toutes les proportions , qui
lui furent faites , il promit d’être de retour avant la fin du prin-
tems avec le refie des Prifonniers François , & Ion crut telle¬
ment pouvoir compter fur fa parole , qu’on lui remit tous les
Iroquois , qu’il redemanda ; mais on ne fit pas allez de réfle¬
xions que dans un Gouvernement tel , que celui des Sauva¬
ges ; il ne faut pas toujours fe repofer fur les paroles d’un
feul Chef, quelque accrédité , & quelque honnête Homme
qu’il foit.
Il eft vrai que l’efperance d’une paix prochaine , & beau¬
coup plus durable , qu’aucune de celles , qu’on avoit négociées
jufques-là avec les Iroquois , netoit pas feulement fondée fur
le crédit & fur les bonnes intentions de Garakonthié. On croïoit
les Cantons Supérieurs dans une lituation à la regarder comme
néceffaire , parce que les Andaffes les avoient attaqués , & les
prefloient vivement. D’un autre côté la guerre étoit fort vive
entre les Agniers & les Mahingans , aufquels s’étoient jointes
toutes les Nations Abénaquifes ; mais on eut bientôt des nou¬
velles certaines , qui firent connoître que les Iroquois n’étoient,
ni aufli embarraffes , qu’on le difoit , ni aufli difpofés à la paix ,
qu’on s’en étoit flatté.
On apprit que les Cantons Supérieurs , après avoir repou fle
les Andaffes , avoient fait des excurfions jufqu’en Virginie , d’où
plufieurs pénétrèrent bien loin du côté de l’Oueft. Ceux-ci
rapportèrent à leur retour qu’ils avoient pouffé jufqu’à la Mer ,
& qu’ils avoient vû des Peuples de la même Religion , que les
François , d’où l’on a conjefturé qu’ils étoient allés jufqu’au
Nouveau Mexique , & au Golphe de la Californie, commu¬
nément appellé La Mer Vermeille. Il y a aufli bien de l’apparen¬
ce que les Agniers firent bientôt la paix avec les Mahingans ,
puifqu’ils continuèrent leurs courfes , conjointement avec les
Onneyouths , & qu’ils s’approchèrent de Montreal , où ils tuè¬
rent un Ecclefiaftique , nommé M. Vignol.
Enfin deux-cent Onnontagués parcoururent une bonne par¬
tie de la Colonie , & attaquèrent en plein jour plufieurs Ha-
bitans de l’Ifle de Montreal , qui travaillaient dans la campa¬
gne. Le Major de la Ville fortit avec vint-fix Hommes bien
armés pour leur faciliter la retraite ; mais ayant pris par les
Bois , pour cacher fa marche aux Ennemis , il fe trouva tout-
à-coup entre deux feux. Il fe battit tout le jour en brave Hom¬
me , & fut très-bien fécondé de fa Trouppe , jufqu’à ce qu’ac-
66 2.
A Yen tu res du
T. Mefnard.
356 histoire generale
cable par le nombre , il périt avec tous les- Tiens. On ne rece-
voit de toutes parts que des nouvelles affligeantes , &
apprit encore dans le même tems de bien trilles du P. Meb
nard, qu’on avoir accordé avec un peu trop de facilite an
mois d’Août de l’année 1 660. à une fécondé Bande d Outaouaisy
descendue des environs du Lac Supérieur. h . ,
Quelque empreffement , que ces Sauvages euflent témoigné
pour obtenir ce Miffionnaire , il s’apperçut bientôt qu il avoir
peu à efperer de leur difpofition à embraffer la Foy. Non-feu¬
lement ils l’obligerent de nager pendant tout le voyage , en
forte qu’il étoit contraint de prendre fur Ton fommeil pour ré¬
citer fon Office ; mais ils pouffèrent encore la brutalité juiqu-a
lui jetter fon Bréviaire dans l’eau. D’ailleurs les vivres leur
ayant manqué , nomme il arrive prefque toujours aux Sauva¬
ges le P. Mefnard fe trouva réduit à une telle extrémité , que
la nourriture la plus infipide & la plus dégoûtante étoit deve¬
nue pour lui- un mets délicieux.
Ses condufteurs s’étoient attendus à rencontrer , en en¬
trant dans le Lac Supérieur, des Sauvages , qui leur donne-
roient des rafraîchilfemens , & ils furent fruftres de cette et-
perance. Ouelque-tems après un Arbre en tombant bnla ie
Canot , où étoit le Miffionnaire , & on le laiffa feul en cet
endroit avec trois Hommes fans vivres. Par bonheur , ils
a pper curent quantité d’offemens fur le rivage ; ils les pilè¬
rent & en firent une efpece de bouillie , qui les fuiienta
pendant quelque - tems. Le Serviteur de Dieu affuroit dans
une Lettre , qu’on reçut après fa mort , que rien n avoit plus,
fervi à le foûtenir au milieu de tant de croix , que ces paro es ,
qui lui avoient été dites par M. l’Evêque de Petree , quit
avoit rencontré entre les Trois Rivières & Montreal : » 1 co¬
tes fortes de raifons , mon cher Pere , devroient vous retenir
ici ; mais Dieu plus fort que toutes nos raifons vous veut dans.
le Pays , où vous allez.
Au bout de fix jours , on vint le chercher pour le con¬
duire au lieu , qu’on avoit choifi pour y palier FHyver , «
qui étoit une Anfe de la partie Méndionnale du Lac Supé¬
rieur. Il y arriva le quinziéme d’Oélobre , & lui donna le
nom de Sainte Therefe , dont on célébré la Fête en ce jour.
Il y trouva quelques Chrétiens de diverfes Nations , qui oc
euperent allez , & il augmenta leur nombie de que ques
Ames prédeflinées , pour le falut defqu elles il lut parut que
»
»
»■
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lry. VIII. 357
la Providence Divine l’avoit conduit dans ces Deferts. Ce l $
font-là de ces refforts fecrets de la bonté de Dieu , qui ne
fe manifeftent qu’à ceux , dont elle veut bien fe fervir pour
operer les miracles de fa Grâce , & dont la connoiffance
répand fur leurs travaux une on&ion , qu’ils font feuls ca¬
pables de goûter.
Dans la Lettre que j’ai déjà citée , l’Homme Apoflolique
ajoûtoit , cjue la piété de quelques François , qui l’avoient
accompagne dans cette expédition > contribuoit encore beau¬
coup à adoucir le chagrin , qu’il reffentoit de voir l’endur-
ciffement de la plûpart de ceux , pour le falut defquels il
s’étoit expofé à tant de rifques. Ces Barbares continuoient
toujours à le traiter , comme ils avoient fait pendant la rou¬
te ; & il s’apperçut bientôt que ce qui les empêchoit de l’é¬
couter , quand il vouloit leur parler de la Religion , étoit la
crainte d’attirer fur eux les malheurs , dont les Hurons avoient
été accablés -, outre que la polygamie étoit fort en ufage par¬
mi eux.
Enfin 9 après plus de huit mois de féjour dans un lieu fi
trifte , & ou il n’avoit guéres vécu que de glands & d’écor¬
ces d’Arbres pilées , avec un peu d’huile pour tout affaifon-
nement , il fut appellé par des Hurons , qui s’étoient établis
dans l’Ifle Chagouamigon (a) ou de S. Michel , à l’extrémité
Occidentale du Lac. Parmi les François de fa Trouppe , il
s’en trouvoit , qui avoient fait ce voyage , & qui mirent tout
en œuvre pour le détourner de l’entreprendre : ils l’affûre-
rent , qu’il étoit de cent lieues au moins ; que les chemins
étoient affreux , & que dans lepuifement , où il étoit , il y
avoit de l’imprudence à s’y engager. Il leur répondit , qu’il
ne pouvoit pas finir plus glorieufement fa courfe , qu’en cher¬
chant à gagner des Âmes à Jesus-Christ ; & le treiziéme
de Juin de l’année- 1661. il fe mit en marche avec un très-
faint Homme , nommé Jean Guérin , qui depuis vint ans étoit
au fervice des Miffionnaires.
Il fe fépara avec regret des autres François & de fèsNéo- Sa mita
phytes , qui avoient fait jufqu’alors toute fa confolation ; il
s attendrit fur eux en leur difant adieu , les affûra qu’ils ne
le revenaient plus fur la terre , & les laiffa fort touchés de
le voir courir à une mort prefque certaine. Quelques Hu-
(a) On donne ordinairement ce nom à une Anfe célébré, qui eft vis-à-vis de rifle Si
Michel i mais c efl le nom propre de l’ifle même.
HISTOIRE g
L E
- — rons étoient venus n-»* * ** gu^es > ma3S comme
1662. [ls * prochoient de leur Village , ils le quittèrent en difant ,
ou’ils aboient chercher des vivres. Le Pere , qui fe fentoit
eouifé s’arrêta pour les attendre ; mais apres avoir attendu
uuinze iours feL qu’il parût perfonne , il s embarqua dans
vin Canot , qu’il trouva par hazard au bord dune Ri-
ViLe vintiéme d’Août , il fut obligé de marcher quelque-
tems pour éviter un rapide ; & tandis que fon Compa-
rtrruoé à porter le Canot , & à le charger , il
entra dans le Bois , & s’y égara. Guérin, apres lavoir at¬
tendu quelque-tems , fe mit à crier de toute la forc^ pour 1 aç-
r»ller - il tira enfuite quelques coups de fufil , & tout cela
?" lt;je il fit plufieurs tours dans le Bois , fans rien
découvrir. Ne fçachant plus que faire , & perfuade que les
H urons n’étoient pas loin.il prit le parti de fe rendre a leur
V liane où il arriva effeaivement en deux jours. Il fit en¬
tendre le mieux qu’il put à ces Sauvages 1 accident furvenu
au Millionnaire , & il en engagea un , en lui donnant de la
poudre & du plomb , à l’aller chercher ; mais cet homme re¬
vint au bout de deux heures , en difant qu il avoir vu En-
idéc, qu’on ne'c'étoit apparemment une défaite : quoiqu’il en fort , onna
avoit partout • j - fcavoir au jufte ce qu’étoit devenu le P.Mefnard.
de fa LTfac fut trouvé quelque-tems après entre les mains d un
Sa vane J ne voulut pas dire de qui il l’avoit eu ; &au
boul le plufieurs années fa foutanne & fon Bréviaire furent
reconnus dans une Cabanne de Sioux , qui leur rendoient
une efoece de culte , en leur préfentant dans leurs feftmsde
tous les mets qu’on fervoit. C’étoit un effet de la grande re¬
nu at on de fainteté , où ce Religieux étoit parmi tous les
lPetroles de ces quartiers-là. Elle n’étoit pas moindre parmi
" i MMmm 1» Nouv.k France ».vo,
point alors de Miffionnaire plus accompli. Le Ciel la voit
particulièrement doiié d’un talent rare , pour s infinuer dan
Pefprit des Sauvages ; ce qui avoit fur tout paru , dans e p
de tems qu’il avoit paffé chez les Goyogouins.
Mon fo„ Son Domeftique refta fort peu ^tems avecksHumns ,
Domeftiquc. gj retourna joindre les François , qu i u-ntifa
Sainte Therefe II Y paffa l’Hyver , pendant lequel il baptiia
nC de deux cent enfans monbondS, la plûpart Outoouais.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 359
L’Eté fuivant 9 il fit plufieurs courfes ; & un jour que la
pluye l’avoit obligé de fe mettre à couvert fous fon Canot ,
le tu fil d’un de fes Compagnons s’étant débandé , le tua ,
tandis qu’il étoit en prières j il n’eut que le tems de pronon¬
cer le Saint Nom de Jésus. Tel fut le fuccès du fécond
voyage que les Outaouais firent avec des Miffionnaires. Ils
n’en ont eu dans la fuite , que quand ils fe font fixés avec
d’autres Sauvages , mieux difpofés qu’eux à recevoir l’Evan¬
gile , & n’ont pas plus profité des fecours que le Ciel leur
procuroit. De forte que jufqu’à préfent , ils n’ont guéres eu
de part au Royaume de Dieu , que par les Enfans qu’on a pû
baptifer à la mort.
Cependant , malgré les dernieres hoffilités des Onnontagués ,
le P. le Moyne exerçoit allez librement dans ce Canton tou¬
tes les fondions de fon Miniffere. Ce n’eff pas qu’il ne s’aper¬
çût bien d’abord , que tous les efprits n’étoient pas égale¬
ment portés à la paix ; mais il crut devoir diffimuler , &
cette conduite lui réiiffit. Garakonthié étoit revenu chargé
de préfens , & charmé des bonnes maniérés des François. Il
fut affez furpris de trouver une partie de fa Nation dans des
difpofitions fi differentes de celles , où il les avoit laiffés ; &
ce qu’il apprit de la défaite du Major de Montreal , le tou¬
cha fenfiblement. Il reconnut même bientôt qu’on fe mettoit
en garde contre lui ; & s’il n’eût eu une fermeté à toute
épreuve , il couroit rifque d’être défavoué par ceux-là mê¬
mes , qui 1 avôient député vers le Gouverneur Général.
Il fe comporta, en cette rencontre avec une prudence Sc
une dextérité , qui auroit fait honneur à un Homme élevé
dans le manège de la plus raffinée politique ; & il vint en¬
fin à bout de confommer fon ouvrage. Le Traité fut ratifié
par les Trois Cantons , & tous le Prifonniers François fu¬
rent rendus au P. le Moyne , qui les conduifit à Montreal ,
à la referve d un feul 9 qui mourut martyre de la chafteté
conjugale. On 1 avoit voulu forcer à fe marier dans la Ca-
banne , ou il etoit efclave : il s’en étoit défendu fur ce qu’il
avoit une Femme , & fur ce que fa Religion ne lui permet-
toit pas d en avoir deux. Cette réponfe ne fit point changer
de refolution a fon Maître , qui après l’avoir fouvent mena¬
cé de le tuer , s’il ne confentoit à ce qu’il defiroit de lui en
vint à l’exécution , & lui caffa la tête.
Le retour des autres , convainquit bien le Baron d’Avau-
1 6 6 2.
Le P. le Moy¬
ne retourne à
Montreal avec
tous les Pri¬
fonniers Fran¬
çois. Condui¬
te de Gara¬
konthié.
HISTOIRE generale
- Ê ° f Î I _ ' » A *■ A - V 4 A -4^
befoins de la
N. France
Le Roy y en¬
voie du le-
.cours.
*<o H I b I U J IV -IL VT ^ X, « ~ - - -
",66 ~ gour que Garakonthié avoit négocié de bonne foi ; mais les
ï o o i. gour que vj ax m Ae ce mu le pafloit dans
m. Boucher avis qu il recevoir • j e <Jandes inquiétudes. Par les der-
va en Cour ipç Gantons , lui caufoient de § d , p ' ' 1
-5" niers Vaiffeaux , qui étoient partis de Quel** , ce General
Qr roilt ce au il y avoit de perfonnes en place dans le rays ,
ÏÔ«»*n. km » PC™r, po» ‘W1”' ;US t
prendre fous fa proteRion une Colonie , qui fe trou t
folirment abandonnée & réduite aux derniers abois. Ils avoient
chareé de leurs Mémoires le Sieur Boucher , qui comman-
doit lux Trois Rivières ; & ils efperoient beaucoup duzele
beaucoup de furprde , en apprenant qu i M
de fes Trouppes , pour y renforcer les Garn.fons des portes
Terre-Neuve. Son arrivée a Quebec y cauia i g
SX & P-
rx; sixXE «,r,« > »* i. n»». f- «.
o voit belom de plus dune forte. . n* .fll]
. , , Tnfaues-là les Gouverneurs Généraux avoient affez
rrâiK de j mJn à faire exécuter lés ordres , qu’ils avoient eux • ' ' ™e;
l'Eau-de-vie. “T”, de ne oint vendre d’Eau-de-vie aux Sauvages ,
Conduite irre- mes donnes cie p rprnz de s oeines tres-feve-
guliere du Ba- le Baron d Avaugour avo . . Ordonnances
rond* Avau- trp ceux qui contreviendroient a les Ordon
çrouràcefu- res contre ccUX.’ S t, • auune Femme de Québec fut
fon Le P. Lallemant , à la pnere de les Farens , ^ V .
Amis , crut pouvoir ,P& qui fans
faire réflexion qu’il n’y a point d’mconfequence dans les M
niftres d’un Dieu , qui a donné fa vie réprimé
ché & fauver le Pécheur , a agir a'x„ . P ^répondit
% à demander erace pour le Cnminel , lui y
jet.
vice
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 5 61
hrufquement , que puifque la Traite de l’Eau-de-vie n’étoit pas
une faute puniffable pour cette Femme , elle ne le feroit défor¬
mais pour perfonne.
Un peu plus de fang-froid lui auroit fait répondre au Su¬
périeur , ?qu’il faifoit ion devoir en implorant fa clémence
pour cette Femme ; & que pour lui,, le lien Fobligeoit de
faire juftice : mais il ne confulta que fa mauvaife humeur &
fa droiture mal entendue ; & ce qu’il y eut de pis , c’eft qu’il
fe ht un point d’honneur de ne point rétracter l’indifcrete
parole , qui lui étoit échapée. Le Peuple en fut bientôt in-
ftruit, & le défordre devint extrême. Ôn commença même
à inveâiver tout haut contre les Confeffeurs , qui avec une
fermeté vraiment facerdotale vouloient oppofer une digue à
ce torrent. On n’épargna point l’Evêque de Petrée , qui avoit
jugé le mal affez grand , pour employer à fa guérifon les cen-
fures de l’Eglife.
Comme ces clameurs ne leur firent rien relâcher de leur
féverité , les plaintes & les inveftives redoublèrent. Quel¬
ques Jeunes Gens fans religion, récemment arrivés de Fran¬
ce , & que l’attention des Pafteurs à veiller fur leur Trou¬
peau incommodoit beaucoup , fe joignirent aux Mécontens ;
on cria de toutes parts que les coniciences étoient gênées,
& Ion a ete lurpris , avec raifon , de voir cette calomnie re-
nouvellée depuis dans un Livre imprimé fous le nom d’un
Religieux. Enfin quelques Particuliers fe crurent autorifés à
faire fur cela des Mémoires , & à les envoyer au Confeil du
Roy ; mais leurs Requêtes furent d’autant plus mal reçûës ,
qu’outre qu’on pénétra fans peine les motifs , qui les faifoient
parler , les faits calomnieux , dont ils avoient voulu appuyer
leurs plaintes , furent démentis par des Perfonnes en place ,
dont le témoignage ne pouvait pas être fufpeft.
D’ailleurs l’Evêque de Petrée , & tout ce qu’il y avoit d’Ec-
clefiaftiques en Canada avoient une réputation trop bien éta¬
blie, pour être entamée par de pareilles accufations. Mais fi
les Calomniateurs ne trouvèrent point d’appui à la Cour , le
^ pas des progrès moins rapides ; & le défordre
alla n loin , que bientôt on n écouta plus , ni Evêque , ni Pré¬
dicateurs , ni Confeffeurs , & que , ni les menaces de lacole-
îe Divine , ni les foudres de l’Eglife , ne purent arrêter un tor¬
rent , qui avoit rompu fes digues. Le commerce de l’eau-de-
vie étant ouvertement toléré par celui-là-même , qui feul pou-
Jome /. jr z 1
1 66 z.
Calomnies
intentées à cc
fujet contre
l'Evêque & les
Millionnaires.
Scandales ar¬
rivés parmi les
Sauvages.
i 6 6 2,
L’Evêque de Alors le laillt évêque uw * — — / - f i • tp<i all
Petrée en por- fon autorité méprifée , prit le parti da 1er porter fes gi jl Obtint
f Sùioÿ «. ’oZ, , qu'il j»6« nteüiir» P™"' f»'™
CSL-, r ËIÊ” S tZT. CLt
6l HISTOIRE generale
voit le reprimer efficacement , les Sauvages , qui ne font pas
libres de s en abftenir , quand on leur en preiente , & en qui le
moindre effet de cette boiffon , eft de leur ôter le jugement , fe
portèrent à des fcandales , qui firent verfer bien les i larmes
ceux , à qui il en avoit tant coûte pour les engendrera J esus-
C EAvaffi les Anciens & les Chefs des Bourgades mirent tout
en ufage pour arrêter ce furieux débordement ; envain fup*
pîierenf-ilF le Gouverneur Général d’interpofer toute fon au¬
torité pour les féconder en faifant garder fes propres Ordon¬
nances ils ne gagnèrent rien fur un efpr.t prévenu quon lui
exaegeroit le mil. Ainfile défordre alla toujours eroiffant &
gaall les plus fervens Néophytes : de forte qu a la reperve de
ST4w . p»»' ë p-Ë™: i‘ "Si
K j p(! autres , qui pour le meme deffem s etoient retires
des^Trois Rivières , & réfugiés au Cap de la Magdelwne ^ tous
ces nouveaux Chrétiens, jufques-la fi exemplaires , & qui
foient l’admiration des Infidèles mêmes , devinrent lopprob
du Chriftianifme , qu’ils expoferent aux blafphemes c. a la r
des Ennemis de Dieu. _ r ,* ■ o*
Ai™. le liM tvêque de voy.,. <«*■ *
«U
le commerce îcanudicuA , ^ — — - — - « R
Trounneau * niais le Ciel les avoit déjà prévenus , & pai ui
plus libertines , on avoit déjà eu la confolauon dans la Nou
velle France de voir rentrer dans le devoir la plus grande p
tie de ceux . qui sen etoient écartés. .
Le que je vais rapporter , eft fi extraordinaire , que
ie n’aurois point balancé à le fupprimer , ou a paffer leger
ment deffus ffi le témoignage unanime & conftantdetoute ime
Colonie , au milieu de laquelle il eft arrive ,& !*s m
effets , qu’il a caufés , dont quelques-uns fubfiftent encore ,
lui avoient acquis une notoriété, qui e me \
effronté Pyrrhonifme. Ce n’eft pas que te prétende en gamnur
toutes les circonftances , dont on a rempli certaines Relation^,
il n’y a rien, où l’onfe permetteplus 1 exaggera ion , q
veîlL.v . mii eft bien conftaté. Je me bornerai donc aux Me.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 363
moires les plus sûrs , & où je n’ai rien remarqué , qui ne fût ' — . —
autorifé par une Tradition , dont j’ai connu pluixeurs témoins 1 OÙ z'
au-deffus de tout reproche.
Pendant l’automne de 1662. peu de jours après le départ de Phénomènes
M. de Petrée, on vit voler dans l’air quantité de feux, fous dif- farPrenans-
ferentes figures , toutes affez bizarres. Sur Quebec & fur Mont- 1 b b 3 •
real il parut une nuit un globe de feu , qui jettoit un grand
éclat , avec cette différence , qu’à Montreal il fembloit s’être
détaché de la Lune , qu’il fût accompagné d’un bruit femblable
à celui d’une volée de canons , & qu’aprés s’être promené dans
l’air l’efpace d’environ trois lieues , il alla fe perdre derrière la
Montagne , d’oùl’Iflea pris fon nom; au lieu qua Quebec il
ne fit que paffer , & n’eut rien de particulier.
Le feptiéme de Janvier de l’année fui vante une vapeur prefi
qu’imperceptible s’éleva du Fleuve , & frappée des premiers
raions du Soleil, devint tranfparente, de forte néanmoins quelle
avoit allez de corps pour foûtenir deux Parelies , qui paru¬
rent aux deux côtés de cet Afire. Ainfi l’on vit en même tems
comme trois Soleils , rangés fur une ligne paralleile àl’Horifon ,
éloignés les uns des autres en apparence de quelques toifes , &
chacun avec. fon Iris , dont les couleurs variant à chaque in-
fiant , tantôt étoient femblables à celles de l’Arc-en-Ciel , &
tantôt d un blanc lumineux , comme s’il y avoit eu derrière un
grand feu. Ce fpeftacle dura deux heures entières , il recom¬
mença le quatorze ; mais ce jour-là il fut moins fenfible.
Ce que je vais ajoûter n’a pas été aufii public , & chacun en Prédirions
croira ce qu’il jugera à propos ; mais je dois faire obferver qu’il d’un TreraWe-
ne s’agit point de prédirions faites après coup , que celles , m™dcTct-
qu’on va voir , ont été connues avant levenement ; que cet
événement , à en juger par l’effet, qu’il produifit , a tout l’air
dun avertiffement du Ciel , & que la conduite ordinaire de la
Providence en pareilles occafions , eff de faire avertir les Cou¬
pables que la Jufiice divine efi prête à lancer la foudre ; ainfi
le Seigneur en ufa-t-il a 1 egard des Ninivites , qui parèrent le
coup , dont ils étoient menacés , par une pénitence exem¬
plaire , & il y a peut-être ici quelque chofe encore de plus mar¬
que , comme nous le verrons bientôt.
Quoiqu’il en foi t, au commencement de Février de la mê¬
me annee , il fe répandit un bruit fourd qu’il y aurait bientôt
un Tremblement de Terre, dontonn’avoit point d’exemple dans
1 Hifioire , & ce bruit étoit fondé fur les difeours d’une Per-
Zz ij
i 6 6 3*
N
• 64 HISTOIRE GENE RA L E
fonne éminente en pieté , qui s’en étoit ouverte à un petit nom¬
bre de fes Amis , & qui fe donnoit de grands mouvemens pou.
engager tout le monde à le bien mettre avec Dieu, & a travai
lerbde tout fon pouvoir à calmer le courroux du Ciel julte-
ment irrité contre la Nouvelle France.
Le troisième du même mois une Algonqmne , icri^nte re¬
tienne , étant la nuit dans fa Cabanne , eveillee & affîfe fur ori
Ht, cnit entendre une voix, qui difotque dans deux jours.!
arriveroit des chofes inouïes , & le lendemain , comme e e
étoit dans la Forêt avec fa Sœur , faifant fa provifion de bois »
elle entendit encore très-diftinaement a meme voix , qui u
dit que le jour fuivant entre cinq & fix heures du foir la Terre
trembleroit d’une maniéré terrible. Sa Sœur n entendit point la
voix « & ne s’aperçut de rien-
Une jeune Fille de la même Nation , qui rnenoit une vie toute
Anpeliaue & à qui fa pieté & fa confiance en la vertu de la
Croix du Sauveur , avoàent mérité la guérifon future d une ma¬
ladie , jugée incurable par les Médecins , crut voir en fonge la
nuit du quatre au cinq la Mere de Dieu , qui lui marque*
l’heure Sc toutes les circonftances de ce Tremblement. Le fo r
du cinq , très-peu de tems avant qu’il commençât , elle paru
comme hors f elle-même , & fe mit à crier de toute fa force par
deux fois , Ce fera bientôt , ce qui jetta tous ceux , qui 1 entendi¬
rent , dans un grand laifille ment. _ . ...
Enfin le même jour la Mere Marie de l'Incarnation , cette
illuftre Fondatrice des Urfulines de la Nouvelle Fra«Çe , dont
les Ouvrages-, fi généralement efttmes , font voir qu elle n eto t
rien moins qu’un efprit foible , après avoir reçu c u _ 16 P
fieurs avis de ce qui devoir arriver , & dont elle avoir fait P
au P. Lallemant , fon Direfteur , étant fur les cinq heures & de¬
mie du foir en Oraifon ( a ) , crut voir le Seigneur irrite contre
le Canada , & fe fentit en même tems portée par une toi ce lu
périeure à lui demander juftice des crimes , qui s y commet-
toient. Tout ce quelle put faire pour adoucir la rigueui decet
ordre , en s’y foûmettant , ce fut d’ajoûter de ferventes ^r
pour obtenir du Ciel que les âmes ne periûent pom av
C°LTu moment après elle fe fentit comme affûtée que la ven¬
geance divine alloit commencer à éclatter , & que le mep *
(,) Elle raconte tout ceci dans fes Lettres en tierce Peifonnc; maison a tout lieu décrotté:
«çie. c’iîoit d’dle-mênie qu’elle garloii-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. jô?
que l’on faifoit des Ordonnances de l’Eglife , étoit fur tout ce qui
ailumoit la colere divine. Elle aperçut prefqu’auffitôt quatre Dé¬
mons aux quatre extrémités de la Ville de Quebec , qui agi-
toient 1a. Terre avec une extrême violence , & une Perfonne
d’un port majeftueux , qui de tems en tems lâchoit la bride à
leur Fureur , puis la retirait. Dans le même infiant , le Ciel étant
fort ferein , on entendit dans toute la Ville un bruit femblable
à celui , que fait un très-grand feu ; ce qui obligea tout le mon¬
de à fortir des maifons.
Alors on fut extrêmement fur pris de voir que tous les Edifices
étoient fecoués avec tant de violence , que les toits touchoient
prefqu’à terre , tantôt d’un côté , & tantôt de l’autre ; que les
portes s’ouvroient d’elles-mêmes & fe refermoient avec un très-
grand fracas ; que toutes les Cloches fonnoient , quoiqu’on
n’y touchât point ; que les pieux des paliffades ne faifoient
•que familier ; que les murs fe fendoient ; que les planchers
le détachoient , & s’écrouloient ; que les Animaux pouffoient
des cris & des hurlemens effroyables ; que la furface de la
Terre avoit un mouvement prefque femblable à tcelui d’une
Mer agitée ; que les Arbres s’entrelaffoient les uns dans les
autres , & que plufieurs fe déracinoient & alloient tomber
affez loin.
On entendit enfuite des bruits de toutes les fortes ; tantôt
c* étoit celui d’une Mer en fureur , qui franchit fes bornes
tantôt celui, que pourroient faire un grand nombre de Carof-
fes , qui rouleraient fur le pavé ; & tantôt le même éclat ,
que feraient des Montagnes de rochers & de marbre , qui
viendraient à s’ouvrir & à fe brifer. Une pouffiere épaiffe ,
qui s’éleva en même-tems , fut prife pour une fumée , & fit
craindre un embrafement univerfel : Enfin , quelques-uns
s’imaginèrent avoir entendu des cris de Sauvages , & fe perfua-
doient que les Iroquois venoient fondre de toutes parts fur-
la Colonie.
L effroi étoit fi grand & fi général-, que non-feulement les
Hommes , mais les Animaux mêmes paroiffoient comme frap¬
pes de la foudre ; on n’entendoit par tout que cris & que
lamentations ; on courait de tous côtés fans fçavoir , où l’on
vouloit aller ; & quelque part qu’on allât , on rencontrait
ce R116 ^on fiiyoit. Les Campagnes n’offraient que des pré¬
cipices &: l’on s’attendoit à tous momens à en voir ouvrir
de nouveaux fous fes pieds.. Des Montagnes entières fe. dé-
i 6 6 3.
Il commefr-
cc ; Tes effets»
4
i 6 6 }•
,66 HISTOIRE GENERALE
racinerent, & allèrent fe placer ailleurs ; quelques-unes fe trou¬
vèrent au milieu des Rivières , dont elles arrêtèrent le cours :
d’autres s’abîmèrent fi profondément , qu’on ne voyoït pas me¬
me la cime des Arbres , dont elles étoient couvertes.
Il y eut des Arbres , qui s’élancèrent en 1 air avec autant
de roideur , que fi une mine eût joué fous leurs racines ;
& on en trouva , qui s’étoient réplantes par la tete. On ne
fe croyoit pas plus en fureté fur l’eau , que fur la terre ; les
glaces , qui Couvraient le Fleuve Saint Laurent & les Riviè¬
res , fe fracafferent en s’entrechoquant ; de gros glaçons lu¬
rent lancés en l’air , & de l’endroit , qu ils avoient quitte ,
on vit jaillir quantité de fable & de limon. Plufieurs Fontai¬
nes & de petites Rivières furent déflechees ; en d autres ,
les eaux fe trouvèrent enfouffrées ; il y en eut , dont on ne put
même diftinguer le lit, où elles avoient coule.
Ici les eaux devenoient rouges , là elles paroiffoient jau¬
nes ; celles du Fleuve furent toutes blanches depuis Quebec
jufqu a Tadouffac , c’eft-à-dire , l’efpace de trente lieues. Lair
eut auffi fes Phénomènes. On y entendoit un bourdonne¬
ment continuel ; on y voyoit , ou l’on s’y figuroit desSpe-
Qres & des Fantômes de feu portant en main des flambeaux.
Il y paroiffoit des flammes , qui prenoient toutes fortes de
figures , les unes de Piques , les autres de Lances , & des
Brandons allumés tomboient fur les toits fans y mettre le feu.
De tems - en - tems des voix plaintives augmentoient la ter¬
reur. Des Marfoüins , ou des Vaches marines furent enten¬
dues mugir devant les Trois Rivières , où jamais aucun de,
ces Poiflons n’avoient paru ; & ces mugiflemens n avoient
rien de femblable â ceux d’aucun Animal connu.
En un mot , dans toute l’étendue de trois cent lieues de
l’Orient à l’Occident , & de plus de cent cinquante du Mi¬
di au Septentrion , la Terre , les Fleuves & les rivages de la
Mer furent affez lontems , mais par intervalles , dans cette
agitation , que le Prophète Roy nous repréfente , lortquil
nous raconte les merveilles , qui accompagnèrent la lortie d -
evpte du Peuple de Dieu. Les effets de ce Tremblement tu¬
rent variés à l’infini ; & jamais peut-être on n’eut plus delujet
de croire que la Nature fe détruifoit , & que le Monde ahoit
finir
La première fec oufTe dura une demie-heure , fans prefque
ffifcontinuer \ mais au bout d un quart - d heure e e co .
*
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIIL 367
mença à fe ralentir. Le même jour fur les huit heures du foir il y
en eut une fécondé auffi violente que la première ; & dans
l’efpace d’une demie - heure , il y en eut deux autres. Quel¬
ques-uns en comptèrent la nuit fuivante jufqua trente-deux
1663
r ^ w , queues ne tetoient. Uans les
intervalles memes de ces fecouffes , on étoit fur terre comme
dans un V aiffeau , qui eft à l’ancre ; ce qui pouvoit encore
être l’effet d’une imagination effrayée. Ce qui eft certain
ceft que bien des perfonnes reffentirent ces foulevemens de
cœur & d efïomach , & ces tournoyemens de tête , qu’on
éprouvé fur Mer , quand on n’eft pas accoûtumé à cet Elé¬
ment.
Le lendemain fixiéme , vers les trois heures du matin , il
Y eut uJie rude Fecouffe , qui dura lontems. A Tadouffac il
plut de la cendre pendant fix heures. Dans un autre endroit
des Sauvages , qui étoient fortis de leurs Cabannes au com¬
mencement de ces agitations , ayant voulu ,y rentrer , trou-
verent à fa place une grande marre d’eau. A moitié chemin
de 1 adouliac a Quebec , deux Montagnes s’applatirent , 8c
des terres , qui s’en étoient éboulées , il fe forma une poin¬
te , qui avançoit un demi quart de lieue dans le Fleuve.
•Deux François 5 qui venoient de Gafpé dans une Chaloup-
pe , ne sapperçurent de rien jufqu’à ce qu’ils Ment vis-à-
V!S du Saguenay pmais alors , quoiqu’il ne fît point de vent ,
leur Chaiouppe commença d’être auffi agitée , que fi elle eût
ete fur la Mer la plus orageufe.
Ne pouvant comprendre d’où pouvoit venir une chofe fî
ûngiinere , ils jetterent les yeux du côté de la terre , & ils
aperçurent une Montagne , qui félon l’expreffion du Pro¬
phète , «bondifloit comme un Belier, puis tournoya quelque-
dun mouvement de tourbillon 3 s’abbaiffa en-
•> 1 parut entièrement. Un Navire , qui fuivoit cet-
*e Chaiouppe , ne fut pas moins tourmenté ; les Matelots les
plus allures ne pouvaient y relier debout fans fe tenir à
quelque chofe , comme il arrive dans les plus grands rou-
caffa & ^ Capitame ayant fal£ )etter un ancre > le cable
Allez près de Quebec , un Feu d’une bonne lieue d’éten¬
due parut en plein jour venant du Nord , traverfa le Fieu-
i 6 6 3*
histoire generale
368 « il rlifnaroître fur Fille d’Orléans. Vis-à-vis du Cap
ve , & alla difparoit - des avalaifons d’eaux fauva-
Tourmente , il y eut de g Montagnes , que tout ce
vages , qui couloient du haut des Mon g , ^
p” dt
"Z Aiÿetur’r.6t
guéres plus épargné^ le &yde Rivieres ,• hors le tems
cette vafte etendue de Terres « ü un mouvement de
arssæîi ^“Ss f ne
- efpece de balancement t plu? ou moins fie-
les étoient fort brulques ^ pCrX quelque ef-
fet fenfible. Où 1 % Rembarras ; ailleurs , ce-
viere couler tranquillemei étoient venus fe placer au
toit tout le contraire ; des Rochers^o.fibie
milieu dune Riviere , do Homme marchant dans
vant rétardé par aucun obftacle. Un Homme ma
la Campagne appercevoit tout a coq) J { hXolJt
le fuivrg! L’agitation étoit
Montagnes , mais on y entendoit ians celle g
tamare.
fut , que ta
pédt, & tous & ; dura plus de fix mois , perfonne nepe - U
%~C' loit^ans doute convertir les Péch,eursr’0SeZns Tous fi¬
che. Auffi vit-011 çar tout de grandes Co & piufleursles
rent des revûës generales de leur con ’ dans le coeur,
firent les larmes aux yeux & la componaiondans J ^
Des Pécheurs fcandaleux declaroiei ît pu q cilierent ;
initiations ^de leur vie paffée ; les ^Z^ uaqu^-tems
les mauvais commerces cefferent ; & pendant que q b
il ne fut plus qneftion de cet od.eux trafic \ j*
première fource de tout le mal. Le J ’ . ■ n ne fut ou-
pélérinages , la fréquentation des Sa'r^ef e„fin fléchir,
blié pour défarmer la çolere du Ciel , qui jvlais :
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 369
Mais , quoique la Terre eût recouvré fa première tien- 166-!.
qualité , on ne le croyoit pas encore au bout de tous fes Suites
maux. Pluueurs craignoient que les feux fouterains , qui Tremble-
avoient C3ufé de fi grandes fecouffes , n’euffent brûlé la ter- m£lîC’
re , & ne leuffent mis pour lontems hors d état dé rien pro¬
duire , outre qu après les femences faites , il y avoit eu des
pluyes fi abondantes , qu’on avoit fujet d’appréhender que les
grains ne fuflent pourris ; mais on fut agréablement trompé
& la récolté fut abondante. 1 5
On s’étoit encore attendu que tant de terres remuées
de fi grandes révolutions dans les eaux , & tant d’exhala*-
fons dans l’air cauferoient des maladies dangereufes ; cepen¬
dant il n’y entamais moins de malades. Peu à peu le Pays
reprit fa première forme dans les endroits , où pour ^réta¬
blir il n eût pas fallu un fécond Tremblement femblame au
premier ; car les Montagnes refterent , où elles avoient été
transportées ; quelques Rivières ne retournèrent point dans
leur ancien lit ; & parmi les Mes, qui s’étoient nouvellement
foi me es , quelques-unes fubftfterent , & s’accrurent même
avec le tems par le moyen du limon , qui s’y attacha , & des
Arbres , qui s y arrêtèrent ; mais les autres fe difiperent bien¬
tôt par la force du courant.
J’ai remarqué dans mon Journal , que l’Me aux Couvres ,
qui eft a moitié chemin de Tadouffae à Québec , devint alors
beaucoup plus grande , quelle n’étoit auparavant ; mais il
11 , P^1 nt> Qa* ? comme quelques-uns l’ont avancé , qu’elle
ait ete formée en entier par une Montagne , qui fauta dans
le r leuve , & à la place de laquelle parut pour la première
fois le Goufre , qui rend ce paffage fi dangereux : car il eft
certain que ce fut Jacques Cartier , qui donna à cette Pie
le nom , quelle porte. Pour ce qui eft du Goufre , comme
i nen eft parle s ni dans les Mémoires de ce Voyageur , ni
dans ceux de M. de Champlain , & que l’un & l’autre ne
font mention que d’un Grand Courant dans ce Canal , il peut
Men avoir ete , du moins en partie , un effet du Tremblement
, D11 conçoit ailément , que tandis que tous les Elémeiis Nouvelles
etoient dans 1 agitation , que nous venons de voir , les Iro- 5roP0,‘tions
quo/s ne fongerent pas beaucoup à la guerre : il en parut néan- ^
moins quelques-uns du côté de Montreal ; mais ils n’y firent
rien confifierable : ils furent mêmes battus en quelques pe-
A a a
i 6 6 3 •
Arrivée d’un
nouveau Gou¬
verneur &
d’un Cornmif-
faire à Que-
bec.
De quelle
maniéré la Ju-
ftice avoit été
adminiftrée
jufques-là en
Canada.
HISTOIRE generale
3tkes rencontres. D’ailleurs , les Agniers & les Onneyouths
reçurent un affez grand échec de la part des Saulteurs , &
es rois autres Cantons étoient de nouveau embarraffes afe
défendre contre les Andaftes. Enfin , la petite verole fe mit
dans prefque toutes leurs Bourgades , & y fit de i grands ira-
vacres Auffi fe trouverent-ils plus que jamais dilpoLs a biei
vivre avec nous ; les Onnontagués demandèrent meme que
les François vinffent reprendre leur ancien Etabliffement dans
leur Canton , & ils s'offrirent, d’envoyer. àQueb. ÎC au«“
voudroit de leurs Filles, pour y etre elevees chez les Urfulmes,
«*•*** c.t»
Fifé Iroquois répantlb daFs totite’s les Bondes des bruits , qui
firent" rompre la négociation. Il arnvoit des Trois Rivieies , ou
5 avoit appris , difoit-il , que des milliers d’Hommes venoien .
de débarquer à Quebec , & que les François etoïc i ^
point de venir fondre avec toutes leurs forces fur le Pays 1
quois , refolus de n’y pas laiffer une Cabanne fur pied , & d
terminer toute la Nation. . _ ,, VFv&nie de
Ce qu’il y avoit de vrai en ceci , c eft que M. q
Petrée^ &k de MÉsy , que le Roy envoyoït pour relever e
Raron d’Avaueour , étoient nouvellement airives Q,
avec des Trouppes: Ces Meffieurs étoient encore accompa¬
gnés du Sieur Gaudais , que le Roy avoit nomme omi
faire Dour prendre poffeffion au nom de Sa Majefte de tou
fa NoCelle France^ dont la Compagnie du Canada lui avoit
remis le Domaine le quatorzième de Février de cette
année ; de cent Familles , qui venoient peupler le Pays , oi
plufieurs Officiers de Guerre & de Juftice.
P Le Commiffaire commença par recevoir le fermer a *
lité de tous les Habitans , puis il régla la Police ’ J\ , J f.
fieurs Ordonnances , concernant la maniéré de rendie
tire Jufciues-là il n’y avoit point eu proprement ae Cou
Juftice en Canada : les Gouverneurs Généraux j
affaires d’une maniéré affez fouverame : on ne s avifoit p
ffappeller de leurs Sentences ; mais ils ne ondoient ordfu-
inutilement tente les voyes
d apoelier de leurs oeniexiccs , “iau ^ ; . ve<.
rement des Arrêts , qu’après avoir inutilement tente les J f_
de l’Arbitrage , & l’on convient que leurs décidons eto P
que toujours diCtées par le bon fens , & félon les réglés dUa
to. naturelle , qui À au-deffus de toutes les autres. Le B*ron
DE LANOUVELLE FRANCE. Liv. VITI. 371
d Avaugour en particulier s etoitfait une grande réputation par
la maniéré, dont il vuidoit tous les différends. D’ailleurs les
Creoles du Canada , quoique de race Normande, pour la plu
part 5 n a voient nullement lefpritproceffif, &aimoient mieux
pour 1 ordinaire ceder quelque chofe de leur bon droit , que de
perare le tems à plaider. Il fembloit même que tous les biens
riment communs dans cette Colonie ; du moins on fut affez
lontemsfans rien fermer fous la clef, & il étoit inoiri qu’on
en abusât. Il eft bien étrange & bien humiliant pour l’Homme
que les précautions , quun Prince fage prit pour éloigner les
chicanes, & faire regner la juftice , ayênt prefque été l’époque
de la naiffance de l’une , & de l’affoibliffement de l’autre.
' 1 1 jVr^i3rUe *annèe I^40. il y avoit un Grand Sé¬
néchal de la Nouvelle France, & qu’aux Trois Rivières il y
avoit une Junfdiaion , qui reffortiffoit au Tribunal de ce Ma-
giltrat d £pee ; mais il paroît que celui -ci étoit fubordonné
dans les fondions aux Gouverneurs Généraux , qui s’étoient
toujours maintenus dans la polTefîion de rendre la juftice par
eux-mêmes , quand on avoit recours à eux ,, & que cela arri-
vcnt louvent. Dans les affaires importantes ils affembloient une
elpece de Comeil , compofé du Grand Sénéchal , du Supérieur
des Jeiuites, qui, avant l’arrivée d’un Evêque, étoit lefeul Supé¬
rieur Ecclefiaftique du Pays , & de quelques-uns des plus
notables Habitans , aufquels on donnoit la qualité de Con-
ieiüers.
Ainfi lorfqu en 1651. le Sieur Godefroy futenvoyé avec le
DreulUettes dans la Nouvelle Angleterre, pour y traiter
a une paix perpétuelle entre les deux Colonies, il fut qualifié
dans fes Lettres -de Créance de Confeiller au Confeil de la
Nouvelle France; mais ce Confeil n’étoit point permanent;
le Gouverneur Général letabliffoit en vertu du pouvoir
c|iie le Roy lui en donnoit , & le changeoit , fuivant qu’il le
jugeoit a propos. Cene fut donc qu’en cette année 166;. &
apres que le Roy eut nus en fa main le Canada , que cette* Co¬
lonie eut un Confeil fixe établi par le Prince : l’Edit de Créa-
tion eft du mois de Mars de cette année : il portoit que le Con¬
fiai ferait compofe de M. de Mefy , Gouverneur Général ; de
M. de Laval, Evêque de Petrée , Vicaire Apoftolique dans
laNouveUe France ; de M. Robert , Intendant; de quatre
Vonleillers , qui feraient nômmés par ces trois Meilleurs &
qui pourraient être changés , ou continués félon leur bonpîai-
A a a ij
1663.
histoire generale
_ V\ d.un Procureur Général , & d’un Greffier en Chef.
TddT M RobertTconfeiller d’Etat , avoir été nomme cette meme
M. n.oDcrt , p i* p Finance & Marine pour
UNouvffiîe nance"^ (es dfcX-
da’ei& M1 Talon'! qui y arriva en 1665. elt le premier,
quiy mt eierc é cet E^plo^ M. ^CHESNEA^qut Imffic-
n,îendam ' deVoîtCe “ns le' Coffieil la fonffion de Premier
neur Général , & la leconde a i ^V;C4U®' « i Mem-
feillers fut en même tems augmente de deux , & tou les Mem
. 1 Pnnfeil eurent des Provisions de la Cour.
- br<TS ^fonctions de Premier Préfident attribuées à l’Intendant ,
Terme pie- Les tondions cl Général; il fit Tes reprefen-
fente du Con- chagrinèrent fort le Gouvei , ordonné oar un-
fol Supérieur, -°ns & ne fut point écouté ; mais A fut ordon p
** i £^L“'ï‘itpSs*.'c&' :ï gL
que celle de leur g ’ Clerc & tr0;s Laïques : ainfile nom-
a un “ q!iXUormmé vt m° « ' ConfX^ ’&dmX' aP|om-
lieres II a huit cent livres par an : es “ ^.P1"8 “^d’Epï-
smstfŒrwçi» a?- I
le l’affembler extraordinairement, ceft au meme Inten a
t marquer le jour & l’heure ; il dort en
SlonX' Ordonnance^ du Royaume , & la Coutume de
&»> r S;i &yc-e“"t
Sur quel
principe on y
par
_ „ fur le Jugement des Caufe
lu
^ reC£fc
^furent expliquées par un autre Edn du mois d Ma»
il émit encore déclaré que les Procès, ou ie
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. 373
ciers du Confeil feroient intereffes , fe renvoyeroient fur la re-
qmfition de l'une des Parties , par-devant l’Intendant , qui les
terminerait avec des Juges , qu’il appellerait à cet effet. Il fut
aufli permis à ceux , qui voudroient revenir par Requêtes Ci¬
viles, dedes préfenter fur fimple Requête , & il fut donné pou¬
voir au Conleil de prononcer en jugeant fur le Refcindant& le
Refcifoire en même tems. Enfin par ce même Edit le Confeil fut
autorifé à juger les Caufes criminelles au nombre de cinq Ju^es
Il y a encore dans cette Colonie trois Juftices Subalternes-
celle de Quebec , celle des Trois Rivières , & celle de Mont¬
real. Elles font compofées d’un Lieutenant Général , d’un Lieu¬
tenant Particulier , & d’un Procureur du Roy. Leurs appointe¬
ra»5 ont été réglés par une Déclaration de Sa Majefté du dou¬
zième de May 1678. Les Notaires, Huiffiers & Serons ont
aufli des gages , fans quoi ils n auraient pas de quoi vivre le
ca%l fe reduifant prefqu’à rien dans une Colonie fi pauvre &
n peu peuplée. * r
Jufquen lannee 1692. la Juftice particulière de Montreal
appartenoit à Meffieurs du Séminaire de Saint Sulpice , en
qualité de Seigneurs. Ils en donnèrent alors leur Démiffion
au Roy à condition que l’exercice leur en refferoit dans l’en-
clos de leur Séminaire , Sc dans leur Ferme de Saint Gabriel
avec la propriété perpétuelle & incommutable du Greffe de
la, Juiïice Royale , qui feroit établie dans l’Iffe , & la No¬
mination du premier Juge ; ce qui fut accordé par l’Edit de
création de la nouvelle Juffice , datté du mois de Mars de
annee fui van te 1693. mais quant au dernier article pour
cette fois feulement. Telles ont été les attentions du feu Roy
pour procurer à fes Sujets de la Nouvelle France une Juffi¬
ce prompte & facile ; & c ’eff fur le modèle du Confeil Su¬
périeur de Quebec , qu’on a depuis établi ceux de la Marti-
Seils fo„tad“ESemingUe ’ & de k L0Üifiane- ToUS Ces
Le Sieur Gaudais ne devoit pas reffer dans la Colonie : il
avoit un ordre exprès de retourner en France par les mêmes
Vailleaux , qui la voient porté à Quebec , pour rendre au Roy
un compte exa£f du Pays, l’informer de la conduite de l’E-
; de l’effet, qu’auroit produit l’éta-
b iffement du Confeil ; de ce qu’il y avoir de réel dans les
plaintes , qu on avoir faites contre le Baron d’Avau^our
oc de la maniéré , dont M. de Mefy auroit été reçû, Ce^Com-
663.
Des JufHcss
Subalternes.
Mort du Ba¬
ron d’Ayau- •
gour»
/
i 66 3*
■Nouvelles
CQLirfcs des
Iroquois dans
le Noid.
i 6 6 4*
Contretems
fâcheux. Con¬
duite de Gara-
^onthié.
Nouvelles
proportions
de paix : Ré-
n curie de M
4e Mcfy.
histoire generale
37r- • ’ rml;na en honnête Homme de fa Charge ; & tout
miliaire 8 ^ccIultt^,ea. w Parties Le terrible fléau , aQnt
f;
?r: tÏÏ3X“«£’8£Sl. Fon M S*.
S.î«n. «?",„■ toujours .,«,;»>» k.
raroilLm point dans la Colonie. Us vo«loie‘« 'PP""™"
voir quel effet produitotent jaat tappO| a , réélis.
ceffoit pourtant pomt de travailler a . , d>efperer
qu’U avoit tenue dans tous es ’ d"rce contre les
de nouveau
Ca?UCtlM C actifs François , qui fe trouvoient dans les
raliemble les Captifs rra V ’ l . erCOrtés par trente
Cantons , & les avoir envoyés a Québec , eicort p
Onnontagués, ■ aVec toute la féeurité , que
Comme ceux-ci voyageoient avec toute ^ fur^t
fembloit leur permettre une pareille Coran ^ des
furpris par un Pipti d Algonquins , qui P Py j fi.
Ennemis , & ne' balancèrent pomt ^es attaquer. JJs& ^
rent li brufquement , que plufieuis r q François
bord , & le refte obligé de F^^Hlns ce déforme,
mêmes eurent bien de la peine a s echaper cia
Néanmoins aucun d’eux ne to bleffe II y avon tout fo_
craindre que ce mal-entendu n eut des F P raifon
nettes ; mais Garakonthie les prévint , & ht entend
aUOi?fut agréablement furpris au bout de aéîàp’arlé
voir arriver à Quebec le Chef Goyogouin
plufieurs fois , lequel , fans faire aucune «nem^ m <h
contre des Algonquins , piefenta • 7 uu; d’ On¬
de la part de tous les Cantons , a la referve
Rr de la fincere difpofmon , ou iis etoie
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. Vill ,7Î
de VMre Z Pff aV-£C lui' Ce Général lui “« accueil fa- -77—
vorable , & il le mentoit ; mais il lui dit, que fes Prédécef- 1
feurs ayant été fi fouvent trompés par de pareilles propofi-
«ons , il y auroit à lui de l’imprudence de compter fur fa
Nation ; & il lui laiffa entrevoir que le defTein étoit pris de
fe défaire une bonne fois d’un Ennemi , fi fouvent reconcilié
en apparence , & toujours irréconciliable en effet.
croyôit pouvoir le prendre fur ce ton-là , par- Les a„m ■
ce qu il fe fento.t fort , & qu’il fe tenoit affuré de recevoir *
bientôt un i puilîant lecours : mais cette même année il le bt IaN.ouvelle
“ans le voifinage des Iroquois un changement , qui changea Be‘sllluc'
entièrement la fituation , où fe trouvoient alors les IroquoTs
& auquel on doit attribuer une bonne partie de tout ce nue
nous avons eu depuis ce tems-là à fouft’rir de l’infolence de
cette Nation. Pour bien entendre ceci , il faut reprendre la
choie de plus haut , & expliquer un peu plus au long ce que
je nai encore fait qu’indiquer en paffant. ^
J ai dit , que Henry Hudfon avoit découvert en iboo. la
Riviere de Manhatte : je ne fçai fur quel fondement il fe
crut autonfea difpofer en Maître de fa Découverte ; ce qui
elf certain , c eff que des la même année il la vendit aux Etats-
Oeneraux , qui en 1614. commencèrent à défricher le Pavs
? y envoyerent des Habitans en affez grand nombre. Plu-
fieurs années apres le Chevalier Samuel Argall , celui-là mê¬
me , qui avoit chaffé les François de Pentagoet & de l’Aca-
aie , ayant ete pourvû du Gouvernement général de la Vir¬
ginie , voulut revendiquer le Pays découvert par Hudfon
prcteudam que ce Navigateur n’avoit pû le vendre , ni II
Etats - Generaux 1 acheter , fans la permiffion du Roy de la
Grande-Bretagne , dont le premier étoit Sujet.
te Snlf'j deS TrouPR®s & des Habitans à Manhat-
SeleÎLA ■ Sais T f emparaffent d’lme Part'e de la Nouvelle
meT l cr de la PpitaIe ’ VU* aboient ”om-
a peartfe0M' auffi ^ établis dans
paroît oue .nV ”'1 P’U? pr°dle de la Vlrginie‘ Or il
curent In ^ ai?,nee 16641 Ces trois Nations ve-
curent en affez bonne intelligence. Mais cette même année
le Roy d Angleterre Charles II. ayant été informé que les
i 6 6 4*
Nouveaux
troubles en
Canada.
, HISTOIRE generale
HoUandoi^commençoient à
quatre Commiffaires avec de bon es T^gP^’e? Amfterdam ,
fans réfiftance maîtres de a ^ g ^ quqis appelèrent
qu’ils nommèrent ATw J* & Château de La.va.re.
Albany ; de la Vide a A ’ entre les Anglois &
Il y eut enfuite un accommodement entrées _
les HoUandois ; plufieurs de ceux .j Souverain , &
tre le Roy de la Grande uietag F. DOffeflion de tous
à cette condition furent conferve r dédommager les
leurs biens. Sa Majefte Bi lta^PlC^o tati011 de Surinam au
Etats - Généraux leur concéda ^
' voifinage de la Guyanne 3 & ^ la Nouvelle Bel-
ques-unes de leurs Places. 1 ■ * York & les François du
gique a pris le nom de que les Iroquois ,
Canada n ont point tar e q • J? devenus moins traitables,
fiSÆÏ c*r*b,i * 8a'“'
de l’oppreffion de 1 autre. Canada le loifir de faire at-
tention à ce qui venoit de l • ju envoyés dans la
d’ailleurs les fecours , que le Roy « " qu’on fe don-
Nouvelle France, & plus encore les mouvem
noit pour foûtenir ces premier , ’ | loi aux Iro^
que nous ferions bientôt en état de don fe flattoit d’avoir
quois ; mais par malheur e c n , <1 ^ ^ aux af-
85 .*5**15. “«“«>!“ &
isrz srr s -v»
m- ** v» y
dre du Baron Avaueour : nonTeuUn^ ^ pQrté la
rappe de ce General, ma s le R y f Su‘ceffeur.
complaifanee jufqua lui fmller le tue faifoit pro-
M. cie Mefy Major de la CitadeU de C»en ta ^
feffion d’une haute piete : M. de Fetree , qu auRoy.,
particulièrement , jetta les yeux . ’ , qu’il
& Sa Majefté l’agréa. Mais a peine ftit-.l en place ,
parut tout un autre Homme ? ou que ce ? q du
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. VIII. %T7
lu foible de fon Prédéceffeur , profitèrent’ du fien , ( car — ~
où efi: l’Homme , qui n’en ait pas quelqu’un ? ) pour le porter 1
à de plus grands excès encore contre l’Evêque , & contre ceux 5
qui penfoient comme ce Prélat.
La Métamorphofe fut fi fubite , & le feu de la divifion Conduite
s’alluma à un point , que ce fut une nécefiité d’y apporter un vi°W de
^remede. On ne douta point au Confeil du Roy que M* de Mefr*
Vlefy ne fût coupable , fur tout lorfqu’on vit à la tête
de fes Accufateurs deux des principaux Membres du Confeil ,
à fç avoir le Sieur de Villeray Confeiller 5 & le Sieur Bour¬
don Procureur Général , tous deux d’une, probité & d’une
fageffe reconnues , & que le nouveay. Gouverneur avoit fait
embarquer fans aucune forme de Juftice. On ne laiffa pour¬
tant pas de faire aufii attention aux Mémoires , qu’il avoit
envoyés au Minifire pour fa défenfe ; & quoiqu’ils ne l’euf-
fent pas juftifié , ils firent naître des foupçons , dont quel¬
ques personnes eurent dans la fuite bien de la peine à re¬
venir.
Il avoit fur tout fort infifté fur le grand crédit que les Je-
fuites avoient dans la Colonie ; & comme la Cour ne s’étoit
guéres mêlée jufques-là des affaires de la Nouvelle France ,
qu elle avoit en quelque façon abandonnée à la Compagnie du
Canada , & que dans les Relations , qu’on en recevoit toutes
les années , & qui fe répandoient par tout , il étoit beaucoup
parlé de ces Millionnaires , que leurs fonctions obligeoient
d entrer dans toutes les affaires 5 qui regardoient les Sauva¬
ges , bien des Gens fe perfuaderent , que les plaintes du Gou¬
verneur nétoient pas fans fondement : on jugea de ce qui étoit
par ce qui pouvoit être , & on conclut que des perfonnes , qui
avoient un fi grand crédit , dévoient , naturellement parlant ,
mettre tout en ufage pour le conferver , & pouvoient bien en
abufer quelquefois.
D autre part , on étoit fort perfuadé dans le Confeil , & il cft révos
on ne faifoit même aucune difficulté de le publier , que la <ïué-
Nouvelle France leur avoit en bonne partie l’obligation de
s’être foûtenuë dans les circonftances fâcheufes , où elle s ’étoit
trouvée : on les y eftimoit nécefiaires par rapport aux Na¬
turels du Pays , qui ne connoiffoient qu’eux , & dont on ne pou-
voit s’affûrer que par leur moyen : enfin , M. de Mefy, en récri¬
minant , ne s’étoit pas difculpé , & l’Evêque de Petrée avan¬
çât contre lui des faits , dont il ne fe purgeoit point. M. Col-
Tomc L Bbb
Q HISTOIRE GENERALE.
s & M«““~ ■ fsf:, c5:.r«t-
qu’elle a lo.t trop loin ; . & dans ^cette vue ^
tir pour la Colonie des Che s, qm Mient& , ^ fouffrir
^üu^r s rst ’M^t
S^^SsiHSSSJ
SîBfe^r^ sri —
voir dans le Livre fuivant#
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DESCRIPTION GENERALE
Pela
nouvelle
LIVRE NEUVIEME •
f ‘ T'” c* ' v • . _ , ^ - . - f
O u s avons vû dans quel état de foîbleffe 16 6 4,
& de langueur la Compagnie des Cent Affo-
ciés érigée en 1628. pour l’Etabliffement
du Canada , quoiqu’une des plus puifTantes ,
qui ait jamais été formée , foit pour le nom¬
bre , Coït pour la qualité de fes Membres ,
, fQIt Pour ies Privilèges , qui lui furent ac¬
cordés , avoit néanmoins laide cette Colonie. Elle fe laffa
même bientôt du peu de dépenfe , qu elle j faifoit ; & dès
Tannée 1644. elle abandonna aux Habitans la Traitte de là
Pelleterie , qui étoit prefque le feul avantage , quelle en tirât ,
ne fe réfervant pour fon Droit de Seigneurie ", qu’une rede¬
vance annuelle d’un millier de Caflors.
. , Enfn en 1662. fe trouvant réduite à quarante - cinq Affo- LeRoyce'dc
cies , elle remit purement & fimplement tous fes droits à Sa Ie Cana^ >
Majefté , qui peu de tems après comprit la Nouvelle France
dans la conceflion , qu elle avoit faite des Colonies Françoi - cent A /I o ci es
fes de I Amérique en faveur delà Compagnie des Indes Occi- Iu!avoitre-
^5"taIes ’ avec le droit de nommer les Gouverneurs & tous les "o'LnT
Officiers. Il eft vrai , que comme cette nouvelle Compagnie , Compagnie.
dit M. Colbert dans un Mémoire , que j’ai eu entre les mains ’
Bbbij
ï 6 6 4.
M. de Tracy
eft nommé
Vice-Roy de
l’Amérique !
par Commif-
iw».
S, SmVG»v’”™““ GénSS & M. 'Robert Imcnd.». d«
b LeUdiÏneuvl"me de Novembre de la "«me année 1663.
1 a. un Brevet de Lieutenaiu Creiierai , avec
le Pouvoir & la Gomnuffion de Viceroy dans l’.A««ISF >
r° „ ..Al„anjre deProuville , Marquis de iRA-
CY ™ lieutenant Général de fes Armées , & lui donna ordre
L fè tranfporter aux Mes du Vent, de paffer enflure a Saint-
?y‘ ÆnWC£ MES .WtSgj-
mettant les
îrT°de Vracypartit au commencement de l’année fuivan-
te & ce fut peu de tems après fon départ , qu on reçut a la
SpbSd'OTOT dans b Nouvelle France des Familles pour
laoeupler & cle les choifir dans l’Ifle de France , dans la No -
^ iP | ’ Picardie & les Provinces circonvoiiines, parce qu«
îes Peupi d fïon y étoient laborieux , induftrieux , pleins
de ReSon au lieu que dans les Provinces les plus proches
des Ports où fe faifoient les embarquemens , il y avoir beau¬
coup ^Hérétiques , & les Habitans y «oient moins propres a
h Dès^ueleRoy fe fut déterminé à rappeller M. de Mefy,
il lui donna pour Succeffeur Daniel de Remi , Seigneur de
Coup celles, Officier de mérite & d’expérience , &S. M.choi-
fitpour" prendre la place de M. Robert, M LT alon qui etou in¬
tendant en Hainaut. Le vint-umeme de Mars 1665 . les Prov
fions de ces Meilleurs furent fignées , & on y joignit une Com
1 6 6 5 • (j-,on particulière pour informer, conjointement avec le Mar-
qùfde Cy , contre M. de Mefy avec ordre au cas qu .1
fût trouvé coupable des faits , dont il etou accufe , de 1 arrêter ,
& de lui faire Ion procès. Enfin les ordres furent donnes p
lever des Habitans , & pour faire embarquer le Reg.ment n
M. de Cour-
celles eft nom¬
mé Gouver¬
neur de la N.
ï rance, &M.
Talon, Inten¬
dant.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 381
Carignan - Salières , nouvellement arrivé de Hongrie , où il — -
s’étoit fort diflingué dans la guerre contre les Turcs , 8c qui 1 5.
étoit defliné pour la faire aux Iroquois.
M. de Tracy arriva à Quebec au mois de Juin , avec Grind fa
quelques Compagnies du Régiment de Carignan, qui l’a- cours arrivé aT
voient accompagné aux Mes , & il en détacha une partie ^auad1 : !cs
avec des Sauvages , fous la conduite du Sieur deTilli de theT™ fe
Repentigny , Capitaine , pour donner la chaffe aux Iro¬
quois , qui avoient recommencé leurs courfes. Il n’en fallut
pas davantage pour obliger ces Barbares à faire retraite ; &
le fruit de cette première Expédition fut que les récoltés
fe firent en toute fûreté. Lerefte du Régiment de Carignan ,
à quelques Compagnies près , arriva avec M. de Salières ,
qui en étoit Colonel , fur une Efcadre , qui portoit auffi
MM. de Courcelles & Talon , un grand nombre de Fa¬
milles , quantité d’Artifans , des Engagés , les premiers Che¬
vaux , qu’on ait vûs en Canada ; des Bœufs , des Moutons ,
en un mot , une Colonie plus considérable que celle , qu’on
venoit renforcer.
Le Viceroi ne perdit point de tems : dès qu’il eut reçu Forts conf-
ces fecours , il fe mit à la tête de toutes les Troupes, & ™ .da"s h
les mena à l’entrée de la Riviere de Richelieu , où il les fit iroquoL
travailler en même-tems à la conflruêtion de trois Forts. Le
premier fut placé à l’endroit même , où avoit été celui de Ri¬
chelieu , bâti par le Chevalier de Montmagny , & dont il ne
reftoit guéres que les ruines. M. de Sorel , Capitaine dans
Carignan , en fut chargé , & y fut laide pour Commandant :
c’eft depuis ce tems-là que la Riviere a pris fon nom , qu’il
avoit donné au Fort. Le fécond fut bâti au pied du Rapide ,
que j’ai dit qu’on trouve en remontant la Riviere : on lui
donna le nom de Saint Louis ; Mais M. de Chambly , Ca¬
pitaine dans le même Régiment , qui en eut la dire&ion &
le commandement , ayant depuis acquis le terrein , où il étoit
fitue , tout ce Canton , & le Fort de pierres qu’on a depuis
construit fur les ruines de l’ancien , portent préfentement le
nom de Chambly .
M. de Salières fe chargea du troifiéme , qu’il appella le Fort
de Sainte Therefe } parce qu’il fut achevé le jour de la Fête
de cette Sainte : il étoit trois lieues plus haut que le fécond ;
& le Colonel y choifit fon Polie. Ces travaux furent finis avec
une diligence extrême ; & il efl vrai que par-là on jetta d’abord
* B bb iij
_ h Lyrar parmi l«Iroquois, mais ils en revinrent bientôt :
la r , . / Dour entrer dans la Colo-
s 06 ç. on ne leur bouchoit quun paiiagt puui c
ni V ils ne tardèrent point à s’en ouvrir plufieurs autres.
s! aL lîeu d "ces trois Forts , on en eut fait un bon à Onnon-
tagué , ou dans le Canton d’Agmer , & qu on eut eu ioin d y
entretenir toujours une nombreufe Garni.on , on les eut
beaucoup plus embarraiïés. Celui , qO. fubfifte aujourdhma
Chamtdy /ne laiffe pas de couvrir la Colonie du cote de la
Nouvelle York , & des Iroquois Inferieurs.
Pendant ce tems-là M. Talon étoit refte a Québec , ou il ne
demeurait pas oifif. Il s’y inftruifit parfaitement des forces de
la nature , & des r'effources du Pays & des Mua» . d Çj-
tohre il avoit achevé un Mémoire raifonne , qu il adch ella a M.
Colbert 11 lui apprenoit que M. de Mefy etoit mort , avant
que la nouvelle dePia révocation fût arrivée en Canada Sju.
avoit été iugé à propos entre M. de Tracy , M. de Courceiies
AHm S Point informer contre la conduite de ce Gouver¬
neur ’& que F Evêque de Petrée , les Ecclefiaftiques , le Con-
feilSÙpérieur , en tut mot , tous ceux , qu. s’éto.ent déclarés le
Parties n’ayant point fait de nouvelles inftances a ce fujet , 1
avoient cru je Sa Majefté "
histoire generale
Mémoire de
M. Talon en¬
voyé à M.
Çolberc.
avoient cru que oa ma ^ r
fes fautes fuffent enfevelies avec lui dans fon tombeau.
Il parle enfuite de M. de Tracy , & dit que 1 âge & les 1 ’
firmités de ce Vice-Roy faifoient beaucoup craindre que
Pavsme le /offedât pas lontems ; qu’il ne fe ménageo.t poin
du wut , & que quand il n’auroit que trente ans , .1 ne pourrait
oas fe donner plus de mouvemens , qu’il s en donnoit . que foi
grand talent pour l’Employ , que Sa Majefté lui avoir confie,
% rendoit néanmoins fort néceffaire à la Nouvelle *
nue fon avis fuppolé qu’il demandât fon cong~ , - q
Rov ne lui donnât point le dégoût d’un refus , mais 1 engagea
continuer fes fermes , en lui laiffant la liberté du retour
& en témoignant qu’il lui feroit plaifir de nen ufer , qu apres
fv“r reconnu que fon abfence n’apportero.t aucun prqud.ee
aUR fXoiten peS mots for M. de Courçelles dont il
faifoit au^un fort L éloge , & il n’en a nen rabhatu dan
tems même des démêlés , qu’il eut avec ce Gouverneur dans^
fuite. Enfin pour venir à ce qui concernoit la Co.on ,
tement qu’il ne connoiffoit point , pour un g«nd vlmi >
me lui, de plus glorieufe occupation, que les loua , q ^
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 383
roit à ce pays , n’y en ayant point dans l’Amérique , qui pût de- — 77 ■
venir plus utile au Royaume. 1665.
» Mais, continue -t -il , fi Sa Majefté veut faire quel- «
que chofe du Canada , il me paroît quelle ne réüfiira „ qu’en «
le retirant des mains de la Compagnie des Indes Occidenta- «
les ; & qu’en y donnant une grande liberté de Commerce «
aux Habkans , à l’exclufion des feuls Etrangers. Si au con- «
traire elle ne regarde ce Pays , que comme un lieu de Coin- «
merce , propre à celui des Pelleteries , & au débit de quel- «
ques Denrées , qui fortent de fon Royaume ; l’émolument , «
qui en peut revenir , ne vaut pas fon application , & mé- «
rite très-peu la vôtre. Ainfi , il fembleroit plus utile d’en laif- «
fer l’entiere direftion à la Compagnie en la maniéré , quelle «
a celle des IHes. Le Roy en prenant ce parti , pourroit comp- «
ter de perdre cette Colonie; car fur la première déclaration , «
que la Compagnie a faite , de ne fouffrir aucune liberté de com- «
merce , & de ne pas permettre auxHabitans de faire venir «
pour leur compte des denrées de France , même pour leur fub- «
fiftance , toutle monde a été révolté. La Compagnie, par cette «
conduite , profitera beaucoup en dégraiflant le Pays ; & non- «
feulement lui ôtera le moyen de fubfifter, mais fera un obfia- «
cle efientiel à fon établiflement. »
Sur la fin de Décembre , M. de Tracy étant de retour à Garakomhié
Quebec , Garakonthié y arriva avec des Députés de fon àQuebec-
Canton , & de ceux de Goyogouin & de Tfonnonthouan ■
il fit de fort beaux préfens à ce Général , & l’affûra de la par¬
faite fourmilion des Trois Cantons. Il parla avec modefiie ,
mais avec dignité des fervices, qu’il avoit rendus aux Fran¬
çois ; puis il pleura à la maniéré du Pays le P. le Moyne , qui
étoit mort depuis peu , & pour qui la Nation Iroquoife a con¬
te1"^ une grande efiime. 11 dît à ce fujet des chofes fi tou¬
chantes & fi fpirituelles , que le Viceroy & tous les Affifians
en urent extrêmement furpris : il conclut en demandant la
paix , & la liberté de tous les Prifonniers , que nous avions
*ajJvr 1 nr ^ro^s5pantons 5 depuis le dernier échange.
. de Tracy 1 écouta avec bonté , & lui fit en particulier la guerre eft
en public beaucoup d amitié ; il lui accorda toutes fes de- r^objë contre
mandes à des conditions très - raifonnables , & il le congé- !es Xmels &
dia , auffi-bien que les autres Députés , chargés de préfens. youths.0'"
Le fiJence des Agmers & des Onneyouths , & plus encore ~~i 6 60 '
leur conduite paflée , ne laiffoit aucun doute fur leur mauvaife
i 6 6 6.
les On-
neyouths fe
foLimectçnt.
Brutalité d’un
Chef des Ag-
niers punie fur
le champ.
Expédition
de M. de
Çourcelles
HISTOIRE generale
3 7 . O. :r fut réfolu daller au plûtôt leur apprendre
volonté , , i i de leurs infultes , & de leurs
qU’fiaiest0DeuX Corps de houppes furent commandés pour
: le fécond marcha
fous les ordres de M. de Sore • U armé de ces préparatifs , &
U Canton f « I W . V‘
envoya des Oj» ‘f £ , Mémo.res , qt»
le menaçoit. Il paiou r pl :r ÜOur agir au
ces Députés avo.ent un 'Jcote def Par-
nom des Agniers , m . furprit & tua trois
tis en campagne , & 1™ ^ Ja«IS& ^ARIN , dont le
Officiers , MM. de Chasy , Tracy’ Ce ne' fut pourtant
premier étoit Neveu de M. tout-à-fait la Négociation
commencée par les uepuie /
"ï’j.wCf.. u 85
gade de ce Canton ^Montr^u Flamand. Il fe dit
ners , qui avoient a lei itaine , fe voyant fort
pofoit à le charger , lo^ue ce Capitaine 7
inferieur aux François ^ & fi de Sorei , &^ui dit d’un
per, prit le parti d aborder JV traiter de la paix avec
air fort affûré , qu d a^olt ,a, ^ ie conduiüt lui-mê-
M. d« T„cy M d« g ‘ ™ iut„ Chef Agnio
me au Yiceroy , qui le reçu & fe donna encore
arriva peu de jours apres a Q ’ n£ douta point que
pour Député de fon Canton. difoofés à la Paix : mais
L Agniers ne M» i ,ntKs deû, prére.d».
un jour, que M. de 1 y , tombé fur la mort de
Députés à fa Table, le Difcours etan tombe lur *
M.'de Chaf^UeChef qQn
ce bras , qui avoir caffe la tete mj&m ^
* B“d 4 ’ ** re,i,n p,“
fonnier. rmirrelles aul ne fçavoit rien de ce
D’autre part M. de Çourcelles , q > dans lg Canton
qui fe paffoit dans la Capitale , « ies hoftilités , >1
d’Agnier ; mais avant que de commencer
i 6 6 6.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 385
jugea a propos d aller s aboucher avec le Commandant de
Corlar , Bourgade de la Nouvelle York , & il tira parole de
cet Officier , qui! ne donnerait aucun fecours aux Iroquois. concre les AS~
Il fouffrit beaucoup dans ce Voyage , quil ht au cœur de
l’Hyver , les Raquettes aux pieds , & portant lui-même fes
provifions & fes, armes , comme le dernier des Soldats , dont
plufieurs , qui étoient nouvellement arrivés de France , fu¬
rent eftropiés par le froid. Un peu plus d’experience lui au-
roit appris , que tandis , qu’il prenoit à fi grands frais une
précaution inutne , il manquoit fon coup. Il s’en apperçut
bientôt ; car étant entré dans le Canton d’Agnier , il en
trouva tous les Villages entièrement deferts : les Enfans , les
Femmes & les Vieillards , seraient mis enfûreté dans les Bois ;
& tous les Guerriers avoient marche contre d’autres Nations 9
en attendant 1 iffuë des Négociations con^piencées par les On-
neyouths. Il y eut neanmoins quelques efc arm ouches pen¬
dant la nuit entre les nôtres 9 & des Coureurs Aginers 9
dont quelques-uns furent tues 9 & d’autres demeurèrent Pri-
fonniers : aucun François n’y fut bielle ; mais un Officier &
quatre ou cinq Soldats périrent dans cette Expédition , je ne
fçai par quel accident. 1 ^
M* ^e Courcelles trouva à fon retour les préparatifs de m. de Tracy
1 Armement contre les Onneyouths & les Agniers fort avan- marcJlc contrc
ces. Six cent Soldats de Carignan , un pareil nombre de Ca- ^™emeCan~
nadiens , & environ cent Sauvages de differentes Nations ,
compofoient l’Armée de M. de Tracy , qui malgré fon âge
plus que feptuagenaire , voulut la commander en perfonne.
Deux Pièces de Campagne faifoient toute fon Artillerie ;
mais c en etoit affez pour forcer tous les retranchemens des
Iroquois. Au moment , qu’il fe difpofoit à partir , de nou¬
veaux Députés des deux Cantons arrivèrent à Quebec : il
les retint Prifonniers , & fe mit auffi-tôt en marche le qua¬
torzième de Septembre.
M. de Courcelles menoit l’Avant-garde , qui étoit de qua¬
tre cent Hommes. M. de Tracy étoit au Corps de Bataille ,
ayant avec lui le Chevalier de Chaumont , & quantité d’Of-
fioers. Mrs. de Sorel& de Berthier, Capitaines , conduifoient
Arnere-garde. On 11 avoit pris de provifions , que ce qu’il en
talion , pour gagner le Pays ennemi , où l’on fe croïoit affûré
d en trouver ; mais comme 011 n eut pas affez de foin de les mé¬
nager , on avoit encore bien du chemin à faire , quand elles
lome £
cc
q * ui S T O IR E GENERALE
386 H un mpnt L’Armée étoit prête à fe débander,
>6 66. urqaller chercher dequoi vivre , 1°/^,“” ^fter '"fou’à
Lis de Châtaigniers , qui fourn.rent dequo. fubùher julqua
ce qu’on iùt arrive aux premiers A il g Luva^es • tuais
r succès de fou Le Viceroy s’étoit flatte de furprenore t s - ‘ÿ 5 j"
*, Algonquins , qui 'Z
avoient donne 1 altarme , "Vieillards & de Femmes ,
Villages qu’un petit nombre de vieilfcrds « ne
r, ■ïïfs F»if S
“F>»F:Æ
trouva des vivres en abondance. H paro't que i c ^
étoit alors plus riche , qu il n a e.e depu • Y / .j
roit pû en nourrir toute la Colonie pendit deux ans Les
premières Bourgades furent réduites en cendres .
dernieres étoient un peu éloignées ; "jals ” ( je (Ju|.
qui avo.t été lontems Efclave dans ce Canton fem t de ' Gm
de cour v aller. La plus proche fe trouva encore ians ; m
bitàiis • L ce ne fut que dans la dermere , _qu on rencont
enfin l’Ennemi. Il s’étoit perfuadé , qu’on n’o eroit Y Je^
Mtayo. J »'of. T'J f“ £
taque , & s’alla mettre à couvert dans des lieux ,
pas poffible de le fuivre. On s’en vengea fur e ’
'& il n’en relia pas une feule fur pied dans tout ce Canton.
11 ne svaflura II eft certain que, fi la frayeur navoit pa nds
yohudu Pais. b ares l’Armée Françoife eût pû fe trouver dans d S
embarras : mais h tête leur tourna ; & .h ne fongerent
ni à profiter de l’avantage , que la fituation & la ■
ce des lieux pouvoient leur procurer , ni a brûle q
ne pouvoient pas emporter de leurs rai • 1. par
M. 'de Tracy ne jugea pas à propos de s affttre d eux : p*
un bon Fort : il ne vouloit que les humi 1er , Quand
dre que les François étoient en état de les foumettre , q
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 387
ils voudraient., & il y réüffit : d’ailleurs, perfuadé qué par '
le moyen des Forts , qu’il avoit fait conflruire fur la Riviere
de Sorel , il avoit mis fuffifamment la Colonie à couvert des
courfes des Iroquois , il crut, qu’il étoit plus convenable de
fortifier & d’augmenter les Etabliflemens du Fleuve S. Lau¬
rent , & c’étoit tout ce qu’il pouvoit faire avec les Trouppes ,
qu’il avoit en fa difpofition.
Ce point étoit un de ceux , qui avoientété plus expreffément
recommandés à MM. de Coure elle s & Talon. » L’une des
chofes , qui a apporté plus d’obftacle à la peuplade du Cana- «
da , difoit M. Colbert dans FinfiruRion , qu’il donnoit à Fin- «
tendant , a été que les Habitans ont fondé leurs Habitations , «
où il leur a plu , & fans avoir eu la précaution de les joindre «
les unes aux autres , pour s’aider & s’entrefecourir. Ainfi ces «
Habitations étant éparfes de côté & d’autre , fe font trouvées «
expofées aux embûches des Iroquois. Pour cette raifon le Roy «
fit rendre, il y a deux ans, un Arrêt de fon Confeil, par lequel il «
fut ordonné que dorefn avant il ne ferait plusv fait de défriche- «
ment, que de proche en proche, & que Fon réduirait nos Habi- «
tâtions en la forme de nos Paroiffes , autant que cela ferait pofii- «
ble. Cet Arrêt eft demeuré fans effet fur ce que , pour réduire «
les Habitans dans des corps de Villages , il faudrait les affujet- «
tir à faire de nouveaux défrichemens , en abandonnant les leurs. «
T. outefois comme c eff un mal , auquel il faut trouver quelque
remede , Sa Majefté laiffe à la prudence du Sieur Talon d’avi- «
fer avec le Sieur de Courcelles , & les Officiers du Confeil Sou-
verain , aux moyens de faire exécuter fes volontés. «
Il y avoit fans doute de l’inconvénient à s’établir ainfi dans
des lieux fi éloignés les uns des autres , que les Habitans ne
fuflent pas a portée de fe prêter fecours en cas d’attaque ; mais
il paraît que le plus court pour y remedier étoit de bien forti¬
fier la tète du Pays contre les Ennemis préfens , & contre ceux,
quil etoit facile de prévoir qu’on ne manquerait pas d’avoir
tôt ou taiffi fur les bras. Le Reglement , dont parle ici M, Col¬
bert , a ete renouvelle plus d’une fois , mais toujours inutile¬
ment. L intérêt , plus puiffant que la crainte , a fouvent porté
les Particuliers a fe placer dans les endroits les plus expofés ,
ou la facilite de la Traitte leur ôtoit la vûë du péril , & les
plus fâcheufes expériences n’ont pu les rendre fages.
Pour revenir à M. de Tracy , il auroitbien fouhaité de pou¬
voir traiter le Canton d’Onneyouth , comme il venoit de faire
Ccc ij
1 66 b.
La Cour ne
veut pas
qu’on éten-
de trop la
Colonie.
i 6 6 6*
,oo HISTOIRE generale
3 lui (VA pilier • mais la fin d'Oftobre approcboit, & pour peu
Ce3’U1f5it Hifferé fon retour, il auroit couru nfque de trouver
rilv ie£s Ï acées & d’être harcelé dans fa retraite par un
les ruvieres gia ’ 1 affaiblir beaucoup. Les che-
nieyaTd3 Lai S
plain avec quelques Soldats. fi pendre pour
1 T P Vire -Roy à fon arrivée a V^uenec , nt v
moigné beaucoup de bonte.^H ç. à pIflPe R0ya-
& qu’elle fut eut, ère-
ment abandonnée quelques années apres. rj, repaffa en
ilSSép
rtStrn fait la précédente , ainfi que M.
SdtsŒsaïj
o,.,,,.™ k LÏmSton' J» Iroquois étoit une
i“.‘, domonPou,o« protor^, CTg.ge ■ & Jej folSo.
S J. i“ p^.*?C5^ifSSS
mpfnre nnon s’v crutplus en furete ; ce zele pour la eu
£ des’lnfidéles7, don? tous les Habitans avo
là suffi animés , que les Ouvriers Evangéliques , le raL-n p
à ueu dam “s premiers; & les féconds ne trouvèrent plus tou¬
jours dans les Chefs le même apuy , quds avoient trouve ^ ^
leurs Prédéceffeurs. De forte qu’ils fe virent Çre^“e,ib ^ &
regretter ces tems d’orage & de calamite , ou e fflêlé
leur vie même ne tenoient a rien , & ou leur la g ,
( a ) L’UIc de Cap Breton.
M. de Tracy
retourne en
ïrance.
1667.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 389 _
avec leurs fueurs , multiplioient les Chrétiens à vûë d’œil. 1667.
Le relâchement gagna les Néophytes , mais il fit d’abord des En <.]ud
progrès allez infenfibles. Plufieurs Bourgades Sauvages Ce trou voit
Soutinrent même dans leur première ferveur , tant quelles fub- kTlIÛZl
il Itèrent ; mais les maladies en ayant bientôt dépeuplé quel- & V.w
ques-unes ; d’autres s’étant didipées , fans qu’on en ait jamais ç°is*
bien pu fçavoir la caufe , on ne fit rien pour les rétablir. Par¬
mi les François , au tems , dont je parle , la pieté s etoit fi bien
affermie depuis le Tremblement de Terre , dont on reffentit
encore en 1665. quelques fecouffes , accompagnées de ces
Météores , qui effrayent toujours la Multitude , quelque na¬
turels qu’ils foient , quelle caufa de l’admiration à ceux , qui
arrivèrent de France les années fui van tes. ’ 1
On remarqua même que parmi les nouveaux venus , les plus
libertins ne pouvoient tenir lontems contre les exemples de
vertus , qu’ils avoient fans ceffe devant les yeux , & qu’au bout
de fix mois plufieurs netoient plus reconnoiffabîes , & ne fe
reconnoiffoient plus eux-mêmes. Les Soldats ne parloient de
la guerre des Igoquois , que comme d’une guerre fainte , du
fuccès de laquelle dépendoit la converfion des Infidèles. Deux
Ecclefiafliques & deux Jefuites , qui accompagnèrent *M. de
Tracydans fon Expédition, ont affûré à leur retour que bien
des Maifons Regulieres netoient ni mieux réglées , ni plus édi¬
fiantes, que l’avoit été cette petite Armée. Audi avoit-elle un
Chef , dont les vertus Chrétiennes auroient fait honneur aux
Religieux les plus parfaits. Il en a laide dans la Nouvelle France
des marques , qui ne s’y effaceront jamais , & une odeur de
pieté , dont l’impredion dure encore.
Toute l’Ide de Montreal reffembloit à- une Communauté Re-
îgieufe. On avoir eu dès le commencement une attention par¬
ticulière à n’y recevoir que des Habitans d’une régularité
exemplaire , ils etoient d’ailleurs les plus expofés de tous aux
courfes des Iroquois , & ainfi que les Ifraëhtes , au retour de la
captivité de Babylone , ils s etoient vû obligés en bâtidfant leurs
Maifons , & en défrichant leurs Terres , d’avoir prefque tou-
jours leurs outils d’une mam , & leurs armes de l’autre , pour
fe défendre d un Ennemi , qui ne fait la guerre , que par fur-
priie ; ainli les allarmes , qui les tenoient toujours en crainte
avoient beaucoup fervi à conferver leur innocence , & à ren¬
dre leur piété plus folide.
Au milieu de tant de fujets de confolation une chofe in-
i 66 7.
On veut
francifer les
Sauvages.
Pourqaoi ce
projet ne reul-
lit point.
Des Mines
de fer.
HISTOIRE generale
auLtoit extrêmement les Millionnaires. Rien n’avoit été
Sus recommandé à M. Talon , que d’engager ces Religieux
à inftruire les Enfans des Sauvages dans
a, 4 ies accoûtumer à notre façon de vivie. J ai du plus haut
mieux-mêmes en avoient eu la penfée plufteurs années aupa-
®t, teo'xî s sa a«n sas*
communiqua Us ^Ordres duc ^ ^ aJbuaà renyie dêtre
üfeuL Maître; des Sauvages , & de vouloir par-là fe rendre
— qu-il. n. 1-é.okm
aefai e cecme fouhaitoitlaCour; mais l’.nut.l.te de leurs ef-
fnrrs iuftifia bientôt les Millionnaires , & le ISkrquis de Tra-
rv ne contribua'pas peu dans la fuite à diffiper les ombrages,
^ ;r ;nfn;rés au Miniftre contr’eux. Il avoit entendu par
qu on ^oit mlpires au Mmiure ^ ^ ^ f ^ lieux;ll
1er du projc , g Jefuites combien il étoit im-
avoir compris auiii-bien que les j eiu , rouelles &
pratiquable & dangereux , & quoique M . j en
Talon perfiftaflënt dans leurs préjugés , M. Golber q
reconnut enfin lïnjuftice , accorda fmcerement fon amitie a ces
Millionnaires , pour qui il avoir toujours eir ««e jemable e l
me ■ fe déclara dans toutes les occafions leur Frotetteu ,
leur témoigna jufqu’à la fin de fa vie une confiance entière pour
leur tune g J J r c:ce de leurs Fondions.
toc33SS-«« tous les iours,de nouveauex
Cependant a Nouvelle France par le commerce.
IM fatîok pour cela trouver des retours proportionnés aux avait-
tout fort à cœur les Mines de fer , quon affuroit V erre tr
î::1 à osé
geurs , trouver de l arge , s d’Àoût de l’année 1666.
plus heureux pour le fer Des ,e dans la Baye
al avoit envoyé le oieur ac l a
1667»
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 39,
u* ajb ou Çe Mineur découvrit une Mine, qui lui parut très-
abondante ; il efpera même d’y trouver du cuivre , & peut-ên-e
de 1 argent. Dans le Journal , qu’il fit de fon voyage il re
marqua que par tout , où il travailla , la Terre étoii encore ren-
veriee par le I remblement de Terre de 166-.
__M. Talon étant retourné en France en 166S. engagea M
Colbert a luivre ces découvertes , & le Sieur de la Potar-
diere fut envoyé en Canada à ce delfein. A fon arrivée à Qué¬
bec on lui préfenta des épreuves de deux Mines , que MT de
Courcelles s’etoit fait apporter des environs de Champlain &
du Cap de la Magdeleine (a). L’une étoit en fable , & l’autre
etoit en maffe : la Potardiere fe tranfporta fur les lieux , & à fon
retour a Quebec il déclara qu’il n’étoit pas poffible de voir des
Mmes , qui promirent davantage , foit pour la bonté du fer ,
ioit pour 1 abondance. y
On efperoit auffi beaucoup d’une Tannerie, dont les pre- Liberté du
miers ellais avoient parfaitement réiilïi ; ce qui , joint à la
liberté du Commerce , qui fut publiée cette même année 1 668.
taiioit concevoir de grandes efperances à ceux , qui s’interef-
foient au Canada. Il n’eft pas encore bien aifé de fçavoir ,
ce qui les a fait évanouir : il eft du moins certain que ces
mmes de fer que 1 œil perçant de M. Colbert & la vigilan¬
ce de M. Talon, avoient fait découvrir , après avoir pref-
qu entièrement difparu pendant plus de foixante-dix ans , vieil-
nent dette retrouvées par les foins de ceux , qui occupent
aujourd hui leur place , & qui leur reffemblent trop, p
ne pas donner lieu d’efperer , qu’ils entreront dans le
V Ll C . j ■
commerce pu¬
bliée en Cana¬
da.
166 8.
)our
leurs
Tandis que ces chofes fe paflbient dans le centre de la
Colonie , de nouvelles Miffions fe formoient vers le Lac Su-
peneur. Fort peu de tems après qu’on eut reçu à Quebec
11" VVc ,de \T^r£ du P’ MefnaM , les mêmes Oubliais
avec ldquds ce Miffionnaire en étoit parti y revinrent chari
Pejftenes comme ils perfiftoient toujours dans
e delfein dattirer chez eux les François , afin de s’éparenër
'ore 'un Jefifite" ^ vo>ragês ’ iIs demanderenifen-
ïroient aSompagnÎ/Së^ pLT ' ™ Y V°U '
Le trille fort des deux premiers ( a ) , qu’on leur avoit
o) ui iï: cndcîà dcs Trois Ri™ra'
Nouveau
voyage à
rOueit & au
Nord.
i 6 6 8,
Superftitions
4^s Outaouais.
HISTOIRE GENERALE •
% . fe-s» f? S'SSîSu-r 5SÎ
sp «» ; t p-irp».
“ st,„“rie„dr'2ïSià dl Milite.. ! de te écout.r , «...
s: bPtA«. zssïïrjaæs. c
les réglés dune prudenc ^ p’(je jamais de frapper à
P $& s»
s£Spr * £s*i;î;
rent punis fur le champ ; a P?" V Gèrent tou - Le Ser’
que leur Canot tourna , & lls ^"^fces mauvais trai-
™» * “TI C TSSS !.. y.» *
temens , s il eut pu venir a „ . . , ;s ;[ COmpnt
ces Infidèles fur leurs ndicu es P uerverfe & que rien
bientôt qu’il avoit affaire a une Nation perver , 1
ne pouvoir amolir la durete de onJ'aj1jlrV pouJre qu’ils
te feu avant pris un jour à un Baril de Poudre i , < ï« .
avoient apporté de Quebec , plufieurs ep uren Soleil ; les
défaut de remedes humains , ils eurent recou b
Jongleurs s’affemblerent , & préparèrent P .g j’ex-
qui commença par des Chants accompagne ^ p^rénéti ues ;
travagances : on auroit dit pne 1 rouppe ae J1 ju,
& cite Scene, qui infpiroit je ne^,quelle hormir^ du^
ra fort lontems. Enfuite , dix ou douze d P ' _ 1 ^ an(Js
s’affirent en rond autour d’un petit feu ; us pc > « S ;f,
cris , & regardoient fans ceffe le Soleil > ,1e plu*
foient offrir la flamme, ou la fumee de cfn7'’ AftVe ,
vieux delà Trouppe fe leva , & fe «>«>>> aux Malades,
il le conjura à haute voix , ^ rendre la fant i auxM ]
W- * U ïi XBe Soleil ne guérit perfonne. Alors , le
Miffionnaire ne pouvant P^^^X^hofo fi for’tes , qu’un
i 6 <5 8,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. m
des Chrétiens , le reconnoiffant pour lunique Divinité , qui
méritât d 'être invoquée , & pour le Maître fouverain de la
maladie & de la fanté ; mais l’Idolâtre , que le Pere avoit
apoftrophé , entra dans une Iî grande fureur contre lui , qu’on
crut qu’il alloit l’immoler au Soleil. Tout aboutit néanmoins
à brûler le Canot , qui l’avoit porté.
Le premier de Septembre , ils arrivèrent au Sault Sainte
Marie , qui eft , comme je l’ai déjà obfervé , dans le Détroit ,
par où le Lac Supérieur fe décharge dans le Lac Huron. Le
P. Allouez ne s’y arrêta point j il employa tout le mois de
Septembre à parcourir la Côte Méridionnale du Lac Su¬
périeur ; il y rencontra plufieurs Chrétiens baptifés par le
P. Mefnard , qui furent charmés de le voir , & qu’il fortifia
dans la Foy. Il eut auffi la confolation d’allûrer par le Bap¬
tême , le falut éternel de plufieurs Enfans moribonds ; & le
premier d’Oftobre , il arriva à Chagouamigon. Il y fut reçu
dans une. grande Bourgade , où l’on comptoit au moins huit
cent Guerriers de differentes Nations : il commença par v
bâtir une Chapelle , qui fut bientôt fréquentée d’un allez bon
nombre de Profélytes.
Le preihier , qui lui demanda le Baptême & qui le reçut ,
fut le Malade , qui pendant le voyage , touché de fes remon¬
trances , avoit renoncé aux remedes fuperflitieux , que Ton
commençoit à lui faire : il avoit été guéri , après s’être adrefi-
fé au Dieu des Chrétiens ; & il ne doutoit point qu’il ne
lui en fût uniquement redevable. Il fe fit alors une Affem-
blée de dix ou douze Nations, qui entendoient toutes la Lan¬
gue Algonquine ; & l’Homme Apofiolique , qui fçavoit fort
bien cette Langue , ne manqua pas une fi belle occafion
d’exercer fon zélé. Il parla lontems de la Religion Chrétien¬
ne , d’une maniéré vive & pathétique , mais proportionnée
à la capacité de fes Auditeurs : il fut fort applaudi ; mais ce
fut tout le fruit qu’il en tira.
Outre l’obftaçle , qu’oppofoit à l’efficace de la parole de Croyance des
Dieu le naturel dur & féroce des Sauvages de ces Contrées , Oucaouais'
le Millionnaire des trouva tous auffi fuperfiitieux que les Ou-
taouais. Il raconte dans fes Lettres , que paffant dans un
Village de ces derniers , il vit une Idole élevée au milieu de
la Place , tout le monde occupé à lui facrifier des Chiens ,
pour obtenir la guérifon d’une maladie populaire , dont. plu¬
fieurs éjtoient déjà morts. Quelques-uns lui apportoient aufii
Tome L Ddd
i 6 6 8.
Leurs moeurs
8: leurs prati¬
ques.
VM histoire generale
des offrandes pour d’autres befoins ; & outre ces Sacrifices
oublies ii s’en faifoit encore de particuliers dans les Laban-
nes : mais le Millionnaire n explique point quelle etoit cette
Divinité , & peut-être n’en put-il rien apprendre de certain.
Quand les Outaouais naviguent fur les Lacs , & quils y
font furpris d’une tempête , ils égorgent un Chien , ou quei-
qu’autre Animal , & le jettent dans l’eau , en difant au Dieu
du Lac, Appaifi-toi , voici mon Chien , que ie te donne. Dans
le commencement les Néophytes faifoient la meme chofe en
l’honneur du vrai Dieu ; & on eut bien de la peine a leur
perfuader qu’il nevouloit pas être adore de la forte. L aveu¬
glement de ces Peuples alloit jufqu’à croire que le Soleil
étoit un Homme , mais d’une efpéce fort fupeneure a la no¬
tre , & que la Lune étoit fa Femme. Iis difoient la meme
chofe de la Glace & de la Neige ^ qu’ils pretendoient aller
habiter un autre pays pendant lEté. . ,
Iis s’imaginoient encore que les Oyfeaux avoient entr eu
un Langage , qui étoit entendu de quelques Hommes : ap¬
paremment que leurs Jongleurs leur faifoient accroire qun
en avoient l’intelligence. Ils difoient que 1 Ame d un -
fon mort rentre dans le corps d’un autre Poiflon ; aufn nen
brûloient-ils point les arrêtes , de peur de xhoquer ces Ames ,
& d’empêcher que les Poiffons ne le laiffaffent point prendre
dans leurs filets. Enfin , ils avoient en fmguhere vénération
un certain Animal extraordinaire , que plufieurs ailuroiei
avoir vû en fonge , mais dont ils ne pouvoient pourtant pas
dire quelle étoit la figure ; quelques - uns le con^d^f
avec Mirabichi , le Dieu des eaux , dont IHifloire tabuleufe
& ridicule , varie félon les differentes Nations , qui le recon-
Le culte relatif à une croyance fi bizarre , aboutiffoit pief-
que toujours à des feflins , des chants , des danies , des de-
bauches , des cbfcenités , où rien n étoit voile. La polyga¬
mie , la diffolution des mariages , le libertinage dans les deu
fexes reenoient parmi ces Barbares à un point , que me
loin d’avoir honte des excès les plus crians , ils y avoie
même attaché une idée de Religion. Quand un Sauvage .
mandoit quelque chofe à fon Génie familier , il jeunoit jul-
qua ce qu’il eût eu un fonge , qui f affûtât d avoir obtenu ce
qu’il defiroit. Quant àce qui regarde les maladies , le
principe de leurs Médecins etoit , qu ordinairement e e
' DE LA NOUVELLE FRANCE. Lxv. IX. 395
viennent , que de ce que Ton a manqué à faire un fefiin après — T71C~
une Chafie , ou une Pêche. Quelquefois néanmoins ils les 1
attribuoient à un mauvais Génie , qui s’étoit jette fur la par¬
tie malade , & qui avoit été envoyé par un Ennemi. Le Jon¬
gleur appelle pour traiter le Malade , après avoir fait fes
réflexions , & beaucoup de limagrées , ordonnoit un feflin ,
& fe retiroit en promettant une prompte guérifon.
Il fe rencontra encore à Chagouamigon un grand nombre Ce qui &
de Hurons Chrétiens , en qui le défaut d’inftruâion , & la Paffe entre ,c
privation des Sacremens avoient un peu altéré la croyan- fis pouteoua-
ce , & dont le commerce avec tant de Nations infidèles avoient tamis,
encore plus corrompu les mœurs. Le P. Allouez travailla
avec zélé à les remettre dans le bon chemin , & y réüilit.
Trois c Qnt Pouteouatamis y vinrent a li fil 1 de leurs Ifies , où
toute la Nation étoit encore réunie. Dès qu’ils furent arri¬
vés , le Millionnaire les vifita , & en fut reçu avec difiinc-
tion , mais d’une maniéré affez bizarre. D’abord celui , qui
menoit la Bande , lui demanda fes fouliers ; le Pere les lui
donna, & après que ce Sauvage les eut bien confiderés , il
voulut les lui remettre , en difant que c’étoit parmi eux une
marque de refpeft. Tous charmèrent le P. Allouez par leur
douceur ; & les infirufiions , qu’il leur fit , ne furent pas
inutiles.
Il y avoit parmi eux un Vieillard , qui approchoit fort de
fa centième année , & qui paffoit dans fa Nation pour un
Homme divin. Il jeûnoit, difoit - on , jufqu’à vint jours de
fuite , fans rien prendre , & voyoit fouvent l’Auteur de tou¬
tes chofes. C’eft ainfi, que ces Sauvages s’exprimoient ordi¬
nairement , lorfqu’ils parloient du vrai Dieu. Il tomba mala¬
de à Chagouamigon , & on défcfpéra bien-tôt de fa vie. Deux
de fes Filles , qui avoient été des plus afîiduës aux infiruc-
tions du Millionnaire , & en avoient été touchées , lui redi¬
rent tout ce qu’elles en avoient pû retenir , & rengagèrent à
s’en infiruire par lui-même. Il y confentit ; le P. Allouez averti
par fes deux Profelytes , lui rendit vifite , le trouva extrême¬
ment docile ; & ne jugeant pas qu’il dût aller bien loin , le
baptifa.
Sur ces entrefaites arriva le temps de la Fête des Son-
‘ges : le Moribond appella le Millionnaire ^ & le pria de lui
donner une couverture bleue ; le Pere voulut fçavoir dans
quelle vûë il faifoii cette demande : C’efi , dit - il , que *
D d d ij
1 668
„6 H I S T O 1 P. E GENERAL E
le9 bleu eft la çouleur.du Ciel «h j’e^e aller b-mot , &
i. bleu elt la couleur au aiti , ^ j ~ r .
„ dont je veux déformais m’occuper u^uement , & ~
. rut peu de jours après, en d.lant aJD^avec | ^
£S°L? P^Td& nt à l’inhumer Ua frgto
g^onVe £ü£
Peuple , il demanda la raifon de cette nouveauté
„ C’eft , lui répondit un Sauvage , d un a.r fort eneux , C|ue
M le Pere du défunt étoit un Lievre , leclue^dE,Xns fuffent
: Femme , qu'il ne «ouvero.t pas .bon ^ dont
. . mis en terre après leur mort , étant parens ae rai & >
l’orieine eft célefte : il ajouta que , fi jamais on alloit en ce-
; lrr,.t« .»»». ^ >■ » n%dvrS /:
1 c“ m Vepnï fc ïïbrêï lire le Mi*?“"ire >
* qui entreprît enfuite d’en faire fentir l’abfurdite aux 1 L^s ?
mais fes Ifforts furent inutiles. Les deux Filles du Vieillard,
lefquelles avoient eu tant de part a la converfio
re , reçurent du Ciel la même Grâce que lui , & »n
veré jufqu’à la fin dans la pratique des ver ouatre-
l’Evangile Environ fix-vint Outagamis , deux cent Sa., , - q
prêché à plu- • t Hiinois fe rendirent vers le meme mi -0
^ N3‘ Ion , & eurent quelque part aux bénéficions , que le C,
répandit fur les travaux de l’Homme Apoftolique. Des lo
on parlolt fies Illinois , comme d’une Nation P«fque Retrai¬
te Dar les Iroquois ; toutefois cinquante ans apres , elle cto
encore de quamnte mille Ames. Le P. Allouez vit auffi quel¬
ques Sioux au même endroit ; mais il ne put traiter avec : eux ,
que par Interprètes ; & la même chofe lui arriva avec P
fieurs autres Nations , dont je ne trouve les noms , que d
fes Mémoires. Nous les connoiffons peut - etre aujourdbui
fous d’autres noms , que leur donnent des Sauvages plus vo
1 Les Sioux firent, entendre au Millionnaire que leur Pays étoit
l’extrémité du Monde vers le Nord ; mais il y a bien de 1 appa
rence qu’ils comprenoient fous le nom de Sioux toutes les m
tiens /qui parlent des Dialectes de leur Langue fur tout les
Affinibods. Au Couchant, ils avoient pour voifins les
râs , au-delà defquels , ils difoient que la Terre eft coupee ,
& qu’on ne voyoit plus que de 1 eau puante . c eft ain q
Du Pays des
Sioux,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 397
delignent la Mer. Au Nord-Oueft , ils font bornés par des
Peuples , qui fe nourriflent de chair humaine , & la vendent
crue. Il y a dans le voilinage des Aflinihoils une Nation ,
dont on dit la même chofe ; mais il périt beaucoup de mon¬
de dans ce Pays-là par les dents d’une efpece d’Ours , d’une
grandeur énorme , & qui ont les ongles extrêmement longs.
Les Kiliflinons 3 ou Crijlinaux 3 que nos Canadiens ap¬
pellent Criques s faifoient en ce tems-là des excurfions jufqu’à
cette extrémité du Lac Supérieur 5 & le P. Allouez , qui y
en vit plufieurs , allure qu’ils adorent le Soleil , auquel ils
facrifient des Chiens , qu’ils pendent aux Arbres : il ajoute
que ces Sauvages font grands parleurs , & parlent fort vite ,
contre l’ordinaire de tous les autres de ce Continent ; nos
Voyageurs les appellent pour cette raifon les Gafcons du
Canada. Leur Langue eh: une Dialefte Algonquine , & ap¬
proche fort de celle des Attikamegues ; ce qui joint avec le
nom de ces derniers , qui eh celui d’un Poiffon fort com¬
mun ( a ) à l’extrémité Septentrionnale du Lac Huron , peut
faire juger , qu’ils étoient autrefois Habitans des environs du
Lac Supérieur.
Au commencement de l’année i66j. le P. Allouez apprit
que des Nipilfings s’étoient retirés en grand nombre fur le
bord du Lac Alïmipegon , qui eh au Nord du Lac Supé¬
rieur , dans lequel il le décharge. Il s’y tranfporta , & y ar¬
riva les premiers jours du mois de Juin : il trouva ces in¬
fortunés Fugitifs , qui étoient Chrétiens pour la plûpart ,
dans le même état , où il avoit trouvé les Hurons ; & quoi-
qu il fût extrêmement fatigué d’un voyage de cinq cent
lieues , qu’il avoit fait avec deux Sauvages , il mit d’abord
la main a 1 œuvre , & eut la confolation de n’avoir pas tra¬
vaille en vain. De-la il reprit la route de Chagouamigon , où
ayant forme le delfein d’établir une Million fixe , il fe joignit à
un grand convoi d Outaouais , qui alloient porter leurs Pel¬
leteries a Montreal ; de-là il fe rendit à Quebec , où il arri¬
va au mois d’Aout de l’année fuivante.
Il ny reha que deux jours , & en repartit avec le P. Louis
Nicolas , quil avoit engagé à venir partager avec lui les tra¬
vaux de fa pénible Million , un Frere , & quatre Ouvriers.
Ils retrouvèrent a Montreal les Outaouais , qui étoient fur
leur départ ; mais quand il fut quehion de s’embarquer 3 ces
{a) On l’appelle plus communément le Toi/fon Blanc.
i o o 8.
Miffionnai-
res parmi les
Iioquois,
Ce qui a em¬
pêché la con-
yerlicu de cè't-
fp Nation.
, g HISTOIRE generale
Barbares ne voulurent recevoir dans leurs Canots , que les
deux Peres , qui ne craignirent point de s abandonner en¬
tre leurs mains4, feuls , fans provifions , fans appaience de
tirer aucun fecoùrs de leurs Conduûeurs , & ne pouvant gue-
res compter que fur la Providence. Nous verrons dans fon
tems auel fut le fuccés de leur Voyage.
Cependant, les Cantons Iroquois d’Agmer & dOnneyouth
avoient enfin jugé que le paru le plus fage.pour eux etoit
de°s accommode ° avec les François. Peu de tems apres
nart du Marquis de Tracy, ils envoyèrent a M. d„ Cour-
celles des Députés , qui firent leurs founufiions a ce Gene¬
ral & lui demandèrent des Millionnaires. Il leur obtint
cette grâce , quoiqu’on ne l’eût nas encore faite aux ^ trois ;
très Cantons , & le choix tomba fur les PP. B»msS
Fremin. Le P. Garnier , qu on envoya peu de : tem apres
à leur fecours , étant allé vifiter les Chrétiens dOnnonta eue,
Garakonthié le retint , lui bâtit une Cabanne & une : C
relie & lui fit promettre de ne point fortir de fon Canton ,
qu’il ne fût lui même de retour de Queoec , ou il alknt ^ de¬
mander des Millionnaires pour fon meme Canton , & pour
^ÏTpartit en effet , & au bout de quelques mois , il revint
avec ^es PP. de Carheil & Milet. Un nombre confide-
rable d’Iroquois s’étoient établis à l’extrêm.te Occidenta le du
Lac Ontario , & il y avoit parmi eux plufieurs Chrétiens ,
l’Evêque de Petrée ne crut pas les devoir 'a'ffer fan Pafteu ,
& ,1 leur envoya Meilleurs de Fenelon & Trouve. Am
fi , à la réferve du Canton de 1 fonnonthouan , on travail
loit à rendre Chrétienne toute cette Nation , celle i de tou
le Canada , qu’il importoit le plus de gagner a Jesus-Chr^t ,
& d’affeâionner à la Nation Françqife , tant a caufe de
putation , qu’elle s’étoit acquife par les armes , qua | radon ^ de
fa fituation de fon Pays , qui féparoit de ce cote-la les Co-
lonies Angloifes de la Nouvelle France.
Comme j’ai eu le bonheur de vivre avec la plupart de ce ,
qui ont le plus fouvent travaille à cultiver cette .port
fa Vigne du Seigneur , laquelle , maigre leurs foins , eft d
meuree fauvage dans fon terroir naturel , je me u
informé de quelques-uns deux, de ce qui a/oit emp
grain de la parole de prendre racine parmi un eup ?
ils vantoient beaucoup Fefprit , le bon Nns , oc es
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liy. IX. 399
mens nobles : tous m’ont répondu , que ce qui avoit fait le — -y-rrr
plus grand mal , étoit le voifinage des Anglois & des Hol- 1 66'6'
landois , dont le peu de piété , quoiqu’ils fe portaffent pour
Chrétiens , avoit fait regarder à ces Sauvages le Chriftianif-
me , comme une Religion arbitraire.
On fçait d’ailleurs , que les Iroquois fe croyant allurés
d’être fecourus de leurs Voifins , & d’en tirer tout ce qui leur
étoit néceffaire , toutes les fois que nous les attaquerions , ou
qu’il leur prendrait fantaifie de rompre la paix , ils ne fe font
jamais mis en peine de conferver notre alliance ; d’où il eft
arrivé que nous craignant fort peu , on ne les a jamais trou¬
vé fort dociles fur le fait de la Religion. Les mêmes Million¬
naires ajouraient que la Traitte de l’Eau-de-vie, que les
Barbares faifoient librement dans la Nouvelle York , avoit
auffi toujours été un obfiacle infurmontable à leur couver-
fion. Si nous jugeons avec juftice que des Hérétiques font
coupables d’avoir mis par ce commerce un auffi grand ob-
ftacle au progrès du Chriftianifme ; quels reproches ne
méritent pas des Catholiques , qui par la même voye Font
corrompu parmi des Néophytes , & diffamé parmi les Ido¬
lâtres ?
La Nouvelle France jouiffoit alors d’une paix profonde, Progrès*
quelle goûtoit pour la première fois depuis fon établiffement. la Colonie.
Ceux , qui la gouvernoient , & à qui elle en étoit redevable
en bonne partie , ne négligeoient rien pour en profiter , &
pour faire prendre à cette Colonie une forme foiide , qui la
rendît digne de l’attention , que le Roy continuoit à lui don¬
ner. La meilleure partie du Régiment de Carignan-Salieres
y étoit demeurée ; & après la fin de la guerre des Iroquois ,
prefque tous les Soldats s’y étoient faits Habitans , ayant eu
leui conge a cette condition. On y renvoya même deux ans
api ès fix Compagnies du même Régiment , qui avoient ac¬
compagne M. de Tracy a fon retour en France , tant pour
renforcer les Garnifons des polies les plus importans , que
pour augmenter le nombre des Colons. Pluüeurs de leurs
Officiers avoient obtenu des Terres avec tous les droits de
Seigneurs : ils s établirent prefque tous dans le Pays , s’y
marièrent , & leur poflerité y fubfifle encore. La plûpart
etoient Gentilshommes ; auffi la Nouvelle France a - 1 - elle
plus de Nobleffe ancienne , qu’aucune autre de nos Colonies ,
& peut-être que toutes les autres enfemble. Enfin par tout ’
ladies.
histoire generale
__ _ t i°°ron faifoit des défrichemens , le terrein fe trouvoit bon ;
fou. égaler la vertu , l’.nduftrie , & amour du trava.l des
e„f . tous furent bien-tôt en état de fubfifter , & la - Co¬
lonie enVe multipliant , n’eut pas le chagun e voir a* erer
feTuœmoL&d’tSeldfcet‘te même année , il parut à Québec
Comète; ii Comète * elle étoit en forme de lance , de cou
Tremblement une nouvelle C ’ , n r longue ; une de les
de Terre i Ma- ieur rougeâtre , fort enflammee fis. Ue fuivoit le Soleil
fvvrrèmités étoit cachée fous ihonlon , eue îuivuit
co chant & difparoiffoit , dès que la Lune étoit levee. Le
Peuple crut qu’elle lui avoit annoncé quelques fecouffes d
tremblement cle terre , qui fe firent fenm quelque ms apri es,
& des maladies , qui coururent 1 automne fuiv • ^
fnnd Cffsfelle eftlmimS™" & «""craignit beaucoup
therine de s! Augustin , y mourut , après avoir rempli
tout le Canada de l’odeur de fa faintete ; & le tems n i en¬
core rien diminué de la vénération , qu’on avoit pour elle de
vivant! La MeredeS. Auguftin étoit Fille de Jacqu* S MON
c:eiir <ie Longpré , & naquit le troifteme de May 163 1. a a
lauvem-le -Vicomè , au Diocèfe de Coutance. Le v.nt-qua e
Sa bre 1646. elle prit l'habit de Religion chez les Hofpita-
fleVes de Baveux , où elle avoir déjà une Sœur ainee , fa Grand
Mere une grande Tante , & une Confine Germaine , qui «o
la Fondatrice de çe Couvent. Dès les P^'^’^pe^iffion de
viciât elle demanda avec de glandes 111.1 P, f Supé-
paffer dans la Nouvelle France , & elle 1 obtint de i ^ F ^
rieurs • mais comme on ne la lui avoit donnée , que
r f If 1 f s Parens , elle lui devint inutile alors , par
que foivPere , bien loin de lui accorder fon agrément obtint
un Arrêt du Parlement de Normandie , qui detendqit a
vice de fortir de la Province. , „ , p
vidence permit qu’une Relation de la captivité , des fouff ances
& de la mort du P. dogues, lui tombât entre les mains ; il la lut.
R clip! eu fe
Hofpitaliere
morte en
odeur de fain
tetç.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 401
& cè qui devoit , ce femble , le confirmer dans fes premiers
fentimens au fujet de fa Fille , lui en fit prendre de tout con¬
traires. Je trouve dans dallez bons Mémoires qu’il l’alla voir,
qu’il lui parla en Homme touché & charmé de la réfolution ,
quelle témoignoit , en voulant fe tranfporter dans un Pays , où
il y avoit tant de fatigues à elfuyer , & de fi grands dangers à
courir ; que comme il la vit plus ferme que jamais dans fon défi
fein , il lui dit qu’il donneroit volontiers les mains à ce quelle
fouhaitoit, fi une de fes Sœurs , plus jeune qu’elle , & qui étoit
aufii Novice dans le même Monafiere , confentoit à l’accom¬
pagner ; que la condition fut remplie d’abord , & qu’il fe défifta
auflltôt de fon oppofition ; mais il n’elf point fait mention dans
la Vie imprimée de Catherine de S. Auguftin d’aucune de ces
circonftances , quoiqu’il y foit dit qu’elle avoit deux Sœurs
Religieufes avec elle dans fon Couvent de Bayeux. Il y elf
marqué feulement que M. de Longpré étant tombé malade ,
crut que Dieu le puniiïoit de fon oppofition aux defleins de
Dieu fur fa Fille , & qu’il confentit à fon voyage.
Elle partit donc pour Nantes , où on lui avoit apparemment
dit que l’Embarquement fe devoit faire , & le quatrième de
May , comme elle étoit entrée la veille dans fa dix - feptiéme
année, elle fit fes Vœux entre les mains du P. Vimond , qui
retournoit en Canada avec le nouveau renfort de Mifiionnai-
res , & qui avoit été commis pour recevoir fa Profefiion , dès
qu’elle auroit l’âge néceffaire pour cela. Une Religieufe Hofi
pitaliere du Couvent de Dieppe , & une autre de celui de Van¬
nes , s’étoient aufii rendues avec elle à Nantes , d’où elles fu¬
rent obligées d’aller chercher un Navire à la Rochelle. Elles s’y
embarquèrent le vint-feptiéme de May avec le P. Vimond &
toute fa Trouppe , & le dix-neuviéme d’Août elles arrivèrent
à Quebec , après avoir efîiiyé de très-mauvais tems , & la pelle,
dont la jeune Profefle fut malade à l’extrémité.
Elle fut reçûë comme le méritoient fon courage , & la haute
idée , qu’on avoit déjà de fa vertu ; mais on s’aperçut bientôt
quelle étoit une de ces Ames privilégiées , en qui Dieu fe plaît
à répandre fans mefure tous les tréfors de fa Grâce. La répu¬
tation de fa fainteté ne demeura pas même lontems renfermée
dans l’enceinte de fon Monaftere , & toute la Colonie en fut
bientôt imbue. Il fe paffoit effe&ivement en elle des chofes mer-
veilleufes , que l’innocence de fes mœurs , une ferveur héroï¬
que , qui , malgré fes maladies prefque continuelles , & accom-
Tome I. E e e
1 668*
i 6 6 8.
HISTOIRE generale
caenées des plus vives douleurs , fe portoit à tout ce qu’.l y avoir
ckrplus pénible dans les Exercices propres de fa vocation ; fou
humilité profonde , fon obéiffance aux moindres figues defes
Supérieurs, & fa docilité àfuivreles avis des Directeurs de fa
confidence , ne permettoient point de regarder comme des îllu-
fions d’un cfprit trompe » , , ri
Le feint Evêque de Petrée , qui l’a examinée avec la plus
fcruouleufe attention , & quiavoit lui-même une fcience pra-
doue des voyes les plus fublimes , & le P. Ragueneau , qui fut
lontems chargé de (a conduite , Perfonnage refpectable parfes
travaux Apoffoliques , & par fon expenence dans a direRion ,
l’ont “prouvée en tout , & n’ont point fait difficulté de la regar¬
der comme une de ces Epoufes favorites , qui compofent la plus
précieufe portion du Troupeau de Jesus-Christ. Toutefois
Fa vie écrite par le même P. Ragueneau n’a pas eu une appro¬
bation univerfelle. C’eft que dans la conduite de Dieu a egard
des Ames , à qui il fait part de fes communications les plus in¬
times il y a des Myfteres cachés , qu’il eft inutile , & quelque¬
fois dangereux de dévoiler aux yeux du Public : outre que peu
de Perfonnes font capables de les comprendre Jk
point dans les Livres , mais a 1 Ecole du S. Efpnt , qu on peut
s’en inftruire , ils deviennent fouvent des pierres de fcandale
pour ceux , à qui Dieu n’en a pas donne _1 intelligence. On
Fcauroit trop , félon l’avertiffement du feint Condufteur de 1 o-
bie , publie? les oeuvres, par lefquelles le Seigneur veut .bien
manirefter au Monde fapuiflance & fe bonté ; mais l e R cer-
t nins fecrets , qu’il révélé rarement , & uniquement aux Ames ,
qui il juge à propos d’établir fon Régné d’une façon toute
Ique , qu’il n’eft pas -dinamemeiat p^ant a te
my:
divul
tem
Occupation
«les Million¬
naires parmi
les Iroquois.
[il II II G IL UcIj ^ uiuniuuv y /7 A A
iilmier. Sacmmemum regis abftcondere bonum eft ; opéra au-
n ]5ei rcvekre & confiteri honorificum eft {a). (
Sur la fin de l’été les Tfonnonthouans envoyèrent a Qué¬
bec des Députés , pour prier M. de Courcelles de leur obten r
néral des Millions à leur accorder ■ e . ’ y Ouoiaue
fer le Chriftianifme , il ne lailloit pas a y — ;n,
bien à faire dans leurs Bourgades. N eut-on meme ret q
les apprivoifer , à les accoutumer a vivre avec les François , oc
{a ) Tob. Ii. 7»
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 403
à leur infpirer de l’eftimë pour la Religion Chrétienne * c’étoit 1"I“^ g
beaucoup; mais fai déjà obfervé que par tout il y avoit des
Enfans moribonds à baptifer ; des Efclaves de differentes Na¬
tions , que l’on trouvoit ordinairement plus dociles ; des Ma¬
lades , qui ne peuvent relifter à l’impreflion , que font en eux
les foins empreffés d’une charité inépuifable & délin téreffée. En¬
fin on découvroit de te ms en tems de ces Ames prédeftinées ,
en qui Dieu rend fenlible ce que dit S. Paul, qu’il ne fait ac¬
ception de Perfonne : les plus grands miracles de fa Mifericor-
de s’opérant quelquefois en faveur de ceux , qui femblent de¬
voir attirer tous les foudres de fa Juftice.
Les Agniers avoient toujours été les plus déclarés Ennemis
des Chrétiens : ils étoient les plus fiers & les plus feroces des
Iroquois ; on avoit remarqué en eux de tout tems une ani-
* monté contre la Nation Françoife , qui leur paroiffoit natu¬
relle ; eux feuls jufques-là avoient trempé leurs mains dans le
fang des Miniftres de l’Evangile , & on ne pouvoit douter
qu’une haine plus que barbare de nos SS. Myfteres ne fût en¬
trée pour beaucoup dans ces fureurs , que nous leur avons vû
exercer contre les Pafteurs & le Trouppeau. Ce fut néanmoins
dans ce Canton , que le progrès de l’Evangile fut plus rapide ,
& la récolté plus abondante. On y vit bientôt une Eglife com-
pofée de fervens Néophytes , qui ont depuis fondé ces florif-
fiantes Millions du Sault S. Louis s & de la Montagne 5 fi fé¬
condes en Saints , & dont la Colonie a tiré de fi grands avan¬
tages. Enfin c’eft ce même Canton , qui a donné à la Nou¬
velle France la Genevieve de l’Amérique feptentrionnale , cette
illuftre Catherine Tegahkouita , que le Ciel continue de¬
puis près de foixante & dix ans à rendre célébré par des mira¬
cles d’une autenticité à l’épreuve de la plus fevere critique.
Les Onneyouths étoient alors bien moins dociles , qulees Caradcrc &
Agniers , & les Goyogouins , qui jufques-là avoient paru fi
bien difpofés , répondoient affez mal aux foins , que fe donnoit
le P. Etienne de Carheil , pour en faire des Chrétiens. Du
refte , ils en ufoient affez bien avec lui , & ils rendoient
juftice à la fuperiorité de fes talens , & à l’éminence de fa
vertu. Rien ne fait mieux voir , que les Hommes les plus^
faints , & les plus eftimables par leurs qualités perfonnelles *
ne font dans la main de Dieu , que des inftrumens , dont
il peut fe paffer , & des Serviteurs inutiles , que ce qui eft
arrivé à ce Millionnaire , que j’ai 1 aille à Quebec en 1721.
A
i 6 6 8
?lufieur$
Millions éra-
blies parmi les
Nations Al-
gonquines.
,0, HISTOIRE generale
plein de vigueur & de vivacité. Il avoit facrifié les plus grands
falens qui puiffent faire honneur à un Homme de fa pro-
feffion ; & dPans l’efperance d’un fort pareil à celui de plufieurs
de fes Freres , qui avoient arrofe le Canada de leur fang »
if avoir fait une efpece de violence à fes Supérieurs , pour
obtenir une MiffZ, dont Fobfcurité le mît à l’abrr de i tou¬
te ambition , & ne lui préfentat que des Croix. Il y a tra¬
vaillé infatigablement pendant puis de foixante ans . “par¬
loir les Langues Huronne & Iroquoife avec autant de : faci¬
lité & d’élégance , que fa Langue naturelle. Les François &
les Sauvages s'accordoient à le regarder comme un Sa ,
& un Génie du premier ordre. Il a cependant tait affez peu
de convenons. 11 s’en humilioit devant Dieu ’ &,ce“®
miliation fervoità le fanftifier de plus en plus. lima fouvent
protellé , qu’il adoroit les deffems de la Providence fur lui »
perfuadé qu’il auroit rifqué de fe perdre par les fucces , qu 1
auroit pù fe promettre fur un theatre plus éclatant , & que
cette penfée le confoloit fans peine de la fterihte dun long
& pénible Apoftolat. J’ai crû devoir rapporter cet exemple ,
pour faire comprendre à ceux , qui entrent dans la carrière
Évangélique , qu’ils n’y perdront pas leur tems & leurs pei¬
nes s’ils y deviennent des Saints. ; que la conquête des An e
eft uniquement l’ouvrage de la Grace^ ; que non - ^ ment
les talens naturels , mais les vertus memes les plus fubhmes
n’ont d’efficace pour toucher les coeurs, qu autant que Dieu
veut bien leur en donner ; & qu’ils doivent fe fouvemr lorf-
que leurs travaux font infn.aueux , que ces Efprits Adm.m -
trateurs , qui puifent dans le fein même de la Divinité ce feu
célefte , dont une feule étincelle fuffiroit pour embiafer e
Monde entier du divin amour , & à qui la garde des Koya -
mes & des Particuliers eft fpécialement comnufe , en lont
fouvent réduits à gémir fur l’aveuglement des Infidèles , &.
l’endurciffement des Pécheurs. .
Mais les plus précieux fruits , qu’on recueillit de la paix ,
qui régnoit par tout , furent la decouverte de phdàeurs gran¬
des Contrées , & l’établiffement cie plufieurs Millions par¬
mi les Peuples de la Langue Algonqume. Ces Sauvages ne
craignant plus les courfes des Iroquois , etoient prefque t0“s
revenus dans leurs anciennes demeures ; ce qui obligea les
Miffionnaires à fe féparer, pour n’en laiffer aucune fan Re¬
cours. Heureufement un renfort, qui leur etoit venu der
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 405
ce , les mit en état de fournir à tout. Le P. Dablon & le
P. Marquette allèrent prendre leur pofte au Sault de Sain¬
te Marie , auquel on donna alors ce nom.
Les Saulteurs , qui les y avoient attirés , témoignèrent encore
le même empreffement pour fe faire inftruire , qu ils avoient
marqué il y avoit près de trente ans, & tous vouloient da-
bord recevoir le Baptême.; mais la fuite fit voir qu’on avoit
eu de bonnes raifons , pour ne fe pas rendre a leurs inffan-
ces , où il n’entroit guéres que des vûës d’intérêt. On pro¬
fita néanmoins de leur bonne volonté , pour baptifer tous
les Enfans , qui fe trouvoient en danger de mort , & pour
l’infirudion des Adultes. Un petit nombre fut fidèle à la Grâ¬
ce , qui fe préfentoit à tous ; elle rendit les autres inexcufables
devant Dieu , & juftifia fa Providence.
Vers le même tems le P. Nicolas , que le P. Allouez avoit
mené avec lui à Chagouamigon , conduifit a Quebec des Sau¬
vages , que nous ne connoiffons, que fous le nom de Ne ^
Percei. C’eft une petite Nation Algonquine , où les Hom¬
mes & les Femmes font également dans lufage de fe percer
les narines , pour y fufpendre des grains de porcelaine , &
d’autres femblables bagatelles. Après qu’ils eurent fait leur
Traite , ils retournèrent à Chagouamigon , d ou ils etoient par¬
tis , & où les deux Miffionnaires n’ayant pas dequoi fuffifam-
ment s’occuper , le Pere Allouez alla s établir dans la Baye
du Lac Michigan (cl) : il y travailla beaucoup ; mais les pre¬
mières années , il recueillit allez peu de fruit cie les fatigues.
Cette même année M. Talon yepaffa en France, & fut re¬
levé par M. de Bouteroue , auquel il fut particulièrement
recommandé de modérer fagement la trop grande fe vérité
des ConfefTeurs & de l’Evêque , & de maintenir la bonne in¬
telligence entre tous les Ecclefiaftiques du Pays. Ce dernier
article de fes Inftruftions netoit fondé fur aucune plainte ,
l’union étoit parfaite entre tous les Corps , qui compofoient
le Clergé féculier & régulier ; & rien n edifioit davantage les
Peuples , que ce concert : mais on en avoit fait beaucoup
fur le premier ; & nous verrons bientôt ce qui y avoit donné
lieu , oc le remede , qu’011 apporta à ce prétendu mal.
M. Talon ne quittoit point la Nouvelle France dans le
deffein de n’y plus retourner ; & nous le verrons dans peu
d’années y reprendre fon Emploi. Des affaires de famille de-
[a} Ccft ce qu’on appelle la Baye des Puants,.
i 668.
M. Ta foi?
retourne en.
France.
t
Caractère de
M. de Cour-
celles..
i 668.
Ere&ioti d«
l’Eglife de
Quebec en
Evêché.
167O.
40 6 HISTOIRE generale
mandoient fa préfence à Paris , & il avoit eu quelques fujets
de mécontentement en Canada qui lui faifoient fouhaiter
de s’en éloigner pour un tems. Il eft certain , qu il fe pla
anit à la Cour des maniérés de M. de Courcelles a fon egai .
Te Général, parmi de très-bonnes qualités , qui en ont fait
un des plus accomplis Gouverneurs , qu’ait eu a Nouvelle
France , avoir quelques défauts , dont un des plus marques
Lit de manquer quelquefois d’affivité , & de ne vouloir pas
néanmoins qu’on y fuppleât , lorlque les affaires le deman-
d°MÎ' Talon de fon côté croyoit devoir aller toujours fon
chemin fans lui communiquer bien des chofes , lorfau il
craignoit un retardement préjudiciable au Service de Sa Ma-
jeftég, & au bien de la Colonie. Il paroît encore que M. de
Courcelles n’étoit pas toujours dun commerce aife , & quil
n’approuvoit pas les ménagemens , qu’on fembloit avoir pour
le Clergé contre lequel il s’etoit laiffe un peu prévenir ’
c’eft ce que donne à entendre une Lettre , que M. Colbert
lui écrivit en 1670. car il lui mandoit , quil devoir un 1 peu
dus fouffrir de ceux , avec qui il avoit a vivre ; qu avec le
tems il pourroit reconnoître moins de défauts , & plus de bon¬
nes qualités dans M. de Bouteroue , lequel etoit à la Cour
dans” une grande eftime ; que cet Intendant etoit louable id a- _
voir eu de la déference , & d’avoir marque de la confidera-
tion pour l’Evêque de Petrée , & pour les Jefuites ; & quil
n’y avoir pas lieu de craindre qu’il s’en laiffat gouverner.
7Ce fut cette même année 1670. que 1 affaire de lereft o
de FÉelife de Ouebec en Evêché fut confommee. Ce qui la-
voit fait traîner fifort en longueur , eft qu’il y eut de |ra"*
des conteftations fur la dépendance immédiate du S. Sicge ,
dont le Pape ne voulut point fe relâcher. Cela n empeche pou -
tant pas que l’Evêché de Quebec ne foit en quelque façon uni
au Clergé de France , en la maniéré de celui du Puy , lequel re¬
lève auffi immédiatement de Rome. Le Roy, pour doter le nou-
. Fvêch“ & le Chapitre de la Cathédrale , y fit reunir les deux
M S* rAb&i. f.M.ub.c, & M. d. S. Vïlk, , Sm*m
j. m. de Laval, a encore obtenu depuis la reunion de 1 Ab¬
baye de Benevent partie à l’Evêché , & partie au Chapitre.
Le7 défaut d’argent , pour payer les Bulles , obligea le nouv
Evêque de Quebec à paffer en France , pour demander au Roy
dequoi y fatisfaire ; & il ne put les avoir quen 1674-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 407
Il fe fit auffi alors quelques changemens , par rapport au Gou¬
vernement de Montreal. M. de Maifonneuve ayant fouhai-
té 'de fe retirer, M. de Breton villiers , Supérieur Géné¬
ral du Séminaire de Saint Sulpice , nomma de droit pour le
remplacer M. Perrot, qui avoit époufé la Nièce de M. Ta¬
lon. Ce nouveau Gouverneur jugea que la Commiffion d’un
fimple Particulier ne lui dortnoit pas un cara&ere , qui con¬
vînt à un Officier du Roy , & craignit peut-être que les fer-
vices , qu’il rendroit dans ce pofte , ne lui fuffent pas comp¬
tés. Il demanda donc & obtint des Provifions de Sa Majefté ,
où il étoit expreffément marqué , qu’elles avoient été données
fur la nomination de M. de B reton villiers.
Cependant, autant que M. de Courcelles manquoit d’a£H-
vité , & paroiffoit plein d’ombrages & de difficultés en tout
ce qui concernait les affaires du dedans de la Colonie , au¬
tant avoit-il d’attention & montroit-il de chaleur 3 lorfqu’il
s’agiffoit de la Guerre & des Sauvages. Ainfi , ayant fçu que
les Iroquois avoient envoyé des préfens aux Outaouais , pour
les engager à porter chez eux leurs Pelleteries , dont ils vou¬
laient faire la Traitte avec les Anglais de la Nouvelle York ;
il comprit que , fi ce projet réümfïbit ,, il ruineroit fans ref-
fource le Commerce de la Nouvelle France. Il porta même
plus loin fes vûës , & ne douta point que , fi les Cantons
pouvoient une fois détacher les Nations Septentrionnales de
notre alliance , ils ne recommençaffent bientôt leurs hoftili-
tés , que la feule crainte des Armes Françoifes , jointes avec
celles de nos Alliés , avoit reprimées.
Pour rompre ce coup, il réfolut de fe montrer lui- même
aux Iroquois , & fon voyage eut tout le fuccès , qu’il en
efperoit. Il jugea même à propos de prendre la route du Fleu¬
ve Saint Laurent , laquelle efl extrêmement embarraffée de
Chûtes & de Rapides depuis Fille de Montreal , jufqu’af-
fez près du Lac Ontario , parce qu’il vouloit apprendre à
ces Barbares qu’on pouvoir aller jufques chez eux en Bat-
teaux ; ce qui n’eft nullement pratiquable par la Riviere de
Soreh II efl vrai , que cette Expédition altéra confiderable-
ment fa fanté ; ce qui l’obligea de demander fon rappel en
France , afin , difoit-il , dans fa Lettre au Minifire , que s’il
avoit le bonheur de recouvrer fes forces , il pût aller fe faire
tuer pour le fervice du Roy , comme avoient déjà fait tous
fes Freres.
1670.
Le Gouver¬
neur de Mont¬
real obtient
des Provifions
du Roy.
Voyage de
M. de Cour¬
celles aux Iro¬
quois , & quel
en fut le mo¬
tif.
j
RALE
„ HISTOIRE G E N E __
4° . ■ davantase le M miftere •> par
’aILjc rapport à la ^^''^XdVnoùVeaoTraFrance, enver-
du
tu du Traité de Breda. un - Solidité /dont elle
donner à cette Province u ^ceffaire de la mettre à por-
avoit toujours manqu , • Ouebec. Mais pour bier
1 ' ^ _ I PII Zx/u Seffem du MiniftreP , il fau
t£t çnsïsar æsx*x : »
reprendre les choses de plus haut. partie Mé-
-r SIT'U par Anglois ,
ridionnale de la IMOUv firent alors aucune
d6la manl^ ^rrecoüvre & quoiqu’elle eût été auffi-tôt
tentative pour la îecou > X 1 poUtri„Court , qui y
abandonnée , qu'envah e & je M. de K ?onne
fit un voyage 1 annee fuivante , ny ^ei ^
en état de lut faire obftacle , 1 avon vomu y ljez
1. .1.“ ruinés , & 1.
tranquilles le ^ chagnn d fuf nouveaux frais à rebâtir le
crainte que , s 1 reco Ç encore pen déloger ,
S.Rq7iUûttt»ps du S'y fortifier , lu por.ure». . y
'T ’JlufrSuu. année. . «
Cour du Londres fur eu^beuuPav.,Bru[jge en avoi[ : m[ pré-
nomme la loui , y comma • e aue e vais dire,
va avec beaucoup de gloire de la manière , que ]
Son Pere s’étant trouvé à Londres pendant le ^ge
fru\ noiir Quelle affaire , y avoit epuiuc ,
Belle aaion Son Pere s’étant trouve a Londi es époufé une
du Sieur delà Rochelle , je ne fçai pour q Lie ’ 7 & en ïaveur de
Fille d’Honneur de a Reme d Ange erre , £ « la Jar.
O. «•»!«.. >™“ “S'nrtfdS . .. Cour dus «tOTr
retiere. Soit quil eu = P"? £ fok e fa nouvelle digf
mens au préjudice de Ion ’ S , • qu’fi promit au
té les lui euffent fait prendie , AnploisenpoffelTion
Roy de la Grande-Bretage de mettre les Anglois en pou ^
J
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv.*IX. 409
Poffce , que fon Fis occupoit clans l’Acadie , 8c que fur cette
affûrance on lui donna deux Navires de guerre , fur lefquels
il s’embarqua avec fa nouvelle Epoufe.
Arrivé à la vûë du Cap de Sable , il fe lit débarquer, 8c
alla feul trouver fon Fils , auquel il fit un expofé magnifi¬
que de fon crédit à la Cdur de Londres , 8c des avantages ,
qu’il avoit lieu de s’en promettre. Il lui ajouta qu’il ne te¬
nait qu’à lui de s’en procurer d’auffi confldérables ; qu’il lui
apportoit le Collier de la Jarretière ; 8c qu’il avoit pouvoir de
le confirmer dans fon Gouvernement , s’il vouloir fe décla¬
rer pour Sa Majeflé Britannique. Le jeune Commandant fut
également furpris 8c choqué de ce Difcours , 8c déclara net¬
tement à fon Pere , qu’il s’étoit abufé , s’il l’avoit cru capable
de livrer fa Place aux Ennemis de l’Etat ; qu’il la conferve-
roit au Ro f fon Maître , tant qu’il auroit un foufle de vie ;
qu’il eflimoit beaucoup l’honneur , que lui vouloit faire le Roy
d’Angleterre , mais qu’il ne l’acheteroit pas au prix d’une tra-
hifon ; que le Prince , qu’il fervoit , étoit allez puiffant pour
le récompenfer de maniéré à ne lui pas donner lieu de regret¬
ter les offres , qu’on lui faifoit ; 8c qu’en tout cas fa fidélité
lui tiendroit lieu de récompenfe.
Le Pere ayant reçu cette réponfe , à laquelle il ne s’étoit
pas attendu , retourna à fon bord, d’où h écrivit le lende-
demain à fon Fils dans les termes les plus tendres 8c les plus
preffans ; mais cette Lettre ne produifit encore rien. Enfin
il lui fit dire qu’il étoit en état d’emporter par la force ce
qu’il n’avoit pu obtenir par fes prières ; que quand il auroit
débarqué fes Trouppes , il ne feroit plus tems pour lui de fe
repentir d’avoir rejetté les avantages , qu’il lui offrait , & qu’il
lui confeilloit comme fon Pere , de ne pas le contraindre à le
traiter en Ennemi.
Ces menaces furent auffi inutiles , que les follicitations 8c
les promeffes l’avoient été. La Tour le Pere en voulut venir
à l’execution ; 8c les Anglois ayant fait leurs approches , le
Commandant fe défendit fi bien , qu’au bout de deux jours ,
le Général Anglois , qui n’avoit pas compté fur la moindre
refiffance , 8c qui avoit déjà perdu plufieurs de fes meilleurs
Soldats , ne jugea point à propos de s’opiniâtrer davanta¬
ge à ce Siège : il le déclara à la Tour le Pere 5 qui fe
trouva fort embarraflé. Il n’ofoit retourner en Angleterre ,
beaucoup moins en France ; 8c le feul parti , qui lui reliât
Tome I. F f f
4I0 histoire generale
—7—“ à prendre , étoit de recourir à la clemence de fon f ils.
67 11 s’en ouvrit à fon Epoufe , & lui dit qu il s etoit tenu af¬
fûté de la rendre heureufe en Amérique ; mais que puilque
fa mauvaife fortune avoit renverfé fes projets , il ne vouloir
pas exiger d’elle qu’elle y vécut malheureufe , & cm il lut
laiffoit une liberté entière de retourner dans fa Famille. La
Dame lui répondit qu’elle ne l’avoit point epoufe pour la-
bandonner ; que quelque part , où il voudroit la mener , &
en quelque fituation , qu’il fe trouvât, elle feroit toujours fe
Compagne fidèle , & mettroit tout fon bonheur a adoucir fes
chagrins. La Tour charmé & attendri d une fi grande 8e“®*
rofité fit prier fon Fils de fouffnr qu il demeurât en Acadie..
Le jeune Homme lui fit réponfe quil ne vouloir pas lex-
pofer à porter fa tête fur un échafaut en Angleterre ; quil
lui donneroit volontiers un afyle ; mais quil ne poux oit per¬
mettre , ni à lui , ni à fa Femme d’entrer clans fon Fort :
qu’au refie il leur engageoit fa parole de ne les laifTer man¬
quer de rien. La condition parut un peu dure, mais il fal¬
lut s’y foûmettre. Avec la permiffion du General Anglois,
les deux Epoux débarquèrent avec tous leurs effets , deux
Valets & deux Femmes de chambre , &les deux Navires
reprirent la route d’Angleterre. La Tour fit conftruire a fon
Pere une Maifon propre à quelque diflance de fon fort fur
un terreia fertile , & dans une fituation agréable , &£ prit loin
de leur entretien.. Le Sieur Denys rapporte dans fa Defcripuon
de l’Amérique Septentrionnale qu’il les y rencontra en 163.5 . cl
qu’ils étoient affez bien établis. , , . j-
Partage des Tout ce que les Anglois nous avoient enleve oaus ea i*
Provinces, qui & fu r la CÔ£e vojfme pendant & avant la guerre de la -Ko-
«ouver™ ' cheik , ayant. été reftitué en 163 r. comme je 1 ar marque plus
ment de l’A- }laut tOLlte cette partie de la Nouvelle France lut paitage .
^ - trois Provinces , dont le Gouvernement & la propriété furent
1 6 47-7 o- accordés au Commandeur de Razilly , au jeune la four, «
à M. Denys. Le premier eue pour fon lot le Port Royal ,
tout ce qui eft au Sud jufqu’à la Nouvelle Angeture ,
coud eut l’Acadie proprement dite , depuis, le l ort Royal jui-
quaCamceaux; & le troifieme eut la Cote nenta e
nada depuis Camceaux jufquà Gafpe. Il paroit cependant m
le premier eut d’abord droit fur toute 1 Acadie , mais qu ^
tommoda avec M. de la Tour , & il eft certain qu 1 ■lt.un , '
bliffement dans le Port de la Heve , qui etoit , 6c qui tut ae-
DE LANOUVELLE FRANCE. Liv.îX. 411
puis dans le partage de celui-ci , qui de fon côté fit la même
chofe dans la Riviere de S. Jean. Il y a bien de l’apparence
que ces Meffieurs firent entr’eux un échange à l’amiable de
leurs Domaines , ou du moins d’une partie ; car le Fort de Pen-
tagoet , qui avoit été bâti parla Tour avant la guerre , refia
au Commandeur , pendant la vie duquel la bonne intelligence
ne reçut aucune atteinte entre les trois Gouverneurs.
. Après la mort de M. de Razilly M. TAunay de Charnisé
entra dans fes droits par un accommodement , qu’il fit avec les
Freres du défunt , & obtint en 1 647. des Provifions de Gouver¬
neur de FAcadie, ce qui ne devoit apparemment s’entendre, que
de cette partie de la prefqu’Ifle , qui portoit plus proprement le
nom d’Acadie , comme je Fai déjà remarqué plufieurs fois. La
première chofe , qu’il fit en prenant poffefîion de fon Gouver¬
nement , ce fut d’abandonner la Héve , qui efl fans contredit
le meilleur Port & le meilleur terrein de tout le Pays. Il en
tranfplanta tous les Habitans au Port Royal , où il commença
un grand EtablifTement.
Mais foit que le Port Royal appartînt à M. de la Tour ,
en vertu du Traité d’échange , qu’il avoit fait avec le Com¬
mandeur de Razilly , ou que les deux Gouverneurs fuffent trop
voifins pour demeurer lontems amis , la méfintelligence fe mit
bientôt entr’eux , & ils ne tardèrent pas à en venir aux armes.
Après quelques hoflilités de peu d’importance , Charnifé ayant
fçu que la Tour étoit forti de fon fort de S. Jean avec la
meilleure partie de fa Garnifon , crut l’occafion favorable
pour s en rendre le maître , &'y marcha avec toutes fes
Trouppes.
Mac lame de la Tour y étoit reliée , & quoique furprife avec
un petit nombre de Soldats , elle refolut de fe défendre jufqu’à
1 extrémité ; ce qu’elle fit avec tant de courage pendant trois
jours , quelle obligea les Afîiegeans à s’éloigner; mais le qua¬
trième jour , qui étoit le Dimanche de Pâques , elle fut trahie
par un Suiffe , qui étoit en faélion , & que M. de Charnifé
avoit trouve le moyen de corrompre. Elle ne fe crut pourtant
pas encore fans refïburce : quand elle apprit que l’Ennemi efca-
ladoit la muraille , elle s’y montra pour la défendre à la tête de
fa petite Garnifon.
Charnifé , qui s’imagina que cette Garnifon étoit plus forte ,
qu’il ne Favoit cru d’abord , & qui craignit de recevoir un
affront , propofa à la Dame de la recevoir à compofition ? &
F f f ij
1 6jo.‘
Guerre civile
entre les Frans
çois.
A£tio<n indi¬
gne de M. de
Charnifé,
\6j o.
Suite des di
■vihons de l’A
eadk.
.I2i histoire generale
elle y confentit pour fauver lavie à ce peu de braves Gen^,
nui Tavoient fi bien fecondee ; mais Charmfe ne tut pas p+u
?ôt entré dans le Fort , qu’il eut honte d avoir capitule a\ee
une Femme qui ne lui avoir oppofé que fon çourage , & une
poignée d’Hommes ramaffés ; il te plaignit qu on il avon trom-
né & il fe crut en droit de ne garder aucun des articles de la
, 6. f** •«» ‘“O™ d' f tZ' «î c»
à l’exception d’un feul , auquel il n accorda la vie , qua ‘
dition qu’il feroitle Bourreau de tous les autres , & oblig
Prifonniere d’affifter à l’exécution la corde au -cou- «
M Denvs , qui rapporte ce tragique evenement , n en mar
'• i i Jtt 1ec fuites ; il fe contente de nous apprendre
qu’après la mort de M. de Charnifé , un nommé le Borgne ,
de la Rochelle, obtint un Arrêt du Parlement de Paris , en ver-
«» P?Mo„ ae tout ce qui -JJ-
dans FAcadie à ce Gentilhomme , dont d ytoit Creancier
,e trouve dans un autre Mémoire que M. de la Tour, qu
avoir apparemment perdu fa Femme peu de tems apres le
heur , ci ont je viens "de parler , époufa
mi • nue non-feulement il redevint le Maître du b ort de la mvie
re de\ Jean , mais qu’il poffeda encore quelque tems celui d^
Port Royal , où fa fécondé r emme , qui lui fui vécut ,
très-bel Etabliffement plufieurs années apres.
I e Sieur le Borgne de fon côté n’oubhoit rien pour taire va
pour Seigneur de l’Acadie II entreprit ^ de chafe Me
fieurs deïa Tour &Denys de leurs Domaines , &
parce dernier. Ayant fçu qu’il etoit arrive allfle i Roya e ave
une Commiffion de la Compagnie des Udes Occ^en , p
y établir des Habitans , il y envoya fou* ^“fichè¬
rent ordre de l’enlever. Celui , qui comma avoir mis
ment , apprit en débarquant que M. Denys ’ ^P, étoit
toutfon Monde à terre pour travailler a un défi icne
allé vifiter le Port de Sainte Anne ; il crut l occafio *
ble pour détruire la nouvelle Habitation , fa ns i tq
il furprit les Travailleurs , qui ne croyoïent pas avoir
à des Ennemis , les fit tous Prifonmers , & s.®nï"^d"„auantè
qui les avoit amenés , & dont la charge etoit eftimee c q
II envoya enfuitt vint-cinq Hommes bien ««e
r % f
■mm
DE LA NOUVEI.L# FRANCE. Liv. IX. 415
& leur commanda de lui dreffer une embufcade fur le chemin.
Denys , qui ne fe doutoit de rien , fe trouva invefti , lorsqu’il y
- penfoit le moins , & conduit au Port Royal , où il fut enfer¬
mé comme un Criminel dans un cachot, les fers aux pieds. Il
avoit encore dans rifle Royale un Fort , qu’on appelloit le
Fort S . Pierre . L’année fuivante le Borgne s’en rendit le Maî¬
tre , & y mit un Commandant , fur lequel il pouvoit compter.
Il ne s’en tint pas là. Ceux de fes Gens, qui avoient enlevé
-M. Denys dans rifle Royale * p allant parla Héve , qui depuis
que M. de Charnifé s’en étoit retiré , s’étoit allez bien rétablie ,
mirent par fon ordre le feu à tous les Çâtimens , fans épargner
même la Chapelle , & cette perte fut eftimée cent mille francs.
Quelque tems après le Sieur Denys récouvra fa liberté , &
p alfa en France pour y porter fes plaintes au Roy & à la Com¬
pagnie ; elles furent écoutées , & il obtint de la Compagnie
une nouvelle Commifiîon , qui fut confirmée par des Lettres
Patentes de Sa Majefié , & qui le rétablit dans tous fes droits.
Muni de ces pièces il s’embarqua en 1654. & à fon arrivée en
l’Ifle Royale , celui , qui commandoit dans le Fort S. Pierre ,
fui remit cette Place.
Le Borgne apprit cette nouvelle dans le tems , qu’il fe difpô-
foit àfurprendre M. delà Tour dans la Riviere S. Jean, fous
prétexte de lui porter des vivres , dont il fçavoit que ce Gen¬
tilhomme manquoit abfolument. Il jugea plus à propos de re¬
mettre ce deflein à un autre tems , quoiqu’il fût déjà en marche ,
& retourna au Port Royal. Son projet étoit d’enlever tous les
papiers de celui , qui étoit venu là pour lui lignifier la C0111-
miffion de M. Denys & les ordres de Sa Majefié , afin d’aller
enfuite tomber fur ce Gouverneur , qu’il efperoit trouver fans
aucune défiance. Il n’étoit pas encore arrivé au Port Royal ,
que les Anglois parurent à la vûë du Fort de la Riviere Saint
Jean, & fommerent M. de la Tour de le leur remettre entre
les mains.
Le défaut de vivres l’obligea de fe rendre , & de là les En¬
nemis paflerent au Port Royal , où ils firent au Sieur le Bor-
fne la même fommation , qu’ils venoient de faire à M. de la
our. Il y répondit d’abord a fiez fierement ; & les Anglois
ayant mis trois cent Hommes à terre pour l’attaquer , il en¬
voya contre eux fon Sergent avec une partie de fon Monde.
On en vint aux mains , & les François combattirent avec
affez de valeur ; mais le Sergent ayant été tué , tous fes Sol-
f
1654-70.
Les Angloîg
s’emparent de
nouveau de
l’Acadie.
1654-70.
Leur mauvaife
foy.
. H I S T O I R É GENERALE.
dats prirent la fuite, & regagnèrent le Fort en défordre.
Le Borgne fe trouva alors très embarraffe ; il lui reftoit
encore cent cinquante Hommes , en comptant les Habitans ,
mais il ny en avoit pas un feul , qui fût capable de comman¬
dement ; lui -même ne fçavoit pas la guerre , quil navoit
jamais faite : ainfi avec une affez bonne Garnifon & des pro¬
visions de guerre & de bouche en abondance dans une Place,
où l’Ennemi nétoit pas en état de le forcer , il jugea a propos
de fe rendre par compofition. Les Anglois lui promirent beau¬
coup & fe mocquerent enfuite de lui , ne fe cioyant pas ,
difoient-ils , obligés de tenir parole à des Gens , qui avoient
montré h peu de courage. c • t
Pentagoët eut bientôt le même fort que le Fort Saint Jean ,
& le Port Royal ; ainfi toute l’Acadie & la partie Meridion-
nale de la Nouvelle France fe trouvèrent pour la troiûeme
fois au pouvoir des Anglois. Quelque-tems apres le ,u
Sieur le Borgne revint en Acadie avec un Marchand de la
Rochelle , nommé Guilbaut , qu’il s’etoit affocie , entra dans
le Port de la Heve , & y conftruifit un Fort de pieux. Les
Anglois n’en furent pas iitôt informes , qu ils marchèrent a la
Heve , pour en déloger les François. A leur approche e Bor¬
gne , aulîi peu guerrier que fon Pere , fe fauva dans le Bo s
avec quelques-uns des fiens ; ce qui nempecha point Guil¬
baut de fs défendre avec vigueur. Piufieurs Anglois furent
tués aux premières attaques , & leur Commandant fut de ce
nombre , ce qui obligea les autres à s’éloigner.
Ils fe préparoient cependant à revenir a la charge , lorfque
Guilbaut , qui n’avoit à la Heve d’autre intérêt , que celui de
fes effets , leur fit propofer un accommodement, ils I accep- .
terent ; Guilbaut convint de leur remettre le Fort , a condi¬
tion que tout ce qui appartenait à lui & a fes gens , leur -
roit rendu ; ce qui fut exécuté. Il pretendoit bien que fon
Affocié ferait compris dans ce Traite ; mais les Anglois ;n ayant
point trouvé le Borgne dans fon Fort , s obftinerent a le -
clure de la capitulation ; & comme la faim le chaüa bien¬
tôt de fa retraite , il fut contraint de fe remettre entre les mains
des Vainqueurs , qui le menèrent Prifonmer a Bafton.
Ils l’y retinrent affez lontems , apres quoi ils le délivrèrent,
& firent avec lui un Traité , qui ne fut pas trop; bier 10 b er-
vé de leur part ; ce qui caufa bien des hofti ltes , 1
récit n’a rien de fort int.ereffant ? & nie rpeneroit îrop . ,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 415
Il fuffit (te fçavoir que les nouvelles Conquêtes des Anglois
leur reffer eut jufquau Traité de Breda , dont je parlerai bien¬
tôt. Le Sieur Denys délivré des appréhendons , que lui avoit
caufé le Borgne le Pere , avoit profité de cet intervalle de
calme , pour réparer une* partie de fes pertes, •& pour fe for¬
tifier contre les^ Anglois , dont il ne devoit pas s’attendre d’ê¬
tre plus épargné que fes deux Collègues.
Mais cet intervalle fut bien court ; & quoique les Enne¬
mis de 1 Etat n enflent point penfé à l’inquiéter , fa condition
nen fut pas plus heurèufe. Il étoit affez tranquille dans un
Fort , qu il avoit conftruit à Chedabouctou. fur la Côte Orien¬
tale , iorfqu un nomme la Giraudiere , qui, fur un faux
expofé , avoit obtenu par furprife de la Compagnie des Indes
Occidentales une Conceflion du Port de Camceaux , arriva
dans ce Port , ou il fçavoit que M. Denys attendoit incef-
famment un Navire charge de vivres. Ce Bâtiment arriva
en effet , & la Giraudiere fignifia fa Commiflion au Capitai¬
ne , qui le commandoit , lui fit defenfe de rien délivrer à
M. Denys , & envoya fommer ce Gouverneur de lui remet¬
tre Chedabou&ou , avec tout ce qu’il poffedoit jufquau Cap
Saint Louis , comme étant compris dans fa Conceflion.
M. Denys lui fit reponfe que la Compagnie avoit été fur¬
prife , & qu’il n’étoit pas vraifemblable quelle eût donné
à un autre ce quelle lui avoit déjà vendu. La Giraudiere
répliqua qu il etoit muni d’une Commiflion en bonne forme ,
& que s’il ne vouloir pas lui rendre fon Fort de bonne grâ¬
ce , il avoit dequoi l’y forcer. En même-tems fix-vint Hom¬
mes , qui etôient avec le Sieur Denys , fçachant que fon Na¬
vire avoit été fai fl , & fe voyant par-là à la veille de man¬
quer de vivres, lui demandèrent leur congé. Il leur dit qu’il
ne prétendoit pas les retenir par force ; mais il les engagea
par fes bonnes maniérés à finir les ouvrages , qu’ils avoient
commences ; & quand il fe vit en état de ne pas craindre la
Giraudiere , il les fit tranfporter à Me du Cap Breton , à l’ex¬
ception de douze , qui ne voulurent point abandonner leur
Dès que la Giraudiere fut inffruit de leur départ , il fe mit
en devoir de -réduire Chedabou&ou ; mais il fut bien fur pris
dy trouver le Gouverneur bien retranché, avec du Canon
& des Pierriers. Il ne laiffa pas de le fommer de nouveau de;
lux livrer fa Place , & il. lui fit dire qu’il ne feroit pas fage-
%
1654-70.
Aventures
du Sieur De¬
nys.
r HISTOIRE GENERALE
_ - mont *r rifquer fa vk pou, h ' P^R gp'L”
,654-70. &S&- lu,™ 1»
cm d nlqueroit p us dg fe cau& combattrait en fa
défendant ,&q ) joint par fon Frere nom-
- - ba5 ’ foi-
mé de Bay , relta trois ^Vrir miêlque endroit foi-
je™ •> »■«
_ _ «nint trouve . il îe retira. _ . . n _
\ J j_ ^ Wj H ^ A, •
re ou mai.te du tort « o*' “ „„tlqucs contef-
tâtions fut j sjim p,,,., au Sieur Denys , qui
g&TJiWî
”m Denis, confenn. t la Compagnie déclara,»*
S'Ü’f.XeE'f le dédon,
tjx£
pretulre ™Tde’ cÔ«“d£l>“ S ce fui un grand «»lh™g£
cette partie de la Nouvelle France qui n a jamais eu un Com
mandant plus capable . gus JTP aux François
*3M es "IA Lï avoieftt conquis fur eux dans lAmen-
reftituées à la tout ce que 6 . mais cette reftitution ne fut execu
r tance P.n le rique Septentrionnale j. ™ . T ■„ i cette année le Che-
Traité de Bre- t£e quen 1670. Le fepueme dw - Grande-
*■ valieV Temple muni des Pouvoirs, du Roy de la gr
t - valier Temple muni des Pouvoirs. ;>? Grand
i667-7°- Bretagne , & Hubert d’Andigny , Chevalier de t.
Fontaine , Plénipotentiaire du Roy 1 res - Chrétien , «P
I
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 4 17
rent à Barton un Reglement , qui affûroit à la France tout
le Pays , qui s’étend depuis Pentagoët jufqua Fille de Cap
Breton inclufivement.
Il eft vrai , que comme le tout avoit été compris dans le
Traité fous le nom d’Acadie , fous lequel on confondoit quel¬
quefois les Côtes voifines , le Chevalier Temple refufa de
rendre Pentagoët , où il commandoit , prétendant que cette
Place n’étoit point de l’Acadie : il difoit vrai ; mais comme
les deux Rois vivoient alors dans une très - bonne intelligen¬
ce , il fut obligé dans la fuite de remettre au Chevalier de
Grand-Fontaine , un Porte , qui , de l’aveu même des Anglois ,
lui valoit plus de quatre-vint mille livres de rente (a). La Com-
mirtion , en vertu de laquelle le Gouverneur François fe mit en
poflertion de cette Place, eft du cinquième de Mars 1670. &
marque les bornes de fon Gouvernement depuis le Quinibe-
qui jufqu’au Fleuve Saint Laurent , conformément à la prife
de poflertion faite en 1630. au nom du Roy Louis XIII. par
le Commandeur de Razilly.
Les affaires étant ainrt réglées par rapport à l’Acadie , &
aux Provinces , qui y confinent , & la tour de France ayant
compris que , pour les mettre à l’abri d’un'e nouvelle inva-
flou , il falloir leur faciliter les fecours , quelles pouvoient
tirer de Quebec , il étoit néceffaire de pratiquer un che¬
min commode entre cette Capitale & le Port Royal , ou
Pentagoët ; car on fe borna .d’abord au rétabliffement de
ces deux Portes ; M. de Courcelles , dans la même Lettre
qu’il écrivit à M. Colbert , pour demander fon rappel , man¬
da à ce Minirtre que , fans fes incommodités , il auroit dé¬
jà exécuté par lui-même ce projet.
A fon defaut M. Colbert , qui en avoit fort à cœur l’exé¬
cution , envoya M. Patoulet Commiflaire de Marine en
Acadie , avec ordre d’en vifiter tous les Portes , & de lui en
rendre un compte exach La vifite fut faite avec tout le foin
poflible ; mais le chemin projetté ne fe fit point , & l’Aca¬
die eft toujours demeurée depuis dans le même état de lan¬
gueur , d’où il paroiffoit qu’on étoit réfolu de la tirer. Les
Anglois ont continué d’y faire une abondante pêche , qui a
(a) Il y a bietj de l’apparence que le
Gouvernement de Pentagoët, dont le Che¬
valier Temple étoit en pofTeflion à la paix de
Breda , comprenoit aufli l’Acadie & Tes Pc-
Tome I.
ches , puifqu’on allure que des feuls droits,
qu’il tiroit des Anglois , il faifoic tous les ans
quatre-vint mille livres.
Ggg
1670.
g histoire generale
enrichi la Nouvelle Angleterre , & cela dans le tems , ou
Ton demandoit en France de quelle utilité pouvoir etre cette
Province? Ce n’étoit pourtant là que la moindre pâme des
_ _ _ nrnmrer au Royaume.
Affaires
Terre-Neuve
rruvmec ; - A d
avantages , quelle pouvoir procurer au Royaume. ,
de L’Iile de Terre-Neuve n avoitpas- été moins négligée , que
ve. o _ 1 . r> ^ » 1 1 1 1 ^ *» 1 1 ÿ* p rl F fl 0 "1 1 liîc S 1 U 1
I erre-rseuve iuvuu pas 1 0 P
VA radie & le Roy voulut auffi prendre de juftes mefures pour
s’y affûrer le Port de Plaifance , & toute la Cote Meridion-
nale , où ce Port eft fitué. En parlant de cette Iile , ou les
François dès l’année 1504. avoient un EtabMément , vers Jte
Cap de Rare , nous en femmes demeures au Voyage du C
valL Humbert Humfrey , qui en 1583. en avoir pris poM-
fion pour la Reine Elizabeth d’Angleterrc & pour lui-mfr
me , cette Princeffe lui en ayant accorde le Dorname. ^
Navire , qui le reportoit en Europe, ayant échoué fur llfle
de Sable ,qoù quelques-uns ont affûré fpf ^urs
fes protêts & fes prétentions périrent avec lui , & les Fecheurs
François continuèrent leurs pêches en Terre - Neuve , com¬
me ils faifoient depuis près d’un fiecle , fans fonger a y
f°Enei6o8. Jean Guyas de Bristol reprit le deffein du
Chevalier Humfrey : U fit dans la Baye de la Conception un
Etabliffement , qui fut dans la fuite tranfporte a Saint Jea ,
& les Anelois en ont dans la fuite forme plulieurs au
fur la même Côte Orientale , depuis- la Baye de la Concep¬
tion jufqu’au Cap de Raze : mais au-dela on n a Rtnais re
connu le droit , que cette Nation pretendoit avoir fur
llfle , ni en vertu de la première decouverte de Jean «
Sebaftien Cabot , fous Henry VIL ni en vertu de la pn
poffefiion de Gilbert Humfrey , fous celui d Elizabeth , d au
tant plus que l’une & l’autre étoient conteftees par les Ba
ques! les Bretons , & les Normands , pour les raifons que , a.
“Infin les1 François commencèrent à fe fixer dans
de Plaifance , où ils trouvèrent un Port commode , & u
plus beaux , que la Nature ait formés dans 1 Amérique S®
tentrionnale. Il eft vrai que ce n eft quun ort , q
n’y peut avoir des chofes les plus neceffaires a la vie , q
ce qu’on y fait venir d’ailleurs ; mais comme la Peche d® 1
morue y eft extrêmement abondante , bt qu on y troy
tes fortes de facilités pour faire fecher le poiffon , ce
fidération feule devoit 3 ce femble , fuflire a ceux ? qui
'•'* Jllades/r
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Cap 1
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DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 419
chargés d’établir F Acadie , pour y apporter tous leurs foins \6jo,
à la culture des terres , qui font excellentes ; ces deux Co¬
lonies pouvant aifément fe donner la main , & par leur mu¬
tuelle correfpondance fe mettre en état de fubftfter & de fe
défendre , fans dépendre des fecours de France & de Que-
bec , qui leur ont prefque toujours manqué au befoin.
La Baye de Plaifance a dix-huit lieues de profondeur , & Defcription
le Port eft à fon extrémité. L’entrée de la Baye eft un Gou- de la Baye de
let , où il n’y a pâlfage , que pour un Navire ; mais les plus plalfance*
grands Bâtimens y peuvent paffer , & le Port en peut con¬
tenir cent cinquante , qui y font à couvert de tous les vents ,
& y peuvent faire la pêche aufti tranquillement, que dans une
Puviere. Le Goulet eft précédé d’une Rade , qui a une lieue
& demie de tendue ; mais qui n’eft pas alfez à l’abri des vents
de Nord - Nord - Oueft , iefquels fouflent fouvent fur cette
Côte , & font prefque toujours impétueux. Ce qui rend le
paffage du Goulet fi étroit , ce font des Rochers dangereux ,
qu’il faut laiffer fur la droite , & au deffus defquels nous avions
conftruit le Fort de Saint Louis. Les Courans y font vio-
lens , & palfent fur les Rochers ; de forte qu’on ne peut les
remonter qu’à la Touë (a) , par le moyen d’une Aulfiere ,
qu’on porte fur la grande Greve (b).
Le Fort étoit au bas d’une Montagne , qui a un peu plus
de ftx-vint pieds de haut , & fur laquelle on avoit bâti une
Redoute. La grande Greve, qui a une lieue d’étendue, eft
entre deux autres Montagnes fort roides , dont Fune , qui eft
au Sud-Sud-Oueft , eft féparée de la Greve par un petit Ruif-
feau , lequel fort du Goulet , & forme une efpece de Lac ,
qu’on appelle la petite Baye . On y pêche quantité de Saul-
mons. La grande Greve peut contenir en même-tems la char¬
ge de foixante Vaiffeaux. Il y en a une plus petite à l’ufage
des Habitans , qui font leur pêche le long des terres , & fur
toutes les deux on peut faire fécher le poilfon fans rien crain¬
dre. Ce font des Plages couvertes de Galots , ou pierres
plattes.
Le long du petit Ruiffeau , dont je viens de parler , on dref- Du petit
fa dans la fuite avec des feuillages & des branches de Sapins , Nord*
aller. Ces cordes font à trois tourons , & fe
nomment Aujjteres.
(b ) On dit Grève en Amérique , le mot
François eft Grave.
Ggg jj
(a) Toucr , ou monter à la touë , c’eft faire
avancer un Navire , en tirant fur des cordes
attachées à une ancre , qu’on porte avec la
Chalouppe bien avant du côté , où l’on veut
N»
xjïqTOIRE generale
410 H 1 ? r u flPc ou on nomme Echafauts , où l’on
— - - des maniérés de Cabannes , q tems de pluye. Les
1 0 7 °* faifoit a u fii fécher la morne . proches , & formoient
Maifons des Habitai* » etcent affez Le Fort
une Rue , en quoi confiftoit g j Partie Méridion-
de S. Louis nous rendort Maîtres de to font vis-
nale de Terre-Neuve , & des fs de \2_biJ qu'au Cha-
à-vis , & où 1 y avoir des Hab de foVôte. Les
peau rouge , & :«» T“kjues „ plus loin en un lieu , qu’on
Maloins laifoient leur 1 eci F 1 n nw petit , que dans
a nommé’le Pau Nord. Le de
la Baye de Plaifance , mais plus propre pour
la Méditerranée & du Levant. s’accordent affez
DU climat ae Les Auteurs qui ont parle de > cetteU^ , ^ prefque tQU.
cette Ifle,8é de \ entr’eux : les uns aifure q * que les Campa-
gnes y font fleuries , &- coi fe fruit a un goût
Sn’y fo nt p r efcIut‘Te f ^ fo„° bon nés , qu’on y trouve des
merveilleux, que les eat. y rans culture une efpece
V allons très - fertiles , & <1“ ±Jf cibler y fo.fonne de
de fegle , qui eft fort noutnffant que le Canboux ?
ÆsÆ E O^Renards , les Chevreuils,
me un Pays affreux , & difent quecectelfle nett,P. , H. J ^
tout qu’on Rocher couvert de moulie . .J framboifes ;
belle îaifon on y cueille ^^Tles Bois n’y font
mais quelle ne Por“ ^VTonenexcepte celle des Per-
bons à rien , & que la Chaffe , impratiquable , à caufe
drix & des Oifeaux de Rmeres , je = ^£,Vert ; que les
des Montagnes efcarpe-S , dor > iufaues-là & que ra-
broüillards du Grand Banc fe répandent
rement on y jouit d un beau > ^ Poiffon fur les Gré -
fes ardeurs font mtolerables & brûlent le i ^
ves. Enfin que ftx mois de 1 an y diftinguer
Pour concilier ces deux fentimens , .1 pa* les
les difFérens Quartiers de Hile, q ^ pEft n’ont
Européens. Il eft vrai que les Cotes J Sud ^ ^
pas ordinairement un Ciel bien pu 5 j ^ ne un brouiL
cela vient du voifinage du Gran ai \ des Quartiers du
lard prefqu’éternel. Il n en eft pas de meme des partie
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 421 _ _ _
Nord & de l’Ouefl , où l’hyver & l’été font fort fer e ins. Pour 1670.
ce qui efl de l’intérieur de Fille , on n’en fçauroit parler , que
par conjeéfure ; car il efl prefqu’impoffible d’y pénétrer bien
avant , & je n’ai jamais oüi dire que Perfonne l’ait encore fait.
Parmi ceux , qui y ont le plus avancé , il fe peut faire que quel¬
ques-uns ayent aperçu de beaux Vallons , & que les autres n’y
ayent découverts que des P^ochers efcarpés. Il n’efl point de
Montagnes fans Vallées ; mais ces Vallées font quelquefois des
précipices , ou remplies elles-mêmes de Rochers , & d’un fa¬
ble flérile. D’ailleurs , dans un Pays fi vafle il n’efl pas poffible
qu’il n’y ait quelque variété.
Aux environs du Port & de la Baye de Plaifance il y a des
Etangs & des Ruiffeaux , qui y attirent le Gibier en quantité ;
mais il n’eft prefque pas poffible de donner la chalfe aux Bê¬
tes fauves dans des endroits fi peu pratiqués , & fou vent fi peu
pratiquables. Ainfi elles doivent s’y multiplier à l’infini , fans
qu’on puiffe en profiter , que rarement & par hazard. Le froid
ne fçauroit auffi manquer d’être bien rude dans cette Me , non
pas tant à caufe de fa fituation entre les quarante-fix & les cin¬
quante-deux degrés de Latitude-Nord , qu’à raifon de fes Mon¬
tagnes & de fes Bois , des vents d’Oueft & de Nord , qui y
régnent fouvent , & furtout de ces monflrueufes glaces , qui
venant des Mers du Nord , fe trouvent arrêtées fur fes rivages ,
& y féjournent lontems. Enfin il n’eft pas étonnant que les cha¬
leurs y foient vives dans les endroits découverts, ouïe Soleil
darde fes rayons fur des Rochers tout nuds , & fur des Plages
pleines de cailloux, qui les réfléchiffent de toutes parts.
^ On ne convient pas davantage fur les Habitans Naturels de De fes rtaSi-
Terre-Neuve , que fur la nature de l’intérieur du Pays. De la tans NaCurei?*’
maniéré , dont s’expriment quelques Hiftoriens , ils donnent à
entendre qu’ils ont cru qu’il étoit habité ; mais fuivant la plus
commune opinion, il ne l’eft par aucune Nation fédentaire.
On n’a jamais vu fur fes Côtes , que des Eskimaux , qui y paf-
fent de la grande Terre de Labrador , pour chaffer , & pour
faire la Traitte avec les Européens ; mais ces Sauvages ont
fouvent parlé d’autres Peuples , avec qui ils font en commer¬
ce. Il eft vrai qu’ils mêlent beaucoup de fables dans tout ce
qu’ils en difent , comme je l’ai remarqué ailleurs , & il efl allez:
difficile de concevoir que des Nations entières fe tiennent tel¬
lement renfermées dans le centre d’une Ifle , quelque vafle
quelle foit , qu’011 n’en voye jamais Perfonne fur les Côtes,
HISTOIRE generale
. . r, i’T/i^ /la Tph-p-Npiivê du Continent
— Le Canal , qui fepare llfle de , & CQUrt
Grande de ^Amérique , f| J^Oueft Quand on l’a paûé en defeen-
Oueft , & Su J;® e parHes cinquante "degrés , dans le
C°Fortnt Jui S«e le’nom d§e PonchaLin Ce Porte ap-
ïe de Normandie , nomme Tilly dtl^ovkj*
. v,. A* morue v eft abondante ; mais il ny a point ae pru
peche de morue y e i plus intraitables
ï tSZ XÏ.’Tfr ftÊïi Lpprivoifer i„
Æfxrr,-” as?, psfâ r»uri
; • ■J-a.'5ü stæ» i-
^p&“^w,1“£nÏ
Plaifançe" qu’on jugeoit une relacte necel aire gour
vires, qui revendent , te. Mes d 1 ^Xk pas des Ports
Efpagnoles ; comme li 1 Acadie ne leur T ft lus fa_
*B fefSÏSS te rote . <i»V ««
commodes Voifins , dont nous ne les ayons charte p
fois ; nos braves Canadiens ayant trouve le fe^t oe eu
des Lauriers dans le Pays du Monde le ptas ar.de a
toujours au milieu des fumats. , £ Neuve ,
frnftrés du fruit de tant de v.ao.res. Lille de Terre Neuv ,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 425
toute grande quelle eft , n’a pu contenir tous nos Pêcheurs
& ceux d’Angleterre , comme autrefois la Sicile ne put con¬
tenter l’ambition des Romains & des Carthaginois ; avec
cette différence néanmoins , que la Sicile demeura toute en¬
tière à ceux , qui la conquirent fur leurs Rivaux ; au lieu
que Terre-Neuve eft reliée à ceux, qui y ont toujours été
battus.
Avant l’année 1 660. la Cour de France s’étoit peu mêlée
de cette Me ; elle lailfoit prefque tout à faire à des Particu¬
liers , qui armoient à leurs frais , pour y envoyer des Pê¬
cheurs. Enfin cette même année le Sieur Gargot obtint du
Roy la Conceffion du Port de Plaifance , avec un Brevet de
Gouverneur. Il trouva de grandes oppositions à fa prife de
polfeffion , & il y a bien de l’apparence qu’il fut obligé de
le débiter d’abord de fon droit de conceffion , & qu’il garda
peu de tems le titre de Gouverneur; car au bout de quelques
années le Sieur de la Poype ayant été envoyé à Plaifan¬
ce avec une Commilîion de la Cour , pour prendre pofîeffion
au nom du Roy du Fort & de l’Habitation , & pour y de¬
meurer en qualité de Gouverneur , il étoit marqué dans fes
Inltruêtions : Que Sa Majelté avoit été excitée à s’alfûrer de
ce lieu , & à y établir une Colonie , pour maintenir fes Su¬
jets dans la polfeffion , où ils étoient depuis lontems d’y al¬
ler faire chaque année une pêche confidérable de poilfon fec ,
& par la crainte d’être prévenue par les Anglois : Quelle
avoit fait annuellement une dépenfe alfez forte , pour parve¬
nir à mettre les Habitans en état de habiliter de leur travail •
Que la Pêche lui avoit paru le moyen le plus alfûré , & le
plus à la main pour y réiiffir ; mais qu’il fembloit que les Com-
mandans avoient voulu s’en prévaloir , pour obliger les Ha¬
bitans de leur donner une portion de leur pêche , en échan¬
ge des provilions , qu’ils leur faifoient diltribuer , quoiqu'ils
les tiralfent de fes magalins : Que le Sieur de la Poype de-
voit abfolument faire celfer ce défordre , & examiner , li en
lailfant aux Habitans de la Colonie tout le fruit de leur tra¬
vail , ils feront en état de fublilter toute l’année , ou du moins
une partie de l’année , & qu’au cas qu’ils eulfent befoin de
fecours , il fît fçavoirà Sa Majelté ce qu’ils lui demanderoient,.
foit de provilions , foit de marchandises , contre lefquelles ils
pourroient troquer le profit de leur pêche ; ce qui joint à la
culture des terres , à la nourriture des beltiaux * & à la chaf-
v
I 6 7 Or
r
Premier Gotf--
verneur de
Plaifance.
I 67 O*
M. Talon
jrçtourne en
Canada.
histoire generale
r dont ils pourtoient =«P» s'aider , U ■»»»» «J P™ *
#Xt â&.'S&L afefiSfc: '
£ pf 'Kdï.™?;. •* i«r »-,arr„k
cet article. La Compagnie t0Uchées
jours refufé fon agrément pou les «ulon m , q ) gélléral
ailleurs ; & ce refus , quo'qupl e e rega a £ ^ Ha-
comme Mendians , leur avoir ete tre uns & c’é-
bitatts , les fenumens etoient or p fnco’re comme avoit
toit le plus grand nom re , pen . c’es Religieux ,
£1'E“r % ,»V< atnres défordres , ,»i m»
mençoient à s’introduire dans la Cok ^ ^ ne ceffoient
râ S- dSSeS oïco^^
Religieux dans 1 Amérique |,^““sn‘n|^;s ce tems-là ren-
duit un meilleur effet. Ces f ^ toute cette Co-
S» “ “ —
» » - "%•* “
fraie avec eux. tabliffement . le r. C>ciare Onebec le qum-
autres Prêtres & d’un Lare , s embarqua pour^Quebec teg ^
- ziéme de Juillet de la meme annee avec M. 1 a ^
partie des cinq cent Familles ,qmteAay a ès trois
à cet Intendant pour peuplai le Canada , ^ma P - *
SS Kssrisrffçs va r»«
^Au moiTde May fuivant le P. Germain Allard
îl y ramène
tes Recollées.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 425
vincial des Recollets , & depuis Evêque de Vence, s’embar- ^ —
qua avec M. Talon , lequel avoit réparé fa recrue d’Habitans
îar. le moyen de quelques Compagnies de Carignan 9 qui aQSüXctt
et oient retournées en France ; trois autres Religieux Prêtres , des Recollas,
-un Diacre , nommé le Frere Luc , effimé pour les Peintures ,
& un Convers. Leur voyage fut heureux ; & le Provincial ,
après avoir mis fes Religieux en pofieffion duTerrem , qu’ils
avoient occupe auprès de Quebec avant Tinvaiion des ~Àn-
glois , retourna en France. L’accident , qui l’année précé¬
dente avoit fait périr le Vaille au de M. Talon , fut comme
une tempête generale , qui fe fit fentir jufqu’à Quebec , où
elle caufa un dommage de cent mille francs. On s’y confola
neanmoins plus aifement de cette perte , que de celle des Habi-
tans,dont elleavoit privé la Colonie, On ne fongeoit alors qu’à
peupler le Pays , & on n’étoit plus aufli fcrupuleux , que par
le pane 9 fur le choix des Colons ; aufli y vit- on bien - tôt
regner des vices , qui jufques-là y avoient été ignorés.
Quelque-tems avant l’arrivée de M. Talon, trois Soldats sauvages af-
rrançois ayant rencontré un Capitaine Iroquois , qui avoit Affinés par des
beaucoup de Pelleteries, l’enyvrerent & l’affaffinerent. Quel- François‘
que précaution qu ils euffent prife pour cacher leur crime ,
ils fuient découverts & mis enprifon. Tandis qu’on inftrui-
foit leur Procès , trois autres François trouvèrent fix Mahin-
§ans , qui avoient pour mille écus de marchandées ; ils les
nrent aufïï boire , & après les avoir maffacrés , ils eurent l’ef¬
fronterie daller vendre leur butin , qu’ils voulurent faire pafi-
fer pour le fruit de leur chaffe ; ils n’eurent pas même l’atten¬
tion d enlever les corps de ce s Malheureux , qui furent recon¬
nus par des Sauvages de leur Nation.
Ceux-ci foupçonnerent d’abord les Iroquois , avec qui ils ccqui ea
\ enoient de conclure un Traite de paix , & ils fe préparoient à arriva,
en tiier raifon , lonque le bruit fe répandit que c’étoient des
rrançois , qui avoient fait le coup. Un des trois meurtriers,
mécontent des deux autres , en fit confidence à un de fes
Amis , qui ne lui garda point le fecret ; il pafTa bien-tôt dé
bouche en bouche jufqu’aux Sauvages , & les deux Nations ,
QP point de fe faire une cruelle guerre , fe
réunirent contre nous. Les Mahingans furent les premiers en
campagne , & quatre d’entr’eux oierent bien afiiéger en plein
jour une maifon Fran^oife. Le Maître étoit abfent , les Va¬
lets fe défendirent bien ; deux Sauvages furent tués , mais les
Tome I. . Hhh
, histoire generale
! 6 7 O. Se dae'rSein}dS ni d’en SerkM^tS
On en fait Les Iroquois de 1®u^. c{2 e ' commis en Fa perfonne de leur
îuftice , & on Jes circonllances de 1 aflaiiinat vramtrîp™ avoient
Lato i« ï , s. nn ]eur affùra même que deux des Meurtriers avaient
♦’vt-ssatJ?
n*ax#&' <* -es sïï âs
François , quus en rurem Chef Iroquois , &
leur fifcSr S Se’eïSëur préfence. Une Juffiçe^promp-
e défarma les Iroquois qui ne PH^^/’J^fé^akles.
pêcher de donner des larmes au «^ne néSeeroit rien pour
te Gouverneur General ajouta qu il ne neg g f
„ f, pniteç i« *;•«■»£ Str èS5"! i*-
tXSl £25 fS&S». - — ““ • &
l’Affemblée fe fépara très-fatisfaite. ft }
Cette affaire ainfi heureufement terminée , u en rei
autre qui n droit ni moins importante , m moins delica - tf^
Outaouais & les Iroquois
les uns fur les autres , & il etoi , ^ i tu he Coureelles , qui
produififfent un embrafement généra * * j£S Sauvages ,
l’avoit toujours pris fur un ton erefp e&er fit déclarer aux
& oui par-là les av oit accoutumes a le re “ 0 lus Ion-
«svçssrs art ssa . **
Venoit d’exercer à leurs yeux fur « Fra Ç raifonM,
M. de Cour,
celles oblige
toutes les Na
tions à de¬
meurer ea
I
1670*
Baptême de
Garakonthié»
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 427
Lies, Ainfi que les uns & les autres euffent à lui envoyer des
Députés ? qu’il écouteroit leurs griefs , & qu’il feroit juftice à
tous.
Il fut obéi ; les Chefs de toutes les Nations fe rendirent à
Quebec ; ceux , qui fe eroyoient offenfés , firent leurs plain¬
tes , & par la prudence de Garakontié , qui étoit venu de' la
Fart de fon Canton , & la fermeté du Gouverneur Général ,
accord fut conclu à la latisfaftion de tout le Monde. Gara-
konthié parla enfuite aux Outaouais fur la maniéré indigne ,
dont ils traitoîent les Millionnaires , qu’on avoit , leur dit-il ,
la bonté de leur confier , & comme s’il eût attendu l’occafion
d’une fi nombreufe Affemblée , pour faire profeflion de fa Foy ,
ilfe déclara publiquement Adorateur de Jésus-Christ.
Il ajouta qu’il étoit depuis lontems Chrétien dans le cœur ,
qu’il avoit toute fa vie détefhé la fuperflition , dans laquelle il
avoit été élevé , & qu’il ne pouvoit plus différer de fe procu¬
rer à lui-même l’avantage , qu’il avoit procuré à tant d’autres.
Puis s’adreffant à l’Evêque , qui étoit préfent , il le conjura de
le recevoir fans délai au nombre des Enfans de Dieu. Tout con¬
courait à engager le Prélat à accorder à un tel Profelyte ce
qu’il demandait ayec tant d’inftance. Apôtre avant que de fe
déclarer Chrétien , il avoit toujours paru avoir autant à cœur
rEtabliffement du Chriffianifme dans fa Nation , que les Mif-
fionnaires mêmes , & toute la Colonie lui avoit de grandes
obligations.
D’ailleurs , rien n étoit plus capable de donner du crédit à
la Religion parmi toutes les Nations de ce Continent , que de
rendre leurs Député! témoyis de la converfion d un Homme
auffi généralement eflimé. L’Evêque ne fit donc aucune difficulté
de faire entrer cet illuflre Profelyte dans le fein de l’Eglife , il
fçavoit qu’il étoit fufHfamment inffruit & le baptifa lui-même. Le
Gouverneur Général voulut lui fervir de Parrain , & Made-
moifelle de Bouterouë , Fille de l’Intendant , fut faMaraine. Le
premier lui donna le nom de Daniel , qu’il portoit lui-même.
On n’omit rien pour rendre cette a&ion célébré , tous les Dé¬
putés des Nations y afMerent , de furent enfuite régalés avec
profufion.
Tandis que M. de Courcelles maintenoit ainfi fa Colo- Mortalité
nie dans une paix*profonde , de prenoit les mefures les plus dans le Nolc1,
jufles pour aller au devant de tout ce qui pouvoit troubler
la bonne intelligence entre les François & les Sauvages , le
Hhh ij
i 67 o
. ,g HISTOIRE generale
Nord du Canada étoit ravagé par une maladie^
acheva de dépeupler piefqu entier de leur Bap-
Plufieurs Chrétiens en moururent à confoler
tême , & dans des fentimens , hu 1 Les Attikamegues
les Ouvriers Evangéliques de tan d p * & ^ refte
bien que les Trois Rmeres , , dou i les . A W e differeiw
tent au Cap de la M^gdelem » ^ Fra£ ois fe maintinrent
ce entre ces deux Poltes , q , nous n avions au-
dans le dernier,, au heu que ep ^ V fur tout
cun Etabliffément fixe , eft demeure d ert Cetott ^
la Petite-Vérole , qui caufoit cette mort , K q P
années après détru.fit entièrement la Bour|de ^ ^ ^
Quinze cent Sauvages en lurent attaqu , P
8t"; Huions , quoique ™i«»« fgffe
qui ont communique aux Sauvages ^ ^ même tems ?
mieux prélervés que les autres ; & ce hwæc* ^ -
que le P. Chaumonot les ayant tous «1^ de Loret-
3e Quebec, donna commencent :a “réle ceux , qui
te , aujourd hui plus flonffante f 1 jj rr;va auffi alors
habitent ce Defert , que par leur point en
une chofe , qui fit connaître qu Cantons Iro-
c,„, „„r. opef ssS&rsm *- w -g** «y*»
& s’avisent dV t ils Speroient de venir plus
S,;=f X n*t“f Hsl.. »»,rT< fZtrsZ Tt r t
r*ri i; ï&££*i. Ch*
leur avoit enfeigné fur tous ces alt1,^® • , Millionnaires
lurent enfuite leur inlp.rer de la défiance des
îl« réiifTirent encore moins par cette voye ,
Etabliflement
de la Bourgade
Huronne de
Lorerte.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. IX. 4*9
tiennes leur répondirent même d’une maniéré , qui les cou-
vrit de confufion 5 leur reprochant qu’on ne remarquoit en
eux , ni la piété , ni la régularité , ni le défintereffement , qui
leur rendoient leurs Pafteurs fi refpechbles , & leur avoit pa¬
ru de tout tems un grand préjugé en faveur de la DoRrine ,
qu’ils enfeignoient.
Les Holiandois crurent qu’ils avanceroient plus en les inti¬
midant , & ils leur firent entendre qu’il n’y avoit pas trop de
fûreté pour elles à paroître dans les Habitations de la Nou¬
velle York avec leurs Chapelets, & les autres marques de la
Religion Romaine ; mais elles fe mocquerent de ces mena¬
ces j & protefterent quelles s’eftimeroient heureufes de don¬
ner leur vie pour la défenfe de leur Foy. Il y en eut même
une affez hardie pour aller dans un Prêche , dans le tems que
le Miniftre y faifoit Finit ruRi on , & pour y réciter fes Priè¬
res devant tout le monde. Ces Héroïnes , qui étoient pour la
plûpart des Chefs de Cabannes , ne témoignoient pas moins
de zélé pour empêcher qu’il fe fît rien dans les Bourgades au
préjudice du Chriftianifme : elles prenoient un très-grand foin
de bien inftruire leurs Enfans , & leur ferveur , foûtenuë de
leur crédit, faifoit concevoir aux Prédicateurs de la Foy de
grandes efperances de voir un jour la Religion Chrétienne de¬
venir la Religion Dominante dans ce Canton.
Il s’y étoit préfenté d’abord affez peu d’ Adultes pour recevoir In<Jüftye
le Baptême , & tous ceux , qui 1 avoient demande , ne i avoient naire , & queï
pas obtenu ,, foit faute de perféverance , ou parce qu’ils ne en fut le (uc-
vouloient pas renoncer à leurs guerres injuftes , ni à leurs ces-
fuperffitions ; mais une bagatelle ,, dont le P. Pearon , qui
gouverndit cette Eglife , eut l’adreffe de faire une affaire fé-
rieufe , difpofa quantité de Perfonnes à fe mettre au rang des
Profelytes. Un Capitaine s’avifa un jour de lui impofer filen-
ce dans une Affemblée , & dans une autre occafion lui com¬
manda de fortir du Confeil , où il vouloit être en liberté pour
quelque cérémonie fuperflitieufe , qu’il fçavoit bien que le Mil¬
lionnaire n’approuveroit pas. Le Pere jugea à propos d’en
marquer quelque mécontentement? ; il déclara même qu’il ne
pouvoit pas demeurer dans un lieu , où on ne craignoit pas
de l’infulter ; mais qu’il ne répondoit point de la maniéré , dont
Ononthio prendroit fa retraitte , quand il fçauroit ce qui l’avoit
obligé de fe retirer.
Il s’en falloit bien que le Miffionnaire eût dans le cœur au-
i 6 7 o.
o HISTOIRE GENERALE •
tant de reffentiment , qu’il en faifoit paroître ; mais parmi les
Sauvages un affront en attire un autre , rend mepri able ce-
i,u nui le fouffre , & lui ôte tout crédit. La véritable patien¬
ce 'oui eft le fruit de la charité & de l’humilité de cœur , doit ,
ordinairement parlant , nous élever au-deffus de toutes ces con-
iîdérations ; mais la prudence doit la regler félon les occur¬
rences. Il a fallu du tems pour rendre les Sauvages capables
de connoître toute la grandeur d’ame , que renferme 1 humilité
Chrétienne , & le P. Pearon étoit fort perfuade que les Iro-
quois n’omettroient rien pour l’adoucir, & pour lempecher
de porter fes plaintes au Gouverneur General : il ne fut trom¬
pé-, qu’en ce qu’il gagna encore plus , qu’il n avoit efpere,
Lecluiftia- 1 Le* Capitaine Iroquois vint dès le meme jour lui faire en
mime fait de pViblic de grandes exeufes de l’avoir outrage , & le Pere , apr
grands Pro- [ avoir afl-ez bjen reçUës , profita de la difpofition , ou U
Îlîrùl voyoit tous les efprits, pour témoigner fa peine fur le peu de
nier- docilité de la plûpart à fe rendre aux grandes ventes , qu u
leur annonçoit : il ajoûta qu’il ne pouvoit plus fouffnr tant de
coûtumes bizarres , ni leur attachement a des fables , dont il
leur avoit fi fouvent fait fentir l’extravagance ; que puiiqu il
perdoit fon tems à parler à un Peuple , qui ne vouloir ecouter ,
ni la voix du Ciel , ni celle de la radon , il jugeoit a propos
de porter ailleurs la parole de Dieu : le Capitaine voulut a
iuftifier ; mais le Pere ayant répliqué fur le ton , mi il avor
pris d’abord, & dont il entrevoyoït déjà le bon eftet , Je
vois bien, reprit le Sauvage , que pour t appaifer , il nous fat
» faire tous Chrétiens , il ne tiendra pas a moi , que tu nayes
» bientôt cette Satisfaction. . ,
Il le prit enfuite en particulier , & lui Suggéra les moyens ,
qu’il ejftimoit les plus propres , pour venir à bout de ce quU
defiroit ; il lui promit de faire tous fes efforts pour gagner _1«
Anciens : il les vifita tous , & quand il les crut dans es difpo*
fitions, oh il les vouloit , il convoqua une Affemblee gene¬
rale, dans laquelle il parla en vrai Millionnaire. Le Pere
Pearon prit enfuite la parole , & acheva debranler tous les
Affiftans ; en quoi il fut encore mervsiüeufement f«onde
par Garakonthié , que le hazard , ou plutôt la divine Piovi-
dence avoit conduit dans ce Village : de orte qpe ui
fentement unanime on prit trois refolutions , qui u Ç
puyées de préfens , & de tout ce qui pouvoir es îen re
vocables.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. ÏX. 431
La première , de ne plus fouffrir qu’on -invoquât publique¬
ment , & de ne plus même reconnoitre ÂGREskouÉ (a) pour
l’Auteur de la vie : la fécondé * de ne plus appeller les Jon¬
gleurs pourvoir les Malades : & la troisième , d’abolir les dan-
fes fuperflitieufes & indécentes. C’étoit-là prefque déclarer au-
tentiquement la Religion Chrétienne , la feule , dont il fut per¬
mis de faire une proféffion ouverte ; & en effet toute la Bour¬
gade fe rendit depuis très-affiduë aux Inflruftions du Miffion-
naire. Il efl vrai que la fuite ne répondit pas aux efperances ,
qu’on avoit pu concevoir d’un événement fi bien ménagé ;
mais la plûpart de ceux qui fçurent profiter de ce premier
rayon de la Grâce , 8c ne différèrent pas trop à fe déclarer
Chrétiens , ont toujours inviolablement garde les promeffes
de leur Baptême , 8c ont mérité d’être les Fondateurs d’une des
plus dormantes Chrétientés , qu’ait vûë l’Amérique Septen-
trionriale , comme nous le dirons bientôt.
Le P. Bruyas ne faifoit pas, à beaucoup près, autant de
fruit dans le Canton d’Onneyouth. On y avoit apporté quan¬
tité d’Eau-de-vie de la Nouvelle York, 8c l’yvrognerie y cau-
foit des défordres effroïables. D’ailleurs nul Homme de marque,
& nulle Marronne accréditée ne s’étoit déclarée en faveur du
Millionnaire ; on n’alloit pas même écouter fes inffru&ions , 8c
toute fa confolation étoit dans un grand nombre d’Enfans ,
qu’il baptifoit à la mort, & dont il peuploit le Ciel. Un vo'ff-
ge , que fit Garakonthié dans ce Canton , fit naître quelque
lueur d’efpe rance que les chofes y changeroient de face , 8c
il ne tint point à ce zélé Néophyte que les Onneyouths ne
repondiffent aux impreffions de la Grâce , qui lés follici-
toit ; mais il ne retira prefque aucun fruit de fon zélé. Tout
alloit beaucoup mieux dans les trois autres Cantons : l’Eau-
de-vie des Anglois & des Hollandois n’y pénétroit pas auffi
aifement qua Onneyouth. Garakonthié y avoit plus de cré¬
dit , les Hurons Chrétiens y étoient en plus grand nombre , 8c
la guerre des Andaffes , où les Iroquois Supérieurs avoientfait
depuis peu d allez grandes pertes , ayant abbattu leur fierté , les
rendoit auffi plus dociles.
Après les Millions Iroquoifes , celles , qui étoient éta¬
blies parmi les Algonquins Supérieurs , attiraient plus particu¬
lièrement l’attention de ceux , qui gouvernoient la Nouvel¬
le France. Elles ouvroient un vafte champ à la publication
(*) Les Hurons difent Arishui , & les Iroquois , Agreskont?
I 6 7 O.
Etat de la R <■;«*
ligion dans les
autres Can¬
tons ,
Et dans les
Nations Al-
gonquines»
w
%
i 6yo.
histoire generale.
i3 2 l’H'vanp'ile & donnoient une grande liberté au com-
les Sauvages , les Miffionnaires 7 firent de grands defri*
Snt pLSes^TonrLsTnfans moribonds firent apparent,
ment le plus grand nombre.
HISTOIRE
433
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HISTOIRE
E T
DESCRIPTION GENERALE
DELA
NOUVELLE FRANCE.
LIVRE DIXIEME •
M_\EW W \i/ M'
UE L Q U E attention , qu’apportât M. de
Courcelles à maintenir en paix les Nations
du Canada, il étoit difficile quelle fubfiftât
lontems parmi tant de Peuples divers , que
le moindre mécontentement arme les uns
contre les autres , & qu’une Puiffance fu-
périeure ne contient , qu’autant qu’ils la crai¬
gnent , ou qu iis en efperent quelque choie. Par malheur pour
le Gouverneur Général , on ne continuoit pas à lui envoyer
les fecours , qu’on lui avoit promis , & il ne foûtenoit fon cré¬
dit auprès des Sauvages , que par l’afcendant , qu’il avoit fçu
prendre fur eux depuis l’expédition de M. de Tracy contre
les Agniers. Il ne put enfin empêcher que les T fonnonthouans ,
les plus éloignés de tous les Iroquois des Habitations Fran-
çoiles , ne fe laiflaffent emporter au penchant , qui les entrai-
noit à faire la guerre.
Lorfqu’on s’y attendoit le moins , ils attaquèrent les Pou-
teouatamis ; M. de Courcelles en fut bientôt infiruit , & leur
fit dire qu’il trouvoit fort mauvais que , malgré fes ordres , &
contre la«parole , qu’ils lui avoient donnée 3 & attefiée par fer-
Tornc /. lii
1670.
Guerre entre
les Sauvages ;
conduite de
M. de Cour¬
celles en cet-
i 6 7 1 •
te occafion.
Baptême cîu
Grand Chef
des Goyo-
gouins.
4, 4 HISTOIRE GENERALE
ment, ils euffent ofé attaquer un Peuple pacifique, & qui fe
repofoit fur la foy des Traités: qu’il ne fouffriroit pas quils
troublaffent une paix , qu’ils dévoient refpefter comme fon
ouvrage : qu’il vouloir qu’ils lui remiffent les Pnfonmers qu ils
avoient faits fur fes Alliés , & que s’ils refufo.ent de les lut
envoyer fains & en bon état , il iroit les leur arracher des
mains , & traiter' leur Canton , comme il avoir fait celui
Ü UnTfommation fi fiere irrita les Tfonnonthouans: ils de¬
mandèrent fi tous les Peuples de ce grand Continent , des
que les Millionnaires s’étoient établis chez eux , devenoient
Suiets des François , & s’il n’étoit plus permis de tirer raifon
des infultes , qu’on recevoir ? Que les Cantons Iroquo.s avoient
fait la paix avec Ononthio ; mais que pour cela ils ne pre en-
doient pas être devenus fes Vaffaux ; qu ils Pe,r”‘
nue de donner la moindre atteinte a leur libelle &- a leur ind
tendance & qu’on pouvoit fe fouvemr quils avoient plus
(Tune fois fait fentir aux François qu’ils n’étoieht point ^es i A -
liés , quon dût traiter avec tant de hauteur , ni des hnnemis
a fe difolt n4anmoins en particulier , & avant qu’on
eût fait de férieufes reflexions fur les fuites d une rupture , a
laquelle on n’étoit point préparé. Les Tfonnonthouans ta ¬
rent confeil pour délibérer mûrement fur le parti , quils d
-voient prendre , & le réfultat fut qu’on enverrait a M de
Courcelles huit Prifonniers , de trente-cmq, qu on avoittut
fur les Pouteouatamis. Le Général crut , ou fit peut-etre fom,
blantde croire qu’il n’y en avoit pas davantage ■ , & «jugea
pas à propos de pouffer à bout des Gens , quil avoit encore
'^cëfot le Grand Chef des Goyogouins , qui 'uip^fema ks
Captifs, & quand il fe fut acquitte de fa Commiffion , il d
Clara que ce qui l’avoit engagé à s’en charger ,etoit le defir de
recevoir le Baptême des mains de 1 Eveque , & en pretence de
fonPere Ononthio. Ce Chef étoit le même , dont nous avons
déjà parlé plus d’une fois, & après Garakonth.e, le illuftre
Iroquois des cinq Cantons. Le Baptême lu, fut adm.n.ftre avec
4 r_ AU _ :h M. Ta on, oui etoit arrive depuis
au nom de ce Néophyte , un grand feftin à tous les Cuvages
Chrétiens , qui fe trouvèrent à Quebec , a Loretta , Y
lery.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 435
Ce fut aufîi vers ce même tems , que la plupart des Agniers ,
qui avoient embraffé le Chriftianifme , prévoyant qu’ils n’au-
roient jamais dans leur Pays une liberté entière de vivre félon
les Maximes de leur Religion , projetterent d’aller vivre avec
les Hurons de Lorette. De ce nombre étoit une Femme diflin-
guée par la qualité ftOyender qui lui donnoit un grand cré¬
dit dans fon Canton , & le droit d’afîifter aux Confeils les plus
fecrets. Ses Parens la troubloient dans fes dévotions , & elle
leur déclara enfin quelle étoit refoluë de defcendre à Quebec ,
Î)Our y finir fes jours avec les Chrétiens. On n’omit rien pour
ni faire changer de deffein , & après bien des efforts inutiles ,
on la dégrada en plein Confeil. Bien loin d’être fenfible à cet
affront , elle n’en témoigna que plus d’ardeur pour fe procu¬
rer la liberté de vivre en Chrétienne , qu’elle défefperoit de
trouver dans fa Patrie , & elle fe rendit à Lorette , où elle
foûtint jufqu’au bout la généreufe démarche , quelle venoit de
faire.
La converfion d’une autre Femme du même Canton a quel¬
que chofe d’affez merveilleux , pour trouver place dans une
Hiftoire , où je me fuis propofé de ne rien omettre de remar¬
quable , qui puiffe édifier mes Lefteurs , & détromper ceux ,
auprès defquels l’on a fort mal à propos publié que les Sauva¬
ges s’étoient rendus fourds à la voix des Prédicateurs de l’E¬
vangile. Cette Fermée faifant voyage , tomba dans un Parti
de Mahingans , dont elle reçut deux ou trois coups de hache
fur la tête. Elle fe fentit auffitôt infpirée d’avoir recours au
Dieu des Chrétiens , & le conjura de ne point permettre qu’elle
mourût fans Baptême.
A peine avoit-elle fini fa Priere , qu’elle ne vit plus d’Enne-
mis , & jamais elle n’a pu dire ce qu’ils étoient devenus , quoi¬
qu’elle n’eût pas perdu la connoiffance un feul moment. Elle
fe trouva même affez de force & de courage pour fe traîner juf-
qu’à fa Bourgade , raconta fon aventure au P. Pearon , & lui
ajoûta qu’elle feroit bien aife de fe retirer à Lorette , parce
qu’elle n’ofoit pas fe promettre une grande fidélité , fi elle de¬
meurait parmi fes Parens. Le Millionnaire fe donna tout le
tems de l’éprouver & de l’inftruire ; il la trouva docile & fer¬
me dans fa réfolution , elle recouvra en très-peu de tems une
fanté parfaite , elle gagna fon Mari , & l’engagea de l’accom¬
pagner à Lorette , où ils furent baptifés l’un & l’autre , avec
une petite Fille , qu’-ils avoient.
lll ij
16 71.
Les Iroquois
Chrétiens fon-
gent à fortir
de leur Pays.
Converfion
finguliere d’u-
ae Iroquoife.
1671*
Commence¬
ment de la
Million da
Saule S. Louis,
Mefures, que
prend M. Ta¬
lon pour affil¬
ier à la France
tout le Nord
du Canada.
HISTOIRE GENERALE
43 M. de Courcelles , qu’on avoir foin d Intouire de tout fut
1 1 vn;r ies Néophytes Iroquois dans le deliein de
s'établir parmi les FrarrçoSs 1 il eompri, que leur naiéa rsij-
»»“»■ ïirrEsî ûS’iîii . ü >*
8“"' recommenîok. Il
h™ :T,d“?ï"cm vü'i Se H=l *«*£
^D’iutreTanquandtéde Peuples de la Langue Algonquine,
T1 fe ET f ’
ÎXSoïent fait jufques-là & M. Ta^mde^ pro-
Lr de ce«e f fpofoionjajorabk pour ^ u en
avoît conçu ïe deffSndès fon premier voyage, Sc avant^que
de partir de France pour venn ^ ué qù’il fe-
roit à propos d’envoyer aux N^n°X t enler à fe trouver
Homme , qui en fut connu , afin de les e g g
par Députes dans un lieu commode , ou 1 on put traiter avec
^Perfonne ^’éloit plus” propre Jour cette importante Com-
« ,ÏV -oit quel-
un
me étude. Lanécellitè lavoir om.gc ^
jes Jefuites, ce qui lui avoir donne occafion de « «r ave_
la plupart des Peuples du Canada & J apprend^
££ leSëÇt^etetTone’, quël leu/perfoadou : aifoment
tout ce qu’il vouloir. M. de Çourceüesjetta \es /^/debl r-
5 à QueÊec fur ces entrefaites , approuva ce choix , &
nartir Perrot avec de bonnes inftructions.
1
DE LANOUVELLE FRANCE. Liv. X. 437
Ce Député vifita toutes les Nations du Nord , avec qui nous
avions quelque commerce , & les invita à fe trouver au prin-
tems fuivant au Sault Sainte Marie , où le Grand Ononthio des
François , c’eft-à-dire , le Roy de France , leur enverrait un
de Tes Capitaines , qui leur déclarerait fes volontés. Tous lui
ayant promis d’y envoyer des Députés , il paffa aux Quartiers
de l’Oueft ; mais il rabatit au Sud , & alla jufqu’à Chicagou ,
dans le fond du Lac Michigan , où étoient alors les Miamis.
Comme il approchoit de leur Village avec une Efcorte de
Pouteouatamis, qu’on lui avoit donnée en paffant par la Baye ,
parce qu’il y avoit quelque commencement de guerre entre
les Sioux & les Mafcoutins , une Trouppe de jeunes Gens de
cette Efcorte fe détacha , pour aller avertir de fon arrivée le
Grand Chef des Miamis , qui fe nommoit Tetinchoua.
Ce Chef pouvoit mettre fur pied quatre à cinq mille Com-
battans , & ne marchoit jamais , qu’avec une Garde de qua¬
rante Soldats 9 qui faifoient auffi jour & nuit la Sentinelle au¬
tour de fa Cabanne , quand il y étoit. Perrot , des Mémoires
duquel j’ai tiré ces particularités, ajoûte que Tetinchoua fe
communiquoit rarement à fes Sujets , fe contentant de leur
faire intimer fes ordres par un de fes Officiers. Je ne garantis
point ces faits ; mais il eit certain que , fi Perrot n’a point un
peu ajoûté à la vérité , les chofes ont beaucoup changé de¬
puis ce tems-là : il eft cependant vrai , & j’en ai été moi-même
le témoin , que les Chefs des Miamis font plus refpeftés , &
moins aifés à aborder , que ceux de la plûpart des autres Na¬
tions Sauvages du Canada.
Quoiqu’il en foit, Tetinchoua , dit Perrot , infiruit de l’ar¬
rivée d’un Envoyé du Général des François , voulut lui faire
une réception , qui lui donnât une idée de fa Puiffance. Il fit
marcher un Détachement pour aller au devant de lui , & or¬
donna qu’on le reçût en Guerrier. Le Détachement s’avança
en ordre de Bataille , tous les Soldats étant parés de plumages ,
armés de toutes pièces , & de tems en tems faifant les cris de
guerre. Les Pouteouatamis , qui efcortoient Perrot , les voyant
venir en cet équipage , fe préparèrent à les recevoir de la mê¬
me maniéré , & Perrot fe mit à leur tête. Quand les deux
Troupes furent en préfence , elles s’arrêtèrent comme pour
prendre haleine , puis tout-à-coup celle de Perrot prit fur la
droitte , les Miamis prirent fur la gauche , courant tous à la
file , comme s’ilseuilent voulu prendre leur avantage pour fe
charger.
Ain ■ —
1671.
Ï5u Grand
Chef des
Miamis.
Réception *
qu’il fait à uis
Envoyé du
Général.
i 6 y i.
Prife de pof-
felTion de tous
les environs
des Lacs.
438 HISTOIRE generale
Mais les Miamis setant recourbés en arc, les Pouteoua-
tamis fe trouvèrent invertis de toutes parts. Alois les uns oc
les autres jetterent de grands cris 5 qui furent le fignal dune
efpéce de combat. Les Miamis firent une de chai ge de leurs
fufils , où il n y avoit que de la poudre , & les Pouteouatamis
leur répondirent de même ; après quoi on fe mêla , le Lalle-
têteàla main, tous les coups portant fur les Cafle-tetes. Un
fit enfuite la paix ; les Miamis préfenterent le Calumet a i er-
rot & le conduisirent avec toute fon Efcorte dans la prin¬
cipale Bourgade , où le Grand Chef lui affigna une Garde de
cinquante Hommes , le regala fplendidement , a la maniéré du
Pays , & lui donna le diversement du Jeu de la Crofie. .
Perrot après avoir parte quelques jours chez les Miamis ,
& traité avec leur Chef, fui vaut fes inflruftions , retourna au
Sault Sainte Marie : Tetinchoua vouloit lÿ accompagner en
perfonne ; mais fon grand âge & fes infirmités firent craindre
a fes Sujets qu’il ne pût réfifter aux fatigues de ce voiage, & ils
rengagèrent à refter chez lui : il ne députa meme perfonne de
fa Nation à l’Affemblée Générale ; mais il donna aux Pouteoua-
tamis un plein pouvoir pour agir en fon nom. Le tems ne per-1
mit pas apparemment à Perrot d’aller inviter les Mafcoutins
& les Kicapous à fe trouver au rendez-vous encore moins
les Illinois , qui habitoient alors les bords du Miciffipi , & chez
lefquels on n’avoit point encore pénétré. Ce qui elt certain ,
c’eft qu’il n’y parut aucun Sauvage de ces trois Mations, m
Perfonne , qui les reprefentât. „ . , XT ,
Mais on y vit des Députés de toutes les Nations du Nord,
& même des Monfonis , Habitans du fond de la Baye d Hud-
fon. Le Sieur de S'. Luffon , Subdélégué de l’Intendant de la
Nouvelle France , fe rendit au Sault Sainte Marie au mois de
May 1671. chargé d’une Commiffion fpéciale pour prendre
poffeffion de tous les Pays occupés par ces Peuples , & les
mettre fous la proteftion du Roy. La Ceremonie commença
par un Difcours , que le P. Allouez fit en Algonquin , & dans
lequel , après avoir donné à tous ces Sauvages une grande idee
de la puiffance du Roy , il tâcha de leur perl'uader qu il ne leur
pouvoit rien arriver de plus avantageux , que de mériter a pr
te&ion d’un tel Monarque , ce qu’ils obtiendroient , ajouta-M *
en le reconnoiffant pour leur Grand Chef. . ,
M. de Sc. Luffon parla enfuite en peu de mots, & finition
Difcours en demandant ? fi tout le Monde confentoit a ce q
— - -
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DE LA NOUVELLE FRANCE
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ideur des Ordres du Roy
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1
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 439
venoit d’être propofé ? Comme il avoit parlé en François , le
P. Allouez répéta en Algonquin ce qu’il venoit de dire , &
tous répondirent d’abord par des préfens , & puis par de grands
cris de Vive le Roy . Alors le Commiffaire fit creufer par Per¬
rot deux trous en Terre , & planter dans l’un un grand po¬
teau de Cèdre , & dans l’autre , une Croix de même matière ,
tandis qu’on chantoit le Vexilla . Enfuite on attacha au po¬
teau & à la Croix les Armes de France ; puis on entonna
XExaudiat . Cela fait,, M. deScc Luffon déclara par la bouche du
P. Allouez qu’il mettoit tout le Pays en la main du Roy ,
tous les Habitans fous la protection de Sa Majefté.
Les Députés s’écrièrent tous qu’ils ne vouloient plus avoir
d’autre Pere ,, que le Grand Ononthio des François , & le
Subdélégué , après les avoir beaucoup careffés , les affûra que
ce Prince ne les laifferoit jamais manquer de rien , tandis qu’ils
lui garderaient la fidélité , qu’ils venoient de lui promettre.
Le tout finit par le Te Daim , précédé & fuivi de plufieurs
décharges de Moufqueterie , à quoi il ne faut point douter
qu’on n’ajoutât, fuivant la coûtume, un grand feftin.
Saint Luffon , immédiatement avant que de fe rendre à Sainte
Marie , avoit fait par ordre de M. Talon un voyage à la Cô¬
te Méridionnale du Canada , & avoit trouvé les bords du Ki-
nibequi & toute la Côte de la Mer , femé d’Habitations An-
gloifes , bien bâties , & en très-bon état. Il fut par- tout fort
bien reçu ; les deux Cours de France & d’Angleterre étoient
alors très-unies , & depuis le Traité de Breda , ces deux Na¬
tions n’avoient rien eu à démêler enfemble dans l’Amérique.
Le Sieur de Saint Luffon ne laiffa pas d’avertir ces Habitans qu’ils
étoient furie Terrein du Roy de France-; mais ils lui répon¬
dirent qu’ils étoient charmés de vivre fous l’obéiffance d’un fi
grand Roy , & qu’ils le prioient d’affûrer le Gouverneur Gé¬
néral & 1 Intendant de la Nouvelle France , qu’ils fe compor¬
teraient toujours en Sujets très-fidéles & très-fournis.
Il eft néanmoins vraifemblable qu’ils furent peu de tems
après rappellés dans la Nouvelle Angleterre ; & la Lettre de
M. Talon à M. Colbert, d’où j’ai tiré ces circonffances des
voyages deM. de Saint Luffon , faifant entrevoir que l’Inten¬
dant doutoit un peu de la fincérité des Anglois , donne lieu
de juger que ce rappel fe fit fur les remontrances du Con-
feil du Roy. Au moins^eft-il certain que dès ce tems-là leKini-
bequi étoit regardé comme faifant de ce côté-là la féparationdes
1671.
6
Les Angîoîs
s’établiilenc
fur les Terres
des François ,
& quoiqu’ils
vécuflent de
bonne intelli¬
gence avec
eux , on ençra-
T ^
ge le Roy
d’Angleterre à
les en rappel-»
Ier.
i 6 7 1 - v
Les Hurons à
Michillima-
kinac.
Phénomè¬
nes finguliers,
Obfervations
fur les Marées
& fur les Cou-
rans,
Aïo histoire generale
deux Colonies , ainfi qu’il avoit été réglé par le Traite de Breda*
Enfin cette même année les Hurons Tionnontatez las de
mener une vie errante , qui n’a jamais ete du goût de cette
Nation , s’établirent à Michillimakinac : ^ Je placere*
point dans l’Ifle même , qui porte ce nom , & V» *
une partie du Continent voifin ; mais fur une pointe de ce
Continent, laquelle avance au Sud, & regarde une autre
pointe tournée au Nord. Ces deux pointes formen un D -
troit , par où le Lac Huron communique avec le Lac Mich
gan. Ce fut le P. Marquette , qui amena les Hurons dans
Cen°.îeft pïs’ai^édefçavoirpar quelle raifon ce .Mifficmruûre
le choifit préférablement à tant d’autres , qui paroiffoient be u
coup plusPavantageux pour un pareil Etal iffement. 11 en par-
le luwnême dansfes Mémoires , comme d un lieu fort incom-
mod , &où le froid eft exceffif ; ce qui vient fans doute de
ce que les trois Lacs, entre lefquels il te trouve . “
moindre (a) a trois-cent lieues de circuit , fans compter une
Baye (b) de vint-huit lieues de profondeur , qui s y decha g ,
font ordinairement agités de vents très-impetueux.
Le P. Marquette ajoute que 1 inégalité des Marees dera g
Beaucoup la navigation de ces Lacs : en effet ) ai déjà oblerve
quX ï’ontTelde réglé, & qu’elles font aflez : I
quelques endroits. Aux environs de la petite Me de Mich.11^
makmac elles montent & déferaient une fois * *
toujours dans le Lac Michigan. Il n’eft pas meme douteux qu n -
dépendemment des Marées , il n’y ait un Couran , A 1
touiours du Lac Huron dans le dernier , ce qui eft W^r®
mem caufé par des Sources , telles , qu’on en trouve aflez fou-
^cVcourànt n’empêche pourtant pas le Courant ««uM du
Michigan , lequel décharge fes eaux dans le Lac Huro ,
bien oue le Lac Supérieur. Le premier de ces deux Coura ,
c’eft-à-dire , celui du Lac Huron dans le Lac Michigan , eft
plus fenfible , quand le vent foufle de la partie oppolee , qu
Scelle d,, Sud , 8c l'on . vû .loç. de. *»J*»*,;
lui-là dans celui-ci avec autant de viteffe , que le
Navire , qui auroit le vent en poupe.. On fçait que la
chofe arrive au Canal de Bahama.
(a) Le Michigan. (&) La Baye dçs Puants,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 44*
Le P. Marquette obferve encore que dans le Détroit , par
■ où le Lac Supérieur fe jette dans le Lac HurOn , i Ijy a fous
i’eau des courans en grand nombre , & fi forts , qu’ils em¬
portent quelquefois les filets des Pêcheurs , d’où il conjecture
que ce grand Lac décharge une partie de fes eaux dans le Mi¬
chigan par des Canaux fouterrains , qu’il s’efi: creufés , de la
même maniéré , qu’on juge que la Mer Cafpienne communi¬
que avec le Pont Euxin , & celui-ci avec la Méditerranée ; &
cela efi: d’autant plus vraifemblable , que le Lac Supérieur re¬
cevant au moins quarante Rivières , dont il y en a dix ou dou¬
ze aufii larges , que le Détroit même , il ne rendroit pas à beau¬
coup près , autant d’eau , qu’il en reçoit , s’il n’avoit point
d’autre ififuê\ que ce Canal.
Il me paroît qu’il faut dire la même chofe du Michigan , le¬
quel outre les eaux de la grande Baye , reçoit encore un grand
nombfe de Rivières , dont plufieurs font très-larges , & vien¬
nent de fort loin. Car il faut nécefiairement qu’outre fadéchar-
fe vifible dans le Lac Huron , il s’en foit encore creufé fous
’erre , comme je viens de le remarquer du Lac Supérieur ? au
fujet duquel on a fait une découverte , qui fortifie la conjefture
du P. Marquette. C’eft que tous les Rochers , qu’on trouve
à une certaine profondeur dans le Détroit du Sault de Sainte
Marie , font percés comme des éponges , & plufieurs mêmes
creufés en forme de Grottes ; ce qui paroît venir des Courans ,
dont j’ai parlé.
A la fin de l’année précédente , & au commencement de cel¬
le-ci il arriva quelque cjiofe d’affez fingulier dans cette partie
du Canada. L’hyver n’y commença qu’à la mi- Janvier 1671.
& finit à la mi-Mars ; ce qui étoit fans exemple ; & ces deux ter¬
mes furent marqués par des Phénomènes , qui furprirent beau¬
coup les Sauvages. Le vint-uniéme de Janvier il parut dans la
Baye deux Parelies environ deux heures avant le coucher du
Soleil : ils étoient accompagnés d’un croiffant , dont les cornes
étoient en haut. Le vrai Soleil étoit également éloigné de l’un
& de l’autre Parelie ; un petit nuage , qui avoit toutes les cou¬
leurs de l’Arc-en-Ciel , mais fort tranfparent , couvroit un des
deux , & l’obfcurciffoit un peu , & une grande lueur faifoit
aufii à l’autre une efpéce de voile. Les Sauvages crurent que
c’étoit un ligne infaillible de froid , & il gela excefiivement le
lendemain.
Le douzième du mois de Mars fuivant , on vit trois Parelies
Tome I. - K k k
1671
Phénomène?
fînguliers.
1671*
44i histoire generale
en trois endroits differens , & qui differoient auffi par rapport
à leur pofition , à leur nombre , Sc au te ms , auquel ils paru-
rent. A Michillimakinac la diftance apparente des trois Soleils*
qu on y apperçut , étoit d’une demie-lieue ; 1 un des deux Pa-
relies n’étoit guère , que comme une Iris de forme ovale , cou¬
ronnée d’un filet d’or *. l’autre etoit fi eclattant , qu on eût eu de
la peine à le difcerner du vrai Soleil , fans une bande de cou¬
leur d’écarlatte ^ qui le bqrdoit du côte oppofe a celui-ci. Ce
Phénomène dura plufieurs jours : on le voyoit le matin peu
après le lever du Soleil , & le foir avant fon coucher. Le Mé¬
moire , qui rapporte le fait , ajoute que celui des deux Pare-
lies , qui le matin étoit au Midi , fe voyoit le foir au Septen¬
trion , & que l’autre prenoit fa place ; mais il y a bien de
l’apparence qu’ils changeoient plûtôt de figure , que de po¬
fition. . . , r c
Dans l’Ifle Manitoualin , où il y avoit quantité de Sau¬
vages Saulteurs en hyvernement, trois Soleils parurent vers le
Couchant fur une ligne parallèle a la Terre ; ils etoient égaux
en grandeur , le véritable à l’Oueft-Sud-Oueft \ un des deux
Parelies à l’Oueft , & l’autre auSud-Oueft. On vit en même
tems deux Hemi-Cycles parallèles à 1 Horizon. Ils etoient de
couleur bleue à leur centre , de couleur d aurore au-deffus , oc
d’un gris obfcur Sc cendré à la circonférence. Le Ciel etoit
un peu chargé de ce côté-là , & par tout ailleurs même il n e-
toit pas fort ferein , quoiqu’on n’aperçût aucun nuage. ^
Un quart de cercle perpendiculaire a 1 Horizon ayant a peu
près les mêmes couleurs , que les Parelies , touchoit celui, qui
étoit au Sud-Oueft ; puis coupant un des deux Hemi-Cycles
parallèles à l’Horizon , alloit fe perdre dans 1 autre. Quelque¬
fois les trois Soleils difparoifloient ; mais le véritable fe cachent
plus rarement , que les autres. Enfin un troifieme Parelie fe fit
voir au- deffus du Soleil ; mais il dura peu. Les deux premiers
en difparoilfant pour la derniere fois, Different deux Arcs-en-
Ciel fort lumineux , Sc les deux Hemi-Cycles refierent encore
lontems après. ^
Au Sault Sainte Marie on vit un matin trois Soleils , com¬
me aux deux autres endroits ; mais un peu après midi il en pa¬
rut huit tout à la fois , rangés en cet ordre. Le vrai Soleil etoit
au centre d’un cercle , formé des couleurs de l’Iris : quatre Pa¬
relies partageoient ce cercle en quatre parties égalés , Sc etoient
pofés perpendiculairement Sc horizontalement. Un autre cer«
t)E LA NOUVELLE FRANCE. Lxv. X. 443
cle femblable au premier pour les couleurs , mais beaucoup
plus grand , paffoit par le centre du véritable Soleil , qui en
yOccupoit le haut , & trois autres Parelies le divifoient avec
lui , comme les quatre premiers divifoient le petit cercle. Les
Sauvages s imaginèrent que tous ces Parelies étoientles Fem¬
mes du vrai Soleil , qui avoit bien voulu fe faire voir aux
Hommes avec toutes fes'Compagnes ; mais on les détrompa en
leur expliquant ces Phénomènes d’une maniéré naturelle , &
cela donna occafion de leur faire connoitre que cet Affre 11’é-
toit rien moins , qu’un Génie , comme ils fe l’imaginoient.
Sur la fin de cette année les Iroquois terminèrent heureu-
fement la guerre , qu ils faifoient depuis plufieurs années aux
Andaffes, & aux Chaouanons , leurs Voifins. Les fuccès avoient
ete allez lontems partagés : enfin ces deux Peuples furent pref-
qu entièrement exterminés , & les Vainqueurs incorporèrent
dans leurs Cantons , furtout dans celui de Tfonnonthouan ,
un grand nombre de Captifs , qu’ils avoient faits fur l’un & fur
1 autre. Telle a toujours été leur politique, de réparer aux
dépens de leurs Ennemis les brèches , que la guerre avoit faites
à leur Nation.
Alors M. de Courcelles , perfuadé plus que jamais de la né*
cefiite d oppofer une barrière à un Peuple inquiet , qui n’a-
voit plus d occupation au dehors , & dont la puilfance & la
réputation augmentaient chaque jour , fit dire aux princi¬
paux Chefs des Cantons qu’il avoit une affaire importante à
leur communiquer, & qu’il iroit inceffamment les attendre à
Catarocouy . Ils s’y rendirent en grand nombre , & le Général,
apres leur avoir fait de grandes careffes & de fort beaux pré-
fens , leur déclara qu il avoit defiein de bâtir en ce heu-là un
Fort, ou ils puffent venir plus commodément faire la Traite
avec les François.
Ils 11e s aperçurent pas d’abord que , fous prétexte de cher¬
cher leur utilité , le Gouverneur n’avoit en vûè , que de les
tenir en bride , & de s’affûrer un entrepôt pour fes vivres &
fes munitions , au cas qu’ils l’obligeaffent à reprendre les ar¬
mes. Ils répondirent donc que ce projet leur paroiffoit bien
imagine , & fur le champ les mefures furent prifes pour l’exé¬
cuter ; mais M. de Courcelles n’en eut pas le tems. Nous avons
vû qu il avoit demandé fon rappel en France , & en arrivant à
Quebec , au retour de Catarocouy , il trouva le Comte de
Frontenac , qui venoit le relever. Il n’eut pas de peine à lui
Kkk ij
1671.
1 672.
Projet d’un
Fort à Cataro¬
couy.
M. de Côur-
celles retourne
en France : Ton
SuccetFeur bâ¬
tit le Fort de
Catarocouy'.
i 6 7 ï •
M. Talon
demande Ton
rappel en
Pran ce , 8C
pourquoi l
Caractère de
M- de Cour-
adies.
Caradtére du
Comte de
?rontenac ,
onSuccelTeur.
< HISTOIRE GENERALE
iSe goûter le deÇ»
nier voyage ; , & P “^VœXùk’e le Fort , qui alon-
tlsp'ortl fon nom , aufl&en que le Lac ( .) , à l’entree du-
qUM ‘ Talon de fon côté nes’endormoit pas , fon zélé
les dégoûts, quilcontinuoitdeffuyerd JP de
celles , & ceux , T '' ’ oomt àiomwître le caraftére , le
Frontenac , dont il ne P . . ti inpea qu’il y auroit de'
firent penfer de nouveau a taretrartte Il]u gea^y
l’imprudence à fe commettre avec ceGeireral ^
mande cru on fe lelache , q ^ de Courcelles fut une
Tout bien confiée S’il n’âvoit pas des qua-
vraye perte pom la Mouv rr il n’eut que les mom-
dits deîesé défauts ! & Fe" pliions <^£“P “t
leur marquer de la confiance dm ^ autor jfer dans toutes
mete , & la fagefle , aveT j^faifoient refpefter des Sauvages,
du cher aux François , &£ le iailoient re p ^ n,aurok ja_
Il y a bien de l’appaienee que a p ès Jui , étoiênt en-
fuivi les traces, qu’il leur afoit
îSSTf
légitime & avoir mérite la confiance du ou and lit y
Eülifî. cœur encore pj» g™d , ,u« a ne. , 1 *f
prit vif , pénétrant , terme , fécond ^ & lo ramhle de
Itoit fufceptible des plus injultes préventions , &. P
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 454 _
les porter fort loin. Il vouloit dominer feul , & il n’eft rien qu’il 1 6 7 1 .
ne fît pour écarter ceux , qu’il craignoit de trouver en fon che¬
min. Sa valeur & fa capacité étoient égales ; perfonne ne fçut
mieux prendre fur les Peuples , qu’il gouverna , ou avec qui il
eut à traiter , cet afcendant fi néceftaire pour les retenir dans
le devoir & le refpecl. Il gagna , quand il le voulut , l’amitié
des François & de leurs Alliés , & jamais Général n’a traité fes
Ennemis avec plus de hauteur & de Nobleffe. Ses vues pour
l’agrandiflement de la Colonie étoient grandes & juftes , & il
ne tint pas à lui qu’on n’ouvrît les yeux furies avantages , qu’en
pouvoit retirer le Royaume ; mais fes préjugés empêchèrent
quelquefois l’exécution des projets , qui dépendoient de lui. On
avoit de la peine à concilier la régularité , & même la pieté ,
dont il faifoit profeffion , avec cette aigreur & cet acharne¬
ment , qu’il témoignoit contre ceux , qui lui faifoient ombra¬
ge , ou qu’il n’aimoit point ; & il donna lieu de juger dans une
des plus importantes occafions de fa vie, que fon ambition, &
le defir de conferver fon autorité , avoient plus de pouvoir fur
lui , que le zélé du bien public. C’eft qu’il n’efl point de vertu ,
qui ne fe' démente , quand on a laiffe prendre le deflus a une
pafîion dominante. Le Comte de Frontenac eût pû être un
grand Prince 5 fi le Ciel F avoit place fur le Throne ; mais il
avoit des défauts dangereux dans un Sujet , qui ne s’eff pas
bien perfuadé que fa gloire conftfte à tout facnfier pour le fer-
vice de fon Souverain , & pour l’utilité publique.
Cependant M. Talon employoit lepeudetems, qu’il avoit ^o™qr<,
à refier dans la Colonie , d’une maniéré bien capable de l’y tLl 101 ipiv
faire regretter. Après avoir établi le droit du Roy fon Maître
jufq u’aux extrémités du Nord & fort avant à FOueft , il entre¬
prit de faire de nouvelles découvertes. On fçavoit en général,
parle rapport des Sauvages , qu’il y avoit à l’Occident de la
Nouvelle France un grand Fleuve , nommé MeckaJJipi par les
uns , & MiciJJlpi par les autres , lequel ne couloit ni au Nord ,
ni à l’Eft ; ainfi on ne doutoit point que par fon moyen on ne
pût avoir communication , ou avec le Golphe Mexique , s il
avoit fon cours au Sud ; ou avec la Mer du Sud , s il alloit fe
décharger à FOueft ; & Fon efperoit de tirer un grand avantage
de l’une ou de l’autre navigation.
L’Intendant ne voulut point partir de l’Amerique , fans avoir
éclairci ce point important ; il chargea de cette decouverte le
P. Marquette l lequel avoit déjà parcouru prefque toutes les
%
, ,6 HISTOIRE GENERALE
- - Contrées du Canada , & qui étoitfort refpeaé des Sauvages ,
1672-73- & illui a(î-ocia un Bourgeois de Quebec , nomme Joliet ,
Homme d’efprit & d’expérience. Ils partirent enfemble de la
Baye du Lac Michigan , s’embarquèrent fur la Rivzere des Re¬
nards (a) , qui s’y décharge, & la remontèrent mfqu affez près de
fa fource , malgré les Rapides , qui en rendent la navigation
infiniment pénible. Ils la quittèrent enfuite , marchèrent quel-
quetems, puis fe rembarquèrent fur 1 Ouifconfing , & navi¬
guant toujours à l’Oueft , ils fe trouvèrent fur le Micilïipi par la
hauteur d’environ quarante-deux degres &demi de Latitude-
Nord. Ce fut le dix-feptiéme de Juin de l annee 1673. qu ils
entrèrent dans ce fameux Fleuve , dont la largeur , & plus en¬
core la profondeur , leur parut répondre a 1 idee , que leur en
avoient donné les Sauvages. . , n
Ils fe laifferent conduire à fon Courant , qui n eft pas encore
bien rapide en cet endroit 5& ils n’eurent pas fait beaucoup
de chemin , qu’ils eurent connoiffance des Illinois . Ils rencon¬
trèrent trois Bourgades de cette Nation trois lieues au-deflous
de d’endroit , où le Miffouri , que le P. Marquette anpelle
Pekitanoni dans fa Relation , joint fes eaux a celles du Micil-
fipi. Ces Sauvages furent d’autant plus charmes de voir des
François chez eux , qu’ils fouhaitoient depuis lontems leur al¬
liance , par la raifon , que les Iroquois commençoientalaire
des excurfions dans leur Pays , & qu’ils craigno.ent une guer¬
re , qu’ils n’étoient point en état de foutemr feuls. Ils firent
donc au P. Marquette , & au Sieur Joliet tout le bon accueil
poffible , & les engagèrent à leur promettre leurs bons ottices
auprès du Gouverneur Général.
Les deux Voïageurs , après s’être repofes quelque tems chez
les Illinois , pourluivirent leur route , & defcendirent le l leu.-
ve jufques aux Akanfis , vers les trente-trois degres de Lati¬
tude. Alors comme les vivres & les munitions commençoient
à leur manquer; d’ailleurs confiderant qu’avec trois ou qua¬
tre Hommes , il n’étoit pas prudent de s’engager trop avant dans
un Pays dont ils ne connoilfoient point les Habitans , oc
qu’ils ne pouvoient plus douter que le Micilfipi ne fe déchar¬
geât dans le Golphe Mexique , ils reprirent la route du Ca¬
nada, remontèrent le Fleuve jufqu’à la Riviere des Illinois ,
où ils entrèrent. Arrivés à Chicagou , fur le Lac Michigan , ils
. fe féparerent. Le P. Marquette relia chez les Miamis , «
( 4 ) Le nom propre de ces Sauvages eft Outagamis »
9
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. A47
Joliet alla à Quebec pour rendre compte de fon voyage à M.
Talon, qu’il trouva parti pour la France. ' °
Le Miffionnaire fut très-bien reçu du Grand Chef des Mia-
mis , fixa fa demeure dans la principale Bourgade de ces Sau¬
vages , & employa les dernieres années de fa vie à leur an¬
noncer Jesus-Christ. L’année précédente les PP. Allouez
& Dablon avoient parcouru avec de grandes fatigues tous les
Pays, qui font au Midi de la grande Baye , fans recueillir
beaucoup de fruits de leurs travaux. En remontant la Riviere
des Renards , ils aperçurent au bord d’un de ces Rapides
que j’ai déjà dit être fort fréquens fur cette Riviere , une ef-
pece d’idole fort mal faite , & qui paroiffoit plûtôt un de ces
caprices de la Nature, où l’on croit trouver quelque reffem-
blance avec les ouvrages de l’Art. C ’étoit un Rocher , dont le
fommet paroiffoit de loin une tête d’Homme , [& les Sauvages
favoient pris pour le Dieu Tutelaire de leur Pays. Ils le bar¬
bouillaient fouvent de toutes fortes de couleurs , & ne paf-
foient jamais près de-là , fans lui offrir du Petun , des Flèches ,
ou autres chofes femblables. Les Millionnaires , pour convain¬
cre ces Infidèles de l’impuiffance de leur prétendue Divinité ,
renverferent ce Rocher dans l’eau , & depuis ce tems-là il n’en
a plus été parlé.
Quand les Rapides font paffés , on trouve la Riviere belle ,
& qui roule tranquillement fes eaux dans un Pays charmant.
Le climat y eft fort doux, les Forêts y font entrecoupées d’a-
greables Prairies , & l’on y rencontre par milliers toute forte
de Bêtes fauves , furtout de ces Bœufs Illinois , qui portent de
la laine. Plufîeurs petites Rivières viennent fejetter dans celle
des Renards , & font couvertes de folle avoine , qui y attire
pendant l’automne une quantité prodigieufe de Gibier. Les Vi-
gneSnd^nt leS B°is font {emés ’ y Portent fans culture d’affez
gi os Ramns ; les Prunes , les Pommes & plufîeurs autres fruits ,
quoique fauvages , n’y font pas défagréables au goût fe¬
rment excellens , s’ils étoient cultivés.
En tirant au Sud on entre dans le Pays des Mafcoutins ,
mamue dans quelques-unes de nos Cartes fous le nom de Terre
de Feu : les Mafcoutins font aufîî nommés par quelques Géo¬
graphes La N ation du Feu , & une erreur fondée fur une équi¬
voque a donné lieu à cette dénomination. Mafcoutenec qui eff
le vrai nom de ce Pays , & du Peuple , qui l’habite , fignife un
Pays découvert , & en effet les Bois y font plus rares , que
1672-73.
Defcription
du Pays des
Outagamis &
des Mafcou¬
tins : erreur
des Géogra¬
phes fur ces
derniers.
i6ji~74'
Réception ,
que les Maf-
coutins font
à deux Mif-
lionnaires.
..8 histoire generale
^prétend que quelques François ayautomdj, S^uvages^qiu
æST fcSSBSBS .* «5^
r *Tation du Ft
arcsr5.«<».4-*»
purs étpé»nl*^r&Dablon rencontrèrent Tetinchoua avec
^r^qït ssr
pi £ts «3: rJs
qu*X Hommefordinatres , sjadreff XYÎdeT ’& T autres
Genies , pour obtenu la g“^n//L^lX à lfurs Dieux.
g OnleS1nv1tar)otuàtm&ftm^ntl^ü^ ^ a_
que c’etoit un feftm déjugé. , U. - ^ fflP niere de Trophée ,
hanne très^vafte ou 0 fone de hache d’arme ,
charge d Àtcs , de Mecne , , des provlf10nS
ses ssîsfisS *
P“““ • &,.JS ‘J "«'"u Chkhikooé & le Tambour. Dès
m r ksssbS
Un , .J Uu, » “> ■ S tZiZc.A
ment , dont la fubfiftanc * ^ n Soient fur le poini
guerre à foûtenir contre les Sioux , qui Teunefle
& ^les'p^ent de® SrTÆT^oire contre leur:
ETf Pères fondi^quj «^eXi/h SS“, «
les Serviteurs de celui, de qu P s / • i r^-péateu
à qui ils dévoient adreffer leurs ^ux ; que c eto>t le Crea^
& le Dieu du Ciel & de la Terre , qu il etoit par toi , q
S A bornes . & U fa bonté égala
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 449
fon p ouvoir. Ce difcours parut faire beaucoup d,e plaihr aux
Affiftans , & le P. Dablon , dans la Lettre , où il décrit les
particularités de ce voyage , regrette beaucoup de n’avoir pu
faire un plus long fejour parmi ces Peuples ; mais il fut rap-
,pellé à Quebec , & le P. Allouez alla chez les Outagamis.
Il ne s’attendoit pas à en être bien reçu , parce que quel¬
ques-uns de ces Sauvages avoient été maltraités à Montreal
par des François , .«& que toute la Nation avoit juré de s’en
venger. On comptoit alors parmi les Outagamis environ mille
Familles. Les Miamis & les Mafcoutins mirent tout en œu¬
vre pour diffuader le Millionnaire de fe livrer feul à la fureur
d’un Peuple hrité j & qui d’ailleurs n’avoit jamais paru bien
difpofé à entendre parler du Chriffianifme ; mais rien ne put lui
faire changer de deffein , & Dieu bénit fon courage. Il prê¬
cha Jesus-Christ aux Outagamis, qui admirèrent fa réfo-
lution & fa patience , & peu à peu s’humaniferent à fon égard.
Il baptifa des Moribonds , & furtout des Enfans ; plulieurs mê¬
mes le prièrent à fon départ de les revenir voir , &* l’affûre-
rent que , quandil voudroit s’établir chez eux , il trouveroit
une Cabanne & une Chapelle toutes dreffées.
Le P. Marquette travailloit de fon côté affez utilement chez
les Miamis de Chicagou. Il y relia jufqu’en 1675. qu’il en
partit pour fe rendre à Michillimakinac ; mais il mourut en
chemin de la maniéré , que j’ai rapportée dans mon Journal.
Le P. Allouez alla peu de tems après prendre fa place chez
les Miamis , dont il a eu le bonheur de convertir un affez
grand nombre. Ce Peuple , qu’on croit avoir la même origine ,
que les Illinois , ell d’une humeur affez douce , & fi leurs Mil¬
lionnaires n’avoient pas été traverfés par ceux-là-mêmes , qui
dévoient les foûtenir dans leurs travaux Apolloliques ; il y a
bien de l’apparence que toute cette Nation feroit préfentement
Chrétienne.
La Cour paroiffoit toujours avoir fort à cœur l’Etabliffement
de l’Acadie ; mais elle fut mal fervie par les Particuliers , qu’elle
avoit intéreffés dans cette entreprife , & qui ne vouloient pas
comprendre qu’en faifant bien les affaires du Pcoy , ils travail-
leroient utilement pour eux ; ils n’eurent pas même la précau¬
tion d’y bâtir un feul Fort , fe croyant fuffifamment à cou¬
vert par celui de Pentagoët , où le Chevalier de Grandfon-
taine faifoitfarélidence , &par celui de laRiviere de S. Jean ,
oùM. de Marson commandoit au nom de ce Gouverneur,
Tome /. LU
1673.
Excurfîon
P. Allouez
chez les Ouià-
gamis.
Mort du p,
Marquett-el
Afnùrcs u£
l’Acadie.
6?3-74‘
les Anglois
emparent de
’entagaet , &
lu Fort de la
liviere. S.
HISTOIRE generale
M Talon , en demandant au Roy fon congé abfolu , avoit
nromis à M. Colbert de prendre fa route par l’ Acadie , & de
faire la vhite de cette Province. Il -reçut une reponle favo¬
rable , & le Miniftre en lui envoyant! agrément de b a Ma-
tefté pour fon retour en France , lui marqua dans la Lettre,
dattée du quatrième de Juin ié7z. qu’il lui i ferait plailir de
partir le plus tard , qu’il pourroit , & de laiffer toutes choies
en bon état dans la Nouvelle France ; a quoi il ajoutent que
le Roy approuvoit fort le deffein , où il étoit de palier par
l’Acadie. Outre les raifons , qui avoient porte llntendant a
propofer ce voyage , il en étoit furvenu une autre beaucoup
pllLel Chevalier Temple avoir déclaré à M. Colbert qu’il fou-
haittoit de fe retirer fur les Terres de France ; M. Talon eut
ordre de traiter avec lui , & de l’affurer que Sa Majefte Très-
Chrétienne lui accordoit des Lettres de Naturalité , & lui le-
roit encore d’auti es grâces. On efperoit que 1 Acadie retire--
roitde grands avantages de cette négociation ; mais elle n eut .
point de fuite , & je n’ai pu fçavoir ce qui l ayon fait echouer.
L’année fuivante M. de Chambly releva le Chevalier de Grand-
fontaine à Pentagoet , & il y avoir tout au jalus un an , qu il
étoit dans ce Fort , lorfque le dixième d Août de 1 année 1 674.
un Anglois , qui avoit demeuré quatre jours deguife dans fa.
Place ,°le vint attaquer avec l'Equipage d un Corfaire Fia
m Cet Aventurier avoit cent dix Hommes, & M. de Cham¬
bly n’en avoit que trente , d’ailleurs Pentagoet n etoit pas en
fit de défenfe , & le Gouverneur fut furpris , parce que les-
deux Couronnes étoient en paix. Il fe défendit neanmoins
avec beaucoup de valeur ; mais après une heure de combat,,
il reçut un coup de moufqnet au travers du corps , qui 1 obli¬
gea de fe retirer. Alors fon Enfeigne & tous fes Gens , qui.
étoient mal armés , & plus mal intentionnés encore , (e rendi-
rent à diferetion. _ , . v
Les Ennemis envoyèrent aufikôt un Détachement au Fort
de Ganefie dans la Riviere S. Jean pour enlever M. de Mar-
fon , qui y commandoit, & cela fut execute fans relance..
Ainlî l’Acadie , dont ces deux Forts faiioient toute la delente »■
demeura expofée aux courfes des Anglois. L Auteur de cette
hoftilite n’avoit point de Commiffion, & fut désavoué ;onjçu
néanmoins qu’on lui avoit donne a. Ballon un Pi ote ng r
- .-yv;
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 451
■& Ton étoit inftruit que les Baftonnois foudroient très-impa¬
tiemment que les François demeuraient les Maîtres de Pen-
tagoè't , & du Fort de S. Jean.
Si la Nouvelle France eût été tranquille , on eût pu repa¬
rer fur le champ ces pertes , Bc prendre de bonnes me/ures ,
pour ne pas laifier les Provinces voifines de la Nouvelle An¬
gleterre expofées à de pareilles infultes ; mais tout étoit en
trouble dans la Colonie. Le Gouverneur Général s’étoit
brouillé avec les Ecclefiafiiques & les Millionnaires , & fe
brouilla bientôt avec M. du Chefneau , qui avoit relevé M.
Talon, L’Abbé de Salxgnac Fenelon , qui étoit du Sémi¬
naire de S. Sulpice , fut mis en prifon , fous prétexte qu’il avoit
prêché contre le Comte de Frontenac , & qu’il avoit tiré des
attestions des Habitans de Montreal en faveur de M. Per¬
rot , leur Gouverneur , que le Général avoit fait mettre aux
arrêts.
On fe plaignoit encore que M. de Frontenac avoit compo-
fé le Confeil Supérieur de Gens , qui étoient à fa dévotion ,
& que par-là il s’étoit rendu l’Arbitre fouverain de la Juflice ,
& tenoit tout le Monde fous le joug ; qu’on ne voyoit que
Sergens en campagne , & que depuis fix ou fept mois il y
avoit eu plus de procès dans la Nouvelle France , qu’on n’y
en avoit vû depuis foixante ans. En un mot , que le Pays
étoit dans une extrême confufion , & que fi cela duroit en¬
core quelque tems , il y avoit tout à craindre pour la Co¬
lonie.
Il faut pourtant avouer que tous les coups de vigueur , que
fit alors le Comte de Frontenac , ne furent pas réprehenfibles
-quant au fond ; mais lors même qu’il ufoit le plus à propos
de févérité , il le faifoit avec un air de violence , & des ma¬
niérés fi hautaines, qu’il diminuoit beaucoup le tort des Cou¬
pables , en rendant le châtiment odieux ; ce qui le jettoit
fouvent , & quelquefois même la Cour , dans de très-grands
embarras. Il s’étoit furtout extrêmement laifie prévenir contre
les Millionnaires , & il ne tint pas à lui que fa mauvaife hu¬
meur contre eux ne fît perdre à la Colonie une de fes plus
fortes Barrières.
MM. de Courcelles & Talon avoient jugé que, pour tenir
en bride les Cantons Iroquois , il étoit néceffaire d’attirer le
plus qu’il feroit pofiîble ae ces Sauvages à la Prairie de la
Magdeleine , où nous avons vû que plufieurs setoient déjà
LU ij .
1673-74.
Violences clé
M. de Fronte¬
nac.
T
;
/
1 U; 7 4‘
, HISTOIRE GENERALE
établis. On avoit chargé de cette Commiffion le P. Fremin
oui s’en étoit acquité avec luccès ; mais on reconnut bien¬
tôt que le Terrein de la Prairie n’étoit pas propre a porter les
grains , que les Sauvages ont coutume de fenier ; & la -amine-
commençant à fe faire fentir , la nouvelle Peuplade lut me¬
nacée d’une défertion generale. ,
Pour éviter ce malheur les Millionnaires demandèrent au
Gouverneur & à l’Intendant un autre emplacement vis-a-vis
du Sault S. Louis. Le Comte de Frontenac ne répondit rien-
à leur Requête; mais M. du Chefneau , qui jugea la retrai¬
té des Sauvages inévitable , fi on leur refufoit ce qu ils i de-
inandoient, le leur accorda, & ils s en mirent en poiteffion.
Ôn avoit bien prévû que le Général n’approuveroit pas cette
vovede fait; mais on n’auroit jamais imagine qu il dut porter
l’emportement auffi loin , qu’il le fit ; il s’oublia véritablement
en cette rencontre dune maniéré, qui ne parut pas meme ex^ %
cufable à fes meilleurs Amis. , . c u ç
Les Iroquois Chrétiens reftërent neanmoins au hault b.
• 0_ Z"1 „ . , il 1 rroa fpf FtahliiTement nécelTaire , les
Lou",&Tcour, bougea cet Etabliffement nécelTaire les
y maintint malgré le Comte de Frontenac Ce fur-
un lie8 dans la Colonie Françoife , c’eft que les Hol andois.
ayant en 16-73. repris Manhatte, & reconquis toute la 1S .ou
velle York , qu’ils ne gardèrent pourtant pas lontems , avoient.
menacé les Millionnaires , qui etoient dans le Canton d g
nier de les en chaffer , s’ils ne le retiraient pas deux memes-
Us enufoient ainfi , parce qu’ils craignoient tout de la pan
des Iroquois , fi cette Nation s’uniffoit aux François par le lieir
Ü”lTy a auffi - bien de l’apparence que dès lors il fe formoit
quelque intrigue parmi ces Barbares pour recommencer a
guerre contre nous; car dès lannee fuivante 1674- M.
frontenac manda à M. Colbert que , n les principaux Chefs,
de la Nation n’avoient pas ete gagnes par .es carei.es & pa
fespréfens, il ne relierait pas un feul François en Canada..
C’étoit un peu trop dire ; mais il eft certain que les Holla
dois follicitoient fous mains les Iroquois a reprendre les ar-.
mes & le Gouverneur General profita des avis , qu il en
kit pour perfuader à la Cour la nécefiite. de confervcr fon.
Fort de Catarocouy- Il ne s'attenuoit pas que la Cour en co
durait , comme elle lit , qu il n etoit pas moins imgor
DE’ LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 453
de maintenir FEtabliffement des Iroquois Chrétiens au Sault
S. Louis.
M. du Chefneau n’avoit pas moins à fouffrir des hauteurs
du Générai , que les Ecclefiaftiques & les Millionnaires , &
leur brouillerie avoit commencé au fujet du Confeil Supé¬
rieur- , dont le Comte de Frontenac vouloir réduire à lui
toute l’autorité , jufqu’à s’approprier le titre & les fondions de
Préfident. Le Roy , pour faire ceffer ces difputes , qui allu-
moient le feu de la difcorde, dans toutes les parties cte la Co¬
lonie , parce que les deux Chefs avoient chacun leurs Parti-
fans., rendit le cinquième de Juin 1675. une Ordonnance,
qui réglait toutes chofes , de maniéré à donner lieu d’efperer
que toute vaine prétention cefferoit de part & d’autre. Sa
Majefté y conftrmoit ce qui avoir déjà été, décidé, àfçavoir ,
que le Gouverneur Général auroit la première place dans le
Confeil , que l’Evêque auroit la fécondé , & l'Intendant la
troifiéme ; mais que ce feroit à ce dernier à demander les opi¬
nions , à recueillir les voix , & à prononcer les Arrêts,
Le Comte de Frontenac ne fe rendit pourtant pas , & fous
différais prétextes traita fort mal tous ceux , qui en cela ,
comme en toute autre chofe , s’oppoferent à fes volontés. 11
ofa même exiler de fa propre autorité le Procureur Général &
deux Confeillers ; il rompit ouvertement avec l’Intendant , &
il ne craignit point de dire qu’il étoit bien fâché de ne l’avoir
pas fait mettre en prifon immédiatement après le départ des
Vaiffeaux , qu’il auroit eu le plaifir de l’y tenir deux années
entières , parce qu’il falloir ce tems-là pour avoir un Ordre de
la Cour , qui l’en fit fortir.
On ne put cacher lontems au Roy une conduite fi peu fou-
tenable; mais il paroît qu’on diîîimula d’abord à Sa Majefte
une partie des écarts de ce Général, qui avoit en Cour de
puiflans Protecteurs , & de grandes Alliances. C’eft ce qu’on
peut inférer de deux Lettres écrites au nom de ce Prince , &
dattées du 29. d’Avril 1679. Dans l’une, qui étoit adreflée à
M. du Chefneau N, le Roy marquoit à cet Intendant qu’il au¬
roit évité toutes les violences , dont ilfeplaignoit ,fi , fuivarrt
fes ordres , il s etoit contenté d’expofer fes raifons à M. de Fron¬
tenac , & s’il lui eût obéi , en l’avertiflant qu’il donneroit avis
de tout au Confeil.
Dans l’autre , qui étoit pour le Comte de Frontenac , Sa
Majefté j après lui avoir reproché que par fes prétentions il
1675.
Prétention de
M. de Fronte¬
nac au (ujet de
la fonction de
Prélident du
Confeil Supé¬
rieur.
lettres du
Roy à l’Inten¬
dant & au
Gouverneur
Général.
454 ~ ~ -
! 575. troubloit la tranquillité de la Nouvelle France , ajoûtoit :
V Vous avez voulu que clans les Regiftres du Confeil Sou-
verain vous fufîiez qualifié de Chef & de Prefident de ce Con-
» feil , ce qui eft entièrement contraire à mon Edit concernant
„ cet Etablnîement. le fuis d’autant plus furpris de cette pr éten-
» tion , que je fuis bien affuré qu’il n’y a que vous feul dans mon
» Royaume , qui étant honoré du titre de Gouverneur & Lieu-
» tenant Général dans-un Pays , eût déliré dette qualifié Chef
» & Préfident d’un Confeil , pareil a celui du Canada. Je deliie
» donc que vous abandonniez cette prétention , & que vous
» vous contentiez du titre de mon Gouverneui & Lieutenant
» Général. Je ne défire point non plus qu’on. donne le titre de
» Préfident de ce Confeil à l’Intendant ; mais bien qu’il en ait
» toutes les fondions ; c’eft- à- dire , que vous n’avez aucune
» autorité de faire tenir les Regiftres du Confeil chez vous , ainii
» que vous l’avez prétendu , & que vous lavez exige , encore
» moins de recueillir les voix , & de prononcer les A| rets ; tou-
» tes ces fondions appartiennent à la Charge de Prefident , que
» j’ai attachée à celle d’intendant.
La Traite de Le Roy dans cette même Lettre renouvelle fes ordres au
fujet de ces Vagabonds , qu’on nommait ordinairement Cou¬
reurs de Bois , & déclare au Général qu’il ne recevra fur cet
article aucune excufe , perfuade qu il ne tenoit qu a lui d ar¬
rêter le cours d’un tel defordre , qui ruinoit & depeuploit le
Pays , & ançantiffoit le commerce. Un autre jaoint , plus im¬
portant encore , fut un nouveau fujet de démêlé entre le Gou¬
verneur Général & l’Lveque. Nous avons vu les defordres 9
que caufoit parmi les Sauvages Chrétiens la Traite de 1 Eau-
de-vie ; elle avoit recommencé depuis quelques années , <x
produifoit les mêmes effets , qui avoient déjà coûte tant de
larmes à tous ceux , qui s’intereffoient au falut de ces Peuples.
On prévient L’Evêque 5 le Clergé , & les Millionnaires s’en plaignirent ;
la Cour en fa- mais on avoit trouve le fecret de perfuader au Conleil du
Roy que ce commerce étoit abfolument néceffaire pour nous
attacher les Naturels du Pays ; que les abus , dont les Eccle-
fiaftiques faifoient tant de bruit , s’ils n’étoient pas tout-à-fait
imaginaires , étoient du moins fort exaggeres , & que leur
zélé fur cet article ne fervoit guéres que de prétexte pour per-
fécuter ceux , qui les empechoient de dominer dans le Pays 9
& pour folliciter leur révocation.
La prévention alla même fi loin , que M. du Chefneau ayant
HISTOIRE GENERALE
LEau-de-vie
recommence
,en Canada.
veur de ce
commerce.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 455
écrità M. Colbert en termes très-forts pour apuyer le fenti- - *
ment du Prélat , qui avoit fait un cas refçrvé de la Traite de 1 5*
l’Eau-de-vie , ce Minière lui répondit quen cela il n’agiffoit
point en Intendant, & qu’il devoit fçavoir qu avant que d’in¬
terdire aux Habitans un commerce de cette nature , il falloit
bien s’affûrer de la réalité des crimes , qu’on prétendoit qu’il
enfantoit ; mais la pénétration de M. Colbert ne le laiffa pas
lontems dans l’erreur à ce fujet , & la pieté du Roy ne lui per¬
mit pas de relier indécis fur une affaire , que tant de Perfon-
nes , dont Sa Majeffé ne pouvoit s’empêcher d’effimer la ver¬
tu & les lumières , ne ceffoient point de porter au pied de fon
Thrône, comme la chofe du monde , qui intéreffoit le plus la
Religion dans la Nouvelle France.
. Il 7 eut donc en 1678. un Arrêt du Confeil , datté du dou- Edit du r0v
ziéme de May , lequel ordonnoit qu’il feroit fait une Affem- à ce fujet. 7
blée devint des principaux Habitans de la Nouvelle France , 1676-78.
pour avoir leurs avis touchant la Traite en queffion. Cela
fait , & les raifons apportées de part & d’autre , le Roy vou¬
lut que l’Archevêque de Paris , & le P. de la Chaise , Con¬
fie ffeur de 8a Majeffé , donnaffent leur Jugement définitif; &
l’un & l’autre , après avoir conféré avec l’Evêque de Quebec ,
qui étoit venu en France , jugèrent que la Traite de l’Eau-de-
vie dans les Habitations des Sauvages devoit être défendue
fous les peines les plus griéves. Il y eut une Ordonnance du
Roy , qui apuya ce Jugement , & elle fut envoyée à M. de
Frontenac, à qui il fut expreffément enjoint de la faire exé¬
cuter ; 1 Evêque ayant de fon cote engagé fa parole de réduire
le cas refervé aux termes , dans lefquels l’Ordonnance étoit •
exprimée.
Cependant le départ de M. Talon , & la mort du P. Mar- Arrivée d*
quette avoient fait perdre de vue le Miciflipi , & on ne pre- sieur delà Sa-
noit aucune mefure pour en achever la découverte. Enfin
Robert Cavelier , Sieur de la Sale , qui étoit paffé depuis
quelques années en Amérique , & qui ny étoit allé , que pour
tenter quelque entreprife , capable de l’enrichir & de lui faire
honneur , comprit que rien n étoit plus propre pour le faire par¬
venir à fon but , que d’entrer dans les vûës de M. Talon fur
la découverte de ce grand Fleuve , & du Pays , qu’il arrofe.
Il étoit né à Rouen d’une Famille aifée ; mais ayant paffé
plufieurs années parmi les Jefuites , il n’avoit point eu de part
à l’héritage de fes Parens. Il avoit l’efprit cultivé , il vouloir fe-
F ï S T O I R- E GENERALE.
Va- er & il fe fentoit allez de génie & de courage pour
^ î»F*vfes tf* M rsss.
reparer fes pertes ; mais il n Ç P , vj eut de l’auto-
hauteur. Avec de -tels dé-
Miciffîpi.
Avec de teis dé-
fauts il ne pouvoit pas etr^ heureux ^ r gea à oaffer
il entreprend Le premier piojet, q " «qfPiae au Japon & à la Chine
d'achever la i T\4ers fut de chercher un paiiabc ai p • rUnouii-
découverte du K*™**’ T L mr VOueft du Canada; & quoique depour
par le Nord , °«P“ l i étoit néceffaire pour une pa-
vu généralement - ^rouvât même les premières an-
reille entrepii w , - q 0ù ün’avoit rien apporte ,
nées ton a 1 étroit dans un J ’ l’indigence ,j1 ne fe
“SZ^Tc, fecou,s , ta. d pouvoit
avoir befoin pour fonentrepine. , àM nt-
II étoit dans cette o^^jSU, il ne
real avec la nouvelle a- L Vnvapeur que le Mi-
douta point , quand il eut entrer e"““ e ma*s il fe
eiffipi ne -fe déchargeât dans le Goton* M ®*“^or’d , d p0ur-
flatta encore qu’en remontant ce cjierches , & qu’en
roit découvrir ce obj ■ s^eeXuChure le’ condui-
tout cas la feme aeco ,t- • r fortune & fa reputa-
ss F»-
mit de l’aider de tout f°n pouvoir c’étoit à fe met--
La première cnofe , a quoi il - S , p £ajre revêtir
tre en fonds pour les frais .®5ett|^^0^tenjr,d€S forces capa-
d’un caraftére , qui 1 autori a , g a\e avoit fait à loi*
bfa a. J“ 6
fir toutes ces reflet , ,P ratarocouy tenoit au coeur
tête. Il fçavoit combien le Fo fe Ga^°C^ augmenter les
du Comte de Fronce ; J V lm prop^ ^ £ le défen-
fortihcations , cUy mettre une oient faire les Iroquois,
d,0 co.„« les «"«F; » . d « 573“ J. H.b,lJ . .«»
Il pafle en
France -, ce
qu’il obtient
du Roy.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 417
d’en pouvoir tirer dans le hefoin des Hommes & des provi- ~7~; ~
fions d’y conftruire des Barques pour naviguer fur le Lac l67°'
Ontario.
Rien n’étoit mieux penfié , n’y regardât-on que l’utilité de
la Colonie , & le Général fut d’avis que la Sale paffât en
France pour communiquer fon deffein au Minière. Il s’em¬
barqua donc fur le premier Bâtiment , qui partit de Que-
bec. En arrivant à la Cour ., il apprit la mort de M. Col¬
bert , & rendit au Marquis de Seignelay , qui occupoit la
place de fon Pere dans le Département de la Marine , la Let¬
tre du Comte de Frontenac , dont il étoit Porteur : il eut
enfuite .plufieurs entretiens particuliers avec lui , & ce Mini-
lire , qui goûta fon efprit , lui fit obtenir du Roy tout ce
qu’il pouvoit fouhaitter. Sa Majefié lui fit expédier des Let¬
tres de Nobleffe lui accorda la Seigneurie de Catarocouy ,
& le Gouvernement du Fort, à condition qu’il le bâtiroit de
pierres , & le revêtit de tous les pouvoirs néceffaires pour faire
librement le commerce , & pour continuer les decouvertes
commencées.
Le Prince de Conti , auprès duquel il avoit trouvé de l’ac-
cès , 1 avoit fort apuye auprès du Roy , & avoit beaucoup
contribue a lui faire obtenir toutes les grâces , dont je viens *
de parler. Pour toute reconnoiffance il exigea de lui qu’il ac¬
ceptât un Officier , que ce Prince honoroit de fa bienveil¬
lance & de fon e fia me. Il fe nommoit le Chevalier de Tonti ,
ôc il avoit déjà dans la Nouvelle France un Frere , qui y efi;
mort Capitaine ( ) . La Sale regarda cette demande du Prin¬
ce comme une nouvelle faveur , & en effet Tonti a toujours
ete tres-attache à fes interets, & lui a rendu de très-grands fer-
vices. Il avoit fervi en Sicile, où il avoit eu une main em¬
portée d un éclat de Grenade , & il s’en étoit fait mettre une de
fer , dont il fe fervoit très-bien.
Le quatorzième de Juillet 1Û78. la Sale & Tonti s’embar¬
quèrent à la Rochelle avec trente Hommes , parmi lefquels
il y avoit des Pilotes & des' Ouvriers , & ils arrivèrent à Que-
bec le quinzième de Septembre. Ils y fejournerent fort peu ,
paice qu ils vouloient profiter de la belle faifon pour fe rendre
à Catarocouy , où ils menèrent avec eux le P. Louis Henne-
piN , Recollet Flamand , qui les accompagna depuis dans la
plûpart de leurs voyages. Le premier fom de M. de la Sale en
Le Clievalicn
de Tonti fc
oint à lui.
Divcrfcs
aventures de
M. de la Sale.
I 678.
(•* ) Ils ctoient Fils de l’Auteur de la Tontine.
Tome I.
M m m
î 678,
16 79
Il fait une
perte conûdé-
jrable.
Q .HISTOIRE GENERALE
. , (^af-,roCouv fut de faire travailler au Fort , qui
“'mitoue de pieux fil’ fit en même tems conftruire une Bar-
11 £p Si ces travaux furent achevés avec une promptitude ,
*■ — Go“-
njuili. «Mtt f*. B“n .'âSÏÏT ot
il traça un nouveau Fort : il en chargea le Chevalier. cte i on
conft£
Xn"nd iras vss
l£ heureufement; mais le Pilote l’ayant un jour trop apro-
chée de Terre , elle fe brifa. . , , , c ie . ;i répara
• Ce contretems ne déconcerta point M. de la Sale . H
bientôt cette perte , s’occupa tout le F" & «utUte^
iSfea &££££ «4 ™>« ^
sszrà ffiSü fis =
xr'r i
“mrî JSerKr les engager preF
dÆl^la^ar
gée de’peîleteries à Niagara. Pour lui il fe de
L Rivtere S.Jf*^ 5efo!cès,&
Sr ClXlierd; Tonti l’alla
lontems. Tonti defcend.t aux Illinois , & a Sale retoum &
Catarocouy , Oü il ap^it e^mvan q ^ a w
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 459
de nouvelles bien certaines depuis fon départ de la Baye.
Quelques-uns ont rapporté que tes Sauvages n’eurent pas
plutôt aperçu ce grand Bâtiment voguer fur. leurs Lacs , qu’ils
le crurent perdus , s’ils ne venoient à bout de dégoûter les
François de cette maniéré de naviguer ; que les Iroquois en
particulier longeant dès lors à rompre avec nous, profitèrent de
cette occalion pour jetter de la défiance contre nous parmi les
Nations Algonquines ; qu’ils réunirent furtout à l’égard des Ou-
taouais , & qu’une Trouppe de ces derniers ayant vû le Grif¬
fon al ancre dans une Aille, y étoit accourue , fous prétexte
de voir une chofe aulîi nouvelle pour eux ; que comme on 11e
le defioit point deux , on les laiffa entrer dans la Barque , où
il n y avoit que cinq Hommes , qui furent égorgés par ces Bar¬
bares ; que les Affaiblis enlevèrent toute la charge du Bâti¬
ment, & y mirent enfui te le feu. Mais comment auroit - on
pu fç avoir toutes ces circonflances , puifque d’ailleurs on affû-
re qu’aucun Outaouais n’en a jamais parlé ?
Ce malheur fut fuivi d’un autre , auquel M. de la Sale ne
fut *pas moins fenfible. La Nation , fur laquelle il avoit le plus
compté pour le fuccès de fon entreprife , étoit l’Illinoife , alors
très-n ombreufe , & qui occupoit plufieurs Polies , dont on pou-
vmt faire des . entrepôts commodes entre le Canada & le Mi-
cimpi. C étoit pour s’affûrer de ces Sauvages , que le Cheva¬
lier de Tonti s etoit avance de ce coté-là , & il avoit réufli fans
peine à les mettre dans fes intérêts ; mais comme il étoit très-
peu accompagné , il ne put empêcher fes nouveaux Alliés de
recevoir prefque fous fes yeux un rude échec de la part des
Iroquois , qui n’ayant pu venir à bout de les brouiller avec
les François , vouloient , avant que de nous déclarer la guer¬
re , les mettre hors d état de nous fecourir , les furprirent , &
en taillèrent en pièces un très-grand nombre.
La Sale fe voyoit alors dans une lîtuation bien fâcheufe ;
il avoit tout à craindre de la part des Iroquois , qu’il devoit
s attendre de trouver par tout dans fon chemin ; les Outaouais
etoient fufpe&s , & il ne pouvoit fe fer à ceux-mêmes d’entre
les François , qui étoient fous fes ordres , & dont quelques-
uns attentèrent , dit-on , plufieurs fois à fa vie. Ils firent plus ,
nT^S ^ aî$*ter foy à ce qui s’en publia dans le tems
ils folliciterent plufieurs fois fes propres Alliés à fe fouiever con-
tre lui , & pour les y engager , ils n’eurent point honte de leur
dire qu il s'entendait avec les Iroquois pour les faire tous périr.
Mmm ij
1 67 9.
Les Illinois'
font défaits
par les Iro¬
quois.
Fermeté de
M. de la Sale
dans fes mal¬
heurs.
x 6 7 9-
On veut
l’empoifon--
nciv
. HISTOIRE generale
41, L ... «MO *• 'n ZtJ: ÎTS
bientôt qu’lis étoient un feu change tQUte Cette Nation , &
même au moment d avoir fui Siens. p ne fit néan-
de ne pouvoir compter fur a - contraire jamais il ne mon- .
moins paroître aucune Gr^“ on'parlà il fi fit eftimer ; mais "
tra plus de fermeté & dt itrfaluüon. Far la ^ ^ (oujours fon,
il voulut un peu trop e a,r ‘ de fes malheurs. Il ne put
grand défaut , & la principale fource u & de s’huma-
auffi jamais gagner fur foi d eue _ befoin , & il ne fit pas
nifer avec ceux , dont il avoir le p u debelo ^ ,
jfpïrtSeSii i;i: . * «
Gens , & de ceux-mêmes , en qui ^ JJ f & de faire le
Perfides avoient complotte d F ronnoiffoient lui être plus
même traitement a tous ceux , qu & ils n’eurent
fmcérement affeâionnes. s u , fauver comme ils fi-
plus d’autre parti à prendre , que- ^ %laUVêr ^ ■ s mi¬
rent. La Sale les remplaça par une Troupe de J ^ ^
«“’d-VR!™,; SK, & » ** h» • **
fa fource, " ^
Il fait remon-
ær le Micifli-
pi par le Sieur
Dacan & le P.
Hennepin.
.v. fource, - . in port Je Crevecœar le
Ces deux Voyageurs Plurent d ^ ^ Midffipi ? le re_
vint-huit deFevner , & e a dégrés de Latitude-
vint-huit de Février , & étant désrés de Latitude-
montèrent jufques vers les ) |te J^an allez haute r
Nord : là ils forent arrêtes pa. une Ue le p Hem
l 6 8 o.
Nord: là ils forent arrêtes par une cnmeu^iie lt p. Hen-
qui tient toute la largeur du ^ J ■ J} Padoue . Ils tom.
-pin donna le nom de Wt Antom^ , ^ ^ mains
berent alors , je ne iç P % lontems Prifonmers ; mais
des Sioux, qui les retmren ?3r ^
qui ne les maltraiteient pou • q defcendirent le Fieu-
J„So« du „ F d, Crevp
ve jufqua la Mer , puis de confiderable ; <pioi-
cœur, fans quil leur ‘t. ^ , Chevalier de Ton*
qu’en dife le Roman pu ne s Habitations Françoifes
qui leur Al'L^'^uVoiirce de ce Fleuve fur une haute
ti , qui leur fait rencontrer plu.ieurs oRu^ ^ ^ f^ü*
fur le Miciffipi , trouver la foui ce de d Afliniboils.-
Montagne , & pouffer leur courie jufqu au Lac des a
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 461
Il £*ut dire la même chofedes Millions des Recollets , qu’on
trouve marquées fur ies Cartes en plaideurs endroits, & qui
désignent tout au plus des lieux , où le P. Hennepin a dit la
MelFe , ou plante des Croix. Ce Religieux ne fçavoit pas un mot
des Langues de tous ces Peuples , & ne s’eft jamais arrêté chez
aucun Peuple , que pendant fa captivité chez les Sioux. La
fource duMiciffipi eft encore inconnue ; le Lac des Affiniboiîs
efl fort éloigné des lieux , où ont été les deux Voyageurs , & il
eh: certain qu’alors les François n’avoient aucun Etabli ffement
fur les bords du Fleuve , qu’ils defcendirent. Il eft même affez
difficile de comprendre comment ils ont pu aller jufqu’à fon
embouchure, le defcendre & le remonter jufqu’aux quarante ilx
dégres , relier Pnfonniers pendant plufieurs mois parmi les
Sioux , & cela en moins d’une année. Auffi n’a-t’on jamais
cru en Canada qu’ils ayent fait autre chofe , que de retour¬
ner au Fort de Crevecœur par le même chemin , qu’ils avoient
pris en montant jufqu’au SaultS. Antoine.
Quoiqu’il en foit , de nouveaux embarras furvenus à M.
de la Sale , après le départ de Dacan & du P. Hennepin , le re¬
tinrent dans fon Fort de Crevecœur jufqu’au mois de Novem-
bre , & 1 obligèrent enfuite à retourner à Catarocouy. Che¬
min faifant il aperçut fur la Riviere des Illinois , qu’il remon¬
toir, un emplacement , qui lui parut fort avantageux pour la
conilruclion d’un noùveau Fort ; il en traça le plan , appella
M. de Tonti , qu i! chargea de le bâtir , & continua fa route.
Tonti avoit à peine commencé l’ouvrage , qu’il reçut avis que
les François , qu’il avoit laiffés dans le Fort de Crevecœur ,
s etoient foule vés. Il y courut , & n’y trouva plus que fept ou
huit Hommes , le re/le s’étoit fauvé avec tout ce qu’ils avoient
pu emporter.
Peu de tems après les Iroquois parurent au nombre de fix-
cent Guerriers à la vûè des Habitations Illinoifes , cette ir¬
ruption ayant augmenté la défiance des Illinois contre les
François , le Chevalier de Tonti fe trouva dans un étrange
embarras. Le parti , quil prit , fut de fe faire Médiateur entre
les deux Nations Sauvages , & il employa avec fuccès dans
cette négociation les PP. Gabriel de la Ri bourde , & Ze-
nobe Mambré , Recollets , qui étoient demeurés avec lui à
Crevecœur. Mais la paix ne fut pas de durée, & les Iroquois
devenus plus fiers par la crainte , qu’on paroiffoit avoir d’eux
jecommencerent bientôt leurs hofiilités..
1 6 8 o.
Il bâtit un
nouveau Fort.
Nouvelles h'o-
ffilitésdes Iro-
quois contre
les Illinois.-
i 6 8 o*
Les Anglois
font foupçon-
nés d’animer
les Sauvages
contre nous Sc
nos Alliés.
L’Acadie ref-
tituée à la
fiance.
Les Anglois
s’en emparent
de nouveau.
f HISTOIRE GE N E R A L E
4 M de Frontenac , dans une Lettre , qu’il écrivit au Roy le
fécond de Novembre de l’année fuiyante 168. prétend que
_ne auerre des Iroquois contre les Illinois etoit fomentee par
les Anglois , & par’ les Ennemis de M. de la Sale ; mais il
n’exulique point quels étoient ces Ennemis de M. de laSal .
ATa vérité ce Voyageur en* avoit un grand nombre dans la
rolonië &c’étoitfon Privilège exclulifpour le commerce,
& plus encore la maniéré , dont il le faifoit valoir , qui les lu
avoient fufeités ; mais il n’eft guère vraifemblable qu ils eufl
i ^ i t^At'rlrp s’exnofer à fo perdre eux-memes. Je
fçai que^a.1 paffon mene quelquefois beaucoup plus loin 5
au’on ne voudrait aller ; mais il faut quelque choie de plus ,
^ p rVq conie&ures pour former de pareilles accufations , &
Tdes dK du cLnte de Fronteilac étoitde donner une
grSnfaux AngÊ^ëëoit plus d’une raifon de les croire
Ameurfde cette rupture , & cen’étoit pas feulement du cote
des Illinois , qu’ils ëherchoient à nous^ fufciter des affaires par
le moyen des Iroquois. Voici quelle etoit en cela leur •
T 'Acadie le Fort de la Riviere de S. Jean , & celui de Pen-
rntoTt avoient été pour la quatrième fois reftituesala Fran-
ceSparlès Anglois ,P& M. de Chambly en avoit ete nomme
Gouverneur , n’ayant eu auparavant ’ P ®
Nouvelle France , mais qui fut toujours fubordonne au Gau-
i i | a 1-, vérité rien netoit plus miforable 5 que
verneur General. A la vente rien * i Qu
cet Etabliffement , & quoique tous ceux , que e ’
leurs affaires particulières conduifoient dans ces Quai i ers la,
në ceffXnt té reprefenter le tort, qu’on avoit de négliger de
peupler & de fortifier de fi belles Provinces. Leurs remon¬
tantes ne produifirent rien, & .ne firent ! point taire : «u ,
“fqttls « TTéemTppàtëiwk le trouvereiu très-mauvais ,
& les Anglois s’aperçurent bientôt qu ils avoient dans ces bau
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 463
vages de fâcheux Voifins. Ils crurent que pour n’en avoir rien —7-7- -
à craindre , il falloit les mettre aux prifes avec les Iroquois , 1 6 b °*
qui ne fe firent pas beaucoup prier pour entrer en guerre avec
les Abénaquis. Ceux-ci trop foibles pour réfifier en même tems
aux Anglois & aux Iroquois 5 furent contraints de s’accom¬
moder avec les premiers.
Alors le Commandant du Fort de Pemkuit porta fes pré¬
tentions plus loin , & il ne fe trouva Perfonne pour lui faire
obftacle. M. de Chambly venoit de pafier au Gouvernement
de la Grenade , & l’Acadie n’avoit point encore de Gou¬
verneur nommé : elle n ’étoit foutenuë , ni du côté de Quebec ,
ni du côté de la France ; de forte que Pentagoët & le Fort de
la Riviere S. Jean furent envahis fans réfifiance. Les Habi¬
tons du Port Royal , qui virent l’orage prêt à fondre fur eux ,
prirent le parti de traiter avec les Anglois , fans que M. de
la Valliere 3 qui les commandoit fur une fimple Commifiion
du Comte de Frontenac , pût les en empêcher. Ainfi les An¬
glois devinrent pour la cinquième fois Maîtres de l’Acadie ,
& de tout ce qui la fépare de la Nouvelle Angleterre.
Jufques-là les Iroquois ne s’étoient point encore ouverte- Le chevalier
ment déclarés contre les François : ils entreprirent enfin de les de Tonti eft
chafîer de la Riviere des Illinois , & le Chevalier de Tonti donne/ia^I
ayant eu avis qu une Armée de ces Barbares venoit pour l’in- vîeredes iiii-
vefiir dans fon Fort de Crevecœur , ne crut pas devoir les y uois‘
attendre , & fe retira. M. de Frontenac dans fa Lettre au Roy ,
que j’ai déjà citée , dit que Tonti avoit été pourfuivi & bleflé ,
& le P. Gabriel de laRibourde tué par les Iroquois. Il le crut
ainfi apparemment fur les premiers bruits , qui prefque tou¬
jours exaggerent les défavantages. La vérité efi que Tonti ne
fe croyant pas en état de défendre fon Fort contre les Iro¬
quois , en fortit l’onzième de Septembre 1680. avec cinq Fran¬
çois , qui failbient toute fa Garnifon , & les deux Peres Re¬
collets , que j’ai déjà nommés ; mais il ne fut point fuivi , ou
du moins il n y eut aucune aclion entre lui & les Iroquois.
Apres qu il eut fait cinq lieues en remontant la Riviere Un Pere Re-
des Illinois , il s’arrêta pour faire fecher des Pelleteries & le foIlec. tué Par
P. Gabriel setant un peu écarté dans le Bois , en recitant fon cs Klcapou'-
Office 3 fut rencontré par des Kicapous , qui le tuerent , appa¬
remment jiour avoir fa dépoiiille. C’étoit un faint Religieux,
fort efiimé dans la Nouvelle France pour fa vertu & fa mode»
fiie , & qui avoit plus confulté fon courage , que fes forces ,
1681-83
HISTOIRE generale
4 4 mie de s'engager dans une expédition , de laquelle foa
1680. “Valje1bixante &§ onze ans ne devoit pas lui repondre qui
age de i To.xa «e « °n“f retarda de quelques jours la mar-
Zï Ai. t» * p*11" nv,“ *“ la
Baye du Lac Michigan. . c , j .. retraite & il fut
m. de la Sale M. de laSale n’avoit pu etre informe • tems de l’an-
defcend le ,• furpris forfqu’au commencement du prmtensaei
Miciiïipi juf- l31/61 P 5 , ^ iu au Fort de Crevecœur ,uny trouva
qu'à la Mer. — nee fuivante , nouvelle Garnifon , envoya des Ou-
perfonne. I y nutjine ^ ? m t trace
vners , pour travamei ' [e fort de Saint
l’année d’auparavant , SL.. ' akinac où le Chevalier de
Louis , & fe rendit a Michillimakinac , ou ils
-V arrivé lin oeu auparavant avec la 1 rouppe , ns»
Tonti etoit arrive u“ ? bmble vers la fin d’Août , pour al-
f1 ^‘cmarocouy , & trois mois s’étant paffés à courir de
Zé sï t sr S-S*
MÏÏ'e “ »ôuv, d deux Fort. d„, K».
OÙ il les avoit laiffés. , ,ij- is gc le deuxième
I, t rSSTfcto M®. Le quatrième
de Février ™es cérémonies ordinaires poffef-
de Mars il prit avec neuvième d’Avril il recon*
fion du Pays des Akanfas , & le !£"e ^elle rife de
nUVmfflbThUfes “ed^c’k tout ce qu’on a de bien cer-
poffeffion dans les reg . ce qui eft des circonf-
tain touchant ce Voyage Car^pour « ^ chevalier
tances rapportées dans P , foi doit donner
de Tonti , on jugera de la calculs de M- de
par ce qui elt dit a ia n , 4 ntre \es vint-deux &
la Salle , l’embouchure i du ^ M.ciffip. t eft ^ & forme
S £“3Z &«Z'rt6S, très- profond & «*-
rfir ï. prt \ Ær • sSzss
Et ZisTntS; c'ti— t cn,«Lè l..u«. 1=
Il repafle en
France.
(4) Ferdinand de Soto a traverse plus
d‘u.ne fois le Miciffipi, que Ton Hiftoncn
aomme G ucagu*. U y a meme ete jette apres
fa mort -, mais il n’y a fait aucun Etabliflç-
ment.
premier
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 465
•premier jour, comme le prétend la Relation, que je viens
de citer ; car 011 eft fort heureux , quand on en peut faire
fept ou huit , en remontant ce Fleuve avec des Canots. Le
quinziéme de May il tomba malade , & détacha le Cheva¬
lier de Tonti , à qui il recommanda de faire la plus grande
diligence , qui feroit poffible , pour fe rendre à Michilli-
makinac ; pour lui il alla pafler une partie de Fhyver à la
Baye , & n’arriva à Quebec qu’au printems de l’année fui-
vante 1683. Il s’embarqua quelques mois après pour la Fran¬
ce, menant avec lui le -fleur de la Forest , Major de Ca-
tarocouy , fort honnête Homme , bon Officier , & qui a très-
bien fervi le Roy en Amérique.
Il étoit arrivé dans la Colonie bien du changement pen¬
dant l’abfence de M. de la Sale , & les efprits n’y étoient
pas auffi bien difpofés en fa faveur, que lorsqu’il avoit com¬
mencé fes découvertes. La meflntelligence entre le Gouver¬
neur Général & l’Intendant étoit allée à un point , qu’il n’é-
toit plus poffible qu’ils demeuraflent enfemble. Il eh certain
que la Cour donna le plus grand tort au Comte de Fronte¬
nac ; mais M. du Chefneau , tout homme de bien qu’il étoit,
n’avoit pas eu la complaifance de fouflrir les maniérés hautes ,
& l’humeur dominante du Général , quoique le Miniflre &
le Roy même ne lui enflent rien tant recommandé : ainlî ,
faute de patience , pour laifler le Comte de Frontenac dans
fon tort , il le partagea quelquefois avec lui , & Sa Majeflé
crut devoir les rappeller tous les deux.
M. le Fevre de la Barre fut nommé Gouverneur
Général, Sc M. de Meules Intendant; les Provifions de
l’un & de l’autre font du mois de May 1682. Le Roy dans
les inflruflions , qu’il y joignit , y recommandoit furtout au
premier d’entretenir une parfaite correfpondance avec le
Comte de Blenac , Gouverneur Général des Mes de l’A-
merique , parce que l’on étoit alors perfuadé que ces deux
Colonies pouvoient tirer de grands avantages du commerce
réciproque de leurs Denrees. Sa Majeflé inlifloit beaucoup
dans les inflruflions , qu elle donna a M. de Meules , fur ce
qu’elle avoit fl fouvent , & fl inutilement ordonné à fon Pré-
decefleur , d’apporter tous fes foins pour bien vivre avec le
Gouverneur Général ; ajoutant que s’il'voyoit faire à M. de
la Barre dans l’exercice de fa Charge des chofes manifefle-
ment contraires au bien du Service , il fe contentât de lui
Tome I. jq n n
1682-83.
MM. de
Frontenac &
du Chefneau
font rappelles.
Leurs Succef-
feurs;& les in-
ftruftions ,
qu’on leur
donne.
1682.-83.
Origine de
paierie des
Iroquois.
,66 HISTOIRE GENERALE
“Si. -Aj»* ■“* » * pafc“
, 'Yi wiiixx . 'î-ru|j ^azc:rJr:z
W^ÊÊÊS^S
Colonie en 1679, p r s fans y comprendre le
mille cinq cent qu.nze Pcrfonnes P de Mon.
Gouvernement de 1 Acad , Iroauois ne gardoient pas
de. Nous avons déjà V1* ff c . % t on £toit convenu
ou à nous rendre inutiles tous nos Allies. ^ nou_
Plufieurs chofes ayoïent “ntnb^ * ”°Uque la Nouvelle
veau cette Nation fur \es , . U1 * ,P ^melois, le Colonel
York étoit rentrée fous lobe.lfance es A nde
Dongan, qui en etoit Gouverneur , Marchanlifes à
attention à ‘faire donner aux les François , par-
meilleur marche , que ne / tout le Commerce
ce que la Compagnie , qui fa.fo.t alo s »ut ^ Caftors ^
des^elleteries , prenoit Pre^®“f Foun.res , & achetoit
le dixiéme des Cuirs , & des » Outre cela il étoit fur-
tout le relie à un prix affez modiq e Outrera. ^ ^ ^
venu quelques aftanes allez a ’ ' ‘ des Sauvages vers
efprits : deux François ayant ete ti. P mains de qui
,A,c s“p»“virr fa «. P.X.“” ' — • D’“'*
tombèrent les Affainm , p?ufieurï infultes , qu’on avoit
part on avoit larffe ’ *®PU P^ qul noUs avo.t
reçues de ces Barbares , ^ ^ fieur du Luth pour
attiré leur mepns , fit p F • >d force de fouffrir des
une violence ; comme fi les FV^a ïorc^
affronts , avoient peidu e ^ QÎtre toute la mauvaife
Enfin un accident nrsprevt rfo Au mois de Septem-
difpofition des Iroquois a noue g f tué à Michil-
bre 1681 . un Capitaine Tfonnomhoua,^
îimpkînac nar un Illinois 5 avec c[
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 467
démêlé particulier. Dans ces rencontres, ce tfeft , ni fur le -
Meurtrier , ni fur fa Nation que tombe le premier reffenti- 1 o2"®3-
ment de ceux , qui ont été oftenfés , mais fur les Maîtres du
heu_, ou l’offenfe a été faite : ainfi cetoit aux Kiskacons ,
Nation Outaouaife , chez qui le Tfonnonthouan avoit été
tue, a faire fatisfaRion aux Iroquois, & dès le premier avis
^ *1 * W Al/ ^ ce qui venoit d’arri¬
ver , il avoit aepeche aux Cantons un Homme de confian¬
ce , pour leur perfuader de fufpendre toute hoftilité , jufqu a ce
qu il eut le tems de leur faire rendre iuftice par les Kiskacons
Die* invita en même tems à lui envoyer à Cataracouy ,
ou il le rendrait en perfonne, des Députés, avec qui il pût mfofenl«<k
traiter de cette affaire , & de tous les autres fujets de plain- m! detrome-
te , qu on pouvoir avoir de part & d’autre. Peu de jours ,uc-
apres il reçut une Lettre d’Onnontagué , par laquelle on lui
mandoit que ces Sauvages exigeoient qu’il s’avançât jufqu’à
1 entres de la Riviere de Chouguen (a) , & on lui ajoûtoit
qu on ne doutoit point que ce ne fût le Colonel Dongan ,
qui leur avoit infpiré une prétention lï arrogante, dans, la
penfee que le Gouverneur Général la remettant avec mépris ,
romprait toute négociation avec les Cantons Iroquois.
, f-n effet M. de Frontenac répondit à celui , qui lui avoit Rcponfede
•écrit la Lettre , quil ne fe réfoudroit jamais à faire une telle GénéraL
démarché; premièrement, parce que cette condefcèndance ne
reroit qu accroître 1 infolence des Iroquois : en fécond lieu
parce que , quand bien même il ne feroit pas contre fa digni¬
té de le faire , il ne pouvoir entreprendre ce voyage avec bfen-
feance , & avec fureté pour fa perfonne , fans de grandes dé-
penfes : troifjemement , parce qu’il n’avoit point encore vû les
Kiskacons , & qu il ne fçavoit pas quelle réfolution ils avoient
pnfe. Il fimffoit en priant l’Auteur de la Lettre de mettre tout
en œuvre pour faire prendre aux Onnontagués des fentimens
plus railonnables & plus refpe&ueux.
Celui-ci , non-feulement ne crut pas la chofe poffible ; mais
il jugea meme qu il etoit dangereux de la tenter , & manda au
General que les principaux Chefs de la Nation Iroquoife , &
eeuMemes, qui étoient les plus affeâionnés aux François ,
perliitoient dans la demande d’une entrevue avec lui à l’entrée
de la Riviere de Chouguen ; & que s’il la refufoit , il y avoit
Lac Onunfto.1C F°pre de la Riviere ^’Ounontagué , laquelle fe décharge dans le
N nn ii
ce
1682-83
le parti, qu’il
|rs.nd.
/Q HISTOIRE GENERALE t
4^8 , .1 Sauvages ne fe portaient a quel-
tout lieu de cendre que n’avoir pas prévenue,
que extrémité , quon le îcp * , Lettre fut rendue au
ï)ans le même tems que ^«tte J*' {JetemeM de daller point
Comte de Frontenac , o / & que les ïroquois ,
à Chouguen , fans etre bien a P S ’ rort infolemment.
contre leur coutume , avoient par ^ J de prontenac eut
De quelque part , que vint eet av , le déterminer
grand foin de le répandre ; mais ce ^ P c’eft qu’il s’é-
enfin à ne point faire le v°y^g lr0quois l’eftimoient , & ne
toit mis dans la tete qu au rond 5 . c [e parti de ne rien
vouloient point lui faire la guerre. Il P ^ d pexePmple de M. de
rabattre de cette hauteur , avec laqu U ’Sauvages. 11 déclara
Courcelles , il avoit toujoui Droteflion les Outaouais ,
publiquement qu.1 prenoit fo aux Kiskacons de con-
luTr^dînouveaux Forts’, pot/s’y défendre , fi on venoit les
atïiqfitplus ; quelques!,— ,
Lamberville , leur M.ffionna.re s étant ^
confentir qu’on traitai a Catal? J p, ies froquois vouloient
pas plus loin que Montreal , & qi mo;s de Juin ; mais que
fui parler , il les y attendre* Cet« réponfe irri-
ce terme expire , il retournetoi Q. qu’jls ne voû¬
ta les ïroquois , &ils d^uvememFSé,4u qu’à Chou-
loient mus traiter : ave J ^ »n ^ Queb à M. de
guen. Surquoi M. du ^nemea Juillet à Montreal,.
Frontenac , qui étoit encore aV ^ perfonnes d’expérience^
quefonfentiment & celui de 9
etoit qu’on accordai ans ^^“O' qdvoit de France , on n’en
tant plus que , fuivant les av , q
devoit efperer aucun fecours. dette démarche ,.
11 rCCÎL fa pionne ;àfe
Expédient ,, Il ajoutoit qu il y -voit un ^eXp0fer fa Perfonne ; àfça-
que lui fugge- fans déroger a fa dignité , &■ *ai V ferait fuivie d’un B ri¬
re l’intendant, . , mnntpt* une Barque, laquelle leroit n
& pourquoi il voir, de monter une naq 5 \ ^c Chouguen, daj)-
ibrefufe* gantm , & que quand il y «aoonfe du Gène-
peller les Députés ïroquois à fon bo qudl ne
ral fut qu’il ne d^prouvoit poi & F u maniére mfo-
pouvoir fe reioudre a senie , 1 i • propofv-
ente, dont les Barbares avo,cnt reçu fierté,
lions , qu’il leur avoir faites, ce difpofé
que dé les aller chercher chez. eux : qu il etoit toujours e
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 469
â les écouter , quand il auroitvû les Kiskacons , pourvu, qu’ils
fe rangeaient à leur devoir ; mais qu’il étoit bon de faire les
préparatifs néceffaires pour foûtenir la guerre , & qu’ils dé¬
voient tous deux agir de concert en cette occaiion , quoiqu’ils
euifent nouvelle qu’on leur avoit nommé des Succeffeurs , par¬
ce que peut-être ces Meilleurs n’arriveroient pas à teins pourfe
mettre en état de faire tête à un Ennemi , qui étoit toujours
prêt à commencer les hoftilités.
Peu de tems après le Général faifant la viiite des Côtes de
de Montreal , rencontra le Sieur de la Forêt , Major de Cata-
rocouy , qui lui amenoit cinq Iroquois. C’étoit des Députés des
cinq Cantons , qui avoient ordre d’aiïurer leur Pere Ononthio
qu’ils étoient dans la difpofition de bien vivre avec lui , & avec
fes Alliés. Le Chef de cette Députation étoit un Capitaine On-
nontagué , nommé Teganissorens , fort affectionné à la Na¬
tion Françoife , lequel s’étoit ^donné de grands mouvement
pour calmer les efprits de fa Nation , & croyoit y avoir réufli.
M. de Frontenac lui donna audience l’onzième de Septem¬
bre , & le lendemain lui répondit , qu’il ne tiendroit jamais à lui
que la bonne intelligence ne fe rétablît entre les deux Nations ;
mais comme les Illinois étoient exceptés de la paix , que les
Cantons vouloient bien maintenir avec nos Alliés , & que Te-
ganifforens avoit déclaré qu’on fe préparait à leur faire vive¬
ment la guerre , le Général ht à ce Député de fort beaux pré.-
fens pour l’engager à détourner ce coup. Il le promit ; mais
nous verrons bientôt qu’il n’avoit pas le fecret de fa Na¬
tion , & quelle fe fervoit de lui pour cacher fes véritables
deifeins.
A peine étoit-il parti de Montreal , que d’autres Députés
arrivèrent de la part des Kiskacons des Hurons de Michil-
limakinac , & des Miamis ; & le Comte de Frontenac n’ou¬
blia rien pour perfuader aux premiers de fatisfaire les Tfon-
nonthouans au fujet du meurtre , dont j’ai parlé. Ils répondi¬
rent qu’ils avoient chargé les Hurons de leur préfenter des Col¬
liers de leur part , qu’ils n’étoient pas obligés à autre chofe ,
n’étant pas les Auteurs de raffaiTinat ; mais que les Hurons , nui
ne cherchoient qu’à brouiller , bien loin de s’acquitter de leur
Commiiîion, avoient encore aigri les Iroquois contre eux. Le
Général eut beau infiiler pour les engager à quelqu’autre dé¬
marche pour le bien de la paix , tout ce qu’il put obtenir 5 cefut-
qii’ils demeureraient fur la défeniive».
1682-83.
Députés fro-
quoisà Mont¬
real.
Députés des;
autres Na¬
tions.
Arrivée de
MM
Barre
Meules
M. de la Bar¬
re écrit à la
Cour contre
histoire generale
_ 4"Les chofes étoient en ces termes , lorfque Meilleurs de la
1682-83. p &des Meules arrivèrent à Quebec ; on venoit mem
Arrivée de Rapprendre que la Députation de Teganifforens n avoitpoin
•de ï euTautre motif de la part des Cantons , que d’amufer les Fran-
cois & que la guerre étoit commencée contre les Ulmois.
Âinfi on s attendoit à voir bientôt les Iroquois en armes au 1
lieu de la Colonie. D’autre part on ne fut pas lontems a ap
percevoir que les Créatures1 du Comte de Frontenac ne trou-
veroient 4s dans fon Succeffeur la meme proteftion ,&d
„anjt en effet que M. de la Barre, ou etoit arrive de Fia
Çy,a prévend ?ou fe laiffa d’abord prévenir contre le Sieur de
la Sale au fujet duquel il fe déclara trop tôt , pour ne pas
donner’lieude jugerqquil le Mbit fans avoir bien examine
nar lui-même la conduite de ce Voyageur. a .
Dès le Quatorzième de Novembre de cette meme année ,
« écnc a .a écrivit au îdiniftre que l’imprudence de la Sale avoir allume a
CMÎ iTf m, erre entre les François & les Iroquois, & que la Colonie
M lounoit bien être attaquée, avant qu’elle fût en état de fe de-
Ç° dre II aioûtoit que le P. Zenobe , Recollet , qui venoit d ar¬
river à Ouébec pour paffer en France , n’avoit voulu lu, rien
communiquer cîes nouvelles découvertes ; mais qu il ne croioit
„ nu on pût compter beaucoup fur tout ce que ceRe g
Œt ni regarder ces découvertes comme fort importan¬
tes : enfin que lalaleparoiffoit avoir de fort mauvais deffeins.
Dans une autre Lettre dattée du trentième d Avri de l an
î-ée fuivante , il dit qu’il eft enfin convaincu de la faullete ü
tout ce qffon àvoit publié des découvertes , dont la Sale avo t
topât? au Mini J par un Pere Recollet ; eue ce Voyageur
èroit actuellement avec vue vintaine de Vagabonds , f ia *
& Saïvapes d ans le fond de la Baye , où ,1 tranchoir du Sou-
tera n pfo n & rançonnok ceux" de fa Nation , expofoit les
Peuples Lux mendions des Iroquois , & couvrent t toutes** vio-
lences du prétexte de la permiffion , qu il avoir de SaMajelte ,
de fe re 4,1 le commerce dans les Pays qud pourroi. : dé¬
couvrir • en quoi il étoit d’autant moins fonde , que la Baye
&fes environs étoient connus & fréquentes par les François
lontems avant qu’il arrivât en Amérique. Enfin que le terme
de fon Privilège expiroit au douzième du mois de May pro-
après qSuoi li feudroit bien qu’il e rendit a Quebec
oùfes Créanciers, à qui il étoit redevable de plus de trente
mille écus , l’attendoient avec impatience.
DE LANOUVELLE FRANCE. Liv. X. 47i
j Teieft k fon de ces Hommes, qu’un mélange de grands
defauts , & de grandes vertus tire de lafphére commune. Leurs
pâmons leur font commettre des fautes ; & s’ils font ce que
d autres ne pourraient faire, leurs entreprifes ne font pas du
goût de tout le monde ; leurs fuccès excitent la jaloufie de
ceux , qui demeurent dans l’obfcurité ; ils font du bien aux uns
& du mal aux autres ; ceux-ci fe vengent en les décriant fans
modeiation ; ceux - la exaggerent leur mérite. De - là les por¬
traits fi differens , qu on en fait , St dont aucun n’eft rell’em
blant ; mais comme la haine St la démangeaifon de médire
vont toujours plus loin , que la reconnoiffance St l’amitié &
que la calomnie trouve plus aifément croyance dans le Pu-
blic , que les éloges & les louanges , les Ennemis du Sieur de
la Sale defigurerent bien plus fon portrait , que fes Amis ne
Par bonheur pour lui fa Caufe fut portée à un Tribunal où
I on etoit prévenu en fa faveur , St comme il fuivit de près à la
Cour les Lettres , qu’on y avoit écrites contre lui , fa préfence
effaça au moins une partie des impreffions , qu’on y avoit vou¬
lu donner contre fa conduite. Ce n’efl pas que M. de Seirnie-
lay le crut tout-à-fait exempt des défauts , qu’on lui repro¬
chait ; mais jugeant par lui-même de fes talens , il crut devoir
les employer. 11 lui donna néanmoins de bons avis fur fa con¬
duite paffee , St le malheur de la Sale vint de ce qu’il ne fcut
pas en profiter , ainfi que nous le verrons dans la fuite
Cependant M. de la Barre n’eut pas plûtôt pris en main les
reines du Gouvernement , qu’il comprit que la Nouvelle Fran¬
ce fe trouvoit dans des conjonaures infiniment délicates ; c’efl
ce qui obligea de convoquer une Affemhlée , à laquelle il in¬
vita non-feulement llntendant St l’Evêque ; mais encore les
principaux Officiers des Troupes , plufieurs Membres du Con-
/ . Supérieur , les Chefs des Junfdiaions Subalternes , le Su¬
périeur du Séminaire , & celui des Millions ; & il les pria tous
de lui dire leur avis fur les caufes & la nature du mal , & fur les
îemedes , quony*devoit apporter.
. 91\,fit„d abo,rd obferver, au Général que le but des Iroquois
etoit d attirer a eux tout le commerce du Canada , pour le
transporter aux Anglois & aux Hollantlois de la Nouvelle
York , par confequent qu’il falloir regarder ces deux Nations
comme nos premiers Ennemis , & qu’en effet depuis lontems
elles ne cefloiem point d’exciter fous main les Cantons à rom!
I682-83.
Effet , que
ptoduifeuc les
Lettres.
Affemblce
des Notables
de la Colonie,
Elle înffruit
le nouveau
Gouverneur
de la fftuatio'n
des affaires'.
1682-83 •
HISTOIRE GENER AL E
47 Î H 1 ^ c Rqrhares pour n’avoir point a faire
pre avec nous : que Barbares ,, po ^ ^ ^ qu,;lg
à trop forte parue , c , nos Alliés ou à détruire, les uns
travailloient à nous ^^^Xne pouvotent détacher de nos
après les autres, tous ”UX ^encé pPar les Illinois ; qu’il nous
intérêts : qu ils avoien d’empêcher que ces Sauva-
étoit d’une très-grande importance ce n- toit pas
ges ne fuccombaffent Q • DOUVoit mettre au plus mille
une choie arfee ; que la C P j même p faudroit faire
Hommes fous les armes , & ^ P^' e.
ceffer une partie des travau' ">avantque de prendre ouverte-
On lui reprefenta enfui . , q ^ M^afins bien fournis de
ment les armes , il . a , , ès qU’il fe pourroit de 1 Enne-
vivres & de munitions , le ,Plu LP J feuiement d’effrayer les
mi : par la raifon , que ne s ag.ffant du t£ffls de M.
Iroquois , comme on s eto t co qu’ds ne fuffent plus
de Tracy , mais de redune au potnt^.q, ^ ^
en état de nous inquiéter s on &le Fort de Cataro-
dans leur Pays , ou “«^did pour ce deffein , pmfque
eouy étoit dune gran £0js vbit-quatre heures tom-
de ce Pofte on pouvoit en deu. nhis->éloiené de tous :
ber fur le Canton de £ quatreSBarques fur
qu’on ne pouvoir fe Pal , ; les munitions , & une
le Lac Ontario , pour porter les rg . c’étoit aux n-
partie des Hommes , ou il Rroit j’abord ter ia
vages des Tfonnonthouans , f "‘‘dans une pareille entre-
guerre ; mais qu’avant que de 5 e‘‘°aS ; cent Soldats ,
prife , il falloir demande. -au .X*y les Forts de Ca-
dont une partie feroit mife en 1 g , h tête de la Colonie ,
tarocouy , & de la Galet» pPRj Jbon . qu’ü convenoit de
tandis que toutes les fo ( ,, dans le Pays mille, ou
fupplier auffi Sa Majefte Y jes Terres dans l’abfence
quinze cent Engagés pour cultiver les l e & ^ conft u,
des Habitans , & des t01ld r le8 Roy à faire cette dé,
Rien des Barques : que pour g g née/ffité de la guerre ,
penfe , il éto.t befo-n de 1 ‘"foune de la^ ^ & de lul re.
& de l’infufhfance de la C » de France comme»
prefenter furtout que U ,defo au iieu que , fi ces
çoit à nous attirer le meP"Sps Taupes ïrançoifes , les Iroquois
Peuples voyoïent arriver des Troupes ï ^ que de nous atta.
ÇS isLlSï tatoemien. pas à nous p«« mm
Æillc Jslcs
'at~iSivames
jVIansfcld
d/uimpùm
Honneur
sfculpadc
Cap J/nidi ou
\Cap duFo/ycrort
connu
du. h
1. jtfcut ou Da/nnsC
[Port Nelson j,
Wtepourbon <uy r Fort d York
/ jjjÿF^^LTalnzati
( y^^ÈÊPliirmà de lOu&Jtr
\ ^ PlunuO de l&rt
dÊSdL TPamerr
Wj^FocJic Noire
Lliircsc ^
r^ nax/^ *|
rjjiart
u^coUUt
. C AW"'--''’U' M U1C
W J ye
I des Ours
l'stsiuvesa van c
Cap Jaune
5S*W^ quâft
Las de QuvtcludccJiouan
ou Lac S.eubms .
Les ^diiplois l appellent
Fisqotapamy
Petites Ours
TlitThunns
Var N. Bcllm Ingénieur de (a Jfanne 1744.
Echelles
Lieues YFannes de France et drlnplsterrc de 20. auJDcprc
'F. S1 Germain
'±Jkj’r'I de
" lins J 'culpsi
W vèpchp Brujpes
la Douzaine du '
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aide
HirniroimiiiiiifiTr - mamamt - vmàmrnA
- iBiwmanmnmw - ~ ■mmamui - m
j Longit
Occidentale
du Alerid ien
de Fans b^\
DE LA NOUVELLE FRANCE, Lxv. X. 473
forte contre une Nation , dont ils redoutoient la puiffance ; 168 2-8 71
mais dont ils fe croiroient affûrés de triompher , s’ils nous
voyoient en état de les fecourir puiflamment.
M. de la Barre fit drefler un A£te de cette Délibération , & Le Roy en-
l’envoya en Cour. Elle y fut fort approuvée , & le Roy don- ^senCanada"
na fes ordres pour faire embarquer au plûtôt deux-cent Sol- pCSen ana"a'
dats. Sa Majefté écrivit au Gouverneur Général , & dans fa
Lettre , qui eft dattéedu cinquième d’Août 1673. e^e lui don¬
na avis que le Colonel Dongan , Gouverneur de la Nou¬
velle York , devoir avoir reçu un Commandement très - ex¬
près du Roy de la Grande Bretagne , d’entretenir une bonne
correfpondance avec les François , & quelle ne doutoit point
qu’il ne s’y conformât. Dongan reçut véritablement cet or¬
dre ; mais nous verrons bientôt qu’il ne fit femblant d’y défé¬
rer , que pour mieux tromper les François , & qu’il fut le prin¬
cipal Moteur de la fanglante guerre , que nous firent les Iro-
quois pendant près de trente ans. Le Roy par la même Lettre ,
dont je viens de parler , recommandoit à M. de la Barre d’em¬
pêcher , . autant qu’il lui feroit pofùble , les Anglois de s’é¬
tablir dans la Baye d’Hudfon , dont nous avions pris poffef-
fion plufieurs années auparavant , & dont il eft néceffaire de
mettre en peu de mots les Lecteur en état de fe former au
moins une legere notice.
Après qu’on a doublé la pointe Septentrionnale de Fille de Defcriptiois
Terre-neuve en faifant le Nord- Ou eft , & côtoyant toujours JHIuadraye '
la Terre de Labrador, on s’élève jufques vers les foixante- 1
trois dégrés de Latitude-Nord , & l’on trouve un Détroit , *
qui porte le nom d zHudfon. Ce Détroit court Eft & Oueft ,
en prenant du Nord-Oueft , & fa fortie eft par les foixante-
quatre dégrés. En cet* endroit la Mer forme une Baye de
trois-cent lieues , ou environ de profondeur , & c’eft ce qu’on
appelle la Baye d’Hudfon. Sa largeur eft inégale ; car en allant
du Nord au Sud elle diminue toujours depuis deux-cent lieues
jufqu a trente-cinq. Son extrémité Méridionnale eft parles cin¬
quante-un dégrès.
Rien n’eft plus affreux que le Pays , dont elle eft environ¬
née ; de quelque côté , qu’on jette les yeux , on n’aperçoit
que des Terres incultes & fauvages , & des Rochers efcarpés ,
qui s’élèvent jufqu’aux Nues , qui font entrecoupés de Ravines
profondes & de Vallées ftériles , où le Soleil 11e pénétre
point , & que les neiges & les glaçons , qui ne fondent ja~
Tome I. O 00
HISTOIRE generale
_ _ fjs rendent inabordables. La Mer n’y eft bien libre , que
1681-83. . u;s le commencement de Juillet jufqu a la fin de Septem-
hi encore y rencontre-t’on quelquefois alors des glaces
d’une eroffeur énorme , qui jettent les Navigateurs dans de
très-erands embarras ; car dans le tems qu on y penfe le moins ,
^larée ou un Courant affez fort pour entraîner le Na¬
vire & l’empêcher de gouverner , l’inveftit tout-a-coup d un
fi grand nombre de ces écueils flottans , qu auffi loin que puiffe
norter la vûë , on ne découvre que des glaces.
Il n’y a pas d’autre moyen de s’en garantir , que de fe gra-
L L plus groffes, & d’écarter les autres avec de
, , . L-.^An il faut avoir foin de fe munir >
Obrervations
far les glaces
de ces Mers.
F1"6" hâtons ferrés , dont il faut avoir foin de fe munir ,
quand ^on entreprend cette périlleufe Navigation. Mais des
rinVm s’eft ouvert un paffage , il en faut profiter au plutôt,
Sr fi malheureufement il furvient une Tempete , tandis quon
eft ainfi afliegé par les glaçons, c’eft un grand hafard , fi on
Vn tire. Ces” glaçons font ordinairement formes de 1 eau de
plufieurs Torrens , qui fe déchargent dans la Baye : la cha-
Feur du Soleil, au milieu même des ardeurs de la Canicule,
ne feauroit les fondre , & ne peut tout au plus que les de-
1 1 ' ce nui fe fait avec un bruit affreux , en entramant
taC mfté de Ferres, & quelquefois d’affez gros Rochers. Com-
mTon entend affez foSvenî dans cette Baye des bourdonne-
qui pourroient inquietter les Navigateurs , il eft bon
Hu‘ r , . _ . ^rvnrrihnent les Torrens ,
“•T Vq“lem au’out«ce qu’y contribuent les Torrens
oui* du^haut dès Rochers fe précipitent dans la Mer , leur
principale caufe eft une efpece de bouillonnement , que for-
\es Ifles , & les Bancs de glace , dont tous les bords
de la Baye font femés : & voici comment on conçoit que
^Le^fotT qui vient de l’Océan avec impétuofité pour en¬
trer dans là Baye , eft arrêté par les glaces : cette refiftance
lui fait changer fa direftion , & cela produit des remouts de
Marée qui fl croifent , ce qui joint au mtre , dont ces Me s
font remplies , produit une fermentation , qui fait bouillon¬
ner la forface les Eaux. Je dis que ces Mers font remplies
i &r rPia ne oeut être autrement , vu la quantité de
1,1 fonduës & dl glaces , qu’elles reçoivent? D’ailleurs
Fn? remarqué que les plaques de plomb , dont on couvre
la lumière des canons , fe trouvent tous les matins couvertes
de nitre, & que quand quelquun s eft fait faigner fur
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 475
Vaiffeaux , ou dans les Forts, l’ouverture de la veine en eft
bientôt toute bordée. Or il eft certain que cette abondance
de nitre , jointe au changement de Climat , aux nourritures
falées , auxquelles on eft réduit dans ces voyages , & au peu
d’exercice , qu’on y fait , caufe de grandes maladies ; aufîi
eft -il rare qu’un V aiffeau n’y perde pas la moitié de fou
Equipage.
Un autre Phénomène , qui paroît dans l’Air , mériterait
bien qu’on s’étudiât à en découvrir la caufe. Dans le teins
le plus ferein , on apperçoit tout à coup au milieu de la
nuit des nuages d’une blancheur extraordinaire , & au tra¬
vers de ces nuages une lumière très -éclatante. Lors même
qu’on ne fent pas un foufle de vent , ces nuages font chaf-
fés avec une très-grande vîteffe , & prennent toutes fortes de
ligures. Plus la nuit eft obfcure , plus la lumière eft vive :
elle l’eft même quelquefois à un point ^ qu’on peut lire à fa
lueur beaucoup plus aifément , qu’à celle de la Lune dans
fon plein.
On dira peut-être que ce n’eft qu’ürje réfra&ion des raïons
du Soleil , qui par cette hauteur ne s’éloigne pas beaucoup de
l’horifon pendant les nuits de l’été , & qu’encore qu’il n’y ait
point de vent dans la baffe région de l’air , il peut y en
avoir dans la fupérieure , ce qui eft vrai ; mais ce qui me
fait juger qu’il y a encore une autre caufe de ce Méteore ,
c’eft que pendant l’hyver même , la Lune paroît fouvent en¬
vironnée d’Arcs-en-Ciel de couleurs differentes , & toutes
très-vives. Pour moi je fuis perfuadé que ces effets doivent
être attribués en partie à des exhalaifons nitreufes , qui pen¬
dant le jour ont été attirées , & enflammées par le Soleil.
Mais croirait - on que fur ces glaces énormes , dont quel¬
ques-unes n’ont pas moins d’étenduë que plufteurs des Mes de
la Baye d’Hudfon , on rencontre des Hommes , qui s’y font
embarqués exprès ? On affûre pourtant qu’on y a plus d’une
fois aperçu des Efquimaux ; ik il eft certain que , fi en les
voyant ainfi errer fur ces écueils flottans au gré des courans
& des vagues , on eft effrayé pour eux , ils ne le font pas
moins , & le font peut - être avec plus de fondement pour
ceux , qu’ils voyent fe rifquer entre ces mêmes glaces fur des
Vaiffeaux. Car, comme ces Barbares portent par tout avec
eux leurs Canots , ils ne font jamais !embarraffés , quoiqu’il
arrive , & quelque tems qu’il faffe. Si les glaces fe touchent
O o o ij
1683.
Phénomènes
dans l’air.
Maniéré cfe
voyager fur
les glaces.
Y
1083.
I HISTOIRE generale
rie nrès ils fautent fans peine de 1 une a 1 autre *. il elles laif-
fr/t libres des intervalles allez confidérables , ils s’embarquent ,
leUL 1 /r* 1 . ... _ Jo.nf 1~ 1m,r nprmpttpnt.
lent iiDreb ucaiiituA v o-xive» — . — - / x
& naviguent auffi lontems , que les glaces le leur permettent.
Sont-ils près d’un glaçon, qu’ils ne peuvent éviter . ils iau-
tent deffus , & l’écueil même , qui menaçoit de^ les faire pé¬
rir les garantit du naufrage. Il n’en eftpas de même de ceux ,
aui’font embarqués fur un Navire. Si leur Bâtiment vient a fe
fracaffer entre deux glaces , toute leur reflource eft de le lau-
verfur l’une, ou fur l’autre; mais la difficulté eft dy lubii-
fter ou d’en fortir. Quoiqu’il en foit , on peut bien juger
au une Mer , où il eft fi dangereux de naviguer , n eft pas en¬
core bien connue : auffi à l’exception de quelques Mes , que
les François &les Anglois ont rencontrées lui- leur paliage , 02
des endroits de la Côte , où ils ont eu des Etabliffeméns , tout
le refte n’a encore été vû que de loin. , M
Il n’eft point douteux que parmi un grand nombre de JNa-
vieateurs de différentes Nations , qui fur la fin du leizieme lie»
de , & dans le cours du dix-feptiéme ont entrepris de decou*
vrir par le Nord de l’Aînérique un paflage a la Chine & au
Japon , plufieurs n’ayant eu connoiflance de cette gran e
Baye , qui communique à la MerChriftiane ; mais il et cer
tain que ce fut Henry Hudson, Anglois , qui en 1611. don¬
na fou nom , & à la Baye , & au Détroit , par ou il y entra.
On ne fçait rien de ce qu’il y fit , on ignore meme s il y pé¬
nétra bien avant.,Les prétendues prîtes de poffeffion de Nel
son, de Thomas Button , & de Luxfox , faites en divers
tems de tout ce Pays , quand elles ferment auffi conftatees ,
quelles le font peu , netabliffent pas mieux les dioits , que
cette Nation s’attribuoit fur cette Baye au tems , dont je paile-,
que celles de Verazani fous le régné de François I. «e nous,
donnoit. celui de revendiquer la Caroline , la\ îiginie , &. les
autres Provinces de l’Amérique Septentnonnale-, qui tout au-
iourd’hui occupées par la Couronne cl Angleterre , puifquil
eft certain que les Anglois ns poffedoient rien aux environs
de cette Baye , lorfqu’en 165 F. le Sieur Bourdon y fut envoie
pour en affûrer la poffeffion à la France : Ceremonie , qui fut
plufieurs fois- renouvellée dans la fuite.
Il eft vrai qu’en 1663. deux Transfuges François nommes
Medard Chouard des Groseilliers , & Pierre-Efpri
de Radisson, pour fe venger de je ne fçai quel méconten¬
tement , qu’on leur, avoir donne , conduifirent des Anglais,
Prétentions
Jes François.
& des Anglois
fur la Baye
J'Hudfon.
Deux Trans¬
fuges Fran¬
çois y condui-
fent les An-
giois.
DE LA NOUVELLE FRANCE.. Liv.. X. 477
dans la Riviere de Nemifcau , qui fe décharge dans le fond
de la Baye , & que ceux-ci bâtirent à Pemboucliure de cette
Riviere, un Fort, qui fut nommé Rupert; que dans la fuite
ils en conffruifirent un fécond chez les Monfinis 3 & puis un
troifiéme à Quitchitchouen ; mais on regarda en ^France & en
Canada ces entreprifes comme des uftirpations.
Toutefois M. Colbert crut devoir diffimüler quelque tems
à caufe de l’étroite union , qui regnoit alors entre les deux
Couronnes. Mais pour empêcher la prefcription , M. Talon
ayant Formé le deffein de chercher un chemin facile pour aller
par le Saguenay à la Baye d’Hudfon , profita d’une nouvelle
Députation des Sauvages de ces QuartierSTà , dont le motif
étoit encore d’avoir des Millionnaires. Il choifit pour les ac¬
compagner à leur retour le P. Charles Albanel , & lui don¬
na pour Adjoints deux François , dont l’un étoit le Sieur De-
nys de S. Simon, Gentilhomme Canadien, & Neveu de ce.-
lui , dont j’ai fi fouvent cité les Mémoires au fujet de l’Acadie.
Ils partirent de Quebec le vint-deux du mois d’ Août 1671 .
& dès le dix-feptiéme de Septembre ils eurent avis que deux
Navires Anglois étoient mouillés dans le fond de la Baye
d’Hudfon, & y faifoient la Traite avec les Sauvages. Cette
nouvelle les obligea d’envoyer à Quebec demander des Paf-
feports , qui leur furent délivrés fur le champ ; mais ce retar¬
dement leur avoit fait perdre la faifon propre pour naviguer
fur la Riviere , & ils furent contraints d’hyverner fur les
bords du Lac de S. Jean. Ils fe remirent en marche le pre¬
mier de Juin de l’année fuivante 1672. & le treiziéme dix-
huit Canots remplis de Sauvages Miflajjlns parurent en po-
fture de Gens , qui vouloient leur députer le paffage. Le Pere
Albanel s’avança feul pour leur parier , & leur dit que les
François ayant purgé le Pays des Partis Iroquois , il étoit bien
juffe qu’il leur fût permis d’y paffer.
Il les exhorta enfuite à reprendre leur ancienne coûtume
de venir en Traite au Lac S. Jean, où ils rie manqu croient
jamais de trouver des marchandées , & où ils rencontreraient
toujours un Millionnaire , pour les inffruire , comme on avoit
fait par le paffé , & ce que les Anglois 11e faifoient point. Le
Chef des Miffaffins remercia le Pere de la paix , que leur
avoient procuré les François , & du zélé , qu’il témoignoit
pour leur inftru&ion : il le conjura même de relier avec lui j
mais le Pere lui dit que pour le préfent une affaire indifpen-
I 68 3.
Voyage du P.
‘Albanel & de
M. de Saint
Simon à la
Baye d’Hud¬
fon par le Sa¬
guenay.
ï 68 3
47g HISTOIRE generale
fable l’appelloit ailleurs , & le pria de l’attendre à fon retour
au Lac de S* Jean.
Le dix-huitiéme les Voyageurs entrèrent dans le Lac des
Miftaffins , dont on ne peut faire , dit-on , le tour , qu’en vint
jours de beau tenis ; & le vingt-cinquienie ils arrivèrent au
bord de celui de Nemifcau , qui eft beaucoup plus petit. Le
premier de Juillet ils fe rendirent en un lieu , nomme MiJ-
coutena.aech.it , où les Sauvages, qui avoient demande un Mil¬
lionnaire , les attendoient , & les reçurent avec de grandes
démonftrations de joye. Le P. Albanel s’aperçut neanmoins
qu’ils craignoient qu’on ne voulût s oppofer au commerce des
Anclois , qui s’étoîent avancés jufques-là , & y avoient bâti
une^ Maifon pour la Traite ; mais il les raffûra , & leur dit
qu’il n’avoit en vue , que le falut de leurs Aines j & que les
François ne fongeoient qu’à affûrer la tranquillité , & la surete
du Pays contre les Iroquois.
Quatrième Quelques jours après il partit de ce Village avec fes deux
Je.P°.f- Compagnons , parcourut tous les environs du Lac Nemifcau ,
B*r & s’étant embarqué fur la Riviere de même nom , il entra
dans la Baye , où elle fe décharge. Il fit en plufieurs endroits
des A£tes de prife de poffeffion , fui vant les 01 ares , qu il en
avoir , les ligna avec le Sieur de S. Simon , & les fit aulli li-
gner par les Chefs de dix ou douze Nations Sauvages , qu il
avoit eu la précaution de raffembler , pour être témoins de
cette cérémonie. Les chofes demeurèrent néanmoins lur le me¬
me pied pendant quelques années par raport aux Anglais , qui
s’enrichiffoient dans la Baye d Hudfon , tandis que la Cour de
France fe contentoit d’y affûrer fon droit. .
D’autre part les deux Transfuges , qui y a voient conduit les
Anelois , foit pour quelque mécontentement particulier , loit
par un retour d’affeûion pour leur Patrie étoient revenus en
France , quoique Radiffon eût époufé la Fille du Chevalier
Kirke , & Sa Majefté leur avoit permis cle retourner en Ca¬
nada , où elle leur avoit même accordé des grâces, qu’ils
n a voient point méritées. Quelques années après il fe forma a
Québec une Compagnie du Nord , laquelle entreprit de chaf-
férles Anglois de la Baye d’Hudfon. Elle ne crut pas pouvoir
employer à cette entreprife des Perfonnes plus capables de la
faire réuffir , que ceux , qui avoient fait le mal & qui s’etoient
offerts d’eux-mêmes , outre qu ils etoient les feu! s , qui connui-
fent bien le Pays : il n’y eut Perfonne ? qui ne jugeât qu ils
Les deux
Transfuges
François re¬
tournent en
Canada.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 479
faifiroient vivement une occafion fi favorable de réparer leur
faute, & peut-être de venger leurs propres injures.
Ils partirent en 1682. avec deux "Navires allez mal équipés ,
& allèrent droit au premier Fort des Anglois ; mais ils les y
trouvèrent fi bien retranchés , qu’ils n’oferent les attaquer. Ils
rangèrent enfuite la Côte Occidentale de la Baye , cherchant
un Polie avantageux , où ils puffent établir la Traite des
Pelleteries , & le vint-fixiéme d’Août ils entrèrent dans une
Anfe , où fe déchargent deux grandes Rivières , oui fe réu¬
nifient à leur embouchure. L’une efl la Riviere Bourbon , que
l’on a remontée fort loin , fans trouver fa fource. Un Na¬
vire François y avoit hyverné en 1 6 7 5 . & lui avoit don¬
né le nom , qu’elle porte ; Des Grofeilliers donna à l’autre le
nom de Sainte Therefe , qui étoit celui de fa Femme ^ Sœur de
Radiflon. C’efl la petite Baye , où ces deux Rivières fe joi¬
gnent 9 que les Anglois ont appellé le Port Nelfon , préten¬
dant que Nelfon , Pilote d’Henry Hudfon , l’avoit décou¬
verte en 1611.
Le Sieur Jeremie , dont nous avons une allez bonne Re¬
lation de la Baye d’Hudfon , où il a fait un très-long fejour , &
où il commandoit au terns du Traité d’Utrecht , prétend que
tandis que Radiflon , & fon Beau-Frere hyvernoient dans la
Riviere de Sainte Therefe , des Anglois étoient campés fur les
bords de la Riviere Bourbon , que les premiers ayant décou¬
vert les féconds , fans que ceux-ci euffent le moindre foup-
çon qu’ils euffent des Voifins fi proches ; ils les attaquèrent
pendant qu’ils étoient yvres , & les firent tous Prifonniers au
nombre de quatre -vint, quoiqu’ils n’euffent avec eux , que
douze Hommes : qu’affez près de-là ils trouvèrent encore fix
Matelots Anglois , lefquels y avoient été dégradés par un
Navire de Ballon , qui manquait de vivres, & n’avoient au¬
cune connoiffance de ceux de leurs Compatriottes , qui étoient
dans la Riviere Bourbon.
168
3
Ils entrepren¬
nent de cha£-
fer les Anglois
de la Baye.
Ce qui fepnf-
fe entre eux 3c
les Anglois.
iD
Mais un Mémoire , qui fut préfenté l’année fuivante à M.
de Seignelai , & dont j’ai eu en main l’original , rapporte la
chofe tout autrement , & mérite fans doute plus de créance ,
que le récit de ce Voyageur , Homme d’ailleurs fort judi¬
cieux , & fur le témoignage duquel on peut compter , quand
il parle de faits , dont il a été à portée de s’inflruire par lui*-
même. Suivant ce Mémoire Radiflon & fon Beau-Frere avoient.
à peine commencé à fe loger fur les bords de la Riviere de
683
48o HISTOIRE generale _ ^ '
Sainte Therefe , lorfqu’une Barque venant de Bafton parut a
l’entrée de cette Riviere , allez près de leur Campement.
Quelques jours après , un grand Navire de Londres vint
mouiller au même endroit ,& fit grand peur aux Baftonno s ,
oui n’avoient point de Commiffion , &aux François, qui ne
toient pas encore affez bien retranchés pour fe defendre ; fi on
les attaquoit , comme U y avoit bien de 1 apparence quon -
roit • mais il excita bientôt la compaffion des uns & des au¬
tres’ De greffes glaces pouffées par la Maree , le heuiterent fi
"fdèment , qu’il! firent perdre Terre à Ces ancres & 1 empor-
terent au large , ou malgré tous les efforts de 1 équipage , i
fii p brifé par d autres plaçons. A
Tous ceux , oui étoient dedans fe fauverent fur ces memes
daces qu avo ent caufé leur malheur , & qui les reporte-
SS à ?«...* <k la * Sainte Thei.fe. A o„ • Corn-
mandant, qui à fon arrivée avoir fomme les François de _le
retirer d’un Pays , qui appartenoit , difoit-il , au Koy ion M
tre leur fit demander1 ï’hofpitalité , & l’obtint fans peine.
Radiffon & Des Grofeilliers lui donnèrent meme des vivres ,
dont il manquoit abfolument , & lui permirent dedrefferdes
Barraques fur les bords de la Riviere Bourbon , apres lm avoir
fait promettre par Ecrit qu’il ne s’y fortifierait point , & qu i
ne ferait aucun Afte , qui pût préjudicier aux dioits du oy
T Cette promeffe fut mal gardée ; les Anglois n’eurent pas
plutôt réfléchi fur la fupénonté de leur nonmre, 5“ i s tra
vaillerent à fe rétrancher : ils prirent enfante des mefure 1 po
furprendre les François, & les mettie 101s e j, Le Mè¬
re ; mais ceux-ci les prévinrent , & s affurerent d eux Le Me
moire , d’où j’ai tiré ce détail , ne dit point de quelle ma
niere cela fe fit , & il eft affez vraisemblable que Raddfon &
Des Grofeilliers profitèrent de quelque moment , ou les
olois n’étoient point fur leurs gardes , ou meme s etoient eny-
!ré comme il eft marqué dans la Relation du Sieur Jeremie.
Quoiqu’il eu foit, un fi grand nombre de Prifonmers em-
barfiaffa bientôt les François, outre que ^vivras
coient à leur manquer : ainfi , des que a P . -
mettre en Mer , ils embarquèrent une partie des Andois fur
un des deux Bâtimens , qu’ils avoient amenés de Québec , K
leur Différent la liberté d’aller , où bon If't fembleroit. I s
partirent enfuite eux-mêmes avec le refte &es Prifonmers lu
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. X. 481
wle Navire , qu’ils s’étoient refervés , & fur la Barque de Baf-
ton , dont ils n’avoient pas eu beaucoup de peine à fe faifir , &
fe rendirent à Quebec , 011 la conduite , qu’ils avoient tenue
à l’égard des Anglois , ne plut pas aux IntérefTés de la Compa¬
gnie du Nord. On les chagrina enfuite fur plufieurs articles ,
qui concernoient la Traite des Pelleteries , dont ils avoient
néanmoins rapporté une grande carguaifon ; ce qui les obligea
de repaffer en France , où ils efperoient qu’on leur rendroit
plus de juflice.
Soit qu’ils fuflent véritablement coupables , ou que leurs
Ennemis effilent prévenu le Miniflre , leur efperance fut trom¬
pée , & le défefpoir , qu’ils en conçurent , les fit recourir une
fécondé fois aux Anglois. Milord Preston étoit alors Am-
bafïadeurde la Grande Bretagne à la Cour de France. Il apprit
leur mécontentement , & perfuada à RadifTon de palier à
Londres. RadifTon fuivit fon confeil, le Chevalier Kirke re¬
çut fort bien fon Gendre , & lui obtint de la Cour une pen-
fion de douze-cent livres , dont il a joui jufqu’à fa mort. L’an¬
née fuivante 1685. on lui donna deux Navires pour aller fe
faifir du Fort, que lui-même avoit conffruit à l’entrée de la
Riviere de Sainte Therefe , & où Chouart , fon Neveu , Fils de
Des Grofeilliers , étoit refié avec huit Hommes feulement ; ar¬
rivé à la vûë du Fort , & ayant fait les fignaux , dont ce
jeune Commandant étoit convenu avec fon Pere & fon On¬
cle , il y fut reçu fans difficulté.
Suivant un autre Mémoire , c’étoitDes Grofeilliers le Pere,
qui étoit refié dans la Baye d’Hudfon ; car l’Auteur prétend
que RadifTon & le jeune Chouard , fon Neveu traitèrent , avec
Milord Preflon par l’entremife d’un nommé Gods. Cepen¬
dant je trouve dans une Lettre du Roy au Marquis de DÉ-
nonville , que ce Général eut ordre d’affûrer le jeune
Chouard qu’il feroit recompenfé , & de promettre cinquante
pifloles à quiconque pourroit fe faifîr de RadifTon , & le li¬
vrer aux Officiers de Sa Majeflé ; il efl certain d’ailleurs que
Chouard efl mort en Canada , & RadifTon en Angleterre.
Suivant le Mémoire , que je viens de citer , ce fut alors que
les Anglois donnèrent le nom de Port Nelfon à l’embouchure
de la Riviere de Sainte Therefe.
La perte , que firent les François en cette occafion , peut
faire juger de quelle importance étoit ce Pofle pour le com¬
merce j car on la fait monter à trente-deux milliers de Caf-
Tome /. P p p
1683.
Ils livrent de
nouveau aux
Anglois la
Baye d’Hud-
fon.
1684.
/
i 6 8 4»
482 histoire generale.
tors , fix balles de Martres , deux de Loutres , & autres me¬
nues Pelleteries ; le tout eftimé quatre-cent mille livres. Le
n’étoit néanmoins que le produit de la Traite dune annee ,
puifque Radiffon avoir porté à Quebec tout ce qui s elon
trouvé dans fes Magafins , lorfqu’il partit de la Baye. Mous
verrons les mefures , que prit la Compagnie du Mord pour
avoir raifon de cette perfidie , après que nous aurons rap¬
porté ce qui fe-paffa, dans la Colonie durant cet intervalle.
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HISTOIRE
E T
DESCRIPTION GENERALE
DELA
NOUVELLE FRANCE.
LIVRE ONZIEME-
/
mm m
/\x/\\m-
ON SI EU R de la Barre fe préparait à la 1 <5 8 3 «
guerre contre les Iroquois , fans néanmoins
avoir perdu toute efperance d’accommode¬
ment avec ces Barbares , & toujours difpofé
* à traiter avec eux , s’il le pouvoit faire avec
honneur. Ainfi ayant été informé qu’ils
etoient fur le point de marcher au nombre
K ■» P • © m ^
de quinze-cent Hommes contre les Miamis & les Outaouais ;
quoiqu ils euûent publie qu’ils n’en vouloient qu’aux Illinois ,
il leur envoya un Homme de confiance, qui arriva au grand
Village des Onnontagués , où étoit le rendez-vous des Guer¬
riers , la veille du jour , qu ils en dévoient partir pour fe met¬
tre en campagne.
Cet Envoyé fut allez bien reçu , & n’eut pas beaucoup de Mauvalfc foi
peine à tirer des Iroquois une promeffe de fufpendre FExpé- des Iroquois.
dition , & d’envoier quelques-uns d’entr’eux à Montreal , pour
y traiter avec le Général ; mais on reconnut bientôt qu’ils n’a-
voient ainfi parlé , que pour endormir les François. Ils avoient
affûté que leurs Députés feraient à Montreal avant la fin du
inois de Juin., & dès le mois de May M. de la Barre eut avis
Ppp ij
i 6 8 3*
M. de la Bar¬
re demande
du fecours au
Roy.
Fierté deslro
cjuois ; intri-
rrues du Gou
O
verneur de 1
Nouvelle
York.
484 HISTOIRE GENERALE
nue fept à huit cent Hommes des Cantons d’Onnontague., de
Goyogouin& d’Onneyouth , étoient en marche pour a 1er
attaquer les Hurons , les Miamis , & les Outaouais ; & que
les Tfonnonthouans avec quelques Goyogouins devoientlur «
la fin de l’Eté fe répandre par Trouppes dans nos Habita-
U°Le Général , en donnant part au Miniftre de cette nouvelle ,
lui manda que ce projet avoit été formé M’mftigation des An-
glois , qui fe fervoient , pour ces négociations de François
Transfuges , dont ils favorifoient la defertion , & qu ils ven-
doient enfuite en qualité d’Engagés aux Habitans de la Ja¬
maïque : qu’autant qu’il pouvoir juger de la difpofition pre-
fente des Cantons Iroquois , il falloir fe refoudre a abandon¬
ner absolument le Canada , ou faire un effort pour détruire
au moins les Tfonnonthouans & les Goyogouins , les plus ani¬
més de tous contre les François , & qui pouvoient alternent
mettre plus de deux mille Hommes en campagne : quil e
prioit donc d’engager le Roy à lui envoyer de bonne heure
quatre cent Hommes , afin qu’au commencement du mois
d’Août , au plus tard , il pût entrer dans le Pays Ennemi
avec des forces fuflifantes pour ranger ces Barbares a la ra -
fon : mais qu’il croïoitnéceffaire d’obtenir, avant toutes choies,
du Duc d’York , à qui la Nouvelle York appartenait , un
ordre pour le Gouverneur de cette Province , de ne e poin
traverfer dans fon Expédition. . , . ,
Quelque tems après le départ de la Barque , qui et°it cha -
gée de cette Lettre, le Gouverneur Général jugea a piopos
de faire encore une tentative auprès des Cantons.
voya demander en quel tems ils comptoient que ...
pûtes fe rendraient à Montréal pour dégager la paroie , qu
fui avoient donnée ; ils répondirent qu’ils ne fe fouvenoient
pas de lui avoir rien promis , & que s’il avoit quelque cho¬
ie à leur faire fçavoir , il pouvoir les venir trouver chez,
eux. Il eut en même tems. des preuves certaines que les n-
plois de la Nouvelle York, à qui le Commerce avec les
froauois apportoit depuis quelques années des pi ofits con 1-
dérables , avoient donné à ‘ces Sauvages des Marchandises a
perte, dans le deffein de nous rendre odieux a la JNatioi ,
en lui perfuadant que les François n’avoient en vue que de
les dépouiller : qu’ils ne ceffoient point de les exciter a ex-
terminer tous les Peuples, avec qui nous tanions le Commère ?
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 485
& que tout fe difpofoit dans les Cantons à nous déclarer une
guerre irréconciliable.
Dans le fond , les Iroquois trouvoient beaucoup mieux
leur compte avec les Anglois & les Hollandois , qu’avec les
François , parce que le Caffor ne payoit point de Droits dans
la Nouvelle York, & que le Commerce en étoit permis à
tous les Particuliers , par conféquent qu’il y avoit plus de pro¬
fit à faire pour les Acheteurs ; ce qui les mettoit en état de
donner leurs Marchandées à plus bas prix. Cependant com¬
me les Cantons ne vouloient employer la force ouverte qu’à
l’extrémité, & qu’ils craignoient beaucoup plus les François,
qu’ils ne le vouloient paroître , *des Députés des cinq Can¬
tons arrivèrent au mois d’Août à Montreal ; mais ils n’étoient
chargés que de faire des proteffations vagues d’un attache¬
ment fincere, & l’on n’en put tirer rien de plus.
Bien des chofes concouroient à rendre cette Ambaffade fuf-
pe£le , & les moins clair-voyans étoient convaincus , que les
Cantons ne vouloient que gagner du tems , pour empêcher
le Général de fe tenir fur fes gardes. En effet ils 11e diffimu-
loient plus le deffein , où ils étoient de faire la guerre à nos
Alliés ; on fçavoit d’ailleurs qu’un de leurs Partis s’étoit ap¬
proché du Fort de Catarocouy , réfolu d’y furprendre la
Garnifon , & de fe cantonner dans ce Pofle. Enfin les Mil¬
lionnaires , qui étoient parmi ces Sauvages , & tous ceux ,
qui connoiffoient mieux le caraélere de la Nation , avertif-
foient M. de la Barre de s’en défier ; mais il n’eut égard ni
aux avis des uns , ni aux remontrances des autres , il reçut
très -bien les Députés Iroquois , les careffa beaucoup , & les
renvoya comblés de préfens.
Ce qui lui fit encore plus de tort dans l’efprit de plufieurs ,
c’eft qu’il s’empara du Fort de Catarocouy , qui appartenoit
à M. de la Sale , ou à fes Créanciers , & de celui de S. Louys
aux Illinois , où il envoya M. de Baugy , Lieutenant de
fes Gardes , pour y commander en fon nom. Pour comble de
malheurs , il fut trompé par les Iroquois , & ceux , qui le
ménagèrent le plus , difoient hautement que fon grand âge le
rendoit crédule , lorfqu’il devoit fe défier , timide lorlqu’il
falloit entreprendre , ombrageux & défiant à l’égard de ceux ,
qui méritoient fa confiance, & qu’il lui ôtoit la vigueur ne-
ceffaire pour agir , comme il convenoit dans la conjoncture ,
où fe trou voit la Colonie.
1683.
Les Iroquois
amufent le
Général.
4
Conduite
étrange de M.
de la Barre,
48S histoire generale
T/'s ~ï~ Quoiqu’il en foit, dans le tems même qu’il fe repofoit avec
Les Iroqu'ois plus d’atfûrance fur les protections des Iroquois , une Ar-
piilent des Juée'de ces Sauvages fe mit en campagne pour aller enlever
Voyageurs. le Fort de Saint Louys. Ils rencontrèrent fur leur route qua-
torze François , qui alloient en traite chez les Illinois , oc
qui voyageoient (ans défiance ; ils les chargèrent , les défi¬
rent , & leur enlevèrent pour quinze mille francs de Mar¬
chandées. Ils s’excuferent dans la fuite fur ce qu’ils avoient
pris ces Traiteurs pour des Gens de M. de la Sale , que M.
de la Barre leur avoit permis de piller , ce qui netoit pas
fans quelque fondement. Ceci fe pafla le dernier jour de fé¬
vrier de l’année 1684. Les Itoquois pourfuivirent leur route
vers la Riviere des Illinois, & parurent à la vûë du Fort de
Saint Louys , où ils fe perfuadoient qu’011 ne les attendoit pas.
ih font rc- Ils fe trompèrent ; le fieur de Baugy & le Chevalier de
fouiiés du. Tonti avoient été avertis de leur marche , & fe tenoient prêts
s' à les recevoir. Ils s’en apperçurent dès la première attaque ,
où plufieurs furent tués , & le vinthuit de Mars iis firent ie-
traite. M. de la Dürantaye Gentilhomme Breton , & qui
avoit été Capitaine dans Carignan , étoit paru de Michilh-
makinac au premier bruit de leur marche , pour aller au re¬
cours de la Place ; mais il y a bien de l’apparence qu’il apprit
en chemin la levée du Siège , & qu il retourna fur le champ a
fou Pofte , d’où nous le verrons bientôt fortir pour une ex¬
pédition plus importante. . ,
M.de la Bai-- Cependant M. de la Barre revint enfin, quoiquun peu
■rc Le réfout à tard , de fon affoupiffement , & ne penfa plus qu à taire, la
k guerre. rre- „u; fervjt Je plus à le réveiller , fut un avis , qu on
lui donna, que tous les Cantons faifoient de grands prépara¬
tifs., & avoient envoyé des Ambafladeurs aux Sauvages de la
Virginie , pour s’atfûrer qu ils n en feroient point attaques ,
tandis ciu’ils teroient -occupes contre nous. Cette refolution
prife , le* Général crut qu’il étoit plus aifé & moins dangereux
de prévenir ces Barbares , en portant la guerre chez eux ,
que de les chaflér de la Colonie , s’ils y avoient une fois nus
le pied. Mais comme les fecours , qu’il avoit reçûs de France ,
étoient très-peu de chofe , & que ceux , qu on lui faifoit el-
perer , ne pouvoient pas arriver fitôt , il fut oblige d avoir
recours aux Sauvages Alliés. _ .
M. de la Dürantaye , qui commandoit a Michillimakinac ,
.& M. du Luth fon Lieutenant, qui étoit à la Baye, eurent
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XI. 487
ordre d’avertir les Nations de ces quartiers - là qu’Ononthio
alloit marcher pour détruire les Iroquois ; qu’il vouloir com¬
mencer par les Tfonnonthouans , & qu’il les invitoit à fe
trouver à Niagara , où il fe rendroit vers le quinziéme d’Août
avec toutes fes Forces. La plûpart de ces Peuples 11’étoient
gueres moins intereffes que les François à la deftruaion des
Iroquois , qui fembloient vouloir exercer une efpece de do¬
mination fur tout ce grand Continent , & fe rendre les feuls
Maîtres du Commerce : toutefois MM. de la Durantaye &
du Luth eurent bien de la peine à faire les levées , dont ils
étoient chargés.
Ceux des environs de la Baye fe montrèrent les plus dif¬
ficiles , & l’on avoit dû s’y attendre. Il y avoit eu des dé¬
mêlés affez vifs entr eux & les François , parce que M. de
la Saie , pour empêcher que perfonne ne fît la traite dans* les
lieux, qui lui étoient réfervés, avoit ordonné aux Sauvages
.JP* er Marchandées de quiconque n’auroit pas com-
miffion de lui , & cet ordre , qu’il ne convient jamais de don¬
ner à ces Barbares, avoit été fur le point d’allumer ‘une
guerre fanglante entr’eux & nous. Les efprits y étoient en¬
core. un peu aigris de part & d’autre, & la conjonaure n’é-
toit nullement favorable pour engager ces Nations Occiden¬
tales à joindre leurs Forces avec les nôtres contre l’Ennemi
commun.
1684.
Il engage
avec peine nos
Alliés à fe
joindre à lui.
Par bonheur , Nicolas Perrot , qui n’étoit pas loin , vint
au iecours du Sieur du Luth. Il fit comprendre aux Sauva¬
ges qu’il y alloit encore plus de leur intérêt, que de celui des
rrançois , d exterminer une Nation , qui vo.uloit faire la Loi
a toutes les autres, & dont apres tout nous n’avions rien à
craindre pour nous-mêmes. AinfiM. de la Durantaye fe trou¬
va bientôt à la tête de cinq-cent Guerriers , Hurons , Ou-
taouais, Outagamis#& autres Habitans de la Baye & de
deux-cent Canadiens ; mais ce netoit pas tout d’avoir raffem-
ble tant de Monde , & le Commandant n’eut pas peu à faire
pour venir à bout de conduire ces Troupes auxiliaires uif-
qu a Niagara. J
La pJûpart des Sauvages fe mirent je ne fçai comment , Ccsà»,**,
dans la tete que 1 Expédition ae M. ae la Barre ne feroit pas ffe rencontrent
heureufe , & divers accidens , furvenus pendant la marche Point M-deîa
leur avoient entièrement renverfé l’efpnt ; de forte qu’ils fu- dl™,“
rent cent fois fur le point de fe débander. Ce fut bien pis tîu’iIle“ravoiî
marque.
1685*
Leur mécon¬
tentement à la
nouvelle de la
paix.
^ .
M. de la Bar¬
re traite avec
le Gouverneur
de la Nouvel¬
le York.
00 HISTOIRE GENERA LE^
contrèrent m le Gencid , £s “voit t>r& de leur Pays ,
> &/Ü^tnX.lieU ^
craindre J ^P‘fe: qhTgnoroie^eux-mêmes la caufe de
ce S— ^-t dlbord l’attribuer aux vents con- #
traires , qui depuis quelque tems fctdkuen tur le
fjsss:. ;« s Ai s%ss%*
mais Ononthio ne les feroit laifferoient vuider fes
leur conviendrez de le laite , & qu ils J* fçauroient
différends avec les Iroquois , con Soient attaÇqués.
bien fe détendre fans lui , quau< • n’omirent rien pour les
La Durantaye , du Luth & j- errot n o perfua-
appaifer , & fe datèrent meme ya > le Traité de paix ,
dant qu’ils n’avoient point ete oublies dans Ijai te .P ^
qui venoit d’etre conclu ; que M d>avoir fur fc*
ouvrage , puifqu il ny q ngafTer les Iroquois a
tranquille meut chez eux. 1 nre~ fe fuffent paffées
Mais il s’en falloir bien que le: s chofes le U oPfficiers
auffi honorablement pour •• P cèaènk ayant fait fes pré-
paratifs , par s’affembler. Pendant fa marche il
Troupes avoient 01 die de 1 j)onaan Gouver-
envoya le Sieur Bourdon au Colonel ^ °’iigvouloit venger
neur de la Nouvelle York, pour lui dire que, s .1 vouloir b
(
1684.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL ,489
le fang de vint-fix Anglois du Mariland , qui avoient été tués
l’hyver précédent par les Tfonnonthouans , il pouvoir fe
joindre à lui ; mais qu’au moins il comptoir affez fur les pro¬
cédés , qu’il lui avoit faites en conféquence des ordres du
Duc d’York, pour s’affûrer qu’il ne traverferoit en aucune
maniéré une Expédition auffi jufte , que celle , qu’il avoit
entreprife ; qu’il s’agiffoit de réprimer une Nation infolente ,
qui n’épargneroit pas les Anglois , fi elle pouvoit parvenir à
n’avoir plus rien à craindre de la part des François.
Cette démarche ne fut pas généralement approuvée , plu-
fieurs appréhendant que cette Négociation ne donnât aux
Iroquois tout le tems de fe fortifier , & ne fournît aux An¬
glois , dont les difpofitions n’étoient pas équivoques , les
moyens de fecourir ces Barbares ; mais il paroît qu’il y avoit
un peu de prévention & de mauvaife humeur dans cette crain¬
te ; & en effet nous verrons tout-à-l’heure que rien ne con¬
tribua davantage à amener les Iroquois à un accommode¬
ment , que cette conduite de M. de la Barre. Mais il eft fâ¬
cheux pour un Homme , qui occupe une première place , de
s’être fait des Ennemis perfonnels par des voyes , qu’on peut
foupçonner de n’avoir pas pour objet le bien public , & de
n’avoir pas fçu fe faire effimer.
Le General prit encore une précaution , qui naturellement
devoit affûrer le fuccès de fon entreprife , ce fut de divifer les
Cantons , pour n’avoir pas à faire à tous en même tems. A
cet effet il envoya des Colliers aux Onnontagués , aux Ag-
niers & aux Onneyouths pour les engager à demeurer neu¬
tres entre lui & les Tfonnonthouans , qui l’avoient offenfé ,
& à qui feuls il en vouloit. Il fit enfuite partir le Sieur du
Tast, Capitaine, avec cinquante -fix Soldats d’Elite , pour
porter un grand Convoi de vivres & de munitions à Cataro-
couy, & pour garder ce Poffe ; M. ROrvilliers , qui y
commandoit , ayant eu ordre dès le commencement du prin-
tems d’aller reconnoître le Pays Ennemi , & de marquer l’en¬
droit le plus propre pour le débarquement.
D’Orvilliers s’etoit parfaitemement bien acquitté de fa Com- Etatdel’Ar-
mifflon , auffi étoit-il un des Officiers de la Colonie , fur la £ce Françm'
prudence , le génie , & la fermeté duquel les Gouverneurs
Généraux de la Nouvelle France comptèrent le plus , tandis
qu’ils le poffederent. Tout étant ainfi difpofé , l’Armée eut or¬
dre de marcher. Elle étoit compofée de fept-cent Canadiens 3
Tome 1. Qqq
Ses prépara¬
tifs.
i 6 84.
Avis , que
M. de la Barre
reçoit dans la
marche.
Une mauvaife
manœuvre du
Colonel Don-
can fauve la
Colonie.
49o HISTOIRE GENERALE
de cent trente Soldats , & de deux-cent Sauvages , la plupart
Iroquois du Sault Saint Louis , & Hurons de Loretta. Elle
fut partagée en trois Corps , & le General partit de Québec
le neuvième de Juillet à la tête du premier , ayant avec lui
le Baron de Bekancourt , & fon Frere, le Chevalier de
Il arriva le vint -unième à Montreal , ou les deux autres
Corps , commandés par MM. d’Orvilliers & du Gue , le joi¬
gnirent peu de jours après. Toutes les Troupes s embarquè¬
rent le vint-fix , ou le vint-fept, & le premier dAotu M. de
la Barre apprit par des voyes , qui ne pouvoient pas etre lui-
pectes , que les Cantons d’Onnontague , d Onneyouth , G de
Goyogouin avoient obligé celui de Tfonnonthouan a les pren¬
dre pour Médiateurs entre lui & les François , & deman-
doient le Sieur le Moyne pour négocier cette importante af>
Le Général reçut en même tems une Lettre d’Unnonta-
gué , écrite par une Perfonne très-fûre , qui lui mandoit que
la guerre , qu’on fe difpofoit à faire aux 1 ionnonthouans , ne
leur feroit pas beaucoup de mal , quel qu’en fut le fucces , par¬
ce que ces Sauvages s’étoient mis en lieu de furete avec tou¬
tes leurs provifions , & quelle n’auroit point d autre ertet ,
que de réunir toute la Nation contre nous ; manque , ù on
vouloit fe contenter d’une fatisfachon de la part ae ce Can¬
ton , on l’y trouveroit difpofé ; les Chefs aiant fait dire en fecret
à celui , qui écrivoit , que , fi on vouloir oublier le paffe , ils te-
roient même plus qu’on n’exigeroit d’eux , oc qu ils cefferoient
toute hoftilite contre nos Alliés: qu’au refte, sds faifoient ces
avances , ce n’étoit pas qu’ils cruffent avoir rien a craindre ,
puifque le Gouverneur de la Nouvelle York leur avoir lait
offrir qtiatre-cent Chevaux , & autant d Hommes de pied ,
s’ils vouloient foûtenir la guerre.
Il ny a pourtant aucun lieu de douter que , ù le Colonel
Dongan s’en fût tenu à ces offres , elles n’euffent ete accep¬
tées , & que M. de la Barre ne fe fût trouve dans un tres-
crand embarras ; mais il voulut faire payer trop cher le e-
cours , qu’il offroit , & il le prit fur un ton trop haut avec
une Nation fiere , qui n’a jamais aime , ni eft.me les Anglois.
Ce Gouverneur avoir commencé par faire arborer dans tout
le Pays Iroquois les Armes du Duc d’York : il envoya en-
fuite défendre aux Cantons de la part de ce Prince, qui!
f
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XI. 49,
qualifîoit de leur Souverain , de traiter fans fa participation ' — ~r~~ — ■
avec les François. Enfin il dépêcha à Onnontagué un nom- 1 ® ^ 4*
nié Arnaud , avec ordre de propofer à ce Canton , & par
Ton entremife aux quatre autres , de profiter du fecours , qu’il
vouloit bien leur donner , pour fe délivrer une bonne fois de
la tyrannie des François.
Cette Commiffion fut auffi mal exécutée , quelle avoit été
donnée avec imprudence. Arnaud parla en Maître aux On-
nontagues , & leur demanda s’ils ne vouloient pas obéir au
Gouverneur delà Province , qui reprefentoit le Duc d’York ,
leur Prince légitimé ? Ce début choqua les Onnontagués : un
de leurs Chefs prit fur le champ le Ciel à témoin de l’inju-
re , qui etoit faite a toute la Nation , & du mauvais procé¬
dé de l’Ambaffadeur Anglois , qui vouloit troubler la Terre.
Il lui adrefîa enfuite la parole , & d’un ton , qui devoit lui
faire fentir fon imprudence , & l’indignation , quelle avoit
caufée à tous les A /Mans , il lui dit :
» Apprens que l’Onnontagué fe met entre Ononthio , fon «
Pere , & le Tfonnonthouan , fon Frere , pour les empêcher de «
fe battre. J aurois cru que Corlar ( a ) fe mettroit derrière moi , «
& me crieroit : Courage , Onnontagué , ne fouffre pas que le «
Pere & le Fils s entretuent. Je fuis très-furpris que fon En- «
voyé me tienne un langage tout contraire, & s’oppofe à ce «
que j’arrête le bras de l’un & de l’autre. Arnaud „ je ne puis «
cioire que Corlar ait lefpnt auffi mal fait 3 que tu le dis. «
Ononthio me fait bien de l’honneur de vouloir travailler à u
la paix dans ma Cabanne : veut-on que le Fils déshonore 4<
fon Pere? Corlar, écoute ma voix; Ononthio m’a adopté u
pour fon Fils , il m’a traitté à Montreal , & m’a habillé en u
cette qualité : nous y avons planté l’arbre de la paix , & nous <#
1 avons auffi plante a Onnontagué , ou mon Pere envoyé or- u
dinairement fes Ambaffadeurs , parce que le Tfonnonthouan «
na point d’efprit ; fes Prédéceffeurs en ont ufé de même, & “
chacun s en efi bien trouve. J ai deux bras , j’en étens un fur u
Montreal , pour y apuïer l’arbre de la paix ; l’autre eff fur la «
tête de Corlar , qui depuis lontems eft mon Frere. Ononthio **
efl: depuis dix ans mon Pere , Corlar eft depuis lontems mon «
Frere , & cela parce que je l’ai bien voulu : ni l’un ni l’autre “
n’eft mon Maître. Celui , qui' a fait le Monde , m’a donné la “
( a ) J’ai déjà dit que les Sauvages appelaient ainfi le Gouverneur de la Nouvelle
York.
Qqq îj
HISTOIRE g EN E R A LE
1684.
»
» que
Extrémité, où
fc trouve M..
de la Barre.
" h ’ qUe/°sC de mé Jom.tnde^TVperfonne
; ^i^sssssst
„ 'ferer plus lontems de me rendre aupresde mon Pere , > P'
qu’il a pris la peine de venir jufqu a ma poite , ô. qu
?ue des jwopoutions raiformables a^me faire^» ^ ^ arriu
vé^dans°ce Canton avantrKnvoyé du^Gouvernevmde^la^Uju-
& par«°rÿü^ft<ritrdmé' Çondugt un Tfon-
M T Æ™ m 1." -» £ 0““«r
3ÏS i taïSi réTonnote qu'il 1» donne. <ou,= &
d'Aoic .V'q-V,™ È/f'ot
S, on, k Moyne , uup*
imnnoup arrivèrent a la cxaietic , . , / • rr>
du Gouverneur Général , ils lui apprirent ce^isewtt pa
entre Arnaud & les Onnontagues & les difpoûtions ,
étoient ces derniers au fujet e aLambêrviUeTqui e^toit fort
izi dr„:“ ës: , 1 «. ço„v«r » * >. n»-
velk Y ork , pour tinta.™ de 1» condone de ion Envoyé ,
dont ils eraignoient que le raport ne fut pas fidele.
Ces nouvelles cauferent d’autant plus de ,oye a M de la
Barre que les maladies , caufees par le defau , P ,
de fe retirer? fans attendre les Députés Iroquois , ce qui e t.
Miniftre que les vivres n’auroient pas manque a lArmee , li
on ,f eût pas inutilement perdu fc ou douze jours a Mont-
Si dr k'Zr conduite du
G4q““ .p»-. - tf mv dfkT,'r,
U fait la paix On ne peut en tuti 'î , j i„ Rorre
'ides condi- c]10fe >d redire dans les mefures , que pu • ,
“X pour faire la guerre avec dignité , & plus encore dans la ma
^ _ ;
1684.
üE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XI. 493
niere , dont la paix fut conclue. Non-feulement on. marqua ,
pour y déterminer les Iroquois , un empreffement , dont ces
Barbares ne s’aperçurent que trop ; mais on fouffrit qu’ils la
miffent au plus haut prix , & qu’ils nous donnaient en quel¬
que façon laloy. Il elt vrai que l’état , où les Députés des
Cantons trouvèrent notre Armée , leur fit comprendre d’a¬
bord que nous n’étions pas en pouvoir de faire beaucoup de
mal aux Tfonnonthouans ; mais il n’étoit pas difficile de leur
perfuader que nous n’en étions pas réduits à ce qu’ils voioient ,
& il falloit le faire. Ils rencontrèrent M. de la Barre campé
fur le bord du Lac Ontario , à quatre ou cinq lieues en-deçà
de l’embouchure de leur Riviere du côté- de Montreal , dans une
Anfe 9 à laquelle l’extrême difette * que l’on fouffroit depuis
quinze jours , a fait donner le nom de la Famine .
Garakonthié & Oureouati , les deux principaux Chefs de
la Députation , parlèrent fort bien , & s’ils euffent été feuls ,
tout fe feroit pafféà la fatisfaélion du Général François ; mais
le Député Tfonnonthouan fit un Difcours plein d’arrogan¬
ce ; & fur la propofition , qui lui fut faite de laiffer les Illi¬
nois en repos , il répondit qu’il ne les lâcheroit point , qu’un
des deux Partis n’eût entièrement détruit l’autre. Cette info-
lence indigna extrêmement toute l’Armée ; mais on fut bien
plus furpris encore , quand on vit M. de la Barre fe conten¬
ter de lui répliquer , que du moins il prît garde qu’en vou¬
lant frapper les Illinois , fa hache ne tombât fur les Fran¬
çois , qui demeuraient avec eux. Il le promit , & la paix fut
conclue à cette feule condition. Les Députés d’Onnontagué fe
rendirent Garans que les Tfonnonthouans répareraient le
tort , que leurs Guerriers avoient fait aux François , qu’ils
avoient pillés en allant faire la guerre aux Illinois ; mais on
exigea du Général que fon Armée décamperait dès le lende¬
main , & il partit lui-même fur le champ , après avoir donné
fes ordres pour l’exécution de ce dernier article.
On ne s’étoit point attendu à la Cour que cette guerre fini- _
roit fitôt , encore moins qu’elle fe terminerait d’une maniéré Z,°^e ^es
Ü peu honnorable à la Nation ; M. de la Barre étoit à peine canada!'
arrivé à Quebec , qu’il y reçut un renfort de Troupes , qui
l’aurait pu mettre en état de donner la Loi à ceux , de qui il
venoit de la recevoir. Ces Troupes étoient commandées par
Meilleurs de Montortier & Desnos , Capitaines de Vaif-
feaux , aufquels quelques Mémoires joignent un troifiéme , à
le Roy en-
en
i 6 8 4«
»
»
»
»
»
»
»
M. de Callie-
res eft nommé
Gouverneur
de Montreal ,
& M. Perrot
pafle au Gou¬
vernement de
l’Acadie.
494 HISTOIRE generale
fç avoir , M. du Rivau ; mais la Lettre du Roy , quils ren¬
dirent au Gouverneur Général , n’en parloit point. , .
Cette Lettre portoit que l’intention de Sa Majefte etoit
que MM. de Montortier & Defnos commandaffent dans les
Polies les plus avancés & les plus importais de la Colonie ,
& il paroilioit même par les ternies de la Lettre , que leur au¬
torité y devoit être indépendante de M. de la Barre ; ce qui
donna lieu aux Ennemis de ce Général de dire que ces deux
Officiers étoient des Surveillans , que le Roy avoit charges
d’éclairer fa conduite ; mais il eft bien plus naturel de croi¬
re que Sa Majellé le croyant engagé dans une guerre difficile,
& perfuadée que fon grand âge ne lui permettoit pas de le
tranfporter aifément dans tous les lieux , où la prefence d un
Officier principal feroit nécelîaire , les lui avoit envoyés com¬
me des Perfonnes , fur qui il pouvoir fe repofer de bien des
chofes. , ,
La Lettre , dont je viens de parler , etoit du cinquième
d’Août ; dans une autre , dattée du dernier de Juillet , le
Roy difoit à M. de la Barre : » Comme il importe au bien
de mon Service de diminuer , autant qu’il fe pourra , le nom¬
bre des Iroquois , & que d’ailleurs ces Sauvages , qui font
forts & robultes , ferviront utilement fur mes Galeres , je
veux que vous faffiez tout ce qui fera poffible pour en faire
un grand nombre de Prifonniers de guerre , & que vous les
faffiez paffer en France ». Il n’étoit plus queflion dexecuter
cet ordre , quand M. de la Barre le reçut ; mais je nelcaiü
dans la fuite il fut renouvelle à fon Succeffeur , ou s il lui
fervit de régie , quand la guerre recommença avec les Iro¬
quois. Nous verrons en fon te ms le mauvais effet , quilpro-
duifit , quand on y eut déféré. . „ .
Cette même année la Nouvelle France acquit un Officier
d’un grand mérite, & qui lui a rendu les fervices les p us im-
portans, M. Perrot Gouverneur de Montreal s’etant brouille
avec MM. du Séminaire de S. Sulpice , lefquels , ainfi que
je l’ai déjà dit , avoient , en qualité de Seigneurs , le droit de
préfenter à ce Gouvernement , le Roy , pour le bien de a
paix , lui donna celui de l’Acadie , & nomma pour lui uc-
céder le Chevalier de Callieres , ancien Capitaine au lie-
giment de Navarre. 'Les limites de fon Gouvernement furent
marquées l’année fui vante au Lac de S. Pierre.
Cependant on ne comptoit pas beaucoup dans la Colonie
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 495
fur la paix , qui avoit été conclue à l’Anfe de la Famine. Les
T • A. 11
Iroquôis nous y avoient vûs dans une ïfituation , qui n’étoit o„lL
pas fort propre à leur donner une grande idée de notre puif- peu fe'iTpaU
iance ; d’ailleurs ils n’avoient jamais voulu y comprendre nos en Canada-
Alliés 3 quoiqu’ils enflent promis de ne les point molefler.
Ils en avoient même exclu expreffément les Illinois , & nous
avions un fi grand intérêt à la confervation de ce Peuple
que nous ne pouvions nous difpenfer de le défendre , au
cas qu’il fût attaqué , ce qu’on ne doutoit point qui n’ar¬
rivât bientôt. Auffi jugea - ton que les derniers fecours ve¬
nus de France , quoiqu’arrivés après la publication de la paix ,
n’étoient rien moins qu’inutiles. Toutefois on fut près d’une
annee entière , fans entendre parler des Iroquois , mais vers
la fin de Juillet de l’année fuivante 1685. M. delà Barre re¬
çut deux Lettres du P. de Lamberville , Millionnaire à On-
nontagué , lefquelles lui donnèrent beaucoup à penfer.
Ce Religieux lui mandoit que les Tfonnonthouans étoient Di vers avis ,
refiés chez eux tout l’hyver , fans aller à la chaffe , dans la qu’°rn re^k
crainte que. les François ne fe jettafTent dans leur Canton,
s’ils apprenoient qu’il fût dégarni d’Hommes : qu’ils fe plai-
gnoiern que les Mafcoutins & les Miamis , fiers de la prote-
£Iion déclarée d’Ononthio , leur avoient fait la guerre , &
avoient pris & tué quelques-uns des leurs : que les Mafcou¬
tins avoient même brûlé leurs Prifonniers , & s etoient van¬
tés qu'ils l’avoient fait à l’infligation du même Gouverneur
Général : que les cinq Cantons avoienrdepuis peu renouvellé
leur Alliance , pour fe fortifier , difoient-ils , contre les Fran¬
çois , en cas de rupture : que les Mahingans leur avoient pro¬
mis un Lcours de douze — cent Hommes , Sc les Anglois un
plus confidérable encore , avec toutes fortes d’armes &r de
Munitions : qu’il y avoit acluellement plufieurs Partis d’Iro-
quois en campagne contre les Miamis : que les Tfonnon-
thôuans refufoient de livrer les mille Caflors , dont on étoit
convenu avec eux pour le premier terme du payement de ce
ou’ils dévoient aux François , pillés fur la route des Illinois ,
& qu’ils s’excufoient de ce délai fur plufieurs pertes , qu’ils
prétendoient avoir faites depuis peu , tandis qu’011 fçavoit
qu’ils portoient plus de dix mille Caflors à Orange.
Quanta la parole , qu’ils avoient donnée d’aller trouver le
Gouverneur Général , pour prendre avec lui des mefures
convenables à la fituation des affaires , le P. Lamberville
i 6 8 4*
Général.
,o6 HISTOIRE generale
mandoit qu’ils s’en croyoient abfolument dégagés , i°. par-
« q e es Chemins ét oient mauvais , z» parce quun de
feurs Jeunes Gens, qui retournoit l’Eté dernier de Que-
bec , s’étant imaginé qu’on vouloir le tuer , , seto
travers des Bois , où il étoit mort de faim , & que !“ J
cois oui , félon eux , étoient caufe de fa mort , ne 1 avoi ^ ,
nlplèuré , ni couve,’. <«). Enfin ,ue le, Onnon.,™»
voient rien négligé pour les porter a tenir leur parole , ma
que pour "outlrlponfe on leur avoit dit : >, Vous devez aller
” bientôt à Montreal pour vos affaires , faites - y tout ce que
” vous hieerez à propos, & vous ne ferez point defavoues
” Façon de parler , qui parmi les Sauvages n eft qu un pur com-
, , D Pli?nv Wmf qtfqueîqüeTjours que cette Lettre avoit été
nonviUe arf- rendue' à M. d! la Barre lorfque le Marqms de Denonviüe
» Pnt terre à Quebec avec de n ife Troupe^ ^ ^
fin de l’année précédente , c’eft-a-d.re , immédiatement a|>res
le retour des Vaiffeaux , qui avoient porte en Canada MM
‘SSZt. BÏÏS U-gj
avoit faitPchoix du Marquis deDenonville £ota*lde & Va
cr0ns également eftimable par fa valeur , •
piété , & s’étoit réfolu à faire un nouvel effort pour le me
en état d affûrer la tranquillité du Pays. •
M. deDenonville fe donna à peine quelques jouis de re
pos , pour fe délaffer d’une navigation , qui avoit ete très
mde & monta auffitôt à Catarocouy. Le Sieur de la Foret
y îvo.t été rétabli par ordre de la Cour , pour y comman¬
der au nom de M. de la Sale ; mais ayant demande la per
million de faire un voyage aux Illinois , ou ,1 comptouque
le Sieur de la Sale ne tardèrent pas a le lendie , Y
nas déi a arrivé ; M. d’Orvilliers avoit été de nouveau charge
<le h earde de ce Pofie. Pendant le féjour, pue le Gouver¬
neur fîénéral y fit , il apprit qu’on avoit infp.re auxlroquois
(.) C’eft-à-dite , qu’ils navoient point fait do compliment , ni de ptéfensa (a Fa-
mille. UftÇ
Il croit la
«ruerre nécef-
laire avec les
Iroquois.
«
«
«
«
«
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 497
«ne grande défiance des François , & il n’omit rien pour les j ^ o
raflurer : il comprit néanmoins que cette Nation étoit montée
fur un ton d’infolence , qu’il falloit nécefiairement rabattre ,
& il manda au Miniftre que les hofiilités , qu’elle continuoit
à faire fur les Illinois , étoit un motif fuffifant pour lui faire la
guerre ; mais qu’il falloit être prêt , avant que de la déclarer ,
parce que les Sauvages le font toujours.
Il y a quelque apparence qu’on avoit réitéré à ce nouveau En quel fax.
Général les inftances , fi fouvent faites àfes Prédéceffeurs , de 11 trouve la
travailler à francifer les Peuples de ce Continent, ainfi qu’011 eoonic-
s’exprimoit alors ; car voici ce qu’il écrivit fur ce fujet dans
la même Lettre , que je viens de citer. » On a cru lontems
qu’il falloit approcher les Sauvages de nous , pour les fran¬
cifer ; on a tout lieu de reconnoître qu’011 fe trompoit. Ceux ,
qui fe font approchés de nous , ne fe font pas rendus Fran- <c
çois , & les François , qui les ont hantés , font devenus Sau- «
vages. On affeRe de fe mettre comme eux , & de vivre com- «
me eux : il n’en eft pas de même des Sauvages affemblés en
Bourgades au milieu de la Colonie. Rien n’efi: mieux réglé.
Il ajoûte en finifiant , qu’il a trouvé la Colonie toute ouver¬
te ; c’étoit une ancienne plainte , qui fe renouvelioit toutes
les années , & toujours inutilement.
J’ai déjà obfervé qu’en défrichant de nouvelles Terres , on
ne fongeoit qu’à s’écarter les uns des autres , afin de pouvoir
s’étendre davantage , fans çonfidérer que par-là on fe mettoit
hors de portée de fe fe courir mutuellement , & qu’en em-
braffant un Pays immenfe , eu égard au peu de Monde , dont
la Colonie étoit compofée , Perfonne n’y pouvoit être à cou¬
vert des infultes de l’Ennemi ; mais la Cour eut beau don¬
ner des ordres pour remedier à un fi grand mal ^ & pour ré¬
duire les Parodies en Bourgades , il ne fut jamais pofiible de
les faire exécuter. Chacun craignoit pour le Public , & Per¬
fonne ne craignoit pour foi en particulier. L’expérience mê¬
me ne rendoit pas plus fages ceux , qui avoient été les vi£li-
mes de leur imprudence : on réparoit fes pertes , quand on
étoit en état de le faire ; on oublioit bientôt les malheurs ,
qui ne fe pouvoient pas réparer , & la vue d’un petit intérêt
préfent aveugloit tout le monde fur l’avenir. C’efi-là le vrai
génie des Sauvages , & il femble qu’on le refpire avec Fair
cle leur Pays.
Les connoiflançes , que le nouveau Gouverneur prit des
Tome I. R r r
i 6 8 5 •
Projet d’un
Port a Niaga
ra.
I 6 8 6.
498 HISTOIRE GENERALE
affaires du Canada , aufquelles il s’appliqua beaucoup pen¬
dant l’Hyver , le confirmèrent dans la penfée , que nous n au¬
rions jamais les Iroquois pour Amis , & que pour n avoir pa&
toujours fur les bras un Ennemi incommode & dangereux ,
il falloit , à quelque prix , que ce fut , le détruire , ou du moins
l’humilier & Faffoiblir de forte , qu’il fût contraint de recher¬
cher notre Alliance , & de s’y maintenir. Il fut fur tout per-
fuade qu’il n’y avoit que ce ieul moyen de foûtenir le com¬
merce, qu’on pouvoit compter de voir bientôt réduit a rien ,
poûr peu que les chofes demeuraffent dans 1 état , ou elles
étoient , & que les feuls Iroquois arrêtoient les progrès de
l’Evangile parmi les Sauvages ; ce qui touchoit pour le moins
autant le Marquis de Dénonville , que le foin de confeiver
la Colonie.
D’un autre côté toute l’Acadie & les Cotes voifines etoient
en proye aux courfes des Anglais ; & M. de Meules , qui
l’année précédente s’y étoit tranfpor té pour en faire la vifi-
te , avoit trouvé ce beau Pays , & toutes les Habitations'
Françoifes dans la derniere défolation. Radiffon etoit aum
toujours à la tête des Anglois dans la Baye d’Hudfon , & il
n’étoit prefque plus pofîible aux François de trafiquer dans le
Nord. Enfin le commerce n’étoit guéres plus libre à 1 Oueft ,
depuis que les Tfonnonthouans avoient attire les Anglois a
Niagara , d’où ceux-ci par le moyen des Lacs , dont ils nous
coupoient la communication , pouvoient faire des courfes
jufqu’à Michillimakinac. Ils avoient même déjà commence a
fe montrer aux environs de ce Polie , & ils travailloient for¬
tement par le moyen des Iroquois à nous débaucher les Sau¬
vages de ces Contrées , qui étoient notre plus grande renource
par raport à la Traite des Pelleteries. . 5/
Pour garantir la Nouvelle France dun malheur, qui ne-
toit pas auffi éloigné, que plufieurs le penfoient , leMaïquis
- de Dénonville propofa au Miniftre par fa Lettre du huitiè¬
me de May 1686. de conllruire à Niagara un Fort de Pierres ^
capable de contenir quatre à cinq cent Hommes. Il lui re-
prefenta que ce Pofte ainfi gardé fermeroit abfolument aux
Anglois le pafiage des Lacs , & nous mettroit en état d em¬
pêcher les Iroquois de leur porter leurs Pelleteries , d autant
plus que par le moyen du Fort de Catarocouy , où 1 on pouvoit
tenir des Barques à couvert des vents pendant lHyver j il
feroit aile de naviguer librement fur le Lac Ontario , dont
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 499
nous commanderions les deux extrémités , & que ces Sauvages
dont le Pays s étend le long de ce Lac , n’auroient plus aucune
iliuè pour leur C halle , qu autant que nous voudrions bien
leur en donner ; qu alors comme ils ne peuvent guéres chaffer
fur leurs Terres, où il n’y a prefque point de Bêtes fauves,
& pas un Seul Cafior , ils feraient à notre difcretion pour la
Traite ; ce qui ferait pour les Anglois une perte de ouatre-
cent mille francs tous les ans , dont nous profiterions.
De plus , ajoutoit-il , fi nous voulons que nos Alliés puif-
fent nous fecounr , quand nous aurons la guerre contre les
Iroquois , il efi dune neceiîlté abfoluë d’avoir un Pofte , où
ils puiffent s’affembler , & fe réfugier en cas de difgrace ’ ou
de mauvais tems. Enfin il ne lui paroifloit pas douteux qu’une
pareille For te refie , a la porte des Iroquois , les ti endroit en
crainte & en refpeR , arrêterait ce grand nombre de Déser¬
teurs François , qui aboient ordinairement par-là chez les An-
glois , & leui fer voient enfuite de Guides pour reconnoître les
Pofies avances de la Colonie. Outre qu’on viendrait peut-
être à bout avec le tems de gagner les Iroquois , en leur don¬
nant lieu de mieux consoitre la différence de nos mœurs d’a¬
vec celles des Eiabitans de la Nouvelle York.
Açrès avoir ainfi montré la néceffité de cet Etabliflement ,
le Général , pour prévenir l’obje&ion , qu’on lui pouvoit faire
par rapoit a la depenfe , Suggéra au Miniftre d’établir une
Ferme , dont le fonds feroit le commerce exclufif dans ce
Pofie , qui deviendrait, bientôt le centre de tout celui du Ca¬
nada. Il pietendoit quavec le tems cette Ferme produirait au
Roy des Sommes tres-confiderables , & qu elle ne feroit d’ail¬
leurs aucun tort aux Habitans de la Nouvelle France , par¬
ce que toutes les Pelleteries , qu’on traiterait à Niagara 3 ai-
loient aux Anglois. Au refie M. de Dénonville n’étoit pas le
leul , qui penfàt ainfi; car la Compagnie des Marchands de
Quebec pour le commerce du Nord demandoit avec infian-
ces ce parti , s engageant , fi on le lui accordoit , de fournir
les Magafins de Niagara de toutes les marchandées , qui fe
pouvoient échanger pour les Pelleteries , de prendre le Bail
poui neuf ans , N de payer a Sa Majefié pour le Privilège
une Somme de tiente mille livres chaque année. Nous verrons
dans peu ce qui empêcha l’exécution de ce projet.
Environ un mois après que le Général eut écrit cette Let¬
tre , il en reçut une du Colonel Dongan , dattée du vint-
il r r ij
1686.
Lettre da
Gouverneur
delà Nouvelle
/
i 6 8 6.
York à M.
Dénonville*
Rcponfe de ce
Général.
,oo HISTOIRE GENERALE-
d»ux de May , qui portoit en fubftance que les grands amas
de vivres , qui fe faifoient à Catarocouy , perfuadoient aux
Iroquois qu’on avoir deffein de leur déclarer la guerre 5 j**8.
ces Peuples étant Sujets de la Couronne d Angleterre , les a
raquer , ferait une infraftion mamfefte a la paix , qui etoit :t : -
tre les deux Rois ; qu’il avoir auffi appris qu’on avo, tdeflem
de conftruire un Fort à Niagara , & que cette nouvelle 1 avoir
d’autant plus étonné , qu’on ne devoit pas ignoiei ®
da que tout ce Pays étoit de la dépendance de la Nouvelle
^ °La Réponfe de M. de Dénonville fe. que les Iroquois
craignoient le châtiment , parce qu ils fe ten oi-i - ■ P
blés • que cependant les provifions , qu il avoir envoyées a
Catarocouy , n’avoient pas dû les ailarmer : qu y ayant tou-
jours une greffe Garnit dans ce Pofte & les occafions de
le fournir de vivres , ne fe trouvant pas aifement , il eto
ceffaire, quand elles fe préfentoient , u en pro el’.P F , .
paffer des Convois confidérables : qu’il fe pouvoir bien faire
que quelques Transfuges François euffent fait naître ■
apuye les foupçons des Iroquois ; mais que les à Jouri A
ces Vagabonds ne méritoient aucune creance, d autant plus
qu’ils avoient un véritable intérêt à mettre le troub e& a di-
vifion entre les deux Colonies : que 1 Angleterre etoit mal ton
dée dans fes prétentions fur le Domaine du Pays des Ira ^
quois, & qu’on y devoit fçavoir que les Franç Nqu_
pris poffeffion , avant qu i! y eut des Ang ois .
velle York : qu’au relie les deux Rois , leurs Maîtres , v
vaut dans une parfaite intelligence , .1 ne convenoit point
leurs Lieutenans Généraux de la vouloir trou eu
Cette démarche du Colonel Dongan n avoir rien , qui foi
furprendre le Marquis de Dénonville; toute la conduite d
ce Gouverneur , depuis qu il etoit en place , av P
les François qu’ils le trouveroient toujours en leur chen ,
& l’on étoit fort inftruit qu’il ne manquerait aucune occahon
d’animer les Iroquois contre eux; mais on ne feavott peut-
être pas encore tout ce qu’on avoit a craindre dunlid g
reux voilin , que toute l’autorité du Duc d York , de qu.
dépendoit immédiatement , n’avoit jama.spu engager , depuis
même que ce Prince étoit monte fur le Throne , a demeurer
Speftateur tranquille de tout ce qui fe paffoit entre nous & les
Iroquois. On en fut enfin éclairci peu de tems apies p
voye , qui ne pouyoit être iuipetïe.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 501
On apprit pendant l’Eté que les Iroquois avoient fait une ir-
168^
O.
ruption dans le Saguinam {a) , & y avoient attaqué les Ou- Entreprîfe
taouais de Michiiliniakinac , qui y alloient ordinairement en Colonel Don-
chaffe. Le P. de Lamberville découvrit à Onnontagué que San*
cette hofbilité étoit le fruit d’une Délibération de tous les
Cantons , dont le Colonel Dongan avoit affemblé les Dépu¬
tés à Orange ; qu’il les avoit avertis que le nouveau Général
des François étoit réfolu de leur déclarer la guerre ; qu’il les
avoit exhortés à le prévenir , à piller les François & leurs Al¬
liés par tout ; où ils les rencontreroient , ajoutant qu’ils en au¬
raient bon marché , parce qu’ils les trouveraient fans défiance ,
& qu’il les avoit alluré que , quoiqu’il en arrivât , il ne les aban¬
donnerait point.
Le Millionnaire avoit été averti de toutes ces menées par
des Iroquois Chrétiens , & par des Idolâtres mêmes , qui Fai-
moient beaucoup ; il n’avoit pu empêcher l’Alfemblée d’O-
range ; mais il avoit heureufement travaillé à détourner une
partie de l’orage , qui s’y étoit formé , & après avoir tiré pa¬
role des principaux Chefs du Canton d’Onnontagué , qu’ils
11e confentiroient jamais à aucune entreprife pendant fonab-
fence , il partit pour aller informer M. de Dénonville de tout
ce qu’il fçavoit. Dongan , qui fut bientôt informé de fon dé¬
part , en devina le motif, & ce fut alors , qu’il écrivit au
GénéralFrançois la Lettre , dont j’ai parlé, il n’y a pas lon-
tems , & qui arriva avant le P. de Lamberville.
Il envoya en même tems des Exprès à tous les Cantons ,
pour hâter l’exécution du deffein conçu à Orange , & il fom-
ma celui d’Onnontagué de lui remettre le P. Jacques de Lam¬
berville , Frere de celui , qui étoit allé à Québec , & qu’il
avoit laide comme en otage dans ce Canton. Il fît plus , il
entreprit de nous débaucher les Iroquois Chrétiens du Sault
S. Louis , & de la Montagne : il leur fît dire qu’il leur don¬
nerait dans fon Gouvernement un Terrein, où ils feraient
beaucoup mieux , & plus en fûreté , que dans la Colonie Fran-
çoife ; & comme il n’ignoroit pas que ce qui les retenoit fur-
tout dans nos intérêts , c’étoit la crainte de perdre leur Re¬
ligion parmi les Anglois , il leur fit donner fur cela toutes
les affûrances , qu’ils pouvoient fouhaiter , ajoûtant que le
Roy, fon Maitre , & lui-même étoient Catholiques , & qu’ils
auraient dans la Nouvelle York des Miffionnaires de la même
{ a ) Ceft une Anfe fort profonde fur la Côte Occidentale du Lac Huron.
^02 histoire generale
— ‘ p— Religion. Il ne gagna pourtant rien, ni du côté des Iroquois
1 6 8 6. ^ ^retiens , ni auprès des Infidèles mêmes , & le Canton d’On-
nontagué refufa de lui livrer le P. de Lamberville.
.Les Angiois II fut plus heureux d’abord à Michillimakinac , où depuis
font reçus à w tems tous les Sauvages , quon avoit raffemblés au
kinac|llima" Sault Sainte Marie , seraient retirés. Il leur envoya des Trai-
tans Angiois , qui eurent grand foin de faire publier d avance
qu’ils donneraient leurs marchandises à beaucoup meilleur
compte , que ne pou voient faire les François , &c ils y furent
très-bien reçus. Ils firent leur Traite en toute liberté , paice
que , par malheur , M. de la Durantaye étoit abfent. Il arriva
prefqu’au moment , qu’ils venoient de partir , & il vouloit
faire courir après eux fur le champ ; mais les Hurons le pré¬
vinrent , & envoyèrent aux Angiois une Efcorte , qui les con-
duifit jufqu’à ce qu’ils euffent rencontré les Tfonnonthouans ,
qui venoient au devant deux.
Rien lierait d’une conféquence plus dangereufe , que ce
commencement de commerce entre la Nouvelle York ,& les
Peuples, que nous avions jufques- là regardés comme nos
plus fidèles Alliés. Auffi M. de Dénonville crut -il dès-lors
qu’il ne falloir plus différer de faire la guerre aux Tfon¬
nonthouans , qui en étoient les Entremetteurs ; mais avant
toutes chofes il falloir etre en état de faire face de toute
part , avoir une forte Garnifon à Catarocouy , envoyer un
Détachement confidérable par la Riviere de Sorel du côte
des Agniers , pour tenir en échec ce Canton , & donner de
lajaloufieau Colonel Dongan.
rorces de la II n’étoit pas moins néceffaire d’avoir des Magafins en plu-
Çolonie. fieurs endroits , & de les mettre hors d’infulte. Pour tout
cela , & pour compofer l’Armée , que le General vouloir
commander en Perfonne , on ne pouvoir tirer de la Colo¬
nie , que huit cent Hommes , & il n.’y avoit pas beaucoup à
compter fur les Troupes reglees , qui etoient peu aguenies ,
mal armées pour la plupart , & n’avoient nulle çonnoiffance
de la maniéré de faire la guerre dans le Pays. Ainfi c etoit une
nécefiité de diffimuler jufqua 1 arrivée du fe cours , quon at-*
tendoit de France ; & il ne s agiffoit plus que de chercher des
prétextes , pour couvrir tant de préparatifs. ; ;
Lc p. ac La première chofe , à quoi penfa le Gouverneur General,
Lamberville fut à renvoyer le P. de Lamberville dans la Million « & il le
uoàîobdf chargea de préfens pour tous ceux des Chefs Onnontagués,
DE LANOUVELLE FRANCE. Liv. XI. 503
^ ^ c t - ' * JL* ) ^ J
qu il y avoit plus d’efperance de gagner , & de conferver dans TdSôT
nos interets. Il etoit tems que ce Millionnaire arrivât dans commcnccr
ce Canton ; le Gouverneur de la Nouvelle York avoit pro- SŒ&.
iite de Ion abfence pour reveiller dans l’efprit des Sauvages la
crainte, que les François ne vinffent fondre Fur eux, tandis
ou ils y peineraient le moins : il leur avoit perfuadé que le
1. de Lamberville n avoit pas voulu fe trouver avec' eux
quand les Troupes de fa Nation viendroient porter le fer &
le feu dans^ leurs Villages , & qu’il fe donnerait bien de arde
dy reparaître. Enfin il avoit fi bien négocié , que to5s Fs
Cantons seraient affemblés , & qu’une partie des Guerriers
etoit déjà en marche ? lorfque ce Religieux reparut à Gn-
nontague. 1
Sa préfence changea en un moment la face des affaires • il
parla aux Chefs avec cette franchife & fes maniérés infinuan-
teiS 5 aV°ient 8aSRé reflime & raffeftion de ce Peu-
pie; il diffipa prefque tous les foupçons , qu’on lui avoit in fi
pires 3 & les prefens , qu’il fçut difpenfer à propos , achevant
ce que les bonnes façons avoient fi heureufement commencé
les Guerriers furent rappellés , & on ne parla plus de rom’
pre avec les François. Le refie de l’Eté fe paffa en négocia¬
tions , tantôt pour retirer les Prifonniers , qu’on avoir faits
de part 6c d autre , & tantôt pour faire reprendre à nos Alliés
des fentimens plus conformes à leurs véritables intérêts. Ceux
qui furent chargés de ce dernier article , y réuffirent de telle
i uf- ’ q,U1S engagerent les Murons & les Outaouais de Mi-
chillimakmac à defeendre jufqu’à Catarocouy , pour y con-
. ferer avec le Gouverneur Général»
Vers la fin de Septembre le P. de Lamberville revint èn- , .
nF anQlJtTC,VP°rr 7 r£ndr? ComPte au Marquis de Dé-
n]°.nvi\[e Re la difpofition , ou fe trouvoient alors les Iroquois : Nation*
il lui dit que les feuls Onnontagués avoient rendu les Prifon¬
niers qu ils avoient faits fur nos Alliés , & que les Tfon-
nonthouans s en etoient exeufés , en difant que leurs Cat3tifs
ne youloient pas s’en retourner chez eux. Ce raport confir¬
ma le General dans la penfée , qu’on per doit le tems à traiter
avec cette Nation. Il avoit même déjà pris fon parti ; mais
il ne voulut pas s’en ouvrir au Miffionnaire : il lui laifla feu¬
lement entrevoir qu’il étoit réfolu de pouffer à bout les Tfon-
nonthouans.
Ce Pere, dit-il, dans une Lettre , qu’il écrivit à M. du «
1 686.
»
»
»
_n, HISTOIRE generale
c • P uv & nui eft datée du huitième de Novembre , », aime
Ke'g rono cÎ Sauvages , quoiqu’il foit tous les jours en dan-
beaucoup ces i.auvab > 4 H _ „-„lirno;ns ,1 avoue quil
"N
»
»
»
»
»
Affaires delà
Bayte d’Hud-
fon.
„ ps 3
ÿiû n“ ». « ™W« £ “Slr'af CoC
„ venir enfuite ’ \ ;areffe beaucoup nos Déferteurs ,
„ Dongan. Ce Gouverneur car r m0 -même de
: dont il tire de ^"’fce^e eVms’ en étapes châtier. J’ai
» les mcnager, jufqua ceq ordre de convoquer tou-
renvoyé le P. de Camnervin le Printems pro¬
cès les Nations Eoquo.fes & comme il eft néceffaire
„ chain, pour pailei de ’ les pp. Recollets, Au-
», d’y avoir un l*J«*Pre“ f ! ^ 1 s !a Langue, & que tous
» mômers de 5®. P° î Vexception d’un Fils du Sieur le Moyne ,
: font des Ignorans f que la guerre
„ PP. Recollets de lui ladlel, la, ’dqre. Le P. de Lam-
„ foit finie , avec promefle de a;t moins de
„ berville doit me renvoyer on > S foait pourtant -
„ peine à fe retirer tout feu. Lejauvre^ ere Ç fapprens
rien de nos dehems & parti contre les Miamis ,
que les cinq Cantons to :i° ont ruiné un Village de ceux- ■
& les Sauvages de la Baye : ns ont ruine un b
„ d; mais lesWeurs -’f-^^hTlls ont fait depuis
» battus ; ils veulent avoir q ne gardent plus au-
: ?r«lrëir^5^nos CaLs par tout, *
” '^Tandis'que ces chofes fe ptogS&ta
;lied leS ffiSTS eAnngloisUregardoient toujours notre
Etablmement dans la Rmere ^ Sa, ^^fonfor ce point à
ufurpation ; mais on av f Rois étoient convenus que
la Cour de Londres , <x . £ au’ji occupoit. On
chacun demeureroit en p y , o /tnccr;t(i dans les deux Cours 5
agiffoitfans doute lavée ; rfeft ^ ffaç-
mais comme en Angle. ei re , jes Délibérations du
cord avec le Souverain , & ne regtmtepas les u ü
Confeil comme des fîf ^^SRec laCour ; c’eft ce
faut prendre fes fuietes , qua ayons vu ce
qu’on n avoir pas fongé à taire jufques-la , w nous Qa
auienétoit arrivé.
»
»
Dcjbrujhru Sculfifît-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL joj
On a fçu depuis que le Colonel Dongan , qui pour lors ~ ■-
exerçoit par intérim i’Employ de Gouverneur Général dans 1
la Nouvelle Angleterre , avoit eu beaucoup de part dans la
trahifon , qui nous avoit fait perdre le Fort de la Riviere de
Sainte Therefe , & dont le Roy Très-Chrétien avoit fait faire
inutilement de grandes plaintes au Roy de la Grande Breta¬
gne par M. de Barillon , fon Ambafïadeur auprès de ce
Prince. Charles II. défavoua fes Sujets ; mais il n’eut pas le
crédit de faire reflituer à fon Allié ce qui lui avoit été en¬
levé par la perfidie d’un Transfuge.
D’autre parties Intéreffés dans la Compagnie du Nord , à Onfedifpofc
qui le Roy avoit concédé le Fort , dont les Anglois s’étoient “ chafler les
rendus les Maîtres , ne voyant nulle apparence d’obtenir de Anglois.^ **
Sa Majefté des forces fuffifantes pour s’en remettre en pofïef-
lîon , prirent le parti d’en faire eux-mêmes les frais. Ils deman¬
dèrent à M. de Dénonville des Soldats , & un Officier pour
les commander ; & ce Général leur accorda quatre-vint Hom¬
mes , prelque tous Canadiens , & pour Commandant le Cheva¬
lier de Troye , ancien Capitaine & Homme de réfolution. STE
Helene , d’Iberville , & Maricourt , tous trois Fils de
M. le Moyne, voulurent être de la partie ; cette petite Troupe
fe mit en marche au mois de Mars de cette année 1 686.
après avoir eiïuyé bien des fatigues , arriva au fond de la Baye
d’Hudfon le vi.ntiéme de Juin.
Elle entra d’abord en a Ri on , & le premier Fort , auquel Succès de cette
le Chevalier de Troye s’attacha , fut celui de Monjipi dans la ExPédlU0a>
Riviere de Monfoni. 11 étoit bâti de pieux , & avoit quatre
Radions revêtus de terre. Au milieu il y avoit une Maifon de
quarante pieds en quarré , & d’autant de hauteur , terminée
en plate forme. Ce Fort fut d’abord efcaladé , & les pieux
coupés avec des haches. Le feul Canonnier fe mit en défen¬
de , & y périt en Brave; tous les autres demandèrent quar¬
tier, de on les reçut Prifonniers de guerre. Us étoient au
nombre de feize , & ils avoient douze Canons de huit & de
fix , trois milliers de poudre , & dix de plomb.
D’Iberville s’embarqua enfuite avec neuf Hommes dans
deux Canots d’écorce , & alla aborder un petit Bâtiment ,
qui étoit à l’ancre , & où il y avoit quatorze Hommes , le Gé¬
néral de la Baye y étoit en perfonne ; cependant ils firent très*
pen de réfi fiance , & fe rendirent , fans autre condition , que
la vie fauve. Sainte Heleine avoit été détaché en même tems
Tome /. $ s s
i 6 8 6.
Projet <Pun
accord pour
le Port Nel¬
fon jugé im¬
praticable.
, hisTOIRE GENERALE ^
Ivec cinquante Hommes , & ayant auffi rencontré à la Côte
un Bâtiment, mais nui n’étoit point garde, il s y «nbarcma
avec fa Troupe , & fit voile vers le Fort Rupert , éloigné de
mùnze à vint lieues de Monfipi , & finie , ainfi que je 1 ai de a
dit fur la Riviere Nemifcau. Il débarqua fort pres se la
Place fans aucune oppofition, & monta auffitot a laffaut ;
'maTs la Garnifon étonnée de cette hardieffe , ayant demande
miartier & mis bas les armes , il n’y eut perlonne de tue.
?le Fort’étoit nouvellement rebâti , & le Canon n y etoit pas
pnrore monte fur les tiffuts • • _ . > *
Ames cet'e fécondé conquête , tous les François fe reuni-
remP s’embarquèrent fur les deux prifes de dlberville & de
Sainte Helene , & tournèrent vers le Fort de Quitchitchouen ,
dont la réduâion ne leur coûta que le voyage , de la pou¬
dre & des boulets de canon. La Garnifon s y laiffa canon-
ner a&z lontems , puis elle capitula. Les grands Magafins des
A "lois étoient dans cette Place, & furent le principal fruit
de cette Expédition , qui rendit les François Maîtres de toute
la partie Mlridionnàle de la Baye d’Hudlon. On n’y trouva
néanmoins que pour cinquante mille ecus de Pelleteries, ce qui
fit iuger que les Sauvages n’y venoient pas en fort grand noffl-
bri ^ou que les Anglois ne fçavoientpas encore traiter avec
ces Peuples. La Garnifon de Quitchitchouen fut envoyée au
Pnri- Nelfon fur un Bâtiment , qu’on lui donna.
P II paroît par quelques Lettres écrites fur la fin de cette an¬
née Pque l’on fe récria fort à Londres fur cette entrepnfe , &
ileft certain que l’on en fit un crime au Roy d’Angleterte ,
à qui fes Sujets attribuoient dès lors tout ce qui leur arrivent
de fâcheux. Ce qui eft encore plus étonnant , ceft que les
Mirfiftres Plénipotentiaires de la Reine Anne au Congres
d’Utrech , demandèrent àce fujet des dedommagemens , quils
faifoient monter fort haut , comme fi nous n euffions pas ete
nous-mêmes en droit d’en exiger de Plu* con[lder,:J f , aP°^
l’invafion du Fort de la Riviere de Sainte Therefe , dont la pn-
fe des trois Forts du fond de la Baye n’étoit quune julle re-
F' Quelque tems après l’Expédition du Chevalier de Troye,
il St réglé entre les deux Rois que le Port Nelfon demeu¬
reront communaux deux Nations , & quelles pourroien y
faire le commerce en toute liberté ; mais ce projet , qui firp-
pofoit les Sujets auffi-bien difpofés que leurs Souverains avivre
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 507
en bonne intelligence , fut juge impratiquable par tous ceux 5 — p-r—
qui voyoient les chofes de plus près. Le Marquis de Dénoir 1
ville reprefenta donc au Roy fon Maître , que le voifînage
des Anglois dans des lieux fi éloignés feroit une fource conti¬
nuelle d’hoflilités réciproques , & un appas dangereux pour
quantité de Libertins , que le moindre fujet de mécontente-
ment porteroit à fe réfugier au Port Nelfon.
Il ajoûta que les Marchands Anglois achetant le Caftor
plus cher que les François , ils auroient toujours la préféren¬
ce, & par conféquent feroient feuls prefque tout le commer¬
ce ; qu’au cas qu’on jugeât à propos de faire un accommode¬
ment dans la Baye d’Hudfon entre les Sujets des deux Cou¬
ronnes , il vaudrait mieux retirer le Port Nelfon des mains
des Anglois , & leur reflituer les trois Forts , qu’on venoit
de prendre fur eux; que tous les trois enfemble ne valoient
pas , à beaucoup près , pour le commerce , le feul Port Nel¬
fon ; & qu’à la première rupture il feroit fort aifé de les repren¬
dre en allant par Terre , comme avoit fait le Chevalier de
Troye.
Au Prmtems de 1 annee fin vante le Gouverneur Général Traité de
reçut un ordre du Roy , qui eût été plus efficace pour ob- ^eutra^t:é cu¬
vier à tous les inconvéniens , que le Général vouloit éviter, gîois&Ye's
& pour obliger les Iroquois a demeurer tranquilles , que la FranÇ°is p°ue
plus heureufe Expédition , fi. les Anglois, qui l’avoient Tolli- rAmérique- _
cité , euffent agi de bonne foy : » Ayant été informé , difoit " 1687.
Sa Majefié , par M. de Barrillon , mon Ambaffadeur Ex- *
traordinaire auprès du Roy d’Angleterre , que les Minières *
de Sa Majefté Britannique lui a voient propofé un Traité de "
Neutralité entre mes Sujets & les Tiens dans les Blés & Pays *
de Teire ferme de 1 Amérique ; & ayant confideré que je ne (<
pouvois rien faire de plus avantageux à mefdits Sujets , que * *
de leur procurer les moyens de faire leur commerce , de cul- <v
tiver leurs Terres , & de faire valoir leurs Habitations fans u
interruption. Jauiois agréé cette propofition , Sc aurois en- **
voye audit Sieur de Barrillon les pouvoirs néceffaires pour
conclurre ce Traité , qui a été heureufement terminé le trei- «
zieme du mois de Septembre dernier ; je vous fais cette Lettre 4<
pour vous dire que mon intention eft que vous le faffiez pu- «
bîier & enregiftrer au Confeil Souverain de Quebec , que «
vous teniez exaâement la main à fon exécution , fans vous *
en départir pour quelque raifon que ce foit. Et comme par les «
1687.
»
»
»
»
»
»
»
»
»
les Âogîois
y contrevien¬
nent*
le Gouver¬
neur Général
fe difpofe à
marcher con-
sre les Iro-
suois.
o HISTOIRE GENER AL E
\ 1 c nnatorze & quinze de ce Traité on eft particulière-
Articles quat q , d or£jres aux Gouverneurs
iZnesbTcJs pour pouXivre comme Pirates tous les Ar-
vous faffiez procéder co;ltre e“| T • é pouvoit être
Tî o fl- Vinrs de doute cru un pareil i raite , » r ,
Il elt hors H fero£ égaiement avantageux a toutes
|S^“i0M on dïE'S’5'il Xrï.î?K?S“m“prâV'
Wloisne l’obferveroient point , & on avo.t tout lieu de
Sent dans h Nouvelle France, & ils ne tardèrent pas beau-
"ai »• «' ™ ™ f rït£
que nous nous en e* • Jes repouffa avec perte' , leur
fecours , endevenoient de jour en jour p us bénon-
vr^u i S,p.„b« de
‘“cIgSu™ reçu dès 1». Mt h. fe-
' cours qu’il avoit demandés en France , puifqu ayant écrit a
M de’Semnelay le fixiéme de Juin de cette meme annee ,
au’il ne pouvon tirer de la Colonie pour cette guerre que
Sauvages domiciliés ; mais la déclaration de guerre fut pre-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 509
cédée d’une démarche , qu’il n’eft pas fur prenant que le Roy
eût ordonnée , comme nous avons vû que ce Prince avoit
fait dès le tems même de M. de la Barre ; mais qu’on ne fçau-
roit pardonner à M. de Dénonville d’avoir entreprife , fans en
avoir prévû & reprefenté les fuites fâcheufes : encore moins
de l’avoir exécutée d’une maniéré , qui ne pouvoit pas lui avoir
été prefcrite.
Le projet du Roy de fortifier les Chiourmes de fes Gale-
res de tout ce qu’on pouvoit faire de Prifonniers fur les Iro-
quois , n’avoit rien que de légitimé , après les trahifons réi¬
térées de ce Peuple féroce , lequel avoit prefque toujours re¬
tenu les François , qui avoient eu le malheur de tomber entre
leurs mains , dans une captivité beaucoup plus dure que celle
de nos Galériens ; fans parler de ceux , qu’ils avoient fait ex--
pirer dans les plus affreux tourmens. A quoi on peut ajoûter
le droit de conquête dans le Canton d’Agnier fous M. de Tra-
cy , & les prifes de poffeffion faites à la vue des Iroquois mê--
mes , & en quelque façon de leur aveu ; mais on connoiÎToit
peu les Sauvages , fi on s’imaginoit qu’ils prétendiffent en¬
gager leur liberté par ce cérémonial , & quand bien même
tout cela auroit donné droit de les regarder comme Sujets de
la Couronne , ce que je n’ai garde de contefier , il me paroît
Sue rien ne peut juffifier la perfidie , dont on ufa à leur égard.
eft certain du moins que le Roy , dans l’ordre , qu’il donna
à M. de la Barre de les envoyer aux Galeres , ne parla que
de ceux , qu’on feroit Prifonniers de guerre , & fuppofant
toujours qu’ils étoient des Sujets révoltés.
Quoiqu’il en foit , M. de Dénonville crut qu’il lui étoit
permis cl’ufer de toutes les voyes poffibles pour affoiblir &
pour intimider des Barbares , que leurs perfidies , leurs
cruautés inouies , & toute la fuite de leur procédé rendoient
indignes qu’on obfervât à leur égard les régies ordinai¬
res. Sur ce principe , & ne faifant pas affez réfléxion qu’il
fe devoit à lui- même ce qu’il jugeoit ne devoir pas aux Iro¬
quois j avant que de leur déclarer la guerre , il attira fous
différens prétextes plufieurs de leurs principaux Chefs à Ca-
tarocouy , & quand ils y furent arrivés , il les fit enchaîner
il les envoya enfuite fous bonne garde à Quebec , avec or¬
dre au Commandant de les embarquer fur les Navires de Fran¬
ce , pour être conduits aux Galeres : en quoi on ne peut dif-
convenir qu’il fit encore plufieurs fautes , qu’on ne peut exçu-
1 6 8 7*
On fe fai fît
par furprife
des principauï'
Chefs Iro¬
quois , & on
les envoie aus-
Galeres.
i .6 8-7*
Mauvais effet
de cette dé¬
marche.
Captivité du
P. Milet.
.,0 histoire generale
fer qu’en difant qu’il ne connoiffoit pas affez les Sauvages ,
& oifilfe livra trop à de mauvais confeils.
La première eft , que pour faire donner dans le piege les
Chefs lroquois , il fe fervit dé deux Millionnaires qui furent
les PP. de Lamberville & Milet , a qui il avoir fait myftere
de fon deffein , & il ne fit pas attention que par - la il s expo-
foit à décréditer pour toujours le Min.ftere des Ouvriers
Evangéliques dans l’efpnt, non-feulement de cette Nation ,
mais encore de toutes les autres de ce Continent. Lafeconue,.
qu’il ne pouvoir éviter de punir des Innocens avec les Cou¬
pables ; car il pouvoitbien juger que ceux , qui fur fa ^parole
fe rendraient à Catarocouy, ne feraient pas les feuls Auteurs,
du mal , comme il arriva en effet. En troifieme lieu , il ne pou¬
voir pas s’affûter de.fubjuguer entièrement une Nation , qu un
coupF d’un fi grand éclat devoir naturellement nous rendre
irréconciliable , & porter aux plus grands excès de fureur
contre nous. Enfin les circonftances de cet enlevement eurent
quelque chofe de fort odieux , & par malheur i nen relia
que cela. M. de Dénonville s’étoit promis d humilier ces Sau¬
vages , & l’obligation , où l’on fe trouva de le defavouer ,
les rendit plus infolens , il les aigrit beaucoup plus , quil ne
les affoiblit , & en les mettant dans la neceffite d avoir re¬
cours aux Anglois pour fe venger de nous , il donna a ceux-
ci un grand avantage pour fe les attacher.^ ,
Def deux Miffionnaires , dont le General avoir employé
lentremife pour faire donner les lroquois dans le piege, i un,
oui fut le P. Milet , tomba peu deterns apres entre les mains
Ües Onneyouths , qui le deftinerent d’abord au feu
firent fouffrir tous les maux , qui ont accoutume de fervir de
_ 1 1 . , j ~ a fnnnlîre. Il en fut neanmoins preferve,pref
Conduite gé-
néreufe Sc no¬
ble des On-
nontagués par
raport au P. de
lamberville.
ta , le retira dans la Cabanne , oc ie iraiid mcn.
fion d’en parler dans la fuite , & de dire de quelle maniéré le
Ciel récompenfa une fi belle aRion.
Pour ce qui eft du P. de Lamberville , fur le fort duquel
M. de Dénonville avoit eu avec raifon tant d inquielide . par¬
ce qu’il étoit demeuré entre les mains des Onnontagues , il dut
fon Valut & fa liberté à la grande eft.me , j& au fincere atta,
chement , que l’on avoit pour lui dans ce Canton. A ^pre¬
mière nouvelle , qu’on y reçut de ce qui venoit de fe paffer a
Catarocouy , les Anciens le firent appeller , & apres lui avons
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 511
èxpofé le fait avec toute l’énergie , dont on eft capable dans le
premier mouvement dune indignation , qu’on croit jufte , lorf- '
qu’il s’atten doit à éprouver les plus funeftes effets de la fureur ,
qu’il voyoit peinte fur tous les vifages , un des Anciens lui
parla en ces termes , que nous avons appris de lui- même.
» On ne fçauroit difconvenir que toutes fortes de raifons h
ne nous autonfent a te traiter en Ennemi j mais nous ne pou- M
vous nous y refoudre. Nous te connoiffons trop , pour n’être ^
pas perfuadés que ton cœur n’a point eu de part à la trahi- «
fon , que tu nous as faite ; & nous ne fommes pas affez in- «
juftes pour te punir d’un crime , dont nous te croyons in- «
nocent , que tu dételles fans doute autant que nous , & dont «
nous fommes convaincus que tu es au défefpoir d’avoir été «
linftrument. Il n eff pourtant pas a propos que tu relies ici, «
tout le monde ne t’y rendroit peut-être pas la jullice , que «
nous te rendons , & quand une fois notre Jeuneffe aura chan- «
té la guerre , elle ne verra plus en toi qu’un Perfide , qui a «
livré nos Chefs à un rude & indigne efclavage , & elle ne- «
coûtera plus que fa fureur , a laquelle nous ne ferions plus les «
Maîtres de te fouflraire. Iis firent plus , ils l’obhgerent à partir «
fur le champ , & lui donnèrent des Guides , qui le conduilî-
rent par des routes détournées & ne le quittèrent point , que
quand il fut hors de tout danger. On n’a point douté
que Garakonthié n’ait été le principal Auteur d’un procédé fi
noble ; ce Sauvage étoit attaché de cœur au P. de Lamber-
ville , & la tendreffe , que ce Millionnaire conferva toujours
pour lui, a donne tout lieu de croire qu’il le regardoit comme
fon Libérateur.
Tout étoit prêt pour commencer la guerre , lorfque M. de 1%,, * b
Denonville le deciara de la maniéré « que nous venons de CamPagne
voir. Ses mefures étoient affez bien prifes , & il faut conve- rconÙl
mr que , fi le fuccès de fon Expédition ne répondit pas tout- thouanT"
a-fait a fes efperances , il y eut plus de malheur , que de fa
faute. Rien n’étoit mieux imaginé que le plan de cette Cam¬
pagne. Le Chevalier de Tond, de retour d’un voyage -, qu’il
avoit fait a l embouchure du JVlicilîipi 3 pour y apprendre des
nouvelles de M. de la Sale , s étant trouve à Montreal au mois
de Juillet de l’année précédente , avoit eu ordre de repartir
fur le champ pour fe rendre chez les Illinois , d’y publier la
guerre , d’y affembler le plus qu’il feroit polfible de ces Sau¬
vages, de les conduire au mois de Juin de cette année dans
\
1687.
histoire generale
TÆ Ç “f “S t'Æ iS«. £5
contre les Iroquois, qui leur ^v01^[1 is D^énonville n’avoit
nombre «K <«]«&. r« , pou,
pas manque de piohter a pourtant pas a
les engager à groffir fon Armee. U ne ju^^p ^
propos de leur communiai Ç avoit chargé de fe
prier de fe joindre a M. du 1 Li 11 ’ 5.é duLae Huron ; Pofte
retrancher à la tete du e r „ fâtct£ des différens Partis ,
ïœrÜinS ks Quartiers du Canada au ren-
le Micfffipi , averUSnte tec rous les François . qui
au tems , qu on leur matq ^ voifinage , à la referve de
néceffaire de Mer » «MgJ
roit bien les en faire repentir. cofflmandoit toujours à
Enfin M. de la Durantay , H r vigilance, fia fer-
Michillimakinac , & qui par fa g ’ pa|eaion de tous
meté & fa douceur avoit gagne Ufti l“' ^e de raffembler
les Sauvages , établis dans ce Poite ,&em ^ ^ , Njaga_
tous ces divers Coips de P u arceier l’Ennemi , en
ra , d’y bien reconnoitre le ay 5 Y , js de diftin-
att’en/ant l’Armée , s’il arrivon avant el e ma
guer les Onnontagués , & de fe con item ter ^ au.
hiers , tant parce qu ils s eft01rf V^Sanees^vec les deux PP.
très Iroquois , que pour faire des echa ^ ■ n’euffent
* ^ »™»< 1. déclara,
valrcr de Tomi »Ç P“* P” *J oit c0Sptd ■ parce qu'ili au.
ffi- «»•»■ » S
DE LÀ NOUVELLE FRANCE. Liv. XI. 513
venir fondre fur leurs Villages. L’avis étoit vrai ; mais ce Parti
ayant ete informe par un Envoyé du Gouverneur de la Nou¬
velle York que les François étoient fur le point d’entrer en
armes dans leur Canton , fut contraint de retourner fur fes
pas. Cependant Tonti fe voyant trop peu accomi agné pour
executer tout ce que M. de Dénonville lui avoir pré cm n’eut
point d’autre paru à prendre , que d’aller joindre M. du Luth
a 1 entree du Detroit.
Ce n étoit pas non plus fans de grandes peines , qu’on avoit
pu reioudre la plupart des autres Sauvages à prendre les ar-
mes. pour cette Expédition. Les Hurons & les Outaouais
avaient même été fur le point de faire alliance avec les Iro-
cjuois , & quoique MM. de la Durantaye & du Luth , qui
e toi eut a la tete d un affez grand nombre de François les tinf-
ent en refpeêl , fi les Millionnaires n’eulfent trouvé le le-
cret de gagner les deux principaux Chefs de ces Nations •
011 ne douta point alors quelles ne fe fulfent jointes aux
llonnonthouans 3 ou quelles ne fulfent demeurées dans l’inac¬
tion ; le Gouverneur Général manda au Minière que ces
Peres avqient en cette occafion détourné le plus grand mal¬
heur , qui pût arriver à la Colonie. Il y contribua beaucoup
lui-meme ; car les deux Chefs , dont je viens de parler , étant
venus le trouver , a la perfuafion des Millionnaires , il fçut
par fes bonnes maniérés les engager dans fes intérêts. S
Tous ces arrangemens étoient pris, & en partie exécutés
avant la déclaration de la guerre , fans que les Iroquois fuf-
fent inftruits de ce qui le tramoit contre eux. Les premiers
avis , qu’ils en reçurent par le Colonel Dongan , ne produi¬
sent même d’autre effet , que de les rendre un peu plus at¬
tentifs à nos démarches ; encore fe tranquilliferent-ils bientôt.
Le départ du P. de Lamberville le jeune , qui avoit été colo¬
re d un prétexte plaufible , ne leur avoit point décillé les
yeux , & la prefence de laine, qui paroiffoit fort tranquille ,
& qui ne fe doutoit effeéiiv ement de rien , les raffûroit abfi>
luttent.
Le Gouverneur de la Nouvelle York ne celfoit cependant
de mettre tout en ufage pour les reveiller de cet afîoupiffe-
ment , & voyant qu’il n’en pouvoir venir à bout , il tourna
toutes fes vûës du côté de M. de Dénonville , qu’il fe data de
pouvoir amufer ; mais il n’y réuffit point. Enfin ayant fçu que
tous les François & les Sauvages étoient fur le point de fe
Tome /. J 1 1
1 <387.
Les Million¬
naires empê¬
chent les Hu¬
rons & les Ou¬
taouais de fe
joindre aux
Irocjuois.
Ceux - cl
s’endorment
fur nos prépa¬
ratifs.
Le Colonel
Dongan les re¬
veille de cet
alïbupiflç-
menc.
i 6 87»
L’Armée
Françoife fe
met en mar¬
che*
Lettre du Co¬
lonel Don-
çan à M. de
Dénon ville.
Réponfe du
Général.
<14 HISTOIRE generale
mettre en marche , il en fit avertir les Iroquois , qui com¬
mencèrent à entrer en défiance ; ce qui ne les empecha pour¬
tant point d’envoyer leurs Chefs à Catarocouy , ou ds fe flat-
toient d’intimider le Général , ou de 1 engager dans quelque
négociation , qui leur donnât le tems de le prévenir.
Mais l’Armée Françoife étoit déjà campee dans la peu e
Iûe de Sainte Helene , qui eft vis-à-vis de Montreal, & le
feptiéme de Juin , M. de Champigni Noroi qui 1 annee pre¬
cedente avoit fuccédéàM. de Meules dans 1 Intendance de la
Nouvelle France , s’y rendit avec le Chevalier de Vau-
dreuil, lequel étoit arrivé depuis peu dans la Colonie avec
la qualité de Commandant des Troupes. Tout etoit prêt , &
l’onzième , l’Armée fe mit en marche fur deux-cent Bateaux ,
& autant de Canots Sauvages. Elle étoit compofee de hu.t-
cent trente-deux Hommes des Troupes du Roy , duiviro
mille Canadiens & de trois-cent Sauvages.
La parfaite intelligence , qui regnoit entre le Gouverneur
Général & le nouvel Intendant , & qui etoit fondée fur la
vertu la plus vraye , & un zélé égal dans tous les deux pour
le fervice du Roy , avoit répandu ce meme concert dans tou:
les Corps , dont cette petite Armee etoit formée , & y t -
l'oit regner l’abondance. M. de Champigny 1 accompagna pen¬
dant trois jours, au bout defquels il prit le devant avec un
Détachement de trente Hommes , dans le deflein de preve
ti bien tout ce qui pouvoit arrêter les Troupes a Cataiocouy ,
quelles ne fuffent pas obligées d’y féjourner lontems ; mais la
vigilance & l’aftivité de M. d’Orvilliers y avoient pourvu,
l’Intendant ne trouva prefque rien à faire. ,
M. de Dénonville le iuivit de près, &ceGeneiaI, e.i ar¬
rivant à Catarocouy , reçut une Lettre du Colonel Dongai ,
écrite à peu près fur le même ton, que ce Gouvei nevir ayoi
accoutumé de prendre , lorfqu’il s’agiffoit des Iroquois ; c eft-
à-dire , qu’il faifoit de grandes plaintes de ce que les François
faifoient la guerre aux Sujets du Roy d Angleterre; il ajoutoi
que M. de la Barre n’avoit pas cru devoir s engager dans
une pareille Expédition , fans lui en avoir auparavant donne
^M. de Dénonville lui fit réponfe qu’ils étoient bien loin de
compte, s’il regardoit les Iroquois comme des Sujets de Sa
Majefté Britannique. ; & quant a la démarché de M. de la
Barre , dont il prétendoit s’apuyer , il lui déclara que ce ne
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL
feroit pas pour lui un exemple à fuivre. 11 parloit avec d’au-
tant plus de fermeté , qu’il venoit d’apprendre par le Sieur de
la h orêt une nouvelle , qui lui démafquoit parfaitement le
Gouverneur de la Nouvelle York. Voici dequoi il s aeiflbit.
M. de la Durantaye avoit rencontré fur le Lac Huronfoi-
xante Anglois , partagés en deux Troupes , efcortés par des
i lonnonthouans , conduits par un Déferteur François
& qui portoient des marchandées pour traiter à Michillima-
kmac; Cela étoit. formellement contre les conventions faites
entre les deux Couronnes ; & le Colonel Dongan ne l’igno-
roit pas. Auffi la Durantaye ne balança-fil point à attaquer
ce Convoi. Tous ceux , qui le conduifoient , furent pris,
oc leurs marchandiles difinbuees aux Sauvages. Il n’y a
POI!}£ de doute que , fi ces Traiteurs fuffent arrivés à Mi-
clullnnakmac , tandis que le Commandant étoit abfent ils
neunent de nouveau engagé les Sauvages à prendre les in¬
terets des iroquois , ou du moins à demeurer neutres. On eut
meRîe deu de croire que c etoit là leur principal deffein.
M. de la Durantaye , après avoir fi heureufement rompu
leurs meiures , alla joindre MM. du Luth & de Tonti à l’en-
tree du Detroit, & fe rendit avec eux à Niagara. Ils y étoient
a peine arrives , que le Sieur de la Forêt leur apporta un or¬
dre du Gouverneur Général de fe trouver le dix à la Ri-
viere des Sables en-deçà de la Baye des Tfonnonthouans du
cote de Catarocouy. M. de Dénonviile s’y rendit lui -même
avec toute l’Armée , & par un hazard , dont les Sauvages ne
manquèrent point de tirer un heureux préfage , ils y entre¬
ront tous en même tems. On travailla auffitot à faire fur le
boid du Lac un peu au-defius de. la Riviere , un Retran¬
chement de Paliüades , pour y mettre les Magafins ; il fut
achevé en deux jours , & M. d’Orvilliers y rot laide avec
quatre-cent Hommes pour le garder , & pour affûrer les der-
neres de LArmee.
Le Général , avant que de partir de là , y fit paflèr par les
armes le François , qui avoit fervi de Guide aux Anglois
pour aller à Michilhmakinac , & qui avoit été pris en com¬
battant contre le fervice de fon Prince. Sur quoi le Baron de
la Hontan s ecrie a 1 injuftice , parce que , dit-il , nous avions
alors la paix avec l’Angleterre , & que les Anglois fe pré-
tendoient les Maîtres des Lacs. Comme fi cette prétention
chimérique , & dont je ne fçache Perfonne , qui ait jamais
T 1 1 ij
1687.
Des Anglois
font défaits
dans le Lac
Huron.
Fort des Sa¬
bles.
,l6 histoire generale
_ _ 5 , , „11P ret Auteur , rendoit innocent un Transfuge , qui
1 6 8 7- Fe^voit Iles Etrangers au préjudice de fon Souverain.
Combat con- Du Fort des Sables l'Armée prit fon chemm P« ^ T-
trclcsTfon- res , & le treize, après avoir pafie deux aemes trc &
#onthouans. eiie arr;va à un troifiéme , ou elle fut vigoureu
tî deliouvelles Troupes ; & cette crainte V° f * !
dans un lieu défavantageux , caufa d abord
tordre. Pluft.ur. S«™» , plu. à
îsæs 1 ioSrx t*-- «. -
™K de toute. para, & voyant h pante top «.égalé ■ te
"S.C' d^t,S-ény^o=^
d^feLeîreî àPMmderSeCignela; , dit que la Nouvelle France
avoit de grandes obligations a ce Millionnaire , qu
ir!“r fa WffîsÊ*
commis’ premiers furent d'abord mt. en pieees , & manges
par les Outaouais , qui firent beaucoup mieux ]y[ Seigne-
Morts , dit M. de Dénonville dans fa Lettre a M. de oe g
lav ou’ils ne Favoient faite aux Vivans. #
Vn^n fut Pas de même des Hurons , qui étoient venus avec
eux ils firem très-bien leur devoir , & ceux de Lorette , les
Iroqùois du SaultS.Louis & de la Montagne £*£?££
Lefeul Homme de marque , qu on perd dans ce te o «
fion, fut un Capitaine Agmer (a) ^ Sault S^Lou
m b la Cendre chaude : il avoit ete un des Bourreaux du Jer
j„ Rrebeuf & il attribuoit fa converfion aux lucres du
Saim Zf II avoit fi bien réparé fon crime , que peu
ta, ) M. de la Potherie dit qu'il étoie Oimeyouth ; mais il s’eü trompe.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XI. 517
de Millionnaires ont gagné à Dieu autant d’infidèles , que lui. 1687.
Les Canadiens fe battirent avec leur bravoure ordinaire ; mais
les Soldats fe firent peu d’honneur dans toute cette campa¬
gne. On s’y étoit affez attendu: Que peut-on faire avec de tels
Gens / difoit M. de Dénon ville , dans une autre Lettre au
Miniftre.
Le quatorzième , l’Armée alla camper dans un des quatre Suites de ce
grands Villages , qui compofoient le Canton des Tfonnon- combatv
thouans , & qui étoit éloigné de fept ou huit lieues du Fort
des Sables. Elle n’y trouva Personne 5 & il fut brûlé ; elle pé*
nétra enfuite plus avant dans le Pays , & pendant dix jours ,
quelle mit à le parcourir , elle ne rencontra pas une ame. Le
plus grand nombre s’étoit réfugié chez les Goyogouins , &
l’on a fçu depuis que pîufieurs avoient paffé dans la Nou¬
velle York-; que le Colonel Dongan avoit fourni des muni¬
tions de guerre à ceux , qui avoient attaqué les François , 8c
que le Roy d’Angleterre ayant envoyé à Manhatte un Inten-
dant pour y faire exécuter le Traité de Neutralité 5 le Gou¬
verneur l’avoit fait rembarquer fur le champ , & renvoyé en
Europe.
Pour revenir à notre Armée , les dix jours , quelle refia
dans le Pays Ennemi , furent employés à le ravager , & fur-
tout à brûler quatre-cent mille minots de bled. On y tua aufil
un nombre prodigieux de Cochons , qui cauferent bien de ma¬
ladies ; ce qui joint à la fatigue de deux jours de marche dans des
chemins affreux fdc à la crainte , où étoit le Général , de fe
voir abandonné des Sauvages , qui l’en menaçoient fans ceffe ,
l’obligea de borner là fes Exploits. Ainfi , après avoir de nou¬
veau pris poffeffion du Pays , qu’il venoit de conquérir , il fe
raprocha de la Riviere de Niagara.
^ Il eft certain que M. de Dénonville fit tout ce qui étoit pof-
fible dans les circonftances , où il fe trouvoit , pour mettre
une bonne fois toute la Nation hors d’état de remuer jamais y
qu’il ne s’épargna en rien , qu’il fatigua comme le fimple Sol¬
dat , & qu’il fit paroître beaucoup cf intrépidité dans l’a&ion ,
dont je viens de parler : que les T fonnonthouans furent véri¬
tablement humiliés , & tous les Iroquois détrompés de l’opi¬
nion , où ils étoient , qu’avec la prote&ion des Anglois ils
n’avoient rien à craindre des armes Françoifes ; qu’ils com¬
prirent que , fi les coups , qu’on leur avoit portés , ne les ab¬
outirent pas entièrement , & leur firent même affez peu de
i 687*
Tort bâti à
Niagara , Sc
peu de tems
après aban¬
donné.
Nouvelles in¬
trigues du Co¬
lonel Don-
gan.
5i8 histoire generale
mal ils en étoient redevables à des accidens , quon na-
voit pas dû prévoir, & qu’ils ne dévoient pas s’expofer lé¬
gèrement aux mêmes rifques, qu’ils venoient de courir ; mais
après tout la Colonie n’en a retiré aucune utilité.
Le Gouverneur Général avoit toujours extrêmement à cœur
de conffruire un Fort à Niagara , & l’occafion d’exécuter ce
deffein étoit trop belle , pour la manquer. Le Fort fut bâti ,
& le Chevalier de Troye y fut laiffé avec cent Hommes pour
le garder. Nos Alliés en témoignèrent beaucoup de joye , oc
la fuite fera voir que l’on n’auroit dû rien négliger pour con-
ferver ce Polie , malgré les difficultés , qui s’y rencontrèrent ;
mais la maladie s’étant mife bientôt après dans la Garniion ,
qui y périt toute entière , on attribua ce malheur a 1 air du
Pais. Il y a cependant bien de l’apparence qu’il fut uniquement
caufé par les vivres , qui étoient gâtés ; quoiqu’il en loit , cette
importante Place fut peu de tems après abandonnée 5c ruinee ,
au grand regret de M. de Dénonvilie (a).
Un Iroquois
du Saule S.
Louis travail¬
le utilement
pour la Reli¬
gion & pour la
Colonie.
Cependant le Gouverneur de la Nouvelle York fuivoit
toujours fon plan , qui confiftoit à tâcher de nous débaucher
nos Alliés , de s’attirer tout le commerce du Canada , 5c de
nous rendre les Iroquois irréconciliables. Il fit déclarer aux
Cantons qu’il ne vouloit plus qu’ils allaient à Catarocouy ,
ni qu’ils euffent d’autres Millionnaires , que de fon choix : il
les engagea même à renvoyer aux Hurons & aux Outaouais
de Miçhillimakinaç tous les Prifonniers , qu’ils avoient faits
fur eux : il fit dire de nouveau aux Iroquois lu Saint 5. Louis
& de la Montagne , que s’ils vouloient le rapprocher de ui ,
il leur donneroit des Jefuites Anglois pour Millionnaires , 5c
un T errein beaucoup plus avantageux, que celui, qu 1 s oc
cupoient. Enfin il manda au Marquis de Dénonvilie que , s il
continuoit à molefier les Iroquois , il ne pourroit le diipenler
de les fecourir à force ouverte.
Le Général fe moçqua de fes Menaces , & ne voyant plus
aucune apparence de réduire les Iroquois par la force des
armes , il mit toute fon application à les divifer. il navoit
encore pu pénétrer en quelle difpofition etoit le Canton d Ag-
nier : un des Chefs du Sault S. Louis , qui étoit de ce Can¬
ton , & qu’on appelloit dans la Colonie ïe Grand Agmer ,
s’offrit d’y aller lui fixiéme , & promit d’en raporter des nou-
(æ) On y a depuis quelques années I tans s’y (ont établis , & petfonne ne s y
confirme un nouveau Tort ? plufîeurs Habi- l plaint de 1 intempene e air.
N
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XI. o9
velles certaines. Son offre fut acceptée, & comme il traver- -
loit le Lac Champlain , il rencontra un Parti de foixante 1 6 8 7-
Agniers , que le Colonel Dongan avoit envoyé pour faire
des Plafonniers. Il les aborda fans crainte , leur déclara qu’O-
nonthio ne vouloit point leur faire la guerre , & leur parla
avec tant de force , qu’il leur perfuada de s’en retourner chez
eux. Il leur prêcha même -Jésus-Christ d’une maniéré, oui
les toucha beaucoup , & il en amena quatre au Sault Saint
Louis.
Il envoya enfuite fon Neveu avec un autre Sauvage aux
Cantons dOnneyouth & d’Onnontagué pour leur donner les
memes affurances , qu’il venoit de donner à fes Compatrio¬
tes ; & le grand crédit , que fon mérite & fa vertu lui avoient
acquis , loutenu des bons fervices de Garakonthié , qui arrê-
toit toutes les réfolutions violentes dans fon Canton , furent
pour quelque tems une puiffante digue , que tous les’ efforts
du Couverneur de la Nouvelle York ne purent forcer : à
quoi fervit auffi beaucoup la crainte d’un traitement pareil à
celui , que le Canton de Tfonnonthouan venoit d’éprouver,
^affaires étoient toujours fur le même pied dans la Baye Bc'ie a*-
d Hudfon ; mais il s’y était paffé l’automne précédente une dedêux F«n-
attion trop linguliere , pour ne pas trouver place dans cette lois ^
Hiïiouy: jelai tiree d’une Lettre du Marquis de Dénonvil- foT
leUqUImeu ^ reÇU.k nouvelle àfon retour de Niagara.
j*/ i CrV1 e? qiïl commandoit ^ujours dans les f orts du
tond de la Baye, ayant eu avis qu’un Navire d’Angleterre
étoit dans les glaces près de Charlejlon petit Fort bâti de¬
puis peu par les Anglois à fix lieues de Sainte Anne , envoya
quatre Hommes pour le reconnoître. Un des quatre tomba
malade lur la route , & fut contraint de retourner fur fes pas •
les trois autres ne furent pas apparemment alfez fur leurs gar-
des ; ris Ce laifferent furprendre par l’Equipage du Navire.
Lorfqu ds s y attendoient le moins , oh fit fur eux une déchar¬
ge de f ufils , qui ne blefla pourtant Perfonne : ils voulurent
fuir, on les ; pourfuivit ; un d’eux fe fauva : les deux autres
furent pris & lies ; on les embarqua fur le Navire , & on les
enferma dans le fond de calle.
Le_tems propre à la navigation étant venu , & le Patron
du Navire s’étant noyé en courant fur des glaces , dont une *
ie calU fous fes pieds ; l’Equipage , qui étoit réduit à fix Hom¬
mes , fe trouva trop foible pour manœuvrer , délia un de fes
!
il
ï 68 7'
«lo HISTOIRE generale
Prisonniers , & choifit celui- des deux, qui leur parut moins
réfolu ; mais il fe trompa. Un jour que quatre Anglois etoient
nrrimés fur les vergues à quelque manœuvre , le r , ançois ne
vovant auprès de lui que deux Matelots , prit une hache,
fam qu’ds ‘In aperçurent , & leur caffa la tête ; .1 courut
luffitôt délier fon Camarade & tous deux s étant armes de
toutes pièces , obligèrent les Angiois a / A’n * .& ils
fermèrent. Ils prirent enfuite la route de Sainte Anne , ,«
n’avoient pas encore fait beaucoup de chemin , loriqu ils ren
contrèrent^ M. d’Iberville , lequel ayant aPPr^ leuï
tion venoit pour les reprendre , ou les venger. Le ba
ment qu’ils conduifoient , étoit giffe* richement charge , &
bien pourvû de marcbnndifes , qui vinrent fort a propos
pour ravitailler le Fort de Sainte Anne , & pour remplir fes
'agaiins.
K
wrete ifS falloir bien qu’on eût d’auffi bonnes nouvelles . k
Angiois fur mander en Cour de l’Acadie & des environs. On continuoit
‘'Acadiç' à laiffer ces Provinces Méridionales du Canac a ^ al*
fecours, & les Angiois manquo.ent tarement es occaùons
S c,PV.S. te 1. Régiment de Ç.rign» , =
s’v loper après l’avoir un peu repare ; mais- quelque tems
2rèsgîe Gouverneur Génlral de la Nouvelle Angleterre
l’envoya fommer d’en fortir , prétendant que tout le Pays )
qu’à l’Ifle de Sainte Croix , étoit de fon Gouvernement,
XSi m“ Dén°3e”po«r fe pl.indrjd.
<^^isÿtr^sssex
gences dans le Pays. Au refte l’abandon , ou on laiffoit ces
lelles Provinces , etoit d’autant plus furprenant , que les an¬
nées précédentes la Courfembloit avoir fort a cœur d enti
tons les avantages , quelles pouvoient procurer a la fcraqce.
Avis de M. de j » j jit qUe M? de Meules en avoitfait la vifite fur la finde ÏW*
Meules fur ce , ^ x r rptniir àOuebec il avoit mande au Mmiftrp
~ gv srsK w * «**
pour çe Pays. ^ v * ' Americjue ,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 521
Amérique , étoit celui de l’Acadie. Il écrivit en même tems
au Roy que la Nouvelle France ne pouvoit fe foûtenir par
fes feules forces en l’état , où elle étoit , & que le commerce
des Pelleteries ne fuffifoit pas pour la faire fubfifter : que c’é-
toit bien dommage , les Colons y étant propres à tout : qu’à
la vérité , fi nous avions toutes les Pelleteries du Canada , ce
feroit un objet confidérable ; mais qu’il n’y falloit pas compter,
tant qu’il y auroit des Iroquois dans le Pays , & des An-
glois dans leur voifinage.
Qu’il n’en étoit pas de même de l’Acadie , que rien n’em-
pêchoit qu’on n’y établît des Pêches ; mais que pour le pou¬
voir faire avec fureté , il étoit néceffaire de peupler & de
fortifier le Port Royal , 8c de bâtir un bon Fort à Penta-
goët , pour fervir de barrière à l’Acadie contre les Anglois :
que , fi avec cela on pouvoit faire quelque dépenfe au Port
de la Héve , dans l’Ifle de Cap Breton , dans l’Ille Percée , 8c
fortifier Plaifance en Terre-Neuve , où le Sieur Parât qui
y commandoit , étoit trop foible pour fe défendre , s’il étoit
attaqué , la France feroit feule Maîtrefle de la Morue ; mais
qu’il étoit à propos que Sa Majefié fît toutes les avances , 8c
ne mît pas ütôt la Pêche en parti : qu’en lailfant faire quel¬
que profit à ceux , qui Fentreprendroient , elle feroit bientôt
dédommagée de fes frais. Il ajoûtoit qu’ayant fait le dé¬
nombrement de tout ce qui dépendoit du Gouvernement.de
l’Acadie , il n’y avoit pas trouvé neuf-cent Perfonnes.
Sur la fin de l’Eté il y eut ui>e grande mortalité en Cana¬
da, & ce fut principalement ce qui empêcha M. de Dénon-
ville d’exécuter le projet , qu’il avoit formé, d’une fécondé
Expédition contre les Tfonnonthouans ; outre qu’il pouvoit
moins que jamais compter fur les Sauvages des Quartiers
Occidentaux , particulièrement fur les Hurons de Michillima-
kinac ; car il avoit découvert que ces derniers entretenoient
de fecretes correfpondances avec les Iroquois , avant même
la campagne précédente , quoiqu’ils y euffent fort bien fait
leur devoir. D’ailleurs les Anglois nous faifoient une guerre
ouverte du côté de l’Acadie , & 011 ne pouvoit douter qu’ils
ne fuffent toujours difpofés à fecourir nos Ennemis , quand
nous voudrions les attaquer.
Le plus grand embarras du Général venoit des ordres ,
qu’il recevoir de la Cour , de ne leur donner aucun fujet de
plainte ; mais ces ordres fuppofoient fans doute que les An-
Tome 1 . V v v
1687.
Ce qui empê
chc M. de Dé
nonville de
marcher une
fécondé fois
contre les
Tfonnon¬
thouans.
Réflexions
fur la condui
te de ce Géné
ral.
5i2 HISTOIRE GENERALE
alois de leur côté en uferoient de même à notre égard * ce qui
n’étoit pas. 11 eft certain qu’une conduite plus ferme & plus^
haute avec des Voifins de ce cara&ére , & qui ne gardoient
aucun des articles du Traité de Neutralité, n’auroit point ete
défaprouvée. Ce n’eft point défobéir au Souverain , que d in¬
terpréter fes volontés , & de faire ce qu’il feroit lui-même ,
s’il étoit inflruit de l’état préfent des chofes. Cela eft furtout
vrai dans une Colonie éloignée , où un Gouverneur Général
peut fuppofer que fon Maître n’exige pas ^ de lui une defe-
rence aveugle , & où il doit fçavoir que c eft a lui a conci¬
lier l’intérêt de l’Etat , & la gloire du Prince avec les inftru-
êfions , qu’il reçoit. Louis XIV . s’en eft explique plus d une
fois , même par raport aux Commandans des Poftes^ éloi¬
gnés ; & c’eft à quoi M. de Dénonville ne fit pas allez de
réflexion •
D’ailleurs il ne s’étoit pas allez mis par lui-même au fait
des affaires du Pays , ou plûtôt parmi ceux , qu’il confultoit
pour s’en inftruire ; tous ne méritoient pas la confiance , qu il
avoit en eux. Plusieurs mêmes en abuferent , pour lui faire
fuivre leurs idées particulières , ou pour aller a leurs fins.
Sous un Chef déclaré pour la vertu ,* & qui ne fe defie^ pas
affez de ceux , qui l’environnent , il n’en coûte a 1 intérêt , a
l’ambition , & aux autres pallions, que de prendre un mal-
que ; la chofe du monde la plus facile à quiconque ne fuit pas
pour guides la confidence & l’honneur.
» Jamais ceci ne fut plus fenfible , que fous le Gouvernement
du Marquis de Dénonville. Ce Général avoit au fouverain
dégré tout ce qui peut faire le parfait honnête Homme aux
yeux de Dieu , & aux yeux des Hommes: il ne lui manquent
rien de ce qui eft néceffaire pour former 1 efprit & le cœur d un
jeune Prince , deftiné à gouverner un grand Royaume ; &
l’on fçait combien fes exemples ont fait refpeéfer la vertu oc
la Religion à la Cour. Il avoit d’ailleurs une bravoure éprou¬
vée : il entendoit fort bien la guerre : il n avoit en vûë que
l’utilité de la Colonie & l’avancement de la Religion , & il
embraffoit avec zélé tout ce qu’on lui propofoit pour îen-
dre l’une & l’autre fîoriffante. Perfonne na donne a la Cour
des avis plus juftes & plus fenfés fur ce quil y avoit a faire
en Canada, & l’on n’a guère vû , que de fon tems , les trois
Têtes , qui y partageoient l’autorité ,fe gouverner avec cette
bonne intelligence , fi néceffaire pour le bonheur des Peuples ,
& pour le bien du fervice.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 523
Mais il manqua quelquefois d’a£f ivitë & de vigueur ; il ne i6Sy,
s’appliqua point à bien connoître ceux, qui l’approchoient , Fautes , qu’il
& ne foûtint pas toujours ce qu’il avoit commencé. Témoin fit/ ’ 15
îe Fort de Niagara. , Il falloit , avant que de faire cet Etablif-
fement être bien réfolu à le maintenir , fans fe rebuter des
difficultés , & ne pas s’expofer au mépris de toutes les Na¬
tions, en l’abandonnant. Déplus la mortalité , quiyfurvint ,
qui fit perdre à la Colonie un Officier d’un grand mérite ( a ) ’
& toute une Garnifon de cent Hommes , & qui ne fit gué-
res moins de ravages à Catarocouy , ne vint pas feulement ,
comme le crut M. de Dénonville , de ce qu’on y fut tou¬
jours harcélé , & en quelque forte bloqué par les Ennemis ;
de maniéré , qu’on n’avoit pas même la liberté de fe procu¬
rer le moindre rafraîchiffement par le moyen de la chaffe &
de la pêche ; mais de ce que la plûpart des vivres , qu’on y
laifïa , fe trouvèrent gâtés , & cauferent le fcorbut ; & de ce
qu’on n’avoit pas eu l’attention d’y envoyer des remèdes :
fautes , qui n auroient pas été faites , ou qui ne feroient pas
demeurées impunies fous un Gouvernement plus ferme.
On a publie que M. de Dénonville avoit une fi grande
horreur des Sauvages , qu’il ne pouvoit prefque en foûtenir
la vûë , fans être en quelque façon hors de lui-même ; mais
rien n’eft plus injufle que le reproche, qu’on lui a fait à ce -
fujet ; car fi la chofe étoit vraye , ce défaut purement natu¬
rel ne pourroit tourner qu’à fa gloire , puifqu’ilne l’empêcha
jamais de traiter avec ces Barbares , foit en public , foit en
particulier , quand il en fut befoin ; ce qu’il n’auroit pu fai¬
re fans prendre infiniment fur lui , en quoi confifte le vé¬
ritable courage.
Pour revenir aux ïroquois, tandis qu’on fe repofoit un peu Dîverfeshof-
trop fur la crainte , ou ils avoient paru être d’une nouvelle ^es *ro~
irruption dans leur Pays , & peut-être auffi fur de nouveaux qums‘
ordres , qui etoient venus au Colonel Dongan , de travail¬
ler a la fjaix entre les Cantons & nous , avec de très - ex-
preffes défenfes de leur fournir des armes , ni aucune forte
de munitions ; le troifiéme de Novembre le Fort de Cham-
bly fut tout -à- coup affiegé par un gros Parti d’Agniers &
de Mahingans ; & l’on apprit depuis que cette entreprife étoit
1 ouvrage du Gouverneur de la Nouvelle York.
Il eft vrai que la’réfiftance , qu’ils y trouvèrent , les obligea
( * ) Le Chevalier de Troye.
V V V ij
' histoire generale
- de décamper dès le lendemain ; mais ce ne fut qu’après avoir
i687 • brûlé quelques Habitations écartées , & fait pluheurs Pri-
fonniers. le mauvais fuccès de cette Expédition , & 1 avis s
que reçut le Colonel Dongan quon etoit^ informe de la part,
qu’il y avoit eue, lui fit craindre une reprefaille . lallarme
L même fi grande à Orange , que les Habitans de la Cam¬
pagne y envoyèrent tout ce qu’ils avoient de plus précieux ,
&8qu’mi Corps de douze-cent Sauvages paffa tout lHyvet
aux environs de cette Ville pour la couvrir.
A peu près dans le meme tems que Chambly fut afheg ,
quarante Onnontagués s’aprocherent de Catar°f ^ ^ He
levèrent auprès de ce Fort trois Soldats , & la Demoileüe
d’AlonnePM. d’Orvilliers , à qui cette Demoifelle trouva
moyen de faire fçavoir le malheur , qui lui etoit arrive , en¬
voya propofer aux Ennemis une conférence dans le heu me¬
me , où ils s’étoient arrêtés; elle fut acceptée, & le P de
Lamberville , qui par bonheur Je trouvo.t alors a Cataro-
couy , voulut bien fe charger daller negociei avec eux..
Millionnaire commença par leur demander pourquoi ik
avoient fait cette hoftilite , tandis que nous n étions 8“®
qu’avec les Tfoniionthouans ? Ils repondirent qu Ononthio
ayant arreté leurs Chefs , avoit rompu la paix.
(a) Vos Chefs, répliqua le Pere , font a Quebec , 01
l les a arrêtés , que parce que vous nous avez donne heu de nous
„ défier de vous. Et comment , reprirent les Iroquo s fmu-ds
„ traités à Quebec ? A cela près, repondit-il , qu on leur a mis e
fers aux pieds, de peur qu’ils ne s evadaffent ils no . ^
fujet de fe plaindre du traitement, quon leur fait. En ac
vaut ces mots, il leur préfenta deux Colliers; lun, pour les
engager à ne faire aucun mal à leurs Plafonniers , & autre ,
pour les exhorter à ne point entrer dans la quereUe des l foir-
nonthouans , qui s’étoient attire mal-a-propos l indigna
de leur Pere. Ils reçurent les Colliers , & on fe lepara . les
Prifonniers furent conduits à Onnontague , ou on les trai¬
ta allez doucement ; mais les Colliers furent envoyés
Gouverneur de la Nouvelle York. , „
Si les Iroquois faifis à Catarocouy etoient encore a Que-
, 1 TTl -1 . T -, .v. la rs t-i r i ! 1 ra
»
»
Proportions
du Colonel
Dongan à M..
de Déaonvil-
le.
Si les Iroquois faifis à Catarocouy étoient .encore a Que¬
bec , lorfque le P. de Lamberville l’affûroit fi pofitivement ,
« f /
( a ) Il y a bien de l’apparence que les Iro¬
quois étoient déjà embarqués , & partis pour
JFrance j mais que l’on continuoit à diflimu-
ler avec le P. de Lamberville. Quelques Mé¬
moires difent que les Y aideaux etoient ei&*
coie en r ads-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XI. 525
il eft certain qu’ils n’y étoient plus , lorfque le Gouverneur
Général apprit ce qui venoit de fe palier. Environ un mois
après un Envoyé du Colonel Dongan arriva à la Capitale
avec une Lettre de ce Gouverneur , qui demandoit l’explica¬
tion des deux Colliers préfentés par le Millionnaire aux Onnon-
tagués ; & le Général , qui n’étoit pas encore informé du fait 9
répondit de bouche , qu’il enverroit fa réponfe , quand il fç au¬
rait de quoi il s’agilfoit.
Il lit en effet partir peu de tems après pour Manhatte le
P. Vaillant de Gueslis , auquel il recommanda de voir à
fon retour les Agniers , dont ce Millionnaire étoit fort aimé :
de ne faire aucune propolition au Colonel Dongan , & de
fçavoir feulement li ce Gouverneur en avoit quelqu’une à lui
faire. Le P * Vaillant fe mit en chemin le dernier jour de l’an¬
née 1687. & dans le premier entretien , qu’il eut avec le
Gouverneur Anglois , il n’en put rien tirer , linon qu’il 11’avoit
envoyé un Exprès au Marquis de Dénonville , que pour avoir
l’explication de deux Colliers , que le P. de Lamberville avoit
prélentés aux Onnontagués.
Peu à peu néanmoins le Millionnaire l’engagea à s’expli¬
quer davantage , & Dongan lui déclara enfin nettement que
les François ne dévoient point efperer de paix avec les Iro-
quois , qu’à ces quatre conditions. i°. Qu’on ferait revenir
de France les Sauvages , qu’on y avoit envoyés pour fervir
fur les Galeres. 20. Qu’on obligeroit les Iroquois Chrétiens
du Sault S. Louis & de la Montagne à retourner dans leurs
Cantons. 30. Qu’on raferoit les Forts de Niagara & de Ca-
tarocouy. 40. Qu’on rellitueroit aux Tfonnonthouans tout
ce qu’on avoit enlevé dans leurs Villages. Il congédia- enfuite
le Millionnaire , fans lui permettre de voir les Agniers.
Il manda aulîitôt à Orange les principaux Chefs des cinq
Cantons , aufquels il dit que le Gouverneur Général des
François l’avoit envoyé prier de ménager la paix entr’eux
& lui : qu’il n’avoit pas jugé à propos de refufer d’entrer en
négociation , & qu’il lui avoit propofé des conditions , dont
ils auraient tout lieu d’être contens. Il leur expliqua ces con¬
ditions , puis il ajoûta : » Je fouhaite que vous mettiez bas
la hache ; mais je ne veux point que vous l’enterriez : con¬
tentez-vous de la cacher fous l’herbe , afin que vous puilîiez
aifément la reprendre , quand il en fera befoin. Le Roy , mon
Maître , m’a défendu de vous fournir des armes & des muni-
1688.
Celui-ci îu%
envoyé le Pr
Vaillant,
Le Gouver¬
neur Anglois
s’explique
avec ce Pere.-
Avis, qu'ii
donne aux
Iroquois.
«
«
«
«
4*
1 68 8 .
5 2 <5
tions
HISTOIRE generale
au cas que vous continuiez de faire la guerre
aux
»
»
»
»
»
Ces Sauvages
recommen¬
cent leurs ho-
iliiités.
Négociations
r>
avec les On-
nontagués.
tions , au ws tjiic vuu, . n » . c.
François ; niais que cette defenie ne vous aiiarme point, oi
les François rejettent les conditions, que je leur ai propofées ,
^ vous ne manquerez de rien de ce qui fera neceffaire pour
„ vous faire juftice. Je vous le fournirai plûtot a nies dépens ,
qUe de vous abandonner dans une li jufte caufe. Ce que je
M vous confeille préfentement , eif de vous tenir fur vos gar¬
des , de peur de quelque nouvelle trahifon de la part de \os
Ennemis , & de faire fecretement vos préparatifs pour fon¬
dre fur eux pir le Lac Champlain, & par Catarocouy , quand
vous ferez obligé de recommencer la guerre.
Les Députés Iroquois comprirent tout ce que le Gouver¬
neur vouloir leur faire entendre , & demeurèrent affès tram
quilles pendant le refte de l’hyver. Dès que la navigation des
Rivières fut libre , M. de Dénonvill e envoya un grand Con-
voy à Catarocouy , avec ordre à celui , qui le comman-
doit de s’informer de l’Etat , où fe trouvoit la Garmfon de
Niagara , & d’y envoyer une Recrue , fuppofé qu’il en tut
befoin.Xe Convoi fit affez heureufement le voyage ; mais
comme ceux , qui l’avoient conduit , retournoient à Mont¬
real , vint-cinq, ou trente Iroquois furprirent un des Canots ,
fr coupèrent la tête à deux Hommes a la vue du Comman-
ant , lequel , au lieu d’aller au fecours de ces Miferables ,
fit brifer dix-fept de fes Canots , pour renforcer les équipa¬
ges des autres, & s’enfuir plus vite. M. de Dénonville con¬
te la chofe autrement dans une de fes Lettres , & apparem¬
ment comme l’Officier la lui avoit raportée ; il dit feulement
que cinq Hommes de ce Convoi s’étant un peu écartés pour
chaffer, avoient été tués par les Iroquois.
Hétoit évident que ces Barbares ne vouloient plus enten¬
dre parler de paix ; & le Gouverneur Général , qui ne le
voyoit nullement en état de faire la guerre , fe trouvoit tort
embarraffé. La feule reffource , qui lui reliât , étoit de gagner
les Onnontagués , & de les détacher de la Ligue. Il en écrivit
au F. de Lamberville , qui étoit toujours a Catarocouy , où
on l’avoit amené fur les glaces prefque moribond ; & dans le
même tems , que la Lettre du Général fut rendue à ce Mii-
fionnaire , le P. Vaillant arriva à Catarocouy avec deux Sau¬
vages , que le Colonel Dongan lui avoit donnés pour l’accom¬
pagner àfon retour ^ & pour lempechei de pafier dans le
Canton d’Agnier.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 527
, Le de Lamberville gagna un de ces deux Sauvages , &
l’engagea d’aller à Onnontagué pour donner avis à ce Can-
ton , que le Gouverneur de la Nouvelle York n’avoit en
vûë que les intérêts , en travaillant à les engager dans la
guerre avec les François. Le Sauvage trouva tous les Can¬
tons affembles , &. un Parti d environ nulle Hommes prêt à
fondre fur îes> Habitations Françoifes. Il eut bien de la pei¬
ne à les détromper des fauffes impreffions , que leur avoit
données le Coionel Dongan , que les François machinaient
contre eux quelque nouvelle tralufon ; il y réuffit néanmoins
en partie , & les engagea même à envoyer à M. de Dénon-
ville des Députés pour traiter avec lui ; mais cinq cent Guer¬
riers voulurent accompagner ces Députés , fous prétexte de
leur faire efcorte.
Lorfqu’ils furent arrivés près de Catarocouy , un des Dé¬
putés , nommé Haaskouaun ( a ) , fe détacha avec fix Hom¬
mes , entia dans le Fort, & demanda au Commandant un
de fes Officiers , pour aller avec lui à Montreal. M. d’Or-
vilhers lui donna le Sieur de la Perelle , fon Lieutenant,
lequel s étant embarque dans le Canot de ce Sauvage , fut
allez furpns de fe trouver au milieu de fix-cent Hommes de
guerre , bien armés , & d’en être reçu de manier e à lui faire
craindre qu’il ne fût leur Prifonnier.
Ils ne vouloient cependant que fe divertir , en lui faifant
peur; ils le conduifirent jufqu’au Lac de S. François, où il
îencontra un nouveau Corps dlroquois, auffi nombreux que
le premier. Les uns & les autres s’arrêtèrent en cet endroit ,
&: laiffierent là Perelle continuer fon chemin jufqu a Mont¬
real avec les feuls Députés. Ils y trouvèrent le Gouverneur
Général , qui leur donna audience fur le champ : Haaskouaun ,
qui poitoit la parole , commença par expofer en termes ex¬
trêmement emphatiques la fituation avantageufe , où fe trou-
voit fa Nation , la foibleffe des François , & la facilité , que
les Cantons auroient à les exterminer , ou à les obliger de for-
tir du Canada.
. Pour moi ? ajoûta-t’il , je les ai toujours aimés , & j’en *
viens de donner une preuve , qui n’eif point équivoque ; car «
ayant appris le deffein , que nos Guerriers avoient formé de «
venir brûler vos Forts , vos Maifons , vos Granges , & vos «
grains , afin qu apres vous avoir affames , ils pu fient avoir «
(«) Les Relations Françoifes le nomment la Grand’Gucuk .
1 6 B 8 . »
»
»
»
»
»
Confirmation
de la Colonie.
les Iroquois
bloquent Ca¬
tarocouy , 8c
fe retirent
après avoir
fait beaucoup
de dégât.
,q HISTOIRE generale
bon marché de vous , j’ai fi bien follicité en votre faveur ,
aue j’ai obtenu. la permiflion d’avertir Ononthio , quilpou-
vôit éviter ce malheur, en 'acceptant la paix aux conditions
propofées par Corlar. Au refte je ne puis vous donner que
quatre jours pour vous réfoudre, &fi vous différez davan¬
tage à prendre votre parti , je ne vous répons de rien. Ce Sau¬
vage étoit Tfonnonthouan , & le même , qui avoir parle avec
tant d’infolence à M. de la Barre au Camp de la famine.
Un difeours fi fier , & douze-cent Iroquois au Lac de b.
François , d’où ils pouvoient en moins de deux jours tom¬
ber fur rifle de Montreal , jetterent la confternation dans
tous les efprits. Pour comblé de difgrace on veno.t d appren¬
dre la mort du Chevalier de Troye & de toute
fon • & on fçavoit que depuis la Riviere de Sorel jufqu a
Prairie de la Magdeleine , les Habitans ne pouvoient fortir
de chez eux , fans courir rifque de tomber dans cFelJlu,e
Parti Ennemi. Ce qui embafraffa le plus le Marqu.s de De-
nonville , c’eft qu’il craigno.t en repouffant ces Parus par
la force ouverte , de rompre les négociations commencées
avec^let Ormontagués , aufquels
fieurs Prifonniers ; il avoit meme charge 1 un deux des coi
dirions , aufquelles il vouloir traiter avec ce Canton.
Ces Prifonniers en arrivant à Catarocouy troub®re^ ûlé
Fort inverti par huit-cent Iroquois , qui avoient dej
tous les foins avec des flèches* allumées , & tu i tous les , bef-
tiaux Le Lac Ontario étoit aufli tout couvert de Canots d Ln
nemis , Lrtjuels au nombre de quane-cent attaquèrent une
Baraue qui portoit des Hommes & des provifions a JNia
garai Deux Canots oferent même tenter 1 abordage , ^ a
deux coups de Pierriers , tirés fort a propos , fa «««» ent
& le vent, qui furvint dans le moment , mit la Barque hors
depar bonheur le Chef , qui commandoit au blocus de Ca-
tarocouv étoit Oncle du Sauvage Pnfonmer , que le Gou
verneuryGénéral avoir chargé de faire connaître fes inten¬
dons aux Onnontagués Ce Capitaine fut tres-fenfibU a i U
liberté, qu’on avoir rendue a fon Neveu, & fa reco
fance le porta à s’éloigner avec toutes fes Troupes. Ainit
Catarocouy fut dégafé au moment qu on defefpero.t^de
fauver cette Place. Le huitième de Juin les Député
nontagué , d’Onneyouth & de Goyogoum arrivèrent a M°»
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 529
real , & demandèrent la paix au nom de toute la Nation.
Ces deux événemens inefperés perfuaderent toute la Colo¬
nie que la Providence veilloit dune façon particulière à
fa confervation. Le Général de fon côté crut devoir fe ren¬
dre d’autant plus difficile , que fes Ennemis faifoient plus de
démarches pour fe raprocher de lui : il répondit qu’il confen-
tiroit volontiers à la paix ; mais qu’il ne la donnerait qu’à ces
conditions ; i°. Que tous fes Alliés y feraient compris. 20.
Que les Cantons d’Agnier & de Tfonnonthouan lui enver¬
raient auffi des Députés pour le même fujet. 30. Que toute
hoftilité céderait de part & d’autre. 40. Qu’il pourrait en toute
liberté ravitailler le Fort de Catarocouy.
Il ne parla point de celui de Niagara, parce que défefpe-
rant de le foûtenir , & nos Alliés n’en ayant pas fait l’ufage ,
pour lequel ils l’avoient demandé , il fut bien aife de fe faire
un mérite de fe rendre à la priere , que les Députés lui firent
de le démolir. Ses conditions furent acceptées , & l’échange
des Prifonniers fut réglé fans aucune difficulté. M. de Dé-
nonville avoit même déjà écrit en Cour pour folliciter le ra-
pel des Iroquois détenus à Marfeille , & il avoit prié le Mi¬
nière de les envoyer chercher par Serigny , un des Fils du
Sieur le Moyne , & qui étoit Cadet à Rochefort ( a ). Ce
jeune Homme parloit fort bien la Langue de ces Sauvages ,
dont il étoit aimé , & le Gouverneur Général étoit perfuadé
qu’il traiterait beaucoup mieux ces Prifonniers , que n’avoient
fait ceux , qui les avoient conduits en France.
La Trêve fut donc conclue fur le champ. Les Iroquois con-
fentirent à laiffer cinq d’entr’eux pour otages , afin d’affûrer
le Convoi , que l’on préparait pour Catarocouy ; & l’on
convint que , s’il furvenoit quelque hoflilité de la part de
nos Alliés pendant la négociation , elle ne ferait rien chan-
ger à ce qui venoit d’être réfolu. Toutefois le Convoi étant
en marche , conduit par les Chevaliers de Callieres & de
Vaudreuil, & efcorté par Terre par des Sauvages domici¬
liés , des Iroquois en enlevèrent un Canot. M. de Dénon-
ville en fut d’autant plus furpris , qu’avant le départ du Con¬
voi un Envoyé du Colonel Dongan étoit arrivé à Montreal ,
avec la Demoifelle d’Alonne & douze autres Prifonniers Fran¬
çois , & lui avoit remis une Lettre du Roy. C’étoit le Du¬
plicata de celle , que le Général avoit déjà reçue , & qui re*
(4) Il eft Mort, il n’y a pas lontems, Capitaine de VailTeau.
Tome /. X x x
1688.
Nouvelles
proportions
de paix.
Elles (bnç
acceptées.
i 6 88.
Mauvaife foi
du Colonel
Dongan.
no histoire generale
eardoit le Traité de Neutralité , renouvellé par les deux Rois.
ë Le Gouverneur de la Nouvelle York lui manda en même
tems qu’il avoit donné ordre à fon Envoyé de retirer tous
les PriTonniers François des Villages Iroquois, par oit il paf-
feroit , & qu’il ne tiendroit pas à lui qu’il n’y eût entr’eux
une correfpondance parfaite. Cependant, outre 1 hoftilite ,
dont ie viens de parler , les Iroquois reparurent bientôt dans
nos Habitations , qu’on avoit été obligé de dégarnir d Hom¬
mes, pour renforcer le Convoi de Catarocouy. Aux premiers
avis , qu’en eut le Général , il raffembla tout ce qui refto.t
de Troupes auprès de fa Perfonne , & marcha pour diffiper
tous ces petits Partis. .
Les Ennemis ne l’attendirent point ; il les pourfuivit , rç
il en atteignit quelques-uns au Lac du S. Sacrement: il reti¬
ra de leurs mains deux François , qu’ils emmenoient , tua
quelques Mahingans , & prit quelques Agniers. Il Içutdeux
que cétoit le Colonel Dongan , qui les avoit follicites a faire
cette irruption , & qu’il leur avoit donné pour cela des mu¬
nitions & des armes. Il avoit pourtant dès-lors reçu les Let¬
tres du Roy , fon Maître , pour le renouvellement du 1 raite
de Neutralité , & ce Prince l’avoit averti qu’il lui répondrait
en fon propre & privé nom de toutes les contraventions ,
qui fe feroient à ce Traité. ,
La vigueur & la promptitude , que M. de Denonville ve-
- . , noit de faire paroître pour arrêter le cours de ces hottilites ,
Ricana- obligèrent les Iroquois à fe tenir en repos, & on en profita
J- pour faire les récoltes. Il n’y a que Dieu , ecnvoit ce Gene¬
ral à M. de Seignelay le dixiéme d’Août, qui ait pu garantir
cette année le Canada. Je n’y ai aucun mérite. M. de Cal-
lieres vous dira mieux , que je ne puis vous 1 ecnre , combien
le P. de Lamberville nous a été néceffaire , avec quelle ha-
» bileté il a détourné Forage , qui nous menaçoit ; de quelle
» maniéré il gouverne Fefprit de ces Sauvages , qui font plus
» clairvoyans , qu’on ne peut s’imaginer. Si vous ne trouvez-
» le moyen de faire retourner ces Peres dans leur ancienne
Million , vous devez attendre beaucoup de malheurs pour
cette Colonie; car je dois, vous dire que jufquici celt leur
„ habileté , qui a foûtenu les affaires du Pays , par le nombre
» d’Amis, qu’ils fe font acquis chez tous les Sauvages, & par
» leur fçavoir faire à gouverner Fefprit de ces Barbares , qui ne
» font Sauvages que de nom.
'À quoi M. de
X)énonville
attïibuoit le
»
»>
»
»
»
»
»
»
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XL 53i
La Compagnie des Pêches fédentaires a deffein d’empêcher
quelles Jefuitesne rétablirent la Million , qu’ils avoient chez « *
les Peuples voifms de Pentagoët , où l’an paffé ils retourne- «
rent à ma priere , pour maintenir dans nos intérêts ces San- «
vages , qu ils avoient quittes a caufe des defordres 9 que eau- «
fent les bonbons dans ces Quartiers-là. Il eft de mon devoir «
de vous mander que ce fera un grand malheur pour l’Aca- «
die , fi ces Meilleurs font tomber ces Millions en d’autres «
mains , car il ne faut pas s imaginer que ce foit l’ouvrage de «
cinq ou fix ans , que d’apprendre la Langue de ces Peuples , «
& à les bien gouverner. Les meilleurs efprits , après vint ans «
de travail & de fatigues au-delfus de tout ce qu’on peut dire , «
s’y trouvent quelquefois courts . Le P. Bigot eft vers «
Pentagoët , pour faire affembler un nouveau Village fur les «
Terres du Roy , & empêcher que le Chevalier Andros ne les «
attire. ^
j ^6i* ÇÎJeva^ef command°it dans la Nouvelle Angleterre Le Coîonc?
dans 1 abfence du Gouverneur General , & il venoit d’être ^onsan c*^
nommé Gouverneur Général de la Nouvelle York. Il étoit rcvo^ué'
Proteftant , & ft le Colonel Dongan , quoique Catholique ,
en avoit ufé avec les François de la maniete , que nous avons
vu 9 avoit ft peu defere aux volontés de fon Souverain 9
dont il fuivoit la Religion , on de voit s’attendre que fon Suc-
cefteur n obeiroit pas plus exactement aux ordres de ce Prin¬
ce. L' 'événement 9 comme nous le verrons bientôt , n’a que
trop juftifié les craintes de la Colonie à ce fujet ; mais ce n etoit
pas encore là ce qui inquiétoit le plus le Général.
C’eft une maxime fondée fur la raifon , & que l’expérience
confirme tous les jours , que tout Etat 9 toute Société 9 tout ce
qui forme un Corps , foit Eccleftaftique , foit Civil , court
beaucoup moins de rifques de la part de ceux 9 qui l’atta¬
quent au dehors , que du dérangement , qu’il fouffre au de¬
dans , par 1 inobfervation des Loix , par toutes les autres cau-
fes , qui altèrent fa conftitution 9 & qui ébranlent les fbnde-
mens , fur lefquels il eft établi. Sur ce principe , le Marquis de
Dénonville ne voyoit qu’avec douleur la trifte fttuation , où fe
trouvoit la Nouvelle France, parla mauvaife conduite, & le
défaut de fubordination , qu’il remarquoit dans le plus grand
nombre de ceux , dont cette Colonie étoit compolëe.
Il s’en exprime ainfi lui-même dans une Lettre à M. de Sei-
gnelay , dattée du même jour , que celle , dont j’ai parlé ci-
Xxx ij
i 68 8.
lettre de
M- de Dé-
«onville
fur les dé-
fordres de
Ig Colonie.
u HISTOIRE GENERA LE
toi ent jamais du vrai. Apres u *lques années dans
srsçrtsre*«^rr£ ^.4- & >» »*■ «•*
f'ffrS.'l» jSîï; «Eô™ 1. unes devant
; i, °u«I pClteVi». ip* *■*» ™ ÿS*
! ge. , fa»! <V 3“'“ “ fe [“'SteSS de Bois « fai.
I 11”..!'".!! P'»“f i’£“ KlSw'lS afeitïde
* 5e grandes baffeffes , qui nous ont rendu fiers
* niênie les Sauvage', Alliés. Ce, divifions « gg*
■ ^ÎSSSïai 5S méftntelligence -JW
; wfe
* auils enlevèrent aux François, croyant, due , ^
J; S'iHinguet. il méprife ^ÿjTpSA *
■ “s i
extorauer 2e luf la permiffion de faire des reprefa. les fur fes
^ meilleurs Hommes , les rend indociles ? 1 P
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XI. 533
bauchés , & que leurs Enfans font élevés conme des Sauva- « itfgS.
ges ». Il prétend que ce font ces courfes , qui ont occafionné «
celles des Anglois parmi nos Alliés , qu’ils ont amorcés par
le bon marché ,, & qu’il n’eff prefque plus poffible de détacher
du commerce avec la Nouvelle York. En parlant de la guerre
des Sauvages , il dit qu’on ne peut en donner une plus jufte
idée , que de reprefenter ces Barbares » comme des Bêtes fa- "
rouches , qui font répandues dans une vafte Forêt , d’où ils w
ravagent tous les Pays circonvoifins. On s’affemble pour «
leur donner la chaffe , on s’informe où eft leur retraite , & «
elle eft par tout ; il faut les attendre à l’affût , & 011 les attend *
lontems. On ne les peut aller chercher qu’avec des Chiens “
de chaffe les Sauvages font les feuls Lévriers , dont on "
puiffe fe fervir pour cela ; mais ils nous manquent , & le “
peu , que nous en avons , ne font pas Gens , fur lefquels on *
puiffe compter ; ils craignent d’aprocher l’Ennemi , & ont 44
peur de l’irriter. Le parti , qu’on a pris , a été de bâtir des 44
Forts dans chaque Seigneurie * pour y réfugier les Peuples & *
les Beffiaux ; avec cela les Terres labourables font écartées 44
les unes des autres ^ & tellement environnées de Bois , qu’à *
chaque Champ il faudroit un Corps de Troupes pour foute- *
nir les Travailleurs. Le feul & unique moyen de faire la 44
guerre étoit d’avoir affez de forces pour aller à l’Ennemi en 44
même tems par trois endroits ; mais pour y parvenir , il faut 44
quatre mille Hommes , & des vivres pour deux ans , avec 44
quatre à cinq cent Batteaux , & tous les autres appareils d’un «
tel Equipage ; car d’être , comme nous fournies , obligés de vi- 44
vre du jour à la journée , c’eft ne rien faire de folide. 44
Le Roy n’étoit affûrement pas difpofé à envoyer en Ca- Réja&iowf
nada le nombre de Troupes, que demandoit le Marquis de ^rcetteLec-
Dénonville ; bien des Gens étoient Même perfuadés dans le ^
Pays qu’il n’étoit befoin, pour dompter les Iroquois , que d’un
peu plus de difeipline dans celles , dont il pouvoit difpofer ;
& nous verrons , avant la fin de cette Hiftoire , que fi on
n’en eff pas venu à bout avec les feules forces de la Colo¬
nie , c’eff que l’on ne l’a pas voulu efficacement. Il paroît auffi
que l’imagination effrayée du Général , ou de ceux , qu’il écou-
toit , lui avoit un peu groffi les objets ; mais il en: certain
que , fi on eût corrigé les défordres , dont il fe plaignoit , &
qu’on eût pris furtout de bonnes mefures pour empêcher la
Jeuneffe de courir les Bois ? on eût pu avoir en tout , tems
i 6 8 8.
Nos Alliés
font mccon-
cens de la
paix.
534 HISTOIRE GENERALE.
une excellente Milice , qui auroit tenu en refpeft les Iroquois
& les Anglois. Le malheur de la Nouvelle France eft que
tous ceux, qui ont eu l’autorité en main, n’ont pas témoigné
autant de zélé , que ce General pour le bon ordre , & que
lui-même n’eut pas toute la fermeté nécefîaire pour punir
avec rigueur ce qu’il déteftoit fincérement , & pour faire rei-
peêler les ordres.
Il avoit fort à cœur de finir la guerre ; mais il comprenait
bien qu’il n’étoit ni jufie , ni même bien fur de conclurre la
paix , fans la participation de nos Alliés ; & nous avons vu
qu’il s’en étoit expliqué nettement aux Députes des Cantons,;
mais foit qu’on n’eût pas eu le tems d’inftruire les Sauva¬
ges des intentions du Général , foit , comme il elt plus vrai¬
semblable , que ces Peuples fulfent perfuadés que les Can¬
tons ne traitoient pas de bonne foi , prefque tous parurent tort
mécontens de ces négociations. Il y en eut même, qui eurent
honte pour nous d’une paix , dont les Iroquois paroilloient
vouloir nous impofer les conditions avec hauteur.
2mm m m m m m m m m m m mm®
{è & s# & & &? &? & & & & &» & &Pf*
rac^2æsG3Dsoîics-2 æ«cs*racssæcac^ose£.Gsc»^
HISTOIRE
E T
description generale
DELA
NOUVELLE FRANCE.
LIVRE DOUZIEME-
E tous nos Alliés , les feuls , que nos En¬
nemis craignoient , ou défefperoient de ga¬
gner , étoient les Abénaquis , lefquels de
leur côté ne fe foucioient pas beaucoup
qu’on les comprît dans les Traités de paix,
ou de trêve. Dans le tems même , que M. de
Denonville fe donnoit le plus de mouvement
poux pacifier le Canada , ils fe mirent en campagne , & s’é¬
tant avances jufqu a la Riviere de Sorel , ils furprirent des
Iroquois & des Mahingans , & en tuerent quelques-uns. Ils
pouffèrent enfuite jufqu’aux Habitations Angloifes , & en rap¬
portèrent quelques chevelures. Les Iroquois du Sault & de
la Montagne en firent autant de leur côté ; mais ceux , qui
prirent des mefures plus juftes pour rendre impoffible la con-
clufion d un Traite , dont ils craignoient d etre les premiè¬
res viüimes , furent ces mêmes Hurons de Michillimakinac ,
qu’on avoit fx fouvent , & fi juffement Soupçonnés de collu¬
sion avec les Anglois & les Iroquois.
Ils avoient pour Chef un nommé Kondiaronk , plus
connu dans nos Relations fous le nom de k Rat Homme
1688.
Quelques-
uns de nos Al¬
liés attaquent
les Iroquois.
Aéiion Fiardic
d’un Chef Hu-
ron.
,,<< HISTOIRE generale
l’efprit , extrêmement brave , & le Sauvage du Plus^ra™
.P nue les François ayent connu en Canada. M. de
& qufle" Goiverneur Général attendait à Motjtreal des Am-
baffaxleu^&cdes O^ages^ cG Pa“c ajoûta que ce
tIu?! ®‘ ;t i fa;re de mieux dans une paredle circonftance ,
C‘rôi ckf ’en Se tourner chez lut avec fe's Guerriers ,& quA
défobhgeroit Tnfînimeut M. de Dénonville , s’il fa.fott la
moindre hoftilité contre les Iroquois. _ .
Le Rat parut d’abord un peu furpns de cette nouvelle ,
fe poffeda néanmoins , & quoique convaincu
!tS 'r~ “I Bss
prendre les gepmes^& Ü f l’Anfe” de 1? Famine où il
kurd effa’une embufcade. Après qu’il les y eut attendu je : -
SSJSSitrSS-i , ils déb.rquercn. *«£«*•»
Le b , , pri. ce ' défende
EîSSÜ^ÿïïçiiîf--’
tSÈ S£g coXi: OntL.fi il», ’q»?l «. S«Jj
ÏTpÆi on l’affûra que les François navoiemeu
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 537
aucune part à la perfidie des Hurons , & il en fut tellement i <5 8 8,^
perfuadé , qu a fon retour à Onnontagué , il en convainquit
tout ce Canton.
Mais le Rat n’avoit pas fi bien commencé , pour en de- Ses intrigues
meurer-là. Sitôt qu’il eut rejoint fa Troupe , Teganiflorens , P°u^broüi.Iler
qui étoit un de fes Prifonniers , lui ayant demandé comment avec^esTro-
il avoit pu ignorer qu’il étoit Ambafladeur , & qu’il étoit en-
voyé pour traiter avec leur Pere commun , & pour cher¬
cher les moyens de parvenir à une paix folide entre toutes
les Nations ? ce Fourbe fit femblant d’être encore plus éton¬
né que lui ; il protefta que c’étoit les François eux - mêmes ,
qui l’avoient envoyé à la Famine , en l’affûrant qu’il y ren-
contreroit un Parti de Guerriers Iroquois , qu’il lui feroit
très-facile de furprendre & de défaire ; & pour lui faire voir
qu’il parloit fincérement , il le relâcha fur l’heure même avec
tous les Gens , à l’exception d’un feul , qu’il vouloit retenir ,
.difoit-il pour remplacer un des*Siens , qui avoit été tué.
Il fit enfuite une très-grande diligence pour fe rendre à
Michillimakinac , & dès qu’il y fut arrivé , il fit préfent de
fon Prifonnier à M. de la Durantaye. Ce Confmandant , qui
n’étoit pas encore informé des pourparlers de fon Général
avec les Cantons , condamna fur le champ ce Miferable à pafi
fer par les armes , voulant apparemment lui épargner le fup-
plice du feu. L’Iroquois eut beau protefter qu’il étoit Ambaf¬
fadeur , & que les Hurons l’avoient pris en trahifon ; le Rat
avoit prévenu tout le Monde que la tête lui avoit tourné , &
que la crainte de la mort le faifoit extravaguer : de forte qu’on
ne l’écouta point & qu’il fut exécuté.
Dès qu’il fut rtiort , le Rat fit venir un vieux Iroquois ,
qui étoit depuis lontems Captif dans fon Village , lui donna
la liberté, & lui recommanda de s’en retourner dans fon Can¬
ton , d’y infiruire fes Compatriotes de ce qui venoit de fe
paffer fous fes yeux , & de leur apprendre que , tandis que
les François amufoient les Cantons par des négociations
feintes ils faifoient faire des Prifonniers fur eux , & leur
caffoient la tête. Tout cela lui réufiit parfaitement , & quoi¬
que les Iroquois enflent paru d’abord détrompés de la préten¬
due mauvaiie foi du Gouverneur Général , nous verrons bien¬
tôt , ou qu’ils avoient fait femblant de l’être , ou que le grand
nombre ne fut pas fâché d’avoir un prétexte aufli plaufible
de recommencer la guerre.
Tome /. Yyy
i 6 8 8 •
,,g HISTOIRE GENERALE
- } Les plus fages étoient néanmoins réfolus d’envoyer de
- nouveaux Députés au Marquis de Dénonviile. Ces Députés
Lc 5Tm étoient même déjà choifis , & fur le point de fe mettre en
York empê-’ chemin pour Montreal , lorfqu un Exprès du Chevalier An¬
che la paix. rlrns arriva à Onnontagué , & défendit aux lroquois de trai¬
ter avec les François fans la participation de fon Maître. II
aioûta que le Gouverneur prenoit les Cantons fous fa fauve-gar¬
de & les aifûroit de la proteHion du Roy de la Grande Breta¬
gne & que Sa Majefté , qui les confideroit comme fes pro-
pres’Enfans , ne les laifferoit jamais manquer de rien.
^ Le Chevalier écrivit en même tems au Marquis de Denon-
ville qu’il ne devoit pas fe dater de faire la paix avec les
lroquois , Sujets de la Couronne d’Angleterre ? fous d au¬
tres conditions , que celles, qui avoient déjà ete propolees
par le Colonel Dongan , fon Prédéceffeur : qu’au refte pour
ce qui le regardoit en particulier , il étoit tres-difpofe a bien
vivre avec lui, & qu’il avoit déjà interdit aux Anglois delà
dépendance toute hoffilité fur les Terres dépendantes des
François. Comme ce Gouverneur commandoit encore dans
la Nouvelle Angleterre , après une telle déclaration , on avoit
tout lieu de s’attendre que nulle partie de la Nouvelle France
p e couroit aucun rifque de la part des Anglois.
' Niais ce Général ne comprenoit aparemment pas fous le nom
de k Nouvelle France , ni l’Acadie , ni les Provinces circonvoi-
fines , quoique par le Traité de Breda elles euffent ete décla¬
rées en faire partie ; car tandis qu’il faifoit à M. de Denon-
ville la protection , que je viens de dire , il envoya piller
l’Habitation du Baron de S'. Caftin à Pentagoet, & les Pé¬
chés fedentaires , établies à Camceaux , & a Chedabouc-
tou. Il eft vrai qu’il défavoua ces entrepnfes ; mais on avoit
des preuves certaines qu’il en étoit l’Auteur , aufîi-bien que
des ravages , que fit bientôt après en plufieurs endroits de la
Colonie un Parti de trois-cent lroquois. En un mot toute la
conduite jufqu’à ce que la guerre fut déclarée entre les deux
Couronnes , ne différa de celle , qu’il tint après cette décla¬
ration , qu autant que 4 perfidie la plus noire différé d une
guerre ouverte. x r
Etat dttcotn- On peut bien juger que dans la fituation , ou fe trouvoient
mercc dans la jes afpaires de la Nouvelle France , le commerce ne pouvoit
N-Fla"“- pas y être bien floriffant. Depuis l’année 1669. que le Roy
l’ avoit déclaré libre , la Colonie s’étoit considérablement ac-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 539
crue, & par le recenfement de cette année 1 68 8. elle fe
trouva compofee d’onze mille deux-cent quarante-neuf Per-
fonnes. A la vérité les Anglois , ainfi que je l’ai déjà remar¬
qué , partageoient dès-lors avec les François la Traite des
Pelleteries ; & c’eft principalement ce qui les engageoit à
fomenter la guerre entre nous & les Iroquois , parce qu’ils
ne pouvoient avoir de bonnes Pelleteries , qui fe tirent des
Quartiers du Nord , que par le moyen de ces Sauvages >
lefquels ne pouvoient guéres fe reconcilier avec nous , °fans
leur fermer cette précieufe Mine.
Ce n’eft pas que les ïroquois foient grands Chaffeurs ; mais
outre qu’ils enlevoient fouvent à nos Alliés & à nos Voya¬
geurs les Pelleteries , que ceux-ci portoient à Montreal , ils
engageoient plufieurs Nations, & fouvent même nos Cou¬
reurs de Bois , à traiter avec les Anglois de 'la Nouvelle
York, & le profit , qu’ils tiroient de ce commerce , dont leur
Pays devenoit néceffai rement le centre , les retenoit dans les
intérêts des Anglois. A cçs raifons fe joignoit l’appas du meil¬
leur marché , qui faifoit beaucoup d’impreffion fur tous les
Sauvages ; de forte que la meilleure partie des Pelleteries du
Canada paffoit aux Anglois , fans qu’il fût poflible de faire
entendre raifon aux Intéreffés dans ce commerce , dont les
Chefs étant en France , ne voy oient pas les chofes d’aufii
près , que ceux , qui étoient en Amérique.
Enfin quelques-uns de ces derniers renoncèrent à cette Trai¬
te , dont les profits diminuoient de jour en jour , & reprirent
le deffein fi fouvent avorté d établir des Pêches fedentaires
dans le Fleuve S. Laurent ; mais ils fe rebutèrent d’abord.
1688.
Pêches féden-
taires dans le'
Ileuve.
Le Sieur Riverin fut prefque le feul , qui ne s’effraya point
des difficultés , & que le mauvais fuccès de fes premiers efi
fais 11e fit pas renoncer à fon entreprife ; mais avec de l’indu-
firie & du courage, il faut encore , pour pouffer de pareils Eta-
bliffemens , avoir des fonds confiderables , & ils manquoiént
au Sieur Riverin. Il engagea quelques Particuliers de Paris à fe
joindre à lui ; mais il n’en retira prefque aucun avantage ; tous
vouloient recueillir , avant que la moiffon fût mûre , & leur
impatience fit enfin avorter tous fes projets.
Ce fut pendant l’Eté de cette annee 1688. qu’il commença Abondance
à mettre la main à l’œuvre. Il établit fa Pêche aux environs Myuës &
fie la Riviere de Matane , dont il trouva l’embouchure capa- dc Baieuie5‘
ble de recevoir des Bàumens de deux -cent Tonneaux , ce
Y y y ij
i 6 8 8.
,i0 histoire generale
au’on avoit ignoré jufques-là. Toute cette Côte ^ Méridion¬
ale du Fleuve S. Laurent , dans l’efpace de plus de vint
lieues eft extrêmement abondante en Morues , & Riverin
manda à M. de Seignelay qu’on y pouvoir occuper plus de
cinq-cent Chaloupes à la fois. Il ajoûtoit dans, fa Lettre que
le Poiffon y eft très-beau , & propre pour le Detroit , pour
l’Efpaene & pour le Levant ; qu’ayant donne ordre a les Gens
d’aller obferver les Baleines , furtout auprès de Matane , ils
i _ „4-Â on de tetTlS £11 tCITlS illf
cner jufqu a pouvoir être frapees avec 1 aviron ; que
roit pendant trois mois de fuite , & que la plupart du teins il
ne falloit pas être beaucoup plus d’un quart de lieue au large
pour les trouver. .
J’ai remarqué dans mon Journal qu étant mouille en 1705.
à la fin du mois d’ Août auprès de Tadouffac , environ quinze
lieues au-deffus de Matane, j’en avois vû quatre en meme
tems fe jouer autour de notre Vaiffeau , & s’enaproeher de
maniéré, qu’on auroit pû les toucher avec les Rames de la
-Chaloupe; mais c’étoit principalement fur les Cotes de 1A-
cadie , que la Pêche ofïroit un fond inepuifable pour le com¬
merce. Le malheur eft que les François , Poffeffeurs de cette
grande Peninfule , étoient toujours ceux , qui en profitoient
le moins. ^
quitmpê- Le Sieur Paquine , que la Cour y avoit envoyé cette a
'? Fra"- née pour en faire la vifite , attribuoit en partie ce ddordie
à ce L’on avoit placé le principal Etabliffement au Port Rotai
'AuJic. „ui g}), difoit-il , hors de la portée de tout commerce , & de
trop difficile accès , à caufe de la diverfité des vents , quil
faut avoir pour y entrer. Cétoit une plainte bien ancienne ,
& elle étoit fondée. Il eft certain que les Ports de la Heve
& de Came eaux étoient beaucoup plus avantageux pour un
Etabliffement folide. Une Perfonne mieux mftruite enco¬
re que le Commiffaire , dont je viens de parler , s exprime
ainfi dans un Mémoire , qu’il dreffa à peu près dans le meme
„ 16 L’Âcadie , fi utile par la beauté &la fureté de fes Ports , la
„ fertilité de fon Terroir , l’abondance de fes Péchés , la facilue
» à les rendre fedentaires , & fes Mines , n a fait que langui!
„ iufqu’ici ; d’abord par les diffentions des differens Proprietai-
« res , & depuis le Traité de Breda, par 1 avarice desGouver-
tTe
che
çois
ter
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XlL 541
neurs , lefquels trouvant leur compte dans la correfpondance
avec les Anglois , les ont laiffés Maîtres de la Pêche & de la
Traite. Les Habitans de leur côté , fans difcipline & fans frein ,
n’ont fongé , ni à la culture des Terres , ni à la Pêche , &
font demeurés dans la débauche , & dans la courfe des Bois ,
fans faire autre chofe , que de vivre au jour le jour.
La feule reffource de cette Province étoit dans l’alliance
des Sauvages de ces Cantons , & furtout des Abénaquis , par¬
mi lefquels le Chrifiianifme avoit fait de grands progrès ; mais
' on étoit dans la continuelle appréhenfion de perdre ces Al¬
liés , les plus traitables , & en même tems les plus braves de
tout le Canada. Les Anglois 11e ceffoient de leur faire des
préfens , & les plus magnifiques promettes pour les détacher
de nos intérêts ; & il efi certain qu’ils en feroient venus à
bout , fans l’attachement invincible , que ces Peuples avoient
à leur Religion & à leurs Millionnaires. Nous verrons dans
la fuite de cette Hiftoire que pour conferver leur Foi , ils fe
font fouvent expofés aux plus grands périls , & que , fans
prefqu’aucune efperance d’être dédommagés de leurs pertes par
les François , ils ont formé de ce côté-là une barrière , que
toutes les forcer de la Nouvelle Angleterre n’ont jamais pû
forcer. m
Cependant la déclaration du Chevalier Ândros au fujet de
la paix avec les Iroquois , & l’engagement , où l’on apprit
bientôt qu’étoient entrés les Cantons avec ce Gouverneur ,
de ne faire aucune démarche par raport à cette affaire , fans
fa participation , jetterent la confirmation dans toute la Co¬
lonie. Mais il arrive fouvent que , quand on ne voit plus au¬
cun moyen ordinaire d’éviter un mal preffant , on fait des
efforts , dont on ne fe croyoit pas capable. L’indignation de
voir une poignée de Sauvages tenir fans ceffe en échec tout
un grand Pays , fit former un deffein , qui auroit paru har¬
di , quand notre fituation auroit été aufîi floriffante , qu’elle
étoit déplorée , ce fut de conquérir la Nouvelle York; le
Chevalier de Callieres en ayant communiqué le deffein au
Marquis de Dénonville , paffa en France pour le propoferà
la Cour, comme le feul moyen de prévenir l’entiere défini¬
tion de la Nouvelle France.
Le Mémoire , qu’il préfenta fur cela au Minifire , portoit
en fubfiance , que le Chevalier Andros , Gouverneur de la
Nouvelle York, n’étant pas Catholique , il ne fàlloit pas fe
» 1688.
«
«
«
«
«
Les Anglois
travaillent à
détacher les
Abénaquis ds
nos intérêts.
Le Chevalier
de Callieres
p a lie en Fran«
ce.
1689.
Il prélente
un Mémoire à
la Cour, & ce
qu’il contient.
i 6 8 9«
,t HISTOIRE generale
■ lier ou’ü exécutât de bonne foi les ordres , qu’il avoit reçus
du Roy , fon Maître , de s’entendre avec nous ; qu on ne pou¬
voir pas même douter qu’à l’exemple du Colonel Dongan,
fon Prédéceffeur , il ne fecourût par toutes fortes de moyens
leslroquois , lefquels ne feroient jamais fincerement la paix
avec les François , tandis qu’ils pourraient compter fur les
Anelois ’ que ! cela fuppofé , il n’v avoit point d autre voye
poifr conferver la Colonie , que de nous rendre Maîtres de
Fa Nouvelle York ; & que cette conquête eto.t légitimé par la
néceffité où les Anglois nous avoient mis de entreprendre ,
pour défendre notre propre Pays contre une Nation , dont ,1s
prenoient ouvertement les intérêts contre nous. Il vient en-
luire aux moyens d’exécuter fon entreprile. .
,, Qu’on «/do, me, dit-il, treize-cent Soldats & tro, s-cent
’ Canadiens , je defcendrai (a) avec eux par la Riviere deSo-
: S au Lac’ Champlain, fous prétexte da er faire la guerre
„ aux Iroquois ; & lorfque je fera, arrive dam l eurPays , je four
„ déclarerai que je veux bien vivre avec eux, & que je lien
„ veux qu’aux Anglois. Orange n’a qu’une enceinte de pieux ,
nnn terraffée &un petit Fort à quatre Battions , ou îlny a
” que cent cinquante Hommes de Troupes, Sf trais-cent Ha i-
„ tans dans la Ville. Manhatte a quatr?-.cent
„ en huit Compagnies , moitié Cavalerie , & moitié Intante .
Cette Capitale neft point fermée ; mais elle a un For a qua-
t Rallions revêtus de pierres avec du Canon* Cette coi
quête rendrait le Roy Maître d’un des plus beaux Ports de
P Amérique (b), oùl’on peut aller en touttems, & dun très beat,
: Tus un climat doux & fertile. On m’oppofera le Trai-
: S Neutralité; mais en premier «eu les AngU ont viole
» les premiers ; c’eft de quoi nous avons des P p roTome étant
» plique. En fécond lieu il faut obferver que cette Colonie étant
» actuellement toute remplie d’Hollandois , fur lefquels les
» gîois l’ont conquife , fes Habkans obéiront ntfai liblement au
» Prince d’Orange , & forceront le Gouverneui (c) . Ainfî aut
» les prévenir. Cependant, f. Fon veut différer qufqu ia cemon
» foit en guerre ouverte avec les Anglois (d) , il faut le pieparer
« pour le mois de Juin prochain. Ce Mémo.re lit impreffion fur e
jvliniftre , & le Roy même l’aprouva ; mais ce ne fut point le
( a ) Il falloir dire , remonterai .
(b) Manhatte.
( c ) La France étoit déjà en guerre avec la
Hollande.
( d ) On ne doutoit plus que cette guerre
ne fût prochaine.
DË LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 543
Marquis de Dénonville , qui fut chargé de le faire exécuter.
Il paroît que dès l’année précédente Sa Majefté avoit fon-
géà le rappeller , & avoit jetté les yeux fur lui pour l’Em-
ploy de fon Gouverneur des Enfans de France ; car j’ai eu
entre les mains un ordre ligné de ce Prince , & datté du
huitième de Mars de l’année 1688. en vertu duquel le Che¬
valier de Callieres , Gouverneur de Montreal , devoir avoir
le Commandement des armes pendant l’abfence du Gouver¬
neur Général. Néanmoins , foit que le Roy eût changé de
penfée , ou qu’il eût eu des raifons pour différer l’exécution
de ce Projet , rien n’empêcha le Chevalier de Callieres
de palier en France à la fin de l’année 1688. Ce ne fut que le
dernier jour de May de l’année fuivante , que Sa Majefté
manda au Marquis de Dénonville que la conjoncture de la
guerre , qui venoit de fe rallumer en Europe , lui avoit fait
prendre la réfolution de le rappeller , pour lui donner de
l’Emplcy dans fes Armées.
Le Comte de Frontenac fut en même tems déclaré fon
Succefîeur. Le Roy n’avoit pu refufer cette grâce aux pref-
fantes follicitations de plufteurs des Parens & des Amis de ce
Seigneur , & furtout à celles du Maréchal de Bellefont ,
qui lui répondit de fa conduite , & dont la haute vertu étoit
line forte recommandation auprès de Louis XIV. D’ailleurs
l’Etat déplorable , où la Nouvelle France étoit réduite , & le
projet de la conquête de la Nouvelle York, demandoient
qp’on mît à la tête de cette Colonie un Homme d’autorité ,
d’un caraftère ferme , d’une grande expérience dans la guerre *
qui connût déjà le Pays , & qui fçût manier les efprits des
Sauvages. Tout cela fetrouvoit dans le Comte de Frontenac ,
& il y avoit lieu d’efperer qu’avec l’efprit , qu’il avoit , il pro-
fiteroit de fes fautes , & des chagrins , quelles lui avoient atti¬
rés , pour modérer fes paftions , & pour fe conduire par d’au¬
tres principes , que fes préjugés & fes antipathies.
, Ces conjectures fe trouvèrent allez juftes. A la vérité ce Gé¬
néral parut toujours le même à ceux , qui le virent de plus
près ; mais il fut fur fes gardes , & il profita, des avis , que
le Maréchal de Bellefont lui avoit donnés. D’autre part il
eut les plus belles occafions du monde de déveloper fes gran¬
des qualités , & d’en faire un glorieux ufage , & il rendît
d’affez importans fervices à l’Etat , furtout pendant les pre¬
mières années de la nouvelle Adminiftration , pour engager
1 6 8 Cf.
Le Marquis
de Dénonville
eft rappelle en
France.
Le Comre de
Frontenac lin
fuccéde.
histoire generale
■ - la Cour à fermer les yeux fur plufieurs fautes , qui lui echa-
^avokpasPchangé dl fentiment à lerir égard , de fouffrir ayeç
nat-ience & de difiimuler avec lageiie.
P Dans les inftruaions , qui lui furent données , & qui fu¬
ses înftruc- •L'ans les 11 . , JA T • ie R ov lui marquoit que fur
-tiens au fujet rent fignees le feptieme de Juin, ie y AnJeterre des
tmudfon , .nvafion’s réciproques des Polies établis dans la BayedHud-
fnn nar les Anglois & les François, il y avoit eu a Londres
£ Conférences entre fes Cotnmiffaires & ceux de la Grande I
tZgïïZZ U. p».« »■>?»»• F «wyAfg
alleg&» P» U». l»*'fe ’Z 5" t S »-
alptprre ' avoit rompu toutes ces mefures , & que , comme 11
Lit vraifemblable ?ue les Anglois n’avo.ent P^ encore fon-
<7,4 à nrendre leurs précautions de ce cote-la , Sa Majelte tou
haito t qu’il donnât à la Compagnie du Nord toute laj>^ ' "
aion , dont elle auroit befoin , pour les chaffer des Polies ,
qUL* Roy vlnfnt enfuke aux affaires de l’Acadie , lui mar-
quoit que7 dans les dernieres Conférences entre les Comrm -
Aires des deux Couronnes il avoit ete parle d P
. faite depuis peu par les Baftonnois à Pen'^p^ q^ artenoii
miliaires Anglois étoient convenus que ce Po P.P dg ^
tito™ f« .plaigne , lorfque U « %
roit reprife ; que ce projet ne pouvant p us ^ ’ je $< je
de la rupture des Conférences , d faj oi qt néce(raires
Menneval Gouverneur de lAcadie^les^ ^ irrup.
pour empecher qu on iffoit inévitable & prochai-
tions ; a quoi la guerre, qm F ' de Ja NpuveUe France.
ne , expofoit a , , ? • a l’Angleterre le vintein-
Et At l’entre- j a guerre tut en enet declaree a iü g •
^UrlaN’ S ^cle dfeS £
t&r fesfe nsr*
r “ ire- î;.rï
York ne difeontinuoient point depuis quelques annees^d^
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 54?
foulever les Nations Iroquoifes , Sujettes de Sa Majeffié , quils — - -
les obligeoient de faire la guerre aux François , leur four- 1 08 9*
niffoient pour cet effet des armes & des munitions , & avoient
cherché par toutes fortes de moyens , fans égard aux défen-
fes du Roy d’Angleterre , & àlafoy du Traité , à ufurperie
commerce des François dans les Pays , dont ceux-ci étoient
en poffeffion de tout tems. Que pour toutes ces raifons Sa
Majeffié avoit ordonné au Sieur Begon , fon Intendant à lio-
chefort dans le Pays d’Aunis & dans la Saintonge , de pré¬
parer toutes les munitions néceffaires , & avoit fait armer
dans le Port de Rochefort deux de fes Vaiffeaux fous le Com¬
mandement du Sieur de la Caffiniere , lequel devoit fui-
vre exaftement les ordres du Comte de Frontenac.
. Que fon intention étoit donc que ledit Comte de Frontenac Pian de cette
partît au plûtôt „ & s’embarquât fur un des Vaiffeaux, que EntrePrife-
commandoit le Sieur de la Caffiniere , pour fe rendre d’a¬
bord à l’entrée du Golphe S. Laurent , puis à la Baye de
Camceaux en Acadie : qu’y étant arrivé , il paffât fur le meil¬
leur des Vaiffieaux Marchands , qui larmoient fuivi, pour fe
rendre à Quebec; mais qu’avant que de fe féparer du Sieur de
la Caffiniere , il lui ordonnât d’attendre de fes nouvelles , &
de fe faiûr de tous les Bâtimens Ennemis, qu’il pourroit ren¬
contrer pendant fon fejour à la Côte ; que pour lui , dès que
le tems & l’occafion le permettroient , & même , s’il étoit pof-
fible , dès l’entrée du Fleuve S. Laurent , il détacheroit le
Chevalier de Callieres , afin qu’il pût arriver avant lui à Que-
bec , & y faire les préparatifs néceffaires pour l’entreprife de
la Nouvelle York: qu’il eût foin furtout de garder un grand
fecret , & qu’il tâchât de couvrir ces préparatifs fous les pré¬
textes , qu’il jugeroit les plus convenables & les plus piau-
ffibles.
Qu’il étoit auffi très-important d’ufer d’une grande diligen¬
ce , Sa Majeffie étant perfuadee que l’Entreprife ne pouvoit fe
faire dans un autre tems , que dans celui de l’Automne ; qu’ainfî
le Comte de Frontenac , auffitôt après fon arrivée à Quebec ,
en partît avec les Batteaux , & tout l’équipage néceffaire ,,
accompagné du Chevalier de Callieres , qui commanderoit les
Troupes fous fes ordres ; qu’il enverroit en même tems fes
Inffiruffiions en chiffre au fieur de la Caffiniere , & lui recom¬
manderait de faire voile pour Manhatte , fans rien entrepren¬
dre fur fa route , de fe rendre Maître de tous les Bâtimens >
Tome I. Z z z
’m
» ■ ..
.,<5 histoire generale
- — ou’il trouveroit dans la Baye ; mais de ne s’expofer à aucune
16891 aventure , qui pût le mettre hors d’état de fervir a 1 entreprife ,
dont il étoit queftion.
Que comme il n’étoit pas poffible de marquer un tems cer¬
tain , auquel le Sieur de la Caffiniere & le Comte de Fronte
nac pourroient arriver enfemble, chacun de leur cote, 1
propos que le premier allât droit dans la Baye de ’
d’autant plus que l’attaque des premiers Polies de **
velle York avertiroit la Capitale , & qu ainfi les Va iffeaux
y arrivant avant les Troupes de Teire , v caueroi
diverfion utile ; que comme le Comte de Frontenac auroit
avec lui toutes les forces de la Nouvelle France, il dev,°1^™’!
fon départ de Quebec , concerter avec le Marquis dUfonon-
ville les mefures , qu’il y auroit a prendre pour la furete de
la Colonie contre les courfes des Iroquois , & donner Je
ordres au Chevalier de Vaudreuil, lequel de7olt co"ïï“dï ?
dans le Pays pendant l’Expédition , apres le départ du Marqu
de Dénonville , & dont les Inftruaions dévoient etre dreflees
par les deux Généraux. , y?
Ce qui devoit ^ La Nouvelle York foûmife , le Comte de Frontenac de
fe faire après ■ biffer les Anglois Catholiques , q“.1,voludroie"‘ L_n
meurer, en s’affûtant de leur fidélité ; diftribuer aux Fran
cois , qu’il y établiroit , les Artifans & autres Gen de 1er
vice , dont ils auroient befoin ; retenir Pnfonniers les Offi¬
ciers & les principaux Habitans , dont on pourroit elpere de
bonnes rançons , & envoyer tout le refte , Hommes &Fe««:
mes dans la Nouvelle Angleterre , ou dans 'a Penfylvame ,
mais comme il ne devoit pas attendie 1 arriéré P ,
tourner à Quebec, au rifque d être arrête en c e P j
glaces , il avoir ordre de confier 1 1 execution de ' tout ce qu
refteroit à faire au Chevalier de Callieres , a qu ,
ftinoit le Gouvernement de la Nouvelle York , & de la Ville
& Fort de Manhatte , fous l’autorité du Gouverneur General
de la Nouvelle France. Enfin un des principaux fruits de la
viâoire devoit être une paix folide avec les Cantons Iro¬
quois, qui ne pouvant plus efperer detre fecourus des An-
elois, ne ferment plus tentés de remuer ;& pour oter aux au¬
ra Colonies Angloifes la facilité dé faire aucune Entreprife par
Terre contre nous ; il étoit expreffement ordonne au Com
de Frontenac de détruire toutes les Habitations voiûnes de
Manhatte , & de mettre toutes les autres fous contribution.
cette
£€
r
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 547
Un projet fi bien concerté , & dont l’exécution étoit con- 16 8 9 7
fiée à des Officiers , dont le nom feul fembloit en garantir le L.cntre ^
fuccès , avoit un défaut , qui le fit échouer. Il dépendoit du écto-T&
concours de deux chofes , fur lefquelles on ne peut jamais Pour<îuoi-
compter fûrement ; à fçavoir , les vents favorables , & une
diligence égale dans tous ceux , qui étoient chargés de tra¬
vailler aux préparatifs. Le plan , que le Gouverneur de Mont¬
real avoit propofé étoit beaucoup plus fimple , que celui,
qu’on choiut : il étoit d’ailleurs moins coûteux : il ne dépen¬
doit point des caprices de la Mer & des vents , & tout y
rouloit fur une feule tête , & la meilleure , qui fut en Cana¬
da. En y ajoûtant quelques précautions fort aifées à prendre
contre les Iroquois , il auroit infailliblement réuffi ; mais de
la maniéré , dont les chofes étoient arrangées il falloit une
efpéce de miracle , pour parvenir au but , qu’011 fe propofoit.
Ce n’efi: pas que les mefures ne fuffent bien prifes de la part
du Roy & de fon Minifire ; mais la moindre faute dans l’exé¬
cution d’un feul article , fuffifoit pour tout déranger , & on en
fit plufieurs. La première fut la négligence de ceux , à qui
on avoit confié l’armement des Vaifleaux. » Le radoub de la «
Fregate , l Embufcade , dit M. de Callieres dans une de fes «
Lettres , qui nous a fait attendre vint-fept jours à la Rochel- «
le , a caufé ce retardement , avec la néceffité d efcorter les «
Vaifleaux Marchands , la plûpart fort chargés , & mauvais «
voiliers. «
Il arriva de-là que M. de Frontenac ne put être que le dou¬
zième de Septembre à Chedabouftou , qui avoit été afligné
pour le rendez-vous des Vaifleaux ; & les Navires Marchands ,
que des brumes continuelles pendant huit jours avoient fépa-
rés de lui fur le grand Banc de Terre-Neuve , ne le joigni¬
rent que le dix-huit. Le lendemain il quitta F Embufcade 3 fur
laquelle il avoit fait le voyage jufques-là , & s’embarqua fur
le Saint François Xavier , après avoir concerté avec M. de
la Caffiniere ce qu’il convenoit de faire dans une faifon fi
avancée. Les Infiruftions , qu’il luilaifîa, prouvent que , s’il ne
renonçoit pas encore à l’Expédition de la Nouvelle York , il
ne comptoitpas beaucoup fur la réuffite.
Elles portoient que dès qu’il auroit achevé de faire de l’eau données^* m?
& du bois , il mettrait à la voile avec le Fourgon pour efcor- de la Caffinie-
ter F Union jufqu’au Port Royal , où ce Navire devoir dé- rcPar,eC°m-
çharger des munitions & des vivres ; qu’il enlèverait tous les Fr°me"
Z z z ij
1689*
M. de Fronte
aac arrive à
Montreal.
g HISTOIRE generale
Bâtimens Anelois , qu’il rencontrerait en fon chemin ; fans
néanmoins s’engager en aucun combat hazardeux , ou qui
nût retarder fon voyage ; qu’il tâcheron furtout d avoir quel¬
que Pilote Anglois , qui pût lui faire connaître les bons moui -
lbes depuis Ballon jufqu’à Manhatte ; qu il ferait le moins de
fefour , qu’il lui ferait poffible , au Port Royal , où il.pren-
droit toutes les connoiffances néceffaires pour 1 executioi
fon deffein, fans le découvrir qu au feulM. de Mannevl,
Gouverneur de l’Acadie , fa.fant entendre a tous les autres
qu’il n’avoit ordre que de croifer le long des Cotes , & a e .
bêcher les Ennemis de continuer leurs ravages.
P Qu’il irait enfuite à Manhatte en droiture , &f^'lpou-
vok arriver dans la Baye avant le premier jour de Novem¬
bre il n’aprocheroit point à la vue de la Ville , ni du tort ,
mais fe tiendrait en quelque bon mouillage
me du même mois , & employeroit ce teins a difpofe tou
chofes pour le débarquement; qu alors il ne ferait plus au
cune difficulté de fe montrer ; mais qu’il fe tiendra, hors e
la nortée du Canon , en faifant femblant de nette la , que
pour croifer à l’entrée du Port , afin d’empecher que rien 11 y
entrât", ou n’en forât. Que fi , après avoir attendu jufau au
dixiéme de Décembre , il ne recevoir aucune nouvel e de
uart il pourroit reprendre la route de Franc ; . ^
paffant par le Port Royal, il y débarquerait toutes les mu¬
nitions & les vivres deftinés aux Troupes de Terre ^^es^y
ferait enfermer dans des Magafins , afin que ,
vante on vouloir tenter de nouveau 1 Entreprife de la Nouvelle
York, on pût les y trouver. ~ • e. il
Ce fut en effet le parti, que prit M. de la Cafi n •
avoit fait plufieurs priées, avant que darirver au ’
il en fit encore quelques-unes dans la fuite ; mais y
de Apparence que les vents contraires ne lui permirent point
d’entrar dans ce Port , ni en allant à Manhatte , n. a fon re-
raur car nous verrons bientôt cette Place dans une grande
difette de tout ce que cet Officier avoit ordre dy laiffer. M.
de Frontenac de fon côté partit de Chedabouclou le dix-
neuvième de Septembre af tous les Navires qui etoient
deftinés pour Quebec , & il ne put gagner Me Percee, qt
le vint-cinquiéme. Il ne voulut pas y mouiller , & 1 le con
tenta de faire mettre en panne à la jûe de l hablta“°"; •
Les PP. Recollets vinrent auffitot a fon bord, & llaPPr -
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 549
d’eux que la Nouvelle France étoit dans une grande conffer-
nation , caufée par une irruption des Iroquois dans ride de
Montreal. Cette nouvelle , dont on n’avoit pu lui apprendre
les particularités , lui fit chercher avec emprefîèment une com¬
modité pour envoyer devant lui le Chevalier de Callieres , fui-
vant l’ordre , qu’il en avoit reçu du Roy ; mais il 11’en put
trouver aucune. Ils continuèrent donc leur route enfemble , &
mouillèrent devant Quebec le douzième d’Oèiobre ; ils en par¬
tirent le vintiéme , & le vint-feptiéme ils arrivèrent à Mont¬
real ; ils y trouvèrent M. de Dénonville & M. de Champigny
dans le plus grand embarras , qu’il Toit poffible d’exprimer , &
voici ce qui y avoit donné lieu.
Le vint-cinquiéme du mois d’Août , dans le tems , qu’on
fe croyoit le plus en fureté , quinze-cent Iroquois firent def-
cente avant le jour au Quartier de la Chine , lequel efi: fur
la Côte Méridionnale de l’Ide , environ trois lieues plus haut
que la Ville. Us y trouvèrent tout le Monde endormi , & ils
commencèrent par maffacrer tous les Hommes ; enfuite ils mi¬
rent le feu aux Maifons. Par-là tous ceux, qui y étoient ref-
tés , tombèrent entre les mains de ces Sauvages , & effuyerent
tout ce que la fureur peut infpirer à des Barbares. Us la pouf¬
fèrent même à des excès , dont on 11e les avoit pas encore cru
capables. Us ouvrirent le fein des Femmes enceintes, pour en
arracher le fruit , qu’elles portoient , ils mirent des Enfans tout
vivans à la broche , & contraignirent les Meres de les tour¬
ner pour les faire rôtir. Us inventèrent quantité d’autres fup-
plices inouis , & deux-cent Perfonnes de tout âge & de tout
fexe périrent ainfi en moins d’une heure dans les plus affreux
tourmens.
Cela fait , l’Ennemi s’aprocha jufqu’à une lieue delà Ville ,
faifant par tout les mêmes ravages , & exerçant les mêmes
cruautés , & quand ils furent las de ces horreurs ; ils firent
deux-cent Prifonniers , qu’ils emrnenerent dans leurs Villages ,
où ils les brûlèrent. Au premier bruit de ce tragique événe¬
ment , M. de Dénonville , qui étoit à Montreal , donna or¬
dre à un Lieutenant des Troupes , nommé la Robeyre , de
fe jetter dans un Fort , dont il craignoit que l’Ennemi ne s’em¬
parât. A peine cet Officier y étoit-il entré , qu’il y fut inveffi
par un Gros d’Iroquois , contre lequel il fe défendit lontems
avec beaucoup de valeur ; mais fes Gens , qui fe battirent
en défefperés ? ayant été tués jufqu’au dernier , & lui-même-
1689.
Irruption des
Iroquois dans
rifle de
Montreal ;
cruautés ,
qu’ils y exer¬
cent.
.-0 HISTOIRE generale
_ _ ]tant fort bleffé , les Affaillans entrèrent dans le Fort, &Ie
1 689- firent Prifonnier. . .
Alors toute l’Ifle demeura en proye aux Victorieux , qui
en .parcoururent la plus grande partie , lmffant par tout des
traces fanglantes de leur fureur , fans quil fut poffiblede s y
oppofer. Elle dura jufques vers la mi-Ottobre ; & comme
alors on n’entendoit plus parler de rien , le General envoya
les Sieurs du Luth & de Mantet dans le Lac des deux Mon¬
tagnes , pour s’affûrer de la retraite des Ennemis , afin de pou¬
voir donner quelque repos aux Troupes, qui depuis plus de
deux mois étoient nuit & jour fous les armes. Ces deux ü -
liciers rencontrèrent vint - deux Iroquois dans deux Canots ,
qui les vinrent attaquer avec beaucoup de fierte. Ils eliuye-
■ rent leur première décharge fans tirer ; après quoi ils les abor-
derent , & en tuerent dix-huit. Des quatre , qui remuent, un
fe fauva à la nage , les trois autres furent pris , & livres au
feu de nos Sauvages. , -
Projet Je ces Ce fut dans de fi trilles circonftances , que MM. de Fron-
ianvages. tenac & de Callieres arrivèrent à Montreal le vint-deux de
Novembre. Un de nos Sauvages, qui avoit ete fait Priion-
nier dans la déroute de la Chine , & qui s etoit fauve , apres
avoir eu les ongles arrachés , & les doigts manges , ou brû¬
lés , vint trouver les Généraux. 11 leur dit que le premier de -
fein des Iroquois avoit été de defcendre par la ,R™$r‘ \df
Prairies , qui fépare l’Hle de Montreal de celle de Mus , de
commencer leur attaque par l’extrémité Orientale de la pre¬
mière ; de la ravager toute entière en remontant a 1 Ucci-
dent ; & de n’y pas laiffer un feul François ; quil ne fça-
voit pas ce qui les avoit empêché de fuivre ce plan ; mais
qu’ils dévoient bientôt revenir , pour achever pendant 1 y
i ver ce qu’ils avoient commencé ; qu’enfu.te ils fe propofoient
de fe rendre Maîtres de la Ville au primeras , & qulls
voienty être joints par un grand nombre dAnglois & de
Mahingans ; qu’ils prétendoient paffer de -la aux Trois Riviè¬
res , puis defcendre à Quebec , où ils compto.ent de trouver
/lote Angloife , & qu’ils fe flatoient qua la fin de cette
. . A. _ _ «Jur A p* FraïirnK PII v^cLllcLCici»
MM. deDé-
tonville & de
Champigny
'ont d’avis d’a-
Dandonnen
Catarccouy.
une note miEiuuc , ^ , ;; . * ^ i
Campagne , il ne referait plus de François en Canada.
M‘ de Frontenac comprit alors de quelle importance il
eût été qu’il fût arrivé trois mois plûtôt , parce que quand
bien même il n’eût pas conquis la Nouvelle York , il auroit
du moins empêché ce qui venoit d arriver , en mettant les
DE LA NOUVELLE FRANCE-. Liv. XII. 551
Iroquois & les Anglois fur la défenfive. Pour furcroît de cha- — yr —
grin il apprit que , félon toutes les apparences , le Fort de 1 6 b 9*
Catarocouy étoit évacué & ruiné. En effet M. de Dénonville
avoit envoyé ordre à M. de Valrenes , qui y comman¬
dait , d’abandonner ce Polie, après en avoir fait fauter les
Fortifications , & de brûler les vivres , qu’il ne pourroit pas
emporter , & tout cela , fuppofé qu’il ne lui arrivât point de
Convoi avant le mois de Novembre. Cette nouvelle furprit
d’autant plus le Nouveau Général , que ces ordres avoient
été donnés , fans attendre ceux du Roy , que M. de Dénon¬
ville avoit demandés lui-même à ce fujet , & qu’il s’y étoit dé¬
terminé , après que les Iroquois lui eurent fait dire infolem-
ment qu’ils vouloient qu’on démolît cette Place.
Comme il fe récria beaucoup fur cette démarche , M. de
Dénonville & M. de Champigny lui reprefenterent que le
Fort de Catarocouy étant fitué dans le fond d’une Baye , &
n’occupant aucun pafiage , fon utilité étoit fort bornée ; que
l’on n’y pouvoit envoyer des Convois , qu’avec de grolfes
dépenfes ; qu’il y falloir porter jufqu’au bois de chauffage , la
Garnifon ne pouvant pas y être allez forte , pour en aller
couper dans la Forêt , fans être expofée aux furprifes des Iro¬
quois ; & que pour augmenter cette Garnifon , il faudroit
dégarnir des Polies plus nécelfaires. Ces raifons étoient au
moins fpécieufes ; mais le Comte de Frontenac n’étoit pas
aifé à perfuader , quand ce qu’on lui propofoit , n’étoit pas de
fon goût. D’ailleurs le Fort de Catarocouy étoit fon ouvrage ,
& portoit fon nom.
Dans le vrai un Polie avancé de ce coté - là étoit d’une de-
grande commodité , & celui-ci ne déplaifoit aux Iroquois , ^cde0^°cn0n'
que parce qu’il les gênoit ; mais j’ai déjà remarqué qu’il eût fervex ce vil
été beaucoup plus avantageufement placé à la Galette. Il fe- {ic'
roit plus proche de Montreal de vint lieues : on peut prati¬
quer un chemin par Terre pour le ravitailler en tout tems ;
avec du Canon 011 y feroit en état d’empêcher les Iroquois
de paffer le Fleuve en cet endroit. Cependant lî le Fort de
Catarocouy 11’avoit pas tous ces avantages , il en avoit alfez
pour balancer les inconveniens , qu’on trouvoit à le garder ,
& il 11e falloit point l’abandonner , qu’on n’en eût conftruk
un plus avantageux.
^autre part plufieurs Perfonnes,à qui le Gouverneur Gé¬
néral vouloit du bien , avoient un grand intérêt à fa confer-
i 6 8 9'
2 HISTOIRE GENERALE
Vatiôn : il leur ëtoit fort commode pour la Traite , qu ils y
faifoient fouvent au préjudice du bien public ; & cette raifon
navoit pas été une cies moindres , qui avoient engage MM.
aq Dénonville & de Champigny à le laiffer tomber ; mais en-
des Enfans de France , avoir remis toute 1 autorité a fonSuc-
ceffeur , & dans l’affaire , dont il s agiffoit , il fe borna aux
fimples reprefentations , que l’Intendant apuya de fom mieux.
-, , k ac Le Comte de Frontenac n’y eut aucun egard , c, comme
grands pépa- par un article de la Lettre de M. de Dénonville au Sieur de
rati ts pour le | ce Commandant pouvoir attendre tout le mois de
ravitailler. ^ d,,vacuer Catarocouy , le nouveau 1 Gé¬
néral efpera d’avoir le tems de lui envoyer un contrordre ,
& un éonvoi capable de le mettre en état defe foutemr dans
cette Place. Il fit clone équiper en diligence vint cinq <-a'
nots il y joignit le Détachement , que Ion Predeceffeur avoi
fait préparer pour faciliter la retraite de la Garmfon , & leur
donna une Efcorte de trois-cent Hommes , tant François ’ ^
Sauvages la plûpart Iroquois du Sault b. Louis Cx. c
Montafne’, quf J fe voyait pas en fùreté dans leurs Villa-
aes s’étoient réfugiés a Montreal. .
II avoir encore une autre vûë en faifant ce grand Deta-
chemênt ; il avoit ramené de France les Iroquois , qui a
été condamnés aux Galères , .1 vouloir en envoyer Juelques-
uns dans leurs Cantons , pour y annoncer ie retour de tous
ies autres & les avertir de les venir chercher.^
quelque diligence , qu’il eût ufé , fon Convoi ne put être pr« ,
que le dixième de Novembre , & 1 ayant conduit lu - m me
jufqu’à la Chine, il n’y avoir pas deux heures ,qu.l eto» de
retour à Montreal , que le Sieur de Vairenes y arm a . avec la
Garnifon , compofée-de quarante - cinq Hommes Y
ü-rdu fix , qui s’étoient noyés en paffant un Rapide.
1 II avoit ürûlé , ou jette dans l’eau toutes les Pï?vl^°“* ^
toutes les munitions, qui auroient pu lembarraffer dans f
marche enfoncé dans le Havre trois Barques, qui lui ret-
toieut avec leurs ancres & les Canons de fer , tian porte e
Canons de fonte jufqa’au Lac S. François ou .lies aw.tca-
chés miné les Baftions , les Murailles du Fort lx les i ours ,
mifdes mèches allumées par un bout en pluf.eurs endroits ;
& comme après trois ou quatre heures e ma ,
i 1 _ j il dnnroit DOint que tout n eui
XI eft évacué. Il
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. m
fauté en l’air. 0n peut juger du chagrin , que conçut le nou¬
veau Gouverneur Général , de voir ainfi fes préparatifs inu¬
tiles , par les raifons , que j ai dit qu’il avoit de s’intéreder à
la conservation du Fort de Catarocouy , & par la vivacité ,
qu’il avoit témoignée à ce Sujet. Il ne s’en confola , que dans
l’efperance de le rétablir , comme il fit bientôt après.
L entrepnfe de la Nouvelle York lui tenoit aufii toujours
extrêmement au cœur , & le Chevalier de Callieres , qui
étoit venu à bout de la faire goûter au Marquis de Dénon-
ville , en écrivit en ces termes au Marquis de Seignelay. >,M.
de Dénonville vous dira , Monfeigneur , de quelle impor¬
tance ileft que le Roy fe rende Maître de la Nouvelle York,
& de prévenir les Anglais fur le deffein , qu’ils ont de perdre
ce Pays par le moyen des Iroquois , avec lefquels il ne faut
point efperer de faire la paix par la voye de la négociation ,
tant que nous ferons en guerre avec les Premiers. Si nous de¬
meurons fur la défenfive , on ne peut éviter la ruine de cette
Colonie ; ces Sauvages continueront leurs courfes , brûleront
& Saccageront tout, fans qu’on puide s’y oppofer , y eût-il
même deux fois plus de Troupes dans le Pays ; mais en s’em¬
parant de la Nouvelle York , on les réduit à demander la
paix aux conditions , qu’on voudra leur impofer.
Cette Expédition fe peut faire devant & après la moiffon ,
& il y a deux moyens de l’exécuter. Le plus Sûr efi: de faire at¬
taquer Manhatte avec Six Vaideaux , & douze-cent Hommes
de débarquement , pendant que les Troupes du Canada atta¬
queront Orange par Terre. L’autre moyen efi: de moins de
dépenfe ; il confifie à envoyer en Canada trois-cent Hommes
de Recrue qu’on joindra à un pareil nombre de vieux Sol¬
dats , pour garder les principaux Pofies du Pays , tandis qu’a¬
vec mille Hommes des Troupes du Roy , & trois à quatre cent
Habitans on ira faire le fiége d’Orange. Quand cette Ville
fera prife , on y laidera une bonne Garnifon , puis on ira
attaquer Manhatte ; mais pour réudir dans ce fécond fiége ,
il efi: nécedaire d’avoir deux Frégates , qui puident mettre à
Terre trois-cent Hommes , pour remplacer ceux , qu’on au-
roit laides à Orange , & pour la garde des Canots. Il fau-
droit envoyer ces deux Frégates dès le mois de Mars au Port
E°yal 5^ & en même tems pourvoir à la fureté de ce Pofie ,
•expolé à être enlevé par les Anglois de Bafion ; & une troi¬
sième Fregate à Quebec , pour y porter les ordres de S. M.
Tome L A A a a
1689.
Nouvelles
proportions
pour la cbn-
quête de la N.
York.
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c?4 HISTOIRE GENERALE
—75- — ieS trois-cent Hommes de Recrue , la farine ,«c les autres pro-
1 ” vidons néceffaires. l . ,
Ce qui rem- Le Minière ne pouvoit que goûter beaucoup ce projet du
pêche d’avoir Gouverneur de Montreal, quil connoiffoit pour un aes Um-
<°ncffct' ciers de la Colonie, qui propofoit le plus fagement, & qui
étoit plus capable d’exécuter tout ce qu’on lui confierait ;
mais tandis qu’on étoit occupé en Canada à chercher les
moyens de faire des conquêtes fur les Ànglois , on y eut avis
qu’ils prenoient eux-mêmes des mefures pour s’emparer du
Canada. Peut-être avec plus de diligence les auroit-on pré¬
venus ; mais il n’étoit plus tems , lorfquon fut inftruit de leur
deffein. Il fallut donc renoncer encore une fois a une con-
quête néceffaire à la tranquillité de la Nouvelle France , pour
faire tête à un Ennemi , qui avoir pris les devants , oc qui
avoit fur nous cet avantage , qu’il pouvoit trouver en Amé¬
rique des forces fuffifantes pour nous accabler : par bonheur
pour nous elles ne furent pas mifes en de bonnes mains.
Cependant la Campagne de 1689. n’avoit pas ete malheu-
reufe dans toutes les parties de la Nouvelle France. Tandis
que les Iroquois portoient le ravage dans e centre de la Co¬
lonie d’Iberville & les Freres foûtenoient dans le Nord 1 hon¬
neur des armes Françoifes , & nos braves Abénaquis nous ven-
geoient aux dépens des Anglois , de tout le mal , que leurs
Alliés nous avoient fait à leur inftiganon.
Dès les premiers jours de May on apprit a Ouebec pai
deux Canadiens, qui étoient partis en raquette le cinquième
de Janvier du Fort de S. Louis dans le fond de la Baye d Hud-
fon , que d’Iberville y étoit arrivé au mois dOÛobre piece-
dent : que LA J ertè , fon Lieutenant , ayant rencontre a
trente lieues du PortNelfonle Gouverneur de Niewfavanne
Place fituée fur la Côte Occidentale de la Baye , l^voit tait
Prifonnier , qu’il lui avoit enlevé les Papiers ,& quil y avoit
trouvé des Lettres des Direüeurs de la Compagnie de Lon¬
dres , contenant des ordres de proclamer le Prince «6c la
Princeflè d’Orange Roy & Reine de la Grande Bretagne , dans
la Baye , que cette Compagnie prétendoit appartenir toute
entière à la Couronne ü Angleterre. . , , » ,
Cette prétention fi contraire à ce qui avoit ete arrête en¬
tre Louis XIV. & Jacques II. fut bientôt foutenue de deux
Navires , qui parurent à la vûë du Fort de Sainte Anne , ou
d’Iberville venoit de fe rendre. L’un de ces Bânmens avoit
Expédition
de M. Alber¬
ville dans le
Nord du Ca¬
nada.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 5^5
dix-huit pièces de Canon & quatre Pierriers , l’autre avoit un — - - —
pareil nombre de Pierriers & dix Canons; tous deux étoient
chaiges dune grande quantité d armes, de munitions & de
vivres , & leurs équipages faifoient en tout quatre-vint-trois
Hommes , parmi lefquels il y avoit onze Pilotes , de douze ,
que la Marine d’Angleterre entretenoit pour la Baye d’Hud-
lon ; aufîi ne fe promettoient-ils rien moins que de chaffer les
François de tous les Polies , qu’ils y occupoient.
Iis n oferent pourtant les attaquer d abord à force ouverte ,
quoique d’Iberville 11’eût avec lui , que très-peu de monde ; &
même après les premières hoûilkés , qui ne leur réuffirent
pas, ils propofeient un accommodement , que dlberville ne
crut pas devoir rejetter ; mais comme il coimoüToit l’Enne¬
mi , auquel il avoit à faire , il fe tint fur fes gardes , & bien
lui en prit. Il 11e fut pas lontems , fans s’apercevoir que les
Anglois n’avoient eu en vue que de l’endormir , pour tomber
ur lui , des quils le verroient lans défiance , & il refolut de
les prévenir.
Pour le faire plus fûrement , il affeRa plus que jamais une
grande fécurité ; mais il drefta aux Ennemis plufieurs embuf-
cades , dans lefquelles ils tombèrent. Il leur enleva ainlî vint &
un de leurs meilleurs Hommes , entr’autres leur Chirurgien ,
& un de leurs premiers Officiers ; & après qu’il les eut ainlî
afFoiblis , il les envoya fommer de fe rendre Prifonniers de
guene. Ils iepondirent quils ne pouvoient le faire avec hon¬
neur , étant encore au nombre de quarante en état de fe bien
défendre, fans les Malades.
Sur cette reponfe d’Iberviile détacha quatorze Hommes fous
la conduite de Maricourt , fon Frere , avec ordre de harce¬
ler les Anglois , tantôt dans une petite Me , où ils étoient
campes , & tantôt fur leurs Navires , qui étoient arrêtés dans
les glaces. Il le fuivit lui-même au bout de deux jours , &
après qu on fe lut canonné pendant quelque tems , fans fe
faire beaucoup de mal de part & d’autre , d lberville envoya
de nouveau iommer le Commandant , avec ménace de ne
faire aucun quartier , s’il differoit de fe rendre.
L’Anglois lui écrivit qu’il y avoit un Traité entre les deux Succès,nUei-
Couronnes , & qu’il étoitfurpris qu’il y eût fl peu d’égard. D’I- leejr-
berville répliqua qu il n’avoitpas été le premier à y donner at¬
teinte ; qu’au relie il prétendoit qu’011 lui remît les deux Navi¬
res , & tous leurs équipages. On lui demanda un délai jufqu’au
AAaa ij
i 6 8 (-) ,
Entreprife des
Canibas fur
femkuic.
k histoire generale
lendemain , & il l’accorda. Ce terme expiré il envoya fort
Interprète chercher la réponfe , qui fut remile par écrit a cet
Homme. Elle contenoit entr’autres chofes , que 1 on confen-
toit à remettre les deux Navires au Commandant François
avec toutes leurs charges ; mais que fur cela il nayeroit es
gages des Officiers , qui fe montoient a lafomme de deux m
cina-cent livres , & qu’il donneroit à ces memes Officiers un
Bâtiment avec tous les agrès , pour les porter par-tout , ou
ÜS CeÆ accordé', avec quelque reftriaion néanmoins fur
le nombre des Anglois , aufquels .1 feroit permis de fuivre
, OH’ciers Tous les autres demeurèrent Pnfonmers, &
Ïlb rSlt eu furtout attention à ne relâcher aucun Pilote
An mo s de Juin M. de Sainte Helene étant venu joindre fes
deux Freres , remit à M. Alberville un ordre du Gouverneur
Général de mener à Québec la plus confiderable de fes deux
nrifes • il obéit , & partit de Sainte Anne le douzième c e Sep¬
tembre avec Sainte Helene , & les principaux d entre les Pn-
fonniers biffant à Maricourt trente-fix hommes pour garder
St le Polies du fond de la Baye , où U y avoir bien de
Vannarence que les Anglois ne tarderoient pas deffayer d a-
voir leur revanche. Il rencontra fur la route un Navire d n-
gleterre , où étoit le jeune Chouart , qui n w 'oit pu encore^ .
urer des mains des Anglois depuis la furpnfe du Port INelion .
l avent grande envie d’attaquer ce Bâtiment ; mais il n avoir
pas afedT Monde pour cela , & il avoir des Pnfonmers a
garAu défaut de la force , il tenta la rufe : il arbora le Pa¬
villon d’Angleterre , & le Capitaine l’ayant pris en effet pour
„ Angioi.8, convi» kt f M.
d’ibervllle porteroit le feu pendant la nuit & . qu au prenuer
beau tems ils fe vifiteroient. Le deffein de dlberviile etoit
d’arrêter le Capitaine & l’Equipage de la Chaloupe , quan
fis vfendroient à fon bord /puis d’aborder le tareAn-
vlois ou il efperoit de ne pas trouver beaucoup derefiff
fe • mais ils eurent le tems fi rude jufqua 1 extrémité au. De¬
troit d’Hudfon , qu’il fallut fe féparer , fans s etre vus , & d -
berville arriva heureufement à Quebec le vmt-cmquieme d O-
ft°rfcbec nue les Anglois reçurent cette même année de la
part des Cambas , eut encore quelque chofe de plus humiliant
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. ^ 7
pour eux , que la maniéré dont ils avoient été traités dans
la Baye dHudfon. Ils setoient poffés dans un Lieu , nommé
P ankuit 3 fitué entre la Riviere de Pentagoët & celle de Ki-
nibequi , & ils y avoient fait un fort bel Etabliffement , dé¬
fendu par un Fort , qui netoit à la vérité que de pieux , mais
allez regulierement conffruit , avec vint Canons1 montés. Ils
incommodoient extrêmement de-là tous les Sauvages des en¬
virons , toujours ouvertement déclarés pour les François , &:
ils ne caufoient pas moins d inquiétude au Gouverneur de
l’Acadie , lequel craignoit avec raifon l’effet de leurs intrigues
pour détacher ces Peuples de notre Alliance. C
Enfin un Parti de cent Guerriers , la plûpart Canibas , fe
mit en Campagne le neuvième d’Août , pour chaffer les An-
glois d’un Polie fi important , & pour fe délivrer de Voifins
fi fâcheux. Ils etoientd un Village près de Pentagoët, où unEc-
clefiaftique , nommé M. Thury , bon Ouvrier , & Homme de
tête , gouvernoit une affez nombreufe Miffion. La première
attention de ces braves Chrétiens fut à s’affûrer le fecours
du Dieu des Armees : ils fe confefferent tous , plufieurs com¬
munièrent , & ils eurent foin que leurs Femmes & leurs En-
fans s acquitaffent du même devoir , afin de pouvoir lever au
Ciel des mains plus pures , tandis que leurs Peres & leurs
Maris combattroient contre les Hérétiques. Tout cela fe fit
avec une piete , qui repondoit au Millionnaire du fuccès de
l’entreprile. On établit dans la Chapelle le Refaire perpétuel
pendant tout le tems de l’Expédition , les heures mêmes des
repas n’interrompant point un Exercice fi édifiant.
Les Guerriers firent le voyage par Mer le long de la Côte ,
& en s’embarquant ils détachèrent trois Canots pour aller à
la decouverte, avec ordre de rejoindre l’Année à deux lieuës
de Pemkuit , où elle devoit faire le débarquement. Quand
ils y furent tous arrivés , ils marchèrent par Terre avec tant
de précaution , qu’ils fe trouvèrent aux premières Habitations
Angloifes , fans avoir été aperçus. Ils avoient fait trois Pri-
fonniers fur leur route , & ils apprirent d’eux qu’il y avoit
environ cent Hommes dans le Fort & dans le Village. Sur
cet avis ils réfolurent de commencer p^r attaquer l’Habita¬
tion. Après avoir fait leur Priere , ils fe mirent en chemife r
& donnèrent de furie fur les Maifons , briferent les Portes ,
firent main balle fur tout ce qui fe mit en devoir de réfiffer ?
& lièrent tous ceux’, qui rendirent les armes*
i 6 8 c)«
Ils s’en ren¬
dent les Mai
très.
8 HISTOIRE GENERALE
’ Au premier bruit d’une attaque fi brufque & fi imprévue ,
le Commandant du Fort fit tirer tout fon Canon ; ce qui n em¬
pêcha pas les Canibas de s’emparer de dix ou douze Mailons
de pierres, bien bâties, &qui formoient une Rue tir.ee de la
Place du Village jufqu’au Fort. Ils fe retranchèrent cnluite ,
partie à l’entrée d’une Cave de la Maifon la puis voifine du
Fort, & partie derrière un Rocher, qui etoit au bord delà
Mer, & de ces deux endroits ils firent un fi terrible feu de
Moufqueterie fur le Fort , depuis le midi du quatorziè¬
me julqu’au foir , que Perfonne n’ofoit y paraître a decou-
VCLa nuit étant venue , ilsfommerent le Commandant de leur
livrer fa Place ,& un Anglois ayant répondu en le moc-
quant, qu’il étoit fatigué , & qu’il alloit dormir , on com¬
mença , comme de concert, de tirer de part &d autre ; mais
les Sauvages s’aprocherent du Fort à la faveur des tenebies ,
l’inveftirent , & firent toute la nuit bonne garde , pour em¬
pêcher que perfonne n’en fortît. Le lendemain, a la petite
pointe du jour , le feu recommença des deux cotes , & tut c a-
bord affez vif ; mais après quelques déchargés , les Anglois
cefferent de tirer , & demandèrent à capituler. Les Sauvages
s’aprocherent auffi-tôt , & jurèrent qu’ils ne feraient violen¬
ce a perfonne , pourvû que la Garmfon fortît fur le champ
de la Place. v , , A i
■ Le Commandant parut un moment apres , a la tete de qua-
• torze Hommes ; c’étoit tout ce qui lui enreftoit , oc de quelques
Femmes , tous portant un paquet fur le dos. Les Canibas
laifferent paffer T fans toucher à rien , & fe contenteren de
leur dire que, s’ils étoient fages , ils ne reviendraient plus
que les Nations Abénaquifes avoient trop d expériences de
leur perfidie , pour les laiffer jamais en repos , si s savi-
foient de fe remontrer dans leur Pays ; qu ils etoient les Maî¬
tres de leur Terre ; qu’ils n’y fouffnroient jamais des Gens
auffi inquiets & auffientreprenans qu’eux, & qui tes troubloxent
dans l’exercice de leur Religion.
Ils entrèrent enfuite dans le Fort , & n y commirent aucun
défordre , non plus que dans les Maifons , ou ayant trouve
une Barrique d’Èau-de-vie , ils la briferent fans en boire une
feule goûte , ce qui ell héroïque dans des Sauvages. Quand
ils eurent tout vifité , ils prirent ce qui etoit le plus a eur bien-
féance, & raferent le Fort & les Maifons. Quelques-uns
689.
Autre Expé¬
dition de ces
Sauvages.
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 559
vouloient qu’on allât encore chaffer les Anglois * d’une Me ,
qui eff à trois ou quatre lieues de Pemkuit ; mais le plus
grand nombre ne fut pas de cet avis. Toute la Troupe s’en
retourna à Pentagoët fur deux Chaloupes , quelle avoifenle-
vées aux Ennemis , après en avoir tué les Equipages.
La Garîiifon de Pemkuit prétendit n’avoir perdu que fept
Hommes dans ce Fort; mais on trouva une folle allez pro¬
fonde , toute remplie de Cadavres , & le Commandant dit
aux Sauvages , enfortant de fa Place , qu’ils avoient de bonne
poudre , & que leurs Fufils tiroient bien juffe. Il en avoit fait
lui-même l’épreuve ; car il avoit le vifage à demi - brûlé. Les
Canibas n’eurent qu’un Homme legerement bielle à la jambe,
& à leur retour ils affûrerentàM. Thury que, s’ils avoient deux-
cent François un peu accoûtumés au Pays , & qui voulurent
bien les fuivre , ils les meneroient jttfqu a Ballon.
Cette Expédition fut bientôt fuivie d’une autre encore plus
vigoureufe , & qui caufa une plus grande perte aux An¬
glois. Ceux - ci avoient au voilinage du Kinibequi quatorze
petits Forts allez bien munis. Les Sauvages de Pentagoët &
ceux de la Riviere S. Jean s’étant réunis, les furprirent tous ,
y tuerent jufq.11 a deux-cent Perfonnes , & en raporterent un
très-grand butin. Le principal avantage , que nous retirâmes
de ces courfes , fut quelles rendirent irréconciliables avec les
Anglois , ceux de tous les Peuples de ce Continent , qui étoient
plus en réputation de valeur , & que leur lincere attachement
a la Religion Chrétienne , & leur docilité naturelle retenoient
plus aifément dans notre Alliance.
Plufieurs Abénaquis fongerent même dès-lors à fe tranfpor- Pluficars Abé*
ter dans le milieu de la Colonie Françoife : ils n’étoient pas naciu!s fon-
encore tous Chrétiens ; mais ceux , qui n’avoient pas reçu le porter danTiâ
Baptême , fe difpofoient a le recevoir. M. de Dénonville , dans Colonie,
un Mémoire , que M. de Seignelay lui demanda après fon re¬
tour en France, fur la iituation des affaires du Canada, &
fui ce qu il convenoit de faire pour remedier aux défordres
de cette Colonie , dit que la bonne intelligence , qu’il avoit
entretenuë avec les Nations Abénaquifes par le moyen des Mif-
fîonnaires , & furtout des deux PP. Bigot , avoit fait tout le
fuccès de fes entreprifes contre les Anglois , & qu’on 11e pou-
voit rien faire de mieux , que d’attirer un grand nombre de ces
Sauvages à S. François.
Il ajoûte que les Anglois & les François font incompatibles
,<5o histoire generale
dans cette partie du Continent de l’Amérique ; que les pre-
i 689. mjers regardent nos Millionnaires comme leurs plus dange-
miers regardent nos ivuiuuima..« w.... — ------ plus dang<
Mémoire de reux Ennemis , & qu’ils n’avoient point eu de repos , qu Us
deDénoa- ^ euffent fait Rafler de tous les Cantons Iroquois : que,
la Religion même à part , il étoit très - important de mettre
tout en ufage pour les y rétablir , & d en avoir parmi tous les
autres Sauvages , fur lesquels ils ont pris un très-grand afee^
dant : que les Iroquois ont dans le fond plus deftime , &
même plus d’inclination pour notre Nation , que pour des An-
elois; mais que l’intérêt de leur commerce , ou plutôt le cré¬
ait , que le commerce leur donne , les retiendrait toujours
dans l’Alliance de ceux-ci : que l’union du Cierge avec le Gou¬
verneur Général & l’Intendant , étoit l’unique moyen de ^main¬
tenir l’ordre & la tranquillité dans le Pays : qu .l ferait a fou-
haiter que les Ecclefialliques & les Religieux fuffent par tout
auffi Gens de bien , & aiffi édilians , qu’ils ^ratent en Ca
nada; mais qu’ils y étoient trop peu a leur ^aife , &
n’avoient pas de quoi fe foûtemr : que les Polies eloig , e ,
& en particulier celui de Catarocouy etoient hors de portée
d’êtreïecourus à tems , & que fon avis etoit toujours qu on
avoit fort mal fait de les établir : que ceux , a f g
en étoit confiée , fe voyoient fouvent contraints A entrer d
les intérêts des Sauvages , ce qui nous attirait fans ceffe de
affaires de la part des Iroquois ,& fouvent le meP™ fe «os
Alliés qui ne pouvant pas toujours etre fecourus p P *
nous faifoient par reffentiment plus de “a! ’ ® rer
mêmes: qu’on auroit beaucoup mieux fait de ne pas entrer
dans les querelles de ces Peuples , & de les Imffer venir dtez
nous , pour y chercher leurs befoins , que de les P ’
comme on continuoitde faire , en leur P^XTÏibef-
difes au rifque d’être pillés en chemin ; fans parler du liber
finage affreux , où la jeuneffe fe livre dans ces voyages : que
les Anglois de Ballon & de la Nouvelle York avaient pro¬
mis aul Iroquois & à leurs Alliés la deflru&on entière de là
Colonie Françoife : que l’Acad.e en particulier etoit toujours
fur le point de^ tomber entre leurs mains , n y ayant pas ^da
cette Province un feul Fort capable de teli lanc , ^
Habitations y étant encore plus difperfees , que fur
c Tarent* au’il convenoit de fortifier le Fort de la tieve ,
afiii*d’y mettre les Vaiffeaux en foreté ; que ce Pofte : eto.t un-
finiment plus avantageux ? que Le Port R°ya 5
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII.
pas ai fé de fortir pour défendre la Côte , & qui eft trou éloi- TT —
gné de l’Ifle de Cap Breton , de celle de Terre-Neuve , & du ° 9‘
j*rand Banc : que toutes les Côtes apartenantes à la France
etoient très-poiffonneufes , & que la Pêche étoit bien plus ca¬
pable d’établir le Pays , & de l’enrichir , que le Caftor & l’Eau-
de-vie , qui jufques-là avoient prefqu’uniquement occupé les
Çolons : que le feul moyen de finir la guerre en Canada étoit
de fe lainr de Manhatte , & qu’on le pouvoit faire avec fix
Frégates & douze-cent Hommes de débarquement': que huit-
cent Hommes des Troupes & les Milices du Pays fe ren¬
draient aifément Maîtres d’Orange, & que Perfonne netoit
plus capable de faire réulfir cette Entreprife , que le Cheva¬
lier de Callieres ; mais qu’après la prife de la Capitale , il fah
loit la brûler , & ruiner le Pays jufqu’à Orange : que par le
moyen de ce Polie , où il feroit facile de fe maintenir , on
romproit toute communication entre les Anglois & les’lro-
quois , on forcerait ceux-ci d’avoir recours à nous , & on em¬
pêcherait nos Alliés de prendre avec eux des liaifons préju¬
diciables à notre fûreté : enfin que le Fort d’Orange nous fer-
viroit à tenir en refped toute la Côte de‘la Nouvelle Angle¬
terre , qui étoit très-peuplée & fans défenfe. 6
Tout étoit très-bien penfé dans ce Mémoire , & à peu de
chofes près , au fujet dequoi il y avoit dans la Colonie quel¬
que diverfité de fentiment ; il aurait été très-avantageux à la
Nouvelle France qu’on y eût eu jtius d’égard. Mais l’attention
de la Cour étoit toute entière à des objets plus intéreflans ,
• parce qu’ils étoient plus proches. Le Roy & fon Minière ne
purent difconvenir de l’utilité de la conquête de la Nouvelle
York ; mais on croyoit avoir befoin ailleurs de toutes les for-
ces du Royaume ; & la diligence , que demandoit une pareille
expédition , n etoit pas aufli facile , qu on fe l’imaginoit en Ca¬
nada. Ainfi on 1 ailla encore palier la failon propre pour en¬
voyer des Vaiffeaux & des Troupes. 1 ^ ^
M. de Sdgiehy manda donc au Comte de Frontenac & à le R„y
M._ de Champigny que les grands efforts , que Sa Maiefté tlu'<;a fc '}?"•
etoit obligée de faire pour tenir tête à toutes les Puiffances
de 1 Europe,, reunies contre la France, ne lui permettoient
pas d envoyer en Amérique les nouveaux fecours , qu’ils de-
mandoient , ni de penfer a aucune Entreprife de ce côté-là :
qu une forte défenfive lui paroiffoit pour le teins préfent plus
convenable à fon Service , & à la l'ûreté de la Colonie du
Tome I. BBbb
6 8 9«
1. de Fron-
tac travaille
jacrner les
^ O
>quois.
r HISTOIRE GENERALE
111 i ml’;i étoit furtout néceffaire1 de réunir les Habitant
Canada . qu i - i <?T ' fortifier contre les Sau-
dans des Bourgades a.fees a garder &afcn jjer co
ffJSSHs&teïa
fvoit ramées de France , pour faire avec eux une paix fol.de
& honorable. .. . r'inarla on ne
On voit par cette Lettre j’dolVdût’trouver de la difficulté
pouvoir comprendre que la Coût dut t Nouvelle
à faire un petit effort pour chaffer ks Ang.o . de ja iCou,
T 'S. toi' 3“ Franc^refulafleni de changer
leurs Habitations de place , & de finvre dans ^ ^ j^s
*s *s»*ir -
très jugeant du Canada par les Provinces du Roy“™? ’
pouvofent fe perfuader Ju’il pût fe rencontrer un obft^ e au
changemens , qu’ils proposent; c eft amfi que ce qu^
întprefie de nrès nous paroit feul neceffaire , oc q q
noustyon^anquer'fous nos yeux, nous femble pratiqua-
bl Il^eft pourtant vrai que ce que Ion exigeoit des Habita™
du Canada étoit beaucoup ‘tnoins aife ^“aue’ie projette
pouffé' lïeèora E“fc Æ
aurait coûté pour mettre une bonne fois le de de_
Zure^tTdl’s Lr Citons. Ceft dequor on pourra
fe rrezzr^c ^ -orkAts
perfuadé qu’après la conquête de la Nouvelle J°rk ; cejJ
louvoit faire de plus avantageux pour ^ Colonie tranço^
dont il reprenoit le Gouvernement , erait de rag
auois • plein de confiance quil y reuffiroit, il tondoit pri
^paiement fon efperance ffir ce que cette Nation lu. avmt do
ne pendant fon premier tejour dans ce a>5 > «rfl ne doutoit
ques d’eftime & d’attachement a fa Perfonne , & il ne
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 563
point qu’en fe remontrant à eux avec un grand nombre de — rr, -
leurs Chefs , dont il venoit de brifer les fers , ils ne repriffent 1 6 ^ 9*
d’abord leur premiers fentimeiis à fon égard.
Il étoit du moins fort affûté d’avoir mis dans fes intérêts
un brave Capitaine Goyogouin , nommé Oureouharé, le
plus accrédité de tous ceux , qu’il avoit ramenés de France ,
& qu’il avoit fort careffé pendant le voyage. Il le mena avec
lui à Montreal , où ayant trouvé un Ambaffadeur Iroquois ,
appellé Gagniegaton , qui étoit venu faire à M. de Dé-
nonville des proportions fort infolentes , Oureouharé lui con-
feilla de renvoyer avec lui quatre des Compagnons de fes
chaînes , pour avertir les Cantons du retour de tous leurs.
Chefs.
Le Comte fuivit ce confeil ; Oureouharé recommanda à
ces Députés de ne rien négliger pour engager les Cantons à
envoyer une Ambaffade à leur ancien Pere , en leur repre-
fentant qu’ils ne pouvoient fe difpenfer de le féliciter fur fon
heureux retour , & de le remercier des bontés , qu’il avoit eues
pour leurs Freres. Il les chargea encore d’affûrer la Nation
qu’ils retrouveroient dans ce Général ce qu’ils y avoient déjà
trouvé par le paffé , c’eff-à-dire , beaucoup d’effime & de ten-
dreffe ; & de déclarer en particulier à fon Canton , qu’il 11e re¬
tournerait point chez eux , h on ne venoit le redemander à
Ononthio , dont il étoit réfolu de ne fe point éloigner fans
fon confentement.
Les Députés partirent avec Gagniegaton , & s’acquittèrent Réponfe des
parfaitement de leur Commiffion. A leur arrivée les Cantons Canto"s. à fes
s’affemblerent , & envoyèrent leur réponfe par le même Am-
baffadeur , qui arriva à Montreal le neuvième de Mars 1690. 1 ^9°*
Il n’y rencontra , ni M. de Frontenac , ni Oureouharé , qui
étoient retournés à Quebec , & il fe paffa quelques jours ,
fans que le Chevalier de Callieres pût rien tirer de lui , ni de
ceux, qui l’accompagnoient. Ils fe laifferent néanmoins ga¬
gner a la fin par les bonnes maniérés de ce Gouverneur , Sc
lui préfenterent fix Colliers. Le premier marquoit le fujet de
leur retardement , caufé ,, difoient - ils , par l’arrivée des Ou-
taouais dans le Canton de Tfonnonthouan. C etoit le commen¬
cement d’une négociation entamée entre nos Alliés Occiden¬
taux , & les Iroquois , à l’occafion , que je dirai tout-à-l’heure.
On y étoit convenu de fe trouver au mois de Juin à un en¬
droit marqué ; & Gagniegaton , en expliquant ce Collier „
B B b b ij
.6a histoire generale
— - aioûta que c’étoit ainft qu’il felloit faire les chofes . quand cm
1 6 9 vouloit traiter de la paix , fans s’en raporter a des Etrangers.
Il vouloit donner à entendre que le Gouverneur General au-
roit du fe rendre „en Perfonne à Onnontague , ou en quei-
qu autre lieu , dont on feroit convenu , pour y parler d ac¬
commodement , ainfi. qu’on len avoit prie î y avoit on
Le fécond Collier témoignoit la joye , qu avoient eu les -
mands, c’eft-à-dire , les Hollandois , Hab, tans d Orange, &.
leslroquois du retour d’Oureouharé , qu il qualifioit de Cite t
Général delà Nation Iroquoife ; ce qui faifoit connoi re
concert & la bonne intelligence, qui regnoient entre les Can¬
tons , & la Nouvelle York. , .
Par le troifiéme , le Canton d’Onnontague demandoit au
nom de tous les autres le prompt retour de tous les lroquou
revenus de France , afin qu’on pût prendre avec eux les me-
fures convenables à la fituauon des affaires. LAmbaffadeur
aioûta qu’on avoit réuni à Onnontague tous les Prifonmers
François, qui étoient difperfés dans les autres antons ,
qu’on n’en difpoferoit , que fur le raport & de 1 avis d Oureou-
b arc. * ~ c ’
Le quatrième & le cinquième parloiertt des ravages faits
dans le Canton de Tfonnonthouan par M. deDenonviUe , de
là trahifon de Catarocouy , de l’abandonnement de ce Polte ,
& difoit que quand tout le mal feroit repare , & que les î cne-
mins feroient libres & lurs , Teganifforens iroit traiter e
paix avec Ononthio. . . i _ •
Par le fixiéme , Gagniegaton donnoit avis que des le mois
d’Oaobre précédent un Parti d’Iroquois etoit en campagne ,
mais qu’il ne devoit entrer en atlion , qua a pute es nei
ges, &que s’il faifoit des Prifonniers , on aureit foin de les
„ Bien traiter. „ Ufez-en de même , continua-trl , fi vous pre-
» nez quelques-uns des nôtres. J avois huit Pri onmers >e
„ défaite de* la Chine , j’en ai mangé quatre , J ai donne la vie
„ aux autres. Vous avez été plus cruels que moi ; car vous avez
„ fufillé douze Tfonnonthouans : vous auriez bien du en epar-
>, gner au moins un ou deux ; c’eft en reprefaille de cette exe-
» eution , que j’ai mangé quatre des vôtres. . . ,
m. derron- je Callieres lui demanda file P. Milet vivoit encore.
S" ü répondit qu’il étoit en parfaite fanté , ,&yVni f'Vfn.nÎé
dience à leurs puis huit jours pour s’en retourner dans la colonie, c q
Dépurés,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 565
fe trouva point vrai. Le Gouverneur lui demanda encore ~ — —
pourquoi les Agniers étoient venus faire des hoffilités contre 1 6 9 °*
nous ? la réponfe fut que les Mahingans ayant levé un Parti
de guerre de quatre-vint-dix Hommes, avoient engagé quelques
Agniers & quelques Onneyouths à les accompagner , quon
avoit couru après les Agniers pour les rappeller ; mais qu’on
s’y étoit apparemment pris trop tard.
M. de Callieres ne pouvant rien tirer de plus de ces Dé¬
putés , les envoya au Gouverneur Général ; mais le Comte
de Frontenac refufa de leur donner audience, par laraifon,
qu’ils avoient à leur tête un Homme , dont l’infolence l’avoit
choqué. Il reçut néanmoins allez bien ceux de fa fuite ; mais
il ne traita avec eux , que par l’entre mife d’Oureouharé , qui
parut même toujours agir en fon propre nom. Dès que les
Rivières furent navigüables , le Général leur fit dire qu’ils
pouvoient s’en retourner , & Oureouharé leur remit huit
Colliers , qu’il leur expliqua de maniéré à leur faire com¬
prendre que le Comte de Frontenac n’y entroit pour rien.
Ils portoient en fubffance qu’il prioit les Cantons d’effuyer Réponfe, que
leurs larmes, & d’oublier le paffé : qu’il aprenoit avec plai- fait Oureou-
fir la parole „ qu’avoient donnée les Outaouais , de rendre haré*
aux Tfonnonthouans tous les Prifonniers , qu’ils avoient fait
fur eux : qu’il étoit encore plus charmé de la réfolution , qu’a¬
voient prife fes Freres de fauver la vie aux François , qui tom¬
beraient entre leurs mains , & qu’Ononthio lui avoit promis
d’en ufer de même de fon côté , jufqu’à ce qu’il eût reçu la
réponfe des cinq Cantons aux proportions , qu’il leur avoit
faites : que quant à ce qui le regardoit lui-même en particu¬
lier , il les remercioit de l’empreffement , qu’ils avoient té¬
moigné d’abord pour le revoir ; mais qu’ils fembloient avoir
bientôt laiffé ralentir ce zélé & cette affection , puifqu’ils n’a-
voient point encore envoyé de Chef pour le venir chercher ,
comme il les en avoit prié : qu’il les conjurait de lui faire au
plûtôt cet honneur , & que ce qui l’obligeoit à leur faire cette
priere , c’elL qu’il fouhaitoit qu’ils fuffent témoins de la bonne
volonté de leur Pere Ononthio pour toute la Nation , & des
bons traitemens , que lui & fes Neveux en recevoient tous
les jours. Enfin que c’étoit à fa priere , que leur Pere faifoit
accompagner les Députés par un de fes premiers Officiers ,
pour les exhorter à ne point écouter les Flamands , qui leur
avoient renverfé l’efprit ; à ne point fe mêler des affaires , que
1690.
Ce qui le fai-
foit prendre
fur un ton li
haut au Com¬
te de Fronte¬
nac.
Les Ou-
taouais trai¬
tent avec les
Iroquois fans
la participa-,!
tion des Fran¬
çois.
Ce qui les y
engage.
<66 HISTOIRE GENERALE
ceux d’Orange & de Manhatte avoient avec lui , & a ne pren¬
dre aucun ombrage de ce qu’il pourroit faire pour châtier leurs
Voifins d’avoir fecoué le joug de leur Roy légitimé , dont le
Roy de France avoir pris les intérêts: qu’il vouloir bien qu ils
fçuflent que lui Oureouharé regardoit tous les François com¬
me fes Frétés : qu’il ne vouloir plus fe feparer de fon Pere
Ononthio: qu’il ne retourneroit point dans fon Canton ,q
qu’il fût en pleine liberté de le faire , s ils ne venoient le cher¬
cher de la maniéré , qu’il leur avoir marqr.ee : qu au refte ils
pouvoient aller en toute fûrete à Montreal , & qu il fe ; te noir
bien affûré de n’être point défavoue de la parole, quil leur
donnoit, qu’on n’abuferoit point de leur confiance.
L’Officier qui accompagna les Députés Iroquois , fut
C he vali er' cl Ê au , Capitaine8 Reformé. Le Comte de Fronte¬
nac avoit jugé à propos de l’envoyer a Onnontague pour
témoigner une confiance particulière à ce Canton , qu 11 me¬
naient toujours plus que les autres , & pour etre mieux >nf-
triut de ce qui s’y palfoit. II fçavoit d’ailleurs qu’il pouvo.t
compter fur Garakonthié & fur Teganifforens , Amis déclarés
des François ; mais la prife de Corlar , dont il venoit d ap¬
prendre la nouvelle , & le retour de ceux , qui avoient fait
cette conquête , dont nous parlerons en fon lieu 3 etoit lu
tout ce iiïeluifaifoit prendre fur un ton fi haut avec les
Iroquois , & certainement il fe comporta en cette occa 1
l’égard de ces Sauvages avec une dexterite & une nobleffe ,
qui leur fit beaucoup rabattre de leur fierté. n
Il étoit néanmoins fort inquiet fur la négociation des Ou-
taouais avec les Iroquois , dont Gagniegaton avoir parle^au
Chevalier de Callieres : voici de quoi 1 s agi • Alliés
vû plus d’une fois le penchant fecret, qui portent JL
du Nord & de l’Oueft à lier commerce avec les Anglois par
l’entremife des Cantons; penchant, qui n’avoit pourtant d au¬
tre principe , que l’intétêt , les Anglois donnant leurs marchan¬
dées à beaucoup meilleur prix que nous. M. de Denonvill ,
en les engageant dans la guerre contre les Tfonnonthouans ,
“oit eu principalement en vûë de rompre cette haifon &
de rendre toutes ces Nations irréconciliables avec les Iro¬
quois ; mais on s’aperçut bientôt quil ny avoit Pas
4 Le net. de vigueur , que nous avions fait paroitre dans
cette Expédition ; le peu de fruit , que nous a^ons me du pe¬
tit avantage, que nous y avons eu ; la ruine & 1 abandon du
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 567
Fort de Niagara , dont elles avoient vivement follicité TE- - -
tablifîement ; les irruptions fréquentes des Iroquois dans la l69°-
Colonie ; & plus que tout cela les démarches peu honora¬
bles , quon avoit faites pour obtenir la paix de cette Nation ;
les hauteurs , qu’on en fouffroit depuis lontems ; & Fina&ion ’
où l’on demeurait , malgré fes nouvelles hoflilités , leur avoient •
fait reprendre leur premier projet de fe reconcilier avec un Peu¬
ple , dont ils avoient véritablement peu à efperer , mais beau¬
coup à craindre.
A la vérité la fageffe & la fermeté du Sieur de la Duran-
taye , qui commandoit toujours à Michillimakinac , & le zélé ,
avec lequel il fut fécondé par les Millionnaires , avoient lon¬
tems fufpendu l’effet de cette réfolution ; mais 011 étoit toujours
dans la crainte que ces Barbares ne nous échapaffent." Notre
malheur voulut que plufieurs d’en'tr’eux fe trouvèrent à Mont¬
real dans le teins du faccagement de la Chine , arrivé prefque
fous les yeux du Gouverneur Général , & tandis que, contre
leur avis , il fe laiffoit endormir par de fauffes apparences de
paix ; car ils en raporterent chez eux une forte perfuafion
que nous étions fur le point de fuccomber tout-à-fait fous les
efforts de nos Ennemis , & une joye fecrete de fe voir par no¬
tre foibleffe en liberté de fonger à leurs intérêts. A quoi il faut
ajoûter les impreffions fâcheufes , qui étoient reliées dans Fef-
prit de plufieurs depuis la trahifon , que le Rat , qui en étoit
l’Auteur , avoit mife fur le compte du Marquis de Dénonville.
Les Outaouais fe crurent meme en droit de ne rien com¬
muniquer de leur deffein à aucun François ; ils fuppoferent
que Perfonne ne devoit trouver mauvais qu’ils priffent leurs
mefures pour ne j^as fefler feuls expofés à la fureur des Iro-
quois , & ils ne délibérèrent pas lontems fur la maniéré , dont
ils dévoient fe conduire dans une conjon&ure fi délicate. Ils
commencèrent par renvoyer aux Tfonnonthouans tous les
Prifonmers , quils avoient faits fur eux , puis il convinrent
d’un rendez-vous pour le mois de Juin fuivant ; & tel étoit le
fujet de la négociation , qui caufoit de fi grandes & de fi jufles
inquétudes à M. de Frontenac , & dont Gagniegaton avoit fait
un myflére au Gouverneur de Montreal.
Par bonheur M. de la Durantaye & les Millionnaires tou- Diligence de
jours attentifs aux moindres mouvemens de ces Sauvages , fu- M- Jc la Du_
rent informés de ce qui fe tramoit , & l’affaire leur parut affez Sonnera
importante, pour inftruire le Gouverneur Général de tout ce àce&jer.
J
Lettre du
P. Carheil
à M. de
Frontenac.
,68 histoire generale.
cru’ils avoient découvert. La chofe n’étoit pourtant pas aifée ,
parce qu’on étoit déjà bien avant dans l’hyver ; mais le Com¬
mandant fut affez heureux pour trouver un Homme , qui
voulut bien entreprendre un voiage de quatre-cent lieues , mal¬
gré la rigueur de la faifon , & la difficulté des chemins. Ce
fut le Sieur Joliet , lequel arriva à Quebec fur la fin de Dé¬
cembre de l’année 1680. Il remit au Comte de Frontenac une
Lettre duP.de Carheil, que ce Millionnaire avoir fans doute
concertée avec M. de la Durantaye , dont il étoit ami , &
voici ce qui regardoit principalement le fujet du voyage de
Joliet. . , v .
Nous voici enfin réduits en l’etat , ou j ai toujours cru que
l’efperance de la paix nous devoit réduire : je ne rai jamais
. . eftimé pofîible , & j’ai penfé fur cela comme tous ceux , qui
.. connoilfent l’Onnontagué , le plus fourbe de tous les Iro-
.. quois. Quelque peine , que nous ayons eue a ioutemr jul-
qu’au tems marqué par l’Affemblée , l’efprit de nos Sauvages ,
^ j ^ a r-r /-n î r» n c rl’nnp naiY . mfils fcavoient etre
éfefpérés des négociations d’une paix , qu ils fçavoient être
landiée , & qu’ils ne pouvoient regarder que comme une
de notre foibleffe , nous étions heureufement venus a
»
» man
** preuve
reuve uc nuut iuiuivuv , _ — - • i r
nout de ies retenir dans le devoir jufqu’à ce terme ; mais lor -
, nue s’étant rendus à Montreal pour cette Affemblee , ils y ont
„ été les témoins oculaires du triomphe des Iroquois , bc qu ils
.. ont vû que les promeffes magnifiques , dont on les avoit amu-
fés , aboutiffoient à la défolation de nos Cotes , & a la conf-
ternation générale de la Colonie , ils ont cru n avoir puis d au-
» tre parti à prendre , que de s’accommoder avec un Ennemi ,
„ contre lequel nous n’étions plus en état de les defendre , &
„ des mains de qui ils fouhaitoient paffionnément de retirer leurs
Frères» ,
” Nous eûmes encore le bonheur de les empêcher d executer
„ cette réfolution , & ils fe laifferent même perfuader de con¬
tinuer la guerre avec nous ; mais au lieu de la faire cette guer-
M re , on reprit les négociations , pendant lefquelles les Iroquois
l ont eu fur eux & hir nous de grands avantages. Enfin nos
„ derniers défaftres leur ont fait conclurre unanimement den-
» voyer d’abord aux T fonnonthouans , puis aux aunes Lan-
» tons , des Ambaffadeurs , chargés de faire avec toute la Na-
» tion Iroquoife une alliance perpétuelle. Le Huron elt bien
» autant , & peut-être même plus que l’Outaouais , de ce com-
*> plot ; mais plus politique , il*fe ménagé encore , & n a po^jj;
(
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 569
parlé jufqu’ici avec autant d’ouverture & de hauteur. Solli- <7
cite par ion Allie de fe joindre à lui , il s’efl contenté de ré- «
pondre qu jl etoit trop Enfant ( a ) pour fe mêler dans une af- «
faire de cette nature , & pour s’y oppofer ; qu’il laiffoit faire fes «
Freres , qu’il croyoit avoir plus d’efprit que lui , & qui ré- «
pondraient des fuites. Un relie d’incertitude fur l’événement le «
tient dans cette referve. «
Quant aux Outaouais , ce qui les a engagés à fe preffer de «
faire partir leurs Àmbaffadeurs , c’eft la crainte qu’il ne leur «
vînt un ordre de votre part de faire quelque hoflilité contre «
les Iroquois ; & c’eft à quoi il ne faut plus penfer ; il eft trop «
tard. Il le falloit faire , lorfqu’ils étoient encore à Montreal «
après la defolation de la Chine : ils le fouhaitoient même ; «
mais à préfent que leurs Ambaffadeurs font partis , il ne faut «
plus compter fur eux pour la guerre. Ils ont comblé d’hon- «
neurs les Prifonniers Iroquois , en les renvoyant ; & comme «
nous nous oppofions à ce renvoy , en leur remontrant le mé- «
contentement , qu’en auroit leur Pere Ononthio , ils nous ré- «
pondirent qu’ils n’avoient que trop compté iufqu’ici fur fa pro- «
te&ion. r j V „
(£) Nous nous étions figurés les François 3 ajoûterent-ils ,
comme des Guerriers ; mais F expérience nous a fiait connoître
qu ils le fiont beaucoup moins que les Iroquois . Nous ne nous
étonnons plus qu ils ayent été fi lontems , fans rien entreprendre ;
c e fl le fientiment de leur propre foiblefie , qui les retenoit. Après
avoir vu avec quelle lâcheté ils je jont laijfiés majfiacrer dans l Ifle
de Montreal , il nous efi évident que nous ne devons plus en at¬
tendre aucun fiecours leur protechon nous efi devenue non - fieu -
lement inutile mais nuifible même par les engagemens , ou elle
nous a jettes mal-à-propos. Leur floiblefje & leur défaut de courage
ont encore paru d une maniéré bien fienfible à Tfonnonthouan 3 où
fiurpris de la réfiftance de I Ennemi 3 ils fie font bornés à flaire la
guerre aux Bleds & aux Ecorces ( c ) s & depuis ce tems-là ils n ont
plus rien ofie faire , que ma/ibier la paix par toute forte de bafi
fefifes : ils n ont pas même le courage de fie défendre 3 lorfquils
font attaqués , & contre toutes les expériences les plus capables de
les détromper 3 ils s'opiniâtrent à efperer un accommodement 3ai-
( a ) C’eft-à-dire , en trop petit nombre.
( b ) Je fais parler ici directement les Ou¬
taouais , pour éviter un peu de confufion ,
tjui fe trouve dans cet endroit de la Lettre
Tome /. .
du P. de Carheil ; mais à cela près * je n'ai
rien changé aux termes de ce Millionnaire.
{ c) En brifant les Canots d’écorce des
T fonnonfliouans.
. C C c c
1690.
I
I 69 O*
Effet , qu’elle
produifit fur
<cs Général.
570 HISTOIRE GENE R Ap .
’ „f «iewc &s ^ 2"/ ient ’ j
^tourner au combat. Leur alliance ne nous a pas fait moins , de
ton pour le commerce , que pour la guerre ; elle nous a prive de
la Traite avec les Anglois s beaucoup plus avantageufe qu avec
eux , & cela contre toutes les Loix de la protection , qui conjïj-
tent à maintenir la liberté du commerce -, outre qu on laijje tom¬
ber fur nous tout le poids de la guerre , tandis que nos prétendus
ProteSeurs , par une conduite pleine de duplicité , cherchent a Je
mettre à couvert par un Traité honteux. An un mot quiconque
fera inflruit de notre fituation prefente , nousvrenaia plutôt pour
les ProteSeurs des François , que pour un Peuple , qui en ejl
/
^ Il^n’eft point douteux que les Outaouais ne parlaffent ainlî
à l’inftigation des Hurons , & que ce difeours ne leur eut ete
fugeeré par le Rat, que nous avons vu fe donner tant de
mouvemens pour rompre toutes les mefures de M. de De-
nonville au fujet de la paix , que ce Général vouloir taire avec
les Iroquois. On fut même bientôt inftruit ç[ue ces memes
Hurons , qui ne vouloient paraître en rien , etoient 1 a«le “e
toute cette intrigue , dans laquelle ils fe fervoient des Ou¬
taouais , que leur groffiereté naturelle ne permettoit pas de
rien ménager, ni de mefurer leurs termes.
Quoiqu’il en foit , la Lettre du P. de Carheil ne déplut pas
au Comte de Frontenac. Ce Général neto.t pas difficile a .
perfuader que le mal étoit grand, & faiiifloit affez volonueis
les occafions de blâmer ce qui s’étoit fait avant lui. D ailleurs
il croyoit voir dans tout ce qui arnvoit de fâcheux une fuite
de l’abandonnement du Fort de Catarocouy. Il eft pourtant
vrai de dire , qu’une partie des reproches des Outaouais tem-
boient un peu fur lui , & que fon Prédéceffeur avoir penfe auffi
bien que lui , & avant lui , que pour reparei tout le mal ,
pour humilier les Iroquois , & pour mettre tous les autres
Peuples de ce Continent à la raifon , il n y avoit point de
moyen plus fûr , que de chaffer les Anglois de la Nouvelle
York. 11 faut cependant avouer qu au defaut de cette En-
treprife, qu’on ne le mit pas en état d’executer , M. de Fron¬
tenac pouffa fi bien les Anglois de toutes parts , qu il defabula_
les Sauvages de l’opinion , où ils étoient , que nous 11 ofions
paraître en Campagne devant nos Ennemis. (
Mais avant que de raconter par quelle voye il y reuffit , il eft
à propos de reprendre la fuite des aventures de M. de la Saie j
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 57, ■
dont on avoit enfin reçu des nouvelles fur la fin de l’année
1688. dans le tems , qu’on défefperoit prefqued’en aprendre ,
Sc qu’on paroiffoit avoir tout-à-rait renoncé en France & en
Canada à l’Etabliffement de la Louy -pane. C’efi: le nom ,
que M. de la Sale avoit donné au pays , qu’arrofe le Mi-
ciflipi au deffous de la Riviere des Illinois , & qu’il a confervé
jufqu’à préfent.
\
C C c c ij
57^ HISTOIRE GENERALE
**4 4£ *>4 •• 4£ 84 4fc #4 4& 84 4fc 84 4fc •• 84 4$ 84 4# 84 4fc 84 4fc 84 4& 84
ÿl-t. ^ $4 4& #4 4$ 84 4& 84 4& 8) 4$ $4 ; 4& 84 4& 84 4fc 84 4fè $4 4të 84 ; 4të
PARTICULARITES
DE LA VIE ET DE LA. MORT
DE QUELQUES
SAUVAGES CHRETIENS.
J’ A i cru ne pouvoir mieux finir ce Volume ,, quen fai-
faut connoître à ceux , qui s’intéreffent fincerement au
triomphe de la Religion , jufqu a quel degré de fainteté
la Grâce peut , dans le centre même de la Barbarie 5 élever
les Ames , qui lui font fidèles. Je n’en choifirai qu’un petit
nombre ; mais il fuffira pour défabufer ceux de mes Le&eurs ,
qui font de bonne foi 5 & qui fe font laiffés un peu trop aifé-
ment prévenir contre ces Millions Sauvages ; pour confondre
les Pécheurs , qui n’ont pas le courage de rompre des chaînes 3
dont ils rougiffent , s’ils ont encore quelque principe de Reli¬
gion ; & pour faire chanter aux véritables Fidèles les miferi-
cordes du Seigneur.
♦
I,
CATHERINE TEGAHKOUITA ,
Vierge Iroquoise.
LA Nouvelle France a eu fes Apôtres & fes Martyrs , &
a donné à l’Eglife des Saints dans tous les Etats ; & je
ne crains point de dire que les uns & les autres auroient fait
honneur aux premiers fiécles du Chriltianifme. J’en ai fait
connoître plusieurs , autant que me l’a permis la fuite de cette
Kiftoire. On a donné au Public la vie de quelques-uns ; mais
Dieu , qui en a tiré fa gloire pendant leur vie par les gran¬
des choies , qu’il a faites par eux ; par l’éclat , que leur fain¬
teté a jetté dans ce vafte Continent ; par le courage , qu’il
leur a infpiré , pour fonder avec des travaux immenfes une
nouvelle Chrétienté au milieu de la plus affreufe Barbarie.,
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 573
& pour la cimenter de leur fang , n’en a choili aucun pour
déployer fur leurs tombeaux toutes les richeffes de fa puif-
fance & de fa mifericorde ; & il a fait cet honneur à une jeune
Néophyte , prefqu 'inconnue à tout le Pays pendant fa vie. Elle
eft depuis plus de foixante ans univerfellement regardée com¬
me la Proteélrice du Canada , & il n’a pas été pofiible de s’op-
pofer à une efpéce de culte , qu’on lui rend publiquement.
Cette fainte Fille , fi célébré fous le nom de Catherine Te-
gahkouita, nâquit en 16^6. à Gandakouagué , Bourgade du
Canton d’Agnier , d’un Iroquois idolâtre , & d’une Algon-
quine Chrétienne. Elle perdit fa Mere à l’âge de quatre ans ;
elle étoit encore fort jeune , quand fon Pere mourut ; & elle
relia fous la conduite d’une de fes Tantes , & au pouvoir
d’un Oncle , qui avoit la principale autorité dans fon Village.
La petite vérole , qu’elle avoit eue dans fon enfance , lui ayant
affoibli la vue , elle fut lontems comme réduite à demeurer dans
le coin d’une Cabanne , parce que fes yeux 11e pouvoient pas
fupporter la lumière ; & cette retraite fut la première fource
de fon bonheur. Ce qu’elle faifoit d’abord par néceffité , elle
continua de le faire par goût, & par-là elle évita tout ce qui
auroit pu lui faire perdre cette pureté de mœurs , fi difficile à
conferver parmi une Jeuneffe idolâtre , & alors très-diffoluë.
Dès qu’elle fe vit en état d’agir , elle fe chargea de prefque
toutela fatigue du ménage ; ce qui la garantit encore de deux
écueils bien funefles à la plûpart des Filles Sauvages , je veux
dire, les conventions particulières , & l’oifiveté. Ses Pareils
voulurent néanmoins qu’elle -ufât des parures ordinaires aux
jeunes Perfonnes de fon fexe , & quoiqu’elle le fit par pure
complaifance , & avec toute la répugnance poffible , elle en
eut beaucoup de fcrupule , lorfqu’à la faveur des lumières de
la Foi , elle eut connu combien il efl dangereux de vouloir
plaire aux Hommes.
La première connoiffance , quelle eut du Chriflianifme ,
lui fut donnée par des Millionnaires , qui furent envoyés aux
Iroquois après l’Expédition de M. de Tracy. Ils pallerent r
chemin faifant , par la Bourgade , où elle demeuroit , & fu¬
rent reçus dans fa Cabanne. On la chargea d’avoir foin d’eux ,
& elle s’en acquita d’une maniéré , qui les furprit. Elle avoit
été elle-même frapée à leur vue d’un mouvement , qui lit
naître en fon cœur des fentimens , quelle regarda depuis
comme les premières étincelles du feu célede , dont elle fut
Catherine
Tegahkouiu.
574 HISTOIRE GENERALE
- ■ — dans la fuite fi fort embrafée. La ferveur & le recueillement
Tcgahkouita. de ces Religieux dans leurs Prières lui infpirerent le défit- de
prier avec eux, & elle s’en ouvrit à eux-mêmes. Ils compri¬
rent beaucoup plus quelle ne leur difoit ; ils l’inftruifirent
des vérités Chrétiennes , autant que le peu de fejour , qu’ils
firent dans cette Bourgade , le leur permit , & ils la quittèrent
avec un regret , qui fut bien réciproque de fa part.
Quelque tems après on lui propofa un Etabliffement ; elle
y témoigna une grande oppofition , & on n infifta point ;
mais on revint bientôt à la charge , & pour s'épargner la pei¬
ne de vaincre fes réfiftances , on l’engagea , fans lui rien dire ,
avec un jeune Homme , qui fur le champ alla dans fa Ca-
banne , & s’affit à côté d’elle. Il ne falloit de fa part , pour ra¬
tifier le mariage, que refier auprès de 1 Epoux, qu on lui
avoit choifi , car tel eft l’ufage parmi ces Peuples ; mais elle
fortit brufquement de la Cabanne , Sc protefta quelle ny
rentreroit point , qu’il ne fut dehors. Ce procédé lui attira bien
des mauvais traitemens , quelle fouffrit avec une patience
inaltérable. Elle fut plus fenfible aux reproches , qu on lui fit
de n’avoir point de naturel pour fes Parens 3 de haïr fa Na¬
tion , & de donner toute fon affe&ion à celle , dont étoit fa
Mere ; mais rien ne fut capable de vaincre fa répugnance pour
l’Etat de vie , dans lequel on vouloit l’engager.
Sur ces entrefaites le P. Jacques de Lamberville arriva a
Gandehouhagué , & reçut ordre d’y établir une Million :Te-
gahkouita fentit alors fe reveiller dans fon cœur fes premiers
défirs d’être Chrétienne ; mais elle fut quelque tems encore,
fans en parler , foit pour ménagement pour fon Oncle , qui
ne goûtoit pas notre Religion , foit par pure timidité. 11 le
préfenta enfin une occafion de fe déclarer , & elle ne la man¬
qua point. Une playe , qui lui étoit furvenuë à un pied , la
retenoit chez elle, tandis que toutes les Femmes étoient oc¬
cupées à la récolté du Maïz : le P. de Lamberville obligé d’in¬
terrompre fes Inftru&ions publiques , ou Perfonne ne pou-
voit fe trouver , prit ce tems-là pour vifiter les Cabannes , &
inftruire ceux , que leur âge , ou leurs infirmités y retenoient ,
& il entra un jour dans celle, où étoit Tegahkouita.
Cette Fille ne put diffimuler la joye , que lui caufoit cette
vifite , & ne fit aucune difficulté de s’ouvrir au Pere en pré-
fence de deux, ou trois Femmes, qui lui faifoient compa¬
gnie , fur le deffein , où elle étoit d’embraffer le Chriftianifme,
/
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 575
Elle ajouta qu’elle auroit de grands obffacles à vaincre pour "‘càlhêrine
y réuffir ; mais que rien ne l’é^pnnoit. L’a&ion , avec laquelle Tegahkouita.
elle parloit , le courage , qu’elle témoignoit , un certain air
modefte & refolu tout à la fois , qui paroiffoit fur fon vifage ,
firent comprendre d’abord au Millionnaire que fa nouvelle
Profélyte ne feroit pas une Chrétienne du commun ; aufîl
s’attacha-fil à l’inftruire de bien des chofes , dont il ne par¬
loit pas à tous ceux , qu’il difpofoit au Baptême. Dieu forme
fans doute entre les coeurs , dont il s’eft fpécialement refervé
la poffefîion , une forte de fympathie toute fpirituelle , laquelle
forme dès cette vie le nœud facré , qui doit les unir éternel¬
lement dans le fejour de la gloire. Le P. de Lamberville , que
j’ai fort connu , a été un des, plus faints Millionnaires de la
Nouvelle France , où il eft mort , au SaultS. Louis , confumé
de travaux & de pénitences , & pour ainfi dire , entre les bras
de la Charité. Il a fouvent avoué que , dès le premier entre¬
tien , qu’il avoit eu avec Tegahkouita , il crut entrevoir que
Dieu avoit de grands deffeins fur cette Fille : il ne voulut
pourtant pas fe preffer de lui conférer le Baptême , & il prit
à fon égard toutes les précautions , que l’expérience a fait ju¬
ger néceffaires , pour s’affûrer des Sauvages , avant que de leur
adminiffrer le Sacrement de la régénération.
Tout l’hyver fe paffa dans ces épreuves,, & la jeune Ca¬
téchumène de fon côté employa un tems fi précieux à fe ren¬
dre digne d’une grâce , dont elle comprenoit tout le prix. Les
Millionnaires , avant que de l’accorder aux Adultes , ont
grand foin de s’informer fous main de leur conduite & de
leurs mœurs ; le P. de Lamberville interrogea donc tous ceux ,
qui connoifïoient Tegahkouita, & fut fort furpris de ne ren¬
contrer Perfonne , parmi ceux mêmes , qui avoient fait le plus
de peine à cette Fille , qui ne fît fon éloge. Cela étoit a au¬
tant plus glorieux pour elle , que les Sauvages font fort en¬
clins à la médifance , & naturellement portés à donner un
tour malin aux avions les plus innocentes. Le Millionnaire
ne balança donc plus à lui accorder ce quelle demandoit avec
les plus vives inffances ; elle fut baptifee le jour de Pâques
de l’année 1676. & nommée Catherine.
La grâce du Sacrement reçue dans un cœur , que fa droi¬
ture & fon innocence y avoient fi bien préparée , y produifit
des effets merveilleux. Quelque idée , que le Millionnaire eût
déjà conçue de la jeune Iroquoife , il fut étonné de trouver
/
Catherine
Tegahkouita
?76 HISTOIRE generale
en elle immédiatement après fon Baptême, non pas une Néo¬
phyte , qui eut befoin d’être afermie dans la Foy , mais une
ame remplie des dons du Ciel les plus précieux & qu d tal-
loit conduire dans les plus fublimes voyes de Feiprit. Dans
les commencemens fa vertu caufoit de 1 admiration à ceux-
mêmes , qui étoient les plus éloignés de 1 imiter , & ceux ,
de qui elle dépendoit 3 lui Différent fuivre en liberté tous les
mouvemens de fon zélé ; mais cela dura peu. L innocence de
fes mœurs , les précautions , quelle prenoit pour éviter tout
ce qui la pouvoit tant foit peu altérer , & furtout fon extieme
réferve par raport à ce qui étoit capable de donner la moin¬
dre .atteinte à la pureté , parurent à la Jeunelfe de ion Villa¬
ge un reproche de la vie libertine , qu elle menoit , & pluiieurs
attentèrent à fa pudeur , dans la feule vûë de ternir 1 éclat
d’une vertu , qui les eblouiifoit. _ r
D’autre part , quoiqu’elle n’eût rien relâche de fes occupa¬
tions domeffiques , & qu’on la trouvât toujours difpofee a
rendre fervice à tout le monde , fes Parens trouvoient tort
mauvais quelle donnât à la Priere tout le tems , quelle avoit
de relie , & pour l’obliger à ne pas interrompre les Diman¬
ches & les Fêtes les travaux , que l’Eglife défend dans ces jours
confacrés au Seigneur , ils les lui faifoient palier fans man¬
ger. Comme ils virent qu’ils ne gagnoient rien par cette voye ,
iis eurent recours à d’autres plus violentes encore ; ils la mal¬
traitèrent fouvent d’une maniéré indigne ; lorsqu’elle alloit a
la Chapelle , ils la faifoient pourfuivre par de jeunes Gens
avec des huées , & à coups de pierre ; des Hommes yvres ,
ou qui feignoient de l’être , couroient fur elle , comme s î s en
enflent voulu à fa vie ; mais fans craindre ces artifices , ni
redouter ces violences , elle continua fes Exercices , comme il
elle eût joui de la plus, parfaite liberté. . TT
Un jour qu’elle étoit dans fa Cabanne , un jeune Homme
y entra brufquement , la hache à la main , les yeux etince*
lans , & parodiant avoir deffein de lui calfer la tête. Lue ne
fit paroître à cette vûë aucune émotion , & fe bailla pour re¬
cevoir le coup; mais ce Furieux , faili dans le moment dune
terreur panique , fe retira avec la même précipitation , que s il
eût été pourfuivi par un Parti de Guerriers. Aces premières
bourrafques fuccéda une forte de perfécution beaucoup plus
daneereufe. La Tante de Catherine étoit une Femme dun
efprit mal fait , & à qui tout ce que fa Nièce pouvoit faire
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. ?77
pour la contenter , déplaifoit par la feule raifon , qu’elle n’y
trouvoit rien à reprendre. Il échapa un jour à la vertueufe
Néophyte d’appeller le Mari de cette Femme par fon nom
propre , au lieu de lui donner le nom de Pere , félon fa coû-
tume ; fa Tante s’imagina , ou fit femblant de croire que cette
façon de parler familière marquoit une liaifon peu honnête
entre l’Oncle & la Nièce , & alla fur le champ déclarer au
P. de Lamberville qu’elle avoit furpris Catherine follicitant
fon Mari au crime. Le Pere lui promit d’examiner la chofe ,
& ayant fçu ce qui avoit fondé une accufation fi atroce , il fit
à la Délatrice une réprimande , qui la couvrit de confufion ;
ornais dont le contrecoup retomba fur l’innocente Accufée*
S’il n’y avoit eu en tout cela qu’à fouffrir , comme rien
n’étoit plus félon fon goût , elle n’auroit jamais penfé à chan¬
ger de fituation ; mais elle craignit de ne pouvoir pas tou¬
jours tenir contre la fédu&ion du mauvais exemple , ou de
fe laiffer vaincre peu à peu par le refpeR humain , qui peut
beaucoup fur l’efprit des Sauvages. Elle fongea donc à cher¬
cher un afyle , où fon innocence & fa Religion fuffent à cou¬
vert. La Prairie de la Magdeleine , où plufieurs Iroquois Chré¬
tiens commençoient à s’établir , lui parut très-propre à ce def-
fein ^ & elle conçut un défir ardent de s’y retirer ; mais l’exé¬
cution n’en étoit pas facile.
Son Oncle voyoit avec bien du chagrin le dépeuplement de
fon Canton & 1 e déclaroit ouvertement l’Ennemi de quicon¬
que y contribuoit. Il n’y avoit donc aucune apparence de
pouvoir obtenir fon confentemenf, & il n’étoit pas aifé à Ca¬
therine de le quitter malgré lui. Mais Dieu , qui l’ avoit delli-
née pour être l’exemple & l’ornement de cette Chrétienté
tranfplantée , lui facilita ce qui d’abord lui avoit paru irnpof-
fible. Elle avoit une Sœur d’adoption , Néophyte comme
elle , & mariée à un Chrétien fort zélé pour la converfion de
fes Compatriotes. Cet Homme avoit déjà fixé fa demeure à la
Prairie de la Magdeleine , & il étoit du nombre de ceux , qui ,
fous divers prétextes , parcouroient les Bourgades Iroquoifes ,
pour y faire des Profélytes. Il fçavoit que le plus grand plaifir ,
qu’il pouvoit faire à Catherine , étoit de la conduire chez lui ;
il en parla à fa Femme , qui le confirma dans cette penfée , &
l’exhorta vivement à donner cette fatisfaélion à fa Sœur.
Il s’y refolut , & pour effeftuer plus fûrement ce projet , il
fit femblant d’aller à la chafie avec un de fes Amis du côté de
Tome, I. ' D D d d
Catherine
Tegahkouit*.
578 HISTOIRE GENERALE
" Catherine" la Nouvelle York , & partit , après avoir averti Tegahkouita
Tegahkouîca. de fe tenir prête pour le tems, qu’il lui marqua. Par bonheur
pour elle , fon Oncle étoit abfent ; mais il n’étoit pas éloigné ,
& il fut d’abord averti du départ de fa Nièce. Il 11e perdit pas
un moment , & il courut après elle , fort réfolu de la rame¬
ner morte ou vive , & de c aller la tête au premier-, qui luiferoit
réfiftance. Il joignit bientôt les deux Chaffeurs ; mais n’ayant
point trouvé fa Nièce avec eux , parce que toutes les fois qu’ils
s’arrëtoient , ils avoient la précaution de la cacher dans le Bois ,
il craignit qu’on ne l’eût mal informé : il ne fit donc femblant
de rien , & après les avoir entretenus quelque teins de choies
indifférentes , il les quitta , perfuadé que Catherine avoit pris
une autre route , & fuivi d’autres Guides.
La Sainte Fille délivrée de ce danger pourfuivit gayement
fon voyage , & arriva enfin au terme , qui faifoit l’objet de
fes vœux , ce fut au mois d’O Sobre de l’année 1677. Sa Sœur
n’avoit point encore de Cabanne en propre , & logeoit avec
fon Mari dans celle d’une fervente Chrétienne , nommé An as-
T Asie , dont l’unique occupation étoit de difpofer au Baptême
les Perfonnes de fon fexe. Un Hôteffe de ce caractère , & de
pareils exercices étoient bien au gré de Catherine. Elle fut
d’ailleurs charmée de tout ce qui fe pratiquoit dans la Bour¬
gade , & ne fe laffoit point d’admirer la force toute-puiffante
de la Grâce , qui fçait transformer les Loups en Agneaux ,
ni de chanter les mifericordes du Seigneur , en voyant vivre
dans toute la pureté de la Morale Evangélique des Hommes ,
dont le libertinage l’avoit plus d’une fois faille d’horreur.
Ce fpeSacle l’animant d’une nouvelle ferveur , elle fe donna
à Dieu fans referve , ne fe permit plus le moindre retour fur
elle j même , & commença à courir à pas de Geans dans
la carrière de la Sainteté. La Priere , le travail , les entre¬
tiens fpirituels furent déformais fes feules occupations ; & à
l’exemple de S. Antoine , elle fe fit un devoir d’imiter tout
ce qu’elle remarqueroit d’édifiant dans ceux , qui compofoient
cette nouvelle Eglife. Elle paffoit au pied de l’Autel tout le
tems , qu’elle avoit de libre , elle ne vivoit que du travail de
fes mains , & quelque occupée quelle fût à l’extérieur , fon
cœur étoit dans un entretien continuel avec Dieu.
Elle n’avoit pas encore fait fa première Communion , lorf-
qu’elle arriva dans la Colonie , & la coûtume eft dans ces
Miffions dé n’accorder cette grâce aux Néophytes , qu’après
DE LANOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 579.
de longues épreuyes. Catherine appréhenda qu’on ne 'la vou Cathc
lut foûmettre à la Loi commune ; mais fa vertu , encore plus Tesahk
que fes prières réitérées , déterminèrent bientôt fon Directeur
à faire une exception en fa faveur , & il n’eut pas lieu de s’en
repentir. L’ufage fréquent de la Communion ., qu’on lui ac¬
corda , ne diminua rien de fa ferveur à sÿ préparer. Dans fes
avions les plus ordinaires , il fuffifoit de la voir pour être ex¬
cité à la dévotion ; mais lorfqu’elle participoit aux divins
Myfteres , il n’étoit pas poffible , quand on fe rencontrait au¬
près d’elle , de netre pas pénétré de l’amour le plus tendre
pour Dieu.
Quand elle étoit obligée de fuivre les autres dans les par¬
ties de chafie , la diffipation infeparable de cet exercice ne
dérangeoit rien dans fon intérieur : elle s’y bâtifioit un Ora¬
toire , d’où elle ne fortoit jamais. Elle fe retirait des Compa¬
gnies , autant qu’il lui étoit poffible , & lorfqu’elle ne le pou¬
voir pas , elle communiquoit bien plus aux autres fon recueil¬
lement , qu elle ne prenoit de part à leurs amufemens. Elle n’a-
voit pourtant rien de gêné dans fes maniérés , & fa dévotion
netoit , ni chagrine , ni incommode. Elle avoit même une
mduftrie merveilleufe pour cacher au Public fes pratiques de
pieté particulières * & les auftérités , qui étoient grandes. Une
des plus ordinaires étoit de mêler de la terre dans tout ce quelle
mangeoit , & tres-peu de Perfonnçs s’en aperçurent.
Outre fon Dire&eur , fans la permiffion duquel elle né fai-
foit rien en ce genre , elle n’avoit rien de refervé pour deux
Femmes d’une grande vertu, dont le commerce mutuel fer-
vit beaucoup à les elever à une fainteté éminente. L’une étoit
cette Anaftafie , qui l’avoit reçue chez elle à fon arrivée dans
la Colonie ; 1 autre étoit une jeune Veuve , nommée Therese ,
qui après avoir vécu quelque tems dans un extrême oubli des
pro méfiés de fon Baptême , étoit rentrée dans fon devoir à
1 occalion dun grand danger , dont elle étoit convaincue que
Dieu 1 avoit délivrée par miracle. Elle avoit pourtant encore
depuis mené une vie afiéz tiède,, & elle remettoit de jour
en jour l’exécution du defîêin , qu’elle avoit conçu de répa¬
rer par la penitence fes déréglemens pafiès.
Un entretien, qu’elle eut avec Catherine, acheva fa con-
verfion.^ Elle regardoit un jour avec attention l’Eglife ,
qu’on bâtifioit au Sault Ss Louis 3 où l’on venoit- de transfé¬
rer la Bourgade Iroquoife de la Prairie , de la Magdeleine ;
DDddij
_ _ — Sherine^’apperçur, &7e fentit infpirée de l’aborder , quoi-
Catherine , „ ne |uj eût jamais parlé jufques-la. Pour entrer en con-
cSai oiuca. ^erfation ^ eqe iui demanda quel endroit de la nouvel e
Eglife étoit defïiné pour les Femmes , & Therefe le lui mon-
» tra. » Helas ! reprit Catherine , ce n’eft pas dans ces Temples
materiels que Dieu fe plaît davantage : notre cœur eft le
” Sanftuaire qui lui eft le plus agréable. Mais combien de fois
: She'eufe iue je fuis , Fai-jeforcé d’abandonner ce cœur
où il vouloir regner feul? Ne meriterois-je pas bien que pour
i punir mon ingrltitude , il me fermât pour toujours 1 entree
de ce Sanctuaire , qu’on érige à fa gloire t
Ces paroles touchèrent Therefe jufquau vif; elle fe repro¬
cha fa tiédeur , & fe fentit fortement preflee d accomplir enfin
ce qu’elle avoit tant de fois promis à fon Dieu. Elle s en ouvrit
fur k champ à Catherine , & elle trouva dans cette Sainte Fille
une ouverture de cœur , qui l’engagea à ne lu. rien cacher
de ce qui fe paffoit dans le fien , & qui acheva de la gagner a
Jesus-Christ. Sa pénitence fut de la nature de celles, qui
élevent prefque fans milieu les plus grands Pécheurs , & ce
qui eft plus difficile encore , les Ames les plus lâches a la
plus héroïque perfection. Elle s’attacha a Catherine par des
liens , que l’amour Divin ferra de plus en plus , & déformais
ces deux Ames choifîes ne fe cachèrent plus rien de ce qui
concernoit leur intérieur. Elles fe confiaient réciproque¬
ment , elles s’inftruifoient dans leurs doutes , elles fe for
fioient dans les affauts , que l’Enfer & le Monde leur livre-
Catherine en eut un bien rude à foûtemr vers ce tems-la , de
la part même des Perfonnes , de qui elle croyoït en devoir
moins appréhender de pareils. Cette meme Sœur d adoption ,
qui l’avoit attirée auprès d’elle , fe mit en tete de la marier ,
& il n’eft rien dont elle ne s’avifât pour vaincre fa refiftance.
Elle commença par lui reprefenter qu’encore qu elle & fon
Mari fe fiffent un plaiftr de fubvemr a tous fes befoins , il fe
pourroit bien faire qu’étant chargés d’une nombreufe Famille ,
ils ne fe trouvaffent pas toujours en état de continuer a lui
fournir le néceffaire , & que d’ailleurs s ils venoient a mou¬
rir l’un & l’autre , elle fe trouveroit fans appui.
La vertueufe Fille fut d’autant plus affligée de ce dif-
cours , quelle n’étoit point à charge à fa Sœur : elle la re¬
mercia néanmoins de fon attention , & lui promit de refle-
HISTOIRE GENERALE
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 581
diir fur ce quelle venoit de lui dire. Elle alla auffitôt trou- 1 Catherine
ver fon Conleffeur , & lui témoigna fa peine de ce qu’une Tegahkouita
Sœur , qui jufques-là lui avoit donné tant de marques d’une
amitié fincere , vouloit la gêner dans la feule chofe , où elle
fouhaittoit d’être libre. Le Pere, après l’avoir écoutée tran¬
quillement , lui dit qu’au fond fa Sœur n’avoit pas eu fi
grand tort de lui parler, comme elle avoit fait; quelle devoit
lui fçavoir gré des précautions , quelle vouloit prendre pour
lui aflurer une fubfifiance honnête ; & que la chofe meri-
toit bien qu’elle y penfât à loifir. Il nef: plus tems de déli- «
berer , reprit Catherine , je ne fuis plus à moi ; je me fuis «
donnée fans referve à Jesus-Christ. Mais, reprit le Mif- «
fiomiaire , qui vous nourrira , & vous affiliera dans vos in- «
firmités , li Dieu difpofe de votre Sœur ? C’ef la moindre «
de mes inquiétudes , reprit la génereufe Néophyte ; celui qui «
nourrit les Oifeaux du Ciel , ne me laiffera pas manquer du «
peu , qui m’elt néceffaire pour vivre ». Le Pere ne parut
point fe rendre , il congédia fa Pénitente en lui ordonnant
de confulter de nouveau le Seigneur fur une chofe , où il
ne voyoit point encore manifellement fa volonté , &: elle
fe retira fort trille.
Sa Sœur revint le même jour à la charge , & l’ayant trou¬
vée inflexible , lui fit parler par Anaftafie , que fon âge &
fa vertu leur faifoient regarder à toutes deux comme leur
Mere. jAnaftafie entra d’abord dans les lentimens de la jeune
Femme, parce qu’il étoit encore fans exemple parmi les Iro-
quois qu’une Fille demeurât dans le célibat ; les Millionnaires
n’ayant pas cru devoir jufques-là donner à ces Sauvages le
confeil, que S. Paul donnoit aux premiers Chrétiens. Ana-
flafie entreprit donc de perfuader à Catherine de conten¬
ter fa Sœur. Elle ne gagna rien , & en parut un peu
piquée. Elle le lui fit même connoître par quelques repro¬
ches , & la menaça d’interpofer l’autorité de leur commun
Direêleur.
La Sainte Fille prit les devans , & après avoir alluré à fon
Pere Spirituel quelle ne pouvoir plus douter de la volonté
de Dieu ; elle le pria d’agréer que , pour mettre fin à cette
perfécution , elle fît vœu de Virginité. Le Pere lui répondit
qu’un engagement de cette nature ne devoit pas fe prendre
légèrement , qu’il lui donnoit trois jours pour y penfer , &
que pendant ce tems -là il lui permettoit de redoubler fes
5g2 HISTOIRE GENERALE
prières & Tes pénitences , pour obtenir que le Ciel lui fit
connoître ce qu’il defiroit d’elle. Catherine le quitta en lui
promettant d’obéir ; mais au bout d’un quart-d’heure elle vint
le trouver , & l’abordant d’un air , qui ne lui étoit pas na¬
turel : Mon Pere , lui dit-elle , tout eü confideré ; je n’aurai
jamais d’autre Epoux que Jesus-Christ ». Son aâion , & le
ton , dont elle parloit touchèrent le DireReur ; il vit bien
qu’en vain il s’oppoferoit à un mouvement , qui avoit toutes
les marques d’une infpiration divine : il confola fa Pénitente
en lui faifant efperer fon confentement à ce qu’elle defiroit ;
il lui recommanda donc de ne plus penfer qu’à gagner le
cœur du célefte Epoux , qu’elle avoit choifi , & lui promit
de faire ceffer toutes les pourfuites de fa Sœur & de fes
Amies.
A peine étoit-elle retirée, qu’Anaffafie entra chez le Pere,
& lui fit de grandes plaintes de l’entêtement de Catherine.
Le Pere , après l’avoir écoutée , fans l’interrompre , lui fit
une douce réprimande fur fa précipitation à blâmer ce qu elle
ne connoiffoit pas , & fur le peu d’eftime , qu’elle paroiffoit
faire d’un état , qui éleve des Créatures mortelles à la con¬
dition des Anges. Anaflafie reçut cette correâion avec hu¬
milité , & Catherine retrouva toujours depuis en elle une
Amie vrayment Chrétienne , difpofée à la féconder dans fes
pieux deffeins , & attentive à la ioulager dans fes befoins Sc
dans fes afïli étions. Catherine de fon côte crut que la réso¬
lution qu’elle venoit de prendre , l’obligeoit à vivre plus
que jamais dans la retraite , & dans l’exercice de l’humilité ,
de la charité , & de la pénitence. On la voyoit croître fen-
fiblement en vertu ; on ne parloit déjà plus dans le^ Pays
que de fon éminente Sainteté : on ne fe laffoit point d admi¬
rer les refforts Secrets de la bonté divine , qui du milieu
d’un Peuple , le plus oppofé de tous à l’établiffement du Chrif-
tianifme , avoit tiré une jeune Fille , pour en faire un mo¬
dèle parfait de toutes les vertus chrétiennes.
Il regnoit alors dans la Million du Sault S. Louys un ef-
prit de mortification , qui allait fort loin. Ces Néophytes
venaient d’être déclarés par tous les Cantons Iroquois En¬
nemis de la Patrie., & ils s’attendoient bien qu’après cet
éclat tous ceux d’entr’eux , qui tomberaient .entre les mains
de leurs Freres Idolâtres , Seroient livres fans mifericorde aux
plus affreux Supplices : auüi ne fongeoient - ils plus qu a fe
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 5s3
difpofer au Martyre par tout ce que la Pénitence peut ima- — -
giner de moyens pour macerer la chair. Les Hommes , les TegaSa.
Femmes , les Enfans mêmes fe portèrent fur cela à des excès ,
que les Mifiionnaires nauroient jamais foufferts , s’ils en
avoient été exaêlement inffruits.
C^Jierine , que l’Efprit intérieur poffedoit plus que tous
les autres , étoit auffi celle , qui fe ménageoit le moins. Elle
ne confultoit plus que fa ferveur , & ne fe croyoit nulle¬
ment obligée de dépendre en cela de fon Direfteur , comme
auparavant 5 perfuadée que ce coneert général de toute la
Bourgade ne pouvoit pas lui être inconnu , & que fon fi-
lençe à cet égard étoit un confentement. Auffi fut-elle bien¬
tôt réduite à un état de langueur & de fouffrànce , dont elle
ne guérit jamais. Quelque tems après elle fit un voyage à
Montreal , où la vûë des Religieufes Hofpitalieres , dont juf-
ques-là elle n’avoit point entendu parler , augmenta l’em-
preffement , qu elle a voit de fe confacrer a Dieu par le voeu
de Ch aile té : elle redoubla fes inffances auprès de fon Con-
feffeur , qui ne crut pas devoir différer plus lontems à la
contenter. Elle fit donc ce voeu fi déliré avec une joye , qui
fembîa lui redonner toutes fes forces , & elle a été la pre¬
mière de fa Nation , qui ait pris avec Dieu un pareil en¬
gagement. - ir
L’Epoux celeffe des Ames chaffes ne tarda point à lui
donner des preuves fenfibles qu’il avoit agréé fon Sacrifice ,
& à la traiter en Epoufe bien aimée. Elle de fon cô¬
té s’efforça de répondre à fes careffes , & aux communica¬
tions intimes , dont il la favonfoit , par une fidelité parfaite
& un amour fans réferve. Mais fes forces ne purent en foû-
tenir lontems la vivacité , & la chair fuccomba bientôt fous
les efforts de l’efprit. Elle tomba dans une maladie dange-
reufe, qui ne lui laiffa plus qu’une vie traînante, & fujeue
à de continuelles douleurs. Dans cet état elle s’uniffoit de
plus en plus à Jesus-Christ par la méditation de fa mort
& de fes fouffrances, & par la fréquentation des Sacremens.
Elle ne pouvoit plus fouffrir l’entretien des Hommes ; Anaf-
tafie & Therefe etoient les deux feules Perfonnes , avec qui
elle eût quelques fortes de liaifon , parce quelles ne lui par¬
taient que de Dieu.
Elle ne fe trouvoit bien qu’au pied de l’Autel , où fouvent
abîmée dans line profonde contemplation, & verfant des tor-
Catherine
Tegahkouita.
HISTOIRE GENERALE
rens de larmes , dont la fource intarriffable étoit fon amour ,
& la playe qu’il avoit faite à fon cœur ; elle oublient de
telle forte les befoins de fon corps, qu’elle ne fentoit pas
même le froid, dont elle étoit quelquefois toute tranlie. Elle
fortoit toujours de cette contemplation avec un nouveau dé¬
fit- des fouffrances, & il n’eft pas concevable combien fon
efprit étoit ingénieux à inventer des moyens de crucifier la
chair. Tantôt elle marchoit les pieds nuds fur la glace & lur
la neige , jufqu’à ce quelle en perdît le fentiment. Tantôt
elle parfemoit fa couche d’épines. Elle fe roula trois jours de
fuite fur des branches pleines de piquans , qui lui entrèrent
bien avant dans le corps , & lui cauferent des douleurs inex¬
primables. Une autrefois elle s’avifa de fe brûler les pieds ,
comme on fait aux Captifs , voulant par-là fe donner le ca-
raftere & la marque d’Efclave de Jesus-Christ : mais ce
qui fait mieux connoître la folidité de la vertu, c efi: 1 nia -
terable douceur, la patience , la joye même, quelle témoi¬
gna dans les maux , quelle eut à fouffnr fur la fin de e
jours. . . A •
Il femble que rien ne doive moins coûter a ceux , qui
portent la mortification aufîi loin , que faifoit cette Sainte
Fille. Cela efi: pourtant affez rare : on efi: fouvent étonné
de voir les Perfonnes qui pratiquent les plus grandes aulte-
rités , plus fenfibles que d autres à ce qui leur arrive de fâ¬
cheux & d’humiliant. C’eft qu’en cela il ny a rien de leur
choix. La volonté propre efi: toujours la dermere victime ,
elle manque fouvent à l’Holocaufte. Catherine comorenoit
ce que les Croix , qui font prefentées de la main du Sei¬
gneur , ont de préférable à celles , que nous nous impofons
nous-mêmes , & les fouffrances , où fa volonté avoit moins
de part , étoient toujours le plus félon fon cœur.
Elle fut enfin attaquée d’un mal, qui fut dabor jug
mortel , & cela dans un tems , où les travaux^ de la Cam¬
pagne oeçupoient tellement tout le Monde , quelle ne pou-
voït prefqu’efperer de foulagement de Perfonne. Elle refioit
feule les jours entiers avec un plat de Maiz , & un peu
d’eau à côté de fon lit : charmée de fe voir ainfi delaifiee des
Hommes, elle sentretenoit fans ceffe avec fon Dieu , oc
trouvoit encore les journées trop courtes. Le Mardy de la
Semaine Sainte de l’année de 1678 , elle fe trouva plus mal ,
fr on lui adminifira le Saint Viatique. On youloit lui donner
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 585
tout de fuite 1 Extreme-OnRion ; mais elle affûra qu’on pou- "r' ■ : —
voit attendre au lendemain. Elle paffa toute la nuit fuivante Te4hkouiL
dans un colloque amoureux avec le Divin Sauveur & avec fa
Sainte Mere, qu elle avoit toujours fingulierement honnorée,
le regardant , difoit - elle , en qualité d’Epoufe de Jésus-
Christ, attachée à la fuite de la Reyne des Vierges.
Le Mercredy matin on lui donna les Saintes Huiles ,*&
vers les^ trois heures du foir , elle expira après une demie-
heure d’une très -douce agonie, ayant eu toute fa connoif-
fance , & le jugement fain jufqu’au dernier foupir. Ainfi vé¬
cut , & ainfi mourut dans fa vintquatriéme année Catherine
Tegahkouita. Les exemples de fa vie toute Sainte avoient
produit une très-grande ferveur parmi les Iroquois du Sauit
S. Louys. Les merveilles , que Dieu commença bientôt d’o-
perer en faveur de ceux, qui eurent recours a fon intercef-
non , font encore aujourdhuy pour ces Néophytes & même
pour toute la Nouvelle France , un puiffant motif de fervir
en efprit & en vérité un Maître fi liberal , lequel , fans accep¬
tion de Perfonnes, répand avec profufion fes dons les plus
précieux fur quiconque s’abandonne à lui fans réferve.
Son vifage extrêmement défait par fes macérations & par
fa derniere maladie , changea tout à coup dès qu’elle eut
celle de vivre. On lui vit prendre une couleur vermeille ,
quelle n avoit jamais eue, & ce n’étoit plus les mêmes traits.
Rien n etoit plus beau , mais de cette beauté , qui infpire
1 amour de la vertu : on ne pouvoit fe lalfer de la regarder,
& chacun fe retiroiy h cœur pénétré du defir d’être Saint.
Son corps fut mis dans un cercueil par diffiinchon , & fon tom¬
beau devint bientôt célébré par le concours des Fideles , qui
y venoient de toutes les parties du Canada , & par les Mi¬
racles , qui s y opererent : on a fur tout les Atteffiations Juri¬
diques de deux Perfonnes , d’un caraRere à ne lailfer aucun
doute fur la vérité de leur dépofition. L’un effi M. l’Abbé
DE LA Colombiere (æ) , Grand Archidiacre, & Grand Vicai-
re de Quebec , & Confeiller Clerc au Confeil Supérieur de la
Nouvelle France. L’autre eft M. du Luth, Capitaine d’une
Compagnie' d’infanterie , un des plus braves Officiers , que
le Roy ait eu dans cette Colonie , & dont j’ai fouvent eu
occafion de parler dans cette Hiffioire.
Tes P^cadon?6^ dU P‘ CkUdC ^ la Colombiere ’ Jefuice , célébré par Ta vertu & pat
Tome I.
E E e e
Catherine
Tes;ahkouita.
w
<86 HISTOIRE generale
5 Le premier déclare dans un écrit ligné de fa main , qu’ayant
été malade depuis le mois de Janvier jufqu au mois de Juin
fl lune fièvre lente , contre laquelle tous les remedes
âvoent été inutiles, & d’un flux de ventre, que rien na-
vok pu arrêter , on jugea à propos qu’il fit vœu, sd plarfoit
à Dira de lui rendre’ la (ante , 5e fe tranfporter à la Million
de S. François Xaxier du Sault S. Louis , pour prier fur le
Tombeau de Catherine Tegahkouita ; qu il déféra a cet avis ,
auè "e iour même la filvre ceffa , & le flux de ventre d -
minua considérablement ; que s’étant mw en chemin quel¬
ques jours après pour s acquitter de fon ; ’ P
il fait une lieuë , quil fut entièrement guéri. ,
Le fécond certifie juridiquement qu’ayant ete pendant vin-
Cinq ans tourmenté de la Uite , avec des , douleurs . exceffi-
ves4 oui duraient quelquefois trois mois de fuite lans rela
che , if s’adreffa à Catherine Tegahkouita , Vierge ïroquoi ,
décédée au Sault S. Louis en odeur de faintete , & promit
vifiter fon Tombeau , fi par fon interceffion Die", efif rf°n
de ce cruel mal : qu’à la fin d’une Neuvame , quil ht en Ion
honneur , il fut parfaitement guéri , & que depuis quinze
snois il n’a voit reffenti aucune atteinte de Soui?\ • , &
Tous les ans au jour du deces de la bonne Catha ,
le nom, fous lequel, par déférence pour le S • S>ege ’ °n ^
nore en Canada cette fainte Fille ; plufieurs Parodies des
virons vont chanter dans i’Eglife du Sault S. Lomsun^ e e
folemnelle de la Trinité. Un Curé de la Chine , Bourgade de
l’Ille de Montreal, nommé M. Remv*,. & "°Hfienf ^"cettë
rivé de France ,eTsPrécîéceVfferùrsPs’ry Lient toujours con-
^ait^nï^yoit pas devoir autorifer
par fa préfence un culte public , que l’Eghfe n avoit . point en-
core permis. La plûpart l’entendant parler ainii , ne purent
s’empêcher de dire qu’il ferait bientôt puni de ce refus &
en effet dès le même jour il tomba dangereufement malade,
comprit d’abord la caufe d’une attaque fi imprévue , W
deZ'vre l’exemple de fes Prédéceffeurs , & fut guéri for k
chamn C’eft ainïi que la Nouvelle France , comme la Capi¬
tale de l’ Ancienne , voyant éclater la Gloire , 1 1 une d urne pau¬
vre Fille Sauvage , & l’autre d’une Bergere , au deffus de «l e
de tant d’Hommes Apoftoliqt.es , de Martyrs , & d autres ^mts
de toutes ies conditions ; Dieu voulant fans doute pour notre m-
5 §7
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII
Rruêlion , &*p our la confolation des Humbles , glorifier fes SS.
à proportion de ce qu’ils ont été petits & obfcurs fur la Terre.
I I.
ETIENNE TEGANANOKOA.
LE s Bourgades Iroquoifes fe dépeuplant à vûë d’œil par
la retraite de plufieurs Familles , qui fe refugioient dans
la Million du Sault S. Louis , ou pour y embraffer le Chri-
Rianifme , ou pour l’y profeffer avec plus de liberté , ou pour
y être à l’abri contre la fédu&ion des Idolâtres ; ceux-ci en
conçurent un chagrin , qui leur fit déclarer Ennemis de la Pa¬
trie tous les Iroquois Chrétiens , qui l’avoient abandonnée ,
& procura à plufieurs la Couronne du Martyre. J’ai parlé de
quelques - uns dans mon Hiftoire , je vais en faire connoître
quelques autres , qui n’auroient pu y entrer , fans en inter¬
rompre le fil.
Le premier eft Etienne Tegananokoa. Il étoit venu au Sault
S. Louis avec fa Femme , une Belle-Sœur & fix Enfans ,
n’étant alors âgé que d’environ trente-cinq ans. Il n’a voit rien
de Barbare dans le caractère , & fon attachement tendre &
fincére pour fon Epoufe , dans un Pays , où régné la licence ,
& où il eft fi ordinaire de changer de Femme , pouvoit paner
pour une preuve de la vie innocente , qu’il avoit menée. Dès
qu’il fut arrivé dans la nouvelle Bourgade, il demanda inf-
tamment le Baptême avec toute fa Famille , & ils l’obtinrent
après les épreuves ordinaires. Ils furent bientôt l’édification de
cette Chrétienté naiifante : Etienne veilloit à l’éducation de
fes Enfans avec lé zélé d’un Millionnaire. Il les envoyoit tous
les jours foir & matin aux Prières & aux Inftruêtions , que
l’on faifoit pour cVix de cet âge , & lui - même leur fervoit
d’un excellent mocféle par fon affiduité à tous les Exercices de
Religion * & par fon exaêlitude à s’approcher fréquemment de
la fainte Table. \
Il fembloit fe préparer par une conduite fi Chrétienne à
triompher de l’Ennemi de Jésus - Christ , & à défendre fa
Foy au milieu des plus cruelles tortures. Il partit au mois
d’Août de l’année 1690. pour la chalfe d’ Automne-, accom¬
pagné de fa Femme , & d’un autre Sauvage : au mois de Sep¬
tembre ils furent furpris par un Parti de quatorze Goyogouins ;
EEee ij
lïtienne Te
ganaaokoa.
«
588 histoire generale
qui les lièrent , & les emmenerent clans leur «Canton. Dès
qu’Etienne fe vit entre les mains de ccs Barbares , il ne douta
point qu’il ne dût être livré au leu : il prévint fur cela fa r emme ,
l’exhorta à perfeverer dans la Foy , & au cas , qu elle retournât
auSaultS. Louis , d’élever fes Enfans dans la crainte de Dieu»
Les trois Captifs furent conduits à Onnontague : Dieu\ou-
îoit , ce femble , que la force & la confiance d Etienne eclataf-
fent dans un lieu , qui étoit alors fameux par le concours d’une
infinité de Sauvages de tous les Cantons Iroquois , & par le
libertinage affreux, qui y regnoit. Quoique ce foit la coûtu-
me d’attendre les Prifonniers à l’entrée du V filage , la joye ,
qu’on eut à Onnontagué d’avoir entre les mains des Habitans
du Sault S. Louis , fit fortir tout le Monde pour aller fort
loin au devant d’eux. Chacun s etoit pare oe fes ffius beaux
habits , comme pour un jour de triomphe ; tous étoient ar¬
més de haches , de couteaux , de bâtons , & de tout ce qu ils
avoient trouvé fous leurs mains , & la fureur etoit peinte fur
tous les vifages.
Lorfqu’ils eurent joint les Captifs , un de ces Baibares
» abordant Etienne , lui dit : » Mon Frere , tu es mort ; n impute
» ton malheur qu’à toi-même , puifque tu nous as quitte pour
» aller demeurer parmi ces Chiens de Chrétiens du Sault. Je
» fuis Chrétien , répliqua Etienne , & je fais gloire de l etre.
» Faites de moi tout ce qu’il vous plaira ; je ne crains , ni v os
» outrages , ni vos feux. Je donne volontiers ma vie poui un
» Dieu , qui a répandu tout fon fang pour moi ». A peine eut-
il achevé ces paroles, que ces Furieux fe jetterent fur lui , oc
lui firent de larges incifions au bras , aux cuiffes & par tout
le corps : ils lui coupèrent enfuite plufieurs doigts des mains ,
& lui arrachèrent tous les ongles. Un de la Troupe lui cria
alors , Prie Dieu : Ouï je le prierai, dit Etienne , & levant les
mains liées , il fit , le mieux qu’il put , le Signe de la Croix ,
en prononçant à haute voix ces Paroles en fa Langue , Au nom
du Pere, & du Fils , & du S. Efprit. On lui coupa auffitot
la moitié des doigts , qui lui reftoient , & on lui cria une fé¬
condé fois , Prie Dieu maintenant . Il fit de nouveau le Signe
de la Croix , & à l’inftant on acheva de lui couper les doits ;
puis on l’invita une troifiéme fois a prier Dieu , en le char¬
geant d’injures. Comme il fe mettoit en devoir de faire encore le
Signe de la Croix avec la paulme de la main , on la lui coupa en¬
tièrement ; puis on le taillada dans tous les endroits , qu il avo^t
marqués du Signe de la Croix»
'DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 589
Après ce fanglant prélude les Captifs furent menés au Vil- ' Etienne Tel
lage , & conduits auprès d’un grand feu , dans lequel on avoir g^anckoa.
fait rougir des pierres. On en mit plufieurs entre les cuiffes
d’Etienne , qu’on preffa violemment l’une contre l’autre. On
lui ordonna alors de chanter a la maniéré du Pays ; comme
il refufa de le faire. , & qu’il fe mit à prononcer à haute voix
les Prières , qu’il avoit accoûtumé de reciter tous les jours , un
de ces Barbares prit un tifon ardent , & le lui enfonça bien
ayant dans la bouche ; puis , fans lui donner le te ms de ref-
pirer , on l’attacha au poteau. Quand le courageux Néophy¬
te fe vit au milieu des inftrumens de fon fupplice, & d’une
multitude de Bourreaux , il jetta un regard tranquille fur ceux-
ci , & leur dit: » RepaifTez-vous du piaifîr de me brûler, ne «
m’épargnez pas , mes péchés méritent encore plus de fouf- «
frances , que vous ne pouvez m’en faire endurer : plus vous «
me tourmenterez , & plus vous augmenterez la récompenfe , «
qui m’eft préparée dans le Ciel. ~ «
' Ces paroles les rendirent encore plus furieux ; chacun prit
ou des tifons , ou des 1ers rouges de feu , avec lefquels ils
brûlèrent lentement tout de corps de ce faint Homme, qui
fouffrit ce cruel martyre , fans pouffer un foupir : il paroiffoit
même auffi tranquille , que s’il n’eiu rien fouffert , les yeux
elevés vers le Ciel , & comme abîmé dans une profonde con¬
templation. Enfin les forces commençant à lui manquer, il
demanda trêve pour quelque inffant , & alors ranimant toute
fa ferveur , il fit fa derniere Priere : il recommanda fon ame
à Jesus-Christ , & le conjura de pardonner fa mort à fes
Bourreaux. On recommença auffitôtà le tourmenter , fa con¬
fiance ne fe démentit point , & il rendit fon efprit à fon Créa¬
teur , triomphant par fon courage de toute la cruauté Iro-
quoife.
On donna la vie à fa Femme , comme il le lui avoit pré¬
dit: elle reffa quelque tems Captive dans le Pays , fans que ,
ni les prières , ni les ménaces puffent ébranler fa Foy : deve¬
nue libre , elle fe rendit a Agnier , qui etoit le heu de fa naïf
fance , & elle y reffa jufqu a ce que fon Fils l’allât chercher,
& la ramenât au SaultS. Louis. Le Sauvage, qui avoit été
pris avec Etienne , en fut quitte pour avoir quelques doits
coupés , & une grande inciflon à la jambe. Il fut enfuite mené
à Goyogouin , oîi l’on mit tout en ufage pour l’obliger à fe
remarier & à fe livrer à tous les défordres , où cette Nation
Etienne Te-
gananokoa.
rco HISTOIRE GENERALE •
étoit plongée ; mais il répondit conftamment que fa Religion
lui defendoit l’un & l’autre. Enfin étant venu avec un Parti
de Guerriers de ce Canton vers Montreal, il fe déroba fecre-
tement , & fe rendit à fa Million , où il a toujours vécu depuis
avec beaucoup d’édification.
I I I.
FRANÇOISE GONANNHATENHA.
DEUX ans après une Femme fit paroître une confiance,
qui ne cedoit en rien à celle du vertueux Etienne.
Elle le nommoit Françoise Gonannhatenha , & ayoït
été baptifée à Onnontagué , fa Patrie , dou elle s etoit réfu¬
giée a£ Sault S. Louis. Elle y edifioit tout le Monde par fa
pieté , fa modeftie , & furtout par fa chante ; & comme elle
étoit à fon aife , les Pauvres trouvoient toujours chez elle
une reffource affûrée dans leurs befoms. Un jour que e
étoit à trois lieues du Village, occupée de la Peche , elle
apprit que les Ennemis faifoient une irruption au Sault 5.
Louis ; elle s’embarqua fur le champ dans un Canot avec
deux de fes Amies, pour aller au fecours de fon Man. Elles
arrivèrent à tems pour le fauver; il fe jetta dans leur Canot
& cette petite Troupe fe croioit en furete, lorfquaun quart
de lieue du Village le Canot fe trouva invefti par toute une
Armée d’Iroquoisë Le Mary eut d’abord la tete coupee , &
les trois Femmes furent menées dans le Camp. e ,
I es cruautés , qu’on exerça fur elles la première nuit , qu e -
les y pafferent llur firent uger quelles étoient condamnées
fia mort. Ces Barbares fi divertirent à leur arracher le
oncles & à leur faire fumer les doits ainfi enfanglantes dans
leurs calumets ; enfui te les deux Compagnes de Françoife fu¬
rent données , l’une au Canton d’Onneyouth , & 1 autre a celu
de Tfonnonthouan; pour elle , on la livra a fa propre Sœur, qui
étoit fort confiderée à Onnontagué. Cette Femme fe depoui -
lant de la tendreffe , que la nature & le fang dévoient lui inl-
pirer , abandonna fa Sœur à la difcreuon des Anciens & des
Guerriers , ce qui étoit la même chofe , que de la condamner
au feu. En effet , dès qu’elle fut arrivée au Village , on la fit
mnmpr fur un échafaut. La en prefence de fes Païens
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 591
tous ceux , qui étoient accourus pour être préfens à Ton fup-
plice „ elle déclara à haute voix quelle étoit Chrétienne , &
qu’elle s’eflimoit heureufe de mourir dans fon Pays, & par la
main de fes Proches, à l’exemple de Jésus -Christ , qui
avoit été mis en Croix par ceux-mêmes de fa Nation.
Un de fes Parens , qui étoit préfent , avoit fait cinq ans
auparavant un voyage au Sault S. Louis pour engager Fran-
çoife à retourner dans fon Canton ; mais n’y ayant pas réuffi ,
il en confervoit encore le dépit dans fon coeur , & le difcours ,
que cette fervente Chrétienne venoit de tenir , le ht entrer en
fureur. Il fauta fur l’échafaut , lui arracha un Crucifix , quelle
portoit au col , & avec un couteau , qu’il tenoit à la main , il
lui fit fur la poitrine une incifion en forme de Croix. » Voila ,
lui -dit-il , la Croix , que tu eflimes tant , & qui t’empêcha d’a¬
bandonner le Sault , lorfque je pris la peine de t’y aller cher¬
cher. Je te remercie , monFrere , lui répondit Françoife , je
pouvois perdre cette Croix , que tu m’as ôtée ; mais tu m’en
donnes une , que je ne perdrai pas même à la mort.
Elle parla enfuite des Myfléres de la Foy avec une onêfion
& une force , qui étoit bien au defius de la portée d’une Fem¬
me Sauvage : » Enfin , dit - elle , en bluffant , quelque affreux
que foient les tourmens , aufquels vous m’avez condamnée
ne croyez pas que mon fort foit à plaindre : c’efl le vôtre , qui
demande des pleurs & des gémiffemens : ce feu , que vous avez
allumé pour mon fupplice ne me brûlera que quelques heures ;
mais un autre feu , qui 11e s’éteindra jamais , vous eft préparé
dans les Enfers. Il eff pourtant encore en votre pouvoir de l’é¬
viter ; fuivez mon exemple , faites-vous Chrétiens , vivez fé¬
lon les Loix d’une Religion fi fainte , & vous vous déroberez
aux flammes éternelles. Du refie je vous déclare que je ne veux
aucun mal à ceux , que je vois tout prêts à m’arracher la vie :
non-feulement je leur pardonne ma mort; mais je prie encore
le fouverain Arbitre de la vie d’ouvrir leurs yeux à la vérité, de
toucher leur cœur , de leur faire la grâce de fe convertir , & de
mourir dans les fentimens, qu’il m’infpire.
Ces paroles delà fainte Veuve , loin de fléchir les Barba¬
res , ne firent qu’accroître leur rage. Ils la promenèrent trois
jours de fuite par toutes les Cabannes , pour en faire le jouet
d’une Populace brutale. Le quatrième jour ils la ramenèrent
à fon poteau , & l’y attachèrent : ils lui appliquèrent à toutes
les parties du corps des tifons brûlés & des canons de fufil
Françoife
Gonannha-
tenha.
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«
592 HISTOIRE GENERALE
— ^ - r — tout rouges de feu , & cela dura plufieurs heures , fans qu elle
Gonannha- pouffât le moindre cri. Elle regardoit fixement le Ciel , & 1 on
tenha. £ût fa qu’elle ne fouffroit rien. C’eft le témoignage , qu en a ren¬
du le S1 de S. Michel , qui étoit alors Captif à Onnontague ,
& qui sechapa quelque tems après , comme on fe difpofoit à le
brûler lui-même. Il fut prefentatout ce qu on fit endurer de
tourmens à Françoife, & il en fit en arrivant à Montreal un
récit, qui tira les larmes des yeux de toute la Ville. Il aflu-
roit que lui-même n’avoit pu retenir les fiennes , fur tout loil-
que la courageufe Martyre ayant eu la peau de la teie arra¬
chée , & un Sauvage lui ayant couvert le crâne tout fanglant
de cendres chaudes , on la détacha; car au lieu de courir ?
comme font les autres , que ce tourment met hors d’eux-me-
mes , elle fe mit à genoux , & levant les yeux au Ciel , elle
offrit au Seigneur les derniers foufles de vie , qui lui reftoient.
Une grêle de pierres , dont on 1 accabla dans 1 inffant , lui fit
achever fon facrifice dans l’exercice aétuel de la Pnere , & de
l’union la plus intime avec Dieu.
I V.
MARGUERITE G ARAN GOU AS.
UN E troifiéme Viûime , que la Miffion du Sault S. Louis
envoya au Ciel , fut immolée 1 annee fuivante dans le
même Village. C’étoit une jeune Femme de vint-quatre ans ,
nommée Marguerite Garangouas : elle étoit auffi d’Onnonta-
2ué, & avoit reçu le Baptême à lage de treize ans. Elle le
maria peu de tems après r & Dieu bénit fon mariage , en lui
accordant quatre Enfans , qu’elle élévoit dans la piete. Le plus
jeune étoit encore à la mamelle , & elle le portoit entre fes
bras , lorfque vers l’Automne de 1 annee 1693* ctant aile vili-
ter fon Champ à un quart de lieuëdu Fort, elle tomba entre
les mains de deux Sauvages de fon Canton , qui la conduifi-
rent à Onnontagué. Au premier bruit de fon arrivée , tout le
monde fortit du Village, & alla attendre la Captive fur une
éminence, par où elle devoit paffer ; & dès quelle parut ,
Pair rétentit des cris affreux , qui ne lui annonçoient rien que
de funefte. . , .. c
Elle ne fut pas plutôt arrivée fur 1 eminence , quelle rut
r inveitie
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 593
invertie par quatre-cent Sauvages. Ils commencèrent par lui ^e[r
- arracher fon Enfant des bras , puis 011 la mit toute nue ; en- Garan|ouas.e
fuite la plupart fe jetterent fur elle , & lui donnèrent tant de
coups de couteau , que fon corps netoitplus qu’une playe , &
que le fang en découloit de, toutes parts. Un François , qui fut
témoin de ce pitoyable fpeêtacle , regardoit comme un prodige
qu elle n eut pas expire fur 1 heure même. Marguerite aperçut
cet Homme „ elle le reconnut , & Fappellant par fon nom :
» \ ous voyez , dit - elle , en quel état je fuis réduite , je n’ai
plus que quelques inftans à vivre ; Dieu foit béni : je n’appré- «
tende point la mort , & quelque horrible que foit celle , qu’on «
me prépare , mes péchés méritent encore davantage. Priez le *
bon Jeius qu’il me les pardonne , & m’infpire la force de fouf-
frir ».
O11 la conduilît dans une Cabanne , où une Françoife de
Montreal etoit Captive ; celle-ci profita des premiers momens
pour exhorter Marguerite à endurer avec confiance un fuplice
partager en vue des récompenfes éternelles , dont il feroit fui-
vi. Marguerite la remercia des confeils charitables , quelle lui
donnoit , & lui répéta ce quelle avoit déjà dit au Prifonnier
François ; elle ajoûta même que depuis quelle avoit eu le bon¬
heur d etre baptifee , elle n’avoit jamais ceffé de demander à
Dieu la grâce de fouffrir pour fon amour ; qu’elle ne pouvoir
plus douter que le Ciel n’eût exaucé fes vœux , quelle mouroit
contente', & qu’elle n’avoit aucun reffenti ment contre fes Pa-
rens & fes Compatriotes , qui devenoient fes Bourreaux ; qu’au
contraire elle conjuroit le Seigneur de les éclairer des lumières
de la Foy s & que toute fon inquiétude etoit pour le falut de
fon Fils.
Les deux Captives s entretenoient encore des vérités éter¬
nelles , & du bonheur des Saints dans le Ciel , lorfqu’une Trou¬
pe de Sauvages vint chercher Marguerite , pour la conduire
au lieu , ou elle devoitetre brulee. On n’eut aucun égard , ni
a fa jeuneffe , ni a fon fexe , ni a fa naiffance , quoiqu’elle fût la
Fille de celui , qui étoit comme le Chef du Village , & au nom
duquel fe faifoient toutes les affaires de la Nation. En qualité
de Chrétienne Sc d Habitante du Saulf S. Louis , elle étoit trop
criminelle , pour trouver grâce auprès de ces Idolâtres. Elle fut
donc hee au poteau , & on lui brûla tout le corps avec une
inhumanité, quinepouvoit être infpirée, furtout envers uneFem*
pie ? quepar la haine contre fa Religion, Elle endura ce long
Tome Ir FFff
HISTOIRE GENERALE
- - — & rigoureux martyre , fans donner aucun figne de douleur;
& on l’entendit , tant quelle eut un fouflede vie , mvoquer les •
Saints Noms de Jefus , de Marie & de Jofeph.
Dans les commencemens elle demanda de tems en tems un
peu d’eau ; mais elle fe repentit bientôt de cette dehcateffe , &
pria que , fi elle en demandoit encore , on la lui refufat.
„ Mon Sauveur , dit-elle , fouffrit beaucoup de la foif en mou-
„ rant pour moi fur la Croix ; n’eft-il pas jufte que je fouff
„ pour lui le même tourment ? Ses Bourreaux la bruleient -
puis midi jufqu’au Soleil couché ; alors dans 1 impatience , ou
ils étoient de la voir expirer , avant que la nuit les obligeât de
fe retirer , ils la détachèrent du poteau , lul,enl®v®r,e^. ? C^®'
velure, lui couvrirent la tête de cendres chaudes , & lui or¬
donnèrent de courir ; mais elle fe mit a genoux , & levant
yeux & les mains au Ciel , elle recommanda Rameau Sei-
eneur. On déchargea fur elle plufieurs coups de bâton , fans
quelle difcontinuâqde prier : enfin un de ces Barbares sé¬
riant , cette Chienne de Chrétienne ne peut donc pas mourir ?
prk un grand couteau, & voulut le lui enfoncer dans le bas
ventre. Le couteau fe caffa , & les morceaux tombèrent a
terre. Un autre prit le poteau meme , ou elle avoit ete atta-
chée & le lui déchargea fur la tête. Comme elle donnoit en¬
core quelque figne de vie , on la prit par le corps , i & on .la ,e«a
fur un monceau de bois fec , où on mit le feu , & ou elle tut
Son Fils avoit été donné à un Iroquois , qui voulut fe ven¬
ger fur cette petite Créature d’un affront , qu’il croyoït avoir
feçu des François. Trois jours après la mort de la Mere on
entendit un cri de mort au commencement de la nuit. Tous
les Sauvages accoururent au heu , d ou il pai toit ^ la D a
çoife de Montreal y alla comme les autres. On tiouva t
feu allumé , & l’Enftnt , qu’on fe difpofoit a y jetter. Les Sau¬
vages ne purent s’empêcher d’être attendris a ce fpeaacle ,
mais ils le furent bien davantage , quand ils vrent un petit
~ • 5 _ ! a. ^ ipc mains \crs*
Innocent
le Ciel
w f ««a
il eft plus que vraifemblable qu’elle avoit demande a Dieu qu 1
lui fût réuni au plutôt, afin d’affûrer fon falut eternel. Quoi¬
qu’il en foit, l’Enfant ne fut point livre aux flammes. Un
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XII. 595
«les plus confidérables du Village le prit par les pieds , & lur
frac alla la tête contre une pierre.
V.
ETIENNE HO O NH O UE NT S LO NT A O UE T.
JE finis par l’Hiftoire d’un Néophyte , lequel , après avoir
échapé au feu , qui lui étoit préparé , n’en a pas moins eu
le bonheur de donner fa vie pour ne pas être expofé au dan¬
ger de perdre fa Foy. C’étoit un jeune Âgnier , nommé Etien¬
ne Hoonhouentfiontaouet. Il fut pris par un de fes Compa¬
triotes , qui le mena dans fon Canton. Comme il avoit beau¬
coup de Parens , on lui fit grâce de la vie , & on l’accorda à
ceux de fa Cabanne , qui le folliciterent fortement de fuivre
les coûtumes de fa Nation , c’efi: -à- dire , de fe livrer au plus
affreux libertinage. Il leur oppofa les vérités du falut , qu’il
leur expliqua fort bien , & il ne ceffoit de les exhorter à le
fuivre au Sault S. Louis , pour y embralfer le Chriffianifme.
Il parloit à des Gens nés & élevés dans le vice , dont ils s’é-
toient fait une trop douce habitude , pour fe refoudre à y re¬
noncer. Ainfi fes exemples & fes exhortations ne fervirent qu’à
les endurcir.
Comme il vit que fon fejour à Agnier n’étoit d’aucune uti¬
lité pour fes Parens , & devenoit même dangereux pour fon
falut , il prit la réfolution de retourner à fa Million. Il s’en ou¬
vrit à fes Proches , qui y confentirent d’autant plus volontiers ,
que cette retraite les délivroit d’un Cenfeur importun , qu’ils
ne pouvoient plus fouffrir. Il quitta donc une leconde fois fa
Famille & fon Pays , pour mettre fa Religion en fûreté. A pei¬
ne étoit-il en chemin , que le bruit de fon départ fe répandit
dans une Cabanne , où de jeunes Gens faifoient actuellement
la débauche. Cette nouvelle leur échaufa la tête , & acheva
ce que l’Eau - de - vie avoit commencé. Après bien des invec¬
tives contre les Chrétiens , ils conclurent qu’il ne falloir pas
fouffrir qu’on préférât ainfi leur Compagnie à celle des vrais
Iroquois ; que c’étoit un affront , qui rejailliffoit fur toute
la Nation , & qu’ils dévoient contraindre Étienne de revenir
au Village, ou ^ s’il le refufoit , lui caffer la tête , afin d’in-
îimidex ceux , qui feroient tentés de fuivre fon exemple.
* ’ FFff ij
*+* /
t
b Etienne Ho-
onhouentfion-
taouet.
»
»
A&ion hé¬
roïque d’une
Eamillc Chré¬
tienne.
Particularités
de quelques
autres Mif-
£ons.
59 6 HISTOIRE GENE RALE
Aufîitôt trois d’entr’eux coururent après le Néophyte ; ik
l’eurent bientôt atteint , & l’abordant , la hache levée : » Re¬
tourne fur tes pas , lui dirent-ils , & fuis-nous : tu es mort , û
tu réfiftes ; nous avons ordre des Anciens de te caffer la tête ».
Le genereux Chrétien leur répondit avec douceur qu’ils étoient
les Maîtres de fa vie ; mais qu’il aimoit mieux la perdre , que de
rifquer fa foy & fon falut : qu’il alloit au Sault S. Louis , &
que c’étoit là qu’il étoit refolu de finir fes jours , s’il a voit le
bonheur d’y arriver. Comme il vit qu’ après une déclaration fi
précife , ces Brutaux fe mettoient en devoir de le tuer , il les
pria de lui accorder quelques momens pour prier Dieu. Ils eu¬
rent cette condefcendance ; & le faint jeune Homme s’étant mis
à genoux # fit tranquillement fa Priere. Il remercia Dieu de la
grâce , qu’il lui faifoit de mourir Chrétien & Martyr : il pria
pour fes Parens infidèles ^ & en particulier pour ceux , qui fe
faifoient fes Bourreaux , & qui dans l’inftant même lui fendi¬
rent la tête. On apprit ce détail de quelques Agniers , qui
dans la fuite allèrent fixer leur fejour au Sault S. Louis.
Je finis par un trait bien capable de faire connoître avec
quelle ferveur Dieu étoit fervi par les Iroquois du Sault S.
Louis. Un de ces Sauvages , nommé Paul , avoit une Fille ,
qui paffoit parmi les Sauvages pour une beauté ; fa Femme ,
qui n’étoit pas moins vertueufe , que lui , le pria de fe joindre
à elle , pour demander à Dieu qu’il ôtât à cette Enfant un avan¬
tage 9 qui pourrait nuire à fon innocence ; iî y conferttit avec
joye ; ils fe mirent en Prières , & furent exauces. Une taye
fe forma dans un des yeux de leur Fille & la rendit extrême¬
ment difforme. Peu de tems après elle devint éthique , & mou¬
rut âgée de dix-fept ans entre les bras de fa Mere , qu elle ex¬
horta jufqu’au dernier foupir à perfeverer dans la Foy. Ses ver¬
tueux Parens croyant fon falut affûré par une fi fainte mort ,
en rendirent à Dieu de très-fincéres aêtions de grâces.
Les Mifîions Huronnes , tant quelles ont fublifté ; les Abe-
naquifes , qui habilitent encore ; celles , qui étoient plus voifi-
nes de Quebec , comme celles des Trois Rivières , de Sylleri ,
de Lorette , de Tadouffac , n’ont pas eu , fi on en excepte les
premières , les mêmes occafions , que les Iroquoifes du Sault
S. Louis & de la Montagne , de donner des Martyrs à l’Eglife ;
mais' elles n’ont pas moins fourni d’exemples de toutes les ver^
tus Chrétiennes , que les François , qui en étoient tous les jours-
les témoins , ne fe laffoient point d’admirer. On en trouve dans-
DE LA NOUVELLE FRANCE. Lïv. XII. ?97
les Lettres de la Mere Marie de Flncarnation des détails 9
dont il n’efl pas permis de révoquer en doute la vérité ; & je
crois pouvoir avancer que ces Lettres fi eftimées , & par la ma¬
niéré , dont elles font écrites , & par l’efprit de Dieu , dont elles
font remplies , feront uil monument éternel de la fécondité de
la Grâce dans des cœurs Barbares & Sauvages. Voici ce que
l’illuftre Fondatrice écrivit à D. Claude Martin , fon Fils ,
Religieux BenediRin de la Congrégation de S. Maur , au
mois d’Août 1644.
Vous me demandez de plus fî nos Sauvages font aufïi par- <4
faits 5 comme je le dis dans mes Lettres. Je vous dirai qu’en ma- «
tiere de mœurs , je veux dire en leurs façons d’agir , & de faire «
un compliment , on n’y voit pas la politeffe Françoife ; on ne «
s’eft pas étudié à leur apprendre cela , mais bien à leur enfeigner «
folidement les Commandemens de Dieu & de l’Eglife , les «
Points & les Myfféres de notre Foy ,, les Prières- & les Prati- «
ques de notre Religion ; comme font le ligne delà Croix , l’exa- «
men de confcience > & autres femblabjes avions de pieté. Un <4
Sauvage fe confeffe auffi - bien qu’un Religieux ; il eft naïf au «
poffible , & il fait état des plus petites chofes. Lorfqu’ils font «
tombés , ils font des pénitences publiques avec une admirable «
humilité. En voici un exemple. Les Sauvages n’ont point d’au- «
' tre boiffon , que le bouillon de leur chaudière à fagamité , foit «
de chair , ou de bled d’Inde , ou d’eau bouillie , ou d’eau pure. <4
Les François leur ayant fait goûter de l’Eau - de - vie , ils ont «
trouvé tellement cela à leur goût , qu’ils le préfèrent à toute «
autre chere ; mais le mal eft que , quand ils en peuvent avoir , «
il ne leur en faut boire qu’une feule fois , pour devenir fous Sc «
furieux. O11 en attribue la caufe à ce qu’ils ne mangent que des «
chofes douces , n’ayant aucun ufage , ni connoilfance du fel. «
Cette boiffon les tue d’ordinaire, ce qui a porté M. notre Gûuver- «
neur à faire défendre , fous peine de groffes amendes , de leur <4
en donner , ou traiter. A l’arrivée néanmoins des Vaiffeaux il «
n’eft pas poffible d’empêcher les Matelots de leur en traiter en «
cachette. Les anciens Sauvages Chrétiens , ni leurs Familles ne «
tombent point dans ces excès ; ce font les Infidèles avec quel- «
que Jeuneffe libertine. Il eft néanmoins arrivé cette année que «
quelques-uns font tombés dans cette faute , & pour la punir , «■
les Anciens , avec le R. P. Supérieur de cette Miffion , les ont «
condamnés à payer un grand nombre de Peaux pour la déco-
ration de la Chapelle , de plus à demeurer trois jours <, fans 5
»
598 HISTOIRE generale
„ entrer dans FEglife 9 & d aller feulement deux fois le jour faire
» leurs Pi-ieres à la porte , accompagnés des Innocens , afin de les
» aider à obtenir mifericorde. . . . D’autres font une déclaration
» publique de leurs péchés dans FEglife des François : d’autres
» jeûnent trois jours au pain Sc à l’eau. Comme ils ne commet-
» tent pas fouvent ces fortes d’excès ; aufîi ces fortes de peniten-
» ces font rares. Au refie il en efl des Sauvages , comme des Fran-
» çois : il y en a de plus & de moins dévots ; mais parlant ge-
» néralement , les Sauvages le font plus que les François ; 8c
» c’efl pour cela qu’on ne les mêle pas , & qu’on les met dans une
» Bourgade féparée , de peur qu’ils n’imitent les mœurs de quel-
» ques-uns. Ce n’eflpas que ceux-ci ne foient allez fages en ce
» Pays ; mais les Sauvages ne font pas capables de la liberté
» Françoife , quoiqu’honnête. #
» Je ne vous fçaurois dire tout ce que je fçai de la ferveur de
ces nouvelles plantes : quoique nous en foyions fenfiblement
» touchées , nous commençons à ne nous en plus étonner , garce
» que nous fommes déjà accoûtumés à les voir ; mais les fran-
» çois 5 qui arrivent ici , & qui n’ont rien vu de femblable en
» France , pleurent de joye , voyant les Loups devenus Ag-
» neaux , des Bêtes changées en Enfans de Dieu. Le Capitai-
» 11e des Sauvages de Sylleri , avant que de partir pour aller en
» guerre contre les Iroquois , me vint trouver , & me dit : Ma.
» Mere , . . je te viens voir pour te dire que nous allons cher-
» cher nos Ennemis : s’ils nous tuent , il n’importe , auffi-bien il
» y a lontems , qu’ils commencent , & même de prendre & de
» tuer les François , nos Amis ^avec ceux , qui nous inftruifent,
» Ce que nous allons en guerre , nefl point parce qu ils nous
» tuent , mais parce qu’ils tuent nos Amis. Priez pour nous ; car
» nous avons offenfé Dieu , & c’efl pour cela qu il nous châtie.
» Surtout la Jeunefïe n’eft pas fage : je leur dis : Vous fâchez
» Dieu , & il nous punit; corrigez-vous , & il s appaifera. Un
» tel , qu’il me nomma , a encore fait une lourde faute , pour
» laquelle je Fai voulu chaffer d’avec nous ; mais le P. Supe-
» rieur m’a dit , attendez jufqu’au printems , & il fe corrigera. Le
» Pere efl trop bon d’avoir tant attendu : le printems efl paffé ,
» & il ne s’efl point corrigé. Il attire le Diable parmi nous , &
c’efl de-là , que viennent tous nos malheurs. Priez donc tou-
» tes pour nous ; car nous 11e fç avons ce que nous deviendrons
» à caufe de nos ofFenfes . ?
^ Dans une Harangue publique , qu’il fit dans 1 Eglife , ou 1$
DE LA NOUVELLE FRANCE. Liv. XIÏ. 599
R. P. le Quien avoit fait une correction à la Jeunefle , il éleva «
la voix ,* & fit une confeffion publique & générale de toutes «
les fautes , qu’il avoit commifes depuis fept ans , qu’il étoit “
Chrétien , ajoutant : C’eft moi , mes Freres , qui attire tous les {<
malheurs , qui nous arrivent; vous le voyez par ce que je “
viens de dire de mes infidélités aux grâces de Dieu , depuis <K
que je fuis fon Enfant ; mais il eft bon , prenez courage , ne i4
vous défefperez pas ; fi nous le fervons , il nous fera miferi- “
corde. * *
Voici ce que difoit une Femme Sauvage à notre grille : “
Dieu me fait beaucoup de grâces : autrefois la mort de mes «
Enfans m’afîligeoit de telle forte , que rien du monde ne me *
» pouvoit confoler ; maintenant mon efprif; eft fi convaincu de (<
la fageffe & de la bonté de Dieu ? que quand il me les ôteroit "
tous , je n’en ferois pas trille ; car je penfe en moi-même ; fi <<r
une plus longue vie étoit néceffaire à mon Enfant pour mieux <4
faire fon falut celui , qui a tout fait , ne la lui refuferoit pas , “
'puifqu’il efl fi bon , & que rien ne lui efl impoffible : aujour- «
d’hui qu’il l’appelle à lui , il faut bien dire 9 puifqu’il fçait tout 9 «
qu’il voit qu’il cefferoit peut-être de croire en lui , & commet- «
troit des péchés , qui le précipiteroient dans l’Enfer. Dans cetté «
penfée je lui dis : Détermine de moi „ toi , qui as tout fait , & de “
tous mes Enfans. Aufîi quand tu m’éprouverois en toutes les «
maniérés poffibles 9 je ne cefferai jamais de croire en toi , ni de «
t’aimer , ni de t’obéir ; car je veux tout ce <|ue tu veux. Puis «
je dis à mes Enfans , que je vois mourir : Va , mon Enfant , «
va voir au Ciel celui , qui atout fait ; quand tu y feras , pries- “
le pour moi , afin que j’y aille aufîi après la mort. Je ferai des
prières pour ton ame , afin que tu fortes bientôt du Purgatoire.
Cette même Femme , qui fe nomme Louife , me vint un jour «
faire le récit d’une longue Oraifon 9 qu’elle avoit compofée pour «
les Guerriers. Elle étoit conçue en des termes fi touchans , que
mon cœur en étoit attendri. Il femble que Dieu fe plaife à «•'
éprouver fa Foy , lui ôtant tous fes Enfans l’un après l’autre de- w
puis fon Baptême. «
Vous voyez par ce peu , que je viens de vous dire , les fen- «
timens de nos bons Chrétiens. Ils ont de fi grandes tendreffes «
de confidence , qu’un jeune Homme & une jeune Femme ayant
porté cet hyver leur Fils à la chaffe , il mourut dans le Bois en- **
tre leur bras. Ils eurent fi grande peur de mécontenter Dieu ,
s’ils l’euffent enterré dans une Terre, qui ne fût pas bénite *
6oo HISTOIRE GENERALE,
w que durant l’efpace de trois ou quatre mois , la Mere le porta
toujours au col par des précipices , des Rochers , des Bois ,
des neiges , des glaces , avec des peines incroyables. Ils fu-
” rent ici pour la Fête de Pâques , où ils firent enterrer leur Fils ,
A> qu’ils préfenterent empaqueté dans une peau.
” C’eff une çhofe raviffante , dit-elle , dans une autre Lettre
au même , du i o de Septembre 1 646. devoir nos bons Sauva-
ges de Sylleri , & le grand foin , qu’ils apportent à ce que Dieu
A toit fervi , comme il faut , dans leur Bourgade ; que les Loi*
>y de l’Eglifefoient gardées inviolablement , & que les fautes y
„ foient châtiées , pour apaifer Dieu. L’une des principales atten-
y> tions des Capitaines ©ft à éloigner tout ce qui peut être occafion
de péché en général & en particulier. L’on ne va point a la.
Chapelle , que l’on n’y trouve quelque Sauvage en Prières avec
tant de dévotion , que c’eftune choie raviffante , S’il s’en trouve
w quelqu’un , qui fe démente de la Foy , 011 des mœurs des dire-
>} tiens , il s’éloigne & fe bannit de lui-même , fçachantbien que ,
» bongré , malgré , il lui faudroit faire pénitence , ou être non-
>} teufement çhaffé de la Bourgade, Il y a quelques jours qu un
y> jeune Homme eut différent avec fa Femme : ils furent menés
>} devant les Capitaines , qui condamnèrent l’Homme à être mis
w à la chaîne dans une Cave du Fort , & là jeûner trois jours au
y> pain & à l’eau ; & la Femme fut condamnée à la même peine ,
>y qui fut exécutée en notre Monaftére, Ces pauvres Gens firent
w leur pénitence a^ec tant de dévotion , que je crois que leur
w faute leur fut remife dès le moment , que la Sentence leur fut
w prononçée. La Femme ne voulut pas feulement une poignée
h de paille fous elle ; car 0 difoit-elle , je veux payer Dieu , quç
j’ai fâché.
Fin du Livre XII. & du premier Volume \
TABLE
: ^ #?• #£ #f &H* 3# «H* .# 5# .- Hfr ’^f j#&4 j# •■ ;«H* j# #f
^v -*^S»v -«^iv-^ÿv^ÿv: ^rv> vïgiv ^5* v ; ^~v vijr>j viÿ^> * -ij,>> v^fv Vïÿv V5ÿ>>
TABLE
DES MA
A
BENAQU1S . Nation Sauvage
de la Côte Méridionnale de la
Nouvelle France. Ils obligent les An-
glois de fortir de leur Riviere j reçoi¬
vent bien les François , & leur don¬
nent des vivres, pag. 1 30. Le P. Biart
leur annonce l’Evangile , & les trou¬
ve dociles, 13 1. Ils demandent un
Millionnaire , 8c l’obtiennent. Leur
caractère 3 quels font les Sauvages ,
qui Font compris fous le nom de Na¬
tions Abénaquifcs . De quelle utilité el¬
les ont été à la Nouvelle France, 279-
So. Progrès de la Foi parmi elles ,
310-11. Elles font la guerre aux Ag-
niers, 3 $■$. Elles font obligées de s'ac¬
commoder avec les Anglois , 463 .El¬
les ne fe foucient pas d 'être compri-
fes dans le Traité de paix avec les
Iroquois. Elles furprennent un Parti
d’Iroquois 8c de Mahingans , 355.
Les Anglois font tous leurs efforts
pour les éloigner de nous. Leur fidé¬
lité 8c leur défintéreffemenr, Servi¬
ces, qu’ellesnous ontrendus, 541. Lès
Canibas , qui font les vrais Abéna-
quis , prennent le Fort de Pemkuit
fur les Anglois : pieté , avec laquelle
ils fe difpofent à cette Expédition.
Leur modération après la prife de la
Place, $$7. Ils offrent de conduire
deux cent François jufqu’à Bafton.
D’autres Abénaquis s’emparent de
■quatorze Forts Anglois. Plufieurs fon-
Tome /,
TIERES.
gent â s’établir dans la Colonie, 5
Acadie. Grande prefqu’Ifle de l’A-
rnerique ; fa fituation , fa defcrip-
tion , 8c fes limites , m. & [uiv.
Abondante en beaucoup de chofes »
127. & [uiv- Fautes, qu’on y a faites ,
140. Révolutions , quelle a fouffer-
tes, 408. Etat , ou elle fe trouvoit en
1632. Partage, qui en fut fait entre
plufieurs Proprietaires 8c Gouver¬
neurs, 410. Les Anglois s’en rendent
de nouveau les Maîtres, 413.^ [uiv.
Elle eft reftituée à la France avec les
Côtes voifines. Jufqu’où s’étend cette
reftiturion ,417. Les François la né¬
gligent ; profit , qu’y font les An¬
glois ,417-18. Avantages, qu’on au-
roirpu en tirer ; commodité de fes
Ports , 422. On continue de la né¬
gliger , 449. Les Anglois s’en rendent
encore les Maîtres , 450. Ils y conti¬
nuent leurs courfes 3 M. de Meules y
fait un voyage , 498. Elle eft reftituée
à la France, 462. Les Anglois profi¬
tent de notre négligence à la mettre
hors d’infulre. Ce que M. de Meules
en écrit au Miniftre, $20-21. Ce qu’il
faudroit faire pour fa fureté, & pour
le commerce. Dénombrement de ce
Gouvernement en 1687. Les Anglois
continuent leurs hoftilités , 521". Ce
qui a le plus nui à fon Etabliffement,
$•40-41. ConferencesàlaCour de Lon¬
dres au fujet de ce Pays , 8c ce qui les
rend inutiles, J44. Il eft toujours en
danger d’être envahi par les Anglois,
560*
GGgg
6oi T A B
Acadiens. Ce que Lefcatbot & le
p Biart dirent de ces Peuples , 12.4.
& Cuiv. Leur attachement pour les
François , & ce qui auroitdu l’empe-
cher * 1 i6.woyczGafpeftetis, Mimaks »
Souriquois. A ,
Acéphale. Homme fans tete , tue,
dit*on , par un Iroquois , 10.
Adoption . En quoi elle confifte par¬
mi les Sauvages du Canada,. 3 37
Adultéré. Comment ce crime eft
puni dans les Femmes Sioufes. 346*
Agnier ,* Canton Iroquois. Le Pere
Jogues y fait beaucoup de conver¬
sons. Ce Canton étoit le feul , qui
jufques-là fe fût ouvertement décla¬
ré conrre les François & contre la Re¬
ligion , 142. Les Agniers reçoivent
des préfens pour la délivrance du P.
Jogues , & ne lui rendent pas la li¬
berté, quoique l’acceptation des pre-
fens foit un engagement facré parmi
les Sauvages , 246. Ils ratifient la paix,
& donnent avis qu’on fe défie des au¬
tres Cantons , 266-68. Defcription de
ce Canton , 270-71. Ce qui engage
les Agniers à faire mourir le P. Jo¬
gues , 275 . Ils font plufieurs hoftihtes,
exercent de grandes cruautés con¬
tre les Chrétiens , 277. Ils recom¬
mencent leurs hoftilités contre les
Hurons , 274. Un de leurs Partis eft
défait ; un autre fait de grands rava-
. ges aux environs de Québec, & em¬
mènent le P. Poncet Prifonnier , 314*
Ils font la paix ,316. Ils attaquent le
P. le Moyne, & tuent quelques-uns
de fes Conducteurs ,317* Pourquoi
ils veulent rompre la paix, 317-18.
Ils tuent un Frere Jefuite , & font
obligés de faire la paix , 319. ils veu¬
lent empêcher l’Etabliffement des
François à Onnontague , 32-3' Ils
lèvent un grand nombre de Huions
del’Ifled’Ôrleans,& infultent leGou-
verneur Général , 32-4* Ils emmenent
encore une partie des Hurons del Ifle
d’Orléans ; fierté , avec laquelle ils
parlent en cette occafion au meme
Général , 3 30, Ils tachent de furpren-
LE
dre les Trois Rivières ; on fait jufti-
ce de quelques-uns , & ils fe retirent ,
339. Ils traverfent la paix', & traitent
mal leurs Prifonniers , 3 y 3 - 54- H5
font en guerre contre les Abénaquis
& lesMahingans, & continuentleurs
cour fes contre les François ,355. Us
reçoivent un échec de la part des
Sauteurs , 370. Ils font demander la
paix à M. de Tracy; un de leurs Par¬
tis tue" trois Officiers François. Bruta¬
lité d’un de leurs Chefs. M. de Tracy
le fait étrangler, 38 3. Expédition de
M. de Courcelles & de M. de Tracy
contr’eux , &c quel *en fut le fucces ,
385.^ ]uiv. Ils demandent la paix &
un Millionnaire, & obtiennent l’un
& l’autre , 3 98. Ce Canton,le plus op-
pofé de tous à la Religion Chrétien¬
ne , eft celui , où elle fait le plus de
progrès , 406. Ce qui s’y pafle entre
les Femmes Chrétiennes & les Hollan-
dois. Courage de ces Femmes à défen¬
dre leur Foi. Un Capitaine Agnier
in fui te un Millionnaire, 429. Com¬
ment il repaie fa faute, 4 30. Réfolu-
tion prife dans ce Canton aufujet de
la Religion, & ce qui en arrive, 43 1.
Ce qui engage beaucoup d’Agniers a
fe réfugier dans la Colonie. Hiftoire
de deux Femmes de ce Canton , 450.
Le grand Agnier eft envoyé par M . de
Dénonville , pour voir en quelle dif-
pofition eft ce Canton , f 18. Il arrête
un grand Parti de fon Canton prêt a
partir pour faire des Prifonniers , 8c
convertit quatre Agniers. Il négocié
par Pentremifede fon Neveu dans les
Cantons d’Onneyouth & d'Onnonta-
gué, 41 9. Des Agniers affiegent Chain-
bly 3 ils y font beaucoup de dégât, &C
font repouftes , 523-24. Ils font une
irruption dans laColonie 3 M. de Dé¬
nonville les pourfuit , & en prend
quelques-uns, 5 30. Les Mahingansles
engagent dans un Parti de guerre con¬
tre nous, _ J Cf»
Agonnonfiormi, Nom propre des Iro¬
quois , 2 7
Ahafifiari ( Euftache ) Chef Huron;
DES MA
fà converlïon, 230. Sondifcoursâfes
Soldats avant que de partir pour la
guerre, 231- 3 2. Il eft brûlé par les Iro¬
quois , & meurt en Martyr , 239.
Aiguillon. La Duchdïè d’Aiguil-
lon , Fondatrice des Hofpitalieres de
Quebec.
Aillebout. M. d’Aillebout Gouver¬
neur des Trois Rivières , eft nommé
Gouverneur Général, 281. Son cara-
<5tére , 282. Il négocie avec la Nou¬
velle Angleterre , 286. & fuiv. Il re¬
çoit bien les Hurons, qui s’étoient ré¬
fugiés à Quebec , 302. Les Chefs des
Sauvages Chrétiens le prient de bâtir
«ne Prifon pour les Yvrognes. M. de
Laufon eft nommé pout lui fuccéder,
308. Il fait jufticede l’alfaffinat de trois
François par les Onneÿouths , 33 3
Akanfas, Sauvagesde la Louyhane ;
leur lîtuation , 446. M. de la Sale
prend polfeftïon de leur Pays, 464.
Alas. Eftevan de las Alas , Officier
Efpagnol , eft chargé par D. Pedro
Menendez , fon Général , de fes af¬
faires , 63 -63.
Albanel. Le P. Charles A lbanel, Je-
fuite , eft envoyé à la Baye d’HudJon
par M. Talon , pour en prendre pof-
feffion au nom du Roy II prend fa
route par le Saguenay , ce qui lui ar¬
rive avec les Miftaffins , 477-78
Albany. Nom , que les Anglois don¬
nèrent câ la Ville d’Orange , lorfqtfils
fe rendirent Maîcres de la Nouvelle
York. voyez. Orange.
Albert. Officier François , M. de
Ribaut l’établit Commandant à Char-
lesfort.il découvre le Pays ,31.1! né¬
glige la culture des Terres, 32. Son
caractère ;il fe fait haïr par tous ceux ,
qui éroient fous fes ordres. Sa cruau¬
té. Il eft tué par fes Gens , 3 3
Algonquins. Quelques Relations di-
fent Algoumekjns. Nation Sauvage du
Canada. Ce qui les engage à faire al¬
liance avec les François , 141- 141. Ils
engagent M. de Champlain à les ac¬
compagner dans une Expédition con¬
tre les Iroquois. Succès de cette Ex-
T I E R E S. 603
pédition, 144. # fuiv. Leur cruauté
après leur vi&oire, 148. Parallèle des
Nations Algonquines & Huronnes ,
196. Infulte faite au P. Lallemantpar
un Algonquin, 21 5. Défaite d’un Par¬
ti Iroquois par des Algonquins , 229.
Une Algonquine Chrétienne eftobli-
gée de couper un doit au P. Jogues,
238. Converfion metveilleufe d’un
Chef Algonquin > 2 y 2. & fuiv. Hif-
toire d’une Algonquine, qui fe fauve
d’un Village Iroquois , x-jj. & fuiv.
Zélé, courage ,& protection de Dieu
fur une jeune Efclave Algonquine
3 06-09. Belle aCtion d’une Femme Al¬
gonquine , 319 Deux Algonquines
Chrétiennes prédifent le Tremble¬
ment de Terre de 1663. 364. Une Al¬
gonquine fert de Guide à M. de Tracy
pour joindre les Agniers , 38 G. Plu¬
sieurs Nations établies parmi les Na¬
tions Algonquines , 404. & fuiv. Les
Algonquins des Trois Rivières fe re¬
tirent au Cap de la Magdeleine , 428.
Les Algonquins Supérieurs donnent
de grandes efperances aux Million¬
naires pour la Religion , & à la Colo¬
nie pour le commerce , 431-32. Plu¬
sieurs Peuples de la Langue Algon¬
quine s’attachent plus étroitement aux
François , 436. Voyez NipiJJings.
Alimïpegon. Lac , qui fe décharge
dans le Lac Supérieur. Salîtuation .Le
P- Allouez y fait une courfe pour y
vilîrer des Sauvages Chrétiens , 497
t Allard. Le P. Germain Allard, Pro¬
vincial des Recollers , & depuis Evê¬
que de Vence , conduit plulieurs de
fes Religieux à Qiebec , & retourne
en France, 424-23.
Allouez. LeP.Claude Allouez, Je-
fuite , s’offre à accompagner les Ou-
taouais , qui le traitent indignement.
Il apoftrophe un Jongleur , 392. Ses
courfes Apoftoiiques, & fes fuccès ,
393. & fuiv. Il vilîte les Nipiffings
lur les bords du Lac Aimipegon , &
reprend enfuite la route de Cha-
gouamigon , 397-98. Il va faire Mif-
lion dans la Baye des Puants, 403. 6c
GG g g ij
604 T A B
accompagne M. de S. LuÆon dans la
prife de pofteffion du Pays du Nord
& de l’Oueft. Son difcours aux Sau¬
vages en cette occafion , 438-39* i*
fait une courfechez les Mafcoutins 3
Comment il en eftreçu > 447* &
On veut le détourner d’aller chez les
Outagamis. U y va, & en eft bien re¬
çu. Il s’établit chez les Mi amis, 44?.
' . 45$
Alarme. La Demoifelle d’Alonne
eft prife par les Iroquois, Se en bon¬
ne avis à M. d’Orvilliers , 52.4* bile
eft délivrée, & arrive a Montreal, 319
Alphonfe. Pilote Portugais, ou Ef-
pagnol, au fervice de François I. eft
envoyé par M. de Roberval pour
chercher un chemin aux Indes par le
Nord du Canada jufqu ou il va, 2 1 .
Ambre gris. On en trouve quelque¬
fois fur les Côtes de la Floride, 31.
Americ Fefpuce , Florentin , n’a eu
l'honneur de donner fon nom au Nou¬
veau Monde , que par une fuperche-
rie , 4*
Amflerdam. Nom , que les Hollan-
dois donnèrent à la Ville de Manhat-
te. Voyez M*nhntte.
Anafiafie , vertueufelroquoife , re¬
çoit chez elle à la Prairie de la Mag¬
deleine Catherine Tegahkouita. Son
occupation dans cette Bourgade , yy8 .
Union intime de ces deux Chrétien¬
nes , 577. Anaftafie veut engager Ca¬
therine dans le mariage , eft picquee
de fon refus , reconnoît fa faute , de
continue à l’affifter , 5^3-
Andaftes , ou Andafioez,. Sauvages
Voifinsde la Virginie , originaires des
Huions, 184. Ils offrent du fecours à
ceux-ci contre les Iroquois ,283» Ils
font la guerre à ces derniers , &c en
font enfin repouffés , 355* lh les in-
quiettent d<j nouveau , 3 70. Ils rem¬
portent quelques avantages fur eux ,
431. Ceux ci lesdétruifent prefqu’en-
tieremenr , _ 445*
Andros. Le Chevalier Andros ,
Commandant dans la Nouvelle An¬
gleterre eft nommé Gouverneur de la
L E
Nouvelle York. Ce qu’on avoit fujet
de craindre de lui dans la Nouvelle
France , 531. U empêche les Iroquois
d’envoyer des Députés au Marquis de
Dénonville. Sa Lettre à ce Général. Il
fait piller les François de l’Acadie ,
de il défavouc ces Expéditions , 5-58.
Andujia . Chef Sauvage de la Flori¬
de, invite les François à une Fête, 3r,
Anglois. Des Anglois fecourent les.
François de la Floride , y 8. Ils veulent
s’établir parmi les Canibas , de n’y
réuffiffent point , 1 3 x. Ils chaffent les
François de S. Sauveur de de l’Aca¬
die, de fous quel prérexte , 154. &
fuiv. Ils enlevent la Nouvelle Belgi¬
que aux Hollandois , 143. Ils font plu-
fieurs hoftilités fur les François pen¬
dant le fiége dfe la Rochelle , 16 y. Ils
fe rendent Maîtres du Canada, 169.
Pourquoi ils fe rendirent fi faciles à
reftituer à la France l’Acadie, 176. Ils
continuent à trafiquer avec les Sau¬
vages du Canada contre le Traite de
S. Germain , 177. Ils ne s’y prennent
pas bien avec ces Peuples , de ce qui
en arrive, 179. Ils propofent une al¬
liance éternelle entre la Nouvelle
France de leurs Colonies , quelques
guerres , qui furviennent en Europe
entre les deux Couronnes , 286. Ce
qui fit échouer ce projet , 289. Ils re¬
cherchent l’amitié du P. Dreuillettes >
de pourquoi, 31 1. Ils donnent a la
Nouvelle Belgique le nom de Nou¬
velle York, après en avoir chaffé les
Hollandois, 37 y- & fuiv. Leurs ufur-
parions du cote del Acadie , 4®S, Iis
font repouflés du Cap de Sable , 409.
Ils s’emparent de nouveau de l’Aca¬
die de des Provinces voifines , 41 3 . d?
fuiv. Us manquent de parole au Sieur
le Borgne. Ils prennent par compofi-
tion le Port de la Héve, 414. Leurs
prétentions fur Pille de Terre- Neuve-,
418. Quelques-uns s’établiffent furies
bords du Kinibequi ; réception , qu’ils
font à M. de S. Luffom, ils font rap-
pellés dans la Nouvelle Angleterre,
439, Iiss’emparent de nouveau de PA-
DES MATIERES.
cadre eft tems de paix , 450. Ils cher¬
chent à nous fu (citer des affaires 5 ils
bâtiflent le Fort de Pemkuit ^ ils veu¬
lent mettre les Abénaquis aux prifes
avec les Iroquois , & quelles font en
cela leurs vues , 4 62-63. Ils s’empa¬
rent pour la cinquième fois de l’Aca¬
die & de fes dépendances, 463. Ils
n’ont aucun droit fur la Baye d’Hud-
fon , 476. Ils y font conduits par des
Transfuges François , & y bâtiffènt
trois Forts , 477. Ce qui fe paffe entre
eux & les François en un autre endroit
de cette Baye .>479. Les mêmes Trans¬
fuges leur livrent le Fort Bourbon ,
48 u Ils fe fervent de nos Deferteurs
pour animer les Iroquois contre nous;
enfuite ils les vendent comme Enga¬
gés à la Jamaïque .? 484. V int-fîx An-
glois tués par les Tfonnonthouans ,
489. Ils promettent un grand fecours
aux Iroquois , s’ils veulent recom¬
mencer la guerre , 49 y. Des Anglois
vont en Traite à Michillimakinac
y font reçus par nos Alliés, yoa. Ils
font châties des Forts du fond de la
Baye d’Hudfon, 505-. & [uiv. Avan¬
tage , qu’ils ont fur nous pour Iecom-
merceavec les Sauvages , Sc pourquoi
il ne faudrait pas les laiftër dans le
voifînage des Iroquois , 507. Ils font
repoulîës du Fort de Sainte Anne dans
Ja Baye d’Fïudfon. D’autres Anglois
retournent à Michillimakinac j Sc font
pris par M. de la Durantaye , 51 y.
Deux François , qu’ils avoient fait
Prifonniers, leur enlevent un Vaif-
feau , f 19-10. Leurs prétentions Sc
leurs entteprifes fur l’Acadie. Usfom-
ment le Baron de S. Caftin de leur li¬
vrer Pentagoet. Leurs intelligences
dans le Pays, 510. Ils fomentent la
guerre entre les Iroquois Sc nous à
caufe du commerce , n9 Ils mettent
tour en ufage pour nous débaucher les
Nations Abénaquifes , 741. Qnebec
eft menacé d’une Flote Angloife ,
5 ço. Ils fe propofent de châtier les
François de la Baye d'Hudfon. Avan¬
tages , que M. d Iberville remporte
fur eux , yyy. & [Uiv. Ils foftt chafFés
de plufieurs Forts par les Abénaquis,
557. & [uiv. Incompatibilité des An¬
glois Sc des François en Canada : les
Premiers promettent aux Iroquois la
deftruction entière de la Colonie Fran-
çoife. Ils regardent les Jefuires com¬
me leurs plus dangereux Ennemis en
ce Pays-là, y Go.
Anjelran. Le P. Anjelran , Jefuite ,
eft bielle dans la furprife des Tfon¬
nonthouans. Services , qu’il a rendus
à la Nouvelle France , 516
Animaux particuliers à la Floride ,
28, 19. Deux Animaux finguliers dans
le Pays des Hurons , i8y. Animaux
particuliers au Pays des Iroquois,
272. & [uiv.
Anticojîy. Ifîe de l’embouchure du
Fleuve S. Laurent ; fa (îtuation ; fes
divers noms , 10.
Antoine. Dom Antoine de Portu¬
gal offre le commandement de fa Flot¬
te au Chevalier de Gourgues , 106.
Apalacbe , Montagnes d’Apalache
dans la Floride. On fait accroire aux
François quelles renferment des Mi¬
nes , & ce qui en eft. 42.
Apalachine , ou CaJJine. Arbritièati
de la Floride , dont les feuilles grillées
Sc bouillies compofent une boilTon ,
dont on ufe beaucoup dans la Flori¬
de, 30. Foyez. le Journal.
Ar az,af a 3V \\\ç de\a Nouvelle York :
Les Anglois s’en rendent les Maîtres,
3y6,
Arbres propres de la Floride, 29.
& [ uiv . Arbre (ingulier dans la Mer
vis-'a-vis l’embouchure de la Riviere
de S. Jean, 1 17. Qualités des Arbres
duCanada , félon M. Denys ,133.^
[uiv. Arbres particuliers au Pays des
Iroquois, 272.
ArgalL ( Samuel ) châtie les Fran¬
çois de S. Sauveur ; fur quoi il fonde
le droit de cette irruption , 1 3 5-36. Il
enleve furtivement laCommiffton du
Commandant , pour le traiter de Pi¬
rate; propofîtions. qu’il fait auxFran-
cois, 136. Il avoué- fa fourberie , pour
fauver la vie aux François en Virgi¬
nie. Il ruine S. Sauveur & le Porc
Royal. Un François l’avertit de le te¬
nir en garde contre les Jefuites 5 1 38.
Devenu Gouverneur Général de la
Virginie , il revendique Manhatte fur
les Hollandois , . 37 S*
Argenfon. Le Vicomte d Argenlon
Gouverneur Général de la Nouvelle
France , fait inutilement courir après
des Iroquois , qui avoient donne 1 al-
larme à Qiiebec , & tué quelques
François, 3 3 S- 3 9- P.ar?îc peudilpo-
fé à entrer en négociation avec ces
Barbares , & ce qui lui fait changer
de peu fée , 3 49" S °* ^ ^alt f°nder le
P. le Moyne pour aller négocier la
paix dans les Cantons, 330. Il re¬
tourne en France , (ans attendre ion
SuccelTeur , & pourquoi ? 3 f 0
Armouchiquois. Sauvages du Cana¬
da. Leur caradére. Ils fe réfugient
dans la Nouvelle Angleterre, 1 34- Ce
que Champlain dit de leur figure ,
198.
Arnaud. Député du Colonel Don-
gan à Onnontagné , fes propofitions j
léponfe , qu’on lui fait , 49 1
Afpics finguliers dans le Pays des
Iroquois, z7*-
Ajfemblee des Notables , convoquée
par M. de la Barre au fujetde la guer¬
re des Iroquois, & ce qu’on y re¬
font , ,47r -.f* fujtVm
Ajjiniboils , Lac des Aflimboils, Ion
étendue , fa fituation , 17. Les Aflini-
boils , Sauvages du Canada de la Lan¬
gue des Sioux , avec lefquels on les
confond quelquefois , 39^.
Attikamegues . Sauvages du Canada.
Situation de leur Pays, leur carade-
re.lls fe font inftruire de laDodrine
Chrétienne, 220. Pourquoi la Foi ne
fait que des progrès lents parmi eux,
211. Ils affilient à une Audience pu¬
blique donnée aux Députes Iroquois,
264. Ils attirent plufieurs Nations aux
Trois Rivières , 8c les difpofent au
Chriftianifme par leurs bons exem¬
ples , 308 . Le P. Buteux les vifite dans
L E
leur Pays , & les trouve tons fervens
Chrétiens, ou C a rechu mène s , 309-
10. Ils font attaqués , & prefque dé¬
truits par les Iroquois. Quelques- uns
engagent ce même Pere à les fuivre
chez eux, & ce qui en arrive ,310-
1 1. Trente Attikamagues , Hommes
8c Femmes, avec quelques François, ,
font envelopés par un Parti Iroquois,
& font tués. Bravoure des Femmes ,
348. Conjedures fur leur ancienne
demeure , 397. Ils difparoifient en¬
tièrement après une grande mortalité
dans le Nord, 42.8.
Avaugour . Le Baron d’Avaugour >
Gouverneur Général de la Nouvelle
France j fon caradere •, ce qu’il penfe
du Canada , 330. Il traite avec Gara-
konthié, 3 y y. U demande du fecours
an Roy, 360. Il permet la Traite de
l’Eau-de-vie par pique , 360-61. Il
s’obftine , quoiqu’on puifie lui dire,
362. Maniéré équitable , dontil ren-
doit la juftice , 371. Il retourne en
France , rentre au Service de l’Empe¬
reur contre les Turcs , 8c meurt au lie
d’honneur , ?74»
Aubert ( Thomas ) Pilote de Diep¬
pe , amene en France des Sauvages du
Canada. Il n’eft pas vrai qu’il ait fait
la découverte de ce Pays par ordre de
Louis XII. # 4°*
Autmoins. Jongleurs parmi les Aca¬
diens, 129. V oyez Jongleurs.
Autriche. Anne d’Autriche, Reine
de France, demande aux Etats Géné¬
raux la délivrance du P. Jogues , 247.
Elle ordonne aux Gouverneurs Géné¬
raux de la Nouvelle France de proté¬
ger les Sauvages Chrétiens contre leurs
Ennemis , 289. Elle propofe le P. le
Jeune pour Evêque du Canada, 8c
accepte l’Abbé de Montigny , Fran¬
çois de Laval , qu’on lui préfente ,
3 39-
Ayllon. Luc Vafquez d’Ayllon ,
Confeiller de l’Audience Royale de
San Domingo, découvre le Jourdain.
Où fe borne fon Expédition en Flori¬
de, 2,4 i
D E S M A
f
B
"TyAHAAfA. Caufe des fréquens
JL/ naufrages, qui fe font au Canal
de Baharaa , & leurs fuites , 61.
Baillif, Le Baillil, François Calvi-
nifte3 fervoir dans l’Efcadre Angloife,
qui prit Quebec. Le Commandant
lui remet les clefs du Magafin de cette
Ville, * / l6ÿ
Bailloquet. Le P. Bailloquet , Jefui-
te, fes travaux le long du Fleuve & du
Golphe de S. Laurent , ^ j i.
Baleines. Quantité , qui s’en trou¬
ve fur les Côtes de l’Acadie , 1 1 y . &
dans le Fleuve S. Laurent , jqo.
, Barda. D. André Gonzalez de Bar-
cia , fes prétentions au fujet de la Flo¬
ride, 25. Il réfuté fort bien M. de
Thou , 87. Voyez, la Lille & l’Exa¬
men des Auteurs.
La Barre. ( M. le Febvre de) le Roy
Louis XIV. ne trouve pas bon fon
Reglement au fujet de la Portion con¬
grue des Curés du Canada ,341. Il
eft nommé Gouverneur Général de la
Nouvelle France ,• fes inftruétions ,
465. Il arrive à Quebec prévenu con¬
tre les Créatures de M. de Frontenac ,
& contre M. de la Sale. Il écrit au
Roy contre ce dernier , 470. Etat , où
il trouve la Colonie : il convoque une
AlTemblée des Notables , pour déli¬
bérer fur ce qu’il y avoir à faire ; ce
qu on y conclut , 471. Il envoie en
Cour FAéle de la Délibération : avis,
que le Roy lui donne, 473. Il fe dif-
pofe a la guerre contre les Iroquois ,
fans perdre l’efperance de s’accommo¬
der avec eux. Il députe à Onnonta-
gué ,• comment fon Envoyé eft reçu ,
483. Ce qu’il mande au Miniftre au
fujet de cette guerre : il fait encore
une tentative auprès des Iroquois : ré-
ponfe infolente , qu’ils lui font. Il dé¬
couvre les intrigues des Anglois, 484.
Il fe faific du Fort de Catarocouy , &c
de celui de Saint Louis des Illi¬
nois , qui appartenoient à M. de la
T I E R E S. 60 y
Sale. Ce qu’on penfoit de lui dans la
Colonie, 48 y. Ce qui le détermine à
la guerre contre les Tfonnonthouans,
486. Prévention de plufieurs contre
lui : il veut divifer les Cantons ,* fes
arrangemens pour la Campagne, 485?.
Il part avec 1 Armée 3 avis, qu’il reçoic
d’Onnontagué & de deux autres
Cantons : propofitions , que lui font
les Onnontagués 5c les Tfonnon-
thouans , 490. Extrémité, où il fe
trouve ; il fait la paix à des conditions
peu honorables , 49 i.&fuiv . Il reçoic
du fecours de France , 493. Ordres ,
que lui donne le Roy , 494. Nouvel¬
les , que lui mande le P. de Lamber-
ville, 49 y. Il eft rappelle , 496", Ce que
A4, de Denonvillerepondau Gouver-
neur delà Nouvelle York à fon fujet,
5^4* Il peimet par furprife des repré¬
failles fur les Gens de M, delà Sale ,
& ce qui en arrive, r
Barré. Nicolas Barrréeft choilipour
Commandant à Charlefort à la place
du Capitaine Albert. Sa bonne con¬
duite, 33. Il abandonne Charlefort ,
le ruine, Sc s’embarque avec tous fes
Gens pour retourner en France , 34.
Barrillon. M. de Barrillon, Ambaf-
fadeurde France auprès de Charles IL
Roy de la Grande Bretagne, fait inu¬
tilement a ce Prince de grandesplain-
tes fur l’Entreprife des Anglois dans
la Baye d’Hudfon , yo y. Ordre , qu’il
reçoit du Roy fon Maître , ^07.
Bafoues. En quel tems ils ont com¬
mence a faire la Peche des Morues
fur les Bancs de Terre-Neuve , & fur
les Côtes voifines ,
Batard Flamand , Hollandois , né
dans le Canton d’Agmer d’une I10-
quoife de ce Canton. Il attaque le P.
le Moyne , qui retonrnoit à Quebec,
après avoir conclu la paix à Onnon-
tague, 317* Il attaque les Outaouais
& les Huions , & s’exeufe mal de ce
qu’on avoir tiré fur le P. Garreau , 3 27.
M. de Sorel le rencontre à la tète d’un
Parti d’Agniers , & pour fe tirer d’af¬
faire il dit qu’il va en Députation trai-
i : •
6o3 ^A
,etdelapa«avecM.deTiacy;.teft
conduit à Quebec, 3 b 4. Il eft airete
Prifonnier , 385. Il eft mis en liberté,
38b.
Baugy. Le Sieur de Baugy , Lieute¬
nant des Gardes de M.de la Barre, va
prendre au nom de ce General pollef-
fion du Fort de S. Louis des Illinois ,
lequel appartenoit à M. de la Sale 3
485. Il repoufle les Iroquois, qui af-
fiégeoient ce Fort , 4§<L
De Bay , Freredu Sieur delaGirau-
diere , propofe un accommodement
avec M.Denys , . 4 1
Baye des Chaleurs . Sa fituation. D ou
lui vient ce nom 3 pourquoi on 1 ap¬
pelle auifi Baye des Êfpagnols.
Baye Françoife. Sa fituation ëc la
defcription , 117
Baye d'Hudfon , voyez Hudjon.
Baye de S. Luc , ou Port au Mouton.
D’où vient ce dernier nom. Sa fitua-
tion. . .
Baye de S, Paul. Sa Situation. Ses
Mines de fer , 39
Baye des Puants , ou la grande Baye.
Voyez le Journal. o .
La petite Baye a Plaifance. Sa litua-
tion , a 1 d19
Begon. M. Begon Intendantde la Ro¬
chelle. Ordres, qu’il reçoit du Roi, 54
Bekancourt. Le Baron de Bekancourt
accompagne M. de la Barre dans fon
Expédition contre les T fonnonthou-
ans , 49 l-
Belgique 3 Nouvelle Belgique , Co¬
lonie Hollandoife de l’Amerique. Sa
fituation. Sa fondation , 141. Les An-
glois s’en rendent les Maîtres , & la
nomment NouvelleTork* Voyez ce mot.
B elle fond. Le Maréchal de Bellefond
engage le Roy à renvoyer M. de Fron¬
tenac dans la Nouvelle France en qua¬
lité de Gouverneur General , & ré¬
pond de fa conduite , S 43*
Belle JJle. Détroit de Belle Ifle , ce
que c’eft , , . , .4“*
Benevent , Abbaye reunie a 1 hve-
çhédeQuebec, . 4°^.
Berfiamites , Sauvages , qui trah-
BLE
quoient à TadouiTa c, & qu’on y înf-
truifoit de la Doétrine Chictienne.
221. 308.
Berthier.yi. de Berthier , Capitai¬
ne dans le Régiment de Carignan-
Salieres , conduit l’ Arriere-Garde de
l’Armée contre les Agniers , avec M.
de Sorei , . _ J?*'
Biart. Le P. Pierre Biart , Jeluite,
eft deftiné pour 1 Acadie , m. Il eft
arrêté à Bourdeaux , &c pourquoi ? 1 22.
Il part pour l’Acadie , & ce qu il y eut
à fouffrir , 1 2 3 . Sa relation de ce Païs ,
1 24. Sa conduite à l’égard d’un Chef
Chrétien , qui vouloir etre^ enterre
avec fes Ancêtres , 1 30. Il preche L-
vangile aux Canibas , 1 3 ï . 1 1 fetrani-
porte à S. Sauveur, il baptife un En¬
fant moribond , & Ie guérit fur le
champ, 134- U s’embarque pour la
Virginie après la pnfe de S. sau¬
veur , 136. Un François avertit les
Anglois de fe défier de lui. Comment
il fe venge aux Açorres du mauvais
procédé du Capitaine Anglois de ion
VaiiTeau, 1 38. Ce qui lui arrive en
Angleterre , 139. Voyez la Lifte oC
l’Examen des Auteurs.
Biencourt. M. de Biencourt , Fils de
M. de Poutrincourt, va chercher des
vivres en France. Il veut éluder de
mener des Jefuites en Acadie , & s of¬
fre enfuite à les y conduire , 1 ii'. U
traite avec Madame de Guet cheville ,
123. Il promet à un Chef Chrétien
de le faire enterrer avec fes Ancêtres,
& s’entête malgré les reprefentations
des Millionnaires , 1 3°:
Bierre , Gentilhomme Gafcon , qwi
périt dans l’Expédition de M. de
Gourgues en Floride , **? £•
Bigot. Le P. Vincent Bigot, Jefui-
te , a (Tenable un Village d’Abenaquis
vers Pentagoet, 531. Ce que M. de
Dénonville dit au Miniftrede ce Mii-
fionnaire , de du P. Jacques Bigot ,
fon Frere , U9«
Bifeau. M. de Bifeau , Ambafladeur
de France en Angleterre , fait repaf-
fer en France trais Millionnaires ,
D E S M A
qui revenoient de l’Acadie, 139.
Le Blanc. Vincentle Bianc ,ce qu’il
die du voyage d’un Efpagnol fur le
Fleuve S. Laurenc , & à la Côte de
Labrador. Ce qu’on doit penferdecet
Auteur , 4. Voyez la Lifte & l’Exa¬
men des Auteurs.
Blome. Richard Blome » Hiftorien
Anglois , relevé au fujet de la Nou¬
velle Belgique , 142. Voyez la Lifte
& l’Examen des Auteurs.
Bochart. M. du Plelîis Bochart,
Gouverneur des Trois Rivières : fa
bonne conduite.il eft tué par un Par¬
ti Iroquois , 309.
Bœufs Illinois. Ce qu’ils ont de par¬
ticulier , 447.
Boifguillot , Canadien. Ordre , qu’il
reçoit de M. de Dénonville , 51 2.
Bonifa.ce , Le P . Boniface , Je-
fuite , amené dans la Colonie pl ti¬
reurs Chrétiens Iroquois du Canton
d’Agnier, 431.
Bonnevifte > Cap de Pille de Terre-
Neuve , fa lituation , découvert 8c
ainfi nommé par Jacques Cartier , 8.
Bontems , Capitaine de Navire ,
prend un Vaifteau Portugais s & dé¬
livre deux François , qu’on menoit
Efclaves au Brelîl , 86.
Le Boefme. Le Frere Louis le Boef-
me, Jefuite, part avec des Outaouais,
32 6. Il en eft abandonné ,8c retourne
à Québec j 327.
Le Borgne , Pere , Habitant de la
Rochelle , Créancier de M. de Char-
nifé , obtient après la mort de ce
Gentilhomme un Arrêt du Parlement,
qui le met en polie flion de tout ce qui
avoit appartenu en Acadie à Ton De¬
biteur, 412. Ses prétentions & fes en-
treprifescontreMM. de la Tour & De-
nys ; fes violences contre ce dernier,
41 2-1 3. Il eft fommé par les Anglois
de leur rendre le Port Royal, 413.
Il le rend après quelque réliftance ,
4M*
Le Borgne , Fils , va à laHéveavec
fon Aftocié, y eft^ttaqué par les An¬
glois , s’enfuit dans le Bois , eft mené
Tomt I.
TIERES. 6c$>
Prifonnier à Bafton , traite avec les
Anglois, _ ai 4
Boffon.Les François difent Baflort.
Les Anglois bandent cette Ville fur
un terrein , qui appartenoit à la Fran¬
ce, 116
Boucher. Le Sieur Pierre Boucher ,
Gouverneur des Trois Rivières , eft
envoyé en France pour reprefenter au
Roy les befoins de la Colonie , 8c eft
très-bien reçu de Sa Majefté , 360.
Boule'. Le Sieur Boulé , Lieutenant
& Beaufrere de M. de Champlain ,
eft pris par les Anglois en allant cher¬
cher du fecours en France , 168.
Bourbon. Riviere de Bourbon. Qui
lui a donné ce nom , fa lituation ,
479. Voyez , Port Nelfon.
Bourdon. Le Sieur Bourdon accom¬
pagne le P. Jogues aux Iroquois, 269.
Ce qu’on lui mande au fujet de ce
Millionnaire , 275. Devenu Procu¬
reur Général du Confeil Supérieur de
la Nouvelle France 3 M. de Méfy le
fait embarquer pour France 3 il porte
fes plaintes à la Cour contre ce Gé¬
néral, 377. Il prend polTeftion de la
Baye d’Hudfon pour le Roy , 476.
Bourgeois. Marguerite Bourgeois ,
fonde à Montreal l’Inftitut des Filles
de la Congrégation , 343.
Bouteroue. M. de Bouterouë Inten¬
dant en Canada , fes infttuélions ,
qoj. Ce que M. Colbert écrit à M.
de Courcelles à fon fujet , 40 6.
Mademoifelle de Bouterouë , fa
Fille, tient fur les Fonts de Baptême
Garakonthié avec M. de Courcelles ,
427.
De Bray . Jeune François fouftrait
à la cruauté desEfpagnols par un Chef
Sauvage en Floride , va reconnoître
en quel état étoit le Fort de San Ma-
theo , 98. Son raport à M. de Gour-
gues, 99
Breheuf. Le P. Jean de Brebeuf,
Jefuite , arrive à Quebec , 1 y 9- Il part
pour le Pays des Huions, 8c eft obli¬
gé de retourner fur fes pas, 1 60. Il
retourne au Canada après la reftitu-
HHhh
T à B L' E
don de ce Pays à la France , 178. U Briftol. Jeati_Guyasde Briftoî, An-
(c difpofe encore à aller chez les Hu
rons ; ce qui fait différer Ton voyage ,
ïSz. Il arrive chez eux-, ce qu il eut a
fouffiir dans le voyage , 187. & fuiv.
Ce que lui die un Huron pour lui , . -
prouver qu’il ne devoir pas changer qui pur Quebec
île Religion, 185?. Il obtient de la Bruyas. Le P-
pluye par Tes Prières , 1 91 . Il eft ap¬
pelle à un Confeil de Hurons , & ce
qui s’y pade , 191. Il baptife un Cap¬
tif Iroquois , & l’affifte a fa mort ,
2 1 o. & fitiv. Il prêche l’Evangile a la
Nation Neutre, 124$. H retourne de
Québec aux Hurons avec une Elcoi-
te, 2.63. Il ne veut pas le fauver de la
Bourgade de S. Louis a l aproche des
Iroquois , 290. Il eft pris par ces Bar¬
bares, 291. Il eftbtnle. Son coin âge .
fon caractère , 292-93. Voyez la Lil¬
le & l’Examen des Auteurs.
Brefil. Colonie Françoife au Brelil.
Les François lont bien reçus des Bra-
filiens. Ce qu’ils devinrent , 12 ,, 23.
Brejfani. Le P. François -Jofeph Brel-
fani , Jefuite Romain, s’offre a fuivie
un Convoi, que l’on envoie aux i lu¬
rons. Il eft pris par les Iroquois , 258.
Tourmens , qu’ils lui font louftnr ,
259 .& fniv. H eft vendu auxHollan-
dois , qui le font repafter en France,
260. Il retourne à Québec 3 fait une
quête pour fes Bourreaux , 167. Il re¬
prend le chemin du Pays des Hu¬
ions, eft attaqué en chemin par les
glois , fait un Etabliffement dans la
Baye de la Conception en Terre-
Neuve, _ 4!8.
Braie, fEftienne ) Calvinifte Fran¬
çois , fert dans la Flotte Angloife ,
169.
_ _ .. Bruyas , Jefui-
re , eft envoyé Millionnaire aux Iro¬
quois, 398. Ce qui 1 empêche de faire
du fruit dans le Canton d’Onneyomh,
43ï.
Bulllon. Madame deBullion donne
foixante-deux mille livres pour aider
à la Fondation de l’Hôpital de Mont¬
real , 343*
B ut eux. Le P. Jacques Buteux , Je¬
fuite 3 fes travaux dans le Nord du
Canada, 309-10. Il y retourne avec
un prelfentiment de fa mort 31 1. U
eft tué par les Iroquois, , 311*
Button , Anglois , qu’on prétend,
fans le prouver, avoir pris polfelBon
de la Baie d’Hudfon, 47^.
Byjjiriniens , Sauvages du Canada,
202.
C1AEN. Emery Sc Guillaume de
Caen , fon Oncle , Coramer-
çans Huguenots , entrent dans les
droits de la Compagnie du Canada.
Guillaume de Caen arrive à Quebec ,
1 ^8. Il en ufe mal avec les Jefuites,
1 59. Il en reçoit des réprimandés dit
NT II reiiem à Duc de Vemidour , Vice-Roy de U
Quebec après la délation du Pays Nouvelle Fl?n« > ^ I‘cf A1
cks Hurons , & la difperfion de cette çonne d avon fol licite les Anglois de
Nation, 302. Il retourne en Italie , s’emparer du Canada , iQ -66. Voiez
& v prêche avec fuccès ,312. Voyez les _pages 171. 172- l8°- .Emer[ de
la Lifte & l’Examen des Auteurs. Caen eft pris par les Angloisen allant
Bretons. En quel temsles Pécheurs
Bretons ont commence défaite la Pé¬
ché des Morues fur le grand Banc.de
Terre-Neuve, & fur les Côtes voul¬
ues , 3 »
Bretonvi! tiers . M.de Bretonvilliers ,
Supérieur du Séminaire de Montreal,
nomme M. Perrot Gouverneur de
cette Ville , 4°7*
au fccours de Quebec, 170. Il retour¬
ne en Canada , &c les Anglois lui re¬
mettent Quebec. On lui abandonne
le commerce du Pais pendant un an
pour le dédommager de les pertes ,
177 •
La Ceffiniere . M. delà Caffiniere 9
Capitaine de Vaiffeaux , commande
deux Navires pour l’Expédition de la
*
DES MATIERES. 6,1
Nouvelle York. Inftrutftions , qu’il
reçoit de M. de Frontenac. Il fait plu¬
sieurs prifes , ôc retourne en France,
548.
La Caille , Sergent en Floride. Les
Mutins de la Caroline en veulent à fa
vie j & il fe fauve, 50. Il eft envoyé
au Gouverneur de San Matheo pour
capituler , 84.
Callieres. Le Chevalier de Callieres
eft nommé Gouverneur de Montreal,
494. Il conduit un Convoi a Cataro-
couy , 529. Son projet pour la con¬
quête de la Nouvelle York , 541. &
fuiv. Le Gouvernement de cette Pro¬
vince lui efl; deftiné , 54 6. Eloge du
plan , qu’il avoit donné pour cette
conquête, $-47. Il arrive à Montreal,
& en quel état il trouve fon Gouver¬
nement , 549-50. Il propofe un nou¬
veau plan pour la conquête de la N.
Y 01 k , 553. Ce plan eft trouvé bon ,
& pourquoi on ne l’exécute point ,
Çf4. Il rire par fes bonnes maniérés
le fecret des Députés Iroquois, 563-
64. Il les envoie au Comte de Fron¬
tenac , 565-.
Calos , Cacique Floridien ; fes ri-
cheiïes & fa cruauté , 53.
Camceaux , Port de l’Acadie; fa fi-
tuation & fa defcription , izo. La
Compagnie des Indes Occidentales
le concède par furprife , au préjudi¬
ce de M. Denys ,415. Elle cafte & an-
nulle fa conceftion , 416. Il eft pillé
par les Anglois , y 38.
Canada . Origine de ce nom, félon
quelques-uns , 9. Son étendue , 1 1.
Quand il fut nommé Nouvelle Fran¬
ce , 149. Les Anglois s’en rendent les
Maîtres, 169. On délibéré dans le
Confeil du Rov lion en follicitera la
reftitution , 173-74. En quel état il
étoit, lorfqu’il fut rendu à la France,
17 6. Pourquoi il y a plus de Noblef-
fe Françoifé en Canada, que dans les
autres Colonies . 399. Projet des Iro¬
quois pour ch aller les François de
îout le Canada , 5^0.
Canadiens. François nés en Canada.
Ils (ont peu proceftîfs, quoique Nor¬
mands d’origine pour la plupart. Leur
bonne foi , 371. Leur vertu fait im-
prelîion fur ceux , qui arrivent de
France, 389. Leur génie ; leur peu de
précaution , 497.11s fe battent fort
bien à la journée de Tfonnonthouan,
517. Eloge , qu’en fait M. de Dénon-
ville , 52t.
Canibas , Sauvages du Canada. Ce
font les vrais Abénaquis. Voyez ce
mot.
Canibequi , vulgairement Kinibequi.
Voyez ce mot.
Cap Breton , Ifle. Aujourd’hui IJle
Royale. Voyez ce nom.
Cap François , découvert & ainft
nommé par M. de Ribaut; fa fitua-
tion , 25. Son incommodité , 38.
Cap de Sables , en Acadie. Ce qui
s’ypafte entre MM. de la Tour,Pere
& Fils , 408. & fuiv.
Capucins. Les PP. Capucins établis
dans le Pays des Abénaquis , fouhait-
tent que les Jefuites faftènt des Mif-
(ions parmi ces Sauvages , & reçoi¬
vent bien le P. Dreuillettes , 280.
Car. Le Chevalier Robert Car , An-
gîois , s’empare du Fort d’Orange ,
, . . r4$-
Carheil. Le P. Etienne de Carheil,
Jefuite , eft conduit aux Iroquois pac
Garakonthié, 398. Soncaradftere. Ef-
time , où il eft en Canada. Fait peu
de fruit dans le Canton de Goyo-
gouin, 403. Sa Lettre au Comte de
Frontenac fur ce qui a engagé nos
Alliés à traiter avec les Tlonnon-
thouans, 568. & fuiv.
Car ignan-S altérés , Régiment Fran¬
çois , qui , au retour de Hongrie , eft
envoie en Canada , pour faire la guer¬
re aux Iroquois , 80-8 x . Prefque tous
les Soldats , & plufieurs Officiers s’é-
rabliftent dans le Pays , 399.
Caroline , Forterefte bâtie dans la
Floride par M.de Laudonniere. Sa fi-
tuation ; fa defcription ; erreur des
Hiftoriens 3c des Géographes à cefu-
jet , 39. En quel état ies Efpagnolsia
HH h h ij
611 „ , • TAB
trouvèrent , quand ils la pruent , 77.
78. Ils lui donnent le nom de San
M'atheo 3 81. Elle eft prefqu’emiére-
ment confuméepar les flammes , 82.
Voyez San Jffatbeo.
Le Caron. Le P. Jofeph le Caron ,
Recollet , va chercher les Hurons,
153. Ses occupations dans ce Pays. U
retourne en France , 155. Il retourne
chez les Hurons , 158.
Carreau. Gentilhomme Gafcon ,
qui périt dans l’Expédition du Che¬
valier de Gourgues en Floride , 105.
Cartier ( Jacques ) Pilote Maloin ,
eft préFenté au Roy François I. pour
continuer les découvertes de l’Ame-
rique. Son premier voyage , 8. 9. Ce
qu’il dit de Terre-Neuve, 9. Il prend
pofleflion des environs du Golphe du
Canada , retourne en France , 8c en
part l’année Clivante pour continuer
Les découvertes •, avec quelle piete il
le prépare à ce voyage ,9. Ses nouvel¬
les découvertes , 10. & fuiv. Pour¬
quoi il donne au Golphe du. Canada
le nom de S. Laurent , 1 o. Riviere de
Jacques Cartier ,11. On veut le dé¬
tourner d’aller à Hochelaga. Il y va ,
comment il y eft; reçu. Les Sauvages
s’adreflent à lui pour être guéris de
leurs maladies: Fa pieté 8c la foi, 12.
Il eft attaqué du Scorbut, & comment
il en guérit: à quoi il l’attribue, 1 4.
Ce qu’il dit du Canada au Roy à. Fon
retour en France , 14. Pourquoi fes
Mémoires ne Font pas d’une grande
utilité, 15. U raconte beaucoup de
choFes merveilleuFes du Canada, ibid.
Il accompagne M. de Roberval en
Canada. Ce Gentilhomme lui donne
le Commandement de Fon Fort. Il
l’abandonne , 8c pourquoi ? Il y re¬
tourne , ll-
Café neuve. M. de Cafeneuve, Lieu¬
tenant du Chevalier de Gourgues en
Floride, merles EFpagnols entre deux
feux , 100. Il en taille une partie en
pièces, 101.
Caftaneda. François de Caftaneda,
Capitaine des Gardes de Dom Pedro
LE
Menendez dans l’Expédition de îa
Floride , 82.
Caflïllon , un des premiers Mem¬
bres de la Compagnie des cent Aflb-
ciés pour la Nouvelle France , 16 1.
Catarocouy. Situation & defcription
de ce lieu. V. le Journal. M . de Cour-
celles projette d’y bâiir un Fort > 8c
pourquoi 1 443- Il eft bâti par M. de
Frontenac, 444. M. delà Saleoftrede
le fortifier , 8c pourquoi ’ 456. il en
obtient le Domaine 8c le Gouverne¬
ment *, à quelles conditions , 457. Il
y fait travailler, 458. Defleindes I10-
quois Fur ce Fort ; M. de la Barre s’en
fai fit , 485. Il eft reftitué à M. cie la
Sale, 496. Projet d’une Aflembléedes
cinq Cantons Iroquois dans ce Fort ,
5 04. Leurs Chefs y Font arretés , $oy.
Les Onnontagués s’en approchent ,
6 font des PriFonniers , 52 y. Il eft
afliégé par les Iroquois, qui y brillent
le foin , & tuent les Beftiaux. Lefié-
ge eft levé , 528. Il eft ruiné par or¬
dre de M. de Dénonville , 551. Les
iroquois s’en plaignent , y6 4.
Catherine. La bonne Catherine ,
voyez Tegabkpuita.
Cendre chaude. Nom d’un Capitaine
Agnier. Il eft tué au combat contre
les TFonnonthouans. Il avoit été un
des Bourreaux du Pere de Brebeuf.
Comment , après fa converfion, il re¬
para fon crime , y 16.
Cbabanel. Le P. Noël Chabanel ,
Jefuire , pourquoi on lui ordonne de
fortir de la Bourgade ^Huronne de S.
Jean, 297. Il diFparoît; conjedures
fur fa mort , 298.
Chabot. Philippe Chabot , Amiral
de France , engage François I. à faire
continuer les découvertes dans l’A-
merique , 8c lui préfente Jacques
Cartier , 8.
Cbagouamigon , ou S. ALichel , Ifle
du Lac Supérieur ; fa fituation. Le P.
Mefnard y eft appellé par des Hu¬
rons , 357. Grand concours de Sau¬
vages à cette ifle , 8c ce qu’y fait le P.
Allouez > & fttiv.
DES MATIERES.
La Chaife. Le P. François de la Chai-
fe, Confeffeur du Roy , eft nommé
par Sa majefté pour juger (i on doit
permettre la Traite de l’Eau - de- vie
avec les Sauvages. Son fentiment, 4 y y.
Cnaimt , Officier François tué par
les Agniers , 384.
Cbambly. M. de Chambly , Capitai¬
ne dans Carignan - Salières fait bâ¬
tir un Fort, qui eft aujoud’hui une
Place forte, & porte fon nom , 38 t.
Utilité de ce Fort, 3 Sa. M. de Cham¬
bly eft nommé Commandant de l’A¬
cadie. Il eft affiégé dans Pentagoct ,
8c fes Gens le voyant bleffé , fe ren¬
dent s 450, Il eft nommé Gouverneut
delà même Province, 462. Il pâlie
ait Gouvernement dô la Grenade ,
463. Le Fort de Chatfibiy eft aftîegé
par les Agniers , qui y font beaucoup
de dégât, 8c font repoulfés , 523-24.
Cbampigny. M. de Champigny No-
roy , Intendant de la Nouvelle Fran¬
ce ; fon éloge , faprevoïance , il pré¬
cédé l’Armée de M. de Dénonville â
Catarocouy , y 14. Ses raifons pour
évacuer ce Fort 8c le ruiner , y yo- y 2.
Cbampflours. M. de Champflours 3
Gouverneur des Trois Rivières 3 les
Iroquois lui font des propofitions de
paix , 22 y. Avis , qu’il donne à M. de
Montmagni , 261, Il affifte à l’Au¬
dience publique donnée aux Ambaf-
fadeurs Iroquois , 263.
Chdjnplain ( Samuel de ) Capitaine
de VailTèau , fe trompe en difant que
Cartier dégoûta François I. du Cana¬
da, 14. Son premier voyage en Ca¬
nada, 1 ; i.Son fentiment furlesbor-
nes de l’Acadie , 113. Il prend pof-
feffion au nom du Roy du Cap Ma-
lebarre , 8c du Cap Codd , 1 1 6. Il con¬
tinué fes découvertes ,119. Il va faire
la Traite dans le Fleuve S. Laurent ,
120. Ii fonde la Ville de Quebec ,
1 21. Ii juftifie les Jefuites au 1 u jet du
Traité de MJe de Guerchevilie avec
M. de Biencourt, 123. Il tente inu¬
tilement de faire entrer cette Dame
en Traité avecM, de Monts , 152,
6 13
Il retourne à Quebec , 8c en quel état
il trouve cette Ville, 141. Raifons,
qui le portoient à marcher avec fes
Alliés contre les Iroquois, 142-43.
Sa première Expédition contre ces
Sauvages. Il découvre un Lac, 8c lui
donne fon nom , 144. Succès de fon
Expédition , 148. Il retourne en Fran¬
ce , & revient à Quebec , 149. Sa fé¬
condé Expédition contre les Iroquois.
Il eft bleflé, 1 50. Il conduit en Fran¬
ce un Huron , 8c donne aux Hurons
un jeune François , pour lui rendre
compte du Pays , ryt. Il engage le
Comte de Soldons à fe mettre à la tê¬
te des affaires de la Nouvelle France.
Ce Prince le fait fon Lieutenant. Il
eft confirmé dans cette Charge par le
Prince de Condé Succeffeur du Com¬
te. Il repafte en Canada , y fait quel¬
ques cour fes ; il retourne en France ,
8c il conclut un Traité d’Aftociation
pourle commerce , 152. Il conduit
des Recollets en Canada , 8c s’enga¬
ge mal -à propos dans une troifiéme
Expédition contre les Iroquois, 153.
Il y eft bleffé , 8c contraint de faire
retraite. Il ne peut obtenir des Hu-
rons un Guide , & il eft obligé d’hy-
verner chez eux. Il paffe en Fran¬
ce 3 il diffipe une confpiration des
Sauvages contre les François. Son
courage â foûtenir la Colonie malgré
les plus grands contretems, 186. Il
mene fa Famille à Quebec , 157. Sa
fermeté. Il reçoit des Lettres du Roy
Louis XIII. très- obligeantes. Il eft
averti que les Hurons ont de mau¬
vais deftèins 3 8c il leur envoie des
Recollets ,158. Il fait bâtir de pier¬
res le Fort de Quebec , 8c reconduit
fa Famille en France , 159. En quel
état il trouve Quebec â fon retour ,
161. Il entre dans la Compagnie de
la Nouvelle France, 16 y. 11 eft fom-
mé par les Anglois de leur rendre
Quebec 3 fa réponfe , 166. Extrémité,
où il eft réduit par la famine , 167.
Il fe rend aux Anglois 3 à quelles
conditions, 169. Confeil , qu’il don-
TABLE
ne aux Habitans : il pave pour Ta-
cîouiïac , & ce qui lui arrive dans le
voïage , 170-71. Il tache de rega¬
gner à Dieu St au Roy un Apoftat St
un Transfuge, 171. Ce qu'il dit dans
fes Mémoires des Compagnies. U dé¬
termine le Roy à fe faire reftituer le
Canada, 173. Ii eft nomme Gouver¬
neur Général de la Nouvelle Fiance,
St y conduit une Efcadre. Ses vues
fur la Nation & furie Pais des FI ti¬
rons , 178. 18 1. Sa conduire a 1 e-
gard des Hurons , qui refufoient de
mener chez eux deux Millionnaires ,
181. Pourquoi il fouhaitoit levoiage
de ces Peres , i8f. Sa mort Sc fon
éloge , 197-98. Voiez la Lifte Sc l E-
xamen des Auteurs.
Champ lain , Paroilfe du Canada.
Mines de fer , 391*
Chaouanons . Sauvages, Voifins des
Iroquois , par qui ils font prefqu en¬
tièrement détruits > 443*
Chapeau Rouge , Pofte de Fille de
Terre-Neuve : d’où lui vient ce nom,
410.
Chapitre. Création du Chapitre de
Quebec : fes revenus -, de qui il eft
compofé. Qui nomme aux Bénéfices ,
341,
Charbon de Terre. Mines de Char¬
bon de Terre en Acadie , 114-
Charles IX. Roy de France, approu¬
ve l’Etabliftement des François au
Brefil ) 2. 3 . 1 1 donne aufti fon confen-
tement pour celui de la Floride : il
paroi t ravi qu’on n’y envoie que des
Huguenots, & pourquoi , 2.4. On le
prévient contre M. de Laudonniere 3
St il envoie un grand Convoi en Flo¬
ride , 60. Il reçoit mal le Chevalier
de Gourgues de retour de fon Expédi¬
tion en Floride -, St peu de tems après
il lui rend fes bonnes grâces , 10^.
Charles IL Roy d’Angleterre fe
faifir de la Nouvelle Belgique , 375.
Il dé fa voué la furprife du Fort Bour¬
bon , St n’a pas le crédit de le faire
reftituer à la France, >
Charlefort. Forterelfe bâtie dans la
Floride par M. de Ribaut : fa fitua-
tion , 26. Elle eft abandonnée St dé¬
truite , 34. Pourquoi M, de Laudon¬
niere ne la rétablir point , 38.
Charlejlon. Fort bâti dans la Baye
d’Hudfon par les Anglois ; fa fitua-
tion , _ 519
Charnifé. M. d’Aunai de Charnifé
entre dans les droits du Comman¬
deur de Razilly en Acadie. Il attaque
le Fort de la Riviere de S. Jean pen¬
dant l’abfence de M. de la Tour, à qui
il appartenoit. Aébion indigne , qu’iî
commet en cette occafion , 411-12.
Qui lui fuccéde après fa mort , 412.
Chafy. M. de Chafy ; Neveu du
Marquis de Tracy, eft tué par les Ag-
niers. Celui , qui l’avoir tué > s’en
van te en préfencedece Vice- Roy, qui
le fait étrangler , 284.
Châtelain. Le P . Châtelain ,
Jefuire, vifue plufîeurs Nations Sau¬
vages , 2.02.
Chatte. Le Commandeur de Chat¬
te , Gouverneur de Dieppe , fuccéde
à la Commifîion & aux Privilèges de
M. Chauvin dans le Canada ; il en¬
gage M. de Champlain à y palier. Sa
mort, 1 1 1*
Chavin. Pierre Chavin eft 1 aillé Com¬
mandant à Quebec par M. de Cham¬
plain , 149*
Cbaumonot . Le P. Jofeph Chaumo-
not, Jefuire , prêche l’Evangile à la
Nation Neutre , 243. Il eft député
par le Gouverneur Général àOnnon-
tagué , y eft bien reçu,& y fait quel¬
ques converfïons , 320. Son difeours
dans une Affemblée de ce Canton »
321 , 329. Il vifue leCanton de Tfon-
nonthouan , &ce qu'il y trouve, 3 34.
Il donne naiftance à la Million Hti-
ronne de Lorette , _ 438.
Chaumont. Le Chevalier de Chau¬
mont accompagne M. de Tracy dans
l’Expédition contre les Agniers.
Chauvin. M. Chauvin, Capitaine de
V aideaux fuccéde au Marquis de la
Roche dans fa Commifîion & fon
Privilège en Canada, Il y envoie des
D E S M A
Vaiffeaux j 100. Sa mort -, fautes, qu'il
fit , i io. X 1 1 .
Chedabouêtau. Port de l’Acadie, Ce
qui s’y parte entre M„ Denys , ôc un
nommé la Giraudiere , 415-16. Ce
Porte eft pillé par les Anglois, 538.
îl eft aftigné pour le rendez-vous des
Vaiffeaux deftinés à l’Expédition de
la Nouvelle York j 547.
Cbedotcl , Pilote du Marquis de la
Roche , 109. Le Roy Henry IV. l’o¬
blige à aller chercher des François,
que M. de la Roche avoit laillés à
Pille de Sable, 110.
Du Cbefne , un des premiers Mem¬
bres de la Compagnie des cent Afto-
ciés , 161.
Du Chefneau . M. du Chefneau (Re¬
cède à M. Talon dans l’Intendance
de la Nouvelle France, Il accorde aux
Iroquois Chrétiens le SaultS. Louis,
452. Ses démêlés avec M. de Fron¬
tenac ; Lettre , que le Roy lui écrit
fur cela , 453. M. Colbert lui repro¬
che de n’agir pas en Intendant à l’oc-
cafion de la Traite de l’Eau-de-vie ,
454-55.Il eft rappelle. Letort, qu’il
eut dans Tes démêlés avec M. de
Frontenac , 465. Confeil , qu’il don¬
ne à ce Général , 468.
Cbefvres. lfle aux Chefvres ; fa fi-
tuation , 117.
Cbicagou , Village des Miamis ; fa
fituation; ce qui y arrive à Nicolas
Perrot , 457.
Chine. Quartier de la Chine , Pa-
roirte de l’ifle de Montreal ; fa fitua-
rion. Les Iroquois y font unedefeen-
te pendant la nuit ; cruautés , qu’ils
y exercent , 549.
Cbouard , Fils de Des Grofeilliers,
s’il traite avec les Anglois , ou non ,
au fujet de la Baye d'Hudfon, 481.
Il part de cette Baye fur un Navire
Anglois , n’ayant pas encore pu fe
tirer de leurs mains, 556.
Le Clercq. Le P. Chrétien le Clercq,
Recollet. Son erreur au fujet des Gal-
pefiens ^ qu’il appelle Porte-Croix ,
122-23. Voïez la Lifte ôc l’Examen
ï E R E S. 61 5
des Auteurs.
Codd. Cap Codd , ou Cap Blanc \ fa
fituation. M. de Champlain en prend
portdîion au nom de la France 3 les
Anglois s’y établilfent , né. Voïez
Bojlon.
Colbert . M. Colbert Miniftre d’E¬
tat : Mémoire, que lui adrefteM. Ta¬
lon , 382-85. Ses vues touchant l’ar¬
rangement des Habitations Françoi-
fes , 387. Il fe prévient contre les Je-
fuites, qui refufoient de francifer les
Sauvages 5 il eft défabufé , ôc fes fen-
timensà leur égard, 390. Ce qu’il
mande à M. de Courcelles , au fujet
de M. de Bouterouë , 406. Il envoie
un Commiftàireen Acadie pour s’in-
ftruire de l’état de cette Province ,
417. Il accepte l’offre de M. Talon
de s’y tranfporter lui-même. Propo-
fitions , que lui frit faire le Chevalier
Temple , ôc ce qu’il y répond , 450.
Ce qu’il mande à M. du Chefneau
touchant la Traire d’Eau-de-vie, que
cet Intendant ne vouloit pas permet¬
tre , 454. Il en revient à fon avis ,
455, Sa mort j fon Succeftèur au dé¬
partement de la Marine , 457. Pour¬
quoi il avoit fermé les yeux fur les
Entreprifes des Anglois dans la Baye
d’Hudfon, 47 7.
Colignt. L’Amiral de Coligni veut
établir une Colonie de Huguenots au
Brefil ; à quel deffein , & ce qu’elle
devint, 22, 2 3. Il tourne fes vues du
côté de la Floride, 23. Il y envoie un
nouveau Convoi, 35. Il eft prévenu
mal-à-propos contre M. de Laudon-
niere , 60. .11 l’invite à repaffer en
France, 61.
College. Qui eft le Fondateur du
College de Quebec , ôc en quel rems
il fut fondé s 197,
Collier. M. Collier, Affocié de M.
de Monts, 149.
La Colombiere. M. de la Colombie-
re. Grand Archidiacre, Grand Vi¬
caire , ôc Confeiller Clerc auConfeii
Supérieur de la Nouvelle France , eft
guéri par l’interceflion de Catherine
«.<5 . T A »
T cSi^Soûrce delà Colonie Fran-
coife du Canada plus pure, que celle
des autres , 205. Colonie Françoife a
Onnontagué ,32.3* & fûv. Exttemi-
té , où eft réduite la Colonie du Ca¬
nada , 347- On y établit une Juftice
réglée , 370. Attention de la Cour au
choix des Colons , jbo. Elle eft aug¬
mentée de plus de moitié ,381. 399*
On commence à fe relâcher fur le
choix des Colons , 42 J* Elle eft toute
en trouble ; par la faute de qui ? 4Î 1 •
Confufion, où elle fe trouve de nou¬
veau , recenlement fait de fes, Fiabi-
tans en 1679. 4 G6. En quel état M.
deDénonville la trouva, 497. Désor¬
dres , qu’il y remarqua , 532.» à" fuiv.
En quel état elle étoit en 168S. 3 39.
Confternation , où elle eft, 541 • A
quoi le Roy fon Miniftre attribuent
le danger , où elle eft -, 561,
Commerce. La liberté de commerce
publiée en Canada, 591. Le commer¬
ce permis aux Gentilshommes. Qui
le fait tomber , S 39*
Compagnie de M.de Monts. Elle ne
fait rien pour l’Etablilfement du Ca¬
nada, 2j*
Compagnie des Cent Affectes 3 dite de
la Nouvelle France \ fon plan , fes pri¬
vilèges ; concédions , que lui fait le
Roy Louis XIII. 161. & fuiv. Ce que
Champlain dit des Compagnies en
général ,175. Celle-ci rentre en pof»
feflion du Canada , & y envoyé une
Flotte: elle ne veut pas permettre aux
PP. Recollets d’y retourner, & pour¬
quoi ? 178-79* Elle néglige le Cana¬
da , 200. 209. 22 6. Elle juftifie jui 1-
diquement les Jefuites du Canada des
calomnies , qu’on rgpandoit con-
tr’eux, 2j6-î7* Elle continue a négli¬
ger le Canada, 350. Elle remet au
Roy le Domaine du Canada, 370-
77. Elle avoit déjà abandonné le com¬
merce des Pelleteries aux Habitans ,
& à quelle condition ? 37 9*
Compagnie des Indes Occidentales . Le
Roy Louis XI Y. comprend la Nou-
L E
velle France dans la conceflion , qu’il
lui avo/'t faite des Colonies Françoifes
de l’Amerique , 379. M. de Tracy
l’en met en poffeftîon , & elle ne fait
pas mieux les affaires du Canada ,
que la précédente, 388. Elle eft fur-
pnfe par le Sieur de la Giraudie-
re > ôc annulle ce qu’elle avoit fait en
fa faveur au préjudice de M. Denys ,
4, 6. Elle eft caufe que la meilleure
partie du commerce des Pelleteries
paffe aux Anglois , , . ^ 466.
Compagnie du Nord , établie a Que-
bec ; elle entreprend de chaffer les
Anglois de la Baye d’Hudfon , 47^*
Elle reçoit mal Des Grofeillers Sc Ra^
diffon , qui yavoient fait un Etablif-
fement peur elle , 483* Elle s offre a
fe charger du Fort de Niagara , & a
quelles conditions , 499' obtient
des Troupes pour chaffer les Anglois
des Forts du fond de la Baye d Hud-
fon , & ils le font en effet , 30 j. &
fuiv . .
Compagnie des Pêches fedentaires. Elle
s’oppofe au rétabliffement des Jefui¬
tes dans leurs Millions des Abena-
quis. M. de Denonville les y lait re¬
tourner , Si1-
Compagnie de Londres pour la Baye
d’FIudfon. Elle donne ordre de pro¬
clamer le Prince & la Princeffe d O-
range Roy & Reine d’Angleterre dans
cette Baye , qu’elle prétend apparte¬
nir toute entière à la Couronne de la
Grande Bretagne,
Condé. Le Prince de Conde eft dé¬
claré Vice-Roy de la Nouvelle Fran¬
ce , 1 52. Il fait peu pour cette Colo¬
nie , & pourquoi? 156. Il vend fa
Charge au Duc de Montmorenci, fon
Beau-Frere , I57*
Congrégation. Filles de la Congré¬
gation ,* par qui inftituees , 3 1 3 • Ser¬
vices , qu’elles rendent a la Colonie.
On leur défend de fe cloîtrer , & de
faire même des Vœux (impies , 343-
44.
Confeil. Quel fut d’abord le Confeil
de la Nouvelle France, Etabîiffement
du
DES MA
du Coftfeü Supérieur, 371. & fuiv.
Brouilleries au fujec de la Préfidence
dans ce Confeil. Ordonnance du Roy
à ce fujet , _ 453-54.
Conti. Le Prince de Conti favorife
2vl. de la Sale , 8c lui donne le Che¬
valier de Tonri y 4^7.
Corlar , Bourgade de la Nouvelle
York. Les Sauvages donnent ce nom
nu Gouverneur de la Nouvelle York ,
143. M. de Courcelles engage le Gou¬
verneur de Corlar à ne point fecou-
ffir les Agniers contre nous , 385. La
nouvelle de la perte de cette Place
par les François le fait prendre à M.
de Frontenac fur le haut ton avec les
Iroquois , $66.
Cor ter edi. Gafpard de Cortereal ,
Gentilhomme Portugais ; fes décou-
vertesauNord del’Amerique. Ceque
lui 8c fon Frere devinrent, 3. 4.
Cojfet , Capitaine , commandant les
quatre Navires de M. de Ribaut ; fa
manœuvre , quand il eft attaqué par
les Efpagnols , 65. Ildonneavis de ce
qui fe pâlie à M. de Ribaut , 70.
Cotton . Le P. Pierre Cotton , Je-
fuite , Confelîèur de Henry I V. Ses
diligences pour faire partir les Mil¬
lionnaires deftinés à l’Acadie, 12.1-
21. Le P. d’Orléans le blâme d’avoir
laiffé trop faire à Madame de Guer-
cheville, 8c Champlain le juftifie ,
113. Celui - ci le blâme à fon tour
d’avoir empêché cette Dame de trai¬
ter avec M. de Monts , 189.
Courant & Marées. Remarques fur
ce qu’on voit dans les Lacs en ce
genre, 440-41.
Courcelles. Daniel de Remi , Sieur
de Courcelles , eft nommé Gouver¬
neur Général de la Nouvelle France.
Ordres , qu’il reçoit , 380. Son Expé¬
dition contre les Agniers; fon voya¬
ge a Corlar ; ce qui lui fait manquer
fon coup. Deux Chefs Agniers lui
font accroire qu’ils font députés vers
le Vice-Roy. Il commande l’Avant-
garde de l’Armée contre les Agniers,
385. Ses préjugés contre les Miffion-
Tome I,
T IE RE S. 617
naires, 398. Il obtient ufi Jefuite
pour les Tfonnonthouans , 402. Ses
bonnes qualités & fes défauts. Ce
que M. Colbert lui en écrit, 406. Son
a&ivité pour les affaires de la guerre :
fon voyage aux Iroquois ; quel en fut
le motif & le fuccès : il s’y altéré la
fanté , demande fon rappel en Fran¬
ce , & pourquoi j 407. Ce qui l’empê¬
che d’exécuter le projet d’un chemin
de communication entre Quebec 8c
I Acadie , 41 7. Il fait jufhce dequel-
ques François , qui avoient affaftîné
un Chef Iroquois, 8c oblige tous les
Sauvages à demeurer en paix , 426.
II tient Garakonthié fur les Fonts de
Baptême, 427. Il ne reçoit point le
fecours , qu’il attendoit de France ;
comment il fe foutient par l’empire ,
qu’il avoir pris furies Sauvages ; avec
quelle hauteur il parle aux Tfonnon¬
thouans , 433-34. Il ferme les yeux
fur leur conduite. 434. Il projette
de bâtir un Fort àCatarocouy , 443.
Il fait goûter ce projet à fon Succef-
feur. Il repafFe en France. Son carac¬
tère , 444.
Coureurs de Bois. Leurs défordr es,
532-33. Ils empêchent l’Etabliffe-
ment de l’Acadie , $4T.
Courtemanche. M.de Tilly de Cou r-
temanche, Gentilhomme Canadien,
Proprietaire du Fort de Pontchar-
train , 422.
Couture. Guillaume Couture , Ca¬
nadien , accompagne le P. Jogues à
Quebec , & en part avec lui pour re¬
tourner aux Hurons. Il eft attaqué
par les Iroquois : il fe fauve d’abord;
puis il en a honte, 8c retourne pour
fe livrer à ces Barbares, 23$. De
quelle maniéré il en eft traité : fa fer¬
veur & fa pieté ,23 6. & fuiv. Un
Chef Iroquois le tire des mains de fes
Bourreaux , 240. Il eft ramené dans
la Colonie , 8c fert d’interprête au
Gouverneur Général dans une Au¬
dience, que celui-ci donne aux Iro¬
quois. 264.
Creveccenr. Fort de M. de la Sale
IIÜ
<5,8 . . TtA
fur U Riviere des Illinois , 460. Les
Icoquois vont pont l’inveftir , M. de
Tonti l’abandonne, 4^3*
Crijiinauz, , voyez IGlliftinons.
Croifade. Les Efpagnols appellent
Croifade leur Expédition comte les
François de la Floride , 6 5, Les H ta¬
rons & leurs Alliés Chrétiens font la
même chofe dans leur Entreprife con¬
tre les Agniers , 503-04. Les Fran¬
çois marchent contre les Agniers dans
le même efprit , _ 3 8.9*
Cuivre. Mines de cuivre en Acadie,
114. 1 17*
Cures & Cures. Reglement fur ce
fujet , 34 o.&fuiv.
D
~f~\A B LO N, un des premiers
Membres de la Compagnie des
cent Aftociés pour la Nouvelle Fran¬
ce 16 u
Dablon. Le P. Claude Dablon Je-
fuite , eft député à Onnontagué , 3 20.
Il fait un Voyage à Quebec pour¬
quoi ? 3 2 3 .Son excurhon dans leNot d
par le Saguenay , 350-51.Il établit la
Million du Sault Sainte Marie , 4°Ç
Il parcourt avec le P. Allouez le Pais
des Mafcoutins 3 ils renverfent une
Idole, 447. Réception , qu’on leur
fait , 448. On veut inutilement dé¬
tourner leP. Dablon de viliter les Ou-
tagamis. Il eftrappellé à Quebec, 449.
Duc an. Le Sieur Dacan eft envoyé
avec leP.Hennepin pour découvrir
le Micilîipi au Nord. Il eft retenu
quelque tems Prifonnier chez les
Sioux, 46°’
Daillon. LeP .Jofep de Daillon, Re¬
coller, arrive à Quebec , 1 59M 1 Palt
pour les Huions ; il eft oblige de Re¬
tourner fur fespas, 1 60. Il preche 1 E-
vangile à la Nation Neutre , 8c poui-
quoi il y fait peu de fruit , 243.
Daniel. Le P. Antoine Daniel , Je-
fuite, arrive chez les Hurons, & ce
qu’il eut à fouffrir de ces Sauvages >
1 87. & fuiv. il conduit au College de
BLE
Quebec des Enfafts Hurons pour les
y faire élever , 8c on les lui enlève en
chemin , 1 99. En quel équipage il ar¬
rive à Quebec , 200 . Il eft tue ptai les
Iroquois , & donne fa vie pour fou-
ver fon Troupeau , 28.4-85.
Danois. Un Vaifteau Danois mene
en Danemarc des Pygmées du Nord,
j <y.
Davoft. LeP. A mbroifeDavoft, Je-
fuite , arrive chez les Hurons : ce qu’il
eut à fouffrir de ces Sauvages > 177.
& fuiv. Sa mort , > 2.5S»
Dauphine. Riviere Dauphine , ou
des Dauphins. Sa découverte ; fa fi-
tuation , 25. Les Sauvages , que M-
de Laudonniere y trouve , le preffenc
de s’établir chez eux , 3 6. Dom Pedro
Menendez lui donne le nom d eS. Au-
gufiin , 67. Voyez ce mot.
Denys . Jean Denys de Honfleur
fait paroître la première Carte du
Fleuve S. Laurent , 4*
Denys. M. Denys de Fronfac , Pro¬
prietaire & Gouverneur pour le Roy
d’une partie de l’Acadie. Bornes ,
qu’il donne à cette Province , 1 1 3. Ce
qu’il dit de la fécondité de ce Pays,
114. Son fentiment fur les Bois du
Canada , 133. Entreprifes 8c hoftili-
tés du Sieur le Borgne contre lui. Il
eft mis en prifon : fes pertes , 41 2- 13.
Il fe prépare à faire têteaux Anglois.
Il eft fommé par un Particulier de
rendre le Fort de Chadabouétou 3 fa
réponfe , 415. La Compagnie des In¬
des déclare qu’elle a été furprife par
un Particulier , 8c lui rend juftice. Un
incendie acheva de le ruiner. Son élo¬
ge ,416. Voyez la Lifte 8c l’Examen
des Auteurs.
De'nonville. Le Marquis de Dénon-
ville arrive à Quebec en qualité de
Gouverneur Général , 8c monte aCa-
tarocouy , 496. En quel erat il trouve
la Colonie , 8c ce qu’il en penfe , 497.
Il propofe de conftruire un Fort à N ia-
gara, 498. Lettre , qu’il reçoit du
Gouverneur de la Nouvelle York ,
499. Sa réponfe , 500. Il comprend
DES M A
la néceftité de réduire les Tfonnon¬
thouans par la force : fes préparatifs ,
502. Ce qu!il en écrit à M. de Seigne-
lay , 503 04. Il donneà la Compagnie
du Noi d un Officier & des Troupes ,
pourchalfer les Anglois du fond de la
Bayed’Fdudfon, yoy. Ses reprefenta-
tions au Roy au fujet d’un Traité
d’accommodement , propofé entre les
Anglois & les François pour-la Baye
d’Hudfon. Ordre , qu’il reçoit de Sa
Majefté , 507. Il fait arrêter les prin¬
cipaux Chefs des Iroquois à Cataro-
•couy ,oùil les avoir mandés, fous pré¬
texte d’une Conférence. Fautes, qu’il
fît en cela , 509. & fuiv. Plan de fon
Expédition , éc mefures, qu’il prend
pour la faire réuffir , y 1 1 . & fuiv. Il
ne fe laide point amufer par le Gou¬
verneur de la Nouvelle York, y 13.
Sa bonne intelligence avec l’Inten¬
dant , inouie jufqu’alors. Il fe rend à
Catarocouy. Lettre , qu’il y reçoit du
Gouverneur de la Nouvelle York ; fa
réponfe , ç 14. Il fait palfer par les ar¬
mes un FrançoisTransfuge, quiavoit
conduit les Anglois à Michillimaki-
nac ,515.1! bâtit le Fort des Sables,*
fe met en marche , & eft attaqué par
les Tfonnonthouans , çry-id. Il ra¬
vage tout leur Canton. Eloge de fa
conduite dans cette Campagne, &le
fuccès , quelle eut , 517. Il bâtit un
Fort à Niagara : il y met une bonne
Garnifon : i 1 fe mocque des menaces
du Gouverneur delà Nouvelle York,
& travaille à divifer les Cantons ,
518. Avis , qu’il reçoit du Baron de
S. Caftin , 520. Ce qu’il mande au
Roy touchant le commerce , la Pêche,
î’Acadie & Terre - Neuve. Ce qui
l'empêche de faire une fécondé Expé¬
dition contre les Tfonnonthouans.
Son embarras à caufe des Ordres de
la Cour ,5-21. Réfléxions à ce fujet,
521-23. Le Gouverneur de la Nou¬
velle York lui demande une explica¬
tion ; il lui envoie le P. Vaillant; in-
ftruétions , qu’il donne à ce Miffion-
naire , 525. Il envoie un grand Con-
T I E Pc E S. 6i9
voià Catarocouy ; ordres , qu’il don¬
ne au Commandant. Il travaille à ga¬
gner les Gnnontagués, 526. Il donne
audience à un Député de ce Canton,
527. Propofitions infolentes de ce
Sauvage, 528, Sa réponfe , & con¬
ditions , qu’il propofe à fon tour.
Pourquoi il abandonne le Fort de
Niagara: il prie M. de Seignelay d’en¬
voyer chercher les Iroquois , qui
étoient à Marfeille par le jeune Seri-
gny, & pourquoi? Il conclut avec les
Iroquois une trêve, qui eft mal gar¬
dée. Il reçoit une Lettre du Gouver¬
neur de la Nouvelle York , 529. Il
marche contre un Parti d’Iroquois ,
le diftîpe , & fait des Prifonniers. Ce
qu’il mande à M. de Seignelay du P.
de Lamberville & des Millions Iro-
quoifes & Abénaquifes , 530-31. Ses
inquiétudes au fujet de la Colonie ,
& fur quoi elles font fondées , 531-
3 2. Ce qu’il dit des Coureurs de Bois
& de la guerre des Iroquois , 532-33.
Il exaggere un peu le mal , fon dé¬
faut de vigueur, 533-34. Il a fort à
cœur de faire la paix , & nos Alliés
n’en paroiftènt pas conrens , 5 34. Son
embarras dans Pille de Montreal, où
les Iroquois mettoient tout à feu & i
fang , 549. Ses raifons pour évacuer
& détruire le Fort de Catarocouy
55 i -52. Il eft nommé Sou - Gouver¬
neur des Enfans de France , 552.
Nouveau Mémoire , qu’il donne à M.
de Seignelay fur les affaires de la
Nouvelle France, 559. & fuiv. Il eft
d’avis qu’on ruine toute la Nouvelle
York jufqu’à Orange ; ce que le Roy
& le Miniftrepenfent de fon Mémoi¬
re , 561. Ce qu’il avoir eu principa¬
lement en vue en faifant la guerre aux
Tfonnonthouans ,
Defnos, M. Defnos , Capitaine de
Vaiftèau , conduit du fecoursenCa-
nada , & a ordre d’y refter , 493.
Diamans. On en trouve dans le
Pays des Iroquois , 273.
Dix mes Diver sReglemens fur les
Dixmes des Curés du Canada, 341-42.
II i i ij
6 lo ^ ^
Dolu.U. Dolu , Grand Audiencier
de France, eft chargé des affaires de
la Nouvelle France par M. le Duc de
Montmorenci , qui en étoit Vice-
Roy , 1 57
Dongan . Le Colonel Dongan, Gou¬
verneur de la Nouvelle York , met
tout en ufage pour faire pafter aux
Anglois coût le commerce des Pelle¬
teries par le moyen des Iroquois, 466.
M. de la Barre l’invite à fe joindre
avec lui pour faire la guerre auxTfon-
nonthouans , ou du moins a demeu¬
rer Neutre , 468. Ce qui en arri¬
ve , 491. Ses prétentions fur le Pays
des Iroquois , & ce qu’il en écrit à M.
de Dénonville , 500. Il les engage à
nous faire la guerre , 8c veut attirer
dansfon Gouvernement ceuxdu Sault
S. Louis & de la Montagne , 501. Il
envoyé des Anglois à Michillimaki-
nac pour y faire la Traite, 502. Ses
intrigues pour animer les Iroquois
contre nous , f 0$. Il favorife la fur-
prife du Port Nelfon , 50 y. Il conti¬
nue fes intrigues auprès des Iroquois,
508. Il les avertit de fe tenir farceurs
gardes : il veut amnfer M.de Dénon¬
ville , 8c n’y réuflit pas, 509. Il em¬
pêche les T. fonnonthouans de faire
une irruption fur les Illinois , 5 1 3. Sa
lettre à M. de Dénonville au fujer de
la guerre des T fonnonthouans y re-
ponfe de ce Général ,514. Il envoyé
un fécond Convoi d’Anglois a Mi-
chillimakinac , 8c ce qu’ildevint, 51 y ,
Il travaille à nous débaucher nos Al¬
liés , 8c à nous rendre les Iroquois
irréconciliables : il invite de nouveau
les Iroquois Chrétiens à fe tranlpor-
ter dans fon Gouvernement , & leur
promet des Jefuites Anglois pour
Millionnaires, Il ménace M. de De-
nonville de fe déclarer ouvertement
contre lui , 516. Maigre les ordres ,
qu’il reçoit de la Cour de Londres de
travailler à la paix entre les Iroquois
& nous ; il les excite de plus en plus
à la guerre , y 23. Il craint une repre-
jfaillede notre part , 524. Il demande
BLE
à M. de Dénonville l’explicàtiofid’un
Collier préfenté aux Iroquois par le
P. de Lamberville. Ce Général lui en¬
voyé le P. Vaillant ,à qui il propole
des conditions de paix entre les Iro¬
quois & nous , 8c à qui il ne permet
point de palier par le Canton d Ag-
nier. Il fe fait un mérite auprès des
Iroquois des conditions de paix , qu il
avoir propofées. Confeil , qu il leur
donne 3 promelfes , qu’il leur fait ,
y 25- 2 G, Il les engage encore à faire
des hoftilités contre nous , dans le
rems que, pour cacher fon jeu, il ren¬
voyé des Prifonniers à M. de Dénon¬
ville , ôc lui communique les ordres
des deux Rois pour un Traité de Neu¬
tralité , y29-30. Le Chevalier An-
dros lui fuccéde dans le Gouverne¬
ment de la Nouvelle York , 531.
Donnacona, Chef Sauvage , rend vi-
fite à Jacques Cartier. Pourquoi il le
veut détourner d'aller à Hochelaga ,
11. On fe défie de lui , 13. Quel¬
ques-uns ont cru que Cartier l’avok
mené en France , 1 y. Il raconte a ce
Voyageur des choies prefqu’incroya-
bles , 1 6.& fuiv.
Dover fiere. M. de la Doverfiere ,
Lieutenant Général de la Flèche, Fon¬
dateur en partiede l’Hôpital de Mont¬
real, où il envoyé des Filles de l’Hô¬
pital de la Flèche , _ 343*
Dreuillettes. Le P. Gabriel Dreuil-
lettes, Jefuite , premier Millionnai¬
re des Abénaquis : fes premiers luc-
cès, 280. Il eft envoyé à Bafton en
qualité d’Ambafïàdeur pour y con¬
clure un Traité de Neutralité entre
les Colonies Angloifes 8c Françoifes,
z8 G. & fuiv, Ses travaux dans le Nord
du Canada , 308. Son zélé & fes mi¬
racles, 310. Les Anglois recherchent
fon amitié, & pourquoi j* 31 1. Il part
avec des Outaouais j pour aller dans
leur Pays . 316. Il en eft abandonné ,
& retourne chez les Abénaquis, 327.
Il fait une nouvelle excurfion dans le
Nord, , .350-51.
Dupuis, M. Dupuis p Officier Fr an-
DES MA'
çois conduit une Colonie Françoife
à Onnonragué , & juiv. Son ar¬
rivée dans ce Canton ; réception ,
qu’on lui fait, 528-29. Son embarras
à la nouvelle d’une conlpiration des
Onnontagués contre les François.
Me fu res , qu’il prend pour fe retirer,
3 3 y. & fuiv. Sa retraite , 337-38.
La Durantaye. Olivier Morel de la
Durantaye, Gentilhomme du Comté
Nantois, Capitaine dans Carignan-
Salieres, Commandant à Michillima-
ki nac , fe met en devoir de fecourir
leFort de S. Louis des Illinois 9 5c ap¬
prenant qu’il eft délivré, retourne fur
les pas, 486. Il reçoit ordre d’aftem-
bler les Sauvages Alliés , 6c deles con¬
duire à Niagara: ce qu’il lui en coûta
pour en venir à bout , 487. Son em¬
barras, lorfqu’arrivé avec eux à Nia¬
gara : il n’y trouva point l’Armée
Françoife; comment il les appaifa ,
488. Il fait courir inutilement après
les Anglois , qui étoient venus pen¬
dant fon abfence faire la Traite à Mi-
chillimakinac , 502. Sa bonne con¬
duite lui gagne l’eftime& la confian¬
ce des Sauvages : il reçoit un nouvel
ordre de les mener à Niagara , 512.
Il rencontre foixante Anglois , qui
alloient encore trafiquer à Michilli-
makinac : il les fait Prifonniers , &
diftribue leurs marchandées aux Sau¬
vages. Il arrive à Niagara , & de-là il
fe rend au Fort des Sables , jtj. Il
fait pafïèr par les armes un Iroquois ,
qu’il croit Prifonnier de bonne guer¬
re, pour lui épargner le fuplice du
feu , 557. Son habileté à retenir nos
Alliés dans notre Parti ,
E
AU. Le Chevalier d’Eau , Capi-
toine Reformé , eft envoyé à On-
nontagué pour traiter avec ce Can¬
ton , 566.
Etoffe. Nouvelle Ecofiè. Ce que l’on
doit entendre fous ce nom , 113-14.
Ecureuil noir. Petit Animal , qu’on
’IERES. 621
trouve dans le Pays des Iroquois, 6c
dont la fourure eft fort eftimée, 273.
Effiat , Le Maréchal d’Effiar , Sur-
intendantdes Finances , entredans la
Compagnie des cent Aftociés de la
Nouvelle France , i6f.
Elisabeth. , Reine d’Angleterre ,
follicire le Chevalier de Gourgues
d’entrer à fon Service, 105.
Enfant Chrétien , crucifié par les
Agniers en haine de la Foy , 177.
Erie's s Sauvages du Canada, autre¬
ment appellés la Nation du Chat , dé¬
truits par les Iroquois ,
Erlacb. M. d’Erlach , Gentilhom¬
me Suilfe , arrive en Florideen quali¬
té d’Enfeigne , il va à la découverte
du Pays , 37. lia ordre de reconduire
des Prifonniers à leur Cacique; fe s
mftru étions , 4 y . Il accompagne un
autre Cacique dans une Expédition,
6c contribué beaucoup à fa viétoire.
Il eft rappellé à la Caroline , 47. Con¬
fiance, que fon Général lui témoigne,
49. Sa valeur dans une occafion im¬
portante , y y.
Eskimaux , Sauvages de Labrador
& de la Baye d’Hudfon. Ce qu’une
Efclave de cette Nation raporre des
Pygmées 6c des Hommesmonftrueux,
17. Les Eskimaux boivent de l’eau
falée , 18. Leur maniéré de naviguer,
19. 20. Les Acadiens leur font la
guerre avec fuccès , 124. Leur cara¬
ctère. Quelques- uns fe font Chré¬
tiens. Converfion finguliere d’une
Femme de cette Nation , 345. On n’a
encore vû que des Eskimaux en Ter¬
re Neuve. Leurs fables fur les Habi-
tans de cette Ifie ,421. Leur maniéré
de voyager fur les glaces , 475-76.
Espagnols. Fiiftoire de deux Espa¬
gnols Captifs parmi les Sauvages de
la Floride ; ils font rachetés par M. de
Laudonniere. Connoiftànces & avis ,
qu’ils lui donnent , 53. 54. Ils font
furpris d San Matheo , 97. Ils font
haïs des Sauvages delà Floride, 100.
Comment ils font traités après lapri-
fe.de San Matheo, 103. Baye des EL
TABLE
611
pagnols. Voyez Baye.
Ejquine. Les Floridiens en font ula-
ge contre les maux veneriens, ^ 30.
° Eflotilanâ , Pays fabuleux, ou l’on
difoit qu’il étoic licué, & pat qui on
prétendoit qu’il avoit ete découvert,
.3-
Etampes. M. d’Etampes , Gentil¬
homme de Comminge, va reconnoître
en quel état fe trouvoit San Matheo,
98.
Etechemins , Sauvages Voifins de
l’Acadie , autrement appelles Male-
cites ,133* 2.79- Voyez Malecitet.
Etienne , Genevois , un des Chefs
de la révolte contre M. de Laudon-
liere, 49. Son fupplice , 52.
Euflacbe , fameux Chef Hurofi. Sa
conversion finguliere ; fa ferveur ,
230. & fuiv. Il eft pris par les Iro-
quois, 234, Il eft brûlé, éc meurt en
Héros Chrétien, 2 39*
F
LA Famine , Anfe du Lac Onta¬
rio , pourquoi ainfi nommée; ce
quis’ypafte, 49 3*
Femmes. En quel rems on commen¬
ça de brûler les Femmes priles en
guerre , %7 7*
Fenelon. L’Abbé de Salignac Fene-
lon eft envoyé Millionnaire aux I10-
quois du Lac Ontario , 398. Le Com¬
te de Frontenac le fait mettre en pri-
fon , & pourquoi ? 4 U*
La Ferté , Lieutenant de M. d’iber-
ville , fait Prifonnier le Gouverneur
Anglois de Niewfavane , 8c lui en¬
levé tous fes papiers , 5 5"4-
Fefiins. Les Sauvages onr des fef-
tins , où il faut tout manger , 337.
Floride. Florid'iens. Etendue de la
Floride ; par qui elle fut découverte;
étendue , que lui donnent les Efpa-
gnols, 23. Sa defcription : D’où ve-
noient les richefles , qu’on* y trouva ,
zô.Caraélere des Floridiens ,27. Les
Chefs y portent les noms de leur Na¬
tion , 41 . Coûtume bizarre des Flp-
ridiens , 42. Leurs imaginations fur
un tonnerre extraordinaire , 46. Ils
ne font jamais plus à craindre , que
quand ils font des carelTes, 55. Ils re¬
filent des vivres aux François dans
une famine , \6. Ils s’humanifent ,
quand ils voyent ceux - ci fecourus ,
58.
Fontaines. Quelques fontaines fîn-
gulieres dans le Pays des Iroquois ,
271.
La Forêt. M. de la Forêt , Major
de Catarocouy , pâlie en France avec
M. de la Sale. Son éloge , 46 y. Il
amene à Montreal des Députés Iro¬
quois ,4 69. Il eft établi Commandant
à Catarocouy , & va au devant de M.
de la Sale , 496. Ordre , qu’il porte de
la part du Gouverneur Général à M.
de la Durantaye , 51 y.
Des Fourneanx , un des Chefs de la
révolte contre M. de Laudonniere ,
49. i>on fupplice , 52.
François /. Roy de France, envoyé
Verazany faire des découvertes en
Amérique, 4- Il envoyé Jacques Car¬
tier pour le même deflein , 8. Ce der¬
nier lui rend compte de fes décou¬
vertes , 14. Commiffion 8c pouvoir ,
qu’il donne à M. de Roberval , 20.
21. Il ne s’intérelfe plus au Canada
après la mort de ce Gentilhomme,
22.
François. Les François font les pre¬
miers , qui aient fait commerce dans
l’ Amérique Seprentrionnale , 24. Il
leur faut peu de chofes pour les rap-
peller dans leur Patrie ; 34. Extrémi¬
té , où fe trouvent ceux , qui avoient
évacué la Floride , 35. ils fe lailfent
perfuader qu’il y a des Minesen Flo¬
ride, & le tort , que leur fait cette
perfuafion , 37. Ce qu’ils onr à fouf-
frir de la famine , 56. Ils font dégoû¬
tés de la Floride , & pourquoi ? 59.
Un François fert de Guide aux Efpa-
gnols pour l’attaque de la Caroline ,
7 6. & fuiv. Ce que deviennent ceux
de la Caroline après la prife de ce
Fort, 81. Cr fuiv. Des François fe
DES MA
comportent mal avec les Sauvages de
l’Acadie, 126. Ceux, quiétoient dans
cette Province , perdent par leur fau-
re.tout ce qu’ils y avoienr, 1 37. Aven-
unes de plufieurs après la prife de S.
Sauveur. Un François avertit les An-
glois de fe défier des Jduites , 138.
Fautes , que les François ont Faites en
Acadie , jqo. Les Sauvages confpi-
rent contre ceux du Canada , 1 56-57 .
François aftafîinés parles Sauvages,
16 j. Conduite édifiante des premiers
François établis en Canada 3 précau-
tionsjqu’on avoir prifes pour les bien
choifir, 206. Artifice des Iroquois
pour empêcher les François de fe-
courir les H urons ., 225. Les Iroquois
difentqu’au prix des François les au¬
tres Européens ne fçavent point par¬
ler , 321. Plufieurs François s’établi f-
fent à Onnontagué ,313. Un Fran¬
çois adopté par un Onnontagué , fa¬
vori fe par un ftraragême fingulier la
retraite de cette petite Colonie , 3 37,
Des François Prifonniers dans ce
même Canton , y font bien traités.
Leur Lettre à M. de Maifonneuve ,
349. Pieté de plufieurs François, 3 57.
Un François Martyr de la ehafteté
conjugale , 359. Quels étoient les
François du Canada au tems de M.
de Tracy , & dans quel efprit ils al¬
lèrent avec ce Vice- Roy à la guerre
contre les Agniers. Leur bonne con¬
duite pendant cette Expédition , 389.
Les François avoienr toujours été
Vainqueurs en Terre-Neuve, lorf-
qu'ils onr été obligés decederaux An-
glois les Etabliilèmens , qu’ils y
avoient, 422. Des François enyvrent
des Sauvages, les aft'affinent , &c les
volent, 415. Quelques-uns font pu¬
nis de mort , 426. Pertes , que les
François firent dans la Baye d’Hud-
fon par la perfidie de deux Trans¬
fuges , 481. Les Iroquois fe fervent
des François Transfuges , pour trai¬
ter avec les Iroquois , & les vendent
en fuite en Jamaïque comme Enga¬
gés , 484. Des François Déferteurs
F I E R E St
fervent de Guides aux Afiglois pour
reconnoître les Poftes avancés de la
Colonie , 499. Le Gouverneur de la
Nouvelle York les careflè beaucoup,
504. Un François conduit les An-
glois àMichillimakinac. Il eft exécuté
à mort ,* le Baron de la Hontau crie
à l’injuftice, 5 1 5. Belle adion de deux
MatelotsFrançois danslaBayed’Hud-
fon , 519. Les Soldats François fe
battenr fort mal à la journée des
Tfonnomhouans: M. de Dénonville
les méprife fort. Les François Cana¬
diens y font merveille, 517. Plufieurs
François renoncent au commerce des
Pelleteries 3 & pourquoi? 539. Pro¬
jet des Iroquois & des Anglois pour
chaffèr tous les François du Canada,
550. Invedives des Otuaouais con¬
tre les François 3 mépris , où ils
étoient tombés dans l’efpric de ces
Sauvages, S 69-70.
Frem'm. Le P. ... . Fremin , Jefui-
te , Millionnaire aux Iroquois, 323,
Il y retourne après la guerre , 398. Il
paffe du Canton d’Agnier à celui de
Tfonnonthouan , 402. Il conduit les
Iroquois Chrétiens à la Prairie de la
Magdeleine, 4J2.
Frontenac . Louis de Buade , Comte
de Frontenac fuccéde à M. de Cour-
celles dans le Gouvernement de la
Nouvelle France, & bâtit le Fort de
Catarocouy , qui porte (on nom , auflî.
bien que le Lac Ontario. Son carade-
re, 444-45. Ses préventions , fes vio¬
lences & fes prétentions mettent tou¬
te la Colonie en trouble. Il rcfufe aux
Mifiîonnaires le Sault S. Louis pour
y tranfplanter leur Million. Ce qu’il
mande à M. Colbert au fujet des Iro¬
quois , eft exaggeré, 4 5 2. Ses préten¬
tions au fujet de la Prélidence au
Confeil Supérieur; fes démêlés avec
l’Intendant 5 il eft fâché de ne l’avoir
pas mis en prifon après le départ des
Vaifieaux ,453. Reproches, que lui
fait le Roy 5 ordre , qu’il lui donne au
fujet des Coureurs de Bois , 453-54.
Il confeille à M. de la Sale de pafièr
6i 4
TABLE
en France , 4Î7. Il écrit au Roy en fa S «5; \\ «Çoi[ nfle1,tfî".Mu ?'^e
en trance > 457 Miniftre Carhcil *, en quoi elle lui fait plaifir.
fSi aon’nîm le plus Vtd tort dans II travaille à rétablir la réputation des
fes démêlés avec l’Intendant, Sa Ma- François dans 1 efpnt des Sauvages ; ,
jefté lui nomme un Succelfeur , 46 J
Ses diligences pour prévenir les fuites
de Paflaffinat commis dans la Perfori¬
ne d’un Tfonnonthouan. Propofition
inlolente , que lui font faire les I10
G
ABATO , G abat
( Jean ) Vénitien
ou
570.
'Cabot.
6c fes trois
"sVre^nfc On ^^ur^An^en,,
de mollir ; il n'en veut rien faire. Il strient' de I’a!
apprend que les Iroquois ont mal par¬
lé de lui. Il refufe d’aller à Cataro-
couy attendre les Députes Iroquois .
comme il l’avoit promis. Expédient
mérique Septentrionnale , 8c ne dé<
barquent en aucun endroit , 5 •
Gachie . Gentilhomme Gafcon »pe-
iléflprouir^FnT/ll irilrp'” "1 '* C^nIJ.»"?,'llP»irUtptlroqUpii,
„uetre 467V fuiv. Les Iroquois lui vient pour faire des propofmons în-
fom une4 Députation pour l'amufer. folentes à M de Denonv.Ue 11 re-
Autre Députation des Sauvages de tourne dans fon Canton , & ‘ev!5nc
MKhilimiakmac Ce que leur dit M. à Montreal , où le Cheval, er de Cal-
de Frontenac , 469, Il palfe en Fran^
ce , 470. Ce qui détermine le Roy a
le renvoyer en Canada en qualité de
Gouverneur Général de la Nouvelle
France ; ce qu’on y remarqua de
changement dans fa conduite j qui ré¬
pondit de lui 5 143* Ordres , qu il re¬
çoit du Roy au fujet de l’Entrepnie
fur la Nouvelle York , y 4 5 • & fu'iv‘
Il arrive trop tard en Amérique : eau
Itérés par fes bonnes façons l engage
à s’expliquer fur le fujet de fon Am-
balfade , 563. Fierté , avec laquelle il
s’exprime s y 64. M. de Frontenac re¬
fufe de lui donner audience, & ‘pour¬
quoi ? Oureouharé traite avec lui de
concert avec le Gouverneur Geneial,
yôy.
Gambie. ('Pierre j Soldat François,
fait plufieurs découvertes en Floride»
n « r o- . nC « o A Tr\n rprniir nai*
fes dè^ce retardement. Inftruélions , f volé & afTaffiné à fon retour par
qu’il laifle à M. de la Caffinicre , y 47' deux Sauvages » 5 -
48. Nouvelles , qu’il reçoit du Cana¬
da à l’Ifle Percée. Il arrive à .Quebec j
monte à Montreal j défoîation ,011 il
trouve cette Ifle , 549. Il apprend que
M. de Dénonville a donné ordre dJe
UA Jduvugw; >.r
Gandahouagué , Bourgade Iroquoile
du Canton d’Agnier , Patrie de , Ca¬
therine Tegahkouita , 57 3/ Le Pere
Jacques de Lamberville y établit une
Million, .174*
valuer &dêVru , n« lé Fort de Catal Gannentahd , Lac duCanton dOn
locouy’ ^aifons pourquoi il 1= trouve nontagué . ce qu on y volt de fingu
ma,uvaIS’7fI"5 Vher1’execmion°de ^Cmk.onthi^ , Chef Onnontagué ,
prévenir & empecher 1 execution de ^ ^ ^vant du p ,e Moyne.Son ca-
cet ordre. Aune lai on p I ratétere, fon amour pour les François ;
3XS i £ JeTnt feryte , qu'il leur rend. Politique ra-
?ëfperance de lè rétablir, U Ce finée, & rnenagemens fages de ce Ca-
flatte de regagner les Iroquois , y6i. pitaine , 3 y i. Hclt nomme Ghet de la
Il renvoyé a§ux Iroquois quatre de leurs Députation vers le Gouverneur Gene-
Chefs^qu’ll avoiuanienés de France, rd.jj+SapmdcKeaofojetdeceqm
D E S M A'
lin arrive pendant le voyage. Récep¬
tion , qu’on lui fait à Montreal & à
Quebec, 554-5 5 • Il vient about de
faire remettre en liberté tous les Pri-
fonniers François , 5 55?. Il continue
de travailler à la paix , & à la déli¬
vrance des François Captifs , 574- Il
va trouver M. de Tracy à Quebec ;
de quelle maniéré il en efl: reçu; pro¬
portions, qu’il lui fait; fuccès de fon
voyage ; il pleure en cérémonie le P.
le Moyne , 583. Il retient le P. Gar¬
nier à Onnontagué , lui bâtit une Ca-
banne 8c une Chapelle. Il fait un
voyage à Quebec , 8c en amene deux
autres Millionnaires , 398. Il repro¬
che aux Outaouais la maniéré indi¬
gne , dont ils traitoient leurs Million¬
naires. Il eftbaptifé par l’Evêque , 8c
tenu fur les Fonts par le Gouverneur
Général , qui le nomme Daniel , 8c.
par la Fille de l’Intendant, 427. Il
tâche en vain de rendre le Canton
d Onneyouth plus docile aux inftru-
éfions de fes Millionnaires , 43 1. Il
efl: député pour traiter de la paix ,
& parle fort bien ,493. On lui attri¬
bue la modération , dont ufa fon Can¬
ton â l’égard du P. de Lamberville
après l’enlevement des Chefs Iro¬
quois, â Catarocouy , 5 1 1 . Il empêche
les réfolutions violentes dans fon
Canton , $i9.M.de Frontenac com¬
pte beaucoup fur lui , ^66.
Garangouas. ('Marguerite ) Femme
Iroquoife.; fon martyre 8c fon coura¬
ge 5 _ 592. & fuiv.
G argot. Le Sieur Gargot obtient du
Roy Louis XIV. le Port de Plaifance
avec le titre de Gouverneur. Il trouve
de la difficulté à en prendre poflfef-
fion , & ce qui en arrive , 423,
Garnier. Le P. Charles Garnier , Je-
fuite , vifite plulieurs Nations Sau¬
vages , 202. Il donne genereufement
fa vie pour fon Troupeau , 8c efl tué
par les Iroquois, 297. & fuiv.
Le P. Julien Garnier , Jefuite , va
Millionnaire aux Iroquois; Garakon-
îhié le retient â Onnontagué , lui bâ-
Tome /,
1 I E R E S . () 2ÿ
fit une Cabanne 8c une Chapelle ,
398»
Garreau. Le P. Leonard Garreau*
Jefuite , part avec des Outaouais pour
aller dans leur Pays, 326. Il efl: bielle
â mort en chemin par des Agniers ,
8c meurt à Monrreal , 327.
Gafpefiens , Sauvages du Canada ,
les mêmes que les Acadiens. D’où
leur vient ce nom, 8c qui en efl: P Au¬
teur. Leur vie errante empêche , ou
plutôt retarde leurconverfionauChri-
ftianifme, 221. Par quelle erreur 011
les appelle Portecroix , 212. & fuiv.
Gaudais. Le Sieur Gaudais efl: en¬
voyé Commiflaire en Canada , en
quoi confiftoit fa Commiffion. Il re¬
çoit le ferment de fidélité de toute là
Colonie , 8c prend poffèflîon du Pays
aunom du Roy , 370. Uretourneen
France. Son éloge , 374.
Gaulois. Guillaume Poftel a cru
que les anciens Gaulois avoient été
en Amérique, 2. 8c qu’ils y avoient
fait le commerce des Morues , 3.
. Gemefie . Fort des François fur la Ri¬
vière de S. Jean , pris par les Anglois»
4 5 o. Reftitué à la France , 462 . Repris'
par les François > 463,
Le Gendre. M. le Gendre de Rouen»
Alîocié de M. de Monts , 149.
La Giraudiere. Le Sieur de la Gi-
raudiere obtient par furprife de la
Compagnie des Indes Occidentales
une conceffion au préjudice de M.
Denys, & entreprend de le forcer â
Chedabouétou , 41 y. Il fe remet au
jugement de la Compagnie , qui dé¬
clare qu’elle a été furprife , 8c le dé¬
boute , 4 \G.
Glaces. Maniéré de voyager furies
glaces dans la Baye d'Hudfon. D’où
ces glaces fe forment, 474. & fuiv.
Godefroy. Le Sieur Godefroy , Con-
feiller au Confeil de la Nouvelle
France , efl envoyé à Barton en quali¬
té de Plénipotentiaire pour conclure
un Traité de Neutralité avec les An-
glois , . 287-88.
Godsf Anglois , par l’entremifedu-
KKkk
6,6 , J A
quel Milord Preflon , Ambafladcur
du Roy de la Grande Bretagne à la
Cour de France , traite avec le perfi¬
de Radiflon , 48 1 •
Gonannbatenba. ( Françoife ) Fem¬
me Iroquoife , eft hvree an feu par fa
propre Sœur , & brulec en haine de la
Religion Chrétienne , & fuiv'
Goufre formé par un Tremblement
deTe rre. Sa fituation , _ 3^9*
Goupy. ( René ) Novice Je fuite , eft
pris avec le P. Jogues par les Iroquoisj
236, Maux, qu’on lui fait fouitrir ,
237. Son martyre, . ,24î>*
Gourgiies. Le Chevalier Dominique
deGourgues: fes premières aventu¬
res. Il entreprend de venger les Fran¬
çois égorgés en Floride par les Espa¬
gnols , 9). Ses préparatifs. Il auive
en Amérique > 96. Il découvre fon
deffeir. à fes Gens', comment fon dif-
cours en eft reçu. En quelle difpofi-
tion il trouve les Sauvages de la Flo¬
ride , 97. Il envoyé reconnoitie San
Matheo ,98. Il obferve lui - même la
Place , 99. Il prend , 1 epee a la main,
un Fort, & raille en pièces la Garni-
fon , 100. Il traite de même la Garni-
fon d’un fécond Fort, & marche à San
Matheo , 10t. Il s’en rend le Maître,
102-03. Butin , qu’il y fait j il recom-
penfe les Sauvages. Maniéré , dont il
Traite les Elpagnols. Reflexion fur
cette conduite . 103. Ce qui le fait
réfoudre à râler tous les Forts , 104.
Il s’embarque au grand regret des
Sauvages. Il arrive à la Rochelle. Dan¬
ger , qu’il court d’y être enleve par
les Efpagnols. Il eft mal reçu a la
Cour. La Reine Elizabeth d Angle¬
terre l’invite à entrer à Ion Service,
6c il le refufe. Il rentre en grâce au¬
près du Roy, 104-05. Il accepte le
Commandement de la Flotte de D.
Antoine , qui fe prétendoit Roy de
Portugal, & meurt en chemin , 10 6,
Goyelle , Gentilhomme Breton, qui
accompagna Jacques Cartier dans fon
fécond voyage , # I2,
Goyogouin 3 Canton Iroquois ; fa
BL E
defeription , & ce qu’il a de partico-
lier , 270-71. Les Goyogouins de¬
mandent la paix , 6c avertiflent que
les Agniers font en Campagne, 313*
Un Chef Goyogouin , fort Ami des
François , propofe la paix pour tous
les Cantons , 349. 374- Reponfe, que
lui fait M. de Méfy , 375. Les Goyo¬
gouins font demander la paix aM. de
Tracy ,383. Eftime , qu’ils font du
P. deCarheil , & le peu définit, que
ce Millionnaire fait parmi eux , 403.
Le Chef Goyogouin , dont il eft par¬
lé ci-deflus l eft baptifé à Québec , &C
nommé Louis , 434. M. de la Ban e
mande au Miniftre qu il faut deti uiie
ce Canton , comme le plus oppofe de
tons aux François , 484. Il lui envoyé
un Collier pour l’engager a ne point
entrer dans la querelle des Tfon-
nonthouans , 489. Ce Canton offre
fa médiation pour la paix, 490. Dé¬
puté de ce Canton a Montreal pour
demander la paix, 5 28-29. Ce que
Oureouharé fait dire a ce Canton »
qui étoit le fi en , ,5^3*
Grandj ont aine ( Hubert d Andigny,
Chevalier de ) ligne à Bafton , en
qualité de Plénipotentiaire du Roy
de France, un Reglement pour la re-
ftitution des Pays ufurpés par les An-
glois , 416- 17. Ü eft nomme Gouver¬
neur de l’Acadie. Bornes de fon Gou¬
vernement , 417. Il eft releve pai M»
de Chambly , . 45°*
La Grange , Officier François , s op¬
pofe à l’avis de M. de Ribaut d’aller
attaquer la Flotte Efpagnole , 70* H
s’embarque pour cette Expédition
avec bien de la répugnance , 7 1 * Dans
le naufrage de l’Efcadre Françoife il
eft le feul , qui fe noyé , 83.
Greve , ou Grave, Plage couverte
de galots , où l’on fait fécher la Mo¬
rue , . 41 9*
Le Griffon , Barque conftrtme par
M. de la Sale pour naviguer fur les
Lacs ; ce qu’en penferent les Sauva¬
ges. Ce qu’elle devint, 438-59.
Groenland . Figure des Peuples de
* DES MA
ce Pays, On y trouve des Hommes
noirs , 1 8 .
* Groseilliers , (Medard Chouart des)
François Canadien , conduit les An-
glois dans la Baye d’Hudfon, 47 G-
77. Il rentre dans fon devoir, reçoit
desgraces du Roy , & part pour challer
les Angiois de la Baye d’Hudfon ,
Il découvre le Fleuve Bourbon 5c la
Riviere de Sainte Therefe , bâtit un
Fort à l’entrée de celle-ci. Ce qui fe
pallè entre lui 5c les Angiois ,479. &
fuiv. Il eft mal reçu 'a Quebec 5c en
France , 5c fe donne de nouveau aux
Angiois ,481. Voyez Chouart.
Grouraut, François de la Floride ;
proportions , qu’il fait à M. de Lau-
donniere de la part d’un Chef Flori-
dien , y y.
Guérin , ("Jean ) Domeftique du P.
Mefnard. Son éloge. Il accompagne
le P. Mefnard dans un voyage péni¬
ble 5c dangereux. Il cherche inutile¬
ment ce Millionnaire , qui s’étoit
égaré dans le Bois, 357. Il baprife
quantité d’Enfans Outaouais, 5.58.
Sa mort tragique pendant qu’il étoit
en Priere , 3 59.
Guercheville. ( La Marquife de )
Son zélé 5c fes libéralités pour les
Millions de l’Acadie , 1 zz. Elle ache¬
té les droits de M. de Monts fur ce
Pays ; elle fait une quête à la Cour pour
rembourfer deux Huguenots Allô-
ciés de M. de Poutrincourr , qui s’op-
pofoient à l’embarquement des Je-
fuites , 5c ligne en faveur de ces Peres
un Traité de Société avec M. de
Biencourt. Apologie de ce Traité par
M. de Champlain, 1 z$ . Elle fe brouil¬
le avec M. de Biencourt , 5c avec M.
de Poutrincourr, 5c refufe d’entrer
en Société avec M. de Monts. Elle
forme le projet d’un nouvel Etablif-
fement. Faute, qu’elle fit en cette oc-
cafion , 13 z.- 140. Elle envoyé la
SaulTaye en Angleterre , pour y folli-
citer un dédommagement de la perte
de S. Sauveur , 139*
La Grand’Gueule, voyez Haaskpuaun.
TIERES. 627
G uilbaut , Aftocié du Sieur le Bor¬
gne, bâtit un Fort à la Héve, y eft at¬
taqué par les Angiois , 5c après une
alfez bonne défenfe , traite avec eux,
4 ^ 4*
H
Y JAAS K 0 UAU~N , Capitaine
XjTfonnonthouan , appellé parles
François la Grand’Gueule , parle info-
lemment à M. de la Barre à la Famf-
ne. Il eft député à M. de Dénonville,
5c demande au Commandant de Ca-
tarocouy un Officier pour l’accompa¬
gner. Comment il enufe avec cet Of¬
ficier. Fierté , avec laquelle il propo-
fe la paix, 3Z7-28.
Haonhouontfiontaoitet , ( Etienne )
Iroquois Chrétien -, fon martyre , y 9 y.
Harlay ( M. de ) Archevêque de Pa¬
ris, eft nommé par le Roy pour juger
lion doit permettre la Traite de l’Eau-
de-vieavec les Sauvages. Il juge que
non, 4yj.
Hawkins , ( Jean ) Capitaine An¬
giois ; fes bonnes maniérés avec les
Angiois de la Floride , y 8. & fuiv.
Hennepin , (Le P. Louis) Recollet,
s’embarque pour le Canada avec M.
de la Sale , 457. Il découvre le haut
du Miciffipi , donne le nom de S.
Antoine de Padotïe à un Sault, juf-
qu’où remonte ce Fleuve; il demeu¬
re quelque rems Prifonnier chez les
Sioux , 460. Voyez la Lifte 5c l’Exa¬
men des A tireurs.
Henry III. Roy de France, accorde
au Marquis de la Roche la même
Commiffion , qu’avoit eue M.de Ro-
berval de François I. 107.
Henry IV. Roy de France , confir¬
me la donation 5c les privilèges ac¬
cordés au Marquis de la Roche par
Henry III. 107. Il envoyé chercher
des François, qu’on avoit laides dans
l’Ifie de Sable , les veut voir , & leur
fait une libéralité , 1 10. Il ordonne à
M. de Poutrincourt de conduire des
Jefuites en Acadie , 1 z 1. Il n’eft pas
obéi , 5c en fait des reproches â M. de
KKkk ij
<5zS T A B
Poutrincourt. Sa mort , izi.
Henry VIL Roy d’Angleterre , en¬
voyé Jean Gabot 8c les Fils faire des
découvertes en Amérique , 3.
Hermaphrodites , font communs en
Floride. A quoi on les occupe , 27.
Hertel (François) eft pris dans fa
jeunefTe par les Iroquois , qui le trai¬
tent fort mai. Sa pieté 8c fon éloge ,
, 3 54*
Hervé au , ( le P. Cé Tarée) Recoller,
s’embarque avec M. Talon pour Que-
bec , 8c fait naufrage , 4Z4-
La Héve , ou la Haive , Port de l’A¬
cadie. Les Anglois fe rendent Maî¬
tres d’un Fort , que des François y
avoient bâti , 414. Nécelliié de forti¬
fier ce Port , 560.
Hochelaga , Bourgade Sauvage du
Canada. Safituation, 1 1. Sa deferip-
tion. Réception , qu’on y fait à Jac¬
ques Cartier ^ 12.
Hollandais . ils s’établiffent en Amé¬
rique , 8c y fondent la Nouvelle Bel -
gique , 142. Il en font chaffiés par les
Anglois , qui leur donnent Surinam
en- échange. Plufieurs y demeurent.
Comment ils fe comportent avec
les François. Ils donnent des armes à
feu aux Iroquois, 143. Ils cherchent
à décrier les Jefuites dans l’efprit des
Hurons, 175-76. 193. Ils fourniflènt
du fecours aux Iroquois contre leurs
Ennemis 8c nos Alliés , 229. Répon-
fe du Gouverneur de Manhatte aux
plaintes , que lui en fait M. de Monr-
magny, 233. Ils demandent aux Iro¬
quois les François , qui étoient Cap¬
tifs dans les Cantons, & font refufés,
240. Un Officier Hollandois s’offie à
fauver le P. Jogues , 247-4S. Il le dé¬
livre de captivité , 249-50. Ils repren¬
nent Manhatte, 8c follicitent les Iro¬
quois â la guerre contre nous. Ils me¬
nacent les Jefuites de les chaffier du
Canton d’Agnier , s’ils ne fe retirent
d’eux-mèmes ,451. On les regarde en
Canada comme Ennemis des Fran¬
çois , 471. Des Hollandois ruinent le
Fort de Pentagoëc ,520. A quoi on
reconnoît leur intelligence avec les
Iroquois , 554. Un Chef Iroquois ex¬
horte les Cantons à ne les point écou¬
ter ,& pourquoi ? 565..
Hospitalières . On parle d établir des
Religieufes Hofpitalieres en Canada,
204. Quelle vûë avoient en cela les
Millionnaires. Trois Hofpitalieres de
Dieppe fe difpofent à partir , 206,
Leur arrivée à Quebec , leur ferveur
à la vûë des Sauvages. Elles prennent
polfellion de l’Hôpiral de Sylleri. In¬
commodités, qu’elles y eurent à fouf-
frir , 8c leur courage , 208-09. Erec¬
tion de l’Hôpital de Montreal, 343.
Les Hofpitalieres de Quebec font
obligées de fortir la nuit de leur Mo-
naftere, trop expofé aux furprifes des
Iroquois, 347.
Houel. M. Houel , un des premiers
Membres de la Compagnie des cent
AlTociés , j 6 1.
Hudfon , ( Henry ) Anglois, après
avoir inutilement cherché un chemin
à la Chine par le Nord du Canada ,
découvre la Rivière de Manhatte ,
142. Des Algonquins fe réfugient fur
les bords de la Baye d’Hudfon , 345.
Des Sauvages des environs de cette
Baye propofent de fe liguer avec les
François contre les Iroquois, 345.
Henry Hudfon vend Manhatte aux
Hollandois , 375. Defcription du Dé¬
troit 8c de la Baye d’Hudfon , 473. &
fuiv. Il n’eft pas vrai que Hudfon y
ait fait aucune prife de poffèffion ,
476. Affaires de la Baye d’Hudfon ,
504. Prife de trois Forts fur les An¬
glois dans la Baye d’Hudfon, 505-
06. Conférences en Angleterre avec
les Plénipotentiaires de France au fu-
jet de cette Baye , 8c ce qui les rend
inutiles , 544. On y proclamele Prin¬
ce & la Princefle _d’Orange Roy 8c
Reine de la Grande Bretagne par or¬
dre de la Compagnie de Londres ,
qui prétend que cette Baye appartient
route entière à la Couronne d’Angle¬
terre, 554. Prife de poffieffion de la
Baye d’Hudlon pour ia France. V oyez
DES MAI
Bourdon 5c Albanel.
' Humfrej. Le Chevalier Gilbert Hum-
frey > Anglois , prend pofleffion de
rifle de Terre-Neuve au nom de la
Reine Elizabeth , 5c en Ton propre
nom. Il échoue fur Lille de Sable » où
on prérend qu’il vécut deux ans ,
418.
Hurons. Nation Sauvage du Cana¬
da. Ils fe difpofent à marcher contre
les Iroquois , 142. Ils partent avec A4,
de Cha.mplain , 144. & fuiv. Leur vi¬
ctoire, 148. Ils engagent de nouveau
A4, de Champlain dans une Expédi¬
tion contre les Iroquois , 5c ont avec
lui de fort mauvaifes maniérés ,154.
& fuiv. Ils fe battent mal , 154. Ils
font obligés de faire retraite , 5c la
font bien. Ils refufent à M. de Cham¬
plain un Guide , qu’ils lui avoient
promis pour retourner à Quebec ,
155. A4, de Champlain projette de fe
les attacher. Leur caraéterej 178. 182.
183. Ils viennent en grand nombre
au devant de A4, de Champlain , 5c
refufent de conduire chez eux deux
Aliflïonnaires, 182-83. Leur origine,
leurs differens noms >d’où vient celui
de Hurons ? Defcription de leur Pays,
183. & fuiv. De quelle facilité 5c de
quelle importance il étoit aux Fran¬
çois de s’y établir folidement , 186.
Alauvaife maniéré des Hurons à l’é¬
gard des Aliflïonnaires , 187, Obfla-
cles , que ceux-ci trouvèrent à leur
converflon, 188 .&fuiv. Ils font dans
une trifte fltuation , 190. & fuiv. ils
prennent ombrage de tour, 192. Ils
commencent à revenir de leurs pré¬
jugés contre la Religion Chrétiennes
& ce qui les y difpofe , 193. & fuiv.
Parallèle des Nations Huronnes 5c
Algonquines, 196. On ne peut en¬
gager les Hurons à envoyer leurs En-
fans à Quebec pour y être élevés s
199. 200, Maniéré lurprenante , dont
ils fe lalifent tromper par les Iroquois.
Ce qui les rendoit fi fiers avant la
prife de Quebec par les Anglois ,
201. Ce qui les difpofe à fe rendre
I E R E S. 6iy
plus dociles aux inltru étions des Mif-
fionnaires , 203. Ils ont quelques
avantages fur les Iroquois } 209. Si¬
tuation de la Aliflion Huronne ,214.
Des Hurons lailfent maltraiter leur
Aliflion n aire, 21 y. Ils le tirent enfin
des mains de celui , qui le maltrai-
toit,2i6. Leur charité à l’égard d’une
Nation diflipée par les Iroquois , 5c
comment ils en font recompenfés.
Ils défont un Parti d’Iroquois , 223.-
24. Un Huron fe facrifie pour attirer
les Iroquois dans une embufcade ,
224. Les Hurons ne profitent point
de leurs avantages, 22 y. Une ancien¬
ne Tradition porte qu’ils avoient au¬
trefois chaflé les Habitans de Mont¬
real de cette Ifle , 228. Leur indolen¬
ce au fujet de la guerre : quelles en
furent les caufes & les fuites, 233.
Grand Convoi des Hurons pris pat
les Iroquois , 234. Juftice de Dieu
fur un Village Huron , 244. Belle
action d’un jeune Chrétien Huron ,
244-45. Un Huron fe fauve du Can¬
ton d’Agnier , 5c porte à Quebec des
nouvelles du P. Jogues, 245. Etat dé¬
plorable de la Nation Huronne. Fer¬
veur des Chrétiens, 25 1 . Us lont ani¬
més de l’Efprit Apoftolique, 5c quel¬
ques - uns vont annoncer Jésus-
C h ri s t à la Nation Neutre, 2 y 2.
Extrémité, où cette Aliflion eft ré¬
duire , 257. Réponle de deux Hurons
à M. de Alontmagny , qui leur avoir
demandé deux Prifonnierslroquois ,
161. Les Hurons font attaqués de
nouveau par les Iroquois , 270. Belle
aéfcion de trois Hurons , 274. Des
Hurons Idolâtres donnent aux Ag-
niers de grands ombrages des Mil¬
lionnaires , zyy. Les Andaftes of¬
frent du fecours aux Hurons , qui ne
l’acceptent point. Ils fe laiflenr fur-
prendre par les Iroquois , 284. Leur
indolence dans la guerre continue.
Leur docilité envers les Millionnai¬
res. 289. Deux de leurs Bourgades
font détruites par les Iroquois , &
tous les Habitans pafiés au fil de l’é-
TABLE
630
pce , 290. Ils barrent les Iroquois ,&
leurs plus Braves tombent dans une
embufcade ,291* Un Huron Apoftat
confeille aux Bourreaux des PP. de
Brebœuf & Lallemant de les baptifer
avec de Peau bouillante, 293. Les
Huronsfe difperfent, 295. Leur con¬
fiance & leur ferveur dans leurs dif-
grâces , 2 $6. Voyez Tionnontatés , qui
font les vrais Huions. Des Huions
confpirent contre les Millionnaires ,
& ce qui en arrive. Protedion vifible
du Ciel fur un Huron & une Huron-
ne , 299. 3 00. Nouveaux malheursar-
rivés aux Huions. Plufieurs descen¬
dent à Québec , 300. & fuiv. des Hu¬
ions fe lailfent furprendre par une
poignée d’ Iroquois, 301. Un grand
nombre de Huions defcendent à Que-
bec 3 réception , qu’on leur fait : ce
que deviennent la plupart des autres.
Les Habitans de deux Bourgades Hu-
ronnesfe donnent aux Iroquois , & en
font bien reçus , 302. D’autres fe met¬
tent témérairement en Campagne
pour attaquer les Agniers , font tra¬
his par un des leurs ,& défaits , 303-
04. Pieté de ceux , qui étoient reliés
a Quebec , 306. Des Huions Chré¬
tiens défont un Parti d’ Agniers ,313.
Ferveur des Chrétiens Hurons Cap¬
tifs chez les Iroquois , 316. Piete de
ceux , qui étoient dans l’ifle d’Or-
leans , 317-18. Des Hurons s’oppo-
fent à PEtablilTement de la Religion
Chrétienne à Ontiontagué , 322. Plu¬
fieurs Hurons font enlevés dans Pille
d’Orléans par les Agniers 324. Dif-
perlion d’un grand nombre d’autres ,
324-2 j. D’autres offrent de fe donner
aux Agniers , & s’en repentent, 329.
Leur embarras. Toute une Tribu fe
livre aux Agniers. Ils font fommes
par les Onnontagués d’une femblabîe
parole 3 & ce que l’on répond à ceux-
ci , 332. Ferveur des Hurons Captifs
dans le Canton de Tfonnonthouan ,
& les effets , quelle produit ,334*
Ceux , qui s’étoient donnés aux On¬
nontagués, en font traités comme des
Prifonniers de guerre. Jeune Femme
Huronne Martyre de la chafteté con¬
jugale , 3 3 s- Des HuronsTionnonra-
tés inlultent les Sioux , & comment
ceux ci enexterminent plufieurs, 346.
Des Hurons rerirés à Chagouamigon
invitent le P. Mefnard à les aller trou¬
ver. Ceux , qui l’étoient venu cher¬
cher, l’abandonnent en chemin ,338.
Le P. Allouez les vilite ; en quel état
il les trouve -, fruits de fes travaux par¬
mi eux , 395.IIS fe garantiEent mieux
de la petite vérole , que les autres Sau¬
vages. Le P. Chaumonot en raffem-
ble plufieurs à Lorette , 428. Ceux de
Michiliimakinac favorifent le com¬
merce des AngTois dans cePofle. On
a bien de la peine à les empêcher de
traiter avec lesTfonnonthouans, 513.
Les uns & les autres, & Partout les
Premiers fe battent bien à la journée
de Tfonnonthouan, 3 16. Ceux de Mi¬
chiliimakinac s’oppofentà la paixen-
tre les François & les Iroquois , ÔC
pourquoi ? 5 3 3 . Mefures , que prend
un de leurs Chefs pour l’empêcher.
Voyez le Rat. Ils font Pâme du Trai¬
té des Outaouais avec les Tfonnon-
thouans , & ne paroiffent point ,568.
Pourquoi Ils different de fe déclarer ,
569. On leur attribue Piuveétive des
Outaouais contre les François } 370.
J. I.
J 'AC QUE S /. Roy de la Grande
Bretagne > concède au Comte de
Sterlin tource que les Anglois avoient
enlevé à la France dans le Continent
de P Amérique , 114.
Jamaïque. Le Gouverneur Efpagnol
de la Jamaïque eft pris par les Révol¬
tés de la Caroline : comment il fe tire
de leurs mains , 51.
Iberville. M. le Moine d’iberville ,
Gentilhomme Canadien , va en qua¬
lité de Volontaire à l’Expédition de
la Baye d’Hudfon. Il prend d Pabor-
dage un Navire Anglois , 505. Il fe
rend Maître avec M. de Sainte Llele-
(
DES Mi
ne s Ton Frere, du Fort de Quitchit-
chouen , 506. Il repouffeles Anglois,
qui l’affiegeoient dans ce même Fort ,
5c leur prend un V aideau , j 18-19,
11 fe rend Maître de deux Vaiffeaux
Anglois dans la Baye d’Hudfon ,5*5.
& fuiv. Le mauvais tems l’empêche
d’en prendre un troifîéme, 556.
Idole. Des Miftîonnaires renverfent
une Idole , qui étoit fur le bord delà
Riviere dès Renards, 447.
Jeremie. Mémoires du Sieur Jefe-
mie fur la Baye d’Hudfon , 479. V.
la Lifte & l’Examen des Auteurs.
Jerfey. Nouveau Jerfey > Colonîede
l’Amerique 3 fondée par les Suédois,
5c occupée aujourd’hui par les An¬
glois. Sa fîtuation. l^ojez, Nouvelle
York.
Jefuitcs. Le Roy Henry I V. veut
qu’on envoyé des Jefuites en Aca¬
die, ni. On refufe de les embar¬
quer, 122. M.de Champlain les ju-
ftifie au fujet du Traité fait en leur
faveur par Madame de Guerchevilie ,
1 2 3 . Ce qui empêche le fruit de leurs
travaux. Ilspaftentà S. Sauveur ,132.
Ce qu’ils deviennent après la prife de
cette Habitation , 137. Belle action
de quelques-uns d’eux aux Açorres ,
j 38. 8c en Angleterre, où ils font
font bien reçus, 1 39. Des Jefuites font
envoyés en Canada. On les reçoit mal
à Quebec ; les PP. Recollers les lo¬
gent chez eux, 159. Ils ont beau¬
coup à fouffrir de la part des Héréti¬
ques à Quebec , 160. Un Réfugié
François perfuade aux Anglois qu’ils
font fort riches, 172. Pourquoi ils re¬
tournent feulsen Canada après fa re-
ftitution , 178-79. Cara&ere des Je-
fuires du Canada ,181. Pourquoi ils
fouhaitent l’Etabliftèment de la Mif-
fon Huronne , 186. Les Hollandois
difent beaucoup de mal d’eux aux
Hurons , 193. Leur charité & leur
déftntéreftement font revenir les Sau¬
vages de leurs préjugés ,203. Effet ,
que produifent en France les Lettres,
qu’ils écrivent , 203-04. Leurs vues
T I E R E S. ' 63 1
en procurant l’Etabliftèment des Ur-
fulines 8c des Hofpitalieres en Cana¬
da , & ce qu’ils ont à fouffrir dans
leurs Millions , 214-15. Leurs occu¬
pations , 216-17. Réfléxion fur leur
conduite, 218. & fuiv. Leurs Exer¬
cices 8c leurs Millions volantes , 221.
Ils font accufés de faire le commer¬
ce; la Compagnie du Canada les juf-
tihe , 2 $6. & fuiv. Ils font calomniés
en France , 257. Quelques Hurons
confpirent contr’eux. Leur intrépidité
les déconcerte , &plufieurs des Con¬
jurés fe ccnvertiftent , 299. Plufieurs
font obligés de retourner en France ,
8c pourquoi ? 312. Ils remettent à PE-
vêque de Petrée les Cures du Cana¬
da, 340. Plaintes, que fait M. de
Méfi contr’eux au Confeil, 8c ceque
le Confeil en penfe , 377. La Cour
les veut obliger de f ranci fer les Sauva¬
ges. Préventions de M. Colbert con-
tr’eux à ce fujet. Il en revient , 390.
Voyez Mifjionnaires , 5c la Lifte 8c
l’Examen des Auteurs.
Jeune ( le P. Paul le ) Jefuite , arri¬
ve à Quebec , 179. Il eft chargé par
le Commandeur de Sylleri de PEta-
bliffement d’une Bourgade Sauvage
dans la Colonie. Sa conduite avec
les Sauvages à ce fujet , 204. Il eft
propofé par la Reine Mere pour l’E¬
vêché du Canada , 339.
IhouAÙrïy Bourgade Huronne, au¬
trement nommée S. Jofeph. Voyez ce
mot.
Illinois. Sauvages du Canada. Ce
qu’on en difoit, lorfqu’on leur don¬
na les premières notions du Chrif-
tianifme , 306. Accueil , qu’ils font
au P. Marquette 8c au Sieur Jolier.
Les Iroquois commencent à les mo-
lefter , 446. M. de la Sale compte
beaucoup fur eux , 8c pourquoi? Le
Chevalier de Tonti les met dans fes
intérêts. Leur attachement à nos inté¬
rêts leur fait recevoir un échec de la
part des Iroquois , 439. Ils font un
peu changés à l’égard de M. de la Sa¬
le. Trente d’encr’eux fe donnent pour-
/
<Î}1 tae
tant à lui , 460-61. Le Chevalier de
Tonti fe fait Médiateur entr’eux 8c
les Illinois, 46 r.LesTfonnonthouans
refufent de les comprendre dans le
T raicé de paix ,493. Les Iroquois con¬
tinuent à leur faire la guerre , 497.
Pourquoi le Chevalier de Tonti n’en
peut mener que quatre- vint à la guer¬
re des Tfonnonthouans, 511.
Intendant. Premier Intendant du
Canada. Voyez Robert. Ses fondions
dans le Confeil Supérieur , 372. &
fuiv.
Jogttes , (le P. Ifaac, ) Jefuite , va
viliter les Sauteurs ; ce qu’il y fait ,
232. Il en eft rappellé ,233.1! le laide
prendre par les Iroquois , pour ne pas
abandonner fes Néophites, qu’il pré-
voyoit devoir être brûlés , 234. Ma¬
niéré cruelle , dont il eft traité par les
Iroquois, 12,7. & fuiv. Il faitplufieurs
converfions pendant fa captivité ,
241. & fuiv. Ce qu’il mande au Che¬
valier de Montmagny au fujet des
Hurons 8c des Iroquois, 243. Il ap¬
prend que fa mort eft refoluë , 246.
Il fuit les Sauvages à la chaffe, 8c
pourquoi il retourne au V illage , d’où
il étoit parti , 247. Ce qu’il répond
à un Officier Hollandois , qui s’offre
a le fauver. Son évafion , 248. & fuiv.
Il arrive en France. La Reine Mere
le veut voir. Le Pape lui permet de
dire la Meffie avec fes mains mutilées;
250. Son caradere , 251. Il fait deux
voyages aux Iroquois, 269. Il y retour¬
ne une troifiéme fois avec un pref-
fentiment que ces Sauvages le feront
mourir. Il eft abandonné de fes Con-
dudeurs , 274. Il eft maffacré 3 fon
Meurtrier fe convertit , 27 6. Son
nom iroquois , 320. Effet, que pro¬
duit la ledure de fa vie & de fes
fouffrances fur un Gentilhomme de
Normandie, 400.
Joliet. Le~Sr. Joliet découvre le Mi-
eiffipi avec le P. 'Marquette , 445 . &
fuiv. M. de la Sale le confulte , 456.
Il entreprend un voyage pénible pour
donner au Gouverneur Général des
LE
avis importans l t 568..
Zonas , Jongleurs des Floridiens ;
honneurs , qu’on leur rend. Ils font
fort adonnés aux fortileges , 28. Ils
font fort craints ; 8c prétendent que
les Dieux leur parlent , 32. Un Ionas
prédit affez jufte l’état , où fon Caci¬
que trouvera les Ennemis , $6.
Jongleurs . Efpece deChatlatans par¬
mi les Sauvages du Canada. Leurs
fondions, 145. ils s’oppofent au pro¬
grès de la Religion Chrétienne parmi
les Hurons ; 190. On croit que leurs
preftiges font accompagnés de l’opé¬
ration du Démon, 224. ils font ac¬
croire qu’ils entendent le langage des
Oifeaux, # a 394*
Jofepb , Captif Iroquois , brûlé par
les Hurons , & le premier de fa Na¬
tion , qui ait été baptifé. Son fuppli-
ce , 210. & fuiv.
Jourdain. Riviere de la Caroline ,
par qui découverte , 24. M. de Ri-
baut la cherche inutilement , 25-.
hoquet , Nom d’une Nation Sauva¬
ge , qu’on croit avoir anciennement
habité Fille de Montreal , 8c qui ne
paroît plus , nS*
Iroquois , Nation Sauvage du Cana¬
da. M. de Champlain fe joint à leurs
Ennemis pour leur faire laguerre : ce
qui les empêche de fuccomber , 142-
43. D’où vient l’afcendant , qu’ils
avoient pris fur leurs Ennemis, 144.
Pays , qu’ils occupoient autrefois ,
146. Ils font défaits par M. de Cham¬
plain & fes Alliés, 148-51. Ils font
attaqués de nouveau , & ne peuvent
être forcés, 154-55- Us entrepren¬
nent de chaffer ; ou d’exterminer tons
les François du Canada. Succès de
leur Entreprife , 1 57-58. Leur origi¬
ne, 184. Onmanquel’occafion de les
dompter , ou de les gagner , 186. Ils
divifent les Hurons pour les détruire
féparément , 20 r. ù'fuiv. La foibleffe
de la Colonie Françoife les rend plus
hardis, 202-03. Ils infultent le Gou¬
verneur Général aux Trois Rivières ,
203. Ilsdiffipent une Nation entière,
2.23»
DES MATIERES.
Stratagème, dont ils ufent pour
détacher les François des Hurons. Ils
font une fécondé infulte au Gouver¬
neur Général , 225-2.6. Ils veulent
empêcher qu’on ne batifte le Fort de
Richelieu , 8c font repouftes ,2 30. Ils
parodient portés à la paix, 260*63. M.
de hfôntmagny leur donne une au¬
dience p^iblique ; ce qui s’y paiïè ,
264. & fuiv. Ils recommencent leurs
hoftilités. Differencedes Iroquois Su-
- périeurs 8c Inférieurs. Origine du nom
d’Iroquois , 270. Ils attaquent de nou¬
veau les Hurons ,273. Ils détruifent
la Bourgade de S. Jofeph, après y
avoir fait un grand carnage 8c tué le
P. Daniel , 284-8 5. Ils détruifent deux
autres Bourgades Huronnes , 8c brû¬
lent les PP. de Brebeuf & Lallemant.
Ils reçoivent un échec , 8c ont Bien¬
tôt leur revanche. Ils lèvent le fiége
de Sainte Marie, frapés d’une ter¬
reur panique, 291. Ils détruifent la
Bourgade de S. Jean , 8c y maftacrent
le P. Garnier , 297. & fuiv. Ils pour-
fuivent les Hurons dans leur retraite,
8c en font un grand carnage, 302. Ils
dépeuplent une grande étendue de
Pays par la terreur de leur nom ,302-
03. Un de leurs Partis s’approche des
Trois Rivières , dont le Gouverneur
eft tué en marchant contr’eux. Ce qui
augmente leurs forces , 309. Ils met¬
tent tout à feu 8c à fang dans le Nord,
3 1 o. Pourquoi les Iroquois Supérieurs
vouloient faire la paix avec les Fran¬
çois, 318. Courage 8c vertu d’une
Fille , d’une Femme 8c d’un Enfant
Chrétiens Iroquois , 321-22. Leslro-
quois reduifent la Colonie à de gran¬
des extrémités. Leur deffein , 347. &
fuiv. Les Iroquois Supérieurs repouf-
fentles Andaftes , 8c font des excur-
fionsen Virginie , d’où quelques-uns
pénétrent jufqu’à la Mer. Ce qu’ils y
trouvent , 3 55. Quelques Partis Iro¬
quois paroilTènt dans la Colonie pen?
dant le Tremblement de Terre, 8c
font battus , 369. Ils demeurent ar¬
més pendant la paix f ôi pourquoi ?
Tome I .
374. On ne profite point de l’humi¬
liation des Iroquois pour établir le
Chriftianifme parmi eux, 388. Ce qui
empêche leur converfion , 3 98*99. De
quelle importance il eft d’avoir des
Millionnaires parmi eux, 402-03. Ils
veulent engager les Outaouais à leur
porter leurs Pelleteries pour les ven¬
dre aux Anglois , 407. Un Chef Iro¬
quois eft aftafllné 8c volé par des Fran¬
çois , 8c çe qui en arrive , 42 y. & fuiv .
Les Iroquois Supérieurs font mal me¬
nés par les Andaftes , ce qui les rend
plus dociles à la voix des Millionnai¬
res ,431. Ils détruifent prefqu’entie-
rement les Andaftes 8c les Chaoua-
nons. Ils approuvent le delîein debâ-
tir un Fort à Catarocouy , 8c ne voyent
pas que ce Fort ne fe bâtit que pour
les tenir en bride ^ 445. Les Hollan-
dois les follicirent à recommencer la
guerre contre nous , & ils y paroilTènt
difpofés, 452. Ils défont les Illinois,
8c pourquoi ils leur font la guerre >
459. M. de Tonti fe rend Médiateur
entre ces deux Nations, 461. Les An¬
glois cherchent à nous fufeiter des af¬
faires par leur moyen , 462. Ils obli¬
gent le Chevalier de Tonti à aban¬
donner la Riviere des Illinois , 463.
Us ménacent la Colonie , 8c ce qui
les engage à differer .de fe .déclarer.
Leurs motifs pour nous faire la guer¬
re, 466. & fuiv . Ils veulent obliger le
Comte de Frontenac à les venir trou¬
ver chez eux, 467. & fuiv. Cinq Dé¬
putés Iroquois à Montreal. Mauvaife
foy de ces Barbares , 469-70. Les An¬
glois & les Hollandois les pouffent à
nous faire la guerre ,471. Leur def-
fein , 8c comment il faut s’y prendre
pour les réduire, 472.' Ils traitent de
mauvaife foy avec M. de la Barre »
483. Leur réponfe infolente à ce Gé¬
néral , 484. Pourquoi ils trouvent
mieux leur compte avec les Anglois
8c les Hollandois pour le commerce ,
qu’avec les François : Ils craignent
plus ceux-ci , qu’ds ne le veulent pa¬
raître. Ils envoyenc une Amdafiacfe k
LUI
6U T AB
M de la Barre , afin de l’amufer, Leur
defiein , 48ç. Ils marchent pour s’em¬
parer du Fort de S. Louis des Illi¬
nois , pillent en chemin des François
chargés de marchandifes. Ils font re-
pouflës de devant le Fortde S. Louis,
486: Les Iroquois du Sault S. Louis
prennent parti dans l’Armée de M.
de la Barre, 490. Ce que M, de la
Barre penfe de cetteNation , 498. Ils
font une irruption dans le Sagui-.
nam. Le Gouverneur de la Nouvelle
York les anime contre nous , & veut
engager les Iroquois Chrétiens à s e-
tablir dans fon Gouvernement , 501.
Les principaux Chefs des Iroquois
font arrêtés par furprife àCatarocouy,
pour être envoyés aux Galères Suites
de cet enlevement, 509. & fuiv. Tren¬
te Iroquois attaquent un Convoy , &
coupent la tête à deux François , 5 .6.
Le P de Lambervillè les engage à ar¬
rêter un gros Parti des leurs , qui al-
loit fondre fur nos Habitations , 8c a
envoyer des Députes au Gouverneur
Général. Ces Députés fe font accom¬
pagner par plus de mille Guerriers
jufqu’au Lac S. François, & prennent
plaifir à faire peur à un Officier Fran¬
çois, 5 27, Ils fe répandent dans-la Co¬
lonie , 8c y jettent la conflernation.
Ils affiegent Câtàrocouy , brillent les
foins 8c tuent les Beftiaux, Ils atta¬
quent une Barque fur le Lac Ontario.
Leur Commandant leve le fiege de
Catarocouy , 8c pourquoi , 528. A
quelles conditions M. de Denonville
leur accorde la paix. Il écrit en Cour
pour faire revenir ceux , qui étoient
aux Galeres , 8c pour les faire bien
traiter. Ils donnent des orages , 8c ce¬
pendant ils enlevent un Canot Fran¬
çois , f 29. ils reparoifient en armes
dans la Colonie ; M. de Denonville
marche contr’eux , 8c en prend quel¬
ques uns , 530. Les Iroquois Chré¬
tiens font des courfes fur les Iroquois
Infidèles, Députés Iroquois fur-
pris &: défaits par un Chef Huron ,
J36. Ce même Chef fait paffier par les
LE
armes un de ces Députés , 537. Le
Gouverneur de la Nouvelle York les
empêche d’envoyer des Députés à M.
de Dénonville , 538. Comment ils
faifoient le commerce des Pelleteries
avec les Anglois , 3 3 9. Ils tombent fur
un Quartier de rifle de Montreal j
cruautés , qu’ils y exercent. Ils font
quantité dePrifonniers, qui font brû¬
lés. Ils ravagent toute l’Iflc , 8c pren¬
nent un Fort 3 un de leurs Détache-
mens eft battu. Leur projet de chaffier
tous les François du Canada , 550.
Néccffité d’entretenir des Millionnai¬
res parmi ces Sauvages, 5 60 . Ils met¬
tent un grand Parti de guerre enGam*
pagne , Ils changent fouvent de
Femmes, 5^7*
Ijle aux Cendres , découverte par
Jacques Cartier. Sa firuation, 1 1 . aug¬
mentée , 8c non formée , comme
quelques-uns l’ont cru , par un Trem¬
blement de Terre , ' 3°9‘
Ijle s aux O i [eaux. Leur découverte.
Leur fituation , .
Ijle Longue. Sa fituation, _ 119.
IJles de S. Pierre. Leur fituation. Ha¬
bitées par les François , 420.
Ijle Royale , autrefois, Ijle de Cap
Breton. Premier EtablifTement des
François dans cette Me , 176. Elle eft
attaquée par les Anglois : en quel état
elle étoit alors, 388. Aventures de M.
Denys dans cette Me, 4? 3. & fuiv.
Italiens. On doit les premières dé¬
couvertes du Nouveau Monde a trois
Italiens, 4*
Juftice. De quelle maniéré elle avoir
été rendue dans la Nouyelle France
avant qu’il y eut un Intendant & un
Confeil Supérieur, 370. & fuiv. Com¬
ment elle y eft adminiftrée depuis ce
tems-là , 372. & fuiv. Juftices Subal-
ternes/Appointemens des Officiers ,
375*
K
T7ARESIS, Sauvages, Voifins
jfYdesSioux, 396.
Kertf, (David) François réfugié, au
Service des Anglois, fait fommer
DES MA
Québec, 165. Il fe rend Maître d’une
Efcadre Françoife , 166 . En quel état
étoit la fienne. Sa diligence pour
prendre Quebec avant la publication
de la paix, il monte à Quebec. Ce
qu’il penfe du Canada. Ses mauvaifes
maniérés avec M. deChamplain, 171.
Il eft la dupe de fa mauvaifefoy ,175.
Kert f ( Louis t Frere du Précédenr,
prend Quebec & en ufe bien , 168.
& fuiv. Il engage la plupart des Ha-
bitans de Qnebec à y refter, 170. Il fe
dément un peu à leur égard , 171.
Ksrt^( Thomas) Frere des Précé-
dens , monte à Quebec, Se en retour¬
nant à Tadouflac eft fur le point d’ê¬
tre pris par Emeric de Caen , qu’il
prend. Lâcheté , qu’il commet dans
cette occafion , ’ 170.
Kil U(l irions , ou Crifiinaux , Sauvages
de la Langue Aigonquine •, leur cara¬
ctère: leur Religion : leurs cour fes,
. 597-
Kirhe. Le Chevalier Kirke , An-
glois , donne fa Fille en mariage à
Radifton , 478. Il le reçoit bien au re¬
tour de la Baye d’Hudfon , 48 t.
Kisfakpns , Nation Outaouaife ; em¬
barras , où ils fe trouvent à l occafion
d’un Iroquois aftaftinéchez eux, 467.
On leur permet de bâtir des Forts
pour fe défendre , 468. Pourquoi ils
refufent de faire aucune réparation
aux Iroquois , 469.
Kondiaronk, Chef Huron , plus con¬
nu fous le nom de le Rat, Voyez ce
mot.
L
ABRADOR , ou Laborador , par¬
tie du Continent de l’Amérique
Septentrionnale , 3. Fort de Pontchar-
train dans le Labrador , 412.
Lac des Ajjiniboils. Voyez Ajjini -
lolls .
Lac Champlain. Sa Citumon. Par qui
découvert Sc nommé V. Champ lain.
Lac Huron , 299.
Lac des deux Montagnes. Sa fitua-
tion , fon étendue , a 26.
Lac Nipijjing , 1 5 y.
T T E R E S. 6 3*
Lacs de ta Floride, au nombre de
trois , j4.
Lac de S. Jean , voyez S. Jean.
Lac de S, Pierre. Sa fituation , fon
étendue, 12.
Lac de S. Thomas. Sa fituation , fon
étendue , 220.
Lac du S. Sacrement. Sa fituation ,
14(7.
Lac Supérieur. Remarques fur fes
Courans , . 44o-4r.
Lachau , Soldat François, injufte-
ment puni par le Capitaine Albert,
s’offre à être égorgé pour nourrir fes
Camarades , qui mouroient de faim j
il l’eft en effet, & mangé, 33.35.
Laèt ( Jean de) Ses Mémoires con¬
tre les Jefuites , démentis par M. de
Champlain , 17. 24. Voyez, la Lifte Sc
l’Examen des Auteurs.
LalLemant fie P. Charles ) Jefuite,
arrive à Quebec, 159. Il fait deux
fois naufrage, 161.
Le P. Gabriel Lallemant , Jefuite,
Neveu du Précédent , ne veut pas fe
fauver de la Bourgade de S. Louis à
l'aproche des Iroquois , 290. Il eft pris,
29;. Il eft brûlé par les Iroquois, 293.
&fuiv.
Le P. Jerome Lallemant , Jefuite,
Oncle du Précédent. Ce qui lui arrive
dans un voyage de la part d’un Algon¬
quin , 214-15. Il va folliciter en Fran¬
ce lefecours de la Compagniedu Ca¬
nada , & n’eft point écouté , 303 . L’E¬
vêque de Pétrée le ramene en Cana¬
da , 339-40. Il envoyé des Million¬
naires en divers endroits , 345. Il de¬
mande grâce à M. le Baron d’Avau-
gour, pour une Femme, qui avoir trai¬
té de l’Eau- de-vie aux Sauvages , Sc ce
ui en arrive , 360. Il eft averti qu’il
oit y avoirbientôt un Tremblement
de Terre, 3,64.
Lamberville ( le P. Jacques de ) Je¬
fuite. Le Gouverneur de la Nouvelle
York demande aux Iroquois qu’ils le
lui remettent entre les mains , 501.
Son départ d’Onnontagué pour Que-
bec, 504. Il établit une Million dans
LL 11 ij
TABLE
636 . p . .
le Canroft d’ Agmer. Sa première con-
'vcrfation avec Catherine Tegahkoui-
ta. Effet de cette entrevue , 574. Son
éloge. Il b'aptife cette Fille, ^7 5- 11
prend fa défenfe contre une Femme,
qui la calomnioit , 5.77-
Le P. Je an de Lamber ville , Jefuite ,
Frereaîné du Précédent, Miffionnaire
à Onnontagué ; avis , qu’il donne au
Comte de Frontenac , 468. Il inftruic
le Gouverneur de la Nouvelle York
de ce qui s’étoit paffe entre fon En¬
voyé , & les Onnontagués ,*492. Il
inftruit M. de la Barre de la dilpofi-
tion desTfonnonthouans, 495.Il dé¬
couvre les intrigues du Gouverneur
de la Nouvelle York , & defcend à
Quebec pour en informer M. de Dé-
nonville , 501. Ce General le ren¬
voyé à Onnontagué , & il y négocie
'heureufement , 501-05. Il retourne a
Quebec, & y apprend au Gouverneur
Général en quelle difpofirion étoient
les Iroquois. Ordre , qu’il en reçoit 5
inquiétude du même General a fon
fu jet , Ç03 04. On fe fert de lui pour
attirer plufieurs Chefs à Catarocouy .
& les y arrêter , fans qu’il fâche rien
de ce deffein. Générofité des Onnon¬
tagués à fon égard en cette occafion,
510. & fuiv. Ce qui fe pafîè entre lui
Ôc des Onnontagués , qui avoientfait
quelques Prifonniers auprès de Cata-
rocouy , 524* M. de Denonville lui
écrit pour l’engager à détacher les
Onnontagués des autres Cantons ,
526. Comment il y réufîït , 527. M.
de Dénonville rend témoignage au
Miniftre des fervices, qu’il avoit ren¬
dus à la Colonie , 5 5°*
Lamets , Pilote de M. de la Sauf-
faye , fe fauve dans le Bois après la
prife de S. Sauveur, 136. Il fe rembar¬
que 5 ? 37*
La Lande , jeune François , qui ac-
compagnoitle P. Joguesdans fon der¬
nier voyage aux Iroquois, & qui fut
nié avec lui. 27 6.
Lapis Laz,uli. Rocher de Lapis La-
zuli fur les Côtes de l’Acadie , 1 14.
Laval ("François de) Evêque dePe-
trée, choifi pour être Evêque en Ca¬
nada. Il arrive à Quebec en qualité
d’Evêque de Pétrée& de Vicaire Apo-
ftolique , & y ramene le P. Jerome
Lallemant , 3 39. Il obtient du Roy
l’éreéfion d’un Séminaire à Quebec ,
340. Il fait envoyer des Millionnai¬
res en plufieurs endroits , 345. Il dé¬
fend la Traite de l’Eau-de-vieaux Sau¬
vages fous peine des Cenfures , & il
eft calomnié à ce fujet , 361. Il va en
France , demande juftice au Roy , ôc
l’obtient , 362. Il arrive à Quebec ,
370, Le Roy lui donne le choix d’un
Gouverneur Général , &il choifit M.
de Méfy, 376. Il écrit contre ce Gou¬
verneur en Cour , 377- Il fe charge de
faire francifer les Enfans des Sauva¬
ges , & n’yréufïit point , 390. Il en¬
voyé deux Millionnaires aux Iroquois
du Lac Ontario, 398. Il aprouve ce
qui fe paffe de merveilleux dans 1a
conduite de la Mere Catherine de S.
Anguflin , 402. Il paffe en France
pour demander au Roy de quoi payer
fes Bulles, après l’éreétion de Que¬
bec en Evêché, 406. Il baptife Gara*
konthié ,427. & un ChefGoyogouin,
434. Ses nouveaux efforts pour em¬
pêcher *îa Traite de l’Eau de-vie , 6c
les contradictions, qu’ileffuyeà ce fir-
jet, .454 51»
Laudonniere (René de) Gentilhomme
François , eft envoyé en Floride avec
trois Navires, 35. Ce qui lui arrive
dans la Riviere des Dauphins, &dans
celle de May. Il fait reconnoître le
Pays , 3 6. 37. Il felaiffe tromper par
l’appas des Mines , & il s’en repenr.
Il délibéré fur le Lieu , où il s’établi¬
ra. Pourquoi il ne rétablit point Char-
lefort ?*Cequi le détermine à la Riviè¬
re de May 3 il y bâtit le Fort de la Ca¬
roline , 39. Il refufe d’accompagner
Saruriova à la guerre , 43 . Il lui enleve
des Prifonniers, &r ce qu’il en fait ,
4f. Comment il profite d’un grand
orage , & de la frayeur , qu’il avoir
infpirée aux Sauvages, 47. Ses Gens (k
DES MA
irmtîfiêht contre lui , & pourquoi ? Il
fe flatte trop aifément d’avoir remé¬
dié au mal. La confpiration éclate de
nouveau j- & Tes fuites, 49. Violen¬
ces, qu’on lui fait , 50. Il fait jnftice
de ceux , qui reviennent à la Caroli¬
ne , $1. 52. Il reconcilie Saruriova
avec fes Ennemis. Précautions, qu’il
prend pour ne pas manquer de vivres.»
&C pour la fureté de fa Place, 54. On
lui propofe de fe rendre Maître des
Montagnes d’Apalache , & ce qui
l’empêche d’accepter cette propofi-
tion. Il envoyé du fecours à Outina ,
55. Embarras , où il fe trouve , faute
de vivres, 56. Il entreprend malgré
lui une guerre injufte , & quel en fut
lefuccès, 57. Il effc fecouru par des
Anglois dans le teins , qu’il fe difpo-
foit à repaiïer en France, 58. Ce qui
l’empêche de partir , 59. Il apprend
qu’on a fait contre lui de grandes
plaintes en Cour, 6c. Il veut retour¬
ner en France , 6 1 . M. de Ribaut lui
laifle le Gouvernement de U Caroline,
8c va , contre fon avis , pour attaquer
avec toutes les forces de la Colonie
l’Efcadre Efpagnole , 70. 71. Embar¬
ras, où ilfe trouve, 76. Il eft attaqué,
fa valeur ; fa retraitées. Il fauve une
partie de fes Gens , 79. Extrémité , où
il eft réduit. Le jeune Ribaut en ufe
mal avec lui , 80. Il arrive en Angle¬
terre, y tombe malade ; il paiïè en
France , ôc comment il y eft reçu ,
81.
Laufon. M. de Laufon, un des Mem¬
bres de la Compagnie des cent Aflo-
ciés , eft nommé Gouverneur Général
delà N. France , 308. Services , qu’il
lui avoir déjà rendus 3 fon éloge r en
quel état il trouve la Colonie , 309.
Il délivre le P. Poncer des mains des
Iroquois , 315. Il eft blâmé d’avoir
fouffert l’enlevement des Hurons de
l’Ifle'd’Orleans , & l’inlolencedes Iro¬
quois. Ce qui peut l’excufer , 324.
Pourquoi il fouffre une infulte , que
lui font les Agnier s , 330-31. Sa. ré-
ponfe aux Onnontagués , qui étoient
T I E R E S. 6 37
venus, auflï- bien que les Agniers ,
pour emmener chez eux les Hurons
de l’Ifle d’Orléans , 3 32. Il retourne
en France , fans attendre fon Suc-
ceiïeur, . 335.
M. de Laufon , Fils du Précédenr ,
Sénéchal de la Nouvelle France , eft
tué par les Iroquois , 348.
Lery ( le Baron de ). Sa tentative
pour peupler l’Ifle de Sable , 109.
Lefcarbot ( Marc ) Avocat au Par¬
lement de Paris ; ce qu’il dit des dé¬
couvertes de Verazani , 6. Son ima¬
gination fur un prétendu Lac de la
Floride , 54. Il accompagne M. de
Poutrincourt en Acadie, & contribué'
beaucoup à l’Etabliflement du Porc
Royal, 119. Eloge , qu’il fait de
Mambertou , 129. Ce qu’il reproche
à M. de Champlain , 198, Voyez, la
Lifte & l’Examen des Auteurs.
Liégeois ( le Frere Jean) Jefuite ,
eft tué par les Agniers , 319.
Limofny ( Antony de J Gentilhom¬
me de Saintonge , périt dans l’Expé¬
dition du Chevalier de Gourgues ,
lOf.
Lionnes ( le P. Martin ) Jefuire^ fes
travaux Apoftoliquesaux environs du
Golphe S. Laurent , 222.
Lijle ( le Chevalier de J Comman¬
dant aux Trois Rivières 3 fon éloge ,
199. Il retourne en France , 2 y y.
Longpre ( Jacques Simon Sieur de )
refufe d’abord fon confentement à fa
Fille , Novice à Bayeux , pour paflèr
en Canada. Ce qui' le détermine en-
fuite à l’accorder , 400-01 .
Lorette . Etabliflement d’une Mil¬
lion de Hurons à Lorette à trois lieues
de Quebec. Voyez Cbaumonot.
Louis XII, Roy de France. Il n’eft
pas vrai qu’il ait fait faire la première
découverte du Canada , 4.
Louis XIII. Roy de France , Privilè¬
ges , qu’il accorde à la Compagnie de
la Nouvelle France, 162. & {uiv. Ce
qui le détermine à demander au Roy
d’Angleterre la reftitution du Cana¬
da* 17 £>
^ T , .
\
TABLE
6 38 .
Louis XIV. Roi de France. Ses Or¬
donnances & Reglemens au fujet des
Cures du Canada , 540. & fuiv. Ce
qu’il écrit fur ce fujet à M. de la Bar¬
re , 341. Ce qu’il fait en faveur du
Clergé de la Nouvelle France , 341.
Il envoyé du fecours en Canada , 8c
un Commirtaire pour prendre pof-
felïîon du Fort de Plaifance , 360. Il
donne des ordres pour faire certer la
Traite de l’Eau de-vie aux Sauvages ,
363. Il envoyeen Canadaun nouveau
lecours 8c un CommilFaire , pourmet-
tre le Pays en fa main , & y regler la
Juftice. Il comprend le Canada dans
la conceflion , qu’il avoir faite des
Colonies Françoifes de l’Amérique à
la Compagnie des Indes Occidenta¬
les , 370. On lui demande des Co¬
lons , 8c dans quelles Provinces on le
prie de les choifir. Il donne ordre
qu’on informe contre M. de Méfy,
8c s’il eft coupable , qu’on lui fade fon
procès. Il envoyé des Habirans 8c le
Régiment de Carignan- Salières en
Canada , 3S0. Il accorde la liberté du
commerce dans cette Colonie , 3 9°*
Il concédé le Port de Plaifance avec
le titre de Gouverneur au Sr. Gayot,
42 3. Il envoyé au même lieu M. de la
Poype en qualité de Gouverneur 8c
de Commirtaire. Inftruélions, qu’il lui
donne, 413-14. Ses Lettres au Gouver¬
neur Général 8c à l’Intendant de la
Nouvelle France au fujet de ^ leurs
brouilleries,& du Confeil Supérieur,
433-54. Mefures ,4 qu’il prend au fu¬
jet de la Traite de l’Eau-de-vie pour
les Sauvages , 43 5. Ses inftrudions à
M. de la Barre & à M. de Meules,
4 65-66. Avis , qu’il donne à M. de la
Barre , 473. Il envoyé du fecours en
Canada : ordres , qu’il donne a M. de
la Barre , 493-94. Il fait faire inutilé-
rnent des plaintes au Roy d’Angle¬
terre fur l’invafion du Port Nelfon
par les Anglois , 305. Reprefenta-
tion , que lui fait M. de Dénonville
au fujet d’un accommodement pro-
jetté entre les Cours de Verfailles&-
de Londres pour la Baye d’Hudfon ,
& la Neutralité en Amérique. Or¬
dres , qu’il donne en conféquence à
ce Général, 307. Ce qu’il avoit or¬
donné par raportaux Iroquois pris en
guerre , 509. Comment il s’explique
fur l’exécution de fes ordres dans les
Portes éjoignés , 330. U approuve le
projet de la conquête de la Nouvelle
York , 541. Il nomme M. de Fronte¬
nac pour la fécondé fois Gouverneur
Général de la Nouvelle France , 8C
pourquoi? Inftruétions , qu’il lui don¬
ne. Il lui recommande de favorifer la
Compagnie du Nord. Ce qu’il lui re¬
commande au fujet de l’Acadie 8c de
la Nouvelle York, 344. & fuiv . Ses
mefures font bien prifes pour l’En-
treprife fur la Nouvelle Y ork. Ce qui
la fit échouer, 537 .& fuiv. Il approu¬
ve un Mémoire de M. de Dénonvil¬
le, 8c pourquoi il n’agrée point l’Ex¬
pédition de la Nouvelle Y ork , 361.
Son fenriment fur ce qu’on doit faire
en Canada pour fe fcûtenir pendant
la guerre j * 361-61.
Lou'tfe , Femme Algonquine. Sa
ferveur 8c fes vertus , 599.
Louifiane , nom , que M. de la Sale
a donné à une partie du Pays , qu’ar-
rofe le Miciffipi. Ses bornes , 371.
Loup. La Tribu Iroquoife du Loup
s’oppofe inutiiément à ce qu’on farte
mourir le P. Jogues, _ 275.
Luth ( le Sieur du ) Officier Fran¬
çois , fait pafTer par les armes deux
Sauvages , qui avoient aflàffiné deux
François , 8c ce qui en arrive , 466.
Il reçoit ordre d’artembler les Sauva¬
ges Occidentaux pour la guerre des
Tfonnonthouans ; embarras , où il fe
trouve , 487-88. Il reçoit ordre de fe
retranchera l’entrée du Détroit, 512.
Il défait un Parti d’Iroquois dans le
Lac des deux Montagnes , 550. Il eft
guéri miraculeufement après un Vœu
fait à Catherine Tegahkouita , 586-
87.
'Luxfox , Anglois. Sa prétendue
prife de portèffion ne donne aucun
D E S M A T
droit aux Aftglois fur la Baye d’Hud-
fon , _ & 476.
^ Lys ( le Sieur du } Ingénieur à la
Caroline, 71.
M
JlyfAGDELEINE. Jacques de la
J KlFerté, Abbé delà Magdeleine ,
Aumônier du Roy , Chantre 6c Cha¬
noine de la Sainte Chapelle de Paris,
un des cent Aflociés de la Compagnie
de la Nouvelle France, juftifie les Je-
fuites des calomnies, qu’on repandoit
en France contr eux , 155. 256-57.
Le Cap de la Magdeleine , Terre
donnée aux Jefuitcs par l’Abbé de la
Magdeleine. Plufieurs Sauvages Chré¬
tiens s’y réfugient pour éviter la con¬
tagion de i’yvrognerie , 362. Mines
de fer au Cap de la Magdeleine ,591.
les Algonquins des Trois Rivières
s’y retirent , 428.
La Prairie de U Magdeleine , autre
Terre donnée aux Jefuites par l’Abbé
delà Magdeleine. Les Iroquois Chré¬
tiens s’y établirent , 436. Pourquoi
ils n’y peuvent pas refter ? 452.
Mabingans , Sauvages du Canada,
font la guerre aux Agniers ,355. Six
Mahingans font eny vrés , aflàfiinés 6c
volés par des François , & ce qui en
arrive, 425. Des Mahingans atta¬
quent une Femme Iroquoife , & com¬
ment elle eft délivrée de leurs mains,
43 j. Les Mahingans promettent un
grand fecours aux Tfonnonthouans,
495. Des Mahingans & des Agniers
afliégent le Fort de Chambly, font
beaucoup de dégât , 6c font repouf-
fés , 523-24. M. de Dénonville en
tue quelques-uns, qui s’étoient joints
aux Iroquois pour faireirruption dans
la Colonie ,530. Leur Ligue avec les
Anglois pour chalfer les François du
Canada , 550. Ils engagent les Ag¬
niers & les Onneyouthsdansun Parti
de guerre contre nous , 565.
> Maifonneuve ( Paul de Chomedey
Sieur de ) Gentilhomme Champenois,,
1ERE S. é39
prend poflèftïon de l'Ifle de Mont¬
real en qualité de Gouverneur , au
nom d’une Société, qui en avoit ob¬
tenu le Domaine, 6c il y mene des
Ouvriers, 227. Son zélé pour procu¬
rer le falut des Sauvages , 2 5 1 . Il les
inftruit lui-même, 254. Les Onnon-
tagués traitent de la paix avec lui 3
avis, que luidonnent les Goyogouins,
3 1 3 . Il continue à gouverner l’Ifle de
Montreal^ après la ceflion , qui en
avoit été faite au Séminaire de S. Sul-
pice , 6c prend foin de l’adminiftra-
tion de l’Hôpital , 343. Ptopofition,
que lui font les Députés d’Qnnonta-
gué & de Goyogouin; fa réponfe. Ce
que lui mandent les François Captifs
à Onnontagué , -4^
Maire. M. le Maître , Ecclefiafti-
que de Montreal, tué par les Iroquois,
348.
Malebane . Cap Malebarre. Sa fi¬
ction , pourquoi il eft ainfi nom¬
mé. M. de Champlain en prend pof-
feiîion au nom du Pvoy, Les Anglois
s’en rendent les Maîtres , n6.
Malechcs , Sauvages Voifinsde l’A¬
cadie vers Pentagoë't , autrement ap¬
pelles Etechemins , & qui font partie
de ce qu’on appelle les Nations Abe-
naquifes , _ 1 3 3 . 2.757 .
Maloins . Des Maloins entrent dans
la Compagnie de M. de Monts, 1 21.
Un François réfugié s’emporte con-
tr’eux , j 72,
. Malot( le Frere Louis) Jefuite, pé¬
rit dans un naufrage , 167.
Mambertou , Chef des Acadiens.
Lefcarbot dit qu’il avoit cent ans,
lorfqu’il le vit pour la remiere fois ,
128. Il s’attache aux Millionnaires ,
& leur apprend la Langue du Pays.
Son eloge , 127-29. Il eft baptifé , 6c
nommé Henry en l’honneur du Roy
Henry IV. Ce qui l’avoit engagé à fe
faire Chrétien , 129. Il tombe mala¬
de , 6c veut être enterré avec fe s An¬
cêtres.» 129-30. Il demande pardon de
fon entêtement , ôc meurt en bon
Chrétien,
6âo . ^
Mambertoa. ( Louis) Fils du Précé¬
dent. Proportion ridicule , qu’il fait
à un Millionnaire , 1 3 '•
Membre ( le P. Zenobe) Recollet»
aide le Chevalier de Tonri à réconci¬
lier les Illinois avec les Iroquôis, 461.
Il pâlie en France : M. de la Barre
prévient le Miniftre contre tout ce
qu’il dira des découvertes de M. de
la Sale , ... 47°*
Manbatte » Baye 8c Riviere de l’A¬
mérique Septentrionnale , découver¬
te par Henry Hudfon. Les Hollan-
dois y fondent une Ville , 14?-. Ils 1 ap¬
pellent le Nouvel Amfterdam , 1 4 3 •
plus connue fous les noms de Man-
lutte & de New -York,. Les Anglois
s’en rendent les Maîtres, 175-76. Etat
de cette Ville, 542. Voyez Nouvelle
York.
Manitoualin , Iile du Lac Huron.
Sa fituation j qualité de fon Terroir 3
pourquoi les Hurons ne veulent pas
s’y réfugier ,2^5. Plufieurs s’y reti¬
rent, 302. aufli-bien que les Ou-
raouais, 3 1 5*
Mann 9 val ( M. de ) Gouverneur de
l’Acadie. M. de la Caffiniere a ordre
de s’ouvrir à lui feul du projet de
l’Expédition contre la Nouvelle
York, 5 48 .
Manfe ( Madémoifelle ) arrive à
Montreal, pour avoir foin des Per*
fonnes de fon fexe » que la Société de
Montreal y devoir envoyer, 227. Elle
reçoit les Hofpitalieres , 8c Ce charge
de l’adminiftration de leur temporel ,
34 3*
Àfantet ( le Sieur d’Aillebour de )
défait un Parti d’Iroquois dans le Lac
des deux Montagnes, 5\°>
AYariage. En quoi confifte le maria¬
ge des Sauvages » 574*
Maricourt ( le Sieur le Moyne de )
va en qualité de Volontaire à l’Expé¬
dition de la Baye d’Hudfon , 505. Il
eft chargé par M. d'iberville, Ion Frè¬
re, d’y harceler les Anglois , 555. &
d’y garder les Polies , que nous y
avions, . 5 5 C,
BLE
Marie de V Incarnation , Religielife
Urfuline de ToursTSon éloge, elle eft
la première choifie pour fonder des
Urjfulines en Canada. Elle arrive a
Québec , 207. Eloge de les Lettres,
317. Elle connoît par révélation» 8c
prédit le grand Tremblement de
Terre de 1663. Ce qui lui arrive a ce
fujec , 364. Récit, qu’elle fait de la
ferveur des Sauvages Chrétiens , 593*
& fuiv. Voyez la Lifte 8c l’Examen des
Auteurs,
Marie de S.Jofeph , Religieufe Ur¬
fuline part pour Qiiebec. Son éloge ,
207.
Marigny (le Préfidenr de ) retire
chez lui à Rouen le Chevalier de
Gourgues pendant fa difgrace, 105.
Marin , Officier François , tué par
Içs Agniers, _ . 3^4»
Alarguent » François, Captif par-
mi les Iroquois , qui l’envoyent faire
des proportions de paix au Gouver¬
neur des Trois Rivières, Confeil ,
qu’il donne à ce Gouverneur , 225.
Marquette ( le P. ..... ) Jefuite ,
Millionnaire au Sault S. Marie, 405.
Il conduit les Hurons à Michillima-
kinac •, ce qu’il dit de ce Pays , 440,
Ses obfervacions fur les Cour an s des
Lacs » 440-41 . Il découvre le Micilfi-
pi avec le Sieur Jolier , 445» & faiv.
Il s’arrête à Chicago u au retour de cet¬
te découverte, 446. Il eft bien reçu
du grand Chef des Miamis , 447* Sa
mort , 449. Voyez la Lifte 8c 1 Exa*»
men des Auteurs.
Mar fol et ( Nicolas ) Calvimfte
François , fervoit dans la Flotte An-
gloile , qui prit Qiiebec » 169,
Mar fon ( M. de ) Commandant
dans le Fort de Gemefie fur la Rivie¬
re de S Jean , lorfqu’il fut pris pair
les Anglois , 45°*
Mafcotnins , Sauvages du Canada >
fe trouvent à la prife de polie flion de
tous les Pays du Nord & de i’Oueft ,
faite par M. de S. Lu (Ion ,438. Re¬
marques lur leur Pays 8c fur le nom
dç Nation de feu , que quelques Géo¬
graphes
DES MATIERES.
graphes leur donnent ,-447.48. Les
PP. Allouez ôc Dablon les vifitent;
réception ôc propofition , quon leur
fait , 448-49. Plaintes des Tfonnon-
thouans contr’eux , 495.
Majfe ( le P. Enemond ) Jefuice , eft
defti né pour l’Acadie, izi. Il n’y eft
pas bien reçu , 125. Il reçoit chez lui
Mambertou , qui y meurt , 1 29. Pro¬
pofition extravagante , que lui fait le
Fils de ce Chef Sauvage, 1 3 1. Il re¬
tourne en France, 136. Il part pour
Quebec , 159. Il y retourne après la
reftitution du Canada â la France,
178. Sa mort Ôc fon éloge, 267.
Matanes Riviere du Canada; fa fi-
cuation , ce qu’elle a de commode ,
S 39-
Matelot. Aventure d’un Matelot
François de Verazani à la Côte de l’A¬
mérique , 6. 7. Aventures d’un autre
Matelot François après la prife de la
Caroline, 85-86.
Maubec , Abbaye de France réunie
à l’Evêché ôc au Chapitre de Quebec,
406.
_ May. Riviere de May dans la Flo.
ride. D’où lui vient ce nom ; qui le
lui a donné: M. de Ribauten prend
polEdlion , ôc y arbore les Armes de
France j 25’. M. de Laudonniere y eft
bien reçu; efpéce de culte, que les
Sauvages y rendoient aux Armes de
France, 36. Beauté du Pays , 37. M.
de Laudonniere y bâtit la Caroline.
Y oyez ce mot.
Maya ( Diego de ) Capitaine Ef-
pagnol ,s’oppofe à l’attaque delà Ca¬
roline , 73. Il coule à fond un Vaif-
feau François , 7<p.
Mecha/Jipi , ou Miçijfipi. Voyez ce
mot.
Medicls ( Marie de ) Reine Regente
de France. Ses libéralités envers les
Millionnaires de l’Acadie , 122. Elle
donne des ordres précis pourleur em¬
barquement , ôc n’eft point obéïe. Elle
continue à les protéger , 132.
Medrano ( Jean Velez de) Capitai¬
ne Efpagno , en quoi il Ce diftingueà
Tome /.
6 41
la prife de la Caroline , 82.. 93.
Menane , lifle voiline de l’Acadie.
Ce qu’ellea de recommandable ,114..
Aienendez. ( Dom Barthelemi) Fré¬
té du Suivant , eft nommé Comman¬
dant au Fort de S. Auguftin, 73. Sa
conduite dans une fédition , 74»
Menendez. ( Dom Pedro ) de Avi-
lés , Capitaine Général ôc Adelantade
de la Floride pour le Roy d’Efpagne,
arrive en Floride. Sujet de fon voya¬
ge , 61. & fuiv. Son Traité avec Phi-
lipe II. 62.63. Ses préparatifs, 63.6'*
fuiv. Il eftiiye plulieurscontretems, 64.
Son armement. Sa Flotte eft dilîipée.
Il apprend à Portoric des nouvelles
des François de la Floride , 6y. Son
arrivée en Floride ; ce qu’il y apprend
de nouveau , 66. 67. IPentre dans la
Riviere des Dauphins , ôc lui donne
le nom de S. Auguflin. Il fe réfout à
attaquer les Vaiftèaux François. Ce
qui fe pafte à cette occafton, 6S. 69.
Il reprend la route de la Riviere de
S. Auguftin , ôc pourquoi : 70, Il en
prend pofteffion , ôc fait choifir un ter-
rein pour y bâtir un Fort ,71.1! court
rifque d’être pris par les François ;
une tempête le fauve. Sa pieté ôc fa
refolution 72. Son projet pour l’atta¬
que de la Caroline : il eft approuvé
du Confeil de guerre après quelques
conteftations ,73.1! arrive près de la
Caroline ; fon embarras ; il confulte
fes Officiers , 75. Leur avis ; ce qu’il
y répond. Il fe difpofe pour l’atta¬
que, 76. Il prend la Caroline , 78. Il
tente envain de fe rendre Maître des
Vaiftèaux François, quiétoient dans la
Riviere , 79. Il change le nom de la
Caroline en celui de San Matheo , ôc
y fait bâtir une Eglife, 81. U eft reçu
en triomphe à S. Auguftin , 8 2. Il perd
fa Flotte , 8 3. Il fait égorger M. de
Ribaut ôc tous les François de fa fui¬
te , excepté les Catholiques , 87. &
fuiv. Ce qu’on penfe de cette exécu¬
tion à S. Auguftin ,93. Il va cher¬
cher des François , qui fe fortifioient
auprès du Canal de Bahama, §Ccequi
M M m m
642 . T A B
fe paflè entr’eux ôc lui, 93* 94*
Menendez , Marquez, , Neveu des
deux Précédais , eft nommé Amiral
de la Flotte deftinée pour la Floride,
& part pour les Canaries , 63. Il eft
nommé Treforier du Roy dans la Flo¬
ride , _ 65. 7 3.
Mercier ( le P. François le ) Jelui-
te j Supérieur Général des Millions de
la Nouvelle France , accompagne la
Colonie , qui va s’établir à Onnonta-
gué, 323--
Mefnard ( le P . ) Jeluite, va
en qualité de Millionnaire aux Iro-
quois , 515. il établit Fa Million chez
les Goyogouins, 3 19 Ses fuccès dans
ce Canton & dans celui d'Onneyouth,
3 34. Ses aventures dans un voyage,
qu’il fait avec? les Outaouais. Ce que
lui dit l’Evêque de Petrée , 3 56. &
fuiv. Il s’égare dans la Forêt, & ne pa-
roît plus. Idée > que les Sauvages &
les François avoient de fa fainrete.
Les Sioux rendent Une efpéce de cul¬
te à fon Bréviaire , & à fa Soutane,
Méfy ( M. de ) Gouverneur de la
Citadelle de Caen , eft nommé Gou¬
verneur Général de la Nouvelle Fran¬
ce. Son arrivée h Quebec , 370. Sa
féponle aux propolitions de paix ,
que lui fait un Chef Goyogouin, 375.
Il fe brouille avec l’Evêque & avec le
Confeil Supérieur , 376. Ses violen¬
ces ; on écrit contre lui ,* il récriminé
ôc fe défend mal, 377. Il eft révoqué,
le Roy donne ordre qu’on lui fafte
fon procès, 378. Il meurt avant que
d’avoir pu fçavoir fon rappel , ôc les
ordres du Roy , 382.
Adeules ( M. de) eft nommé Inten¬
dant de la Nouvelle France. Ses inf-
rruétions , 465-66. Il arrive a Que-
bec , 470. Il fe plaint delà lenteur de
M.dela Barre, 492. Il vifite l’Aca¬
die , & en quel état il la trouve , 498.
Il retourne èn France ; ce qu’il dit de
l’Acadie au Miniftre. 52R*
Ail ami s , Sauvages du Canada. Si¬
tuation de cette Nation. Réception 3
LE
que le Grand Chef fait à un Envoyé
du Gouverneur Général , 437. Le P.
Marquette s’établit parmi eux à Chi-
cagou j 446. Million parmi les Mia-
mis fur la RivieredeS. Jofeph , 458.
Les Iroquois lèvent un Parti de guer¬
re contr’eux , 504. Conformité entre
cette Nation Ôc les Illinois. Voyez.
Illinois.
Michel (Jacques) Calvinifte Fran¬
çois , Officier fur l’Efcadre Angloife,
qui prit Quebec fur fes Mémoires 9
17 1 . Il eft caufe de la prife de 1 Efca-
dre de M. de Roquemont. Il fe brouil ¬
le avec les Anglois. Ses fureurs , fa
mort , fes obféques , 1 7 2»
Michigan . Obfervations fur les Cou-
ransdu Lac Michigan , . 440-41®
Michillim a kj na c . Defcription & in¬
commodités de ce Pofte : Le P. Mar¬
quette y conduit les Huions Tion-
nontatés , 440. On y transféré la Mif-
fion du Sault Sainte Marie. Les An-
glois y font reçus. Ils y retournent >
Ôc font pris en chemin par M. de la
Durantaye, HH
Micmahs , Sauvages de l’Acadie :
les mêmes , que les Acadiens , les
Souriquois , les Gafpefiens , ÔC font
compris fous le nom de Nations Abe-
naquifes , font la guerre aux Eski-
maux , 279. Voyez Acadiens.
Micijjipi, ou Mechajjipi grand Fleu¬
ve de l’Amérique. Sa découverte ôc
fon cours, 445. &fuiv. Le P. Hen ne-
pin & le Sieur Dacan le remontent
jufqu’au Sault S. Antoine , 460. M.
de la Sale le defcend jufqu’à la Mer
ôc en prend poffieffion, 464. Difficul¬
té de le remonter ,
Milet( le P. Pierrej Jefuite ,eft en¬
voyé Miffionnaire aux Iroquois , 398®
Il eft appellé à Catarocouy , ôc pour¬
quoi : 504. On fe fert de lui , fans
qu’il le fçache , pour attirer les Iro¬
quois dans un piège. Il eft pris par
les Onneyouths. Ce qu’ils lui font
fouffrir. Il eft adopté par une Femme,
qui lui fauve la vie , 510. Faux avis
donné de fa délivrance * 5
DES M A P
Mines de cuivre à l’Acadie. Voyez
Acadie.
Mines de fer en plufieurs endroits,
391,
Minières. Des Miniftres Hollan-
dois veulent infpirer de la défiance
contre les Jefuitesaux Agniers Chré¬
tiens. Ce que ces Sauvages leur répon¬
dent , 4
Mirabicbi , le Dieu des Eaux don
quelques Nations Sauvages du Cana¬
da , 394-
. Miracles. Voyez Biart , 191. 510.
3 1 3. izi. 345. 364.
Mifcou , Ifle.du Golphe S. Laurent.
Saficuation: commerce , qui s’y fait ,
221. Mort & travaux du P. Turlis
dans cette Ifle, 22.2.
Mifcounaguachit , lieu du Nord du
Canada , où les Sauvages avoient ap-
pellé un Jeluite , 47S.
Mîfjimnaïres., Ils pouffent un peu
trop loin leurs'précautions, avant que
de baptifer des Hurons j, 195. Diffé¬
rence , que les Iroquois mettent en-
tr’eux & les Miniftres Hollandois ,
428-19. Ce qu’ils ont à fouftrir du
Comte de Frontenac; menaces , que
leur font les Hollandois ,452-53. Ils
fe plaignent au fujet de la Traite de
l’Eau-de-vie. La Cour eft prévenue
contr’eux à ce fujet , 454. Elle eft; dé¬
trompée , 455. Services , qu’ils ren¬
dent au Canada , 5 i 3. Combien M.
de Dénon ville les juge nécellaires par¬
mi les Sauvages, 530-3 1. Ils abandon¬
nent les Sauvages de Pentagoër à cau-
fe des défordres , que l’Eau - de - vie
caufoit parmi eux ; 53 t . Témoignage,
que leur rend M. de Dénonville au¬
près de M. de Seignelay. Les Anglois
les regardent comme leurs plus dange¬
reux Ennemis au Canada, 560. Ils
travaillent avec fuccès à empêcher les
Outaouaisde traiter avec les Iroquois,
. l67-
Misions. Etat général des Millions
de la Nouvelle France , 220. & [uiv.
283. Scandales dans les Millions, cau¬
sés par la Traite de l’Eau de-vie; 362.
MERES. 643
On ne profite pas de l’humiliation des
Iroquois ,pourmultiplierles Millions
& les rendre plus floriftantes , 388.
Plufieurs tombent , & on ne les réta¬
blit point; 389. Millions érablies par¬
mi les Iroquois, 3 58. Plufieurs autres
établies parmi les Nations Algonqui-
nes , 404. & [uiv.
M’Jfouri , grande Riviere , qui fe
décharge dans le Micillïpi , 446.
Aiifiajjins , Sauvages du Nord du Ca¬
nada. Ce qui fe palfe entr’eux & le P.
Albanel, 477. Lac des MijfaJJins. Son
étendue , 478,.
Mo ifipi , Fort de la Bayed’Hudfon,
pris fur les Anglois , 505.
Monfonis , Sauvages de la Baye
d’Hudfon. Ils reconnoilfenc le Roy de
France pour leur Souverain, 438.
Morjlres , Hommes monftrueux ,
1 6. & [uiv. Hommes noirs dans le
Nord du Canada , 17. Homme Acé¬
phale , 20.
Montagne. Les Iroquois de la Mon¬
tagne fe réfugient à Quebec, 552. V.
Sault S. Louis.
Montagne z, , ou Algonquins Infé-
rieurs. Leur fituation , 1 41. Ils enga¬
gent M. de Champlain dans une Ex-
péditioncontre les Iroquois, 142. Un
Montagnez eft caufe que la retraite le
change en fuite , & comment. De
quelle maniéré les Guerriers font re¬
çus dans leur Village, 149. Des Mon¬
tagnez font reçus à Sylleri, 204-05.
Ils aliiftent à une Audience publique
donnée aux Iroquois , 264,
Aiontaigu ( Milord ) détermine la
Cour de Londres à reftituer le Cana¬
da à la France , 175*
Montdefert , Ifle de la Nouvelle
France. Sa fituation ; ce qu’elle a de
particulier : fréquentée par les An¬
glois pour la Pêche , 133.
Montluc f le Maréchal de ) donne
une Commiflion au Chevalier de
Gourgues, 96. Confeil, qu’il lui don¬
ne à fon retour de la Floride , 305.
ALntmagni ( le Chevalier de ) Gou¬
verneur Général de la Nouvelle Fran-
M M m m ij
TABLE
644
ce. Son éloge j 199. Pourquoi il ne
peut fuivre les vues de Ton Prédécef-
ieur , 200. Il reçoit un affront de la
part des Iroquois , de ne peut l’empê¬
cher, 20 3 . Réception, qu’il fait aux Re-
ligieufcs Urfulines de aux Hofpitalie-
jesà leurarrivée à Québec, 207.Ilen-
voye des Députés pour traiter avec les
Iroquois, 225. Ces Barbares enlevent
fes Alliés pendant leur négociation
pour la paix, 226. Il met la Société de
Montreal en poffeffion de cette Ifle,
2.27. Il bâtit un Fort à l’entrée de la
Riviere de Sorel > 229. Il fait inutile¬
ment des plaintes au Gouverneur de
la Nouvelle Belgique fur les fecours ,
que les Hollandois fournilToient aux
Iroquois, 233. Il repou ffe un Parti
d’Iroquoisau Fort de Richelieu ,238.
Ses diligences pour délivrer le P. Jo-
gues , 246. Embarras , où il fe trouve ,
260. Ce qui fe palfe entre lui de des
Hurons au fujet des Prifonniers Iro¬
quois , 261-62. Il donne une Efcorte
au P. de Brebeuf pour retourner aux
Hurons , 263. Il donne une audience
publique aux Députés des Iroquois
pour la conclufion de la paix , 264. &
fuiv. Il permet avec peine au P. Jo-
gues de retourner auxlroquois, 269.
Ce qu’on lui mande au fujet de ce
Millionnaire 3275. Il eft rappellé , de
pourquoi : 281. La Cour le propofe
pour modèle aux Gouverneurs des
Colonies, 282.
Montmorenci ( le Maréchal de) Vi¬
ce-Roy de la Nouvelle France, 157.
Il vend cette Charge au Duc de Ven-
radour, 159.
Montortier ( Monfieurde ) Capitai¬
ne de Vailfeaux , conduit du fecours
en Canada ,& a ordre d’y relier ,493.
Montreal , Montagne ainfl nommée
par Cartier, de dont le nom s’eft éten¬
du à toute l’Ille , où elle eft lituée.
Beauté du Pays , 13. Conceftîon de
certe Ille à une Société ; prife de pof-
feftion. Deftèin de cette Société, 227.
Tradition fur les premiers Habitans
de cette Ille , 228. Elle fe peuple de
Sauvages Chrétiens , ni. Les Iro¬
quois y caufent de grandes allarmes'»
3 38. Elle eft cédée à MM. du Sémi¬
naire de S. Sulpice , qui en prennent
polFeflion , 340. Les Iroquois y dé¬
font le Major de la Ville, qui eft tué
en combattant, 55-5. Changement ar¬
rivé dans la Juftice de cette Iflq, 374.
Ferveur de pieté des Habitans , & ce
qui les y entretient , 389. Limites du
Gouvernement de Montreal , 494»
Ravages des Iroquois dans cette Iflè>
. ,549*5°'
Monts ( Pierre de Guaft Sieur de )
Gouverneur de Pons , Gentilhomme
Ordinaire de la Chambre , obtient de
Henry IV. des Lettres Patentes de Vi¬
ce-Amiral , de de Lieutenant Géné¬
ral en Canada , avec un Privilège ex-
clufif pour le commerce, de la liberté
de Religion pour lui , 1 1 1 . A quoi il
s’engage 3 fon caraétere ; fon premier
armement. Il paffe en Acadie , 1 14-
1 5. Il fait un Etablilfement à l’Ifte de
Sainte Croix , 1 1 y. Il cherche un au¬
tre endroit pour y faire un Etablif¬
fement , de fe fixe au Port Royal ,
1 16. Il cède le Port Royal à M. de
Poutrincourt. Il perd fon Privilège ex-
clufif, de fait un nouveau Traité avec
M. de Poutrincourt ,118. On lui ôte
fa Commiftion , 1 19. Il eft mal dé¬
dommagé de fes avances. Fautes, qu’il
qu’il avoit faites. Il fe releve un peu.
Nouvelle faute , qu’il fait , 120. Il
continue d’envoyer des Vailfeaux en
Amérique. Il fe retire, 5c pourquoi :
1 21. Il forme une nouvelle Compa¬
gnie , de envoyé des Vailfeaux en Ca¬
nada, 14t. 149. Il perd toute efpe-
rance de fe rétablir. Confeil , qu’il
donne â M. de Champlain , 152.
Monts fM.de) eft envoyé Com-
milïàire en Canada , avec ordre de
prendre polfeffion au nom du Roy du
Fort de Plaifance , 360.
Àiorgues ( Jacques le Moyne Sieur
de ) accompagne M. de Laudonniere
en Floride. Sa Relation ne s’accorde
pas toujours avec celle de ce Corn»
DES MAT
mafidafit , 36. 39. Il fe fauve avec M.
de Laudonniere après la prife de la
Caroline , 78. Voyez la Lifte ôc l’E¬
xamen des Auteurs.
Morues . Quantité de qualité de ces
Poiftons dans le Fleuve S. Laurent ,
J4°.
Mofcofo (Louis de) abandonne la
Flotide , 24.
Motte. Le Sieur de la Motte le Vi-
lin j Lieutenant de M. de la Sauftaye
à S. Sauveur , accompagne le P. Biart
dans uneexcurfion parmi les Sauva¬
ges, 154. Il eft chargé de défendre
fon Navire contre les Anglois , Ôc
obligé de fe rendre faute de canons. Il
fe fait eftimer des Anglois, ôc les fuit
en Virginie, 13 6.
Moucouacadi , Port de l’Acadie, où
l’on trouve beaucoup de Baleines ,
n y.
Moutou. Port an Mouton en Aca¬
die : d’ où lui vient ce nom. Sa fitua-
I E R E S. ^45
rakonthié le vient pleurer a Quebec,
383.
Le Sieur le Moyne eft demandé par
trois Cantons pour négocier la paix ,
490. Il eft bien reçu: deux de fes Fils
apportent de bonnes nouvelles à M.
delà Barre, 491.
N
tion , 1 1 y.
Mouy ( Charles de ) Sieur de la
la Mailleraye, Vice-Amiral de Fran¬
ce , engage le Roy François I. à ren¬
voyer Carrier en Amérique , 9.
Moyne (4e P. .... le ) Jefuite , eft
envoyé à Onnontagué , pour ratifier
le Traité de paix , réception , qu’on
lui fait , 3 16. Il baptife quelques Iro-
quois. Il eft attaqué par les Barbares
à fon retour , & pourquoi il n’en par¬
le point? 317. Il obtient d’aller s’é¬
tablir dans le Canton d’Agnier. Dan¬
ger , qu’il court. Son nom Iroquois ,
320. Il répond aux Agniers au nom
du Gouverneur Général , ôc accom¬
pagne les Huions dans le Canton
d’Agnier, 331. Il eft reconduit à Que-
bec par les Agniers , 338. Il va pour
la cinquième fois négocier avec les
Iroquois, 350. Il courtdegrandsdan-
gers. Réception, qu’on lui faità On¬
nontagué, 3 y 2. Son Difcoursdans un
Confeilde trois Cantons, 3 y 3. Situa¬
tion , où il fe trouve à Onnontagué.
Il conduit à Montreal tous les Pri¬
sonniers François , 359^ Sa mort, Ga-
lSjARVAEZ ("Pamphile de) pé-
L \ rit miferablement en Floride ,
fansy avoir fait un feul Etablilfe-
ment ,
Nation Neutre détruite par les Iro¬
quois. D’où lui venoitee nom ; Pays,,
qu elle occupoit. Elle demande des
Millionnaires, qui y fontpeu de fruit.
Son cara&ere ,243. & fuiv. Des Hu¬
ions lui prêchent l’Evangile avec fuc-
ces , 2 y 2.
Negabamat , Chef Montagnez ; ce
qu’il fait pour ratifier la paix , 166.
Nékpuba ; , Riviere. Sa pofition ,
350-51.
Nelfon. Sa prétendue prife de pof-
felîion ne donne aucun droit aux An¬
glois fur la Baye d’Hudfon , 47(5.
Nevado , Riviere prétendue de l’A¬
mérique vers le Pays de Labrador, dé¬
couverte , dit-on , par Cortereal , 4.
Niagara , Riviere de Canton du Ca¬
nada entre le Lac Erié & le Lac On¬
tario. M. de la Sale y trace le plan
d un Fort, ôc y lailîe le Chevalier de
Tonti avec trente Hommes ,458. Les
Sauvages , a qui on avoit aftigné ce
Pofte pour le rendez-vous de l’Armée
de M. de la Barre , ne l’y trouvent
point 3 Ôc ce qui en arrive , 487. Pro¬
jet d’un Fort à Niagara, 498. & fuiv.
Ce Fort eft bâti , & on y laide une
nombre ufe Garni Ion, qui y périt , ôc
pourquoi : 518. 523. M. de Dénon-
ville fe fait un mérite auprès des Iro¬
quois de l’abandonner , 529. Nos Al¬
liés s’en plaignent , ^7.
Nicolas ( le P. Louis ) Jefuite , ac¬
compagne les Outaouais avec le P,
Allouez , 397, Il mene des Sauvages
<46 . T A B
à Quebec , & retourne à Chagouami-
gon avec eux, 4° 5*
Nicolet fie Sieur ) eft envoyé aux
Iroquois en qualité de Député du Gou¬
verneur Général. De quelle maniéré
il en eft reçu, #
Nlpiffmgs . Ce font les vrais Algon¬
quins , autrement appelles Nîpijfiri-
mens, habitoient les environs d un
Lac du même nom. Le P. Allouez les
vifite fur le bord du Lac Almipegon,
où ils s’étoient réfugiés. Fruit de Ion
voyage, 397-
Norimbegue. Ce que c’eft que ce
Pays j ii 6.
Normands. Auquel tems ils ont com¬
mencé la Pêche des Morues fur le
grand Banc de Terre-Neuve, & fin¬
ies Côtes voifines , 3. On en deman¬
de pour peupler le Canada , _ 3S0.
Noue (le P. Anne de) Je fuite; fes
premiers travaux en Canada. Il y re¬
tourne après la reftiturion de ce Pays
à la France, 179. Il fe difpofe à mon¬
ter aux Murons , ce qui retarde for»
voyage, 182. Sa mort & fon éloge ,
267-68.
Noyers particuliers fur les bords
de la Riviere de S. Jean , _ 117.
Noyrot fie P. Philipe ) Jefuite , Su¬
périeur des Millions de la Nouvelle
France , 160. Ilfrecte un Navire pour
fecourir Quebec , ôc périt dans un
naufrage, 167.
O
O CH A STE G U/ N S , nom ,
que M. de Champlain donne aux
Hurons & aux Iroquois , 183.
Ochoa ( Martin de ) Capitaine Es¬
pagnol, s’oppofe à l’attaque de la Ca¬
roline ,73-11 reconnoît la Place , &c
fait un Prifonnier , < 11-
Otfe au- Mouche ; il fe réfugié pen¬
dant l’hyver dans la Floride , 29.
Olbeau ( le P. Jean d’j Recollet,
arrive à Quebec , M5*
Olocotora , brave Floridien , va re-
fonnoître San Matheo , 98. Belle ac-
L E
tiondece Sauvage, ico. Il amène
un Prifonnier au Chevalier de Gour-
gues , 1 o 1 • Il s’imagine qu’il périra à
la prife de San Matheo. Priere , qu’il
fait au Chevalier de Gourgues ,102.
Ses regrets au départ de ce Chevalier,
104.
Onathaca , Chef Floridien , ren¬
voyé àM. de Laudonniere deux Ef-
pagnols, fes Captifs, moyennant une
rançon, _ 5 3*
Ôndejfon , nom Iroquois du P. Jo-
gues, &C enfuite du P. le Moyne ,
320.
Onneyouth , un des cinq Cantons
Iroquois. Sa fttuation & fa deferip-
tion , 270-71. Les Onneyouths de¬
mandent la paix ,313. Plufteurs em-
bralfent ie Chriftianifme , 334- Des
Onneyouths tuent trois François : M.
d’Aillebouth en fait juftice , 3 3 5. Ga-
rakonthié fait retourner fur fes pas un
Parti de ce Canton, 354. Les On¬
neyouths reçoivent un échec de la parc
des Sauiteurs , 370. Ils envoyent de¬
mander la paix à M. de Tracy , 383.
Ce qui empêche le Vice-Roy de les
traiter , comme il avoir fait les Ag-
niers, 387-88. Ils demandent a M. de
Courcelles la paix & un Millionnaire,
<k font écoutés, 398. Leur peu de
docilité pour le Millionnaire, 403.
432. M. de la Barre leur envoyé un
Collier pour les engager à demeurer
Neutres , 489. Ils offrent leur média¬
tion pour la paix, 490. Le P. Milet
tombe entre leurs mains: cequ’ils lui
font fo offrir : une Femme Onneyou-
the lui fauve la vie, 510. Un Agnier
Chrétien négocie heureufement pour
les François dans ce Canton, 5 1 9. Dé-,
putés Onneyouths à Montreal pour
demander la paix , 528-29. Des On¬
neyouths s’engagent avec des Mahin-
gans dans un Parti de guerre contre
les François , < Q F*
Onnont agité , le Principal des cinq
Cantons Iroquois. Sa lituation , fa
defeription : ce qu’il a de particulier ,
270-71. Les Onnontagués traitent de
DES MA
la paix avec les François , 313. Ré¬
ception , qu’ils font à deux Jefuites ,
Députés du Gouverneur Général ,
3 2.0. Projet d’une Colonie Françoife
à Onnontagué , 323. Exécution dece
projet , 327. & fuiv. Ils en ufentbien
avec les François , 329. Ils Pomment
les Huions de Plfle d’Orleans de la
parole , qu’ils leur avoient donnée de
le livrer à eux j 331. Ils parlent avec
beaucoup de hauteur au Gouverneur
Général en cette occalion , & ce qu’on
leur répond , 332. Ils refufent d’em¬
barquer les Jefuites avec les Hurons,
3 34. Ils traitent ceux - ci en Plafon¬
niers de guerre , 3 3 y. Ils confpirent
contre les François, qui fe retirent de
ce Canton , 33 $.& Juiv. Ils traitent
bien leurs Prifonniers ; Eglife Chré¬
tienne dans ce Canton ; ils deman¬
dent la paix , & à quelles conditions,
349. Prééminence de ce Canton fur
tous les autres , 353. Deux-cent On-
nontagués attaquent Plfle de Mont¬
real , dont le Major eft tué avec tons
lesSiensencombattantcontr’eux, 35 y.
Ils invitent les François à reprendre
leur Etabliflëment chez eux, & offrent
d’envoyer leurs Filles en otage chez
les Urfulines de Quebec. Ce qui em¬
pêche que cela ne fe fafle , 370. Ils
font demander la paix à M. de Tra-
cy , 383. Ils traitent de mauvaife foi
avec M. delà Barre, 483. Ce Géné¬
ral leur envoyé un Collier pour les
engager à demeurer Neutres , 489.
Députation du Gouverneur de la N.
Nork à ce Canton 3 réponfe , qu’on
lui fait , 491. M. de la Barre leur té¬
moigne une grande confiance. Ils en¬
gagent le P. de Lambervilleà inftruire
le Gouverneur delà Nouvelle York
de ce qui s’eft pafle entr’eux de fon
Député, 492, ils fe rendent Garans de
la paix , oc leur Député parle bien ,
493.LeP.de Lamberville négocie
heureufement dans ce Canton , yC3.
Maniéré noble & généreufe, dont on
en ufedans ce Canton avec ce Million¬
naire après i’enlevement des piinci-
r I E R E S. 647
paux Chefs Iroquois à Catarocouy ,
5 10-1 r . Un Agnier y négocie heureu¬
fement pour les François , y 19. Des
Onnontagués prennent des François
auprès de Catarocouy. Le P. de Lam¬
berville va traiter avec eux , de avec
quel fuccès , 5 24. Ce Millionnaire tra¬
vaille à les mettre dans nos intérêts,
527. M. de Frontenac ne veut traiter
qu’avec ce Canton , 566. Idée, que le
P. de Carheil donne à ce Général des
Onnontagués , yé8.
Onohare ( Jofeph ) jeune Algon¬
quin 3 ce qui lui arrive dans un Parti
de guerre. Il eft pris & brûlé par les
Iroquois , de meurt en Martyr , 304-
°f.
Ononthio. Ce que fignifie ce mot ,
de pourquoi les Sauvages nomment
ainfi tous les Gouverneurs Généraux
de la Nouvelle France , 226.
Ontaouonoués , nom , que les vrais
Hurons fe donnent, de ce qu’il figni¬
fie , 184.
_ Orange , Ville de la Nouvelle Bel¬
gique: fa fondation , 142. Nom, que
les Anglois luidonnent, 143. Elle eft
prifepar les Anglois, qui la nomment
Aibany , 17 y-76. Allarme à Orange ,
de ce qui la caufoit , y 24, Etat de cet¬
te Place , y42. M. de Dénonville eft
d’avis , fi on s’empare de la Nouvelle
York , qu’on n’en conferve que cette
Ville , 5 r, r.
D'Oranger , un des Chefs des Mu¬
tins de la Floride , fait quelques pri-
fes fur les Efpagnols , 50. Il prend le
Gouverneur de la Jamaïque ; com¬
ment il fe laifle duper. Il eft pris lui-
même , y r .
Orléans ( le P. d’J Jefuite , blâme le
P. Cotton à l’occafion d’un Traité fait
en faveur des Jefuites par Madame de
Guercheville. M. de Champlain les
jtiftifie, 123.
JJle d'Orléans, Sa fituation ; décou¬
verte par Cartier: nom , qu’il lui don¬
ne, ir.
Orvilliers ( M. dJ ) Capitaine , fon
éloge, Il va reconnoître le PaysEnne-
<M T A B
mi ,489. Il commande an Corps de
l’Armée contre les Tfonnonthouans,
490. Il eft établi Commandant à Ca-
rarocouy, 496. Sa vigilance ôc Ton
zélé , 514. Il eft chargé de garder le
Fort des Sables avec 400. Hommes»
515. Il envoyé proposer une Confé¬
rence aux Onnontagués , ôc à quelle
occafion , 5 z4*
Ottigni( le Sieur d’ ) Lieutenant de
M. de Laudonniere en Floride , eft
envoyé pour découvrir le Pays , 57.
41. M. de Laudonniere le retient au¬
près de lui » comme un Homme , fur
qui il peut compter, 49. Il eft envoyé
de nouveau pour découvrir le Pays.
Ses découvertes , 54. Il eft envoyé au
fecours d’Outina, yy. Il fait repren¬
dre cœur au Chef Sauvage , lui fait
gagner une viéloire , Ôc retourne à la
Caroline, 56. Sa bravoure , 57. Sa
mort tragique , _ . 84. 8 y.
Ouifconfwg , Riviere du Canada ,
par où le P. Marquette ôc le Sieur Jo¬
lie t entrèrent dans le Miciffipi. Sa po-
fition ) - .44^*
Oumamiouecks } Sauvages , qui fai-
Foient la Traite à Tadoufiac , ôc que
les Millionnaires inftruifoient de la
Doétrine Chrétienne , 308.
Oureouharé , Chef Goyogouin , un
de ceux , qui avoient été envoyés aux
Galeres .* fon attachement au Comre
de Frontenac: confeil , qu’il donne à
ce Général. Ce qu’il fait dire aux Can¬
tons de fa part , 563. Il eft qualifié
Chef Général des Iroquois , 56 4. Il
traite en fon propre nom , mais de l’a¬
veu du Comte de Frontenac , avec les
Députés des Cantons 3 propofitions ,
qu’il leur fait » _ ydy*
Oure'oubati , Chef Iroquois » Député
pourla paix entre les Tfonnonthouans
ôc les François : U parle très-bien en
cette occafion , 49 3*
Ours blanc , monftrueux , tué par
Cartier, > 8.
La Tribu de l’Ours confpire feule
dans le Canton d’Agnier contre le P.
Jogues.
L E
Outagamis , Sauvages du Canada J
plus connus fous le nom de Re¬
nards. Avec quel fuccès le P. Allouez
leur annonce l’Evangile, 396. Def-
cription de leur Pays-, Idple , qu’ils
reveroient , 447. Ce qui les indif-
pofoit contre les François. Ils re¬
çoivent bien le P. Allouez , . 449.
Outaouais , Peuple Algonquin , de
ceux, qu’on appelloit Algonquins Su -
pe'rieurs . Ils établirent un droit de Péa¬
ge fur leur Riviere , 186. Des Outaou¬
ais viennent à Quebec. Leurs aven¬
tures, 324. fuiv. Leur caraélere , ôc
pourquoi on en convertit peu , 325.
On leur donne des Millionnaires : ils
font attaqués par des Agniers , 326:
Après s’être bien battus , ils fe retirent
& abandonnent les Millionnaires & les
François , 3 27. Ils infultent les Sioux,
qui les chalFent de chez eux , 346.
Maniéré indigne, dont ils traitent le
P. Mefnard , 35^-57. Leur endurcif-
fement au fujet de la Religion , 3 59.
Ils vont encore demander un Million¬
naire à Quebec , 331. On leur en ar-
corde un , ôc ils le traitent aufïî mal
que les autres. Leurs fuperftitions. Ob-
ftaclesàleur converfion , 392 ,& fuiv.
Ils vont vendre leurs Pelleteries à Que¬
bec, ôc refufent de recevoir un Jelui-
te dans leurs Canots, 397-98. Ils font
attaqués dansla Baye du Saguinan pat
les Iroquois , 301. On a bien de la
peine à les empêcher de s’accommo¬
der avec les Tfonnonthouans , 51 y»
Ils fe battent mal dans l’aétion con<*
tre les Tfonnonthouans'', 316. Négo¬
ciation entr’eux ôc les Tfonnonthou^
ans , ôc quel en étoit le motif, 566.
& fuiv . Leur inventive contre les
François , ôc qui les animoit , 569.
O ut in a , Chef Floridien. M. de Lau¬
donniere l’envoye vifiter, 46. Il rem¬
porte une vi&oire avec le fecours des
François » 47. Il demande du fecours
à M. de Laudonniere , qui lui en en¬
voyé , y y. Intimidé par fon Ionas , il
veut rebroulfer chemin. M. d’Ottigni
l’encourage, ôc lui fait remporter la
vi&oire:
DES MA
‘VÎ&ôire : il ne pourfuit point les
Fuyards , 56. On fe faifît de lui pour
Pobliger à fournir des vivres à la Ca¬
roline , 8c ce qui en ‘arrive, f y.
Outreouhati ,Chef Iroquois , fe ven¬
ge des François , qui l’avoient rerenu
dans les fers à Montreal , 3 54.
Oyander. Ce que c’eft que ce titre
parmi les Iroquois , 455.
F API NA CHOIS , Sauvages , qui
faifoient la Traite à Tadouffàc ,
8c qu’on y inftruifoit de la Religion ,
211. 308.
Paquine ( le]Sieur) eft envoyé Com-
miiïaire en Acadie. Ce qu'il dit du
Port Royal, 540.
Paraoufiis , Chefs 8c Capitaines FIo-
râdiens , 27. Honneurs , qu’on leur
rend , 28.
Parat ( le Sieur ) ne peut fe foûte-
flir a Plaifance , où il commandoit,
521.
Parelies à Quebec 8c à Montreal ,
563. Dans les Quartiers de l’Oueft,
44I_4î’
Panjiens. On demande au Canada
des Colons de Paris , ou des environs ,
380.
Patenotes, ou Chapelets de Sainte He.
Une. Ce que c’étoit que ce Simple, &
fes vertus, 30. 31.
Patina ( André Lopez ) Capitaine
Efpagnol , eft chargé de choifir un em¬
placement pour bâtir un Fort dans la
Riviere de S. Auguftin , 71. Ce qu’il
fait à la prife de la Caroline , 77. 78.
91-
Patoulet fie Sieur) Commifïaire de
Marine , eft envoyé en Acadie , pour
en faire la vifite , 417.
Paufanias , Roy de Lacedemone.
Belle réponfe de ce Prince, 104.
’Peanon ( le^Pere . ) Jefuite ,
Midîonnaire dans le Canton d’Ag-
nier , 402. Il eft infulté par un Capi¬
taine Agnier , 8c comment il en profi¬
te pour le fuccès de fon Miniftere ,
Tome L
T I E R E S. 649
429. & fuiv. Il baptife une Femme
Iroquoife, 8c l’envoye à Lorerre ,435.
Peltrie ( Magdeleine deChauvigni,
Dame delà) Fondatrice des Urfulines
de Quebec, frette un Vaifteau à Diep¬
pe , va chercher deux Urfulines à
Tours,en prend une T roifiéme à Diep¬
pe , & arrive à Quebec , 207. Sa fer¬
veur 8c fon courage à la vue' des Sauva¬
ges, 208. Elle tient fur les Fonts de
Baptême un Chef Algonquin , 254.
Pemkuit , Fort bâti par les Anglois.
Sa fituation , 462. Il eft pris par les
Canibas, . _ 357-58.
Pénitence publique pratiquée parmi
les Sauvages , 597- & fuiv.
Pentagoet , Riviere 8c Pofte de la
Nouvelle rFance. Sa fituation. Def-
cription du Pays. On y fait un Eta-
bliftèment pour Madame de Guer-
cheville, 13 2-3 3. Il eft prispar les An¬
glois. Voyez 4 S. Sauveur. Les Anglois
s’en rendent de nouveau les Maîtres,
414. Il eft rendu aux François ; diffi¬
culté, que faifoit le Chevalier Tem¬
ple de le reftituer ; ce que lui valoic
ce Pofte, 417. Il eft repris par les An¬
glois , 450. Reftitué à la France , 462.
Repris par les Anglois , 465. Des
Hollandois démoliiïènt le Fort. M.de
S. Caftin le rétablit 8c s’y loge. Les A n-
glois le fomment de le rendre , 520.
Importance de ce Pofte, 521. Million,
établie au Pentagoet , 3-3 1. Ce Pofte
eft pillé par les Anglois, 538.
Percherons. On en demande en Ca¬
nada pour l’habiter , 380.
Perelle ( le Sieur de la ) Officier
François , accompagne les Députés
Iroquois à Montreal : peur , que les
Iroquois lui font en chemin , 32.9»
Perez- (Fernand) Officier Efpagnol,
parle à fon Général avec infolence >
75*
Perrault fie P. Julien) Jefuite, tra¬
vaille avec peu de fuccès 8c beaucoup
de fatigues auprès des Sauvages du
Golphe S. Laurent. Ce qu’il dit des
Gafpefiens , 222.
Perrot ( Moniteur ) nommé Gou-
N N 11 11
«5° 7AB
svcrneur de Montreal » demande , &
obtient des Provifions du Roy , 407.
jvî de Frontenac le fait mettre aux
arrêts , 451. H fe brouille avec MM
du Séminaire de S.Sulpice , & il eft
transféré au Gouvernement de 1 Aca¬
die , .
Perrot (Nicolas ) Qui il etoit 3 il ett
député vers les Sauvages du Nord &
de l’Gueft , 436. Ce qui lui arrive
dans ce voyage , & comment il eft re¬
çu par lesMiamis , 437- Ilen'
gage plufieurs Nations dans la guerre
contre les Tfonnonthouans , 487.
Comment il les appaife après la con-
clufion de la paix fans leur participa¬
tion , 488. Ordres , qu’il reçoit de
M. de Dénonville, pu. Voyez la Li¬
fte & l’Examen des Auteurs.
Petit Nord , partie de i’Ifle de Ter¬
re-Neuve. Sa fituation, 410.
Pêches. Projet de l’Etabliflèment
des Pêches fedentaires dans le Fleuve
de S. Laurent. Ce qui le fait échouer,
5 39*
Phénomènes , 348. $6$.& faiv* 599»
474. & fuiv.
Philippe IL Roy d’Efpagne. A quel
delfèin il envoyé une Flotte en Flori¬
de , 62. Il veut faire enlever le Che¬
valier de Gourgues, & le manque,
10 y.
Picards. On en demande en Canada
pour l’habiter , _ 3^°*
Pieskaret , Chef Algonquin. Sa bra¬
voure. Ce qu’il fait pour ratifier la
paix , 2 GG. Il eft tué en trahi fon par
les Iroquois , qui n’ofent l’attaquer
de front , . z77*
Pijart ( le P. Claude ) Jefuite , re¬
çoit à Montreal le P. Garreau blefle
par les Iroquois , &C l’aflifte a la mort,
327.
Plejfys ( le Frere Pacifique du) Re¬
collet , rend un grand fervice à la N.
France, MG
Plaifance , Port de Pille de Terre-
Neuve : les François s’y erabhflènr.
Sa defcription , 418-1 9. Réflexion fur
l’idée avantaeeufe, qu’on a conçue de
L E '
ce Port , 4^0*
Poinci (le Commandeur de) fe main¬
tient , malgré la Cour ,dans fon Gou¬
vernement Général des Ifles > Regle¬
ment, que cette rébellion occafionne,
281.
Polygamie en ufage parmi les Flo-
ridiens, 28. En Acadie, 124. Parmi les
Sioux, 346. Parmi les Outaouais, 3 57.
Pommeraye (le Sieur de la ) Gentil¬
homme Breton , accompagne Cartier
àHochelaga, _ IZ*
Pompierre (le Sieur de^) Gentilhom¬
me François ; fon aventure après la
prife de la Caroline , 86.
Ponce de Leon , voyez Floride.
Poncet ( le Pere Jofeph^ ) Jefuite ,
fe trouve fort à propos à Montreal
pour inftruire plufieurs Sauvages , qui.
demandent le Baptême, 253. Il ac¬
compagne le P. Breflani aux FI lirons ,
167. Il eft pris par les Iroquois ,& ce
que ces Barbares lui font fouffrir y
314. Il eft délivré 3 danger, qu’il coure
à fon retour. Réception , qu’on lui fait
à Québec. Prières , qu’on y avoir fai¬
tes pour fa délivrance , 315-16,
• Pons ( le Sieur ) Gentilhomme de
Saintonge , périt dans l’Expédition
du Chevalier de Gourgues en Flori¬
de, 10 G
Pontbriand ( M. de ) Gentilhomme
Breton , accompagne Cartier a Ho-
chelaga , 1 2*
Pontchartrain , Fort du Canada. Sa
fituation, _
Pontgravc ( le Sieur de ) Maloin ,
confeille à M. Chauvin de demander
au Roy la Commiflîon du Marquis de
la Roche. Son premier voyage en Ca¬
nada , 1 10-1 2. Il eft chargé de trans¬
porter l’Etablifleraent de Sainte- Crois
au Port Royal , 116. Il ne goûte pas
ce projet.. Il eft obligé d’abandonner
le Port Royal faute de vivres ■, 1 18. Il
y retourne. Son éloge , 1 1 9. Il eft en¬
voyé pour faire la Traite dans le Fleu¬
ve S. Laurent , 121. Il n’ofe commun
niquer avec les Jefuites , & pour¬
quoi? 128. Il retourne en Canada ,
DES MA
141. 149. iy2. Sa fanré l'oblige de
repaiïer en France , 1 y 8. Il fe trouve à
Quebec » lorfque cette Ville eft fom-
mee par les Anglois , 166.
Porc-Epi , nom d’une Nation Sau¬
vage , qui faifoit la Traite à Tadouf-
fac , & qu’on y inftruifoit dans la
Religion, 221.
Port ito/>».Cequec’eft;d’où vient
ce nom , 479. Quand il lui fut don¬
né , 48 i . Projet de Neutralité pour ce
Polie entre les Anglois 8c les Fran¬
çois , jugé impratiquable , 506-07.
Propolicion de M. de Dénonville au
Roy à ce fujet , 507.
Port m Adouton, Sa fituation. Com¬
ment les Anglois le nomment , 176.
Port Noir, ou Joli Port. Sa fitua-
tion, Iy6.
Port Royal en Floride. Embouchure
de la Riviere de Sainte Croix, ainfi
nommée par M. de Ribaut , 8c où il
bâtit Charlefort , 25. 26.
Port Royal en Acadie. Sa Situation ,
fa defeription. Par qui il a été ainlî
nommé, 116-17. H eft fur le point
d’être abandonné. On travaille ày fai¬
re un Erablilïèmenr. Qualité du Ter-
rein ,119. Cet Etablilîèment eft né¬
gligé , 152. Il eft détruit par les An¬
glois, 137. M. de la Tour le réta¬
blit, 412. Les Anglois en chalfent le
Sieur le Borgne, 413-14. Les Fran¬
çois s’y établilfent , 417. Il s’y forme
une Bourgade , 462. Les Habitans fe
rendent aux Anglois 5 463. Incom¬
modités du Port, 540. M. de laCaffi-
niere ne peut y palier pour le ravitail¬
ler , _ y48.
Portugais. Leur jaloufie contre les
François du Brelîl les porte à les ex¬
terminer , 23.
PojfeJJion. Prife de polfelîion dune
grande partie du Canada, 3 3 8- 59. V.
Baye d'Hadfon.
Poflel ( Guillaume ) Ses idées furies
navigations des anciens Gaulois dans
l’Amérique , 2.
Potanou , Chtf Floridien , eft dé¬
fait 8c tué par Outina avec le fecours
T 1ERE S.
des François, 47. Son Succelïèur de
même nom eft défait par le même 8c
par les François , j6.
Potardiere (le Sieur de la ) vifite les
Mines de fer du Canada , 8c ce qu’il
en penfe , 39 r.
Potberie (M. de la ) Commandant
des Trois Rivières , arrête des Es¬
pions Agniers, &c fauve fa Place,
3 3
Poulain ( le P. Guillaume ) Recol¬
ler , eft pris par les Iroquois, & échan¬
gé dans letems , qu’ils fe difpofoienc
à le brûler ,
Pouteouatamis , Sauvages du Cana¬
da , viennent au nombre de trois-cenc
à Chagouamigon : le P. Allouez les
vifite : maniéré bizarre , dont ils le
reçoivent : leur docilité : converfion
d’un Vieillard de près de cent ans &
defesdeux Filles. Sa mort toute Chré¬
tienne, 39 y. Ce qui arrive après fa
mort : conte ridicule des Sauvages à
fon fujet , 396. Ils font attaqués par
les Tfonnonthouans , & ce qui en ar¬
rive, 433-34. Ils efeortent Nicolas
Perrot à Chicagou. Ce qui fepaftèen-
tr’eux & les Miamis. Le Grand Chef
des Miamis les charge de fa Procura¬
tion pour la prife de pofleflionde tout
les Pays du Nord 8c de l’Oueft par M.
de S. Lu fton , 437.
Poutrincourt ( Jean deBiencourt Sr.
de) Lieutenant de M. de Monts en
Acadie , 1 12. M. de Monts lui cède
le Port Royal , & il le néglige ,118.
Il y ramene l’abondance , 8c le forti¬
fie , 1 19. Le Roy Henry IV. lui or¬
donne de mener des Jefuites en Aca¬
die , 8c il élude cet ordre , 1 21. Stra¬
tagème, dont il fefert pour perfuader
au Roy que les Jefuites ne font pas
néceftaires dans ce Pays , 1 22. Ses
préventions contre ces Religieux ,
1 23. Il fe brouille avec Madame de
Guercheville , 132. Ce qu’il devint
après la prife de l’Acadie par les An¬
glois, 138. Faute , qu’il fit au Port
Royal, 139. Pourquoi il y renonce
entièrement > 408-
NNnn ij
6 t T AB
Poype(U. de la )eft envoyé à Plai-
fanceen qualité de Commiflaire & de
Gouverneur : Tes inftruétions , 41 3;
Prairies. Un jeune Matelot nomme
Des Prairies , vient fort à propos join¬
dre M. de Champlain , qui étoit aux
prifes avec les Iroquois , 1 S !*
Riviers des Praivies. Sa fituation ,
160.
Pre'fens.A quoi obligent les prélens,
quand on les accepte , ^ . M?-
Prevert , Malom , qui prenoitplai-
fn- à inventer des fables , pour trom¬
per les François, _
Protejians. Pourquoi la Cour les ex¬
clut du Canada , îSo.
Pygmées dans le Nord du Canada
& en° Terre-Neuve, ié>. 19*
et
S~\UEBEC, Capitale de laN. Fran-
Vy ce : fa fituation , fa fondation ,
fiï. Etat de Quebec en 1610. &c en
j6ix. 158, On y bâtit un Fort de
pierres , 159. En quel état il fe trou-
voit en 1 6x7- 161. Les Anglois fam-
ment cette Ville de fe rendre a eux ,
366. Extrémité, où elle eft réduite
par la famine , 167. Sa prife par^ les
Anglois, 169. Elle eft reftituee a la
France , 177. Charité des Habitans ,
209. De quelle maniéré les Murons
chaflés de leur Pays y font reçus , 301.
Les Agniers y donnent Pallarme, 3 1 4.
Onn’y eft pas en fureté contre les Iro¬
quois, 347* Ereéfcion de 1 Eveche de
Qiiebec , 406.
Que lu s { l’Abbé de ) arrive en Ca¬
nada, muni d’une Provifion de Grand
Vicaire de l’Archevêque de Rouen ,
& n’eft point reçu en cette qualité. Il
prend pofteflion de l’Ifle de Montreal
au nom du Séminaire de S. Sulpice ,
340,
Quien ( le P. le ) Je fuite, donne aux
Outaouais trois Jefuites pour les ac¬
compagner, . $16.
Quitcbitckouen , ou de Sainte Anne ,
Fort de la Baye d’Hudfon ) pris fi)r
L E
les Anglois, s 06. Les Anglois y font
repoufles avec perte, 508. Ce qui y
arrive entr’eux ôc M. dTberville, 519.
Les Anglois font une nouvelle tenta¬
tive pour le reprendre , de font pris
eux-mêmes , J S 5 • ^ fulV+
R
Y) A DIS S O N ( Efprit de ) Fraft^
cois Transfuge , conduit les An-
glois dansr la Baye d’Hudfon , 476*-
77, Il époufe la Fille du Chevalier
Kivke Anglois , retourne dans la N*.
France , & entreprend de chalîer les
Anglois de la Baye d’Hudfon, 478-
Il fait un Etabliftement dans cette
Baye 3 ce qui fe paffe entre les An¬
glois & lui , 479- à1 fuiv. Il traite de
nouveau avec les Anglois , & pour¬
quoi : U eft bien reçu de fon Beau-Pe-
re: le Roy d’Angleterre lui donne
une penfion. Il met les Anglois en
pofteflion de l’Etabliftement , qu il
avoit fait dans la Baye d’Hudfon- ,
48 1 , 498*
Ragueneau ( le P. Paul ) Jefuite , eft
envoyé pour traiter de la paix avec les
Iroquois : de quelle maniéré il en eft
reçu , 225. Il conduit a Quebec un
grand nombre de Hurons , 300-01.
Ce qu’on a penfé de fon Hiftoire de
la Mere Catherine de S. Auguftin ,
408..
Raimbauî ( le P. Charles ) Jefuite ,
va vifiter les Sauteurs \ fruit de cene
vifite , 232. Il eft rappelle aux Huions,
233.
Ramufio. Ce qu’il dit dans fon Re¬
cueil d’un Auteur François , 2 2. V. la
Lifte & l’Examen des Auteurs.
Rapide proche de l’entrée de la Ri¬
vière de S. Jean dans la Baye Fran-
çoife j ce qu’il a de fîngulier ,117, Ra¬
pide de la Riviere de Sorel , 1 44. 1 47.
Rat. Le Rat , Chef Huron ; M . de
Dénonville l’attire avec peine dans
fes intérêts. Il fe vante d’avoir tue la
paix , que ce Général avoit fait avec
les Iroquois 9 & comment il s’y prit
DES MAT
pour cela 5 y 35. & fuiv. Sa perfidie &c
fies intrigues pour brouiller les Iro-
quois avec les François , 5 37. Il rejet¬
te fia perfidie fur M. de Dénonvillc ,
567, On lui attribue le difcours in-
fiolent des Outaouais contre les Fran¬
çois , _ 570.
Raye ( Pierre) Calvinifte François,
fervoit dans la Flotte Angloife , qui
prit Quebec , 169.
Razilly ( le Commandeur de) porte
en France du Lapis lazuli des Côtes de
l’Acadie , 114. Il eft un des cent Af-
fociés de la Compagnie de laNouvel-
le France , i6y . Il arme pour fe cou¬
rir Quebec : il eftcontremandé, 171.
Il arme de nouveau , 175. On lui con¬
cède l’Acadie, & il fait un Etablifie-
ment à la Héve , mais trop peu foli-
de , 178. Il s’accommode avec M. de
la Tour, 410. Ce qui arrive en ce Pays-
là après fa mort , 41 1 .
Recaldé ( François ) Capitaine Efpa-
gnol , s’oppofe à l’attaque de la Caro¬
line, 75*77*
Recollets. Quatre Recollets pafient
en Canada , 1 y 3. Ils engagent le Duc
de Ventadour à y envoyer des Jefui-
tçs , & les logent chezeux, 1 59. Pour¬
quoi la Compagnie de la Nouvelle
France s’oppofe à leur retour en Ca¬
nada , après la reftitution de ce Pays
à la France j 178-79. Ils y font rede¬
mandés , ôc pourquoi ; M. Talon ob¬
tient leur retour. Les Premiers, qui y
font envoyés , font naufrage, 424.
Trois PP. Recollets accompagnentM.
de la Sale dans fes découvertes , 438.
Ce qu’on doit penfer de plufieurs Mif-
fions de Recollets marquées dans
quelques Cartes ,461. M. de Dénon-
ville engage ces Religieux à céder
pour quelque tems le Polie de Cata-
rocouy au P. Miler , 304. Avis , que
des PP. Recollets donnent à M. de
Frontenac à l’Ille Percée , ^48-49.
Reml ( Moniteur ) Curé de la Chi¬
ne refufc d’aller en Procelfion au
Tombeau de la bonne Catherine ;
tombe malade , & n’eft guéri } qu’a-
ï E R E S. 653
près avoir promis de fuivre en cela
l’exemple de fes Prédécelîèurs , 586
Renards, ou Ont agamis. Voyez ce
mot.
Riviere des Renards , 446-47.
Repentigni ( le Sieur de Tilli de )
Gentilhomme Normand , Capitaine
dans Carignan-Salieres , effc détaché
pour donner la challè aux Iroquois ,
quife retirent à fon aproche , 381.
Révolté contre M. de Laudonniere,
& fes fuites , 49. & fuiv.
R'tbaut (Jacques dé) Fils , ou Ne¬
veu du Suivant , refufe de fe rendre
aux Efpagnols. Sa mauvaife conduite
après la prife de la Caroline , 80.
Rïbaut ( Jean de ) Qui ilétoit : l’A¬
miral de Coligny le charge d’établir
une Colonie dans la Floride: il prend
polfelfion du Pays : fes premières dé¬
couvertes : il croit avoir trouvé le
Jourdain, & il fe trompe. Il prend
des anfes pour des embouchures de
Rivières, 2 y. Il bâtit Charleforr, &
tente inutilement d’emmener en Fran¬
ce desNaturel's du Pays, 26. Il retour¬
ne en France , 31. Pourquoi il ne re¬
vient pas en Floride au tems 3 qu’il
avoit promis d’y revenir ,35. Il arri¬
ve à la Caroline avec un grand Con¬
voi, 59. Ce qui l’avoit empêché d’ar-
riverplûtôt, 60.61 .Il reconnoît qu’on
avoit accufé à tort M. de Laudonnie¬
re , & en ufe bien avec lui. Comment
iîeftreçu des Sauvages. Il fait travail¬
ler à réparer la Caroline , 62. Il s’en¬
tête, malgré tout le Confeil de guer¬
re , & met à la voile pour aller atta¬
quer les Efpagnols , 70. Il manque de
les défaire , faute de vent. LTne tem¬
pête l’écarte bien loin , 72. Il fait nau¬
frage , ôc ce qu’il devint enfuite, 8 3.
& juiv.
Ribourde (le P. Gabriel de la ) Re¬
coller , aide le Chevalier de Tonti à
faire un accommodement entre les
Iroquois &r les Illinois , 461 . Il s’éga¬
re dans les Bois , & eft tué par les Ki-
capous. Son éloge , 4 65.
Richelieu ( le Cardinal de ) établis
TABLE
la Compagnie de la Nouvelle Fran¬
ce, 1 6 1. Il s’en fait le Chef 3 1 6j.
Riviere de Richelieu , auparavant nom¬
mée Riviere des Iroquois , 229. Elle
prend le nom âeSorel. Voyez ce nom.
Fort de Richelieu , 129-30.
Rivau ( M. du ) Quelques Mémoi¬
res difent qu’il accompagna MM. de
Moncortier 6c Delnos en Canada ,
493-
Riverin ( le Sieur ) Son projet pour
les Pêches fédentaires dans le Fleusie
S. Laurent , & ce qui le fait échouer,
539-40.
Robert ( M. ) Confeiller d’Etat , pre¬
mier Intendant nommé pour la Nou¬
velle France , où il n’alla point, 372.
Roberval ( François de la Roque Sr,
de) Comment François I. Roy de
France , le nommoit. Ce Prince lui
donne la Commiflion de continuer
les découvertes en Amérique , 20.
Etendue de cette Commiflion. Il bâtit
un Fort furie Fleuve S. Laurent. Son
fécond voyage. Il envoyé un Pilote
chercher un chemin aux Indes par le
Nord du Canada , 21. Il eft arrêté en
France par la guerre. U retourne en
Canada avec fon Frere ; nom, que
donnoit François I. à fon Frere. Ils pé¬
riment tous deux dans ce voyage , 22.
Robeyre ( le Sieur delà ) Lieutenant,
eftblelfé & pris par les Iroquois, en
défendant un Fort dans l’IIle de Mont¬
real , e 549-
Roche le Marquis de la ) Qui il
étoit 3 il obtient des Rois Henry III.
fk Henry IV. la même Commiflion,
qu’avoit eue M.de Roberval, 107-08,
Il débarque à l’Ifle de Sable quarante
Hommes 3 il reconnoît les Côtes de
P Acadie : fes malheurs : fa mort , 109.
Fautes , qu’il fit, 1 10.
Rocbeferriere ( le Sieur de la ) Gen¬
tilhomme François , eft envoyé pour
faire des découvertesdans la Floride,
49. Succès de fon voyage , *2.
Roquemont ( M. de ) un des Mem¬
bres de la Compagnie des cent Aftb-
ciés de la Nouvelle France s 161. Il
attaque mal à propos les Anglois , 8c
il eft pris avec route fon Efcadre, 166,
Rojfignol , Port de PAcadie. D’où
lui vient ce nom , 1 1 5.
Rouhaut ( René ) Fils du Marquis
deGaniache, fe fait Jefuite , 6c ob¬
tient de fes Parens la fondation du
College de Quebec » 196.
S
AELE, Cap de Sable en Aca¬
die : fa fituation 3 les Anglois en
font repouiïés , 409.
IJle de Sable. Sa fituation & fa def-
cription. On dit que le Baron de Lery
y avoit voulu fonder une Colonie. Le
Marquis de la Roche y débarque qua-
ranteHommes, 109. Cequ’ils devien¬
nent, no. V. Humphrey.
Riviere & Fort des Sables : leur fitua¬
tion ; pourquoi on bâtit le Fort ,51 5.
Sagamos , Chefs des Acadiens : leur
autorité fur les Sauvages : ils pou-
voient feuls avoir plufieurs Femmes,
124-25. Leur fierté à l’égard des Fran¬
çois , 128.
Saghart ( le Frere Gabriel ) Recol¬
ler, part pour le Pays des Hurons »
158. Voyez la Lifte 6c l’Examen des
Auteurs.
Saguenay , grande Riviere du Ca¬
nada. Sa pofition : quand ôc par qui
elle fut découverte , 1 1.
Saguinam. Anfe du Lac Huron. Les
Iroquois y attaquent les Outaouais ,
S?1*
Saint Augvjlin ( la Mere Catherine
de ) Religieufe Hofpitaliere de Que-
bec, morte en odeur de fainteté , 400.
& fuiv .
La Riviere de S. Auguflin , ainfi nom¬
mée par Dom Pedro Menendez, 6c
qui portoit auparavant celui de Rivie¬
re des Dauphins' , 67. Voyez Dauphins.
Ce Général Efpagnol en prend pof-
feffion , & y fait bâtir un Fort, 71,
Saint Cafiin ( le Baron de) Capitai¬
ne dans Carignan-Salieres , eft fommé
par les Anglois de leur rendre le Fort
DES MA’
de Pefttagoën il fe mocquedela fom-
mation , & demande du fecours à M.
de Dénonville. Avis , qu’il donne à
ce Général , 520. Son Habitation eft
pill ée par les Anglois , 538.
Saint Cler ( le Sieur de ) Gentil¬
homme François , eft laiflé à la garde
de la Caroline , 71.
Saint Germain. Traité de S. Ger¬
main , par lequel le Canada eft reftitué
à la France, 177.
Saint Je autour gzàcHmonnc, fur-
prife 6c détruite par les Iroquois, 297.
Rivière de S. Jean. Sa lîruation , dif¬
ficultés de fon entrée, description du
Pays , 117.
Lac de S. Jean. Sa fituation : fa des¬
cription , 2 jo,
S. Ignace , Bourgade Huronne brû¬
lée par les Iroquois , après un ma d'a¬
cre général de fe s Habirans , 290.
Saint Jofepb , Bourgade Huronne,
fon premier nom. Eft la première ha¬
bitée par les Millionnaires ,188. Elle
eft furprife par les Iroquois , qui y
font un grand carnage , 6c maftacrent
le P. Daniel. Y oyez Daniel.
I(le de S. Jofepb. Sa fituation , quan¬
tité de Hurons s’y réfugient : la fami¬
ne & les maladies y font de grands ra¬
vages , 296. Elle eft abandonnée, 300.
Rivière de S. Jofepb. Million des Mia-
mis établie fur cette Riviere par le P.
Allouez, 4^8,
Saint Laurent , Golphe. Qui l’a ain*
fi nommé, 6c à quelle occafion. Sa fi¬
tuation, ' JO.
Fleuve de S. Laurent. Son premier
nom , d’où vient celui , qu’il porte ,
îo. Il eft quelquefois nommé la gran¬
de Baye , 108.
Saint Louis , Bourgade Huronne,
détruite par les Iroquois, 290.
Saint Luffon ( le Sieur de ) Subdé¬
légué de M. Talon , prend par ordre
de cet Intendant poffdîion des Pays
du Nord & de l’Oueft du Canada ,
4? 8- 3 9. Ce qui fe paftè entre lui & les
Anglois fur le bord du Kinibequi>439.
Saint Mathieu 3 Bourgade Huron-
'IERES. ^55
ne ; on y confpire contre les Million¬
naires , 6c ce qui en arrive , 299.
Saint Michel ( le Sieur de) eft té¬
moin du martyre d’une Femme Iro-
quoife , 6c ce qu’il en dit. Il fe fauve
dans le tems, qu’on fe préparoit à le
brûler, *92.
Saint Nicolas , Port du Canada. Sa
fituation , fa defeription; par qui dé¬
couvert 6c ainfi nommé , 10.
t Saint Pelage, Galion Efpagnol, fret-
té aux dépens du Roy d’Efpagne pour
l’Expédition de la Floride, 64. Il eft
envoyé à S. Domingue , 71. Il eft en¬
levé par les Prifonniers François ,
qu’on y avoir embarqués , 6c conduic
en Dannemark , 82„
Saint Pierre. Ifles de S. Pierre ha¬
bitées par les François , leur fitua¬
tion , 42 o.
Fort de S. Pierre dans Fille de Cap
Breton , 406.
Saint Sauveur , Colonie de Mada¬
me de Guercheville. Sa fituation, 134.
Elle eft diflipéepar les Anglois, 137.
Saint Simon ( le Sieur Denys de )
Gentilhomme Canadien , eft envoyé
à la Baye d’Hudfon, pour en prendre
polfellion au nom du Roy , 477-78.
Saint Subi ce ( le Séminaire de )
prend polTdTion de Fille de Montreal,
340. Il procure un Hôpital à la Ville de
ce nom, 343 . Il remet au Roy la Juftice
particulière de Fille, & à quelles con¬
ditions , 373. Les Ecclefiaftiques de
S. Sulpice fe chargent de franc i fer les
Enfans des Sauvages , 6c n’y réuflif-
fent point , 390. Leur droit de pré-
fenter 6c de nommer au Gouverne¬
ment de Montreal , 407.
Saint b il 1er ( M. l’Abbé de la Croix
Chevrierede) eft nommé Evêque de
Qutbec.Ce qui le trompe au fujet des
prétendus Sauvages Poitecroix , 222.
Son arrangement pour la Portion
congrue des Cures ne plaît pas au
Roy, 341. Il obtient la réunion des
Abbayes de Benevent 6c de Maubecà
l’Evêché 6c au Chapitre de Québec ,
4 06.
$*-
i'.r
655 . ta
Saint rincent ( Jean de ) Capitaine
Efpagnol , s’oppofe ail deflein de Ton
Général 66. 8c à l’attaque de laCaro-
line, 73. Il refufe de marcher à cette
Enrreprîfe , 8c la raifon , qu’il en ap¬
porte , 74»
Sainte Catherine , Port de l’Ifle de
Terre-Neuve. Par qui découvert 8c
ainfi nommé , ,8»
Sainte Croix , Riviere delà Floride.
Sa découverte & fa fituation. Nom,
quelle porte aujourd’hui , 2. y. 2.6.
JJIe de Sainte Croix. Sa fituation. M.
de Monts y fait un EtablilTêment ,
ji$. Incommodités de cette llle j elle
eft abandonnée , 116. Les Anglois
achèvent d’y ruiner l’Etabliflement
des François, _ 1 37»
Sainte* Helene ( le Sieur le Moyne
'de ) va enqualité de Volontaire a 1 Ex¬
pédition de la Baye d’Hudfon , 505.
Il prend d’afîaut le Fort Rupert, $0 6.
Il porte à M. d’iberville , Ton Frere ,
dans la Baye d’Hudfon des ordres du
Gouverneur Général , ,55^*
Sainte Marie , la plus confidérable
des Bourgades Huronnes , eft afïiegée
par les Iroquois , 8c délivrée comme
par miracle j 2.5)1. Elle eft abandon¬
née, 2 9 f»
Sainte Therefe , Anfe du Lac fupé-
rieur , fa fituation. D’011 lui vient ce
nom, 356.
Fort de Sainte Therefe , bâti par M.
de Salières. Sa fituation , 48 *•
Riviere de Sainte Therefe dans la Baye
d’Hudfon. Sa fituation , par qui dé¬
couverte 8c nommée , 473*-
Sakjs , Sauvages du Canada. Leur
fituation. Le P. Allouez leur annonce
l’Evangile avec quelque fuccès, 396.
Salle ( Robert Cavelier de la J. Qui
il étoit -, il pafteen Canada , fes projets,
45 5. Son caraélere •, il entreprend d a-
chever la découverte du Miciflipi.il
pafle en France pour communiquer
fes vues à M. de Seignelay , 4f^; ^
en eft bien reçu ; grâces , qu’il obtient
du Roy : il eft apuyé par le Prince
de Conti , 8c reçoit de fa main le Che-
BLE
valier de Toftti. Il s’embarque pour
Quebèc, 4)7» Il Eait travailler au Fort
de Catarocouy , 8c conftruire desBar-
ques : fes courfes ; contretems , qu il
efluye 3 embarras , où il fe trouve : on
veut l’empoifonner : on anime les Sau¬
vages contre lui. Sa fermer e , les de¬
fauts. Il fait découvrir le haut du Mi-
ciflîpi , 458. & fuiv. Ses nouvelles
courfes : il bâtit deux Forts : il def-
cend le Miciflïpi jufqu’à la Mer. Il en
prend pofTefiion en deux endroits. Il
tombe malade ,* il repafle en France ,
465. & fuiv. M. de la Barre écrit con¬
tre lui en Cour , qyo.Réfléxion furie
bien 8c le mal , qu’on dit de lui : effet,
que produifirent les Lettres de M. de
la Barre. Jugement , que M. de Sei¬
gnelay porte de lui , 47 1 • On lui refti-
tuë le Fort de Catarocouy , 496. Sa
méfintelligence avec M. de la Barre
eft la première cau fe de la guerre avec
les Iroquois , 5 3 2»
Salières ( M. de) Colonel du Régi¬
ment de Carignan , arrive a Quebec
avec une partie de ce Régiment. Il
fait conftruire un Fort , 8c y choific
fonPofte, 381.
San Matheo , nom , que les Espa¬
gnols donnent à la Caroline après la
prife de ce Fort , 81. Un incendie le
réduit prefqu’en cendres, 82.. En quel
état le Chevalier de Gourgues le trou¬
ve, 98. Sa Garnifon perd cœur, 101.
Le Chevalier de Gourgues s’en rend
le Maître, 103. Il le rafe 8c 1 aban¬
donne, io4»
Saffafras , Arbre commun dans la
Floride. Sa defeription j fes vertus,
29. 30.
Saturiova , Chef Floridien ; accueil,
qu’il fait à M. de Laudonniere , 3 6.
Comment il l’engage à lui promettre
de le fecoutir contre fes Ennemis, 38.
Il le fomme de fa parole , 8c à fon re¬
fus il marche avec fes feules Troupes
contre Timagoa : Ses préparatifs, 43.
44. Il défait fes Ennemis , 44. Ce qui.
fe paffe entre Lui 8c M. de Laudon¬
niere au fujct de fes Prifonniers, 4$.
Il
D E S M A
Il diffimuîe avec les François, 4 6 . Il
follicite de nouveau M. de Laudon-
niere à l’accompagner à la guerre, 54.
Son entrevûë avec le Chevalier de
Gourgues , 97. Il fe ligue avec lui con¬
tre les Efpagnols, Sc lui remet un jeu¬
ne François > qu’il avoic gardé malgré
les Efpagnols. Il donne des ôtlges au
Chevalier de Gourgues , 98. Ses re¬
grets au départ de ce Général , 1 04.
S mimons. Riviere aux Saumons , la
fîtuation, 120.
Saujfaye ( le Sieur de la ) eft chargé
par Madame de Guercheville de faire
un nouvel Etablillemenr en Canada.
•Faute j qu’il fit : il fe place fur la Ri¬
viere de Pentagoër, 132. Il y eft alliegé
par les Anglois , & obligé de fe ren¬
dre,^. Le Commandant Anglois
lui enlève furtivement fa Commif-
fion , pour avoir droit de le traiter en
Pirate , 1 3 6. Il va en Angleterre pour
folliciter un dédommagement de la
prife de fon Fort, 139.
Sauteurs , Nation Algonquine.D’où
leur vient ce nom , ôc celui , qu’ils
portoient. Ils demandent des Mif-
fionnaires , ôc les reçoivent bien, 232.
Ce qui empêche leur converfion , 233.
Ilsremportent quelques avantages fur
les Agniers & les Onneyouths, 370.
- SautS. Antoine de P adouè. Par qui
découvert : fa fîtuation , 460^
Saut S. Louis. Sa fituarion : on y
tranfporte les Iroquois Chrétiens de
la Prairie de la Magdeleine , 4/2. La
Cour aprouve ce changement, 453.
Le Gouverneur de la Nouvelle York
veut attirer dans fa Province les Iro*
quois de cette Bourgade, yor. 518.
Ils fe réfugient à Montreal , ôc pour¬
quoi , y 52. L’efptit de pénitence ré¬
gné dans cette Bourgade., & va fort
loin. Ses Habitans font déclarés par
les Cantons Iroquois Ennemis de la
Patrie, 581-83-87.
Sauvages. Comment il faut fe com¬
porter avec eux , pour n’en être pas
méprilé , 1 54. Ils confpirent contre
les François ; la confpiration eft dé-
Tome I.
T I E R E S. ^57
couverte^, '& diffipée , 1 y 6. Des
Sauvages aftaflinent des François , ôc
l’impunité les rend infolens , 161.
Comment ils fe comportèrent à la
prife de Quebec 3 en quelle difpofi-
tion on les trouva , lorfque le Cana¬
da eut été rendu à la France. Ce qui
les avoit indifpofés contre les An¬
glois , 170. Il eft difficile de fçavoir
quand on les a perfuadés des vérités
de la Religion. Jufqu’ou ils portent
la complaifance ôc la diffimulation ,
j 88. Ils croyent aifément qu’on leur
doit, ou qu’on a quelque intétèt de
leur accorder ce qu’on leur accorde
trop aifément , 205. Iléfléxion fur
leurs difcours , 232. Sauvages Mif-
fionnaires , 2 ç <ç . Ils font fujets à faire
courir de faux bruits, ôc quel eft en
cela leur delfein ,315-16. Les Chefs
des Sauvages Chrétiens prient inuti¬
lement le Baron d’Avaugour de faire
ceftèr la Traite de l’Eau-de-vie , 362.
La Cour veut qu’on travaille à les
francifer. Les Jefuites lerefufent. L’E¬
vêque ôc les Ecclefiaftiques l’entre¬
prennent ôc n’y réuffiiïent pas , 390.
Le P. Allouez annonce l’Evangile à
plusieurs Nations Sauvages , ôc pour¬
quoi il tire peu de fruit de fes Prédi¬
cations j 393. Pourquoi les Sauvages
trouvent mauvais qu’on fa lié juftice
de ceux d’entr’eux, qui infultent les
François, 4 66. Leur coutume , Iorf-
qu’un aftaffinat a été commis : qui doit
faire la réparation , 467. M. de Dé-
nonville ne croit pas qu’il foit à pro¬
pos de 1 es francifer , 497. Précautions
à prendre avant que de lesbaptifer. ils
font fort enclins à donner un mauvais
tour aux aélions les plus innocentes ,
575. Pourquoi les jeunes Gens ne doi¬
vent point appeller les Anciens par
leur nom propre. Empire du refpeét
humain fur eux , 577.
Scalve ('Jean ) Polonois. Découver¬
tes , qu’on lui attribue' , 3.
Scorbut. Quel remede Cartier & fes
Gens employent pour fe guérir du
fcorbut en Canada , 1.4.
O O 00
658 T A B
Seignelay ( M. le Marquis de ) fuc-
cédeà M. Colbert , Ton Pere , dans le
département de la Marine : il goûte
l’efprit de M. de la Sale , 457. Juge¬
ment , qu’il porte de lui ^ après avoir
reçu les Lettres de M. de la Barre con¬
tre lui, 471. Il approuve le projet de
la conquête de la Nouvelle York,
541. Ses mefures font bien prifes pour
cette Expédition , 547. Il approuve un
nouveau plan de cette Expédition, &C
ce qui empêche qu’il ne foie execute,
j 54. Il demande à M. de Dénonville
un Mémoire inftru&if fur les affaires
du Canada , 5 5 9. Le parti , qu il eft
d’avis qu’on prenne en Canada pen¬
dant la guerre , 561-61.
Seine. Riviere de Seine dans la Flo¬
ride ; fa fituation , par qui elle fut dé¬
couverte, 2U
Séminaire » Etabliftèment du Sémi¬
naire de Quebec en faveur de MM.
des Millions Etrangères , 34°* Sémi¬
naire de Montreal pour MM. de S.
Sulpice , ...
Sénéchal. Jurifdi&ion du Grand Sé¬
néchal de la Nouvelle France , 371.
Serpens particuliers au Pays des Iro-
quois , 272*
Serropé , Lac de la Floride, vrai,
ou prétendu. Sa fituation , 54.
Sigogne ("M. de ) Gouverneur de
Dieppe , reçoit ordre de la Reine-Me-
re , Marie de M edicis , de faire embar¬
quer les Jefuites , & n’eft point obéi,
123.
Sillery ( le Commandeur de ) fait
en Canada un Etablifièment pour 4es
Sauvages Chrétiens , 204. & Çutv.
Sillery , Bourgade fondée pour les
Sauvages Chrétiens par le Comman¬
deur de Sillery , 205. Ferveur defesHa-
bitans, 2 5 5-96. 5 97. &fuiv. Extrémité,
où ils font réduits, 2 56. On eft oblige
de la fermer de murailles & d’y mettre
du canon, 3 09. Plufieurs de fes Habi-
tans fe condamnent à n’en point for-
tir, pour fe préferver de la contagion
de l’yvrognerie , 3 6 1. Tous les Sau¬
vages y meurent de la petite vero-
L E
le , ^ 428*
Sioux , Nation Sauvage du Canada.
LesOutaouais & les Hurons les in-
fultent , Si en font mal menés. Parti¬
cularités touchant leur Pays , 323.
346. Leur caraéàete ; leur police. Uti¬
lité de la connoiffance de leur Lan¬
gue , 347. Ils rendent une efpéce de
culte à quelques dépouilles du P. Mei-
nard , 3 5 S. Ce qu’ils difent au P. Al¬
louez des Pays , qui font au delà du
leur , 39(7. Ils retiennent Prifonniers
le Sieur Dacan & le P. Hennepin, fans
les maltraiter , 460. On leur fait dire
de laiffer nos Alliés en repos , fi2.
Atf/jf/bwffCharlesde Bourbon , Com¬
te de ) fe met à la tête des affaires de
la Nouvelle-France. Sa mort , 152.
Sokokis , Sauvages du Canada. Leur
fituation. M. de Montmagni donne la
liberté à deux de ces Sauvages pour
engager la Nation à délivrer le P. Jo-
gues. Elle n’y réuftic pas , 246. Des
Sokokis affaflinent quelques Sauva¬
ges Chrétiens pour rompre la paix ,
268.
Solis. Le Doéleur Solis de las Mê¬
las. Qui il étoit. Sa Relation de ce qui
fe paffa en Floride après la prife de la
Caroline , 87. & fuiv. Voyez la Lifte
& l’Examen des Auteurs.
Sorel (M. de ) Capitaine dans Ca-
rignan-Salieres , fait bâtir un Fort à
l’entrée de la Riviere de Richelieu ,
ou des Iroquois > laquelle en aprisfon
nom, 381. Il fe met en Campagne
contre les Agniers, & rencontre un de
leur Parti , dont le Cheflui fait accroi¬
re qu’il eft député defon Canton pour
faire la paix , & il le mene à Quebec,
384, H commande avec M. de Ber-
thier l’Arriere-Garde de l’Armée de
M. de Tracy , 385-.
Riviere de Sorel . Noms , qu’elle a
portés: ce qu’elle a de fingulier , 144’
Soto ( D. Ferdinand de ) Ce qu’il a
fait en Floride ; fa mort , 24.
Souriquois , Habitans naturels de
l’Acadie. Voyez Acadiens , Micmaks ,
Gafpefiens 3 font compris dans les Na-
DES MA
tions Abetutquifes , 211.175).
Sterlin ( Guillaume » Alexandre ,
Comte de ) Le Roy d’Angleterre ,
Jacques I. lui concède l’Acadie , 8c
tour ce qui avoit été enlevé à la France
par les Anglois en Canada. Comment
il divife cette concelïîon , 1 14. Il la
néglige , 8c l’abandonne enfuite, 176.
Suède. Nouvelle Suède , Colonie
des Suédois en Amérique. Sa fitua-
tion , 14;. 175. 176.
Surinam, Pays Voifin de la Guya¬
ne , cédé aux Hollandois en échange
delà Nouvelle Belgique, 376.
T
J 'AD O US SA C , Port furie Fleu¬
ve de S. Laurent , abord des Sau¬
vages pour la Traite ; on les y inftruit
de la Doéhine Chrétienne , 221. L’y-
vrognerie commence à y faire quel¬
ques défordres , 307. Ce Pofte efl:
prefqu’abandonné par les Sauvages ,
428.
Talon ( Monfieur ) Intendant en
Hainaut , efl: nommé Intendant de la
Nouvelle France : ordres, qu’il re¬
çoit , 380. Sa conduite au fujet de M.
deMéfy. Il s’inftruit avec foin de ce
qui regarde le Pays. Son Mémoire rai-
fonné à M. Colbert. Cequ’il ditdeM.
de Courcelles, de M.de Tracy , de la
Compagnie des Indes Occidentales ,
382-83, Il veut obliger les Jefuites à
francifer les Sauvages , & à leur refus il
s’adrefle auxEcclefiaftiques de Mont¬
real. Il cherche tous les moyens pour
faire fleurir le commerce : il trouve
qu’on l’a trompé au fujet d’une pré¬
tendue mine d’argent à Gafpé. Il efl:
plus heureux pour les mines de fer.
M. Golberr reconnoît qu’il s’efl: mal
à propos laifle prévenir contre les Je¬
fuites au fujet de l’éducation des Sau¬
vages , 390. Il retourne en France , 8c
pourquoi , 40 f-06. Il fe plaint de M.
de Courcelles , 406. Il obtient le re¬
tour des PP. Recollets en Canada : il
s’embarque avec quelques-uns de ces
Religieux , & fait naufrage . 424. Il
arrive à Québec, 42;. Il tient fur les
T I E R E S. 659
Fonts de Baptême le Grand Chef des
Goyogouins, 434. Il forme le deflein
de faire prendre pofleflion au nom du
Roy de tous les Pays du Nord 8c de
l’Ouefl: du Canada , 436. Il demande
fon rappel , 8c pourquoi : fon zélé 8c
fon aéïivité , 444. Il envoyé à la dé¬
couverte du Miciflipi, 445. Il s’ofFre
à vifiter l’Acadie 3 motifs de ce voya¬
ge : fon offre efl: acceptée , 450. Il en¬
voyé faire une nouvelle prife de pof-
feflion de la Baye d’Hudfon , 477.
Tannerie. On établit avec fuccès une
Tannerie en Canada , 3 g> r ►
Taondecboren( Jofeph) Huron, qui
avoit été pris avec le P. Jogues , 8c
qui s’étoit fauvé : belle réponfe , qu’il
fait à ceux , qui s’étonnoient de ce
qu’il n’avoit aucun reflentiment des
maux, que les Iroquois lui avoient
faits , . 252.
Tafl (M. du ) Capitaine , efl: en¬
voyé à Catarocouy , pour y conduire
un Convoy. 489.
Tegahkpuita ( Catherine ) Vierge
Iroqtioife , dont le Tombeau efl: célé¬
bré par les miracles , qui s’y opèrent ,
403. Son Hiftoire , y 72. & fuiv. Ses
miracles ,58 >-86. Sous quel nom elle
efl: invoquée , 586.
Teganijforens , Chef Iroquois, arrive
à Montreal avec des Députés des cinq
Cantons. Il n’a pas le fecret de fa
Nation , & n’avoit été envoyé , que
pour amufer les François , 469. Il efl:
nommé Ambafladeur pour la paix*, le
Rat, Chef Huron, l’attaque en che¬
min, le fait Prifonnier & le relâche,
y 37. M. de Frontenac prend confian¬
ce en lui , 566.
Teganonokpa ( Etienne ) Huron , fon
martyre, 587. & fuiv. Ferveur de fa
Femme, à qui il avoit prédit qu’on ne
la feroit point mourir , 589.
Temple (le Chevalier) Anglois; fes
prétentions au fujetdecequ’il appelle
Nouvelle Ecoffe ,114. Il figne à Bafton
au nom du Roy d’Angleterre, un Re¬
glement pour la reftitution de l’Aca¬
die , 8c des Côtes voifines à la France,
O O o o i j
660 T A
416. Difficulté, qu’il fait de rendre
Pentagoët $ Il remet ce Porte au Che¬
valier de Grandfontaine. Ce qu’il lui
valoit, 417. Son dertein de fe donner
à la France , Fans exécution , 450.
Terre-Neuve , Grande Ifle de l’A-
merique, Voyez Cabot , Cortereal ,
Humpbrey , Cartier . Les François s’y
établiflent. Révolutions , qui y font
arrivées j 418. Defcription de cette
Ifle, Ton climat, fe s Habitans, 4x0.
& fuiv. Elle eft demeurée toute en¬
tière aux Anglois. qui y ont toujours
été battus. En quel tems la Cour de
France a commencé d’y faire atten¬
tion , . 4Z3*
Tefjerie ( le Sieur de la ). Ce qu’il
penfe de la mine de fer de la Baye
S. Paul, 390-91.
Tetincboua , grand Chef des Mia-
mis : ce que Nicolas Perrot en dit :
réception , qu’il fait à ce Député du
Gouverneur Général. Ses Sujets l’em¬
pêchent de fe rendre au Sault Sainte
Marie pour PAflemblée des Nations,
& il charge les Pouteouatamis de fa
Procuration, 437*
Tbemir.es fie Maréchal de ) eft char¬
gé des affaires de la Nouvelle France
pendant la prifon du Prince de Con-
dé , qui en étoit Vice-Roy , 156.
Thet ( le Frere Gilbert du ) Jefuite,
eft tué à l’attaque de S. Sauveur 3
mauvaife humeur de Jean de Laët à
cette occafion , _ MÇ
1 herefe , Femme Iroquoife , Amie
de Catherine Tegahkouita , tombe
dans le relâchement : fa converfion ,
& la part , qu’y eut fon Amie , 579-
83.
Thou ( M. de j prétend que les Es¬
pagnols égorgèrent les François de la
Floride de concert avec la Cour de
France , 86.
Tbury ( M. ) Ecclefiaftique , Mif-
flonnaire des Canibas , fon éloge ,
5S7*
Tigres dans le Pays des Iroquois ,
272.
TimagoA t Chef Floridien, Ennemi
BLE #
de Saturiova , 38. Il eft défait par fon
Ennemi, 44. M.de Laudonniere veut
le reconcilier avec lui , & lui ren¬
voyé des Prifonniers , que Saturiova
avoit fait fur lui , t 45*
Tionnontatês , ce font les vrais Mu¬
rons: leur témérité, caufe de leur dé¬
faite, 297. Ce qui leur arrive chez les
Sioux , 346. Ils s’établiflentâ Michil-
limakinac, 440. Ils aigviflènt les Iro¬
quois contre les Kiskakons, qui les
avoient chargés de leur réconcilia¬
tion avec ces Sauvages , 469. Voyez
Hurom de Michillimakinac.
Tonnerre extraordinaire , & fes ef¬
fets , _ 3-6; & fuiy.
Tonti ( le Chevalier de ) qui il étoit :
le Prince de Conti le donne à M. de
la Sale , & il parte en Canada avec
lui, 457. M. de la Sale le charge de
bâtir un Fort à Niagara : il va à la Ri¬
vière de S. Jofeph , & aux Illinois,
4jg. Il met les Illinois dans les inté¬
rêts de M. de la Sale , & ne peut em¬
pêcher qu’ils ne reçoivent un échec
de la part des Iroquois , 439. Il eft
chargé de bâtir le Fort deS. Louis, ôc
fe fait Médiateur entre les Illinois &
les Iroquois , 461. Il eft oblige d a-
bandonner la Riviere des Illinois ,
463. Relation , qui lui eft attribuée ,
& qu’il défavouë, 460. 464-65. Il re-
poulfe les Iroquois de devant le Fort
de S. Louis , 486. Il a ordre d’aftem-
bler un grand Corps d’Illinois pour
l’Expédition contre les T fonnonthou-
ans , 511. H n’en peur amener que
quatre-vint, & pourquoi, 514. Il les
conduit à l’entrée du Détroit j 515.
V. la Lifte & l’Examen des Auteurs.
Tortue. La Tribu Iroquoife de la
Tortue s’oppofe inutilement à la more
du P. Jogues , 273.
Tour fM.de la ) Concefïîonnaire
d’une partie de l’Acadie , fe remarie
en Angleterre, y reçoit laToifon d’or,
êc entreprend de mettre les Anglois
en porteflîon du Cap de Sable , 408.
Ce qui fe parte entre lui & fon Fils à
ce fujet , 409. Il n’ofe retourner en
DES MAT
Angleterre , 8c prend le parti de re¬
lier en Acadie , &c à quelles condi¬
tions Ton Fils le lui permet. Belle
réponfe de fa Femme , 4 1 o.
M. de la Tour , Fils, quel fut Ion
lot dans le partage des Gouvernemens
& du Domaine de l’Acadie , 8c des
Pays circonvoilîns : fon accord avec
le Commandeur de Razilly ,410. Il
fait un Etabliflement fur la Riviere
de S. Jean. M.deCharnifé entreprend
de s’en rendre Maître pendant fonab-
fence. Vigoureufe défenfe de fa Fem¬
me , 41 1. Action indigne de M. de
Charnifé à l’égard de cette Dame ,
41 1-1 2. Après la mort de laquelle M.
de la Tour époufe la Veuve deM. de
Charnifé. Il fait un Etabliflement au
Port Royal , 4 1 2 . Il elt obligé de ren¬
dre aux Anglois le Fort de la Riviere
de S. Jean , 41 3.
Tourmente , Cap du Canada ; fa fi-
ruation; les Anglois y ruinent les Ha¬
bitations Fiançoi fes , 1 66.
Tourtes , Oifeau de paflage en Ca¬
nada : leur manœuvre dans le Pays
des Iroquois , 275.
Toya , Divinité des Floridiens. Def-
cription d’une Fête en fon honneur ,
31. 32.,
Tracy ( Alexandre de Prouville ,
Marquis de ) Lieutenant Général des
Armées du Roy , reçoit une Com-
midion de Vice-Roy de l’Amérique ;
fes inftruétions ; fon départ de Fran¬
ce, 380. Son arrivée à Quebec : il fait
conltruire trois Forts fur la Riviere
des Iroquois, 381. Ce qu’il auroit pu
faire de mieux , 382. De quelle ma¬
niéré il reçoit Garakonthié , 383. Il
fait juftice d’un Chef Agnier , quil’a-
voitinfulté , 384. Son Expédition con¬
tre les Agniers ,385. & fuiv. Pour¬
quoi il ne fait point de Fort dans ce
Canton pour s’en aflurer , 386- 87. Ce
qui l’empêche de traiter le Canton
cl’Onneyouth , comme il avoir fait ce¬
lui d’Agnier , 387-88. Il fait pendre
quelques Agniers. Il met la Compa¬
gnie des Indes Occidentales en pof-
I E R E S. 66 1
fel lion de tous les droits de celle des
cent AlFociés. Il retourne en France ,
3 8 S. Son éloge , 389. Il n’eft point
d’avis qu on francije les Sauvages, 390.
Traite de l' Eau-de-vie. Ce qui fe
palfe à ce fujet en Canada & à la
Cour j 4 5 4- y Défordres, qu’elle fai c
du côté de l’Acadie parmi les Sauva-
* S 3 r
Trencbant , Pilote François: les Mu¬
tins de la Caroline l’obligent à s’em¬
barquer avec eux pour faire la courfe,
50. Il en ramene une partie à la Caro¬
line , y 1.
Trois Rivières , Polie , 8c aujour¬
d’hui Ville de la Nouvelle France.
Son premier Etabiilïèment ,155. Le
commerce y fleurit, 1 58. Les Nations
Septentrionnales y viennent trafi-,
quer, 195. Le Gouverneur Générai y
donne une Audience publique aux
Députés des Cantons Iroquois, 8c ce
qui s’y paflè,2é>3. Etat floriflantde
la Religion parmi les Sauvages de ce
Polie, 308. Il eft bloqué par les Ag¬
niers } 314. Ces Sauvages s’en appro¬
chent de nouveau , & ce qui les obli¬
ge de fe retirer , 339. Jurifdiétion
établie dès le commencement dans ce
Polie, 371. Il eft prefqu’abandonné
par les Sauvages ,428. V. du EleJJîs-
Bochart.
Trouvé ’ ( M. ) eft envoyé par l’Evê¬
que de Petrée Millionnaire aux Iro¬
quois du Lac Ontario , 398.
Troye fie Chevalier de ) Capitaine;
fon Expédition dans la Baye d’Hud-
fon, $oy. & fuiv. Il eft nommé Com¬
mandant du Fort de Niagara, 8c y
meurt avec toute fa Garnifon , 518.
52. 3.
Tfonnonthouans , un des cinq Can¬
tons Iroquois. Sa defeription: ce qu’il
a de particulier, 271. Les Tfonnon^
thouans font des hoftilités contre les.
Hurons, 284. Des Huions Captifs
en difpofent plufleurs à fe faire Chré¬
tiens ,334. Ils demandent la paix , 8c
que les François falfertun ErablilTè-
ment chez eux , 353, Ils font deman-
table
661
der la paix à M. de Tracy, 381. Iis de¬
mandent un Millionnaire, 8c on leur
accorde le PereFremin ; 402. Ils atta¬
quent les Ponteouatamis , 433. Ce
qu'ils répondent à ce que leur avoir
fait dire M. de Courcelles à ce fujet,
434. Un Capitaine Tfonnonthouan
eft tué par un Illinois , 8c ce qui en
arrive. On eft d’avis de commencer
la guerre par eux , 572. M. delà Barre
veut détruire ce Canton , 8c pour¬
quoi. Ce qu’il peut mettre d’Hommes
en Campagne avec celui de Goyo-
gouin , 484. M. de la Barre fe refoutà
marcher contre les Tfonnonthouans,
486, Ils tuent vintfix Anglois du Ma-
riland, 489. Fierté de leur Député à
la Conférence tenue pour la paix à
l’Anfe de la Famine , 493. Iis fe dé¬
fient des François 3 fujet, que ceux-
ci ont de fe défier d’eux , 493. Ils
avoient donné parole d’envoyer des
Députés à M. de la Barre , 496. Ils at¬
tirent les Anglois à Niagara , 498. Ils
favorifent leur commerce avec nos
Alliés. M. deDénonvillefedétermine
à leur faire la guerre , 502. Ils mar¬
chent contre les Illinois, 8c ce qui
les oblige à rebroufter chemin , 512-
13. Expédition de M. de Dénonville
contr’eux >513* & faiv- Ils furpren-
nent l'Armée Françoifej ils font re¬
pou lies & leur Canton ravagé : M.de
Dénonville en prend poiïeffion par
droit de conquête , $ 16. & faiv. Né¬
gociation des Outaouais avec eux ,
S67-
Turnell , Capitaine Anglois, rame¬
né en Europe trois Jefuites , 8c les
traite fort mal. Comment ils s’en ven¬
gent aux Açorres ,138. & en Angle¬
terre. Il fait leur éloge , _ 139.
Turfis (le P. Charles JJefuite, meutt
de fatigues dans l’Ifle Mifcou , 222.
V
TTAILLANT. Le P. François
V Vaillant de Gueflis , Jefuite , eft
envoyé par M. de Dénonville au Gou¬
verneur de la Nouvelle York. Suc¬
cès de fa Députation. Ce Gouverneur
ne lui permet pas d’exécuter l’ordre ;
qu’il avoir de vifiter le Canton d’Ag-
nier , 525. Il arrive à Catarocoui ,
526.
Fitldez, ( Dom Pedro ) Meftre de
Camp, & Gendre de Dom Pedro Me-
nendez , eftde l’avis de ce Général de
brufquer l’attaque des François. Il eft
envoyé dans la Riviere des Dauphins
pour prendre langue des Sauvages »
66. Il eft commandé pour l’attaque de
la Caroline , 73 . 7 5 . Il eft d’avis d’at¬
taquer ce Fort , 7 6. Il fait un Prifon-
nier, 8c le tue ,77. Ordres 3 qu’il re¬
çoit de fon Général , 89. 92.
Fœlliere ( M. de la ) eft attaqué dans
Pille de Cap Breton par les Anglois ,
388. Il ne peut empêcher les Habi-
tans du Port Royal , où il comman-
doit , de fe rendre aux Anglois ,463.
falrenes ( M. de ) Commandant à
Catarocouy , a ordre d’évacuer 8c de
ruiner ce Pofte , 5 y 1 . Comment il 1 e-
xécute. Il arrive à Montreal > y f 2.
Vaffcür ( Michel 8c Thomas le ) Frè¬
res , habiles Pilotes , conduifent M.
de Laudonniere en Floride, 3 6. Ce
qui arrive à l’un des deux dans un Vil¬
lage de ce Pays , 42. Un des deux eft
envoyé vers un Chef de la Floride,
fes inftruétions , 4 6. 47. Les Mutins
de la Caroline obligent un des deux a
leur livrer fon Pavillon , jo. Un des
deux ravitaille la Caroline , $7. Mi¬
chel le Vafièur eft envoyé par M. de
Ribaut , félon la Relation des Fran¬
çois , pour ob fer ver en quel etat etoit
la Caroline : il reconnoît quelle eft
occupée par les Efpagnols , 83.
Vaudreuil( le Chevalier de) arrive
à Quebec en qualité de Commandant
des Troupes. Il accompagne M. de
Dénonville dans l’Expédition contre
les Tfonnonthouans , 5 ! 4. Il conduit
un Convoi à Catarocouy, 529. Il eft
deftiné à commander dans la Colonie
pendant l’Expédition de la Nouvelle
York , 546*
Velafco , Capitaine Efpagnol > que
Vincent le Blanc prétend être le prer
DES MATIERES.
mier , qui ait remonté le Fleuve S.
Laurent , ' 4.
Ventadour ( Henry de Levi , Duc
de) Ce fait Prêtre: ce qui l’engage à
acheter la Vice-Royauté de la Nou¬
velle France. Il y fait envoyer des Je-
fuites, 159. Il réprimandé Guillaume
de Caen , qui en ufoit mal avec ces
Peres , 1 60. Il remet fa Charge au Roy,
16 5.
Verazani ( Jean J Florentin. En quel
te ms il fait fon premier voyage en
Amérique , 5. Son fécond & fon
troifiéme voyage , & ce qui lui arrive
dans le dernier , 6. 7. Il s'embarque
de nouveau , <Scon n’a pas fçu ce qu’il
étoit devenu, 7. 8. Ses prifes de pof-
felîlon des Pays , qu’il avoir décou¬
verts. CequeDom André Gonzalèsde
Barcia en a dit , 9. Voyez la Lifte ôc
l’Examen des Auteurs.
V erdier ( Nicolas ) Capitaine d’un
Navire de FEfcadre.de M. deRibaur,
eft envoyé , félon la Relation des
François, au Gouverneur deSan Ma-
theo , pour traiter avec lui , & la ré-
ponfe, qu’il en reçoit, 84.
Verneuil ( Madame la Marquife de)
fes libéralités envers les Millionnaires
del’Acadie, 123.
Ferole. La petite verole fait de grands
ravages parmi les Iroquois, 370. Tou¬
te la Bourgade de Sylleri en meurr ,
428. _
Viel ( le P. Nicolas) Recoller, va
aux Huions, 1 58. Il Ce noyé en reve¬
nant à Quebec. A qui on attribue ce
malheur , 160.
V'ieuxçont (\e P. Alexandre de, ) Je-
fuite, fait naufrage, & Ce retire à Fille
de Cap Breton, 167.
F'igne ( le Sieur de la ) Gentilhom¬
me François , eft laide à la garde de la
Caroline ,71. Il contribue , fans le
vouloir , à la furprife de cette Place ,
77-
Vignol fMQEcclefiaftiquedeMont-
real eft tué par les Onnontagués, 355.
Villebon ( M. de ) Qui il étoit : il ac¬
compagne M. de la Barre dans fon
66 3
Expédition contre les Iroquois , 490.
Villaroél ( Gonzalo de) Sergent Ma¬
jor en Floride , fe diftingue à la prife
de la Caroline ,73.^ fuiv. Il eft fait
Gouverneur de cette Place, 82. Com¬
ment il traite-les François , félon la
Relation de ceux-ci , 84. 85.
Villcgagnon { Nicolas Durand de)
Chevalier de l’Ordre de S. Jean de
Jerufalem, & Vice-Amiral de Breta¬
gne ; fon Expédition au Brefil : il ren¬
tre dans l’Eglife Romaine , &c retour¬
ne en France , 23.
Piller ay fie Sieur de ) Conleillerau
Confeil Supérieur de la Nouvelle
France : M.deMéfyle fait embarquer
pour France , fans aucune forme de
Juftice, Il porte fes plaintes à la Cour,
& il en eft écouté, 377.
Vimonâ ( le P. Barthelemi ) Jefuite,
eft nommé Supérieur Général des
Millions de la Nouvelle France, & y
conduit une Recrue de Millionnaires,
des Urfulines des Hofpitalieres ,
207. Il inftruit un Chef Algonquin ,
& le baptife, 253-54. Il ailifte à l’Au¬
dience publique, donnée par M. de
Montmagny aux Députés Iroquois ,
263. Il regale ces Députés , 266. Il
conduit en Canada un nouveau ren¬
fort de Millionnaires , & reçoit les
Vœux de la Mere de S. Auguftin, 401.
Vitclleski ( le P. Mutio ) Général des
Jeluites , accepte la fondation du Col¬
lege de Quebec , 197.
V oyageurs. Pourquoi ils ne font pas
exaéts fur les noms propres ,15. Con¬
dition fâcheufe des Voyageurs , 1 56.
Urfulines. On parle de les établir en
Canada , 204. Quel étoit en cela le
delïein des Jefuites , 206. Quelle fur
leur Fondatrice , 207. Leur arrivée a
Quebec réception , qu’on leur fit :
leur ferveur à la vûë des Sauvages : in¬
commodités, qu’elles ont à fouffrir :
leur courage, 208. La petite verole fe
met dans leur Séminaire ; leur chari¬
té , 209. En quoi elles font utiles à la
Nouvelle France , ôc pourquoi elles
ne prennent plus de Penfionnaires
o^-nzA
664 T,AB
Sauvages, 544. Elles font obligées de
forcir de leur Monaftere pendant la
nuir, parce qu’elles n’y font pas en
fûrecé contre les Iroquois , 397.
X
’\7'IMENEZ ( François ) prétend
avoir rendu potable de. l’eau pref-
qu’aulli Talée que celle de la Mer, en
y fai Tant tremper du SalTafras , 30.
Y
T A GU AN A , ancienne Ville de
l’Ifle Efpagnole ; les Mutins de la
Floride font delfein de la piller , 50.
t Yendat, véritable nom des Hurons,
183.
York. . Nouvelle York. , auparavant/^
Nouvelle Belgique , conquife par les
Anglois fur les Hollandois , & con-
L E
cedée par le Roy d’Angleterre auDuc
d’York, TonFrere, 143. 375. &\fuiv .
Avantage , que les Iroquois trou-
voientà commercer avec la Nouvelle
York , 483. Projet de M. de Callie-
res pour la conquête de cette Provin¬
ce . 54 t. & fuiv . Ce qu’on dévoie faire
après qu’elle feroitconquife , 34 6. Ce
qui fie manquer cette Entreprife ,
547. fuiv. Nouveau plan de cette
conquête, de pourquoi il ne fur point
fuivi ,533. M. de Dénonvilleeft d’a¬
vis , fi on veut la conquérir , qu’on la
ruine jufqu’à Orange, 561.
fANI. Les deux Freres Zani,
j Nobles Vénitiens, Leur imagi¬
nation fur l’Eftotiland , 3.
Fin de la Table des Matières.
Fautes à corriger dans ce Volume*
P Age
■ P rJtr r.
_ 2 8 . ligne 38. le Loutre , lifez la Loutrey
Page 3 6. ligne 16. Pilote, lifez Pilotes.
Page 98. ligne 22. ces difeours » lifêz ce difcoul'Si
F âge 109, ligne 3. autoritez , lifez autorité.
F âge 1 10. ligne 3 . des peaux , lifez de peaux.
F âge 11 5. ligne z, Gaparot , lifez Gafparot.
Fage 116. ligne z'j. Etchemins , lifez Ltechemins.
Page 137. ligne z. Lames , lifez La mets.
Fage i6i, ligne 18. quelle jugerait , lifez qu’ils jugeraient.
Fage 1 6 9. ligne 12. embarquer , otez ce mot.
JL A vy • ff V A • VUlL/aiLjUVJ. -y WM'Av *•' ^ i > rv •
Fage 174. ligne 1 6. avant que d’avoir découvert les deux Indes , lifez avant la découverte
des deux Indes.
Fage 186. ligne iz. qui forme * lifez que forme.
Fage 1 14. ligne 3. ou on ne le ménagera plus , lifez SC on ne les ménagea plus»
Page 22 j, ligne 29. defeendit , lifez monta.
Fage 165. ligne zo. & il leur donna , lifez de leur donner.
Fage 270. ligne 33. Onnantagué , lifez Onnontagué. Là-même Tfonnouthouan JifezFCon*
nonthouan.
Fage joî. ligne 13. fur laquelle , lifez fur lefquelles,
Fage 307. ligne z 6. la fatisfaire , hjez le fatisfaire..
Page 308. ligne 6. Parti , lifes Pofte.
Fage 3 1 6. ligne 1 j. fans faire , lifez de faire.
Fage 341. ligne 1. fiftême alors , lifez fiftême d’alors.
Page 371. ligne 1 o. des chicanes , lifez de la chicane.
Fage 401. ligne 23. le nouveau renfort , lifez un nouveau renfort»
Page 444. dans la Note Onoario , lifez Ontario.
Page 445. auchifre 454. lifez 445.
Page 448. ligne 31, fubfiftance , lifez, fubftance.,
. t ■ 1 W
;
' k
£74-4
C47 9££
V, I